diagnostic et suivi des infections urinaires le bon usage de l`examen

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diagnostic et suivi des infections urinaires le bon usage de l`examen
MIC Néphrologie – Item 93
Année Universitaire 2006 - 2007
DIAGNOSTIC ET SUIVI DES INFECTIONS URINAIRES
LE BON USAGE DE L’EXAMEN CYTO-BACTERIOLOGIQUE
DES URINES
1,
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Dr Hélène Darbas, Dr Hélène Marchandin Dr Nathalie Bourgeois et Dr Sylvie Michaux-Charachon
1
Laboratoire de Bactériologie - CHU de Montpellier
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Laboratoire de Parasitologie - CHU de Nîmes
3
Laboratoire de Bactériologie - CHU de Nîmes
Item ENC
N° 93 - Infections urinaires de l’enfant et de l’adulte. Leucocyturie. - Diagnostiquer une infection urinaire chez le
nourrisson, l’enfant et l’adulte. - Argumenter l’attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.
OBJECTIFS
• Savoir indiquer aux patients les conditions du recueil d’urines propres à l’analyse cytobactériologique et à une
interprétation fiable de l’ECBU,
• Connaître les différents paramètres cytobactériologiques de l’infection urinaire ainsi que les limites de chacun d’entre
eux,
• Savoir distinguer une urine contaminée d’une urine infectée afin d’éviter tout traitement inutile.
1
INTRODUCTION
L’examen cytobactériologique des urines (ECBU) est l’examen le plus demandé en pratique médicale de ville. Il autorise
le diagnostic de certitude d’une infection urinaire, en isole le microorganisme responsable (bactérie ou levure) et permet
de déterminer la sensibilité de la ou des bactéries isolées aux antibiotiques (antibiogramme).
En théorie, son interprétation est facile puisque l’urine est normalement stérile mais, en pratique, il n’est pas rare qu’un
manque de rigueur dans les différentes étapes de sa réalisation (du prélèvement à la lecture interprétative de
l’antibiogramme) aboutisse à des résultats de « qualité moyenne » et donc, moins fiables.
2
2.1
DIAGNOSTIC BACTERIOLOGIQUE DE L’IU
PRELEVEMENT OU RECUEIL DE L’URINE
C’est une étape primordiale qui conditionne la qualité des résultats. Il peut se dérouler au laboratoire ou à domicile,
l’essentiel étant de bien expliquer aux patients les conditions à respecter.
Il doit se faire dans des conditions d’asepsie rigoureuses car :
- si l’urine vésicale et l’urine sus-vésicale sont stériles en l’absence d’infection, il n’en est pas de même pour la portion
distale de l’urètre, le méat urinaire et le périnée. Au niveau du méat urétral et du périnée, on retrouve une flore
commensale cutanée (staphylocoques à coagulase négative (SCN), corynébactéries) et une colonisation par les
bactéries du tube digestif (Escherichia coli, Klebsiella, Proteus, entérocoque). La portion distale de l’urètre (les 2 derniers
cm) est le siège d’une flore constituée de SCN, corynébactéries, streptocoques, Proteus, entérocoque.
Il en résulte quelque difficulté à recueillir des urines sans contamination par cette flore commensale.
- lors d’une infection urinaire, les bactéries se multiplient dans l’urine (environ 1 division toutes les 45 min). En 3-4
heures, on atteint 104 bactéries/ml. Cette quantité n’est jamais atteinte par une bactérie contaminant l'urine au moment
du recueil, mais peut l’être si l’urine demeure plusieurs heures à température ambiante avant d’être analysée (ou pire à
l’étuve).
Les urines doivent être techniquées et donc acheminées le plus rapidement possible au laboratoire ou conservées à +
4°C au maximum 4h.
1
Janvier 2007
Dr H. Darbas, H. Marchandin, N. Bourgeois et S. Charachon
Faculté de Montpellier - Nîmes
MIC Néphrologie – Item 93
2.1.1
Année Universitaire 2006 - 2007
Cas général : adulte non sondé coopératif
2.1.1.1 Quand ?
L’urine est recueillie au mieux le matin (surtout pour les bactériuries asymptomatiques et les contrôles après traitement),
sinon à n’importe quel moment de la journée (cystite aiguë, pyélonéphrite aiguë, prostatite aiguë), si possible en
l’absence de miction depuis 3h (condition ayant plus de chance d’être remplie le matin), avant antibiothérapie (ou 48h
après l’arrêt du traitement pour les ECBU de contrôle).
