les moyens d`action des pouvoirs publics

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les moyens d`action des pouvoirs publics
42 – LES MOYENS D’ACTION DES POUVOIRS PUBLICS
A – LE BUDGET DE L’ÉTAT CENTRAL (voir TD N° 14)
B – LES RÉGLEMENTATIONS
La politique réglementaire est l’ensemble des lois, règlements et normes imposés par les autorités publiques qui
exercent, directement ou non, une influence sur la structure économique. Protéger le travailleur est l’un des plus anciens
motifs de réglementation : la protection commence au XIXe siècle par les plus faibles (femmes et enfants) puis se
généralise au XXe siècle sous les pressions syndicales et électorale, jusqu’à embrasser toutes les relations salarié/
employeur.
Le code du travail comporte des milliers d’articles, auxquels il faut ajouter le droit conventionnel (établi par accord
entre syndicats de salariés et d’employeurs), qui a également force de loi. Les horaires, les congés payés, le droit de
licenciement, le salaire minimum, le système de promotion : tout est réglementé.
Normes et sanitaires et de sécurité concernant le personnel ou les produits eux-mêmes (intrants toxiques, jouets
collés ou cousus et non cloués, rejets polluants, bruits, construction immobilière et travaux publics), la protection du
consommateur (étiquetage des prix, publicité non mensongère, garantie d’origine, contrôle des jeux-concours, notices
explicatives...) et celle de la nature sont des domaines en extension rapide, y compris dans les pays libéraux.
(Source ; Jean-Pierre Delas, Économie contemporaine, Ellipses, 1992)
Q1 – Donnez une définition de la politique réglementaire
Q2 – Quelles peuvent être les différentes justifications d’une politique réglementaire
Q3 – Donnez un exemple concret de réglementation ne figurant pas dans le texte pour les cas suivants :
Protection des
travailleurs
Protection du
consommateur
Protection de
l’environnement
Protection des lois
du marché
Protection des
handicapés
C – LES SERVICES PUBLICS
a) – La notion de service public
1 – Le droit public ne donne pas de définition précise de l’intérêt général. Cette imprécision présente l’avantage que
le droit peut facilement s’adapter à l’évolution des techniques et des besoins. Mais elle présente aussi un grave
inconvénient. Elle conduit à une situation dans laquelle l’État se légitime par des activités de service public dont lui seul
détermine la définition. Le fait de répondre à un besoin d’intérêt général soumet les activités reconnues comme services
publics à des principes de gestion particuliers dont les plus importants sont ceux de continuité, d’adaptabilité et d’égalité.
(Source : François Levêque, Économie de la réglementation, La Découverte, 1998)
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2 – Au plan juridique, le service public relève de trois principes :
la continuité, car la prise en charge d’une activité par le service public tient à l’existence d’un besoin social ou
stratégique à satisfaire et implique que l’activité soit continue (eau, électricité, etc.).
l’égalité, qui repose sur l’extension de la Déclaration de 1789 d’égalité juridique devant la loi et qui exige une
position égale, sans discrimination ni avantage particulier (péréquation du prix du timbre poste).
la mutabilité-adaptabilité, selon laquelle les prestations doivent être adaptées aux besoins et évoluer en quantité et
en qualité. La notion de service public est une conception dynamique (le téléphone devient service public dans les
années 70).
(Source : Pierre Bauby, Reconstruire l’action publique, Syros, 1998)
Q1 – Donnez une définition du service public. Quels sont ses trois principes (donnez des exemples)
Q2 – Qu’est-ce qui justifie qu’une station-service puisse être considérée comme un service public ?
b) – La justification du service public
1 – L’éducation est en France gratuite et obligatoire jusqu’à seize ans (au moins). Ce caractère obligatoire et gratuit
a été mis en place en 1881 (à l’époque, jusqu’à douze ans). Examinons les raisons qui ont conduit Jules Ferry et le
gouvernement de l’époque à prendre une telle mesure, coûteuse pour les modestes ressources du budget de l’époque :
 L’objectif est d’abord social : permettre à tous les Français, quelles que fussent leurs ressources, de faire instruire
leurs enfants. Certes ce droit existait déjà, mais l’éducation étant le plus souvent payante, il était plus formel que
réel, et donc réservé aux classes sociales favorisées.
