Compétences et obligations en matière d`entretien et de

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Compétences et obligations en matière d`entretien et de
Compétences et obligations en matière d'entretien et de police de la voirie?
Mathieu Lambert - Novembre 2007
Quelles sont les compétences et obligations respectives de la Région et des
communes en matière d'entretien et de police de la voirie?
La gestion, l'entretien et la police de la voirie
Un grand principe gouverne la matière: "la gestion des voies publiques relève des
autorités dans le domaine desquelles elles se trouvent et comporte aussi bien le pouvoir
de décider - discrétionnairement - les mesures d'entretien et d'amélioration paraissant
utiles que la charge des dépenses qui en résultent" [1].
Autrement dit, chaque gestionnaire de voirie est responsable de l'entretien de celle-ci,
sauf convention contraire et sauf disposition légale ou réglementaire contraire. Par
ailleurs, l'entretien s'entend dans un sens large: cela signifie aussi bien réaliser des
travaux lourds et moyens (réfection des fondations, pose d'un nouveau revêtement, …),
que réaliser les travaux de nettoyage et de dégagement nécessaires [2].
Le principe est affirmé par la doctrine [3], de même que par la jurisprudence de la Cour
de Cassation [4].
Quant à la police de la voirie, "tendant […] à assurer sa conservation, sa viabilité et sa
beauté, [elle] est aux mains à la fois de l'autorité gestionnaire et de la commune" [5].
Ainsi, "un pouvoir de police est reconnu [aux Régions] et aux provinces sur leurs voiries
respectives, pouvoir de police qui est, en partie au moins, le corollaire de leur pouvoir
de gestion" [6]. Ce pouvoir de police constitue par ailleurs une obligation, la Cour de
Cassation ayant jugé à plusieurs reprises que les pouvoirs publics ont l'obligation de
n'établir et ouvrir à la circulation que des voies suffisamment sûres [7].
En vertu de l'article 135, par. 2, de la nouvelle loi communale, la compétence de police
des communes s'exerce quant à elle sur toutes les voiries traversant son territoire (sauf
les autoroutes), y compris donc sur les voiries régionales. La commune doit alors prendre
les autoroutes), y compris donc sur les voiries régionales. La commune doit alors prendre
les mesures pour obvier à tout danger anormal. Néanmoins, ce principe de la compétence
générale des communes en matière de police de la voirie n'enlève rien à ce que la Région
et les provinces ne puissent, pour leur voirie propre, prendre des mesures de police [8]:
"[la Région] et la province, qui n'ont pas la charge d'appliquer [NLC, art. 135, par. 2],
ont pour la voirie dont [elles] ont la gestion les mêmes devoirs que les communes" [9].
Comme le rappelle le Ministre du Budget, des Finances, de l'Equipement et Patrimoine,
"ce devoir [de police des communes] n'implique pas que les communes doivent entretenir
la voirie en lieu et place de l'autorité gestionnaire. Elles n'ont pas une mission de
gestion [relativement aux voiries régionales], mais de police" [10].
Par ailleurs, si la commune doit se substituer à la Région pour assurer une mission tenant
à la gestion de la voirie régionale, elle pourra lui réclamer ses débours. La Cour de
Cassation a en effet reconnu aux communes le droit de réclamer au gestionnaire le
remboursement des frais engagés, indiquant qu' "il ressort des conclusions du
demandeur [l'Etat] et des constatations du jugement que l'Etat reconnaissait la présence
sur sa voirie de situations dangereuses qu'il n'avait pas suffisamment signalées et se
bornait à invoquer qu'en effectuant les travaux qu'elle avait exécutés, la défenderesse [la
commune] n'avait fait que remplir une obligation personnelle et se trouvait dès lors sans
droit de lui réclamer les frais qu'elle avait exposés; […] ayant constaté que ces frais
n'avaient été assumés que pour suppléer à la carence fautive du demandeur, le juge a
légalement décidé, en se fondant sur l'article 1382 du Code civil, que l'action de la
défenderesse était fondée" [11].
En pratique: la voirie et ses dépendances
Pour rappel, "les voiries publiques ne sont pas seulement constituées de la chaussée où
s'effectue la circulation; elles se composent encore des dépendances de la route
(accotements, fossés, berges ou talus, qu'ils soient naturels ou artificiels, aire de
stationnement, signalisation, éclairage, équipements de sécurité, dispositifs antibruit,
routes d'accès, ouvrages d'art, etc.) qui sont nécessaires à sa conservation" [12].