2.1.1.2 Comment ?
- Après toilette soigneuse à l’eau et au savon, préférables aux antiseptiques comme le Dakin, surtout si le
prélèvement est effectué au domicile (l’ouverture depuis un certain temps des antiseptiques, le dépassement de la date
de péremption rendant leur efficacité douteuse), suivie d’un rinçage au sérum physiologique ou à l’eau afin que des
traces de savon ou d’antiseptiques ne soient pas entraînées par le jet d’urine.
L’homme nettoie la verge et le gland en relevant le prépuce, la femme nettoie les petites, les grandes lèvres et
la vulve (en allant du méat urinaire vers l’anus). En cas de pertes vaginales, même banales, il faut mettre une protection
vaginale (un tampon hygiénique ou une compresse).
- Le patient élimine le premier jet urinaire (10 à 50 ml et non pas quelques gouttes) afin de laver l’urètre
antérieur et de le débarrasser de sa flore commensale.
- Il recueille le milieu de la miction (2ème jet) dans un pot stérile ouvert juste avant le recueil et refermé juste
après, tenu par l’extérieur : 5 à 20 ml d’urine suffisent.
er
éme
jet souvent, soit est stérile, soit
Cas particulier des prostatites : le recueil de 5 à 10 ml du 1 jet peut être utile car le 2
3
met en évidence une bactériurie non significative (<10 / ml). L’infection urinaire secondaire à l’infection prostatique n’est
pas obligatoire. En cas de rétention d’urine aiguë fébrile, il faut prélever l’échantillon d’urine au moment où on traite la
rétention par cathétérisme sus-pubien de la vessie.
2.1.2
Cas particuliers
2.1.2.1 Nourrisson
On utilise des poches stériles. Choisir le moment le plus favorable à la miction (biberon, soins). Se laver les mains, faire
le soin d’hygiène, se laver à nouveau les mains, procéder à la toilette soigneuse de la peau (un tampon pour chaque
zone, sans aller-retour, suffisamment large, avec du Dakin suivie de rinçage et séchage), avec décalottage du gland si
possible (le phimosis et les adhérences préputiales sont des repaires de bactéries qui souillent les urines). Mettre la
poche avec soin autour des organes génitaux de l’enfant, sans béance. Eviter de recouvrir de couches ce qui augmente
la température du sac et gêne la surveillance. La poche ne doit pas rester en place plus de 30mn à cause du risque de
contamination par les selles, au-delà, il faut l’enlever, refaire une toilette et replacer une poche neuve. Les urines sont
recueillies dès l’émission. Transvaser l’urine dans un pot stérile.
2.1.2.2 Homme incontinent
On utilise un collecteur pénien. Mêmes remarques (toilette et durée de mise en place que pour les poches stériles).
2.1.2.3 Femme (si miction impossible)
Le sondage vésical doit demeurer exceptionnel (handicaps neurologiques, articulaire, etc.)
2.1.2.4 Sujet sondé à demeure (sonde urétrale, vésicale, urétérale, pyélique)
Ne jamais prélever dans le sac collecteur car à température ambiante, les germes s’y multiplient.
Quand on le peut, il faut profiter du changement de sonde pour recueillir l’échantillon d’urine à partir de la sonde
« neuve », ceci afin d’éviter les germes présents sur les parois intérieures de la « vieille » sonde, lieu de dépôts de
sédiments urinaires, notamment calciques, colonisés par des bactéries différentes de celles qui sont présentes dans
l’urine.
Il faut éviter de découpler sonde et collecteur si l’on ne pratique pas le sondage vésical clos. Clamper la tubulure du
collecteur sous le site de prélèvement pendant 15 min (ou plus pour les bandelettes) avant le recueil.
Aseptiser l’opercule du site de prélèvement avec un carré d’ouate de cellulose imprégné d’alcool iodé.
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Prélever à la seringue 20 ml d’urine (aiguille 0,7 mm) et transvaser dans un pot stérile. Déclamper la tubulure et vérifier
le bon écoulement de l’urine.
