maçon - Magazine Racines

Magazine Racines, le temps de vivre près de chez vous
Par
Dominique Billaud
“Ils sont
francs-maçons”
R epères
Obédience (ou Ordre) : fédération de loges acceptant une direction
et des principes communs. En France,
toutes les obédiences sont régies par
la loi sur les associations de 1901.
Leurs statuts et la liste des responsables des loges sont donc publics, et
déposés en préfecture.
Loge (ou atelier) : structure de
base réunissant un certain nombre de
frères et présidée par un “Vénérable
Maître” assisté de deux surveillants et
de divers officiers. Le travail collectif y
est très organisé et hiérarchisé.
Temple : il est symboliquement
orienté est-ouest. L’entrée se situe à
l’Occident, le siège du Vénérable se
trouve à l’Orient, les apprentis au
Nord, les compagnons au Midi. À
Angers, dix Loges, de cinq obédiences
se partagent plusieurs temples (mais
pas les mêmes travaux), dans deux
immeubles on ne peut plus anonymes.
Compas : associé à l’équerre
(emblème de rectitude et de droiture)
et au “Volume de la Sainte Loi” (la
Bible). Il symbolise l’esprit et son emprise sur la matière ; il combine le cercle
(infini) et le point (symbole du début
de toute manifestation).
Vénérable : frère élu parmi les
maîtres pour diriger la loge pour une
durée d’un an renouvelable une, deux
ou trois fois selon les obédiences.
Le 21 octobre, au moins 200 Francs-maçon
Maine-Atlantique(1) se retrouveront en assemblé e
Mais qui sont ces hommes et femmes que l' o
(1)
Pour la Grande Loge Na
Du côté de la Vendée
“C’est une conviction comme une autre”
V
oilà dix ans que Charlotte(1)
est franc-maçonne à la
Grande loge mixte de France(2). “Une jeune franc-maçonne”,
se définit cette Vendéenne de 54 ans.
Une façon de dire que d’autres sont
depuis plus longtemps qu’elle dans
cet univers où le questionnement
semble inépuisable. C'est un ami qui
lui a proposé d'intégrer son obédience. “Nous avons toujours eu
ensemble des discussions riches et
concernant beaucoup de sujets: politique, environnement… Mais j'ignorais qu'il était franc-maçon.” Surprise,
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choquée? “Non… j'avais lu plusieurs
ouvrages sur le sujet. C'est une conviction comme une autre. Elle vous
appartient. Libre à chacun de la
dévoiler, d'y adhérer ou non”, explique Charlotte. Après avoir longuement réfléchi, elle acceptera cette
découverte, “pour aller vers l'autre,
confronter des idées”.
Aujourd'hui, Charlotte décrit son
appartenance comme “un cercle de
réflexion qui a enrichi sa vie, l'a
aidée à écouter et comprendre”.
“J'y côtoie des personnes très différentes, d'opinions qui ne sont pas
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Suite de l’interview…
Jacques Buchet,
Grand Maître de la Grande Loge
Nationale Française pour la province Maine-Atlantique
Les non-initiés ont sou-
s”
çons de la “Province”
é e générale à Angers.
l' on dit si secrets ?
a
tionale Française : cinq départements des Pays de la Loire.
forcément les miennes, de toutes les
catégories sociales et avec qui je
n'aurais jamais eu l'occasion
d'échanger”, poursuit-elle. “On est
à l'opposé des préjugés que l'on
peut avoir sur la Franc-Maçonnerie
ternie par les scandales et la polémique”. Comme la plupart de ses
Frères et Sœurs, Charlotte n'avoue
pas ouvertement son identité. Elle
ne s'en cache pas non plus, “la preuve j'en parle avec vous”. Mais la discrétion est préférable. Aussi parce
que “les gens libres de leurs pensées font parfois peur et dérangent”.
Dans son entourage, certains comprennent, d'autres y sont indifférents
ou ignorent son choix. “Mais ça n'a
pas vraiment d'importance…”
C.B.
