Caractérisation électrochimique et spectroscopique de sondes
Transcription
Caractérisation électrochimique et spectroscopique de sondes
Université Libre de Bruxelles Faculté des Sciences Service de Chimie Analytique et Chimie des Interfaces Caractérisation électrochimique et spectroscopique de sondes aptamères quadruplexes impliquées dans la détection de la thrombine Thèse de doctorat présentée par Aurore De Rache En vue de l’obtention du grade académique de Docteur en Sciences Promoteur : Prof. C. Buess-Herman Novembre 2012 A Papy, pour les études que tu n’as pas pu faire. Remerciements Tout d’abord, je tiens à remercier chaleureusement Madame le Professeur Claudine Buess-Herman pour m’avoir accueillie au sein du laboratoire de Chimie Analytique et Chimie des Interfaces pour y réaliser mes travaux. Son ouverture d’esprit et l’immense liberté scientifique qu’elle m’a accordée ont grandement contribué à ce que je mène à bien cette thèse de doctorat. J’exprime aussi ma reconnaissance aux Professeurs Michaela Vorlíčková et Emil Paleček pour leur accueil toujours chaleureux lors de mes séjours à l’Insitut de Biophysique de Brnö ainsi qu’au Dr. Wolfgang Fritzsche pour m’avoir conviée à travailler quelques jours à l’Institut für Photonische Technologien de Jena. Je souhaite également remercier vivement le Professeur François Reniers pour son soutien et pour l’expérience inoubliable que constitue l’enseignement des séminaires et laboratoires associés au cours de Chimie Générale. Mes remerciements sincères vont aussi au Dr. Iva Kejnovská, qui a souvent travaillé tard lors de mes visites et qui m’a beaucoup appris, et au Dr. Veronika Ostatná avec qui j’ai eu beaucoup de plaisir à travailler à Bruxelles et à Brnö. De même, je remercie Jacqueline Jatschka pour sa collaboration à Jena. Pour le soutien financier à ma participation à des congrès, je souhaite ardemment remercier le FNRS et les Fonds De Brouckere-Solvay et Agathon De Potter, et également le WBI pour le financement de mes séjours à Brnö et le COST MP0802 pour celui de mon séjour à Jena. Qu’ils aient été là avant moi, de passage ou qu’ils soient là aujourd’hui, je remercie du fond du cœur tous les collègues que j’ai côtoyé au CHANI : Alexis, Alp, Andrea, Antoine, Anne, Belgin, Bernard, Caro, Caroline G., Cathy, Corinne, Delphine, Denis, Diane, Eléonore, Emile, Eric, François D., François V., Fred D., Fred H., Gaetan, Greg, Hanae, Khalid, Issa, Jennifer, Julie, Karim, Lara, Léo, Madalina, Marc, Mehdi, Moussa, Nabila, Nico C., Nico VDC, Perrine, Pierre, Rodrigue, Sami, Sammy, Stéphanie C., Stéphanie V., Thierry et Zdenka. Merci aussi à Julie et Sandhya, nos secrétaires, pour leur aide administrative. Je remercie aussi particulièrement Eric et Philippe pour leur soutien logistique et technique. A tous les membres des autres laboratoires qui ont pris des nouvelles du déroulement de ma thèse et/ou qui m’ont encouragée, un tout grand merci et une dédicace particulière à Laurence, Thomas, Jonathan, Alice, Benoît, J-F, Matthieu et Fabien. Enseigner en Chimie Générale n’aurait pas eu toute sa saveur sans Yannick et Thierry – les collègues devenus chefs –, sans Pauline – l’ange gardien discret –, sans Nico et Delphine – ces anciens auprès de qui j’ai beaucoup appris –, sans Jennifer – de passage –, ni bien sûr sans Epiphanie, Clément, Angélique et Nicolas – avec qui j’ai partagé la majorité du chemin. Je n’en oublie pas pour autant Jean-Christophe alias l’organisation incarnée, Michel Carleer et Michel Godefroid qui ont aidé l’équipe pendant longtemps. Le coup de main des chargés d’exercices, Michel Van krieken, Bernard, Damia, Frédéric et Nora, et des élèves assistants, Allison, Camille, Deniz, Pauline, Sébastien et Thomas, a toujours été providentiel. Malgré la nostalgie de penser aux « anciens », je suis contente de pouvoir remercier aussi l’équipe actuelle : Caro, Céline, Laureline, Gaétan et Yannick, pour les coups de main en fin de rédaction et pour la qualité de la relève ! Bien entendu, ma gratitude va également à Lidija, Françoise, Anne et Tanguy. Comme l’enseignement, c’est aussi et surtout les étudiants, je voudrais remercier tous les étudiants qui à un moment où l’autre ont attisé mon envie de les aider à comprendre des concepts pas toujours faciles. Vous accompagner de semaine en semaine m’a parfois aidée à garder le cap. En dehors du contexte purement universitaire, il y a aussi ceux qui sont toujours là. A Maman, Papy, Mamy et Cécile, un tout grand merci pour votre fierté sans borne, elle m’a aidée à faire toujours un pas de plus dans les jours difficiles. Valérie et Audrey, je ne vous remercierai jamais assez pour vos encouragements. Christian et Christiane, merci pour ces mots et ces regards qui font réaliser la valeur du travail accompli. Betty, tes gentilles tapes sur les épaules fatiguées donneraient du courage à n’importe qui. Et Sandrine, une amitié comme la tienne n’a pas son pareil pour aider à naviguer entre les obstacles de toute nature. Enfin, Thomas, ton soutien scientifique et personnel a fait toute la différence ! Aurore. Résumé Les biosenseurs basés sur des aptamères quadruplexes comme celui de la thrombine (TBA) recourent souvent à l’élongation de l’aptamère. La flexibilité accrue de l’aptamèresonde facilite la reconnaissance de la cible et améliore donc sa détection. Or le reploiement des structures quadruplexes est influencé notamment par l’ajout de nucléotides à leur extrémité. Du fait de l’importance de la structure de la sonde pour la reconnaissance, nous avons dans un premier temps comparé le type de reploiement adopté par 2 séquences allongées, GTA GGT-TBA et TTT TTT-TBA, à celui de TBA et ce en présence de différents cations (Ba2+, Ca2+, K+, Mg2+, Na+, NH4+, Rb+ et Sr2+). La stabilité thermique de ces structures a aussi été étudiée. Nous avons montré qu’alors que TBA se reploie toujours en un quadruplexe anti-parallèle, les séquences allongées peuvent également adopter une conformation parallèle. Les différences entre les résultats obtenus avec les deux séquences allongées indiquent que, contrairement à ce qui se fait dans la littérature, le choix de ces nucléotides devrait être effectué en fonction de la structure adoptée par la sonde allongée dans les conditions d’interaction envisagées. La deuxième partie du travail a porté sur l’interaction entre les aptamères et le [Ru(NH3)6]3+, fréquemment utilisé pour quantifier des sondes ADN immobilisées. Nos mesures mettent en évidence un comportement électrochimique inédit pour le [Ru(NH3)6]3+ en interaction avec les aptamères. La notion de [Ru(NH3)6]3+ « confiné » a été introduite pour distinguer cette interaction du cas purement électrostatique bien connu. La stœchiométrie d’interaction entre le [Ru(NH3)6]3+ confiné et la partie quadruplexe des séquences d’aptamère a été évaluée à 2 complexes métalliques par quadruplexe et confirmée, en solution, par dichroïsme circulaire (CD). Ces mesures montrent aussi que ce marqueur redox déstabilise la structure quadruplexe anti-parallèle de TBA et que pour les séquences GTA GGT-TBA et TTT TTT-TBA, il stabilise des structures quadruplexes parallèles. Dans le cas des séquences allongées, l’interconversion entre les structures parallèles et anti-parallèles a été suivie par CD lors d’une compétition ionique entre les cations [Ru(NH3)6]3+ et K+. Sur base des différentes interactions mises en évidence entre le [Ru(NH3)6]3+ et les aptamères, diverses pistes de détection de la thrombine ont été explorées. Les conditions d’immobilisation des sondes ont été optimisées sur base des dimensions de la thrombine. La détection de cette protéine cible a été réalisée avec succès d’une part en exploitant l’interaction purement électrostatique du [Ru(NH3)6]3+ et d’autre part grâce à la formation de [Ru(NH3)6]3+ confiné. Table des matières CHAPITRE I : INTRODUCTION 1 1 Les biosenseurs électrochimiques 1 2 Présentation du système étudié 2.1 La thrombine 2.2 Les aptamères 2.2.1 Sélection des aptamères 2.3 L’aptamère de la thrombine 7 7 9 9 11 3 Reconnaissance moléculaire via une sonde ADN 3.1 La charpente d’un brin d’ADN 3.2 Les interactions entre les bases 3.3 Les duplexes 3.3.1 Duplexes et reconnaissance par hybridation 3.4 Les triplexes 3.4.1 Triplexes et reconnaissance de duplexes 3.5 Les quadruplexes 3.5.1 Quadruplexes et reconnaissance de protéines : les aptamères 3.5.2 Détection électrochimique de protéines basée sur des aptamères ADN quadruplexes 13 13 17 19 20 22 24 25 29 33 4 But du travail 39 CHAPITRE II : TECHNIQUES ET RÉACTIFS 41 1 41 41 41 43 45 45 47 49 50 51 52 52 52 53 53 53 54 55 56 2 Techniques 1.1 Electrochimie 1.1.1 Généralités 1.1.2 Appareillage 1.1.3 Voltampérométries 1.1.3.1 Voltampérométrie cyclique 1.1.3.2 Voltampérométrie impulsionnelle différentielle 1.1.3.3 Voltampérométrie alternative 1.1.3.4 Voltampérométrie hydrodynamique 1.1.4 Chronocoulométrie 1.2 Spectroscopie 1.2.1 Spectroscopie d’absorption UV 1.2.1.1 Généralités 1.2.1.2 Appareillage 1.2.2 Dichroïsme circulaire 1.2.2.1 Principes généraux 1.2.2.2 Cas de l’ADN quadruplexe 1.2.2.3 Appareillage 1.3 Outils bioinformatiques Réactifs CHAPITRE III : RÉSULTATS ET DISCUSSION 57 59 1 Influence de l’élongation de l’aptamère sur sa structure 1.1 Présence de cations potassium 1.2 Présence d’autres cations mono- et bivalents 1.3 Analyse du caractère quadruplexe et de la stabilité thermique 2 Interactions entre l’aptamère et le [Ru(NH3)6] 2.1 Interactions à l’électrode modifiée 2.1.1 Immobilisation des sondes 2.1.2 Désorption réductive de la monocouche auto-assemblée 2.1.3 Interaction électrostatique et recouvrement en aptamère 3+ 2.1.4 Confinement du [Ru(NH3)6] 2.1.4.1 Formation d’une espèce confinée 2.1.4.2 Détermination de la concentration superficielle en l’espèce confinée 2.1.4.3 Détermination de la constante cinétique de transfert d’électron 2.1.4.4 Influence de l’élongation de la séquence 2.1.4.5 Origine de l’interaction 2.2 Interactions en solution 2.2.1 Etude électrochimique 3+ 2.2.1.1 Titrage du [Ru(NH3)6] par l’ADN 3+ 2.2.1.2 Titrage de l’ADN par le [Ru(NH3)6] 2.2.1.3 Discussion et comparaison avec l’interaction à l’électrode modifiée 2.2.2 Caractérisation spectroscopique de l’interaction 2.3 Influence de la compétition ionique sur l’interaction 3 Détection électrochimique de la thrombine via le [Ru(NH3)6] 3.1 Choix des conditions d’interaction 3.2 Choix de la séquence immobilisée 3.3 Choix des conditions d’immobilisation et optimisation du recouvrement en aptamère 3.4 Détection de la thrombine 3.4.1 Détection via l’espèce confinée 3.4.1.1 Ajout de thrombine sur l’espèce confinée 3.4.1.2 Interaction avec la thrombine avant le confinement 3.4.2 Détection en absence d’espèce confinée 3.4.2.1 Détection ne tenant pas compte d’un éventuel confinement 3+ 3+ 59 60 62 69 81 82 82 83 85 96 96 100 102 104 107 115 115 116 133 138 139 145 149 149 150 151 155 155 155 157 158 161 CHAPITRE IV : CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES 163 RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 167 Chapitre I : Introduction Chapitre I : 1 Introduction Les biosenseurs électrochimiques Un biosenseur est un dispositif qui transforme une information biochimique, généralement la concentration d’un analyte, en signal analytique [1]. Il intègre un système de reconnaissance qui repose sur un mécanisme biochimique et un transducteur physicochimique [2]. La notion d’élément de reconnaissance se veut vaste et peut faire référence aussi bien à des organisations complexes telles que des tissus, des cellules, des organites cellulaires, etc. qu’à des biomolécules comme des enzymes, des anticorps, des acides nucléiques, etc. La mise en œuvre du processus biochimique associé au système de reconnaissance génère une information physique ou chimique que le transducteur convertit alors en signal analytique mesurable. Ce transducteur peut être de différents types, notamment électrochimique, optique, piézoélectrique ou thermique. Le rôle du transducteur est exclusivement d’assurer le transfert du signal qui provient de ce système et ce quel que soit le type de transduction. Les biosenseurs dits électrochimiques s’appuient sur un transducteur électrochimique plus couramment dénommé électrode. Ils ne requièrent aucune étape de transformation du signal mesuré en signal électrique ce qui les rend particulièrement avantageux en termes d’instrumentation. Combinée à cet aspect, leur petite dimension en fait des méthodes de diagnostic portatives et à faible coût. Leur rapidité et sensibilité de mesure contribuent également à expliquer l’intérêt marqué pour les biosenseurs électrochimiques dans des domaines comme le diagnostic médical, la sécurité alimentaire, etc. 1 Chapitre I :Introduction L’élément de reconnaissance a pour rôle de conférer au biosenseur sa sélectivité vis-àvis de l’analyte d’intérêt. Selon son type, il fonctionnera, par exemple, sur un principe catalytique ou d’affinité. Dans un biosenseur basé sur un principe catalytique, un catalyseur biochimique - généralement une enzyme, un organite cellulaire, une cellule ou un tissu – est incorporé dans le dispositif de reconnaissance. Il catalyse de manière hautement sélective la transformation d’un ou plusieurs substrats en un ou plusieurs produits. La méthode de détection repose habituellement sur la mesure, directe ou indirecte, de la concentration de l’un ou l’autre des substrats ou produits. Un biosenseur d’affinité repose sur la reconnaissance moléculaire cible-sonde, laquelle dépend à la fois de la structure de la sonde et de celle de la cible. La détection de l’analyte cible découle de son interaction avec une sonde immobilisée. L’interaction spécifique entre l’analyte cible et le matériel biologique produit un changement physicochimique détecté par le transducteur, lequel fournit alors un signal proportionnel à la quantité (concentration) de l’analyte. L’étude fondamentale réalisée dans ce travail s’inscrit dans le cadre des biosenseurs électrochimiques d’affinité. Pour ceux-ci, plusieurs stratégies courantes pour obtenir un signal proportionnel à la concentration de la cible peuvent être distinguées : - Les méthodes qui recourent au marquage de la cible par une espèce électroactive. Dans celles-ci, une chimie de marquage est réalisée sur l’échantillon à analyser en vue de fixer un marqueur redox sur la cible. L’interaction entre la cible et sa sonde peut alors être mise en évidence, comme l’illustre la Figure I-1, par le transfert d’électron entre le marqueur redox accroché à la cible et l’électrode. Figure I-1 Principe d’un biosenseur électrochimique où la cible est marquée par une espèce électroactive. 2 Chapitre I : Introduction - Les méthodes qui nécessitent le marquage de la sonde, généralement par un groupement redox. La détection de la cible grâce à des sondes marquées repose habituellement sur un changement d’organisation de l’interface induit par l’interaction sonde-cible. Celui-ci favorise ou inhibe le transfert électronique entre le marqueur et l’électrode. Une variation du signal électrochimique par rapport à celui détecté avant l’interaction est alors mesurée. Ce principe est schématisé à la Figure I-2 pour le cas d’un transfert d’électron favorisé par l’interaction, dit « signal-ON ». Figure I-2 Principe d’un biosenseur électrochimique à sonde marquée pour lequel le transfert électronique est favorisé après reconnaissance. Les biosenseurs « signal-ON » permettent d’observer une augmentation du signal mesuré. Toutefois, de nombreuses stratégies reposent plutôt sur l’inhibition du transfert d’électron après reconnaissance, tel que représenté à la Figure I-3. Le dispositif est alors qualifié de « signal-OFF » du fait de la baisse du signal mesuré. Figure I-3 Principe d’un biosenseur électrochimique à sonde marquée pour lequel le transfert électronique est inhibé après reconnaissance. 3 Chapitre I :Introduction - Les méthodes qui utilisent une couche électroactive située sous la sonde. Dans ces stratégies, une altération de la perméabilité de l’interface vis-à-vis des ions est exploitée. La Figure I-4 présente le principe de ces méthodes. En absence de la cible, l’arrangement des sondes limite l’approche des ions depuis le cœur de phase. La difficulté à compenser les charges inhibe le transfert électronique entre la couche redox et l’électrode. Lorsque la cible est présente, l’accessibilité aux ions augmente et les processus redox impliquant la couche électroactive sont favorisés ce qui conduit à une augmentation du signal mesuré. Figure I-4 Principe d’un biosenseur électrochimique utilisant une modification de comportement d’une couche redox située sous la sonde. - Les méthodes basées sur la différence de réponse électrochimique d’un marqueur redox présent en solution enregistrée avant et après la reconnaissance cible-sonde. Ces stratégies tirent avantage de l’influence de la reconnaissance cible-sonde, soit sur l’accessibilité du marqueur à l’électrode [3], soit sur l’interaction du marqueur avec les espèces présentes à l’interface (sonde ou complexe cible-sonde). La Figure I-5 illustre le principe de ces méthodes. Figure I-5 Principe d’un biosenseur électrochimique basé sur la réponse d’un marqueur redox en solution. 4 Chapitre I : Introduction - Les méthodes exemptes de tout type de marqueur qui exploitent généralement soit l’électroactivité intrinsèque des cibles, soit une modification des propriétés interfaciales (typiquement de la capacité de la double couche [4]) induite par l’interaction de la cible avec la sonde immobilisée. Le présent travail s’inscrit dans le cadre de la détection électrochimique d’une protéine cible, la thrombine, grâce à son affinité pour une sonde aptamère d’ADN. La stratégie recourant à un marqueur redox présent en solution sera privilégiée. Le système étudié est décrit à la section suivante. 5 Chapitre I : Introduction 2 2.1 Présentation du système étudié La thrombine L’hémorragie et la thrombose sont les issues cliniques ultimes de dysfonctionnements dans l’hémostase, à savoir dans l’ensemble des phénomènes physiologiques qui permettent d’interrompre un saignement. Sérine protéase de la famille des chymotrypsines, la thrombine constitue une protéine essentielle au processus de coagulation sanguine chez les vertébrés et est donc impliquée dans ces dysfonctionnements [5]. La thrombine possède deux rôles importants et opposés. Son premier rôle, procoagulant, induit la conversion du fibrinogène en caillots de fibrine insolubles et s’accompagne d’un rétrocontrôle positif qui favorise la production de thrombine à partir de son précurseur, la prothrombine. Son second rôle, anticoagulant, implique la protéine C et déclenche une cascade réactionnelle limitant la conversion de la prothrombine en thrombine. En plus de ces rôles primaires dans la coagulation, la thrombine possède une variété d’effets importants dans de nombreuses signalétiques cellulaires en se liant à ses récepteurs. La thrombine exploite l’allostérie induite par la liaison des cations Na+ pour accomplir ses différentes fonctions. Cette allostérie régule l’ensemble de ses interactions. La Figure I-6 représente la structure de la thrombine. Les dimensions approximatives de cette glycoprotéine de forme ellipsoïdale sont de 45 x 45 x 50 Å [6, 7]. Deux chaînes polypeptidiques reliées par un pont disulfure composent cette macromolécule de 37,4 kDa [8, 9]. Selon les sources, son pH isoélectrique est rapporté entre 7,0 et 7,6 [10] ou plutôt vers 9 [11, 12]. Figure I-6 + [13] Structure de la thrombine en absence de Na (2AFQ) . 7 Chapitre I :Introduction La chaîne principale porte les épitopes fonctionnels de l’enzyme et assure le reploiement de la triade catalytique – histidine, aspartate, sérine – des sérines protéases (Figure I-7). Figure I-7 Triade catalytique associée à l’activité protéase de la thrombine. Cette triade catalytique est située entre les sites de fixation du fibrinogène et de l’héparine dont les localisations au sein de la thrombine sont représentées à la Figure I-8. Figure I-8 Localisation des sites de fixation du fibrinogène et de l’héparine au sein de la thrombine. 8 Chapitre I : Introduction 2.2 Les aptamères Les aptamères sont des séquences d’ARN ou d’ADN, généralement simple brin, capables de se lier à des molécules cibles avec une affinité élevée. Leur sélection, réalisée in vitro selon un principe combinatoire, repose sur cette affinité importante envers la cible et sera décrite à la section suivante. Des aptamères ont été identifiés pour une large variété de cibles, naturelles ou synthétiques, s’étendant des petites molécules organiques, jusqu’aux larges biomolécules comme les protéines en passant entre autres par les acides aminés et les peptides [14]. En ce qui concerne la sélectivité et l’efficacité de la reconnaissance de leur cible, les aptamères sont souvent considérés comme l’équivalent des anti-corps sous la forme d’acides nucléiques. Pour certaines applications, comme les biosenseurs, les aptamères peuvent même constituer une alternative attractive aux anti-corps. En effet, leur sélection réalisée in vitro garantit leur stabilité dans les conditions de l’application envisagée, et ouvre la possibilité de les synthétiser automatiquement et à haut rendement, rendant leur production plus économique et moins contraignante que celle, in vivo, des anti-corps. Dans le cas de cibles protéiques, les aptamères peuvent être sélectionnés pour reconnaître spécifiquement le domaine fonctionnel et discriminer les protéines mutantes des sauvages. 2.2.1 Sélection des aptamères La procédure de sélection des aptamères la plus courante est basée sur un procédé itératif schématisé à la Figure I-9. Elle porte le nom de SELEX pour « Systematic Evolution of Ligands by Exponential Enrichment » et comporte plusieurs étapes détaillées ci-après pour la sélection d’aptamères ADN : la préparation de la bibliothèque de séquences, la sélection, l’amplification, l’isolement et l’identification. Les étapes de sélection et d’amplification sont réitérées en boucle jusqu’à ce que plus aucune amélioration ne soit observée en termes d’affinité du groupe de séquences pour la cible. La préparation de la bibliothèque Des procédures chimiques automatisées génèrent une bibliothèque aléatoire de séquences d’ADN [15, 16] qui peut comprendre jusqu’à 1015 séquences, ce qui engendre une importante diversité de conformations [17]. 