2.1.2.5 Dérivation cutanée (Bricker, Koch) des voies urinaires par un segment intestinal
(iléon, sigmoïde).
Le sondage de l’anse (sonde droite de Charrière 12) est préférable au recueil direct de l’urine car il évite la
contamination par la flore de la portion externe de l’intestin (essentiellement Proteus et staphylocoques).
2.1.2.6 Gestes spécialisés
- Ponction sus-pubienne (en cas de miction impossible, parfois chez le nouveau-né ou les nourrissons), alternative peu
utilisée en France.
- Prélèvements par cathétérisme urétéral permettant d’obtenir séparément l’urine du rein droit et du rein gauche.
2.1.2.7 Cas particulier des prélèvements pour recherche de mycobactéries
La recherche doit s’effectuer sur la totalité de la première miction du matin après restriction hydrique, trois jours de suite.
2.2
CONSERVATION ET TRANSPORT DE L’URINE
L’échantillon d’urine peut rester, au maximum, 30 minutes à température ambiante (< 20°C).
Si ces conditions ne peuvent être remplies, il faut conserver l’urine à +4°C, au réfrigérateur (partie la plus froide) et la
transporter dans une boîte isotherme avec de la glace. Savoir qu’après 12h la leucocyturie n’est plus exacte du fait de la
formation d’amas ; la bactériurie elle, demeure identique pendant plusieurs jours.
Il existe des systèmes permettant la conservation de l’urine sans modification (Vacutainer VC et S, tubes boratés).
2.3
DEPISTAGE PAR BANDELETTES REACTIVES
Le dépistage systématique, par une bandelette multiréactive (Multistix® ou Uritest®), d’une infection urinaire qui peut
être asymptomatique est essentiel dans la surveillance d’une grossesse, d’un diabète, d’un sujet âgé, d’un insuffisant
rénal. Un dépistage au lit du malade permet également un tri des urines avant prescription d’un ECBU. Enfin ce
dépistage permet un contrôle de l’efficacité du traitement.
Dans le cadre du dépistage de l’IU, seuls deux paramètres sont retenus :
- la leucocyturie : la plage leucocytes mesure l’activité estérasique des polynucléaires neutrophiles présents dans
l’urine qu’ils soient intacts ou lysés. Son seuil de détection, de l’ordre de 10 leucocytes/µl, permet, en 2mn, de mettre en
évidence une leucocyturie significative,
- la nitriturie : en présence de bactéries possédant une nitrate-réductase, les nitrates normalement présents dans l'urine
sont réduits en nitrites par ces bactéries. Pour être interprétable, ce test doit être pratiqué sur des urines ayant
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séjournées au moins 3h dans la vessie. Son seuil de détection est ajusté à 10 germes/ml.
Sont accessoires :
- la protéinurie, témoin indirect de la présence de protéines bactériennes, de peu de valeur dans l’IU,
- l’hématurie microscopique, témoin indirect de l’inflammation de l’urothélium,
La négativité des deux paramètres leucocytes - nitrites a une excellente valeur prédictive négative (97,5%) c’est-à-dire
que lorsque ces deux paramètres sont négatifs, on a 97,5% de « chances » de ne pas être en présence d’une urine
infectée.
Quand une urine est infectée, on observe, dans près de 90% des cas, la positivité d’au moins un des deux paramètres
précédents. Mais la positivité d’un de ces deux paramètres n’affirme pas l’infection (la valeur prédictive positive du test
est médiocre : 39,7%) et doit conduire à la réalisation d’un ECBU.
2.3.1
Limites du test
Il existe des faux négatifs :
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- IU à faible inoculum microbien (<104/ml),
- bactéries dépourvues de nitrate-réductase : staphylocoque, entérocoque, bacille pyocyanique, Acinetobacter,
Mycobacterium tuberculosis…
- Toutes les entérobactéries réduisent les nitrates en nitrites mais parfois, même avec un inoculum fort (107 germes/ml),
on n’observe pas de virage de la plage nitrites. Ce phénomène pourrait être lié à une faible teneur en nitrates de l’urine
due au régime alimentaire ou à une stase insuffisante de cette urine dans la vessie (cf. infra),
- urines ayant séjourné moins de 3h dans la vessie (temps nécessaire à la réduction des nitrates par les bactéries) par
exemple en cas de pollakiurie, d’incontinence,
- acide ascorbique (> 250 mg/l) pour les nitrites,
- urines trop diluées (diurèse abondante),
- IU sans leucocyturie (diabétique),
- forte glycosurie (> 30g/l) ou protéinurie (> 3g/l) pour les leucocytes.