(1) Prénom d’emprunt.
(2) Deux loges en Vendée : Les Sablesd’Olonne, La Roche-sur-Yon.
vent du mal à définir ce qu'est
la Franc-Maçonnerie. Où vous
situez-vous, entre la secte et
l'école de pensée ?
Je ne vous parlerai que de ce que
je connais le mieux depuis plus de
trente ans : la Grande Loge Nationale Française qui, seule, représente en France la Franc-Maçonnerie
de tradition, reconnue comme régulière dans près de 200 pays. C'est
tout le contraire d'une secte. D'abord
parce qu'il est plus difficile d’y entrer
que d’en sortir ; ensuite parce qu'à
tous les niveaux, les chefs de l’Ordre sont élus, et pas autoproclamés.
Enfin parce que la Franc-Maçonnerie ne propose pas à ses membres
un “kit” élaboré de “prêt à penser”.
Il n’y a chez nous ni gourou, ni maître spirituel. Alors, à votre terme
“école DE pensée” je préfère “école
À penser”. Dans ce sens, chaque
membre réapprend à organiser ses
recherches, structurer ses convictions, se forger des opinions, sans
jamais oublier de les passer au
tamis de la critique.
Qui frappe à vos portes ?
Quelles qualités sont requises?
La recherche des qualités requises pour être franc-maçon passe
toujours par les mêmes qualificatifs : loyal, intègre, vertueux, fidèle,
honnête, travailleur, de bonne
renommée… L'essentiel est que le
candidat – un homme en recherche non corseté de certitudes – ait
connaissance de notre règle et s’y
soumette. Je peux la résumer
comme suit : l’Ordre prescrit de
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Il n’y a
chez nous
ni gourou, ni
maître spirituel.
n’admettre que des hommes croyant
en Dieu, libres, c’est-à-dire responsables de leurs pensées et de leurs
actes, s’engageant dans cette fraternité initiatique pour y pratiquer,
dans nos temples comme à l’extérieur, un idéal de paix, d’amour et
de tolérance.
Quels sont les serments
qui vous lient entre “Frères” ?
Le serment est la promesse solennelle par laquelle le franc-maçon
s’engage à respecter les règlements
de l’Ordre. Il constitue un lien invisible mais fort qui scelle leur union
sur toute la surface du globe. Parmi
ces engagements, il y a le devoir
d’entraide et d’assistance entre ses
membres, et plus largement de
bienfaisance envers tous les hommes. À la GLNF, nous avons coutume de dire que les maçons “se
doivent mutuellement, dans l’honneur, aide et protection fraternelle
octobre 2006
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même au péril de leur vie”. Le mot le
plus important est “dans l’honneur”.
On ne trouve
pas les
adresses de vos “temples”
dans l’annuaire… Vos rituels
sont-ils si secrets ?
Le Temple est le lieu où le groupe des Frères s’assemble rituellement afin d’accomplir le travail
initiatique. On comprend que seuls
des maçons initiés aux rites et symboles pratiqués puissent y être
admis. Quant à nos rituels, si nous
étions une Église (ce qui n’est pas
le cas), j’emploierais, par analogie,
le terme de liturgie. Les rituels
maçonniques sont constitués d’un
ensemble de mots et gestes tendant
à créer un espace et un temps spé-
cifiques, ainsi que l’harmonie entre les participants.
C’est en ce sens qu’on peut
dire que le rituel se vit,
s’éprouve, se ressent, plus
qu’il ne peut se raconter.
Quelle part la spiritualité prend-elle au
sein de vos ateliers ?
Majeure, dans notre obédience. Nous disons volontiers
que nous construisons dans le
silence notre “temple intérieur”
à l’image du modèle de tous
les temples: celui de Salomon,
à Jérusalem, archétype que
nous n’atteindrons jamais.
Cependant la Maçonnerie n’est pas une religion.
Il y a
le devoir
d’entraide
et d’assistance
entre les
membres.