9 Chapitre I :Introduction Figure I-9 Représentation schématique de la méthode SELEX. La sélection Cette étape vise à séparer les molécules présentant une affinité adéquate pour la cible d’intérêt. Les séquences d’ADN issues de l’étape précédente (l’étape 1 au premier cycle ou l’étape 3 aux itérations suivantes) sont incubées en présence de la cible. Les molécules de faible affinité pour la cible restent majoritairement libres en solution tandis que celles qui possèdent une affinité élevée se lient à la cible. Les séquences non-liées sont écartées, souvent par chromatographie d’affinité. Les molécules liées à la cible, dont les aptamères, sont ensuite détachées de la cible par une modification des conditions de la solution. Seules ces dernières molécules sont utilisées pour les étapes ultérieures. L’amplification Les séquences sélectionnées et purifiées sont amplifiées enzymatiquement pour générer une nouvelle bibliothèque de molécules, substantiellement enrichie en séquences possédant une affinité importante pour la cible. La nouvelle bibliothèque est alors utilisée pour initier l’étape de sélection suivante (étape 2). L’isolement et l’identification Le procédé itératif est arrêté lorsque plus aucun enrichissement n’est observé. Les molécules d’aptamères individuelles sont alors isolées. Leur séquence nucléotidique est identifiée et leurs propriétés étudiées. En particulier, l’affinité, la spécificité et l’inhibition de la cible sont mesurées par des techniques biophysiques et biochimiques. 10 Chapitre I : Introduction Une méthode alternative de sélection d’aptamères a été proposée en 2006 [18]. Elle ne requiert pas d’étape d’amplification mais implique, à la place, une succession d’étapes de séparation efficaces basées sur le procédé NECEEM pour « non-equilibrium capillary electrophoresis of equilibrium mixtures ». Elle permet d’évaluer, en solution, à chaque étape de séparation, l’affinité des séquences de la bibliothèque pour la cible. Seuls les oligonucléotides présentant une affinité importante sont séquencés. 2.3 L’aptamère de la thrombine L’aptamère sélectionné en 1992 pour son affinité pour cette protéine a été le premier aptamère sous forme d’ADN simple brin [19]. La bibliothèque sur laquelle le processus de sélection a été appliqué comportait ~1013 oligonucléotides de 60 bases de long. Après 50 cycles de sélection, le séquençage des clones isolés a mis en évidence la présence d’une région très conservée de 14 à 17 bases : GGN TGG N2-5 GGN TGG (où N représente un nucléotide non-conservé) et une séquence consensus de 15 bases : GGt TGG N3 GGt TGG. L’interaction des différents clones avec la thrombine entraîne l’inhibition de la conversion du fibrinogène en caillots de fibrine. Toutefois, la séquence 15-mer GGT TGG TGT GGT TGG seule induit une inhibition encore plus forte de cette activité de la thrombine. Dès lors, la qualification « aptamère de la thrombine » (TBA pour « Thrombin Binding Aptamer » en anglais) est généralement associée à cette séquence en particulier, qui fait d’ailleurs l’objet de notre étude. Il est intéressant de noter que d’autres aptamères de la thrombine ont été générés par la suite, notamment un 29-mer qui interagit avec le site de fixation de l’héparine [20] ou encore un analogue de TBA contenant un résidu LNA (Locked Nucleic Acid) [21]. 11 Chapitre I : Introduction 3 Reconnaissance moléculaire via une sonde ADN Notre travail se focalise sur le cas des biosenseurs qui utilisent des sondes d’acide désoxyribonucléique (ADN). Le développement de ces biosenseurs fait l’objet d’une recherche abondante [22]. Différents types de structures peuvent être adoptés par l’ADN. Leur description, leur intérêt en termes de reconnaissance moléculaire et leur exploitation dans des biosenseurs électrochimiques d’affinité font l’objet de cette section. Pour faciliter la description des structures tridimensionnelles de l’ADN, la composition d’un brin et les interactions possibles entre ses bases seront préalablement détaillées. 3.1 La charpente d’un brin d’ADN Le squelette d’un brin d’ADN est constitué d’une succession de β–D–2–désoxyriboses reliés entre eux par des liaisons phosphodiester entre le carbone 3’ du premier et le carbone 5’ du suivant. La Figure I-10 représente la structure du β–D–2–désoxyribose ainsi que la numérotation de ses carbones. O 5' 4' HO 3' HO OH 1' 2' H Figure I-10 Structure chimique du β–D–2–désoxyribose. Au sein d’un nucléoside, le carbone 1’ du β–D–2–désoxyribose est substitué par une base azotée. Quatre bases azotées différentes sont présentes dans l’ADN. Il s’agit des purines adénine (A) et guanine (G) et des pyrimidines cytosine (C) et thymine (T). Les structures des quatre nucléosides sont dessinées à la Figure I-11. 13 Chapitre I :Introduction C8 C8 O 5 ' 4 ' HO N N6 C6 H H HO 1 ' N7 O6 O NN 9 C5 C6 C4 H N N N3 G N1 C2 H NN2 H H C2 4 ' HO 1 ' N N1 C2 T NN 3 H O 4 ' HO O O4 C4 O 5 ' 3 ' 2 ' HO C5 C6 NN4 H C4 O 5 ' CH3 H C5 C6 C N 3 ' 2 ' NN 1 N N3 4 ' HO A C4 3 ' 2 ' HO C5 O 5 ' N NN9 1 ' H N7 N 1 ' N1 C2 NN 3 3 ' 2 ' O2 HO H O O2 Figure I-11 Structures chimiques de la désoxyadénosine, la désoxyguanosine, désoxycytidine et désoxythymidine. La séquence d’un brin d’ADN correspond à la succession de ses nucléotides. Chaque nucléotide est composé d’un nucléoside et d’un groupement phosphate. Comme les nucléotides ne diffèrent entre eux que par les bases azotées, la séquence est notée comme une succession de lettres A, C, G et T. Par convention, les séquences sont toujours écrites de l’extrémité 5’-phosphate à l’extrémité 3’-OH. La Figure I-12 représente une portion d’ADN correspondant à la séquence AGCT ; les liaisons N-glycosidiques entre la base et le désoxyribose sont colorées en bleu tandis que les liaisons phosphodiester sont en rouge. Les extrémités 5’-phosphate et 3’-OH sont indiquées par des flèches. extrémité 5' NH2 O O P N O N A O N CH2 O N O O O P N O NH G O N CH2 O P NH2 NH2 O O N O C N O CH2 O O O O P O N O NH T O CH2 O N O OH extrémité 3' Figure I-12 Représentation d’une portion d’ADN correspondant à la notation AGCT. Les liaisons N-glycosidiques entre la base et le désoxyribose sont colorées en bleu tandis que les liaisons phosphodiester sont en rouge. 14 Chapitre I : Introduction Outre la diversité chimique conférée par la succession des bases, l’ADN peut adopter différentes structures tridimensionnelles, ou conformations. Son important polymorphisme découle des nombreux degrés de libertés présents au sein d’un brin. La liaison N-glycosidique entre la base et le désoxyribose est caractérisée par un angle dièdre χ défini comme O4’-C1’-N9-C4 pour les purines et O4’-C1’-N1-C2 pour les pyrimidines. Parmi les différentes valeurs possibles de cet angle, certaines correspondent à des minima énergétiques. Deux des conformations les plus couramment observées dans les structures d’ADN sont appelées syn (0° < χ < 90°) et anti (-60° < χ < 180°) et sont représentées à la Figure I-13 selon la projection de Newman. La Figure I-14 montre un exemple de chacune des orientations pour une guanosine monophosphate. Les valeurs prises par cet angle influencent le reploiement de l’ADN et la stabilité des structures formées. Figure I-13 Projection de Newman des angles dièdres χ correspondant aux appellations « syn » et « anti ». Figure I-14 Orientation « anti » (à gauche) et « syn » (à droite) de la liaison N-glycosidique d’une désoxyguanosine monophosphate. L’angle dièdre χ est représenté en mauve dans les deux cas. Les atomes d’H ne sont pas représentés, de même que l’atome d’O impliqué dans la liaison avec le nucléotide suivant. 15 Chapitre I :Introduction Les pentoses, non-planaires, possèdent aussi différentes conformations énergétiquement stables qui influencent la structure générale des brins. Parmi elles, les plus courantes sont dénommées C2’-endo et C3’-endo et représentées à la Figure I-15. Figure I-15 Configuration C2’-endo et C3’-endo du désoxyribose, les atomes d’H et le groupement OH lié au C2’ ne sont pas [23] représentés . Le squelette sucre-phosphate comporte six atomes entre deux nucléotides. Dès lors, six angles dièdres (α, β, γ, δ, ε, ζ) peuvent être définis. Bien que les valeurs de ceux-ci soient interdépendantes et que certains angles (α, β, γ, ζ) n’adoptent que des orientations énergétiquement favorables proches de -60, 60 ou 180°, le squelette sucre-phosphate contribue lui aussi à la grande variété conformationnelle des brins d’ADN. Si un brin d’ADN peut être décrit par sa séquence et les différents paramètres évoqués ci-dessus, les facteurs qui influencent sa structure sont nombreux. La répulsion entre ses groupements phosphate fait de l’ADN un polyélectrolyte dont le reploiement est influencé par la nature et la concentration des cations présents dans les solutions qui l’entourent. De plus, les interactions non-covalentes entre les bases azotées jouent aussi un rôle prépondérant dans le reploiement des brins. Ceci vaut tant lorsqu’un simple brin se replie sur lui-même que lorsque la structure formée implique plusieurs brins. 16 Chapitre I : Introduction 3.2 Les interactions entre les bases L’établissement de liaisons hydrogène constitue le principal mode d’interaction entre les bases azotées et détermine l’arrangement spatial relatif de celles-ci. Bien que d’autres types d’appariement existent [24], nous nous focaliserons ici sur les deux types les plus courants : les interactions « Watson-Crick » et « Hoogsteen ». Initialement proposées en 1953 par Watson et Crick [25], les interactions canoniques qui portent leurs noms sont illustrées à la Figure I-16. L’adénine y forme deux liaisons hydrogène avec la thymine tandis que la cytosine en forme trois avec la guanine. H H A N R N T H N N G N N R H N H N N H R C N N N O O N CH3 O N H N O R H Figure I-16 Interactions canoniques de Watson et Crick. Le « R » représente le désoxyribose lié à la base. Outre les interactions de Watson-Crick, les purines peuvent réaliser d’autres liaisons hydrogène, appelées interactions de Hoogsteen [26]. La Figure I-17 schématise ces deux types de liens H pour chacune des deux purines. Les interactions Watson-Crick sont colorées en rouge et les interactions Hoogsteen sont en bleu. Hoogsteen Hoogsteen H N Watson-Crick N R A N O N N H N R N Watson-Crick N N G H N H H Figure I-17 Liaisons hydrogènes possibles pour l’adénine et la guanine. Le « R » représente le désoxyribose lié à la base. 17 Chapitre I :Introduction La Figure I-18 représente deux exemples d’appariements de Hoogsteen entre bases azotées. L’un d’eux requiert la protonation d’une des bases azotées. D’autres appariements de Hoogsteen sont possibles ; cette notion s’étend à tout appariement comportant des liens H représentés en bleu à la Figure I-17. T R C+ N O N CH3 N H O H H N N+ H H N O N H N N N R O N R N N H N G N H H A Figure I-18 Exemples d’appariements de Hoogsteen. Selon les conformations adoptées par les brins d’ADN, l’un, l’autre ou les deux types d’interaction décrits ci-dessus seront impliqués. 18 Chapitre I : Introduction 3.3 Les duplexes Les duplexes comportent deux segments d’ADN associés par des interactions de type Watson-Crick. Plusieurs types de duplexes ont été mis en évidence parmi lesquels les plus communs sont l’ADN-A, l’ADN-B et l’ADN-Z ; tous trois sont illustrés à la Figure I-19. Figure I-19 Structures de l’ADN-A, de l’ADN-B et de l’ADN-Z (de gauche à droite). [27] [28] [29] Les fichiers PDB utilisés pour créer ces représentations sont respectivement 1VJ4 , 1BNA et 1DCG . La structure B constitue la forme la plus courante de l’ADN. Proposée en 1953 par James Watson et Francis Crick [25], elle fut inspirée et corroborée par un cliché de cristallographie RX de Rosalind Franklin [30]. La forme A a été mise en évidence et caractérisée la même année par Rosalind Franklin à des teneurs en eau plus faibles que la forme B [31, 32]. La structure Z, quant à elle, est formée par certaines séquences dans des conditions spécifiques comme notamment à très haute force ionique ou en présence de cations divalents comme Mg2+ [33, 34]. Elle est de plus stabilisée par des cations complexes tels que [Co(NH3)6]3+ et [Ru(NH3)6]3+ [34, 35]. Le Tableau I-1 reprend les principales caractéristiques structurales de ces trois types d’hélice. Hélice droite/ gauche Diamètre Nombre de bases par tour Incrément (par base) ADN-A Droite 26 Å 11 2,6 Å ADN-B Droite 20 Å 10.5 3,4 Å ADN-Z Gauche 18 Å 12 3,7 Å Tableau I-1 Caractéristiques principales des trois duplexes les plus courants d’ADN. 19 Chapitre I :Introduction Une molécule d’ADN qui se replie sur elle-même peut former une portion d’ADN duplexe. Il est alors dit qu’elle adopte une structure en épingle à cheveux. La Figure I-20 représente une molécule reployée de la sorte ainsi que la schématisation qui y est associée. Figure I-20 [36] Structure en épingle à cheveux d’un brin d’ADN (1LA8) et représentation schématique associée à ce type de structure. Les traits pointillés représentent des appariements de type Watson-Crick. 3.3.1 Duplexes et reconnaissance par hybridation L’hybridation spontanée d’un brin d’ADN à son brin complémentaire pour former une structure duplexe permet la détection d’ADN et en particulier celle des portions d’ADN codant pour des protéines, les gènes. Millan et al. ont été les pionniers dans l’utilisation de l’hybridation pour la détection électrochimique d’ADN [37]. Ils ont utilisé comme indicateurs d’hybridation des complexes métalliques de cobalt, électroactifs, qui se lient au sillon mineur de l’ADN duplexe. Depuis leurs travaux, de nombreux groupes ont développé des stratégies de détection qui reposent sur l’immobilisation et l’hybridation de sondes d’ADN linéaires. La Figure I-21 schématise l’hybridation de telles sondes. Pour majorité, ces travaux recourent soit à un marqueur redox fixé à la sonde [38], soit présent en solution [39-45], comme l’atteste le récent article de synthèse de E. Paleček et M. Bartošík [22]. Certaines études utilisent des sondes fixées sur un polymère électroactif ou une monocouche redox [46-51]. Moins fréquentes, les études basées sur l’électroactivité intrinsèque des bases nucléiques utilisent des sondes d’ADN linéaires exemptes de guanines (lesquelles sont remplacées par des inosines) pour détecter l’hybridation par oxydation des guanines de la cible [52-57]. L’une ou l’autre étude réalisée en absence de marqueur exploite une variation de capacité de l’interface [58]. 20 Chapitre I : Introduction Figure I-21 Représentation schématique de l’hybridation de sondes ADN linéaires [59] (adaptée de la thèse de M. Steichen ). En dehors des brins d’ADN linéaires, d’autres structures plus complexes de l’ADN ont été exploitées à des fins de reconnaissance dans des biosenseurs électrochimiques. C’est par exemple le cas des simples brins reployés en épingle à cheveux. Les stratégies de détection tirent alors profit de leur ouverture induite par l’hybridation avec une séquence complémentaire à celle de la boucle, laquelle provoque des modifications plus importantes des propriétés interfaciales par rapport au cas de sondes linéaires. Ce principe est illustré à la Figure I-22. Figure I-22 Représentation schématique de l’hybridation de sondes ADN en épingles à cheveux [59] (adaptée de la thèse de M. Steichen ). Outre les méthodes basées sur le marquage des sondes en épingle à cheveux [60, 61] ou sur la présence d’un marqueur redox en solution [62], des dispositifs sans marqueur ont été proposés (basés sur des mesures d’impédance [63]). 21 Chapitre I :Introduction 3.4 Les triplexes La première description d’une structure triplexe a été réalisée en 1957 sur base de données cristallographiques [64]. La formation d’une structure triplexe, telle qu’illustrée à la Figure I-23, découle de l’interaction d’un troisième brin dans le sillon majeur d’un duplexe. Au sein d’une structure duplexe, seules les positions Watson-Crick des bases sont impliquées dans des liaisons hydrogène. L’interaction avec un troisième brin d’ADN peut dès lors se produire par le biais d’appariements Hoogsteen [26] entre les bases de celui-ci et celles situées dans le sillon majeur du duplexe [65]. Cette interaction requiert la protonation des cytosines du troisième brin et se produit au niveau des régions où un brin du duplexe comprend exclusivement des purines (brin polypurines) et l’autre uniquement des pyrimidines (brin polypyrimidines). Structure d’un triplexe d’ADN (149D) [66] Figure I-23 ; la troisième chaîne, en mauve, est insérée dans le sillon majeur du duplexe. Plusieurs types de triplexes intermoléculaires peuvent se former. Le motif dit « pyrimidine » se distingue de celui dit « purine » par l’orientation du troisième brin. Dans le premier cas, la polarité (direction 5’-3’) du troisième brin est parallèle au brin polypurines tandis que dans le second, elle est anti-parallèle (le brin est positionné dans le sens opposé). La Figure I-24 représente ces deux motifs et les triplets de bases associés. 22 Chapitre I : Introduction Figure I-24 (a) Mode de liaison du troisième brin d’un triplexe au sein d’un motif dit « pyrimidine » et triplets de bases associés. [67] (b) Mode de liaison du troisième brin d’un triplexe au sein d’un motif dit « purine » et triplets de bases associés. Outre ces motifs intermoléculaires, un brin d’ADN peut se reployer sur lui-même pour former une structure triplexe intramoléculaire. La formation d’un tel triplexe intramoléculaire a été suggérée pour la première fois en 1982 [68], puis confirmée quelques années plus tard [69, 70]. Lorsque la structure formée correspond au motif dit « pyrimidine », le triplexe intramoléculaire est appelé ADN-H car cette structure est stabilisée par des protons et se forme de préférence en milieu acide [71]. Des triplexes intramoléculaires correspondant au motif dit « purine » ont été identifiées par la suite et dénommées ADNH* [72]. 23 Chapitre I :Introduction 3.4.1 Triplexes et reconnaissance de duplexes A. Patterson et al. [73] ont développé une méthode électrochimique de détection d’ADN duplexe basée sur la formation d’un triplexe. Le principe de détection utilisé est schématisé à la Figure I-25. [73] Figure I-25 Principe de détection électrochimique d’un ADN duplexe par formation d’un triplexe. Les sondes simple brin, modifiées par du bleu de méthylène, sont flexibles ce qui permet le transfert électronique entre le marqueur redox et l’électrode d’or modifiée. L’ajout de l’ADN duplexe cible conduit à la formation d’un triplexe rigide ce qui inhibe le transfert électronique. La limite de détection rapportée pour cette méthode est d’environ 10 nM. 24 Chapitre I : Introduction 3.5 Les quadruplexes Nombre de séquences d’ADN riches en guanines sont capables de former des structures dénommées G-quadruplexes. Les guanines s’y associent pour former des quartets. Chaque quartet correspond à l’assemblage plan de quatre guanines tel que schématisé à la Figure I-26. La première description d’un quartet, déduite par cristallographie, fut donnée en 1962 par Gellert et al. [74]. Les quatre guanines y forment un carré, chacune jouant à la fois le rôle de donneur et d’accepteur de liens H. Les désoxyriboses associés à ces guanines adoptent tous une conformation C2’-endo. H N N H R N R N H N N O O N O H 8 7 5 9 4 N R N H N H N H H N H N N 6 3 N N O 1N H N 2 N N R H H Figure I-26 Structure d’un quartet. Le « R » représente le désoxyribose lié à la base. Une structure quadruplexe est constituée d’un empilement de quartets caractérisé par un espacement régulier entre ces plans de guanines et une torsion systématique entre quartets successifs qui génèrent une hélice droite. Cet empilement, qui minimise la surface des bases exposée au solvant, est favorisé par des interactions hydrophobes. Le squelette sucre-phosphate forme quatre sillons contenant un réseau de molécules d’eau dont l’orientation est déterminée par la position des atomes donneurs (comme les groupements amines en N2) et accepteurs (tels que les N3) de liens H [75]. Un exemple de structure tridimensionnelle associée à un quadruplexe est illustré à la Figure I-27. 25 Chapitre I :Introduction Figure I-27 [76] Exemple de structure de quadruplexe tétramoléculaire possédant trois quartets (139D) . Au sein d’un quadruplexe, les segments impliqués dans la formation des empilements de quartets peuvent adopter différentes orientations relatives (en termes de polarité 5’-3’), présentées à la Figure I-28. Chacune d’elle correspond à un arrangement syn-anti spécifique des torsions glycosidiques. Figure I-28 Arrangements relatifs possibles des brins pour un quadruplexe tétramoléculaire. Le sens des flèches correspond à l’orientation 5’ -> 3’. Les rectangles représentent des guanines. Les guanosines adoptant des torsions glycosidiques anti sont indiquées par la coloration bleue de la guanine correspondante et les syn par la coloration rouge. (a) et (b) quadruplexes parallèles, (c) et (e) quadruplexes anti-parallèle, (d) quadruplexe « 3+1 ». 26 Chapitre I : Introduction Un quadruplexe au sein duquel deux segments sont orientés dans un sens et les deux autres dans le sens opposé est appelé « anti-parallèle » (Figure I-28-c et e). Lorsque tous les segments sont orientés dans le même sens, le quadruplexe est dit « parallèle » (Figure I-28-a et b). A ce jour, pour des quadruplexes tétramoléculaires – aussi appelés intermoléculaires – parallèles seul l’arrangement avec des torsions glycosidiques anti (Figure I-28-a) a été mis en évidence. Outre ces structures tétramoléculaires, les quadruplexes peuvent également être bimoléculaires ou monomoléculaires. Leur structure comprend alors des boucles entre les segments qui participent à l’empilement des quartets. Celles-ci peuvent être diagonales, latérales ou externes. Différents reploiements possibles pour un quadruplexe bimoléculaire sont illustrés à la Figure I-29. Les types de boucles impliqués sont mentionnés dans chaque cas. Figure I-29 Arrangements relatifs possibles des brins pour un quadruplexe bimoléculaire et types de boucles associés. Le sens des flèches correspond à l’orientation 5’ -> 3’. Les rectangles représentent des guanines. Les guanosines adoptant des torsions glycosidiques anti sont indiquées par la coloration bleue de la guanine correspondante et les syn par la coloration rouge. La Figure I-30, page suivante, montre les topologies accessibles aux quadruplexes monomoléculaires – dits aussi intramoléculaires. Elles sont plus variées et plus complexes que pour les quadruplexes tétra- ou bimoléculaires. 