2.3.2
Réalisation pratique
Mêmes conditions optimales de recueil de l’urine que pour l’ECBU. Récipient propre, bien rincé à l’eau claire sans
antiseptique ni désinfectant, ni conservateur et sec.
L’analyse se fera immédiatement ou au maximum dans l’heure qui suit le recueil, sur des urines à température ambiante
(la plage leucocytes correspond à une réaction enzymatique).
Ne pas toucher les zones réactives de la bandelette, les plonger dans l’urine et les retirer immédiatement en éliminant
l’excès d’urine en tapotant légèrement la tranche de la bandelette sur le bord du récipient.
La tenir horizontale pour éviter toute interférence avec les réactifs des plages voisines.
Lire à l’œil par comparaison à l’échelle colorimétrique en respectant les temps indiqués (2 mn pour la plage leucocytes).
La lecture par appareil (réflectomètre) est possible.
2.4
EXAMEN DE L’URINE
Il doit être immédiat.
2.4.1
Aspect macroscopique
Alors que l’urine normale est claire, d’aspect jaune citrin, l’urine infectée peut être trouble, ictérique, hématique, d’odeur
nauséabonde.
On note parfois la présence de sédiments : blanchâtres (phosphates), rouge brique, (acide urique), roses (urates).
2.4.2
Examen microscopique à l’état frais
Après avoir bien homogénéisé l’échantillon, on dénombre les leucocytes et les hématies en rapportant au ml. A l’état
3
4
normal, l’urine est très pauvre en éléments cellulaires : environ 10 hématies et moins de 10 leucocytes/ml, quelques
cellules de desquamation de la muqueuse. On peut aussi y trouver également des cylindres hyalins et des cristaux.
2.4.2.1 La leucocyturie
En cas d’infection urinaire, les leucocytes sont pratiquement toujours rencontrés en grand nombre (> 104 leucocytes/ml)
car dans ce type d’infection, la multiplication bactérienne s’accompagne d’une mise en œuvre des défenses
immunitaires, d’où une réaction cellulaire qui, dans son aspect le plus intense, se traduit par une leucocyturie très
3
importante, la pyurie. Il convient toutefois d’interpréter prudemment une leucocyturie négative (<10 leucocytes/ml) ou
faiblement positive, notamment chez des patients dont les défenses immunitaires sont affaiblies (nouveau-né de moins
de 3 mois, femme enceinte, …).
2.4.2.2 L’hématurie
Elle est normalement ≤ 104/ml. Selon son intensité, l’hématurie peut être microscopique ou macroscopique. Les
traumatismes, les calculs, les tumeurs siégeant en un point quelconque de l’appareil urinaire, la tuberculose, les troubles
de la coagulation (traitements anticoagulants) peuvent être à l’origine d’hématurie, mais il existe aussi des cystites
hématuriques.
2.4.2.3 Les cellules
Les cellules épithéliales proviennent des tubules rénaux ou des voies excrétrices, leur signification est inconnue.
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2.4.2.4 Les cylindres
Ils représentent les moulages de tubules rénaux éliminés dans les urines. Leur squelette est la protéine physiologique de
Tamm-Horsfall qui constitue le cylindre hyalin, le seul qui ne soit pas pathologique. Dans cette protéine peuvent
s’agréger des hématies, des leucocytes, des globules graisseux qui constituent des cylindres hématiques, granuleux,
graisseux lesquels sont pathologiques.
2.4.2.5 Les cristaux
Ils ne sont pas pathologiques quand ils sont constitués de substances normalement présentes dans l’urine (acide
oxalique, acide urique ou urate, sels de calcium). Seuls les cristaux de phosphate ammoniaco-magnésien ont un intérêt
dans le diagnostic d’une infection urinaire car ils sont en faveur d’une infection par une bactérie uréasique (cf. infra).