Il en va ainsi des trottoirs [13], au sujet desquels le Ministre en charge des pouvoirs
locaux a d'ailleurs rappelé, en réponse à une question parlementaire, que "le maintien en
bon état des voiries, en ce compris de leurs dépendances, dont les trottoirs, incombe à
l'autorité qui en a la gestion", précisant par exemple que "la réalisation d'un trottoir le
long d'une route provinciale incombe donc à la seule autorité provinciale" [14]. Le
Ministre du Budget, des Finances, de l'Equipement et Patrimoine l'a encore récemment
reprécisé: "L’entretien du domaine public appartient à l’autorité qui en a la gestion, […]
la voirie englobant également […] les trottoirs, […] la Région devant entretenir les
trottoirs et accotements qui ont été réalisés ou financés par elle ou par l’Etat pour la
période préalable à la régionalisation " [15].
Qu'en est-t-il par ailleurs des carrefours constitués par le croisement d'une voirie
régionale avec une voirie communale? Selon l'article L1223-1 du Code de la démocratie
locale et de la décentralisation (ancien art. 274 NLC), le Gouvernement régional fixe la
grande voirie dans la traversée des villes et des parties agglomérées des communes
rurales. L'arrêté de "classement emporte attribution, à titre gratuit, de la propriété du sol
de la voirie qui […] est transférée […] de la voirie communale à la voirie [régionale]"
[16]. Et comme, "quand une [route régionale] traverse une place publique [communale],
la place entière n'est pas assujettie au régime de la grande voirie, mais il n'y a que
l'espace occupé par la largeur de cette route qui lui soit soumis " [17], l'on peut affirmer
que lorsqu'une voirie régionale traverse une voirie communale, l'endroit de l'intersection
appartient à la voirie régionale, sur la largeur de celle-ci. La loi relative à la police de la
circulation routière le confirme en son article 3, par. 1er, 1°, eu égard à son objet, en
indiquant que "le Ministre des Travaux publics [arrête] les règlements complémentaires
relatifs aux voies publiques faisant partie de la grande voirie de l'Etat et aux carrefours
dont une de ces voies publiques fait partie".
Le placement de la signalisation routière (y compris le marquage routier) relève des
autorités légalement habilitées (A.R. 1.12.1975 portant règlement général sur la police de
la circulation routière – C. de la route, art. 80.1.). La signalisation sur la voie publique
incombe ainsi à l'autorité qui a la gestion de cette voie, sauf le placement des signaux qui
imposent une obligation ou qui marquent une interdiction qui incombe quant à lui à
l'autorité qui a pris la mesure (L. rel. à la police de la circulation routière, coord. par
l'A.R. 16.3.1968, art. 13). Corollaire de cela, il est prévu que les charges résultant du
placement, de l'entretien et du renouvellement de la signalisation incombent à celui qui a
effectué le placement (L. coord. 1968, art. 17, par. 1er, al. 1er). Les charges de la
signalisation placée en application de l'article 3, par. 2, des lois coordonnées de 1968 soit la signalisation placée en vertu d'un règlement complémentaire de circulation
routière adopté par le conseil communal notamment lorsque le Ministre en charge des
travaux publics s'est abstenu de le faire - "peuvent être supportées en tout ou en partie
par l'autorité qui a la gestion de la voie publique que le règlement complémentaire
concerne" (L. coord. 1968, art. 17, par. 2). Comment comprendre cette dernière
disposition? La réponse la plus logique à la lecture des textes, nous semble-t-il, est de
dire que cette disposition vise seulement la signalisation qui est en principe placée et
supportée par la commune, en tant qu'elle a pris la mesure (le règlement
complémentaire), c'est-à-dire les signaux qui imposent une obligation ou qui marquent
une interdiction. En effet, le placement de tous autres signaux appartient de toute façon
au gestionnaire (L. coord. 1968, art. 13), de même que les charges qui en découlent (L.
coord. 1968, art. 17, par. 1er, al. 1er).
Les communes sont propriétaires des égouts qu'elles ont construits et sont dès lors
responsables de leur entretien. Cela comprend bien sûr les dépendances de l'égout que
sont les taques et chambres de visites. En revanche, les avaloirs et les canalisations
destinés à recueillir les eaux de ruissellement constituent des dépendances de la voirie
qu'ils servent [18]. Il ne fait en effet aucun doute que ces dispositifs sont nécessaires à sa
conservation. Aussi, leur entretien appartient au gestionnaire de la voirie concernée, en
l'occurrence à la Région wallonne s'il s'agit de sa voirie. Et si, conformément à l'article
135, par. 2, de la nouvelle loi communale, la commune cure l'avaloir situé sur une voirie
régionale ou provinciale parce que son mauvais entretien devient un danger pour la
circulation, elle pourra réclamer ses débours à la Région ou à la province.