27 Chapitre I :Introduction Figure I-30 Arrangements relatifs possibles des brins pour un quadruplexe monomoléculaire et types de boucles associés. Le sens des flèches correspond à l’orientation 5’ -> 3’. Les rectangles représentent des guanines. Les guanosines adoptant des torsions glycosidiques anti sont indiquées par la coloration bleue de la guanine correspondante et les syn par la coloration rouge. Si les liaisons H et les interactions hydrophobes favorisent la formation des structures quadruplexes, le positionnement des quatre oxygènes O6 au centre des quartets, en revanche, a un impact déstabilisateur en raison de leur forte densité de charges négatives. La présence de cations au sein des quadruplexes joue dès lors un rôle déterminant dans la stabilisation de ces structures, différents cations pouvant stabiliser les quadruplexes à différents degrés. De plus, la nature des cations peut influencer la conformation adoptée par les quadruplexes. Le type de quadruplexe formé par un brin d’ADN dépend donc non seulement de sa séquence mais aussi de la nature des cations qui le stabilisent. En dehors des G-quadruplexes, il existe d’autres structures quadruplexes, comme les I-motifs qui impliquent des séquences riches en cytosines [77]. 28 Chapitre I : Introduction 3.5.1 Quadruplexes et reconnaissance de protéines : les aptamères Les applications qui exploitent les structures quadruplexes pour la détection électrochimique de protéines connaissent un essor important. Les dispositifs utilisés impliquent généralement des aptamères. En effet, parmi les aptamères ADN déjà sélectionnés vis-à-vis de protéines, de nombreuses séquences forment des structures quadruplexes. C’est le cas notamment d’aptamères qui possèdent une activité anti-virale, anti-proliférative ou anti-coagulante [78]. Aptamères anti-viraux Le virus d’immunodéficience humaine (VIH) représente l’agent étiologique du SIDA. Plusieurs aptamères ont été développés pour cibler différentes protéines impliquées dans le processus d’infection par ce virus. Certains d’entre eux sont mentionnés ici à titre d’exemples. Les séquences (GGGT)4 et GGG GTG GGA GGA GGG GT inhibent toutes deux l’intégrase du VIH in vitro bien qu’elles forment des quadruplexes de topologies distinctes [79, 80]. La première adopte un reploiement de type quadruplexe anti-parallèle intramoléculaire. La seconde présente un arrangement dimérique interconnecté illustré à la Figure I-31. Figure I-31 Motif structural d’un aptamère quadruplexe dimérique capable d’inhiber l’intégrase du VIH. Différents aptamères ADN qui ciblent la transcriptase inverse du VIH ont été décrits [81, 82] , notamment un quadruplexe monomoléculaire [83]. Il adopte la structure représentée à la Figure I-32. 29 Chapitre I :Introduction Figure I-32 Motif structural d’un quadruplexe monomérique capable d’inhiber la transcriptase inverse du VIH. Aptamères anti-prolifératifs La séquence GGT GGT GGT GGT TGT GGT GGT GGT GG constitue un exemple d’aptamère anti-prolifératif. Elle se reploie en un quadruplexe bimoléculaire [84, 85] schématisé à la Figure I-33. Cet aptamère interagit avec la nucléoline, une protéine multifonctionnelle impliquée dans la transcription de l’ARN et la réplication de l’ADN et qui peut transférer des molécules de la surface cellulaire vers le noyau. La nucléoline est surexprimée dans différents tissus cancéreux [86, 87]. Figure I-33 Schéma d’un aptamère quadruplexe bimoléculaire interagissant avec la nucléoline. 30 Chapitre I : Introduction Aptamères anti-coagulants L’aptamère de la thrombine constitue le représentant par excellence des aptamères ADN quadruplexes anti-coagulants. Utilisé dans le présent travail, sa sélection a déjà été décrite à la section I-2.3. Dans l’année qui a suivi cette sélection, deux études indépendantes réalisées par RMN, en absence de thrombine, ont décrit le reploiement de l’aptamère [88, 89] schématisé à la Figure I-34. Huit guanines forment un cœur central constitué de deux quartets connectés à une extrémité par deux boucles TT surplombant les sillons mineurs et à l’autre par la boucle TGT surplombant un sillon majeur. Cette structure correspond donc à un quadruplexe antiparallèle monomoléculaire. La même année, une structure cristallographique – d’une résolution de 2.9 Å – de l’aptamère en interaction avec la thrombine a été publiée [90]. En ce qui concerne l’aptamère, cette structure est similaire à celle déterminée par RMN en solution excepté que les boucles TT et la boucle TGT y surplombent respectivement les sillons majeurs et un sillon mineur. Dans cet article, les différences par rapport à la structure RMN sont attribuées à un changement conformationnel induit par l’interaction de l’aptamère avec la thrombine. La Figure I-34 schématise les deux reploiements distincts obtenus par RMN et par cristallographie. Figure I-34 Reploiement de l’aptamère obtenu par RMN (à gauche) et par cristallographie (à droite). Les guanosines adoptant des torsions glycosidiques anti sont indiquées par la coloration bleue de la guanine correspondante et les syn par la coloration rouge. En 1996, deux publications reviennent sur les données cristallographiques et tentent d’établir laquelle des deux structures de l’aptamère (RMN ou RX) interagit avec la thrombine. L’une d’elles démontre que le modèle RMN peut correspondre aux données cristallographiques [91]. Dans l’autre, au départ d’un cristal plus grand, K. Padmanabhan et A. Tulinsky améliorent la résolution à 2.8 Å et raffinent la structure sur base des deux reploiements proposés au préalable [92]. Toutefois, les critères cristallographiques ne permettent de lever l’ambiguïté ni sur la conformation de l’aptamère ni sur son mode d’interaction avec la thrombine. En effet, dans la structure dérivée du modèle cristallographique, la boucle TGT interagit au niveau du site de reconnaissance du 31 Chapitre I :Introduction fibrinogène et les boucles TT interagissent avec celui de l’héparine d’une molécule de thrombine voisine. Dans la structure découlant du modèle RMN, en revanche, les boucles TT interagissent avec l’exosite du fibrinogène tandis que la boucle TGT forme des interactions hydrophobes et des ponts salins dans le site de l’héparine d’une thrombine voisine. Ces deux modes d’interactions sont illustrés à la Figure I-35. Figure I-35 [92] Mode d’interaction de l’aptamère avec la thrombine selon les modèles issus de la RMN (à gauche – 1HAO ) [92] et de la cristallographie (à droite – 1HAP ). Les acides nucléiques représentés en vert interagissent au niveau du site de fixation du fibrinogène et ceux en rouge au niveau de celui de l’héparine. Bien que les critères cristallographiques ne permettent pas de discriminer les deux cas, des indications favorisent le modèle dérivé de la structure RMN. D’abord, l’interaction entre l’aptamère et la thrombine a été mise en évidence au niveau de l’exosite du fibrinogène [93]. Au sein du modèle issu de la structure RMN, les boucles TT, conservées parmi les séquences qui se lient à la thrombine, se fixent à ce site plutôt que la boucle TGT, non-conservée. Ensuite, des données cristallographiques relatives au complexe formé entre la thrombine et la séquence GGTTGG – qui inhibe la thrombine à des concentrations plus hautes que TBA – indiquent que deux brins GGTTGG formeraient une structure similaire à l’aptamère sans la boucle TGT. Ce sont donc les boucles TT qui se lieraient au site de reconnaissance du fibrinogène comme pour le modèle découlant de la RMN. Dans un article paru en 2012, l’ambiguïté concernant le mode d’interaction a été totalement levée grâce à des données de diffraction obtenues sur le complexe thrombineaptamère en présence de Na+ à une résolution de 1,80 Å et de K+ à 2,05 Å [94]. Celles-ci confirment que l’interaction avec l’exosite du fibrinogène se fait par les boucles TT (comme dans le modèle RMN). 32 Chapitre I : Introduction 3.5.2 Détection électrochimique de protéines basée sur des aptamères ADN quadruplexes Les aptamères ADN quadruplexes mentionnés ci-dessus constituent des exemples d’aptamères ciblant des protéines. Malgré l’importante diversité actuelle de ces aptamères, l’interaction entre la thrombine et son aptamère reste, à ce jour, le système-type pour la détection électrochimique de protéines grâce aux aptamères. Comparativement au nombre d’études relatives à la détection de thrombine, seuls quelques travaux se sont attelés à la conception de biosenseurs électrochimiques ciblant d’autres protéines telles que le lysozyme [95-97] ou le PDGF (pour « Platelet-Derived Growth Factor ») [98-101]. Toutefois, comme les sondes impliquées dans ces cas n’adoptent pas de reploiement quadruplexe nous nous limiterons ici à la description de travaux portant sur la détection de la thrombine. La littérature relative aux biosenseurs impliquant des aptamères est abondante et a fait l’objet de plusieurs articles de synthèse [102-106]. Son examen attentif révèle que la majorité des études exploitent les méthodologies décrites à la section I-1. Les distinctions entre les travaux portent généralement sur les moyens de maximiser les variations de signal et sur les espèces électroactives utilisées. Cette diversité est illustrée dans cette section en démarrant des systèmes les plus complexes pour terminer sur des stratégies proches de celle sur laquelle porte le présent travail. Différents aptamères ciblant une même protéine peuvent interagir au niveau de sites de liaison distincts, c’est notamment le cas pour la thrombine. Ceci permet le développement de stratégies où la cible est détectée « en sandwich » [102], comme illustré à la Figure I-36. Figure I-36 Schéma d’une méthode de détection « en sandwich » par deux aptamères. Dans ces dispositifs, après la formation de l’interaction entre l’aptamère immobilisé et la cible, un second aptamère est ajouté. Ce dernier est généralement marqué par une enzyme [107-109] ou une nanoparticule [110] ce qui permet l’amplification du signal par l’activation d’un cycle catalytique. 33 Chapitre I :Introduction Ikebukuro et al. [107] ont développé un dispositif de ce type où la glucose déshydrogénase de Burkholdelia cepacia est utilisée pour marquer le second aptamère. En présence de glucose, un courant proportionnel à la quantité de thrombine à la surface du senseur permet de détecter la thrombine jusqu’à une limite de détection de 1 µM. Cette limite peut être améliorée et atteindre 10 nM par l’utilisation d’une autre glucose déshydrogénase, très active et insensible à l’oxygène [108]. Le marquage par la peroxydase de raifort permet la détection de thrombine jusqu’à 80 nM en présence de peroxyde d’hydrogène et d’un médiateur redox [109]. De par leur principe même, les méthodes basées sur une détection « en sandwich » requièrent un nombre important d’étapes. Cette complexité de mesure, source potentielle d’erreurs, constitue un désavantage certain de ces méthodes. A l’image des stratégies d’hybridation basées sur l’ouverture d’une structure en épingle à cheveux, d’autres méthodes de détection de la thrombine exploitent la structure quadruplexe que l’aptamère adopte en présence de cette protéine. Il s’agit des méthodes où les conditions avant l’interaction avec la thrombine favorisent soit un déploiement du quadruplexe soit la formation d’une autre structure comme par exemple un duplexe. L’utilisation d’une compétition avec la formation d’une autre structure que le quadruplexe a été à l’origine de plusieurs stratégies impliquant majoritairement le marquage redox d’une des espèces. En 2008, par exemple, J. Yoshizumi et al. [111] ont développé une méthode de détection schématisée à la Figure I-37. Figure I-37 [111] Schéma du principe de détection développé par J. Yoshizumi et al. (adapté du résumé graphique de l’article). Initialement, le senseur est constitué d’un duplexe d’ADN dont l’un des brins, marqué par une anthraquinone, comprend la séquence de l’aptamère de la thrombine. En présence de cette protéine, ce brin se dissocie de son complémentaire pour adopter son reploiement quadruplexe et interagir avec la thrombine. Le transfert électronique entre l’anthraquinone et l’électrode s’en trouve interrompu. 34 Chapitre I : Introduction La même année, le groupe de L. Mao a proposé deux autres stratégies au départ d’un duplexe dont un brin comporte l’aptamère de la thrombine. Dans les deux cas, le brin complémentaire à l’aptamère est marqué par un groupement ferrocène. Dans la première méthode de détection [112], l’aptamère est immobilisé à l’électrode et l’interaction de la thrombine provoque la libération du brin complémentaire. De ce fait, le transfert électronique entre le groupement ferrocène et la surface ne s’opère plus. Le second dispositif [113] consiste à immobiliser un brin complémentaire marqué qui est susceptible de former une structure en épingle à cheveux. Lorsque le duplexe avec l’aptamère est formé, le groupement redox est trop éloigné de l’électrode pour permettre le transfert d’électrons avec l’électrode. En présence de thrombine, l’aptamère se détache de son complémentaire, lequel adopte la structure en épingle à cheveux. Ceci rapproche le ferrocène de l’électrode et active le transfert électronique. Une stratégie similaire aux précédentes mais basée sur un duplexe plus long a été proposée par Y. Xiao et al. [114]. Elle est schématisée à la Figure I-38. Figure I-38 [114] (repris de Schéma du principe de détection basé sur la compétition duplexe-quadruplexe exploité par Y. Xiao et al. l’article). La présence de thrombine provoque la déshybridation de la partie de duplexe correspondant à l’aptamère de la thrombine. Le brin complémentaire marqué par du bleu de méthylène est libéré et sa flexibilité permet le transfert électronique entre le groupement redox et l’électrode. 35 Chapitre I :Introduction L’approche basée sur des conditions avant l’interaction avec la thrombine favorisent un déploiement du quadruplexe a été exploitée par le groupe de C. O’Sullivan qui a modifié l’extrémité libre de l’aptamère par un groupement ferrocène [115, 116], selon le principe illustré à la Figure I-39. Figure I-39 Schéma de la méthode de détection basée sur la formation du quadruplexe au départ de conditions défavorables à sa [115] formation (repris du résumé graphique de l’article). Au départ de conditions défavorables au reploiement du quadruplexe, l’interaction avec la thrombine permet la formation de ce dernier, ce qui rapproche le groupement redox de l’électrode et favorise le transfert électronique. Une méthode similaire utilisant le bleu de méthylène comme marqueur redox a été rapportée par le groupe de K. Plaxco [117, 118]. Les méthodes de détection de la thrombine décrites ci-avant impliquent le marquage redox d’au moins une des biomolécules impliquées dans la conception du senseur. Les stratégies qui utilisent une espèce électroactive présente en solution permettent d’éviter de recourir à ce marquage. Elles se basent le plus souvent sur le [Fe(CN)6]3-/4- [115, 119-127] ou exploitent l’attraction entre un groupement cationique comme le bleu de méthylène [128] ou le [Ru(NH3)6]3+ et les charges négative de l’aptamère et, le cas échéant, de la protéine. Une dizaine d’études de la littérature visent à détecter la thrombine grâce a des mesures d’impédance en présence de [Fe(CN)6]3-/4- [115, 119-127]. Si toutes rapportent une augmentation de la résistance au transfert de charge associée à ce couple suite à l’interaction de la thrombine avec son aptamère immobilisé, il s’agit là de la seule tendance commune à ces travaux. En effet, outre l’interprétation de l’origine de ce comportement qui varie selon les auteurs, la qualité des mesures et l’ampleur des changements de résistance au transfert de charge varient fortement. Trois articles sur le sujet permettent au lecteur attentif de se faire une idée de facteurs, généralement négligés, qui pourraient avoir une influence considérable sur les résultats. La première met en évidence, dans une perspective purement analytique, que la dénaturation de la thrombine augmente la résistance au transfert de charge observée [120]. La deuxième montre que la résistance au 36 Chapitre I : Introduction transfert de charge d’une électrode modifiée par l’aptamère dépend de la nature des cations en solution et que l’interaction de la thrombine est favorisée par le reploiement de l’aptamère, ce qui signifie qu’elle est influencée, elle aussi, par la nature des cations en solution [123]. Enfin la troisième, et certainement la plus inquiétante quand à la fiabilité des études en présence de [Fe(CN)6]3-/4- indique notamment que la simple répétition de mesures électrochimiques (d’impédance comme de voltampérométrie cyclique) augmente la résistance au transfert de charge du couple et que l’incubation de l’électrode dans du tampon de mesure, en absence de protéine, peut également mener à cette augmentation [122]. Les travaux réalisées avec du [Fe(CN)6]3-/4- exploitent la répulsion entre les groupements anioniques et le marqueur. Tout naturellement, des stratégies qui impliquent plutôt l’attraction entre ces groupements et une espèce électroactive chargée positivement ont également été développées. T. Hianik et al. [128] ont mis en évidence qu’une électrode modifiée par un aptamère immobilisé plongée dans une solution de bleu de méthylène de faible concentration présentait un courant faradique lié à la réduction de ce marqueur redox plus important après interaction avec la thrombine qu’avant. Ils ont attribué ce comportement à la charge positive du bleu de méthylène en négligeant le phénomène bien documenté d’intercalation de ce marqueur. Des travaux récents de détection de la thrombine en présence de [Ru(NH3)6]3+ [129, 130] rapportent une diminution de la charge associée à la réduction du marqueur par voltampérométrie cyclique [129] ou impulsionnelle différentielle [130] consécutive à l’interaction entre la thrombine et son aptamère. Si ces travaux concordent entre eux, il est néanmoins difficile de comprendre, a priori, pourquoi leur résultat va à l’inverse de celui rapporté avec le bleu de méthylène, également chargé positivement, si seule la charge du marqueur est prise en considération. Globalement, notre lecture critique des travaux réalisés met en exergue des contradictions et ce malgré la simplicité apparente des dispositifs utilisés. Ceci est lié au fait que les auteurs se limitent généralement à une caractérisation sommaire des biosenseurs pour se focaliser quasi exclusivement sur leur performance analytique L’interprétation des résultats obtenus reste le plus souvent simplifiée voir simpliste comme en témoignent les représentations, parfois totalement irréalistes, sensées figurer le fonctionnement des biosenseurs. Selon nous, il convient de porter son attention sur l’importance de facteurs peu contrôlés voire négligés et d’envisager des aspects fondamentaux pour atteindre une compréhension plus profonde des systèmes étudiés. 37 Chapitre I : Introduction 4 But du travail Parmi les nombreux travaux portant sur la détection électrochimique de la thrombine et évoqués dans notre introduction, nous avons constaté que les biosenseurs développés recourent souvent à l’élongation de l’aptamère pour augmenter la flexibilité de cette sonde, faciliter ainsi la reconnaissance de la cible et améliorer sa détection. L’ajout de nucléotides à l’extrémité de l’aptamère y est donc considéré implicitement comme n’ayant pas d’influence sur sa structure. Or l’aptamère de la thrombine possède une séquence quadruplexe et le reploiement de ces séquences peut, comme nous l’avons évoqué précédemment, être fortement influencé par des caractéristiques du milieu telles que les cations présents, mais il peut également être modifié par toute élongation de ces séquences. Au vu de l’importance de la structure adoptée par la sonde pour la reconnaissance moléculaire, un premier objectif de notre travail a consisté à évaluer l’influence de l’élongation de l’aptamère sur la conformation qu’il adopte dans des milieux contenant différents cations. Un autre aspect souvent éludé dans la littérature concerne les propriétés d’interaction entre l’ADN et le cation électroactif [Ru(NH3)6]3+. L’utilisation routinière de celui-ci pour quantifier des sondes ADN immobilisées trahit le fait que la communauté électrochimique n’a pas pris pleinement conscience du comportement particulier de ce complexe et de son analogue [Co(NH3)6]3+ vis-à-vis de certaines structures de l’ADN. Ils peuvent en effet stabiliser les conformations A et Z de l’ADN double brin [29, 33, 34, 131-133]. Ces éléments, combinés à la forte sensibilité des structures quadruplexes aux cations nous ont incités à caractériser l’interaction aptamère-[Ru(NH3)6]3+ par une double approche, électrochimique et spectroscopique. L’aspect électrochimique exploite la réponse redox du marqueur et permet l’étude tant pour des sondes immobilisées à la surface d’électrodes modifiées que pour des aptamères dissous en solution. La spectroscopie, quant à elle, repose sur les propriétés optiques des séquences d’ADN et fournit des informations relatives à la conformation des sondes induite par le [Ru(NH3)6]3+. Enfin, en vue d’exploiter les résultats des deux premières parties, notre troisième objectif a consisté à optimiser les conditions de reconnaissance de la thrombine et à explorer diverses pistes pour sa détection électrochimique. Ces pistes se basent sur les interactions du [Ru(NH3)6]3+ avec une sonde aptamère de la thrombine. 39 Chapitre II : Techniques et réactifs Chapitre II : 1 Techniques et réactifs Techniques 1.1 Electrochimie 1.1.1 Généralités Lors de mesures potentiostatiques, comme celles réalisées dans le cadre de ce travail, le courant est mesuré tandis que le potentiel est imposé. Le courant mesuré peut être de nature capacitive et faradique et s’exprime par la relation : où est le courant total, le courant capacitif et le courant faradique. Tout courant peut s’exprimer comme la dérivée de la charge, , par rapport au temps : où représente le temps. 