2.4.2.6 Les micro-organismes
On notera la présence de bactéries, de levures, de Trichomonas. Un œil exercé voit des bactéries à partir d’une
numération comprise entre 20 000 et 30 000 bactéries/ml.
On réalise alors une coloration de Gram sur un culot de centrifugation et on précise la morphologie et « le Gram » de la
bactérie.
2.5
CULTURE DE L’URINE
Elle comporte simultanément la numération du germe et son isolement.
2.5.1
Dénombrement des bactéries
L’évaluation de la bactériurie peut s’opérer :
- soit par culture quantitative : un volume défini d’urine est ensemencé sur les milieux de culture appropriés ; après
incubation à 37°C, les microorganismes forment des colonies qui sont dénombrées et leur quantité est ramenée au ml
d’urine.
- soit par ensemencement d’un dispositif particulier appelé « lame immergée » ou Uricult®. Il s’agit en fait d’une lame de
plastique revêtue sur chaque face de milieux de culture, en général, un milieu « tout germe » et un milieu sélectif des
bacilles à Gram négatif. La quantité de micro-organismes présents dans l’urine est alors estimée visuellement par
comparaison du nombre de colonies obtenues à une gamme schématique de concentrations microbiennes (<103 à >107
germes /ml).
2.5.2
Ensemencement
L'urine est ensemencée sur milieu(x) solide(s) que l'on incube en atmosphère aérobie. En routine, il n’y a pas de
recherche de bactéries anaérobies dans les urines. Les géloses sont observées après 24 et 48h d’incubation puis
jetées.
2.5.3
Résultat des cultures : microorganismes en cause (Tableau en fin de paragraphe)
2.5.3.1 Les bactéries usuelles
- La pathologie urinaire est dominée par les entérobactéries (bacilles à Gram négatif du tube digestif) et au premier
chef par Escherichia coli que l'infection soit communautaire ou hospitalière. Viennent ensuite, en ville, Klebsiella et
Proteus mirabilis, à l'hôpital, Enterobacter, Serratia, Citrobacter auxquels s'ajoutent d'autres bacilles à Gram négatif
provenant de l'environnement (eau, air), Pseudomonas aeruginosa, Acinetobacter, Stenotrophomonas maltophilia.
- Parmi les cocci à Gram positif, on retrouve surtout Staphylococcus saprophyticus, un SCN reconnu comme le
deuxième agent d'infection urinaire de la femme jeune. D'autres SCN sont responsables d'infection nosocomiale ou de
bactériurie asymptomatique chez le sujet âgé. Fait remarquable, Staphylococcus aureus est assez rarement isolé et
toujours dans un contexte de bactériémie (IU par voie descendante).
Les entérocoques (commensaux du tube digestif) et le streptocoque du groupe B (commensal des voies génitourinaires) peuvent être à l'origine d'infections urinaires mais du fait de leur rôle de commensal et de leur présence
fréquente dans les urines contaminées, leur implication comme agent causal d'IU repose sur leur isolement en culture
pure associé à une leucocyturie et une bactériurie significative.
2.5.3.2 Les bactéries plus rarement rencontrées
- Corynebacterium urealyticum, un bacille à Gram positif de la flore cutanée lipophile, est responsable d'infections
urinaires nosocomiales du sujet âgé, souvent après manœuvre iatrogène. Cette bactérie possède une uréase très
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puissante et des cristaux de phosphate ammoniaco-magnésien sont fréquemment retrouvés à l'examen microscopique
des urines lors d’une IU à C. urealyticum. Ces cristaux peuvent s'incruster dans la muqueuse vésicale et participent à la
pathologie.
- Salmonelles, Haemophilus, lactobacilles, pneumocoque (Streptococcus pneumoniae), Aerococcus urinae.
- Bactéries anaérobies. Elles sont si rarement impliquées dans la pathologie urinaire qu'on ne les recherche jamais dans
le protocole normal de l'ECBU. Leur présence peut être suspectée devant une pneumaturie (émission de gaz à la
miction) ou lorsqu'une radio du bassin ou de l'abdomen met en évidence la présence de gaz dans la vessie.
2.5.3.3 Les levures
Les infections urinaires fongiques surviennent essentiellement chez des patients présentant des facteurs de risque
locaux ou généraux tels que : sonde urinaire, diabète, immuno-dépression, hospitalisation en réanimation…L’origine de
l’infection est la plupart du temps endogène (les levures responsables proviennent du patient lui-même, notamment du
tube digestif) et il s’agit de champignons du genre Candida.