Elle n'a ni dogmes, ni prétentions rédemptrices et salvatrices. La spiritualité
maçonnique n’exclut pas
non plus le recours à la raison discursive. Le maçon
n’est pas un mystique : son
action de transformation
intérieure l’aide à contribuer
à façonner le monde qui
l’entoure, parce que tous les
hommes l’intéressent.
La Franc-Maçonnerie
Régulière est un lieu privilégié où la spiritualité peut
s’éveiller et s’épanouir. La
loge est comme un creuset
où chacun peut mieux se
connaître, se transformer et
s’accomplir.
Du côté de l’Anjou
“La Franc-Maçonnerie m’a appris à douter”
"I
l n'y a pas de "secret" maçonnique, sauf…” Christian, 52
ans, est angevin et franc-maçon.
Pas de nom, pas de photo, et l'on
ne révélera pas sa profession. Pourquoi une telle discrétion ? “Cette
appartenance, rendue publique, me
vaudrait, j'en suis sûr, une perte
sèche de clientèle. La Franc-Maçonnerie véhicule encore tant de clichés, de bobards, de fantasmes. Et
puis c'est mon jardin secret. Disons
que je n'ai pas envie d'en discourir
à tout bout de champ avec tout le
monde”.
"Un travail sur soi"
“Ce n'est pas que nous voulons
cacher de prétendus savoirs, mais
simplement parce que le vrai "secret"
est celui d'une initiation, d'une quête
très personnelle. Le résultat d'un tra-
vail sur soi”, explique ce quinquagénaire élevé depuis peu au grade
de Maître. Deux “vrais” secrets, tout
de même : “chaque franc-maçon
est libre de révéler son appartenance à qui bon lui semble, mais il lui
est interdit de révéler l’identité d’un
autre frère sans son consentement”.
Et avant de se séparer, leurs travaux terminés, les membres d'une
loge (ou “atelier”) “font le serment
de ne pas divulguer le contenu de
leurs travaux”.
Christian vit la Franc-Maçonnerie comme un engagement intime
et profond. “C'est un travail, un
devoir, et en même temps, pour
moi, une méthode qui ouvre un
espace de liberté sans bornes. La
Franc-Maçonnerie m'a appris à
réfléchir et à douter. Le vrai secret
est au cœur de chacun. Pour en
comprendre le sens profond, il faut
avoir vécu ces moments… en
somme, être franc-maçon soi-
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même !”, sourit-il. “Aux rayons des
libraires, il existe des centaines de
livres sur la Franc-Maçonnerie. On
peut y trouver tout : les symboles,
les codes, des fragments de rituels.
C'est tout et ce n'est rien. C'est un
peu comme si vous aviez lu tous
les livres consacrés aux pèlerins
de Compostelle, comme si vous
connaissiez toutes les cartes de
tous les chemins qui y mènent…
alors que tout ce qui compte, au
fond, c'est votre premier pas sur
le chemin. Ce pas, personne ne le
fera à votre place. La démarche
est progressive, graduelle, très intime, et par nature inexprimable,
incommunicable, comme toute initiation”.
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Maçonnique, le dollar ?
EennMaine-et-Loire
Vendée et
CINQ
C’
est ceint de son tablier de
franc-maçon que Georges Washington, premier
président des États-Unis, père de
l’indépendance et devenu “Vénérable Maître” de sa Loge, avait
posé la première pierre du Capitole en 1793, quarante et un an
après son initiation. Sur le plus
célèbre billet du monde – le one
dollar –, plusieurs symboles sont
maçonniques. À commencer par
la pyramide tronquée au sommet
de laquelle apparaissent un triangle, une lumière jaillissante et un
œil. Les francs-maçons peuvent y
voir celui qui apparaît dans le
“delta lumineux”, à l’Orient, derrière et au-dessus du Vénérable
Maître de la loge.