41 Chapitre II : Techniques et réactifs Le courant capacitif découle d’une variation de l’organisation de l’interface électrode|solution qui se comporte comme un condensateur. La charge emmagasinée par ce condensateur, , est donnée par : où est la capacité de l’interface et la différence de potentiel aux bornes du condensateur. Toute variation au cours du temps de ou de conduit à un courant capacitif. Le courant faradique est associé aux processus d’oxydation ou de réduction. La charge faradique, , est donnée par l’équation de Faraday : où est le nombre d’électrons impliqués dans la réaction, (96485 C mol-1) et la constante de Faraday la quantité d’espèces réduites ou oxydées (en moles). Le courant faradique, , est dès lors proportionnel à la vitesse de la réaction d’oxydation ou de réduction : Dans ce manuscrit, l’ensemble des courants et des charges ont été normalisés par l’aire de l’électrode utilisée pour la mesure. Ceci revient à exprimer les données en terme de densité de courant, , et de densité de charge, et permet la comparaison des résultats obtenus sur des électrodes d’aires différentes. Ces grandeurs sont donc calculées sur base des relations: où symbolise l’aire de l’électrode de travail. Pour éviter la lourdeur littéraire associée à la dénomination de ces grandeurs, le terme « densité » est fréquemment omis dans la suite du texte. 42 Chapitre II : Techniques et réactifs 1.1.2 Appareillage Les mesures électrochimiques ont été réalisées dans une cellule à trois électrodes schématisée à la Figure II-1 et connectée à un Autolab PGSTAT 20 ou 30 équipé de modules ScanGen, FRA II et ADC 750 de la firme Eco Chemie. Les logiciels GPES (version 4.9) et FRA (version 4.8) ont servi de programmes d’acquisition et d’analyse de données. Le dispositif est thermostaté par circulation d’eau dans le compartiment externe grâce à un thermostatcryostat Julabo F10-UC. Afin de minimiser les interférences électriques, l’ensemble de la cellule électrochimique est disposé dans une cage de Faraday. Figure II-1 Schéma du dispositif à trois électrodes utilisé pour les mesures électrochimiques. Avant chaque mesure, les solutions sont désoxygénées pendant une quinzaine de minutes par barbotage d’azote. Pendant la mesure, le barbotage est remplacé par le maintien d’une surpression d’azote au-dessus de la solution. Une électrode au calomel saturée en KCl de type REF451 fournie par Radiometer a été employée comme électrode de référence. Ce dispositif comprend un double-pont qui permet d’éviter la contamination de la solution contenue dans la cellule électrochimique par l’électrode de référence. Toutes les valeurs de potentiel mentionnées dans ce travail sont données par rapport à cette électrode de référence. Une contre-électrode de platine passée à la flamme avant chaque expérience a été utilisée pour toutes les mesures impliquant de l’ADN immobilisé. Dans les autres cas, un long fil d’or épais nettoyé par le même procédé a servi de contre-électrode. 43 Chapitre II : Techniques et réactifs Lors des expériences pour lesquelles des brins d’ADN ont été immobilisés, un disque d’or polycristallin de la firme BAS (Bioanalytical Systems) d’un diamètre de 1,6 mm a été placé au centre de la cellule comme électrode de travail. L’aire réelle de ce disque a été estimée avant chaque immobilisation selon la procédure décrite plus bas. Pour les autres mesures, un disque d’or polycristallin serti dans un bloc de Téflon produit par Radiometer, a joué le rôle d’électrode de travail. L’aire géométrique de cette électrode est de 0,20 cm2. Pour ces expériences, cette aire géométrique a été considérée car elles s’intéressent exclusivement à des comportements diffusifs et que seules des comparaisons pour une même modification d’électrode sont réalisées. Quelle que soit l’électrode utilisée, elle a été polie mécaniquement à l’aide d’une pâte contenant des particules d’alumine de 1 μm jusqu’à l’obtention d’un rendu miroir. Après rinçage à l’eau MilliQ dans un bain à ultrasons, l’électrode est nettoyée électrochimiquement par un balayage cyclique prolongé entre - 0,35 V et + 1,45 V dans une solution de HClO4 0,1 M. Un voltampérogramme typiquement obtenu à l’issue de cette procédure est présenté à la Figure II-2. Figure II-2 Voltampérogramme de caractérisation typique d’une électrode d’or polycristalline dans une solution de HClO4 0,1 M à 50 mV/s mesuré jusqu’à +1,45 V, en noir, et +1,35 V, en rouge. L’aire réelle des électrodes BAS a été estimée sur base des voltampérogrammes de caractérisation enregistrés jusque +1,35 V. La charge cathodique associée à la réduction des oxydes a été rapportée à la valeur de 400 µC cm-2 typique des monocouches d’oxydes d’or [134]. 44 Chapitre II : Techniques et réactifs 1.1.3 Voltampérométries Dans les méthodes voltampérométriques, le courant est enregistré en fonction du potentiel appliqué à l’électrode de travail. Les voltampérométries se distinguent par leur programmation du potentiel en fonction du temps. 1.1.3.1 Voltampérométrie cyclique Le profil de potentiel utilisé en voltampérométrie cyclique est dit triangulaire et représenté à la Figure II-3. Le potentiel de l’électrode de travail est varié linéairement en fonction du temps entre les bornes et puis en sens inverse. La pente de la droite à reliant potentiel de départ, dans cette programmation correspond à la vitesse de balayage, . Le , peut être choisi en tout potentiel de l’intervalle [ , ]. Figure II-3 Profil de potentiel appliqué en voltampérométrie cyclique. En voltampérométrie cyclique, le courant capacitif, balayage, où , est proportionnel à la vitesse de : est la capacité de l’interface et la vitesse de balayage. La forme analytique du courant faradique, en revanche, dépend du système étudié. Elle permet de distinguer des systèmes réversibles ou irréversibles ainsi que de différencier un contrôle par diffusion ou par adsorption. 45 Chapitre II : Techniques et réactifs Dans le cas d’un contrôle par diffusion, la réponse voltampérométrique se caractérise par un pic de courant, dont l’intensité maximale varie selon la racine carrée de la vitesse de balayage. La morphologie du pic renseigne sur la réversibilité de la réaction. Pour une réaction réversible contrôlée par diffusion, le courant de pic, , est donné par la relation [135] : où représente la constante de Faraday, la constante des gaz, nombre d’électrons impliqués dans la réaction, réactive, sa concentration en cœur de phase et la température, le le coefficient de diffusion de l’espèce la vitesse de balayage. Pour une réaction irréversible à un électron sous contrôle diffusif, le courant de pic vaut [135] : où représente le coefficient de transfert. Lorsque la réaction redox implique des espèces adsorbées, un pic de courant apparaît également. Son intensité maximale varie linéairement avec la vitesse de balayage [135]. La morphologie de ce pic dépend non seulement de la réversibilité de la réaction mais également des interactions existant au sein du film. Quand ces dernières peuvent être négligées, le courant de pic pour une réaction réversible est donné par l’expression : où symbolise l’excès superficiel de l’espèce adsorbée. Dans le cas d’une réaction irréversible à un électron l’expression adéquate est : 46 Chapitre II : Techniques et réactifs 1.1.3.2 Voltampérométrie impulsionnelle différentielle La voltampérométrie impulsionnelle différentielle repose sur le profil de potentiel illustré à la Figure II-4. Le courant est mesuré juste avant ( ) et à la fin ( ) d’une impulsion de hauteur ∆Eh et de durée tp constantes. La différence entre les courants mesurés, , est portée en fonction du potentiel précédant l’impulsion. L’incrément en potentiel entre deux mesures de , ∆Es, et le temps d’attente entre deux impulsions, tw, sont constants. Figure II-4 Profil de potentiel appliqué en voltampérométrie impulsionnelle différentielle. Lors de l’impulsion, le potentiel de l’électrode de travail est changé quasi instantanément. La charge emmagasinée dans la double couche dépend du potentiel appliqué aux bornes de ce condensateur. L’adaptation de cette charge induit un courant capacitif qui décroît exponentiellement au cours du temps. Parallèlement à cela, aux potentiels où une réaction faradique a lieu, l’impulsion provoque une variation brusque des concentrations d’oxydant et de réducteur à l’électrode qui modifie le gradient de concentration et conduit à une variation du courant faradique. Celui-ci décroît moins vite que le courant capacitif. La Figure II-5 schématise la dépendance temporelle des courants capacitif et faradique après un saut de potentiel. En voltampérométrie impulsionnelle différentielle, le temps est choisi suffisamment longtemps après l’impulsion pour que le courant capacitif ait fortement décru et soit quasi identique à celui mesuré au temps . Cette méthode permet donc de privilégier considérablement le courant faradique par rapport au courant capacitif. En effet, la différence entre les courants et reste importante à la fin de l’impulsion. 47 Chapitre II : Techniques et réactifs Figure II-5 Evolution temporelle des courants capacitif, faradique et total suite à une impulsion de potentiel. Pour un système réversible, le courant de pic cathodique, , mesuré en voltampérométrie impulsionnelle est donné par l’expression : où représente le nombre d’électrons transférés, coefficient de diffusion de l’oxydant, temps avant et après l’impulsion, la constante de Faraday, sa concentration en cœur de phase, la constante des gaz, et le le la température, et l’amplitude de l’impulsion. Le potentiel de pic, où , est situé à : représente le potentiel formel du couple redox impliqué et diffusion de la forme réduite. 48 le coefficient de Chapitre II : Techniques et réactifs 1.1.3.3 Voltampérométrie alternative En voltampérométrie alternative, une perturbation de potentiel sinusoïdale de faible amplitude, , est superposée au potentiel appliqué à l’électrode de travail. La réponse du système à cette perturbation est enregistrée à un premier potentiel puis successivement après une incrémentation du potentiel, d’une valeur constante, jusqu’à atteindre le dernier potentiel d’intérêt. Cette programmation du potentiel au cours du temps est illustrée à la Figure II-6. Figure II-6 Programmation en potentiel pour une mesure de voltampérométrie alternative La superposition du potentiel alternatif conduit à la mesure d’un courant alternatif. Tous deux sont liés par la relation : où est l’amplitude du courant alternatif, celle de la perturbation en potentiel et l’impédance du système, exprimée en Ω cm2 [136]. Cette impédance peut être exprimée, en notation complexe, comme : où est la partie réelle et L’amplitude de la partie imaginaire de l’impédance totale. est donnée par la relation : 49 Chapitre II : Techniques et réactifs L’amplitude des composantes réelle et imaginaire de l’admittance s’obtient par : où est la partie réelle et la partie imaginaire de l’admittance totale. L’extraction d’informations électrochimiques s’effectue en considérant un circuit équivalent pour la cellule de mesure. 1.1.3.4 Voltampérométrie hydrodynamique Parmi les trois modes de transport d’une espèce électroactive que sont la diffusion, la migration et la convection, seul le premier est à considérer dans les techniques électrochimiques classiques telles que celles présentées jusqu’ici. En effet, la migration est minimisée par la présence de l’électrolyte support et la convection annulée par le repos de la solution et sa température uniforme. Le terme de voltampérométrie hydrodynamique réfère à des expériences de voltampérométrie cycliques réalisées sous convection. Au cours de ces mesures, l’électrode de travail est en rotation à vitesse angulaire constante pendant le balayage en potentiel. Aux potentiels où une réaction faradique a lieu, le courant cathodique mesuré avec une électrode tournante où le transport de matière est contrôlé par diffusion évolue jusqu’à atteindre un plateau. Le courant, alors appelé courant limite de diffusion, , peut s’exprimer par l’équation de Levich : où représente le nombre d’électrons transférés, coefficient de diffusion de l’oxydant, viscosité cinématique de la solution et 50 la constante de Faraday, la vitesse angulaire de rotation de l’électrode, le la la concentration de l’oxydant en cœur de phase. Chapitre II : Techniques et réactifs 1.1.4 Chronocoulométrie En chronocoulométrie, la charge qui traverse l’interface suite à une perturbation brutale du potentiel appliqué à l’électrode est enregistrée au cours du temps. Le profil de potentiel utilisé et les réponses en courant et en charge qui en découlent sont représentés à la Figure II-7. Figure II-7 (a) Programmation du potentiel en chronocoulométrie. (b) Transitoire de courant correspondant. (c) Transitoire de charge résultant de l’intégration du transitoire de courant. Le potentiel de départ, , est habituellement choisi de sorte qu’aucun processus faradique ne soit observé. Au moment du saut, le potentiel est modifié instantanément à une valeur, , où le processus faradique d’intérêt est observé. En pratique, pour les données présentées dans ce travail, des mesures de chronoampérométrie ont été réalisées. Le courant a été enregistré au cours du temps et l’intégration réalisée à postériori. 51 Chapitre II : Techniques et réactifs 1.2 Spectroscopie 1.2.1 Spectroscopie d’absorption UV 1.2.1.1 Généralités Lorsqu’un rayonnement électromagnétique passe au travers d’une solution, une partie de l’intensité lumineuse est absorbée par celle-ci. L’absorbance de la solution est définie comme : où est l’intensité du rayonnement incident et l’intensité transmise (après le passage du rayonnement au travers de l’échantillon). Les bases de l’ADN absorbent dans l’ultra-violet. Selon leur composition, les séquences d’ADN présentent des spectres d’absorption légèrement différents. Cependant, l’absorption maximale est généralement située vers 260 nm. La concentration des solutions d’ADN est régulièrement déterminée par spectroscopie d’absorption à cette longueur d’onde en utilisant la relation de Beer-Lambert : où est l’absorbance, le coefficient d’absorption molaire, la longueur de la cellule et la concentration. Lorsque la température augmente, le spectre d’absorption UV des macromolécules comme l’ADN varie du fait de la dénaturation des structures présentes. A titre d’exemple, lorsqu’un double brin d’ADN-B est chauffé suffisamment, les liaisons hydrogène entre les brins se rompent et les brins se séparent. Ce processus s’accompagne d’une augmentation de l’absorbance mesurée [137], la spectroscopie d’absorption UV permet donc de suivre la dénaturation. En 1992, Scaria et ses collègues [138] ont observé que lorsqu’une séquence capable de former un quadruplexe est titrée par un cation qui induit sont reploiement quadruplexe, son spectre d’absorption UV est modifié. Une diminution de l’absorbance est observée en deçà de 285 nm et une augmentation au-delà. Lors de la dénaturation d’un quadruplexe, les modifications opposées sont observées : une augmentation de l’absorbance à des longueurs d’onde inférieures à 285 nm et une diminution au-delà. En 1998, Mergny et al. ont proposé de suivre la dénaturation et renaturation des quadruplexes via leur absorbance à 295 nm, longueur d’onde à laquelle la diminution d’absorbance au cours de la dénaturation est la plus importante [139]. Cette méthode est communément appliquée depuis lors pour étudier la stabilité thermique des structures quadruplexes et permet notamment de déterminer les températures de dénaturation. 52 Chapitre II : Techniques et réactifs La présence ou l’absence d’hystérèse lors du refroidissement fournit en outre une indication quant à la molécularité des structures quadruplexes étudiées. En effet, la cinétique de reploiement des quadruplexes est d’autant plus lente que la molécularité du quadruplexe est élevée. La présence d’une hystérèse reflète généralement la nature multimoléculaire de la structure formée. 1.2.1.2 Appareillage La concentration des échantillons analysés a été déterminée via l’absorbance, mesurée sur un spectrophotomètre Unicam 56226 UV/visible, et les coefficients d’absorption molaire des séquences sont donnés dans le Tableau II-2 (page 58). Les courbes de dénaturation de l’ADN et de dégradation des complexes de ruthénium ont été mesurées avec un spectromètre UV-Visible Varian Cary 4000 dans des cellules en quartz d’1 cm de trajet optique. La température a été augmentée par intervalles de 1°C. Une fois la température désirée atteinte, un délai de 1 minute a été appliqué avant chaque mesure, de sorte à assurer l’équilibre thermique des échantillons. Ces deux équipements ont été mis à notre disposition par le Professeur M. Vorlíčková de l’Institut de Biophysique de Brnö, en République Tchèque. 1.2.2 Dichroïsme circulaire 1.2.2.1 Principes généraux Le dichroïsme circulaire est une méthode optique qui permet de caractériser la structure tridimensionnelle des molécules chirales. Une molécule est dite chirale lorsqu’elle n’est pas superposable à son image dans un miroir. La majorité des macromolécules biologiques, l’ADN en particulier, sont chirales. Cette méthode repose sur la mesure de la différence d’absorption, par l’échantillon, entre une lumière polarisée circulaire gauche et une lumière polarisée circulaire droite : . Le principe de la mesure est schématisé à la Figure II-8. 53 Chapitre II : Techniques et réactifs Lumière polarisée circulaire droite Lumière polarisée circulaire gauche Absorption par l’échantillon Figure II-8 Principe de la mesure de dichroïsme circulaire. Afin de permettre la comparaison entre des échantillons de concentrations différentes, les spectres dichroïques sont donnés en terme de . La loi de Beer-Lambert, , est utilisée pour la conversion. La valeur de est ensuite portée en fonction de la longueur d’onde du rayonnement polarisé incident. 1.2.2.2 Cas de l’ADN quadruplexe A l’exception d’une étude récente plus théorique [140], l’interprétation des spectres dichroïques de l’ADN quadruplexe reste, à l’heure actuelle, majoritairement qualitative. Chaque topologie de quadruplexe conduit à un spectre dichroïque spécifique. La signature dichroïque d’un quadruplexe parallèle consiste en un pic négatif vers 240 nm et un pic positif vers 260 nm tandis que la présence de deux maxima vers 245 et 295 nm connectés par un minimum vers 265 nm est, quant à elle, caractéristique des quadruplexes antiparallèles [75]. La Figure II-9 représente les spectres des séquences d’ADN G12 (losanges ouverts) et G4T4G4 (carrés pleins) reployés respectivement en quadruplexe parallèle et antiparallèle [141]. Ces spectres sont représentatifs de ces conformations et constituent un point de comparaison pour les études structurales menées. 54 Chapitre II : Techniques et réactifs Figure II-9 Spectres dichroïques des séquences d’ADN G12 (losanges ouverts) et G4T4G4 (carrés pleins) reployés respectivement en [141] quadruplexe parallèle et anti-parallèle . 1.2.2.3 Appareillage Les spectres dichroïques ont été relevés avec un dichrographe Jobin-Yvon VI (pour les mesures des Chapitres III-1 et III-2) ou Jasco J-815 (pour les mesures du Chapitre III-3) dans des cellules en quartz d’1 cm de trajet optique, à l’Institut de Biophysique de Brnö. La température de mesure (généralement 5,0°C) a été régulée au moyen d’un système Peltier. Une purge de diazote a été maintenue pendant toute la durée des mesures afin d’éviter la condensation de la vapeur d’eau ambiante. La concentration en ADN des échantillons a été ajustée, au cas par cas, de sorte que leur absorbance soit comprise entre 0,7 et 0,8 ; ceci correspond à des concentrations de l’ordre de 3 à 5 µM. 55 Chapitre II : Techniques et réactifs 1.3 Outils bioinformatiques PDB – Protein Data Bank La Protein Data Bank est une base de données de plus de 75 000 structures de protéines, d’acides nucléiques et d’assemblages complexes déterminées expérimentalement. Le format des fichiers dits PDB, créé dans les années 1970, procure une représentation standard des données structurales de macromolécules obtenues par diffraction de rayons X ou résonance magnétique nucléaire. Cette base de données est accessible gratuitement à l’adresse http://www.pdb.org. VMD – Visual Molecular Dynamics VMD est un programme conçu pour modéliser, visualiser et analyser des systèmes biologiques tels que les protéines, les acides nucléiques, les bicouches lipidiques, etc. [142]. Il permet de lire et d’afficher les structures contenues dans des fichiers PDB ainsi que d’en générer des images. Les illustrations et schémas comprenant des structures moléculaires présentés dans ce travail ont été réalisés avec la version 1.8.7 de ce programme. Celle-ci est disponible gratuitement à l’adresse internet http://www.ks.uiuc.edu/Research/vmd. Maestro Maestro est un environnement de modélisation moléculaire qui constitue l’interface de tous les logiciels de Schrödinger. Il fournit des outils de construction moléculaire et inclut des outils de mesure qui permettent la quantification de propriétés structurales et plus particulièrement la mesure de distances interatomiques. Il permet aussi de générer la maille cristallographique complète au départ d’un élément de la maille. Ses différents outils ont été utilisés, notamment, pour procéder à des adaptations réalistes de structures moléculaires déterminées expérimentalement telles que l’ajout d’une chaîne carbonée. Une fois les modifications effectuées, un fichier pdb a été créé et traité dans VMD pour générer les illustrations de cette thèse. Ce logiciel est disponible gratuitement pour les académiques à l’adresse http://www.schrodinger.com. 56 Chapitre II : Techniques et réactifs 2 Réactifs Séquences d’ADN Les séquences d’ADN utilisées au cours de ce travail sont reprises au Tableau II-1. Elles ont été synthétisées et purifiées par chromatographie liquide en phase inverse par la firme Eurogentec. L’ADN lyophilisé a été solubilisé dans du tampon Tris-HCl 10 mM à pH 7,4 de manière à atteindre une concentration de 1 mM et les solutions ainsi préparées stockées à maximum -20 °C. De l’EDTA est généralement ajouté aux solutions stock d’ADN pour complexer les cations bivalents, cofacteurs des DNAses. Pour les études par spectroscopie, les solutions ont été préparées en absence d’EDTA du fait de l’utilisation de cations bivalents. En revanche, les mesures électrochimiques n’impliquant pas de tels cations – ou exclusivement après de multiples rinçages, les solutions stock utilisées pour ces expériences contiennent une faible quantité d’EDTA. Acronyme TBA Séquences pour les mesures en solution Séquences immobilisées GGT TGG TGT GGT TGG HS – (CH2)6 - GGT TGG TGT GGT TGG GTA GGT-TBA GTA GGT GGT TGG TGT GGT TGG HS – (CH2)6 – GTA GGT GGT TGG TGT GGT TGG TTT TTT-TBA TTT TTT GGT TGG TGT GGT TGG HS – (CH2)6 – TTT TTT GGT TGG TGT GGT TGG HS – (CH2)6 –TTT TTT AGT CCG TGG GGC AGG TTG GGG TGA CT HS – (CH2)6 – CAA GAC GGA AAG ACC C HS – (CH2)6 – CGT GTC GTT GCA TCC C HS – (CH2)6 – CAA TAC TTA AAT ACC C TTT TTT AAC CTA TGT CAT TTA HS – (CH2)6 – TTT TTT AAC CTA TGT CAT TTA HS – (CH2)6 – CAA GAC GGA AAG ACC C + GGG TCT TTC CGT CTT G Tableau II-1 Séquences d’ADN utilisées. Les modifications de séquence nécessaires à l’immobilisation sont indiquées en bleu. La séquence complémentaire requise pour l’immobilisation du duplexe est colorée en vert. 57 Chapitre II : Techniques et réactifs Avant toute mesure spectroscopique, la concentration exacte de chaque échantillon a été déterminée sur base du coefficient d’absorption molaire de la séquence considérée. Les coefficients d’absorption molaire utilisés pour les calculs de concentrations sont repris au Tableau II-2. Acronyme TBA GTA GGT-TBA TTT TTT-TBA Coefficient d’absorption molaire à 260 nm 143 300 M-1 cm-1 191 300 M-1 cm-1 205 000 M-1 cm-1 Tableau II-2 Coefficients d’absorption molaire des séquences ayant fait l’objet d’études spectroscopiques. Complexes de ruthénium - [Ru(NH3)6]Cl3, Sigma, Pureté : 98% (pour les mesures spectroscopiques) [Ru(NH3)6]Cl3, Alfa Aesar, >32.1% Ru (pour les mesures électrochimiques) Sels pour la préparation des tampons Les sels utilisés pour préparer le tampon tris(hydroxyméthyl)aminométhane·HCl (TrisHCl) sont des produits Sigma : TRIZMA Base et TRIZMA Hydrochloride de qualité Biotechnology Performance Certified minimum 99%. Les sels hydrogénophosphate et dihydrogénophosphate de potassium sont de marque Merck et de qualité Pro Analysi. Cations Pour chaque cation, le sel de chlorure correspondant a été utilisé lors de la préparation des solutions. Tous ces sels possédaient une qualité « pour analyse ». Acide L’acide perchlorique 70% est un produit Merck de qualité Suprapur. Solvant Toutes les solutions ont été préparées avec de l’eau purifiée par un système Millipore. Azote L’azote, fourni par Air Liquide, est utilisé pour désoxygéner les solutions et contient moins de 0,0005% d’oxygène. 