La recherche des Candida s’effectue par un examen mycologique des urines. Les conditions de prélèvement sont
identiques à celles d’un ECBU (toilette soigneuse, élimination du 1er jet, flacon stérile…). Le rendu de résultat a lieu en
48-72H et précise de manière semi-quantitative la quantité de levures présentes (quelques, rares, nombreuses colonies)
et l’identification de l’espèce de Candida (albicans, glabrata…).
La présence de levures dans les urines ne signifie pas toujours qu’il existe une véritable infection urinaire. En effet, la
présence de Candida peut correspondre soit à une colonisation des voies urinaires, soit une réelle infection urinaire,
voire être le signe d’une infection profonde ou disséminée (atteinte du rein par voie hématogène). En fait, dans la plupart
des cas, il s’agit d’une colonisation. Néanmoins, la persistance d’une candidurie peut soit traduire une candidémie soit
être considérée comme facteur favorisant la survenue d'une candidémie.
Au total, la présence de Candida dans les urines :
Nécessite de vérifier la qualité du prélèvement afin d’éliminer une contamination lors du prélèvement par la voie génitale
(candidose génitale) ou digestive (candidose digestive),
Doit être interprétée en fonction du contexte clinique,
Doit être considérée comme un facteur de risque favorisant la survenue de candidémie chez les patients de réanimation,
N’entraîne pas la mise en œuvre systématique d’un traitement.
Etiologies des infections urinaires
Infections urinaires communautaires
Escherichia coli au premier rang : 60-80% toutes formes cliniques confondues
70-95% des cystites aiguës simples
85-90% des pyélonéphrites aiguës simples
Staphylococcus saprophyticus
Proteus spp.
5-10% des cystites simples
5-10% des autres formes
Autres espèces plus rares :
Klebsiella spp.
Enterobacter spp.
Serratia spp.
Enterococcus spp.
Infections urinaires nosocomiales
Plus grande diversité bactérienne, rareté relative des bactéries précédentes, grande fréquence des bactéries
hospitalières, notamment des bactéries multirésistantes Escherichia coli (36%), Candida spp. (10%), Pseudomonas
aeruginosa (7%), Enterobacter spp. (4%), Acinetobacter spp. (2%)
2.6
INTERPRETATION DE L’ECBU
Les résultats de l'ECBU doivent être interprétés dans chaque cas en fonction du patient, des renseignements cliniques,
de l’examen direct de l’urine, du caractère mono- ou pluri-microbien des cultures et de la nature du germe.
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Leucocyturie > 104 et bactériurie > 105 :
- Une bactérie isolée → IU certaine
- Deux bactéries isolées en quantités égales, sans prédominance :
* s’assurer des conditions de recueil et de transport
* le patient est-il sondé ?
* existe-t-il une fistule colo-vésicale ?
si doute, refaire ECBU et si on obtient des résultats identiques → IU à 2 germes.
Leucocyturie > 104 et bactériurie 104 - 105 :
- Une bactérie isolée : la bactériurie peut être faible en cas :
* de prostatite,
* de cystite débutante,
* d’infection à Pseudomonas aeruginosa ou à Staphylococcus dont les colonies s’agglomèrent et sont sousestimées en nombre,
* de prélèvement effectué moins de 3h après la miction (nourrisson notamment car le délai de 3h n'est jamais
respecté),
* de diurèse abondante ou présence d’une sonde urinaire (écoulement continu d’urines),
dans tous ces cas → IU probable.
- Deux bactéries sans prédominance → refaire ECBU.
4
3
Leucocyturie > 10 et bactériurie ≤ 10 :
- Si le patient a pris des ATBs : éradication de la bactérie et disparition plus lente des leucocytes.
- Si le patient n’a pas pris d’ATB :
er
* mauvais recueil (contamination vaginale, préputiale, pas d’élimination du 1 jet) → refaire ECBU.
* diurèse abondante (femme en cas de cystite).
er
* infections génitales (urétrite, prostatite, vaginite) → examen du 1 jet, prélèvement urétral et vaginal.