Des francs-maçons dans l’Histoire
D
e nombreux personnages célèbres ont été francs-maçons
parmi lequel Richelieu, Montesquieu, Littré (dictionnaire de la langue française), Goethe et Voltaire
(l’année de sa mort), David d'Angers, Talleyrand, Frédéric II (roi de
Prusse), et Casanova (le séducteur),
Washington et le marquis de La
Fayette, Gustave Eiffel et Benjamin
Franklin (le paratonnerre), Louis
Bonaparte, Victor Schoelcher (décret
d’abolition de l’esclavage) et Henri
Dunant (le fondateur de la Croix
Rouge), Rudyard Kipling (le Livre
de la jungle), Winston Churchill et Roosevelt, Mendès-France,
Ho Chi Minh, Arago,
Condorcet et Jules
Ferry, Harry Baur et
Pierre Dac, Mozart,
Haydn, Flemming (la
pénicilline), Pierre Brossolette (héros de la Résistance qui
se défenestra pour ne pas livrer de
noms sous la torture), Henry Ford
et Walt Disney, Conan Doyle (le père
de Sherlock Holmes), André Citroën,
Salvador Allende…
Pour aller plus loin
• Histoire de la Franc-Maçonnerie, par Roger Dachez (PUF Que sais-je).
• La GLNF, de Jean Murat (PUF Coll. Que sais-je ? N° 3742).
• La face cachée des Frères invisibles, par Hervé Vigier, éditions Dervy.
• L’influence de Saint Jean dans la Franc-Maçonnerie, par
Hervé Dannagh, éditions Dervy.
• La symbolique maçonnique du 3e millénaire, par Irène Mainguy.
(Éd. Dervy).
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GRANDES OBÉDIENCES
:
• Grande Loge Nationale Française (GLNF) née en 1913, d’une scission
avec le GODF. Masculine. Croyance obligatoire en un Dieu (“Grand Architecte de
l’Univers”) et en sa volonté révélée (Bible,
Torah ou Coran). 36 000 frères. Grand
Maître : Jean-Charles Foellner.
Neuf loges (six à Angers, deux à Saumur, une à Cholet) et 185 Frères en Maineet-Loire ; quatre Loges (Fontenay-le-Comte,
La Roche sur-Yon, Noirmoutier) et 100 Frères en Vendée. Contact pour la Province
Maine-Atlantique : CPN/GLPMA, 1 bis rue
des Saulraies, 44470 Mauves-sur-Loire.
[email protected] www.glnf.fr courriel.
• Grand Orient de France (GODF
ou GO) né en 1728 (forme actuelle en
1773). Masculine, adogmatique. Accueille croyants et non croyants. Travail initiative et de “réflexion sur les évolutions de la
société française”. 45 000 frères. Grand
Maître : Jean-Michel Quillardet.
Quatre loges en Maine-et-Loire (deux
à Angers, une à Cholet, une à Saumur) ;
deux loges en Vendée (La Roche-sur-Yon
et Fontenay-le-Comte). www.godf.org
• Grande Loge Féminine de France (GLFF) née en 1945. Féminine. Adogmatique, c’est l’obédience féminine la plus
importante au monde. 350 loges et 11 700
Sœurs (+ 5% en cinq ans).
61 sœurs dans trois loges en Maineet-Loire (deux à Angers, une à Saumur),
24 sœurs en une Loge en Vendée (la
Roche-sur-Yon). GLFF, 60 rue de Vitruve,
75020, Paris. [email protected]
• Grande Loge de France (GLDF ou
GLF) née en 1894. Masculine. Référence
obligatoire au Grand Architecte de l’Univers. Effectif non communiqué. Grand Maître : Alain Pozarnik. GLF, 8 rue Puteaux
75017 Paris. www.gdlf.org.
• Fédération du Droit Humain (FFDH
ou DH) née en 1893. Mixte (60% de femmes). Travaille “au progrès de l'humanité
et/ou à la gloire du grand architecte de l'univers”. 15 000 frères et sœurs dans 540 loges
en France. www.droithumain-France.org
(Liste non exhaustive)
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