58 Chapitre III : Résultats et discussion Chapitre III : 1 Résultats et discussion Influence de l’élongation de l’aptamère sur sa structure L’élongation des séquences de reconnaissance moléculaire par des bases supplémentaires confère aux sondes une flexibilité qui favorise l’interaction cible-sonde et améliore ainsi la détection de la cible [143, 144]. Dans ce travail, deux séquences allongées de l’aptamère de la thrombine (TBA) ont été considérées : GTA GGT-TBA et TTT TTT-TBA. La première avait déjà fait l’objet d’une étude structurale en présence de cations K+ [145] au sein du laboratoire du Pr. M. Vorlíčková où nous avons réalisé nos mesures spectroscopiques. La seconde présente une élongation par six thymines, soit le même nombre de bases que la première, et est inspirée d’une étude de SPR sur la détection de la thrombine [143]. Cette étude considérait l’influence d’un nombre croissant de thymines ajoutées en amont de TBA sur la détection de la thrombine et concluait à une longueur optimale comprise entre 5 et 10 thymines supplémentaires. La séquence TBA adopte une structure quadruplexe [88, 90, 92, 145-157], or le reploiement de ces structures, et en particulier les télomères, peut être influencé par l’addition de nucléotides à leur extrémité 5’ [158, 159]. Les conformations adoptées par les séquences allongées de l’aptamère pourraient donc différer de celle de TBA. L’objet de ce premier chapitre consiste à évaluer l’influence de l’élongation de TBA sur sa structure. 59 Chapitre III : Résultats et discussion 1.1 Présence de cations potassium Dans un premier temps, l’influence de l’incorporation de six bases supplémentaires à l’extrémité 5’ de TBA sur sa structure a été étudiée en présence de cations potassium. La structure de TBA a fait l’objet de nombreux travaux depuis la sélection in vitro de cet aptamère et ces ions stabilisent sa structure. Cette première comparaison en milieu K+ permettra d’évaluer la capacité des séquences allongées à adopter une conformation similaire à l’aptamère dont elles dérivent. Les spectres dichroïques de TBA, GTA GGT-TBA et TTT TTT-TBA, relevés dans une solution de Tris-HCl 10 mM pH 7,4 contenant 25 mM de KCl, sont présentés à la Figure III-1. Figure III-1 Spectre dichroïque de TBA (noir), GTA GGT-TBA (bleu) et TTT TTT-TBA (rouge) dans une solution de Tris-HCl 10 mM à pH 7,4 contenant 25 mM de KCl. Les spectres des trois séquences présentent des caractéristiques similaires dans ces conditions : deux maxima localisés à 246-247 nm et 293 nm et un minimum vers 265 nm. Ces pics sont typiques d’une structure quadruplexe anti-parallèle (voir section II-1.2.2.2). Dans le cas de TBA [145, 147, 151] et de GTA GGT-TBA [145], ces mesurent confirment la structure observée dans des milieux contenant des cations potassium. 60 Chapitre III : Résultats et discussion L’observation de structures similaires en présence du potassium, connu pour stabiliser la structure quadruplexe anti-parallèle de TBA, ne constitue pas un élément suffisant pour conclure à l’absence d’influence des bases supplémentaires sur la conformation adoptée par l’aptamère. En effet, certains quadruplexes changent de conformation selon les cations en présence [160-163] et il est possible que les trois séquences adoptent des reploiements différents selon la nature des cations en solution. Or les études menées dans la littérature et visant à détecter la thrombine via son interaction avec son aptamère ont été effectuées dans des milieux contenant différents cations [108, 114, 117, 119, 120, 128, 143, 144, 164-171] ou privilégiant leur absence [115, 116, 172], selon les groupes. En outre, la séquence TBA a été sélectionnée comme aptamère de la thrombine dans un milieu complexe avec plusieurs cations présents en concentrations différentes [19]. Pour ces raisons, notre étude a été étendue aux reploiements adoptés par les trois séquences en présence d’autres cations et notamment de cations bivalents. 61 Chapitre III : Résultats et discussion 1.2 Présence d’autres cations mono- et bivalents Dans cette deuxième étape, des spectres dichroïques ont été relevés en présence de chlorures de Na+, Rb+, NH4+, Mg2+, Ca2+, Sr2+ et Ba2+ pour chacune des trois séquences comparées. Les concentrations en sel sont respectivement de 25 mM et de 5 mM pour les cations mono- et bivalents. Sauf spécifié autrement, il en sera de même pour les expériences ultérieures. Toutes les solutions sont préparées dans du Tris-HCl 10 mM à pH 7,4. La Figure III-2 présente les spectres dichroïques de la séquence TBA mesurés en présence de Na+, Rb+, NH4+, Mg2+ ou Ca2+. Figure III-2 Spectre dichroïque de TBA en présence de différents cations dans du Tris-HCl 10 mM à pH 7,4. La concentration des cations monovalents est de 25 mM et celle des divalents de 5 mM. L’examen des spectres révèle deux bandes positives autour de 245 nm et 290 nm séparées par une bande négative autour de 270 nm. Deux points isoelliptiques, situés à 255 et 280 nm, sont présents. Ceci reflète le fait qu’un même type de structure est formé avec tous ces ions, en l’occurrence un quadruplexe anti-parallèle. Ce résultat est en accord avec une précédente étude sur l’influence des cations sur la stabilité de la structure adoptée par TBA [147]. 62 Chapitre III : Résultats et discussion Les spectres mesurés pour TBA en présence de Sr2+ ou Ba2+ sont reproduits à la Figure III-3. Par rapport aux spectres de la Figure III-2, ces spectres présentent un déplacement du second pic positif vers des longueurs d’ondes plus élevées. Ce déplacement s’accompagne de l’apparition d’une contribution négative vers 280 nm induisant un minimum local en milieu Ba2+ et un déplacement du minimum global vers cette longueur d’onde dans le cas du Sr2+. Ces observations sont, ici encore, en accord avec l’étude évoquée précédemment [147]. La position du second maximum vers 300 nm est atypique pour un quadruplexe anti-parallèle. Toutefois, une étude RMN a établi le reploiement de TBA en un quadruplexe anti-parallèle en présence d’ions Sr2+ [148]. Elle montre en outre que, bien que la topologie du quadruplexe soit conservée avec Sr2+, la structure formée en sa présence possède un écart entre les quartets plus important qu’en milieu K+. Les spectres dichroïques obtenus reflètent dès lors bien la formation d’un quadruplexe anti-parallèle par TBA tant en présence de Sr2+ que de Ba2+. Figure III-3 2+ 2+ + Spectre dichroïque de TBA en présence de Sr et Ba (K reproduit à titre comparatif) dans du Tris-HCl 10 mM à pH 7,4. La concentration des cations monovalents est de 25 mM et des divalents de 5 mM. Bien que les deux brins d’ADN allongés contiennent la même séquence capable de se reployer en quadruplexe que TBA, ils ne se comportent pas de manière identique en présence de tous les cations. En effet, parmi les cations étudiés, la signature dichroïque de quadruplexe anti-parallèle n’est observée, pour GTA GGT-TBA, qu’avec les ions K+, Rb+, Ba2+ et Sr2+ (Figure III-4). 63 Chapitre III : Résultats et discussion Figure III-4 + 2+ 2+ + Spectre dichroïque de GTA GGT-TBA en présence de Rb , Ba et Sr (K reproduit à titre comparatif) dans du tampon TrisHCl 10 mM à pH 7,4. La concentration des cations monovalents est de 25 mM et des divalents de 5 mM. Sur les spectres obtenus en milieu Ba2+ et Sr2+, comme dans le cas de TBA avec ces cations, le second maximum se situe vers 300 nm. Une comparaison attentive avec les spectres de TBA (en présence de ces mêmes cations), met en lumière de légères différences. Pour Ba2+, les minima locaux vers 265 et 280 nm présentent des intensités deux à trois fois moindres pour GTA GGT-TBA que pour TBA. Pour Sr2+, la contribution négative vers 265 nm, déjà moins marquée pour TBA, tend à disparaître avec GTA GGT-TBA. Dans le cas de TTT TTT-TBA, seuls les spectres dichroïques mesurés en présence de K+, Rb+, NH4+, Ba2+ et Sr2+ (Figure III-5) présentent les caractéristiques d’un quadruplexe antiparallèle. A l’instar des spectres de TBA et de GTA GGT-TBA avec ces cations, les spectres obtenus en milieu Ba2+ et Sr2+ exhibent le second maximum vers 300 nm. Par contre, si l’amplitude du minimum local vers 265 nm est semblable à celle observée pour TBA, celle du minimum vers 280 nm est plus faible. Cette différence pourrait trouver son origine dans un reploiement local des six thymines successives à l’extrémité 5’. Cette hypothèse repose sur le fait que des séquences composées exclusivement de thymines présentent une bande négative vers 260 nm et une positive vers 280 nm [173]. L’existence de ces contributions expliquerait également qu’en milieu Sr2+, TTT TTT-TBA soit la seule des trois séquences à présenter un minimum global à 265 nm. 64 Chapitre III : Résultats et discussion Figure III-5 + + 2+ 2+ + Spectre dichroïque de TTT TTT-TBA en présence de Rb , NH4 , Ba et Sr (K reproduit à titre comparatif) dans du tampon Tris-HCl 10 mM à pH 7,4. La concentration des cations monovalents est de 25 mM et des divalents de 5 mM. A ce stade, les similarités au niveau de la structure globale adoptée par les 3 séquences en présence de différents cations ont été mises en évidence. La nature des ions qui induisent un reploiement de type quadruplexe anti-parallèle dépend non seulement de la présence ou de l’absence de bases supplémentaires à l’extrémité 5’ de la séquence mais aussi de la séquence de bases ajoutées. En effet, en présence de cations ammonium, TTT TTT-TBA forme un quadruplexe anti-parallèle qui n’est pas observé dans le cas de GTA GGT-TBA. La structure fine des quadruplexes anti-parallèles formés est influencée par la séquence de bases ajoutées à l’extrémité 5’ du brin d’ADN puisque pour un même cation en présence, des différences sont observées entre les spectres des deux séquences allongées. Les Tableaux III-1 et III-2 résument les observations réalisées jusqu’à présent et les données de la littérature qui s’y rapportent. Les cases correspondant à des résultats non encore évoqués sont laissées vides et seront remplies progressivement. Le Tableau III-1 se rapporte au caractère quadruplexe des structures formées en présence des différents cations. Lorsque celui-ci est établi, la méthode qui le montre est mentionnée avec les références correspondantes. 65 Chapitre III : Résultats et discussion Cation Ba2+ Ca2+ K+ Mg2+ Na+ NH4+ Rb+ Sr2+ TBA Etabli par CD [147] Etabli par CD [147] Etabli par RX [94], RMN [88, 153], CD [145147, 151, 154-156] , TDS [152, 155] Etabli par CD [147] Etabli par RX [90, 92], RMN [157], CD [146, 147, 151, 156] , TDS [146, 150] Etabli par CD [147] Etabli par CD [147] Etabli par RMN [148, 149], CD [147] TTT TTT-TBA Établi par CD GTA GGT-TBA Établi par CD Établi par CD Établi par CD [145] Établi par CD Établi par CD Établi par CD Établi par CD Établi par CD Tableau III-1 Caractère quadruplexe des structures formées en présence des différents cations selon les résultats déjà évoqués à ce stade. Le Tableau III-2 indique le type de quadruplexe observé pour chaque séquence en présence des différents cations. Cation Ba2+ Ca2+ K+ Mg2+ Na+ NH4+ Rb+ Sr2+ TBA Anti-parallèle Anti-parallèle Anti-parallèle Anti-parallèle Anti-parallèle Anti-parallèle Anti-parallèle Anti-parallèle TTT TTT-TBA Anti-parallèle GTA GGT-TBA Anti-parallèle Anti-parallèle Anti-parallèle Anti-parallèle Anti-parallèle Anti-parallèle Anti-parallèle Anti-parallèle Tableau III-2 Type de structure quadruplexe majoritairement observé pour les séquences en présence des différents cations étudiés. Seuls les spectres que nous avons relevés en présence d’ions induisant la formation de quadruplexes anti-parallèles ont été présentés jusqu’ici. Pour TBA, ce type de structure est observé indépendamment des cations en présence (Figures III-2 et III-3 et réf. [88, 90-92, 94, 145, 147-149, 151, 153, 154, 157, 174, 175] ). Toutefois les séquences allongées tendent à adopter des comportements différents en présence d’autres ions. La Figure III-6 représente les spectres dichroïques obtenus en présence de Na+, Ca2+, Mg2+ et NH4+ pour GTA GGT-TBA. Dans des solutions contenant Na+, Ca2+ ou Mg2+, les spectres de cette séquence possèdent une bande négative autour de 240 nm et une bande positive dont le maximum est positionné entre 265 et 275 nm. Un point isoelliptique est observé à 255 nm. Ces caractéristiques sont évocatrices d’une structure quadruplexe parallèle bien que la transition entre le pic négatif et le pic positif soit moins abrupte que la forme habituelle des spectres associés à ce type de structure (voir Figure II-9, page 55). 66 Chapitre III : Résultats et discussion Figure III-6 + 2+ 2+ + + Spectre dichroïque de GTA GGT-TBA en présence de Na , Ca , Mg et NH4 (K reproduit à titre comparatif) dans du tampon Tris-HCl 10 mM à pH 7,4. La concentration des cations monovalents est de 25 mM et des divalents de 5 mM. Le spectre de GTA GGT-TBA dans une solution contenant des cations NH4+ est peu caractéristique et présente seulement une large contribution positive qui s’étend entre 250 et 300 nm. Il ne peut être directement attribué ni à une structure quadruplexe parallèle, ni à une anti-parallèle. Concernant TTT TTT-TBA, les spectres s’avèrent encore plus complexes. En solution avec des ions Na+ (Figure III-7), la courbe dichroïque présente une bande faiblement négative vers 240 nm, élément caractéristique des structures quadruplexes parallèles. Toutefois, la contribution très légèrement négative vers 265 nm et la large bande positive dont le maximum culmine vers 290 nm seraient, pour leur part, plutôt indicatrices de caractéristiques associées à une structure quadruplexe anti-parallèle. Cette combinaison de caractéristiques pourrait être attribuée à une coexistence de brins reployés en une structure quadruplexe parallèle et de brins dans une conformation anti-parallèle. Un tel mélange de conformations a déjà été mis en évidence pour la séquence quadruplexe du promoteur hTERT [176]. Cependant, au regard de la faible intensité du spectre dichroïque, une confirmation du caractère quadruplexe de la structure formée est nécessaire pour appuyer cette interprétation. L’analyse des spectres en milieu Ca2+ et Mg2+ est similaire, bien que la contribution vers 260 nm soit cette fois très légèrement positive et dès lors plus typique d’un quadruplexe parallèle. 67 Chapitre III : Résultats et discussion Figure III-7 + 2+ 2+ + Spectre dichroïque de TTT TTT-TBA en présence de Na , Ca et Mg (K reproduit à titre comparatif) dans du tampon TrisHCl 10 mM à pH 7,4. La concentration des cations sodium est de 25 mM et des divalents de 5 mM. Le Tableau III-3 indique dans quelle mesure le caractère quadruplexe des structures formées a pu être établi et le cas échéant par quelle méthode. Cation Ba2+ Ca2+ K+ Mg2+ Na+ NH4+ Rb+ Sr2+ TBA Etabli par CD [147] Etabli par CD [147] Etabli par RX [94], RMN [88, 153], CD [145147, 151, 154-156] , TDS [152, 155] Etabli par CD [147] Etabli par RX [90, 92], RMN [157], CD [146, 147, 151, 156] , TDS [146, 150] Etabli par CD [147] Etabli par CD [147] Etabli par RMN [148, 149], CD [147] TTT TTT-TBA Établi par CD Incertain GTA GGT-TBA Établi par CD Incertain Établi par CD Établi par CD [145] Incertain Incertain Incertain Incertain Établi par CD Établi par CD Établi par CD Incertain Établi par CD Établi par CD Tableau III-3 Caractère quadruplexe des structures formées en présence des différents cations selon les résultats obtenus dans cette section. 68 Chapitre III : Résultats et discussion 1.3 Analyse du caractère quadruplexe et de la stabilité thermique Comme le résume le Tableau III-3 à la fin de la section précédente, en présence de certains cations, les spectres obtenus pour les séquences GTA GGT-TBA et TTT TTT-TBA n’ont pu être attribués sans équivoque à une structure quadruplexe connue. Il s’agit des ions Na+, Ca2+, Mg2+ et NH4+ pour GTA GGT-TBA et Na+, Ca2+ et Mg2+ pour TTT TTT-TBA. De ce fait, la suite de cette étude vise à vérifier si des structures de type quadruplexe sont formées par chacune des séquences en présence des différents ions. Pour ce faire, un suivi de la dénaturation thermique a été réalisé par spectroscopie d’absorption UV pour chacune des trois séquences en présence de chaque ion étudié précédemment. Ces mesures permettent en effet de distinguer les structures quadruplexes (quelles qu’elles soient) d’autres types de structures [150]. Les sels et concentrations utilisés sont identiques à ceux utilisés pour les mesures de dichroïsme circulaire. A titre d’exemple, la Figure III-8 illustre l’évolution du spectre d’absorption UV de GTA GGT-TBA en milieu K+ lors de sa dénaturation thermique. Un point isosbestique est observé à 285 nm 1. Au-delà de celui-ci, une diminution d’absorbance (ou déplacement hypochromique) est observé tandis qu’en deçà, l’absorbance augmente. Ces observations sont en accord avec les travaux de Scaria [138] qui montrent que le reploiement en une structure quadruplexe provoque une hyperchromicité au-delà de 285 nm. Mergny [139] a mis en évidence que la dénaturation du quadruplexe peut être suivie en termes de la diminution significative d’absorbance observée à 295 nm. A cette longueur d’onde, une diminution est observée pour des structures quadruplexes, i-motifs, triplexes, duplexes avec appariements Hoogsteen et de l’ADN-Z [150]. La distinction entre ces différentes structures peut être réalisée par le biais d’un spectre différentiel thermique qui sera systématiquement présenté après les courbes de dénaturation. 1 La position de ce point isosbestique dépend de la séquence ; il est observé à 281 nm pour TTT TTT-TBA et + 282 nm pour TBA en présence de K . 69 Chapitre III : Résultats et discussion Figure III-8 + Evolution en température du spectre d’absorption de GTA GGT-TBA en présence de 25 mM de K . La Figure III-9 représente la dépendance en température de l’absorbance de TBA à 295 nm, normalisée. Habituellement, les courbes de dénaturation sont présentées par la différence entre ε et ε à la plus haute température divisée par la valeur de ε à la plus basse température : Les valeurs de ε ainsi normalisées varient toujours entre 0 et 1. Une normalisation différente a été utilisée dans ce travail. Celle-ci consiste à diviser ε par sa valeur la plus basse (à haute température) : Cette normalisation présente plusieurs avantages. Premièrement, elle permet la comparaison par rapport à l’état déployé, observé à haute température qui est indépendant des ions présents. Deuxièmement, elle évite de recourir à l’hypothèse implicite qu’à la température la plus basse, tous les brins sont reployés. Enfin, troisièmement, elle facilite la comparaison de l’importance des déplacements hypochromiques (diminutions de la valeur d’absorbance mesurée à une longueur d’onde). 70 Chapitre III : Résultats et discussion Figure III-9 Courbes de dénaturation de TBA à 295 nm en présence des différents cations. La concentration des cations monovalents est de 25 mM et des bivalents de 5 mM. Les courbes sont normalisées par rapport à la valeur ε la plus basse (à haute température). Une diminution significative de l’absorbance à 295 nm est observée pour TBA, indépendamment de la nature des cations présents en solution. L’amplitude du déplacement hypochromique décroit selon l’ordre : Ba2+ ≈ Sr2+ > Rb+ ≈ NH4+ ≈ K+ > Na+ > Mg2+ > Ca2+. En présence de cations Na+, Ca2+ et Mg2+ la dénaturation thermique de la structure formée débute avant 2°C. La température de dénaturation, Tm, est définie comme la température à laquelle la moitié des brins sont déployés [137]. Les valeurs de Tm déterminées, pour TBA, par la méthode de la médiane [177] sont reportées dans le Tableau III-4. La séquence de ces températures de dénaturation Sr2+ ≥ Ba2+ > K+ > Rb+ ≈ NH4+ est en accord avec la littérature [147]. Cation Ba2+ K+ NH4+ Rb+ Sr2+ Tm pour TBA 57°C 45°C 28°C 29°C 60°C Tableau III-4 Températures de dénaturation de TBA en présence de différents cations. 