Le devoir d'entretien du gestionnaire de voirie vise également le déneigement et le
sablage. Et à nouveau, en cas de carence de ce gestionnaire, la commune est tenue de
prendre les mesures nécessaires pour obvier au danger, avec cependant le droit de
réclamer le remboursement des frais engagés.
En conclusion
Il appartient à la Région de décider et de financer l'aménagement (trottoir, pistes
cyclables, …) et l'entretien de ses voiries. Et si une quelconque mission d'entretien de la
voirie régionale est mise à charge d'une commune, ce ne peut nécessairement être qu'en
vertu d'une convention librement consentie.
La Région est en outre tenue de prendre sur ses voiries, en vertu de sa compétence de
police, toutes les mesures destinées à les préserver et garantir la sécurité du passage sur
celles-ci. Cela dit, les communes ont une obligation concurrente de sécurité sur ces
mêmes voiries, puisqu'en vertu de la loi, elles sont les garantes de la sécurité sur toutes
les voiries (sauf les autoroutes) qui traversent leur territoire. Mais dans ce cas, la
commune pourrait prétendre récupérer auprès de la Région les frais engagés pour pallier
l'inaction de cette dernière.
---------1. [Remonter] M.-A. Flamme, Droit administratif, t. II, Bruylant, Bruxelles, 1989, n° 435, pp. 1065-1066.
2. [Remonter] S. Smoos, Responsabilité des communes en matière de voirie, Mouv. comm., 10/2005, p. 428.
3. [Remonter] V. Bure, Les novelles, t. IV, Voirie et Construction, n° 204, p. 228; R. Wilkin, Voirie et alignement, Urbanisme et
construction,Bruylant, Bruxelles, 1964, pp. 203-205; M.-A. Flamme, Droit administratif, op. cit., p. 1065.
4. [Remonter] V. not Cass., 5.9.1969, Pas., 1969, I, p.
5. [Remonter] M.-A. Flamme, op. cit., p. 1066.
6. [Remonter] Flamme, Favresse, Chamart et Courtois, Droit administratif approfondi (la voirie), PUB, Bruxelles, 1971-1972, p. 8.
7. [Remonter] Cass., 7.3.1963, Pas., 1963, I, p. 744; Cass., 9.10.1967, Pas., 1968, I, p. 174; Cass., 21.10.1993, Pas., 1993, I, p. 848; Cass.,
26.5.1994, Pas., 1994, I, p. 513.
8. [Remonter] S. Smoos, op. cit., p. 429.
9. [Remonter] R. Wilkin, Voirie et alignement - Urbanisme et construction, Bruylant, Bruxelles, 1964, p. 204.
10. [Remonter] Doc. parl., P.W., 2006-2007, CRAC n° 61 (Commission du budget), 12.2.2007.
11. [Remonter] Cass., 1.2.1973, Pas., 1973, I, p. 525.
12. [Remonter] D. Lagasse, Droit administratif spécial - Les domaines public et privé/La voirie, 11e éd., PUB, Bruxelles, 2002, pp. 166-167.
13. [Remonter] Cass., 18.4.1910, Pas., 1910, I, p. 183.
14. [Remonter] Réponse à la question n° 9 de Mme Saudoyer du 20.11.2001, Doc. parl., Q.R. P.W., 2001-2002, n° 2, pp. 45-46.
15. [Remonter] Réponse à la question écrite n° 76 (2006-2007) de M. Brotcorne, disponible sur le site du P.W. à l'adresse
http://parlement.wallonie.be/content/default.php?m=04&p=04-03-02&id_doc=12562.
16. [Remonter] V. Genot, De la voirie publique par terre, 3e éd. du traité de Marcotty, Bruylant, Bruxelles, 1964, p. 132.
17. [Remonter] Ibid., p. 120; ce même auteur ajoute, présentant une pratique d'actualité au moins à cette époque, que "c'est aujourd'hui l'Etat
qui pourvoit à l'entretien des grandes routes et des ponts qui en font partie intégrante, aussi bien dans la traversée des villes que partout
ailleurs" (p. 131).
18. [Remonter] Liège, 14.12.1995, Rev. dr. comm., 3/1997, p. 148.
Ce document, imprimé le 08-02-2017, provient du site de l'Union des Villes et Communes de Wallonie (www.uvcw.be).
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