 L’objectif est aussi économique : il était de l’intérêt du pays que les Français disposent désormais d’un minimum
d’instruction, pour occuper des emplois qui exigeaient de plus en plus d’avoir appris à lire, écrire et compter, plus
quelques notions de géographie. Les responsables politiques de l’époque étaient parfaitement conscients que le
rattrapage industriel de la France était à ce prix.
 L’objectif est enfin politique : par un enseignement identique dispensé dans la même langue à tous les enfants de
France, il ne s’agissait rien moins que de forger la nation ; il s’agissait aussi de former des citoyens d’une
démocratie, c’est-à-dire des électeurs qui devaient désormais être suffisamment instruits pour former un jugement
sain et en particulier ne pas suivre le premier démagogue venu (les gouvernements de la IIIe République espéraient
aussi que le peuple, une fois instruit, se déferaient spontanément de l’emprise de l’Église catholique ainsi que des
tentatives de restauration monarchique).
(Source : L’action des pouvoirs publics, Magnard 2001)
2 – La définition économique repose sur le fait que les services publics permettent de prendre en compte des
phénomènes que le marché ignore : gestion à long terme ; investissements lourds, par forcément immédiatement
rentables ; préservation d’un bien rare ou précieux ; gestion de l’espace ; importances des externalités positives ; effet
de “club” (l’avantage qu’un usager retire d’un réseau est d’autant plus élevé que les autres utilisateurs sont nombreux).
Par ailleurs, les réseaux d’infrastructures génèrent des rendements croissants, qui débouchent sur la concentration et la
constitution de monopoles pouvant abuser de leur position dominante ; les services publics sont souvent associés à
l’idée de “monopole naturel” : il est préférable pour la collectivité d’avoir, sur une zone géographique déterminée, une
seule entreprise.
(Source : Pierre Bauby, Reconstruire l’action publique, Syros, 1998)
Q1 – Donnez les principales raisons qui justifient l’existence de services publics.
c) – La fourniture des services publics
Le service public existe dès lors que qu’une fonction jugée essentielle à la constitution ou au maintien du lien social
ne peut être assurée de façon satisfaisante par le marché seul. Le service public en question peut être assuré par une
administration (éducation nationale), par une entreprise publique (Sncf) ou par une entreprise privée agissant dans le
cadre d’une délégation avec un cahier des charges spécifiant ses obligations de service public (concessions d’eau). Le
choix entre ces trois façons de produire un service public dépend largement du mode de financement qui est choisi :
 par la collectivité toute entière, par le biais de l’impôt, lorsque c’est à une administration qu’incombe le soin de
rendre le service public ; dans ce cas, il y a une redistribution qui s’opère, puisque les financeurs (contribuables) ne
sont pas forcément les bénéficiaires ;
 par les usagers, totalement ou partiellement (lorsque les contraintes de services public font l’objet d’un
remboursement par la collectivité à l’entreprise chargée d’assurer le service).
(Source : Denis Clerc, Dictionnaire des questions économiques et sociales, Les Éditions de l’Atelier, 1997)
Q1 – A partir des exemples et des mots suivants, remplissez le tableau : consommation facultative, accès
gratuit, impôt, bien de club, entreprises publiques, subventions, accès payant, bien collectif pur,
administrations publiques, consommation forcée, prix marchand, entreprises privées.