71 Chapitre III : Résultats et discussion La courbe de dénaturation de TBA en présence de K+ indique que la dénaturation se produit entre 30°C et 60°C. Le spectre différentiel thermique de TBA en milieu K+ est obtenu en soustrayant les valeurs d’absorbance à 30°C de celles mesurées à 60°C. Le même principe est appliqué pour l’ensemble des cations. Dans le cas des cations pour lesquels la dénaturation est entamée à 2°C, les valeurs d’absorbance à cette température ont été utilisées. La Figure III-10 montre les spectres différentiels thermiques de TBA en présence des différents cations. Figure III-10 Spectres différentiels thermiques de TBA en présence de différents cations. La concentration des cations monovalents est de 25 mM et celle des bivalents de 5 mM. Les spectres obtenus en présence de K+, Rb+, NH4+, Na+, Ca2+ et Mg2+ présentent deux maxima vers 242 et 273 nm ainsi que deux minima vers 262 et 295 nm. Le maximum global est situé à 242 nm, ce qui est en accord avec les observations de Coppola et ses collègues [146] mais contraste avec les résultats du groupe de Mergny [150] qui obtient un maximum global à 273 nm. La valeur négative de à 262 nm, atypique pour les quadruplexes selon les travaux de Mergny et al., est quant à elle en accord avec les observations des deux groupes pour TBA. Dans des milieux comprenant du Ba2+ ou du Sr2+, les maxima sont localisés vers 244 et 273 nm et les minima vers 260 et 298 nm. Ce déplacement vers les longueurs d’ondes plus élevées du second minimum rappelle le déplacement observé en dichroïsme circulaire (Figure III-3, page 63). Le maximum global est ici situé vers 273 nm, valeur généralement observée pour les quadruplexes. 72 Chapitre III : Résultats et discussion Dans le cas de TTT TTT-TBA, les courbes de dénaturation sont représentées à la Figure III-11. Une diminution de l’absorbance à 295 nm est également observée quel que soit l’ion en présence. La diminution relative d’absorbance observée en milieu Sr2+, Ba2+, K+, Rb+ et NH4+ est significative. Les cas de Na+, Ca2+ et Mg2+ sont moins évidents car la dénaturation thermique semble déjà entamée à 2°C, ce qui empêche l’estimation correcte de l’amplitude du déplacement hypochromique. Le rapport ε/εfinal observé à 2°C est plus petit que ε0/εfinal qui caractériserait la dénaturation complète. Le déplacement hypochromique observé est donc une sous-estimation de celui associé au processus complet. Figure III-11 Courbes de dénaturation de TTT TTT-TBA à 295 nm en présence des différents cations. La concentration des cations monovalents est de 25 mM et des bivalents de 5 mM. Les courbes sont normalisées par la valeur la plus basse (à haute température). Dans des solutions contenant du Sr2+ ou du Ba2+, le déplacement hypochromique observé avec TTT TTT-TBA (Figure III-11) est moins intense que dans le cas de TBA (Figure III-9), tandis que dans des solutions avec du K+, Rb+ ou NH4+ son intensité est similaire. La présence des six thymines à l’extrémité 5’ semble donc influencer plus la structuration en présence de Sr2+ et Ba2+ qu’en K+, Rb+ ou NH4+. Cette observation peut être corrélée avec les changements plus importants entre les spectres dichroïques de TBA (Figures III-2 et III-3) et TTT TTT-TBA (Figure III-5) en présence de ces deux ions. La séquence globale des déplacements hypochromiques est la même que dans le cas de TBA. 73 Chapitre III : Résultats et discussion Les températures de dénaturation sont reportées dans le Tableau III-5. Cation Ba2+ K+ NH4+ Rb+ Sr2+ Tm pour TBA 57°C 45°C 28°C 29°C 60°C Tm pour TTT TTT-TBA 52°C 33°C 14°C 15°C 57°C Tableau III-5 Comparaison des températures de dénaturation de TBA et TTT TTT-TBA en présence de différents cations. La séquence des températures de dénaturation est également identique à celle de TBA mais les valeurs de Tm sont systématiquement plus faibles que pour TBA, indépendamment du cation considéré. Cette constatation est particulièrement importante pour les applications qui recourent à des séquences allongées d’aptamères. En effet, cela signifie que la présence de bases supplémentaires diminue la gamme de températures dans laquelle l’aptamère allongé peut être exploité. Les spectres différentiels thermiques de TTT TTT-TBA en présence des différents cations sont illustrés à la Figure III-12. Comme pour TBA, dans des milieux contenant du Rb+, NH4+, K+, Na+, Mg2+ ou Ca2+, deux maxima vers 242 nm (maximum global) et 274 nm et deux minima vers 262 et 295 nm sont observés tandis qu’avec du Ba2+ ou du Sr2+, le second minimum est déplacé vers 298 nm et le maximum global se situe vers 273 nm. L’intensité moindre des pics obtenus en Na+, Mg2+ et Ca2+ est liée au fait que lors de la mesure d’absorbance à 2°C une portion significative des brins d’ADN est déjà déployée à cette température. Pour l’ensemble des cations étudiés, les caractéristiques des spectres différentiels thermiques corroborent le caractère quadruplexe des structures formées en leur présence. 74 Chapitre III : Résultats et discussion Figure III-12 Spectres différentiels thermiques de TTT TTT-TBA en présence de différents cations. La concentration des cations monovalents est de 25 mM et celle des bivalents de 5 mM. La Figure III-13 présente les courbes de dénaturation pour GTA GGT-TBA. Ici encore, une diminution de l’absorbance à 295 nm est observée avec tous les cations étudiés. En présence de Ba2+, Sr2+, K+, Rb+, NH4+ et Na+, l’amplitude de ce déplacement hypochromique est significative. Figure III-13 Courbes de dénaturation de GTA GGT-TBA à 295 nm en présence des différents cations. La concentration des cations monovalents est de 25 mM et des bivalents de 5 mM. Les courbes sont normalisées par la valeur la plus basse (à haute température). 75 Chapitre III : Résultats et discussion Par contre, dans le cas des cations Ca2+ et Mg2+, la variation relative d’absorbance est très faible. La séquence d’hypochromicité obtenue avec cette séquence est Ba2+ > Sr2+ > K+ > Rb+ > NH4+ ≈ Na+. Elle est similaire à celle des deux autres séquences d’ADN. L’intensité du déplacement hypochromique est plus faible que pour TBA et TTT TTT-TBA, quel que soit l’ion considéré. La séquence de Tm est identique à celle des deux autres séquences. Les températures de dénaturation observées sont reprises au Tableau III-6 et comprises entre celles obtenues pour TBA et TTT TTT-TBA. Cation Ba+ K+ NH4+ Rb+ Sr2+ Tm pour TBA 57°C 45°C 28°C 29°C 60°C Tm pour TTT TTT-TBA 52°C 33°C 14°C 15°C 57°C Tm pour GTA GGT-TBA 55°C 35°C 20°C 18°C 60°C Tableau III-6 Comparaison des températures de dénaturation de TBA et des séquences allongées en présence de différents cations. La Figure III-14 montre les spectres différentiels thermiques de GTA GGT-TBA dans des milieux comportant les différents cations. Figure III-14 Spectres différentiels thermiques de GTA GGT-TBA en présence de différents cations. La concentration des cations monovalents est de 25 mM et celle des bivalents de 5 mM. 76 Chapitre III : Résultats et discussion En présence de K+, Rb+ et NH4+, deux maxima vers 244 et 273 nm sont observés ainsi que deux minima vers 262 et 295 nm. Le spectre obtenu lorsque Na+ est en solution est similaire excepté que le second maximum se situe vers 271 nm. Pour ces quatre cations, l’allure du spectre permet de conclure au caractère quadruplexe de la structure formée en leur présence. Le spectre dichroïque de GTA GGT-TBA relevé en milieu NH4+ (Figure III-6, page 67) peut, à la lumière de cette analyse, être attribué à un mélange de brins reployés en quadruplexe parallèle et en anti-parallèle. Comme dans le cas de TBA et de TTT TTT-TBA, les spectres obtenus avec Sr2+ et Ba2+ présentent un maximum local vers 244 nm, un maximum global vers 273 nm et deux minima vers 262 et 298 nm. Ceci indique, ici aussi, que les structures observées en leur présence sont de type quadruplexe. Le cas des spectres différentiels thermiques en milieu Ca2+ et Mg2+ est plus délicat. Ces spectres possèdent un maximum vers 273 nm et un minimum vers 295 nm. Cependant, l’amplitude de ce minimum est fort faible. L’allure du spectre normalisé par sa valeur maximale présente une contribution négative moins importante (environ -0,25) que celle comprise entre -0,5 et -1 attendue sur base des travaux de Mergny et al. [150]. Cependant, l’allure de la partie positive de cette courbe est en bon accord avec les observations de ce groupe sur les quadruplexes et aucun autre type de structure décrit 2 ne semble correspondre mieux. Sur base de ces observations et du spectre dichroïque de la Figure III-6 (page 67), la structure observée est suggérée comme probablement majoritairement de type quadruplexe parallèle. Comme l’illustre la Figure III-15 (page suivante), pour chacune des trois séquences étudiées, la dénaturation est réversible et aucune hystérèse n’est observée et ce, quel que soit le cation en présence. Ceci indique que les structures qui subissent la dénaturation sont probablement intramoléculaires par contraste avec les structures multimoléculaires qui présentent des hystérèses [177, 178]. Ce caractère simple brin des quadruplexes formés serait en accord avec la majorité des observations de la littérature pour TBA [88, 90-92, 147, 149, 151, 153, 174, 175] , une seule étude faisant état d’une structure bimoléculaire [145]. 2 Duplexes de A et T, duplexes de G et C, ADN-Z, duplexes parallèles, duplexes de G et A, duplexes de Hoogsteeen, ADN-i et triplexes. 77 Chapitre III : Résultats et discussion Figure III-15 Comparaison des courbes de dénaturation et de renaturation en présence des différents ions. La concentration des cations monovalents est de 25 mM et celle des bivalents de 5 mM. (Ces courbes sont normalisées selon les conventions habituelles de la littérature.) 78 Chapitre III : Résultats et discussion L’analyse réalisée sur les trois séquences en présence des différents cations indique que, contrairement à TBA qui se reploie systématiquement en quadruplexe anti-parallèle, les séquences rallongées à l’extrémité 5’ peuvent adopter soit une conformation quadruplexe anti-parallèle, soit une structure quadruplexe parallèle selon la nature des ions en présence dans la solution. La nature quadruplexe des structures formées par les trois séquences dans des milieux contenant chacun des cations étudiés a pu être établie via les spectres différentiels thermiques. Le Tableau III-7 reprend les méthodes qui ont permis d’établir ce caractère quadruplexe tandis que le Tableau III-8 indique le(s) type(s) de quadruplexe prédominant(s) selon les cations en solution. Cation Ba2+ Ca2+ K+ Mg2+ Na+ NH4+ Rb+ Sr2+ TBA CD , TDS CD [147], TDS RX [94], RMN [88, 153], CD [145-147, 151, 154-156] , TDS [152, 155] CD [147], TDS RX [90, 92], RMN [157], CD [146, 147, 151, 156] , TDS [146, 150] CD [147], TDS CD [147], TDS RMN [148, 149], CD [147], TDS [147] TTT TTT-TBA CD, TDS TDS GTA GGT-TBA CD, TDS TDS CD, TDS CD [145], TDS TDS TDS TDS TDS CD, TDS CD, TDS CD, TDS TDS CD, TDS CD, TDS Tableau III-7 Méthodes ayant permis d’établir le caractère quadruplexe des structures formées en présence des différents cations. Cation Ba2+ Ca2+ K+ Mg2+ Na+ NH4+ Rb+ Sr2+ TBA Anti-parallèle Anti-parallèle Anti-parallèle Anti-parallèle Anti-parallèle Anti-parallèle Anti-parallèle Anti-parallèle TTT TTT-TBA Anti-parallèle Parallèle + Anti-parallèle Anti-parallèle Parallèle + Anti-parallèle Parallèle + Anti-parallèle Anti-parallèle Anti-parallèle Anti-parallèle GTA GGT-TBA Anti-parallèle Parallèle Anti-parallèle Parallèle Parallèle Parallèle + Anti-parallèle Anti-parallèle Anti-parallèle Tableau III-8 Type(s) de structure quadruplexe majoritairement observé(s) pour les séquences en présence des différents cations étudiés. 79 Chapitre III : Résultats et discussion 2 Interactions entre l’aptamère et le [Ru(NH3)6]3+ Au chapitre précédent, nous avons montré que des cations communs pouvaient favoriser la formation de reploiement des séquences GTA GGT-TBA et TTT TTT-TBA qui diffèrent de la structure de TBA sélectionnée in vitro pour son interaction avec la thrombine. Dans ce travail, ces séquences sont envisagées comme sondes au sein de plateformes de détection électrochimiques de la thrombine. Le présent chapitre s’intéresse à l’interaction entre les différentes séquences aptamères et une espèce cationique électroactive : le ruthénium hexaammine. Ce marqueur est couramment utilisé pour estimer la concentration de surface de séquences d’ADN immobilisées [179]. Son comportement redox a aussi été exploité pour la détection électrochimique d’ADN [180] ou de protéines [95, 129, 130, 181]. Ces deux types d’application sont à l’origine de l’intérêt que nous lui avons porté dans ce travail. Le ruthénium hexaammine est un complexe octaédrique composé d’un atome central de ruthénium entouré de six ligands NH3. Dans sa forme oxydée, il porte une charge trois fois positive tandis que sa forme réduite est chargée deux fois positivement. La passage d’une forme à l’autre implique le simple transfert d’un électron et est décrit par la réaction : Du fait de leurs charges positives, les deux formes du complexe peuvent interagir de manière électrostatique avec le squelette désoxyribose-phosphate de l’aptamère, chargé négativement en milieu neutre. Cette interaction a dès lors été caractérisée dans un premier temps sur base du comportement du marqueur redox. Dans une seconde étape, l’étude de l’interaction a été complétée en termes des propriétés spectroscopiques des séquences d’ADN étudiées, ces propriétés étant révélatrices du type de structure adopté par les brins d’ADN. Cet aspect structural de l’approche permet en outre d’aborder la question de l’influence conformationnelle du [Ru(NH3)6]3+ sur des quadruplexes, ce cation et son analogue [Co(NH3)6]3+ étant connus pour induire des changements conformationnels comme la transition B → Z de l’ADN double brin [29, 34]. 81 Chapitre III : Résultats et discussion 2.1 Interactions à l’électrode modifiée L’interaction entre l’aptamère et le marqueur redox a d’abord été caractérisée lorsque l’aptamère est immobilisé à la surface d’une électrode, dans une configuration de biosenseur. 2.1.1 Immobilisation des sondes L’immobilisation des différentes séquences a été effectuée selon la procédure de co-adsorption en une étape développée au laboratoire par M. Steichen [59] et schématisée à la Figure III-16. Figure III-16 Représentation schématique de l’immobilisation par co-adsorption d’une électrode Au|TBA/MB. L’électrode d’or est mise en présence de 20 µM d’un mélange d’ADN thiolé et de 4-mercaptobutan-1-ol (1 : 1) en milieu tamponné, à haute force ionique (phosphate de potassium 1 M, pH 7,4) pendant 16h. Une monocouche mixte s’obtient par la formation spontanée de liens Au-S. Le 4-mercaptobutan-1-ol joue le rôle d’espaceur et prévient l’adsorption non-spécifique des bases de l’ADN à la surface de l’électrode d’or. 82 Chapitre III : Résultats et discussion 2.1.2 Désorption réductive de la monocouche auto-assemblée Les monocouches de thiols sur électrodes d’or sont déstabilisées lorsqu’elles sont soumises à des potentiels très négatifs [182, 183]. Avant de procéder à la caractérisation de l’interaction entre le [Ru(NH3)6]3+ et l’aptamère immobilisé, il est dès lors nécessaire d’établir le domaine de stabilité de la monocouche mixte, en particulier aux potentiels très négatifs. La Figure III-17 montre un voltampérogramme cyclique relevé entre +0,05 V et -0,8 V pour une électrode modifiée par TBA selon la procédure décrite à la section précédente. Figure III-17 -1 Voltampérogrammes cycliques obtenus à 50 mV s lors de la désorption réductive d’une monocouche de 4-mercaptobutan-1-ol et de TBA dans du tampon Tris-HCl 10 mM (pH 7,4). Lors du premier cycle, un pic de réduction situé à -0,67 V est observé lors du balayage aller. Au retour, un pic d’oxydation de moindre intensité se situe à -0,58 V. Par la suite, l’intensité des courants faradiques cathodique et anodique diminue d’un cycle à l’autre. Cette diminution progressive des courants faradiques s’accompagne d’un décalage du pic cathodique vers des potentiels de moins en moins négatifs et d’une légère augmentation du courant capacitif pour les potentiels supérieurs à -0,25 V. Ce comportement est caractéristique de la désorption réductive de monocouches auto-assemblées de molécules soufrées sur des substrats métalliques tels que l’or [182-190]. 83 Chapitre III : Résultats et discussion Le courant faradique cathodique est attribué à la désorption réductive des molécules thiolées de TBA et de 4-mercaptobutan-1-ol. En milieu neutre, cette réduction à un électron peut s’écrire : Le pic anodique traduit la réadsorption oxydative des molécules réduites lors de la désorption. Cette réadsorption correspond à la réaction inverse de la désorption réductive mentionnée ci-dessus et conduit ainsi à la re-formation de liens Au-S. L’intensité plus faible du pic anodique par rapport au pic cathodique et la diminution de l’intensité des deux pics au fil des cycles indiquent que cette réadsorption n’est que partielle. L’absence de molécules thiolées de TBA et de 4-mercaptobutan-1-ol en solution favorise la diffusion des molécules désorbées de la surface de l’électrode vers le cœur de phase tant que le potentiel ne permet pas la réadsorption oxydative. Seules les molécules encore proches de la surface lorsque ce potentiel est atteint sont réadsorbées et la quantité de molécules thiolées à la surface décroît entre les cycles successifs. La diminution du recouvrement par les molécules thiolées permet l’adsorption des ions de l’électrolyte ce qui conduit à l’augmentation du courant capacitif. La baisse de compacité de la monocouche implique également une diminution de sa stabilité qui explique le déplacement du pic cathodique vers des potentiels moins négatifs entre les cycles. La désorption réductive présentée à la Figure III-17 démarre vers -0,5 V. En vue de prévenir la désorption de la monocouche mixte, dans la suite du travail, le potentiel de travail a systématiquement été maintenu supérieur à cette valeur. 84 Chapitre III : Résultats et discussion 2.1.3 Interaction électrostatique et recouvrement en aptamère L’interaction électrostatique entre le complexe métallique [Ru(NH3)6]3+ et les groupements phosphates de TBA, chargés négativement en milieu neutre, peut être mise en évidence par le biais d’un voltampérogramme cyclique tel que celui présenté à la Figure III-18-a. Enregistré en présence de 50 µM de [Ru(NH3)6]3+ dans une solution de tampon Tris-HCl 10 mM (pH 7,4) à 20,0°C, celui-ci présente deux pics cathodiques distincts, P1 et P2. L’allure de ce voltampérogramme cyclique est caractéristique d’espèces qui sont électroactives tant sous leur forme dissoute en solution qu’adsorbées à l’interface électrochimique [135]. Le pic P1, observable aussi en absence d’ADN à la surface de l’électrode, correspond à la réduction du complexe métallique amené par diffusion à l’électrode. Figure III-18 (a) Voltampérogramme cyclique Au|TBA/MB mesuré à 50 mV/s dans une solution de Tris-HCl 10 mM (pH 7,4) contenant 3+ 50 µM de [Ru(NH3)6] . (b) Influence de la vitesse de balayage sur les courants de pics P1 et P2. Les traits pointillés correspondent, respectivement pour les pics P1 et P2, à une régression en racine carrée et à une régression linéaire en la vitesse de balayage. 85 Chapitre III : Résultats et discussion L’influence de la vitesse de balayage sur l’intensité des pics P1 et P2, présentée à la Figure III-18-b, confirme que le pic P1 correspond à la réduction contrôlée par diffusion des [Ru(NH3)6]3+ présents en solution. En effet, le courant de pic évolue selon la racine carrée de la vitesse de balayage. Le courant du pic P2, quant à lui, dépend linéairement de la vitesse de balayage. Ce comportement est typique d’espèces adsorbées à l’interface électrochimique [135]. Ce pic est attribué à la réduction des [Ru(NH3)6]3+ en interaction électrostatique avec les brins de TBA immobilisés. En effet, tant la forme oxydée que la forme réduite du complexe métallique sont chargées positivement et aptes à établir des interactions électrostatiques avec les groupements phosphates de brins de TBA immobilisés. Dès lors, deux équilibres d’interaction peuvent être écrits : et représentent les constantes d’équilibre associées à chacune des deux équations. Du fait de l’existence de ces deux équilibres, le potentiel formel du couple [Ru(NH3)6]3+/2+ lorsque le complexe métallique établit une interaction électrostatique avec un brin de TBA immobilisé peut être exprimé comme : où est le potentiel formel du couple [Ru(NH3)6]3+/2+ lorsque le complexe est en le potentiel formel de ce couple interaction électrostatique avec TBA, lorsque le marqueur est en solution, la constante des gaz, d’électrons transférés dans la réaction redox et la température, le nombre la constante de Faraday. Le potentiel du pic P2, associé à la réduction du complexe en interaction électrostatique, est plus négatif que celui du pic P1 associé à la réduction du marqueur libre. Ceci signifie que la constante d’interaction qui implique la forme oxydée du complexe métallique ( ) possède une valeur supérieure à celle qui fait intervenir la forme réduite ( ). Le pic P2 est appelé post-pic d’adsorption de par sa localisation plus négative par rapport au pic P1. Lorsque des mesures similaires sont réalisées avec des électrodes modifiées par les séquences GTA GGT-TBA et TTT TTT-TBA, les pics P1 et P2 sont également observés et 86 Chapitre III : Résultats et discussion localisés approximativement aux mêmes potentiels que dans le cas de TBA. Pour ces séquences aussi, la valeur de la constante est supérieure à celle de la constante . L’équilibre d’adsorption du [Ru(NH3)6]3+ peut être caractérisé ici par une isotherme d’adsorption. Une telle isotherme décrit la relation entre la concentration superficielle, Γads, et la concentration en cœur de phase, , d’une espèce adsorbée. La valeur de Γads peut être estimée au départ de la charge associée à la réduction des espèces adsorbées c.-à-d. par intégration du pic P2. Toutefois, il est difficile de séparer les contributions liées à l’adsorption et à la diffusion. Pour faciliter la distinction entre les réponses associées à ces contributions, la méthode utilisée ici pour établir l’isotherme d’adsorption est la chronocoulométrie. Le potentiel initial est choisi à une valeur où aucun processus faradique ne s’opère, soit +0.05 V pour nos mesures. Un saut de potentiel est effectué vers une valeur suffisamment négative pour assurer la réduction du [Ru(NH3)6]3+ qu’il soit ou non en interaction avec un brin d’ADN [191]. Toutefois, ce potentiel est sélectionné de sorte à prévenir la désorption réductive de la monocouche auto-assemblée, ici à -0.45 V. A tout instant après le saut de potentiel, la densité de charge est donnée par la relation : où 1, représente le nombre d’électrons impliqués dans la réduction du [Ru(NH3)6]3+, soit la constante de Faraday, concentration, le coefficient de diffusion du [Ru(NH3)6]3+, le temps compté à partir de l’impulsion de potentiel, charge de la double couche et sa la densité de celle des espèces adsorbées. Le premier terme de cette équation, appelé terme de Cottrell, correspond à la réduction du [Ru(NH3)6]3+ sous contrôle diffusionnel. Le second terme, , reflète la contribution due à la présence d’une double couche électrique à l’interface électrode|solution. Finalement, le dernier terme, , est associé la réduction des [Ru(NH3)6]3+ adsorbés au squelette phosphate du brin d’ADN. Cette dernière contribution constitue le terme d’intérêt pour l’établissement de l’isotherme d’adsorption. En effet, σads, mesuré par chronocoulométrie, est directement proportionnel à la concentration superficielle selon la relation : où est le nombre d’électrons impliqués dans la réduction de l’espèce et la constante de Faraday. 