* anomalies urologiques (segment intestinal qui laisse passer les leucocytes, sonde en J, stase urinaire par
calcul, …
* néphrites interstitielles aiguës ou chroniques.
* IU à germes de culture difficile en particulier tuberculose (à rechercher si pas autre cause).
Leucocyturie < 104 et bactériurie ≤ 103 : pas d’infection
Leucocyturie < 104 et bactériurie ≥ 105 :
- S'interroger les conditions de recueil (délai de 3h) et de transport : quand la bactériurie est ≥ 105 , que l'on isole plus
d'une bactérie, et surtout s’il n’y a pas de leucocyturie associée, il faut considérer que le recueil et/ou le transport de
l’urine ont été défectueux et refaire l’ECBU. Si les résultats restent identiques, il faut suspecter une infection sur sonde,
plus rarement une fistule colo-vésicale.
- Considérer les signes ou les données cliniques (IU débutante, patient transplanté ou immunodéprimé, fièvre, diabète,
grossesse).
- Se voit dans 20% des ECBU (cystites et pyélonéphrites) : absence d’obstacle à l’écoulement de l’urine et multiplication
prépondérante du germe dans l’urine.
* si E.coli, Klebsiella ou autre entérobactérie (sauf Proteus) → IU probable
* si Proteus, contamination possible → refaire ECBU.
* si P.aeruginosa, contamination certaine (si pas de sondage) → refaire ECBU.
* si Staphylococcus, contamination possible → refaire ECBU.
* si entérocoque, considéré comme non pathogène.
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4
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Leucocyturie < 10 et bactériurie 10 - 10 : cas voisin du précédent avec plus d’incertitude quant au diagnostic d’IU.
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3.1
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ANTIBIOGRAMME
ANTIBIOTIQUES
3.1.1
L’antibiotique à visée urinaire idéal devrait :
agir sur les bactéries responsables,
être peu affecté par la densité des bactéries,
ne pas sélectionner de résistances,
s’éliminer sous forme active dans les urines,
atteindre des concentrations suffisantes dans le rein, les urines, la paroi vésicale, la prostate et éventuellement dans un
calcul,
être peu tributaire des conditions physico-chimiques de l’urine,
être atoxique notamment pour le rein.
Il n’existe pas.
Sont éliminés dans les urines sous forme inactive : l’acide fusidique, les synergistines, le chloramphénicol (à la
différence du thiamphénicol).
3.1.2
Les principaux ATBs utilisables dans les IU :
Pénicillines :
- amoxicilline, ampicilline, bacampicilline, métampicilline, pivampicilline,
- amoxicilline+acide clavulanique (Augmentin®),
- pivmécillinam (Sélexid®).
Céphalosporines :
- C1G (céfalotine, céfalexine, etc.)
- C3G orales en ville (céfixime, cefpodoxime)
- C3G injectables (céfotaxime, ceftriaxone, ceftazidime).
Quinolones :
ère
- 1 génération : acide pipémidique (Pipram® fort), acide nalidixique (Négram® forte), fluméquine (Apurone®).
- 2ème génération : péfloxacine, norfloxacine, ofloxacine, ciprofloxacine.
Nitrofuranes : nitrofurantoïne
Aminosides
Sulfamides et sulfamides associés au triméthoprime (Bactrim®)
Polypeptides : Colimycine
Fosfomycine.
4
SUIVI
De rares cas nécessitent un suivi bactériologique c’est-à-dire la réalisation d’un nouvel ECBU.
4.1
4.1 PYELONEPHRITE AIGUË
En l’absence d’amélioration, il est recommandé d’effectuer un ECBU 48 à 72h après le début du traitement.
Dans tous les cas, un ECBU doit être effectué 1 semaine et 4-6 semaines après l’arrêt du traitement (si prise en charge
en ambulatoire : seul l’ECBU à 4-6 semaines peut être demandé).
4.2
INFECTIONS URINAIRES NOSOCOMIALES
Un ECBU per traitement doit être effectué pour les formes sévères.
Dans tous les cas, un ECBU doit être effectué 1 semaine et 4-6 semaines après l’arrêt du traitement.
8
Janvier 2007
Dr H. Darbas, H. Marchandin, N. Bourgeois et S. Charachon
Faculté de Montpellier - Nîmes