Type de
produit
Type de
consommation
Mode d’accès
Type de
producteur
Financement
Electricité
Téléphone
Eau
Transports collectifs
Cantines scolaires
Piscine municipale
Musée (le dimanche)
Ecole
Vaccinations
Défense nationale
Eclairage des rues
Signalisation routière
D – LES ENTREPRISES PUBLIQUES
a) – Le principe des nationalisations
Le changement de statut d'EDF-GDF, annoncé par le ministre de l'industrie, Nicole Fontaine, pour 2004, et
l'ouverture à 70 % du "marché de l'électricité", le 1er juillet, aboutiront probablement à la privatisation de l'entreprise
nationale. Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a vendu récemment le paquet d'actions de Thomson que l'Etat
possédait encore, et a réduit la participation de l'Etat au capital de France Télécom. Tout cela peut paraître normal sous
un gouvernement "de droite". Pourtant, c'est à l'époque où le général de Gaulle exerçait pour la première fois le pouvoir,
en 1944-1945, que fut entreprise la plus grande vague de nationalisations de l'histoire de la France, avant même celle
de 1981 lors de l'arrivée de la gauche au pouvoir. Certes, le contexte politique se prêtait à de telles mesures puisque les
forces de gauche étaient alors très puissantes : le Parti communiste, "premier parti de France", recueillit près de 29 %
des voix lors des élections législatives de 1946, et la SFIO (l'ancêtre du Parti socialiste) 26,3 %. Au sein des instances
issues de la Résistance intérieure comme du Gouvernement provisoire de la République française, un large consensus
s'était constitué pour créer un vaste secteur public constitué non seulement des entreprises nationalisées pour fait de
collaboration, mais aussi de celles présentant un intérêt vital pour l'économie nationale. Le général de Gaulle lui-même,
lors de son "discours de Chaillot", le 12 septembre 1944, avait accepté l'idée que "les grandes sources de la richesse"
soient appropriées par la collectivité. La Constitution de 1946 précisera d'ailleurs que "tout bien, toute entreprise dont
l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait doit devenir la propriété
de la collectivité".
Une partie seulement des nationalisations eurent lieu alors que le général de Gaulle était au pouvoir : le 14
décembre 1944, une ordonnance instituait les Houillères nationales du Nord et du Pas-de-Calais, dirigées par un
directeur général et un comité consultatif composé pour un tiers de représentants syndicaux. Le 16 janvier 1945, les
usines de Louis Renault, mises sous séquestre le 4 octobre 1944 pour collaboration économique avec les nazis, puis
transformées le 15 novembre en Régie nationale des usines Renault, étaient nationalisées. Le 9 avril 1945, le
constructeur de moteurs d'avion Gnome et Rhône, qui avait aussi travaillé pour les Allemands, est transformé en Société
nationale d'études et de construction de matériel aéronautique (Snecma). Le 26 juin 1945, l'Etat étend sa prise de
participation dans des entreprises de transport aérien qui constitueront par la suite Air France, en 1948. Le 2 décembre
1945 sont nationalisées la Banque de France et quatre grandes banques de dépôt (la Société générale, le Crédit
lyonnais, le Comptoir national d'escompte, la Banque nationale pour le commerce et l'industrie). Ces dernières
nationalisations firent l'objet d'un vif débat entre les partis de gauche, qui souhaitaient que l'Etat contrôle l'ensemble des
établissements bancaires, et le général de Gaulle, qui obtiendra que les banques d'affaires restent privées.
Les autres grandes nationalisations eurent lieu en avril 1946, donc après le départ du général, le 20 janvier 1946 :
celle de 34 compagnies d'assurances (contrôlant 60 % du capital détenu par l'ensemble des 900 sociétés alors
existantes), et celle des secteurs de l'électricité et du gaz, prévues par la loi du 8 avril. Celle-ci faisait passer sous
contrôle public plus d'un millier d'entreprises privées de production, transport, distribution, importation et exportation
d'électricité. Elle créait un service public appelé "Electricité de France". Il ne s'agissait pas d'une administration, mais
d'un établissement autonome à visée industrielle et commerciale, géré par un conseil d'administration. La même loi
créait un organisme similaire dans le secteur du gaz, Gaz de France. Ces deux grandes entreprises nationales devaient
permettre d'harmoniser et rationaliser les techniques de production et le système de distribution, de minimiser les coûts
grâce aux économies d'échelle, de favoriser la recherche (qui permettra la mise sur pied de la filière française d'énergie
nucléaire civile), de mettre ces énergies à la disposition de tous les Français pour le même tarif, quel que soit leur lieu
d'habitation. Ces dernières nationalisations furent élaborées par Marcel Paul, ministre communiste de la production
industrielle, et complétèrent la nationalisation du secteur de l'énergie par la loi du 17 mars 1946, qui regroupait
l'essentiel des entreprises de combustibles minéraux en créant les Charbonnages de France. A l'issue de ces
nationalisations, l'Etat contrôlait 98 % de la production de charbon, 95 % de celle d'électricité, 58 % du secteur
bancaire, 38 % de l'industrie automobile, soit environ 15 % du produit national brut. Même si cette vague de
nationalisations ne procédait pas de la seule volonté du général de Gaulle, qui était loin de souhaiter, comme l'observe
Jean-Pierre Rioux dans La France de la Quatrième République, (Le Seuil, 1980), "la nationalisation-punition, la
spoliation, le contrôle tatillon des syndicats...", le futur président de la Ve République était cependant d'accord avec la
gauche sur le fait que l'Etat avait à jouer un rôle majeur dans l'économie nationale. Comme il le dira plus tard, "la
politique ne se fait pas à la corbeille". Et sans ce volontarisme gaullien, il n'y aurait sans doute eu ni Concorde et Airbus,
ni filière française d'énergie nucléaire civile, ni TGV, ni fusée Ariane ...