87 Chapitre III : Résultats et discussion Afin d’extraire la valeur de des mesures de chronocoulométrie, les densités de charge sont portées en racine du temps. L’extrapolation du comportement linéaire obtenu à temps long jusque t = 0 permet alors d’éliminer le premier terme de l’équation. Le second, , est déterminé quant à lui sur base du transitoire obtenu en absence d’espèces électroactives. La Figure III-19 présente les résultats d’une chronocoulométrie pour une électrode Au|TBA/MB et explicite la procédure de traitement des résultats décrite ci-avant. Figure III-19 Courbes de chronocoulométrie d’une électrode Au|TBA/MB en présence (orange) et en absence (noir) 3+ de [Ru(NH3)6] 50 µM dans du Tris-HCl 10 mM (pH 7,4). E1 = +0,05 V, E2 = -0,45 V. Les traits pointillés représentent l’extrapolation des transitoires jusque t = 0. Lorsque les mesures de chronocoulométrie sont répétées à plusieurs concentrations de [Ru(NH3)6]3+ pour une même électrode modifiée, l’évolution de la valeur de obtenue s’apparente à une isotherme d’adsorption. Ceci est illustré à la Figure III-20. 88 Chapitre III : Résultats et discussion Figure III-20 (a) Tracés chronocoulométriques d’une électrode Au|TBA/MB dans du tampon Tris-HCl 10 mM (pH 7,4) contenant des 3+ concentrations de [Ru(NH3)6] comprises entre 0 et 50 µM. E1 = +0,05 V, E2 = -0,45 V. (b) Isotherme d’adsorption déduite sur base de l’analyse des tracés de la partie (a). Les valeurs de augmentent rapidement avec la concentration en [Ru(NH3)6]3+ et tendent ensuite vers un plateau. Afin d’extraire un maximum d’informations au départ d’une isotherme, il est nécessaire de recourir à un modèle. Le modèle le plus simple qui puisse rendre compte de la saturation à haute concentration est l’isotherme de Langmuir, qui obéit à l’équation : où Γads représente la concentration superficielle de l’espèce adsorbée, Γsat la concentration superficielle maximale atteinte à saturation, la constante d’adsorption et c la concentration de l’espèce en solution. 89 Chapitre III : Résultats et discussion Eu égard à la proportionnalité entre Γads et , l’isotherme de Langmuir peut également se réécrire comme : L’équation de Langmuir suppose une adsorption localisée des espèces et l’absence d’interactions entre espèces adsorbées. Pour établir la validité de l’isotherme de Langmuir dans le cas d’un système, il est fréquemment procédé à une linéarisation de celle-ci. Ceci revient à retranscrire l’équation précédente sous la forme : Lorsque le graphique de en fonction de la concentration en [Ru(NH3)6]3+ est linéaire, le modèle de Langmuir est considéré comme valable et les paramètres et sont déterminés graphiquement au départ de la pente et de l’ordonnée à l’origine de la droite obtenue. La forme linéarisée de l’isotherme de la Figure III-20 est présentée à la Figure III-21. Figure III-21 Forme linéarisée de l’isotherme de Langmuir de la Figure III-20-b. Une droite est obtenue avec un coefficient de corrélation de 0,99994. Le Tableau III-9 fournit les paramètres obtenus pour la linéarisation présentée à la Figure III-21 et leurs valeurs sur base d’immobilisations distinctes. 90 Chapitre III : Résultats et discussion paramètre valeur ajustée (a) 8,62 ± 0,03 µC cm-2 (1,4 ± 0,1) 106 M-1 valeur moyenne (b) 9 ± 1 µC cm-2 (1,8 ± 0,6) 106 M-1 Tableau III-9 Paramètres obtenus par linearisation de l’isotherme de Langmuir. (a) Les écarts-type mentionnés découlent de l’erreur sur la linéarisation présentée à la Figure III-21. (b) Les écarts-type correspondent à la variabilité pour des immobilisations distinctes. La variabilité du paramètre découle principalement de l’estimation de l’aire réelle de l’électrode. Aux sections et chapitres suivants, les comparaisons pour une électrode modifiée seront privilégiées. La comparaison des paramètres associés à l’interaction entre le [Ru(NH3)6]3+ et les trois séquences étudiées a été effectuée. Les valeurs obtenues sont reprises dans le Tableau III10, pour chacune des trois séquences d’ADN. Séquence TBA GTA GGT-TBA TTT TTT-TBA σsat / µC cm-2 9±1 10 ± 2 12 ± 2 Kads / M-1 (1,8 ± 0,6) 106 (2,6 ± 0,8) 106 (2,0 ± 0,9) 106 Tableau III-10 Paramètres obtenus par linearisation de l’isotherme de Langmuir pour les différentes séquences. Les écarts-type sont données pour des mesures indépendantes (modifications de surface et isothermes distinctes). Les densités de charge à saturation sont identiques à l’erreur expérimentale près et les valeurs de la constante d’équilibre sont similaires à celles de (2,2 ± 0,9) 106 M-1 et de (2,5 ± 0,3) 106 M-1 obtenues respectivement par Steel [192] et Steichen [59] pour d’autres séquences simples brin sur base du même traitement. Toutefois, si les valeurs de extraites par cette méthode sont en adéquation avec les données expérimentales, la relevance des valeurs de est moins claire. En effet, la Figure III-22 montre que lorsque qu’une représentation non-linéarisée de l’isotherme théorique de Langmuir construite avec les paramètres déduits de la linéarisation est comparée avec les données de la Figure III-20, l’adéquation du modèle semble moins convaincante et le coefficient de corrélation n’est plus que de 0,991. 91 Chapitre III : Résultats et discussion Figure III-22 Comparaison de l’isotherme de Langmuir et des données expérimentales de la Figure III-20-b. L’isotherme tracée sous-estime significativement les valeurs obtenues à faibles concentrations en [Ru(NH3)6]3+, lesquelles sont les plus représentatives pour déterminer la constante d’interaction entre ce marqueur redox et le brin d’ADN immobilisé. L’isotherme de Langmuir suppose l’absence d’interaction entre les espèces adsorbées. De part sa nature chargée, il est légitime d’envisager que le [Ru(NH3)6]3+ tend à repousser ses semblables via des interactions électrostatiques. Dès lors, le modèle de Frumkin, qui permet de prendre en compte des interactions entre les espèces, a été considéré. Dans celui-ci l’isotherme d’adsorption répond à l’équation : où de est un paramètre d’interaction entre les espèces adsorbées. Des valeurs positives traduisent des interactions latérales répulsives tandis que des valeurs négatives impliquent des interactions favorables. Comme l’illustre la Figure III-23, ce modèle conduit à une meilleure adéquation avec les données expérimentales. 92 Chapitre III : Résultats et discussion Figure III-23 Comparaison des isothermes de Langmuir (pointillé bleu) et de Frumkin (trait rouge) avec les données expérimentales (carrés noirs) de la Figure III-20-b. Le meilleur accord entre les données expérimentales et l’isotherme de Frumkin par rapport à l’isotherme de Langmuir se fait au prix de l’introduction d’un paramètre ajustable supplémentaire. L’ajustement de l’isotherme repose sur la combinaison des paramètres . Une légère modification du paramètre d’interaction modifie l’ordre de grandeur de et la constante d’adsorption ce qui entraîne une piètre reproductibilité sur les valeurs des paramètres. Toutefois, pour plus d’une dizaine d’immobilisations distinctes, le paramètre d’interaction reflète systématiquement la répulsion entre les complexes [Ru(NH3)6]3+. La constante d’adsorption est, quant à elle, dans tous les cas, supérieure à celle obtenue via la linéarisation de l’isotherme de Langmuir. Il convient dès lors de garder à l’esprit que les valeurs de reprises au Tableau III-10 sont sous-estimées. En revanche, comme nous l’avons déjà mentionné, les valeurs de qui sont données dans ce tableau sont en adéquation avec les données expérimentales. La concentration superficielle du [Ru(NH3)6]3+ en interaction électrostatique avec l’ADN de la monocouche peut être calculée au départ de celles-ci via la relation : où est la concentration superficielle en [Ru(NH3)6]3+, transféré pour la réduction du [Ru(NH3)6]3+, qui vaut 1, et le nombre d’électron la constante de Faraday. 93 Chapitre III : Résultats et discussion La quantification de l’ADN immobilisé repose alors sur l’hypothèse de compensation totale des charges, à saturation, entre le marqueur [Ru(NH3)6]3+ adsorbé et les groupements phosphates de la séquence d’ADN immobilisée [179]. Selon cette hypothèse, l’excès superficiel en ADN peut dès lors être estimé par : où représente l’excès superficiel en ADN et ξ le rapport entre le nombre de groupements phosphates du brin d’ADN et la charge du marqueur redox, soit 15/3 pour TBA et 21/3 pour GTA GGT-TBA et TTT TTT-TBA. Les concentrations en ADN obtenues sur base de cette hypothèse sont reprises au Tableau III-11. Séquence TBA GTA GGT-TBA TTT TTT-TBA ΓADN / mol cm-2 (1,9 ± 0,3) 10-11 (1,5 ± 0,3) 10-11 (1,8 ± 0,3) 10-11 Tableau III-11 Concentrations superficielles en ADN des électrodes modifiées par les trois séquences étudiées. Tout comme la valeur de σsat pour les trois sondes, les taux de recouvrement en ADN sont égaux à l’erreur expérimentale près. Ce résultat est à priori étonnant. En effet, la répulsion électrostatique plus forte entre brins d’ADN plus longs conduit généralement à une concentration superficielle moindre pour les séquences composées de plus de nucléotides [143]. Or, dans les conditions d’immobilisation utilisées ici, les six bases supplémentaires des séquences allongées de TBA n’ont pas d’influence nette sur la densité d’aptamère immobilisé. Ceci revient à dire que l’espace occupé par un brin à la surface de l’électrode est identique pour les trois séquences. L’immobilisation des séquences étant effectuée en tampon phosphate de potassium 1 M, les mesures réalisées au Chapitre III-1 indiquent que toutes trois adoptent un reploiement de type quadruplexe anti-parallèle au cours de cette étape. L’absence d’influence des bases supplémentaires sur l’excès superficiel en ADN implique donc que la partie quadruplexe de la séquence détermine le taux de recouvrement. L’effet d’encombrement lié à cette structure est à l’origine de ce comportement. 94 Chapitre III : Résultats et discussion L’aire occupée à l’électrode par un brin, notée , est reliée à l’excès superficiel par la relation : où représente l’excès superficiel en ADN et le nombre d’Avogadro. Pour un taux de recouvrement de 1,8 10-11 mol cm-2, la distance entre les brins est de l’ordre de 30 Å. Une mesure approximative de la largeur de TBA, réalisée sur base des coordonnées des atomes dans les structures publiées sur base de données RMN [148, 153], révèle que celle-ci peut être considérée comme comprise entre 25 et 30 Å. La monocouche mixte immobilisée présente dès lors un arrangement compact de quadruplexes tel que schématisé à la Figure III-24. Figure III-24 Représentation schématique d’une électrode Au|TBA/MB immobilisée en tampon phosphate de potassium 1M. L’importante force ionique lors de l’immobilisation permet l’écrantage efficace des charges négatives des groupements phosphates ce qui peut expliquer que l’effet d’encombrement domine sur celui de répulsion électrostatique entre brins adjacents. Un effet similaire a été mis en évidence par M. Steichen [62] lors de sa comparaison des taux de recouvrement obtenus pour l’immobilisation par co-adsorption d’une séquence linéaire et d’une séquence en épingle à cheveux de même nombre de nucléotides. Dans le second cas, le recouvrement est moindre malgré l’égalité du nombre de groupements négatifs et ce fait a été attribué à l’encombrement plus important lié à la structure en épingle à cheveux. 95 Chapitre III : Résultats et discussion 2.1.4 Confinement du [Ru(NH3)6]3+ 2.1.4.1 Formation d’une espèce confinée La voltampérométrie alternative est fortement sensible à la présence d’espèces adsorbées, en particulier lorsque que la composante imaginaire de l’admittance est considérée [186]. La Figure III-25 montre l’admittance imaginaire totale pour une série de voltampérogrammes successifs enregistrés en présence de 100 µM de [Ru(NH3)6]3+ avec une électrode modifiée par TBA. Loin de se superposer parfaitement, ces voltampérogrammes présentent une évolution très prononcée. Figure III-25 Admittance imaginaire totale pour les voltampérogrammes alternatifs impairs issus de 20 mesures successives à 37 Hz, 3+ pour une électrode Au|TBA/MB plongée dans du tampon Tris-HCl 10 mM (pH 7,4) contenant 100 µM de [Ru(NH3)6] . L’évolution observée à la Figure III-25 peut être mise en évidence de façon plus explicite en portant la composante imaginaire de l’admittance d’électrode. Pour ce faire, le circuit équivalent de la Figure III-26 peut être utilisé, et il convient alors d’éliminer la contribution ohmique RΩ. Figure III-26 Circuit équivalent décrivant la cellule électrochimique. 96 Chapitre III : Résultats et discussion La composante imaginaire de l’admittance d’électrode s’obtient par la relation : qui la relie aux composantes réelle, , et imaginaire, , de l’impédance d’électrode. Ces dernières se calculent via les relations : où la résistance ohmique du circuit, , est estimée sur base de la valeur de la composante réelle de l’impédance mesurée à 10 kHz et les composantes réelle, , et imaginaire, , de l’impédance sont mesurées expérimentalement. L’évolution des voltampérogrammes représentés en termes d’admittance imaginaire d’électrode est présentée à la Figure III-27. Figure III-27 Admittance imaginaire d’électrode pour les voltampérogrammes alternatifs impairs issus de 20 mesures successives à 37 Hz, pour une électrode Au|TBA/MB plongée dans du tampon Tris-HCl 10 mM (pH 7,4) contenant 100 µM de 3+ [Ru(NH3)6] . Rs= 3350 Ω. Le premier voltampérogramme, symbolisé par une ligne et des carrés noirs, présente un maximum à - 0,32 V correspondant à la réduction du [Ru(NH3)6]3+ adsorbé de manière électrostatique, comme cela avait été observé précédemment par voltampérométrie cyclique. Un léger épaulement est observé vers -0,16 V. D’importantes altérations de morphologie sont remarquées entre voltampérogrammes successifs. L’amplitude du pic plus négatif diminue fortement tandis qu’un pic remplace progressivement l’épaulement initial. Les modifications entre deux balayages consécutifs sont plus marquées au début et deviennent ensuite de moins en moins prononcées jusqu’à ce qu’un voltampérogramme 97 Chapitre III : Résultats et discussion stable soit finalement obtenu après environ 20 balayages. Ce dernier voltampérogramme présente alors deux maxima localisés à -0,30 V et -0,14 V. Cette évolution est très reproductible et est observée systématiquement avec les électrodes modifiées par TBA. A température plus basse, ce processus est fortement ralenti mais toujours présent. Pour une température de 5°C, le nombre de balayages nécessaires pour atteindre un état stable est ainsi de l’ordre de 75. Les différences importantes entre les voltampérogrammes initiaux et finaux indiquent que les interactions entre TBA et le marqueur redox ont été modifiées lors de ces balayages successifs. Pour mieux appréhender ces modifications, les électrodes modifiées par TBA ont été, à ce stade, rincées abondamment avec le tampon et transférées dans une cellule contenant seulement l’électrolyte support, donc en absence totale de [Ru(NH3)6]3+ en solution. La Figure III-28 présente 10 voltampérogrammes cycliques successifs typiquement obtenus après ce transfert. Figure III-28 Voltampérogrammes cycliques obtenus à 50 mV/s avec l’électrode Au|TBA/MB utilisée aux étapes précédentes, après que cette dernière ait été rincée avec du tampon Tris-HCl 10 mM (pH 7,4) et transférée dans une solution d’électrolyte support seul. Le voltampérogramme obtenu est stable dans le temps et n’évolue pas entre les balayages consécutifs. Il présente un processus de réduction lors du balayage aller suivi de la ré-oxydation de l’espèce réduite lors du retour. Son allure, où les pics d’oxydation et de réduction sont localisés quasiment au même potentiel et où les pics sont symétriques par rapport à l’axe passant par ce potentiel, est indicatrice d’une espèce électroactive adsorbée. Ceci est confirmé par l’effet de vitesse de balayage montré à la Figure III-29-a et par la dépendance linéaire en cette vitesse des courants de pics (Figure III-29-b). 98 Chapitre III : Résultats et discussion Figure III-29 -1 (a) Voltampérogrammes cycliques enregistrés à différentes vitesses de balayage (comprises entre 10 et 200 mV s ) dans du Tris-HCl 10 mM (pH 7,4) avec l’électrode Au|TBA/MB utilisée aux étapes précédentes. (b) Influence de la vitesse de balayage sur les courants de pics. Les valeurs de potentiels de pics de -0,196 V et -0,189 V, respectivement pour la réduction et l’oxydation, diffèrent significativement de la valeur de -0,32 V associée au post-pic de la Figure III-18. La stabilité du voltampérogramme implique que l’espèce ne diffuse pas vers le cœur de solution après réduction. Or, Steel [192] a montré que lorsqu’une électrode, mise au contact de [Ru(NH3)6]3+ formant une interaction électrostatique conventionnelle, est transférée en milieu électrolyte pur, l’intensité du pic cathodique associé à la réduction du [Ru(NH3)6]3+ adsorbé diminue entre cycles consécutifs. Ce qui s’explique par le fait qu’après sa réduction en [Ru(NH3)6]2+, l’interaction électrostatique entre le marqueur rédox et le brin d’ADN est affaiblie et le marqueur tend à diffuser vers le cœur de la solution. De cycle en cycle, il reste ainsi de moins en moins de marqueur en interaction et l’intensité du pic de réduction qui y est associé diminue. La combinaison des valeurs de potentiels de pics et de la stabilité des voltampérogrammes indique que l’espèce n’interagit pas avec TBA par le biais de l’interaction électrostatique non-spécifique conventionnelle qui implique un équilibre entre les espèces adsorbées et dissoutes [192, 193]. 99 Chapitre III : Résultats et discussion Quant à la nature de l’espèce observée à la Figure III-29-a, il semble raisonnable d’estimer qu’il s’agit du [Ru(NH3)6]3+, les mesures de voltampérométrie alternative n’ayant probablement pas altéré la nature de ce complexe. Selon cette hypothèse, les pics des voltampérogrammes cycliques doivent être attribués à un type d’interaction entre TBA et le [Ru(NH3)6]3+ qui n’a jamais été observé jusqu’à présent dans la littérature malgré les nombreuses études électrochimiques impliquant du [Ru(NH3)6]3+ en interaction avec de l’ADN [59, 95, 129, 130, 179, 181, 191-196]. Pour la clarté de l’exposé, le [Ru(NH3)6]3+ sera dit « confiné » lorsqu’il sera fait référence à ce nouveau type de comportement. En outre, la valeur des potentiels de pic fournit des indications supplémentaires sur certaines caractéristiques de l’interaction impliquée. Cette valeur est plus négative que -0,15 V, le potentiel formel du [Ru(NH3)6]3+ lorsqu’il n’interagit pas avec TBA. Ceci indique, comme dans le cas de l’interaction électrostatique conventionnelle, que la constante d’interaction de la forme oxydée ( ) est supérieure à celle de la forme réduite ). Cependant, le potentiel de pic associé au [Ru(NH3)6]3+ confiné est ( considérablement plus faible que pour l’interaction usuelle. Le rapport est plus proche de 1 que le rapport associé à l’interaction conventionnelle. Qui plus est, l’ordre de grandeur des constantes d’interaction, et est similaire. La stabilité du voltampérogramme au fil des cycles montre de plus que ces deux dernières sont élevées, faute de quoi l’espèce confinée diffuserait vers le cœur de phase au cours de la mesure. Tant l’interaction de la forme réduite que celle de la forme oxydée peuvent donc être considérées comme fortes. 2.1.4.2 Détermination de la concentration superficielle en l’espèce confinée La quantité de marqueur redox confiné a l’électrode modifiée a été évaluée et comparée au nombre de brins de TBA immobilisés. La stœchiométrie d’interaction entre le [Ru(NH3)6]3+ et l’aptamère a ainsi été déduite. L’allure des voltampérogrammes présentés à la Figure III-29-a rappelle le comportement idéal attendu pour une espèce adsorbée électroactive non présente en solution [135]. Dans ce cas idéal, les courants de pics de réduction et d’oxydation sont proportionnels à la vitesse de balayage selon les relations : et où et représentent les courants de pic cathodiques et anodiques, d’électrons transférés dans la réaction, la température, la constante de Faraday, R la constante des gaz, T la vitesse de balayage, ΓO la concentration superficielle de l’oxydant et celle du réducteur. 100 est le nombre Chapitre III : Résultats et discussion Le coefficient angulaire des régressions linéaires de la Figure III-29-b, où la densité de courant a été portée en fonction de la vitesse de balayage, permet dès lors de calculer la concentration de la forme réduite et oxydée présente à la surface. Pour un nombre d’électrons transférés de 1, comme attendu pour le couple [Ru(NH3)6]3+/2+, une concentration superficielle de (4,1 ± 0,2) 10-11 mol cm-2 de [Ru(NH3)6]3+ confiné est déduite. La comparaison de cette valeur à la concentration superficielle en ADN de (1,82 ± 0,04) 10-11 mol cm-2, obtenue par chronocoulométrie pour cette électrode sur base de l’hypothèse de compensation totale des charges, indique que cette quantité correspond à 2,2 ± 0,2 [Ru(NH3)6]3+ par brin de TBA. Lorsque la même expérience est réalisée à 5°C, après 75 balayages alternatifs, une quantité de 1,7 ± 0,1 [Ru(NH3)6]3+ par brin de TBA est obtenue. Cette stœchiométrie d’environ 2 complexes par brin de TBA diffère significativement de 5, la valeur attendue sur base d’une hypothèse de compensation totale des charges entre les 15 groupements phosphate chargés négativement et les complexes [Ru(NH3)6]3+. Ceci confirme que la nature de l’interaction observée diffère de l’interaction électrostatique conventionnelle entre le [Ru(NH3)6]3+ et tout brin d’ADN. Ce résultat explique aussi à posteriori le fait qu’au cours des voltampérométries alternatives à l’origine du confinement (Figure III-27), le pic associé au [Ru(NH3)6]3+ adsorbé à TBA ne disparaît pas complètement puisque l’électroneutralité requière la compensation de 9 charges supplémentaires. Un examen minutieux de la Figure III-29-a révèle que la largeur à mi-hauteur des pics est de 103 ± 4 mV ce qui diffère légèrement de la valeur de 89 mV attendue à 20 °C pour un transfert à un électron, dans le cas idéal qui correspondrait à une absence d’interactions entre les espèces confinées. Les équations qui relient les courants de pic à la vitesse de balayage ne sont donc pas rigoureusement vérifiées. La quantification du [Ru(NH3)6]3+ impliqué dans l’interaction a de ce fait été ré-estimée sur base des densités de charge obtenues par intégration des pics présentés sur cette figure. Une valeur moyenne de (4,7 ± 0,6) 10-6 C cm-2 a été déterminée, ce qui correspond à un recouvrement en [Ru(NH3)6]3+ de (4,9 ± 0,6) 10-11 mol cm-2. Rapporté à la concentration superficielle en ADN de (1,82 ± 0,04) 10-11 mol cm-2 obtenu par chronocoulométrie pour cette électrode, ceci correspond à l’interaction de 2,7 ± 0,4 [Ru(NH3)6]3+ par brin de TBA. Lorsque l’aire des pics est utilisée pour déterminer le nombre de complexes interagissant avec un brin, pour la mesure réalisée à 5°C, une stœchiométrie de 2,2 ± 0,2 est déterminée. 