(Source : Pierre Bezbakh, Le Monde, 3 février 2004)
Q1 – Qu’est-ce qu’une nationalisation ? Sont-elles toujours des monopoles publics ?
Q2 – Comment peut-on justifier de la nationalisation des entreprises privées ?
b) – Les principes de la politique industrielle
La revoilà ! La politique industrielle, hier symbole d'un Etat centralisateur, redeviendrait une ardente obligation face
aux dérèglements de la mondialisation. Mais ne nous y trompons pas : le soutien de l'Etat à Alstom, Pechiney racheté
par Alcan, l'offre publique d'achat (OPA) de Sanofi sur Aventis, les délocalisations, le débat en cours sur la
désindustrialisation et les privatisations, tout cela traduit une improvisation hasardeuse et strictement défensive qui est
exactement le contraire de ce que doit être une politique industrielle digne de ce nom. En réalité, la plupart des Etats ont
une politique industrielle, à défaut d'en parler ; la France est une exception : elle en parle, à défaut d'en faire.
Aujourd'hui, deux principales conceptions de la politique industrielle coexistent et sous-tendent leurs mises en œuvre :
1. Une conception libérale fondée sur l'approche économique dite néoclassique. Celle-ci met l'accent sur l'efficacité des
processus d'allocation des ressources et de fixation des prix par le marché à l'équilibre. Dans ce cadre, l'Etat n'a qu'une
fonction économique : la résorption des défaillances du marché. Cette approche théorique ne fonde véritablement, au
sein de l'économie mondiale, que la construction européenne. La concurrence n'est pas simplement un moyen non
exclusif permettant d'assurer l'intégration des économies, mais la condition même de toute économie équilibrée. Le
projet de Convention européenne ne prévoit aucun changement dans ce domaine.
2. Une conception de la politique industrielle fondée sur un Etat orientant l'industrie nationale vers la constitution
d'activités ou/et de pôles puissants. II y a alors distorsion volontaire de libre-échange dans un contexte international.
Plusieurs courants théoriques alternatifs à l'approche néoclassique fondent cette conception de la politique industrielle :
en particulier la théorie des politiques commerciales stratégiques (favoriser la constitution de "champions nationaux") ou
encore celle relative à la protection des industries naissantes (abriter de la concurrence internationale des producteurs
nationaux aux premières étapes de leur existence). De nombreux exemples illustrent cette approche de la politique
industrielle, dans des pays tels que les Etats-Unis, l'Allemagne, le Canada, le Japon, la France dans le passé et Ariane
et Airbus à l'échelle intergouvernementale, la Chine ou encore actuellement le Brésil. Cette deuxième approche a
l'avantage de privilégier la formulation de choix stratégiques et ainsi de se révéler plus efficace. Il suffit, pour s'en
convaincre, de mesurer par exemple le fossé qui ne cesse de s'agrandir entre Etats-Unis et Europe en matière de
développement technologique et industriel.
(Source : Jean-Louis Levet, Le Monde, 24 avril 2004)
Q1 – Qu’est-ce qu’une politique industrielle ?
Q2 – Quelles sont les deux approches de cette politique ?
Q3 – Quelle est la politique menée de nos jours ?