101 Chapitre III : Résultats et discussion 2.1.4.3 Détermination de la constante cinétique de transfert d’électron Dans un second temps, la cinétique du transfert d’électron impliqué a été caractérisée. Comme le montre la Figure III-30, à hautes vitesses de balayage, les pics observés s’écartent à mesure que la vitesse augmente. Cette perte de réversibilité découle du fait que le transfert d’électron devient l’étape déterminante du processus. Figure III-30 Voltampérogrammes cycliques obtenus à hautes vitesses de balayage (de 3 à 5 V/s par incrément de 0,5 V/s, puis jusqu’à 10 V/s par 1 V/s, depuis la courbe intérieure) dans du Tris-HCl 10 mM (pH 7,4) avec l’électrode Au|TBA/MB utilisée aux étapes précédentes. Sur base de la théorie développée par Laviron [197], il est possible de déterminer la constante cinétique du transfert d’électron sur base du graphique présenté à la Figure III-31, qui porte le potentiel de pic en fonction du logarithme népérien de la vitesse de balayage. Figure III-31 Graphe de Laviron obtenu pour l’électrode de la Figure III-28 sur base des potentiels de pics de voltampérogrammes cycliques dans du Tris-HCl 10 mM (pH 7,4).Noir : potentiel des pics anodiques. Bleu : potentiel des pics cathodiques. 102 Chapitre III : Résultats et discussion Les faibles vitesses de balayage correspondent aux valeurs de ln les plus négatives. A ces vitesses, le transfert d’électron est réversible et les potentiels de pics observés pour l’oxydation (en noir) et pour la réduction (en bleu) sont quasiment identiques comme cela avait été observé visuellement sur les voltampérogrammes de la Figure III-29-a. En revanche, à hautes vitesses de balayage, le processus est irréversible et ces potentiels de pics diffèrent. Sur le graphique de la Figure III-31, les pentes obtenues aux hautes vitesses correspondent respectivement à : pour l’oxydation et pour la réduction. Dans ces relations, la température, α le coefficient de transfert, représente la constante des gaz, le nombre d’électrons impliqués et la constante de Faraday. Du fait de la symétrie des données, les valeurs de et de peuvent être assignées à 0,5. A l’intersection entre l’extrapolation du comportement irréversible (hautes vitesses de balayage) et celle du comportement réversible (faibles vitesses de balayage), la relation s’applique. La constante d’électron et y représente la constante cinétique associée au transfert la vitesse de balayage à l’intersection des extrapolations. La constante cinétique de transfert d’électron peut être estimée à 39 ± 3 s-1 sur base du graphe de la Figure III-31. Pour l’expérience menée à 5 °C, une constante cinétique de 33 ± 1 s-1 a été déterminée selon la même méthode. Cette légère baisse de la constante par rapport à la valeur obtenue à 20 °C peut refléter l’influence de la température sur la cinétique de transfert électronique. Il n’est cependant pas exclu qu’elle ne reflète aussi la variabilité entre expériences indépendantes les mesures à 5 et à 20 °C ayant été réalisées pour des modifications de surface distinctes. Pour valider l’une de ces deux interprétations, une comparaison des cinétiques aux deux températures pour une même électrode a été effectuée. La Figure III-32 présente la superposition de voltampérogrammes obtenus dans ces conditions pour une vitesse de balayage de 15 V s-1. Elle illustre le fait qu’à hautes vitesses de balayage, les voltampérogrammes cycliques enregistrés à 20°C après l’expérience réalisée à 5 °C, soit pour une même modification d’électrode, présentent des pics de réduction et d’oxydation sont plus rapprochés en potentiel que leurs correspondants à 5 °C. Ceci permet d’établir que la différence de valeur entre les constantes cinétiques à 20 °C et à 5 °C est associée à un effet de température et confirme que le transfert électronique est plus rapide à 20 °C. 103 Chapitre III : Résultats et discussion Figure III-32 Influence de la température sur les voltampérogrammes cycliques obtenus à 15 V/s dans du Tris-HCl 10 mM (pH 7,4) avec l’électrode Au|TBA/MB pour laquelle le confinement a été réalisé à 5°C. La courbe bleue est mesurée à 5°C tandis que la rouge à 20°C. 2.1.4.4 Influence de l’élongation de la séquence Jusqu’ici, seul le confinement avec la séquence non-allongée de l’aptamère a été mis en évidence et caractérisé. L’existence d’un phénomène similaire pour les séquences allongées de l’aptamère a été envisagée. La Figure III-33 présente l’évolution des voltampérogrammes alternatifs successifs obtenus en présence de [Ru(NH3)6]3+ pour les séquences GTA GGT-TBA (partie a) et TTT TTT-TBA (partie b). Les évolutions entre balayages alternatifs consécutifs observées pour ces séquences sont similaires à celles présentées à la Figure III-27 pour TBA. Figure III-33 Admittance imaginaire d’électrode pour les voltampérogrammes alternatifs impairs issus de 20 mesures successives 3+ à 37 Hz, dans du Tris-HCl 10 mM (pH 7,4) contenant 100 µM de [Ru(NH3)6] . (a) Sur une électrode Au|GTA GGT-TBA/MB. Rs = 3250 Ω. (b) Sur une électrode Au|TTT TTT-TBA/MB. Rs = 3300 Ω. 104 Chapitre III : Résultats et discussion Lorsque ces électrodes sont rincées au tampon Tris-HCl 10 mM (pH 7,4) puis transférées dans une cellule contenant exclusivement cet électrolyte, les voltampérogrammes de la Figure III-34 sont obtenus pour GTA GGT-TBA (partie a) et pour TTT TTT-TBA (partie b). Figure III-34 Voltampérogrammes cycliques obtenus à 50 mV/s avec les électrodes de la figure précédente, après qu’elles aient été rincées avec du tampon Tris-HCl 10 mM (pH 7,4). et transférées dans une solution de cet électrolyte. (a) Sur l’électrode Au|GTA GGT-TBA/MB. (b) Sur l’électrode Au|TTT TTT-TBA/MB. Lors du premier cycle (en noir), deux pics de réduction PA et PB sont observés. Le potentiel du pic PA correspond à celui de l’espèce confinée pour la séquence TBA tandis que celui du pic PB rappelle celui du pic d’adsorption. Lors des cycles suivants, le pic PA est maintenu, comme cela été observé pour l’espèce confinée avec TBA. En revanche, le pic PB diminue d’intensité d’un cycle à l’autre. Ce comportement est typique d’une interaction électrostatique conventionnelle lorsque la solution de mesure ne contient pas l’espèce électroactive qui participe à l’interaction électrostatique. Le Tableau III-12 reprend les valeurs des potentiels des pics PA et PB pour TBA, GTA GGT-TBA et TTT TTT-TBA. Séquence TBA GTA GGT-TBA TTT TTT-TBA EpA /V -0,196 ± 0,002 -0,199 ± 0,003 -0,202 ± 0,004 EpB /V --0,32 ± 0,01 -0,322 ± 0,007 Tableau III-12 Valeurs de potentiels de pic observés après confinement et rinçage à l’électrolyte. Les erreurs mentionnées reflètent la variabilité pour des expériences totalement indépendantes. 105 Chapitre III : Résultats et discussion En tenant compte des variations observées pour des expériences distinctes, les potentiels des pics PA, associés à l’espèce confinée, peuvent être considérés comme identiques pour les trois séquences. Il en est de même pour les pics PB observés pour GTA GGT-TBA et TTT TTT-TBA. L’absence de ce second pic pour la séquence non-allongée de TBA suggère que l’interaction électrostatique conventionnelle observée pour les séquences allongées implique les groupements phosphates associés aux bases utilisées pour allonger la séquence. Le rinçage des électrodes modifiées avec les séquences allongées par quelques gouttes de MgCl2 1M puis par du tampon Tris-HCl supprime le pic PB sans altérer l’intensité ni la position du pic PA. Ceci reflète le fait que la compétition entre les ions Mg2+ et les [Ru(NH3)6]3+ permet le remplacement des complexes formant une interaction électrostatique conventionnelle mais pas celui de ceux impliqués dans l’interaction spécifique de confinement. Comme cela a été effectué pour TBA, la stœchiométrie d’interaction et la cinétique du transfert d’électron associées à l’espèce confinée (pic PA) peuvent être étudiées après ce rinçage. Pour la séquence TTT TTT-TBA, sur base des courants de pic, la concentration superficielle en [Ru(NH3)6]3+ confiné est de (4,24 ± 0,08) 10-11 mol cm-2. Par comparaison à la quantité d’ADN de (2,04 ± 0,02) 10-11 mol cm-2 obtenue par chronocoulométrie pour une même électrode, une stœchiométrie d’interaction de 2,08 ± 0,06 de [Ru(NH3)6]3+ par brin de TTT TTT-TBA est calculée. Lorsque l’aire des pics est considérée, une valeur de 2,3 ± 0,1 est déterminée. Ces deux valeurs sont proches de celles mentionnées précédemment pour la séquence non-allongée de l’aptamère. Ceci indique que les bases utilisées pour l’allongement ne participent pas au confinement, ce qui est en accord avec l’observation du pic PB sur les voltampérogrammes de la Figure III-34-b. Seule la partie quadruplexe de la séquence allongée est dès lors impliquée dans la nouvelle interaction. La même conclusion peut être énoncée en ce qui concerne la séquence GTA GGT-TBA. La nature des bases ajoutées n’influence pas les caractéristiques du [Ru(NH3)6]3+ confiné. Les valeurs de constantes cinétiques obtenues ainsi que les valeurs de potentiel de pic estimées sur base du graphique de Laviron ont été reportées dans le Tableau III-13. A l’erreur expérimentale près, les valeurs des constantes cinétiques de transfert d’électron sont identiques pour les trois séquences, lorsque la variabilité entre expériences distinctes – de l’ordre de 5 s-1 pour la séquence TTT TTT-TBA – est prise en compte. 106 Chapitre III : Résultats et discussion Séquence TBA GTA GGT-TBA TTT TTT-TBA ks * / s-1 39 37 44 Ep /V -0,187 -0,190 -0,193 Tableau III-13 3+ Valeurs de constante cinétique de transfert d’électron pour le [Ru(NH3)6] confiné. Les erreurs sur les valeurs de ks sont estimées pour une expérience. -1 *L’erreur pour des expériences distinctes est de l’ordre de 5 s pour des mesures réalisées avec des électrodes Au|TTT TTT-TBA/MB. Alors que pour l’interaction électrostatique conventionnelle, l’augmentation du nombre de groupements phosphates engendre celle des [Ru(NH3)6]3+ en interaction, la présence de bases supplémentaires n’a pas d’influence sur la stœchiométrie d’interaction du [Ru(NH3)6]3+ confiné avec TBA. En outre, ces bases n’influent pas non plus significativement sur la cinétique de transfert électronique entre le complexe confiné et l’électrode. L’interaction du marqueur confiné avec TBA et ses séquences allongées semble dès lors s’opérer avec la partie quadruplexe commune aux trois séquences. La question de l’éventuelle spécificité de cette interaction reste à ce stade ouverte et fait l’objet de la section suivante. 2.1.4.5 Origine de l’interaction Afin de déterminer dans quelle mesure la formation de l’espèce confinée requiert des motifs structuraux ou séquentiels spécifiques, des voltampérométries alternatives successives en présence de [Ru(NH3)6]3+ ont été effectuées sur des électrodes modifiées avec différentes séquences d’ADN. Dans un premier temps, la séquence TTT TTT AGT CCG TGG TTG GGC AGG TTGGGG TGA CT a été immobilisée par co-adsorption selon la même procédure que celle décrite préalablement pour TBA et les séquences allongées. Cette séquence comprend le 29-mer sélectionné comme aptamère ciblant le site de liaison de l’héparine au sein de la thrombine [20]. Tout comme TBA, elle possède une structure quadruplexe à deux plateaux cependant cette structure est maintenue fermée par une portion de duplexe de 4 bases aux extrémités de la séquence. Une représentation schématique de cette structure complexe est fournie à la Figure III-35. 107 Chapitre III : Résultats et discussion Figure III-35 Représentation schématique de la structure secondaire proposée pour l’aptamère 29-mer qui cible le site de liaison de l’héparine au sein de la thrombine. L’effet de 20 voltampérométries alternatives successives en présence de [Ru(NH3)6]3+ réalisées avec l’électrode modifiée par cette séquence est présenté à la Figure III-36-a. Figure III-36 (a) Admittance imaginaire d’électrode pour les voltampérogrammes alternatifs impairs issus de 20 mesures successives 3+ à 37 Hz, en présence de 100 µM de [Ru(NH3)6] dans du Tris-HCl 10 mM (pH 7,4), sur une électrode Au|TTT TTT AGT CCG TGG TTG GGC AGG TTG GGG TGA CT/MB. Rs = 3250 Ω. 3+ (b) 10 Cycles de voltampérométries cyclique relevés en absence de [Ru(NH3)6] en solution à 50 mV/s dans du Tris-HCl 10 mM (pH 7,4), après les mesures de la partie (a). Les changements observés entre mesures successives rappellent ceux obtenus dans le cas des autres aptamères sans toutefois être aussi prononcés. La Figure III-36-b montre les voltampérogrammes cycliques obtenus après le rinçage de l’électrode de travail au Tris-HCl 10 mM (pH 7,4) et son transfert vers une cellule électrochimique contenant exclusivement cet électrolyte. 108 Chapitre III : Résultats et discussion A l’instar des observations réalisées pour les aptamères de la thrombine ciblant le site d’interaction du fibrinogène, étudiés précédemment, deux pics de réduction du marqueur redox sont présents. Le plus intense, stable au fil des cycles correspond au [Ru(NH3)6]3+ confiné. Le second dont l’intensité diminue graduellement est associé au marqueur en interaction électrostatique qui diffuse vers le cœur de phase après sa réduction. L’intensité du pic associé à l’espèce confinée est considérablement plus faible que pour TBA et les séquences allongées. Elle semble corrélée à l’ampleur des changements entre voltampérométries alternatives successives au cours du processus de confinement. Ceci confirme le fait que les changements observés sur les voltampérogrammes reflètent le confinement du marqueur redox. L’observation d’un confinement pour cette séquence indique que le phénomène de confinement n’est pas spécifique à la séquence de TBA. Il peut en effet aussi être observé pour au moins une autre séquence adoptant un reploiement quadruplexe. De plus, le déploiement du quadruplexe n’est probablement pas nécessaire pour permettre cette interaction car la portion de duplexe tend à figer la conformation de la séquence. Pour confirmer ou infirmer l’hypothèse selon laquelle le confinement serait spécifique aux séquences quadruplexes, la séquence CAA GAC GGA AAG ACC C, issue du génome de la bactérie Helicobacter pylori et qui avait fait l’objet de travaux réalisés par M. Steichen au sein du laboratoire [59, 62], a été choisie. En effet, cette séquence ne possède pas un minimum de quatre paires de guanines, le motif structural minimal requis pour la formation d’un quadruplexe. L’effet des voltampérométries alternatives sur une électrode modifiée par cette séquence est présenté à la Figure III-37-a. Figure III-37 (a) Admittance imaginaire d’électrode pour les voltampérogrammes alternatifs impairs issus de 20 mesures successives à 37 Hz sur une électrode Au|CAA GAC GGA AAG ACC C/MB dans du Tris-HCl 10 mM (pH 7,4) 3+ contenant 100 µM de [Ru(NH3)6] . Rs = 3300 Ω. 3+ (b) 10 Cycles de voltampérométrie cyclique relevés en absence de [Ru(NH3)6] en solution à 50 mV/s dans du Tris-HCl 10 mM (pH 7,4), après les mesures de la partie (a). 109 Chapitre III : Résultats et discussion Les changements observés entre mesures successives sont moins prononcés que dans le cas de TBA et des séquences allongées et encore légèrement moins que pour la séquence contenant le 29-mer. La Figure III-37-b montre les voltampérogrammes cycliques obtenus après le rinçage de l’électrode de travail avec une solution de tampon Tris-HCl 10 mM (pH 7,4) et son transfert vers une cellule électrochimique contenant exclusivement ce dernier. Ici encore, deux pics de réduction sont observés, associés à la réduction de l’espèce confinée et du [Ru(NH3)6]3+ en interaction électrostatique avec la sonde. Au vu de la séquence étudiée, cela implique que le processus de confinement ne s’opère pas exclusivement pour des séquences quadruplexes. En revanche, comme tant cette séquence que celles des aptamères possèdent au moins une paire de guanines adjacentes, l’origine de ce processus pourrait résider dans la présence de guanines successives au sein de la séquence immobilisée. La validité de l’hypothèse selon laquelle les guanines adjacentes seraient à l’origine du confinement a été évaluée avec la séquence CGT GTC GTT GCA TCC C, utilisée par E. Triffaux au cours de ses travaux de mémoire [194] au sein du CHANI. Cette séquence comporte autant de guanines que la précédente sans posséder toutefois de paire de guanines adjacentes. Lorsqu’une électrode modifiée avec une monocouche auto-assemblée avec cette séquence est soumise au processus de confinement, les voltampérogrammes alternatifs de la Figure III-38-a sont obtenus. Figure III-38 (a) Admittance imaginaire d’électrode pour les voltampérogrammes alternatifs impairs issus de 20 mesures successives 3+ sur une électrode Au|CGT GTC GTT GCA TCC C/MB en présence de 100 µM de [Ru(NH3)6] à 37 Hz dans du Tris-HCl 10 mM (pH 7,4). Rs = 3200 Ω. 3+ (b) 10 Cycles de voltampérométries cyclique relevés en absence de [Ru(NH3)6] en solution à 50 mV/s dans du Tris-HCl 10 mM (pH 7,4), après les mesures de la partie (a). 110 Chapitre III : Résultats et discussion Pour la séquence CGT GTC GTT GCA TCC C encore, les voltampérogrammes alternatifs présentent une évolution semblable aux précédentes. Les changements sont moins importants que pour TBA et les séquences allongées tout en restant plus marqués que pour la séquence CAA GAC GGA AAG ACC C. Il en est de même pour l’intensité du pic relatif à la réduction du [Ru(NH3)6]3+ confiné sur les voltampérogrammes obtenus en absence de marqueur redox après le processus de confinement et présentés à la Figure III-38-b. Comme la séquence CGT GTC GTT GCA TCC C ne présente pas de guanines adjacentes, le confinement obtenu suggère que le phénomène de confinement n’est pas relié à la présence de guanines adjacentes dans les séquences d’ADN. La comparaison des intensités des pics liés au [Ru(NH3)6]3+ confiné pour les trois séquences étudiées dans cette section ne met en évidence aucune relation entre ces intensités et le nombre de guanines de la séquence, même lorsque l’intensité est rapportée à la quantité d’ADN immobilisé estimée par chronocoulométrie. Ceci est en accord avec le fait que la séquence GTA GGT-TBA, malgré sa paire de guanines adjacentes supplémentaire, ne conduit pas à un confinement plus important que les séquences TBA et TTT TTT-TBA. La dernière séquence étudiée possède quatre guanines isolées qui pourraient s’organiser en quartet, un motif structural attendu pour les aptamères. Dans l’hypothèse où ce motif de quartet serait lié au confinement du marqueur rédox, le confinement moindre observé pour la séquence CAA GAC GGA AAG ACC C (Figure III-37) que pour la séquence CGT GTC GTT GCA TCC C (Figure III-38) s’expliquerait par la tension nécessaire à la formation d’un quartet au sein de la séquence CAA GAC GGA AAG ACC C. En effet, deux de ses quatre guanines sont adjacentes ce qui est défavorable à leur participation à un même quartet. Deux séquences ne pouvant en aucun cas former de quartet ont été étudiées à titre de contrôle négatif de cette hypothèse. La première d’entre elles est la séquence CAA TAC TTA AAT ACC C. Celle-ci correspond à la CAA GAC GGA AAG ACC C envisagée plus tôt dans laquelle l’ensemble des guanines ont été remplacées par des thymines pour l’exempter de guanines. Les 20 voltampérogrammes alternatifs successifs enregistrés pour une électrode modifiée par cette séquence sont présentés à la Figure III-39-a. Aucun pic n’y fait sont apparition entre -0,1 et -0,2 V, signe de l’absence de processus de confinement. Les voltampérogrammes cycliques obtenus après rinçage et transfert de l’électrode dans la solution d’électrolyte, présentés à la Figure III-39-b, confirment cette absence car ils ne montrent pas de pic associé à la réduction d’une espèce confinée. Ce premier contrôle négatif tend donc à valider l’idée selon laquelle le confinement serait lié à la présence ou la formation d’un quartet en présence du [Ru(NH3)6]3+. 111 Chapitre III : Résultats et discussion Figure III-39 (a) Admittance imaginaire d’électrode pour les voltampérogrammes alternatifs impairs issus de 20 mesures successives 3+ sur une électrode Au|CAA TAC TTA AAT ACC C en présence de 100 µM de [Ru(NH3)6] à 37 Hz dans du Tris-HCl 10 mM (pH 7,4). Rs = 3300 Ω. 3+ (b) 10 Cycles de voltampérométrie cyclique relevés en absence de [Ru(NH3)6] en solution à 50 mV/s dans du Tris-HCl 10 mM (pH 7,4), après les mesures de la partie (a). Des résultats similaires sont obtenus avec le second contrôle négatif, la séquence TTT TTT AAC CTA TGT CAT TTA. Cette séquence découle de modifications de la séquence TTT TTT-TBA afin de supprimer sa capacité à se reployer en quadruplexe tout en conservant une guanine et prévenant la formation d’une structure en épingle à cheveux. De ce fait, la formation d’un quartet par le brin immobilisé est exclue sans recourir à l’absence totale de guanine. Ceci permet de s’assurer que l’absence de confinement avec le précédent contrôle ne provient pas simplement de l’absence de guanine. Les résultats obtenus avec une électrode de travail modifiée par ce second contrôle sont présentés à la Figure III-40. Figure III-40 (a) Admittance imaginaire d’électrode pour les voltampérogrammes alternatifs impairs issus de 20 mesures successives 3+ sur une électrode Au|TTT TTT AAC CTA TGT CAT TTA/MB en présence de 100 µM de [Ru(NH3)6] à 37 Hz dans du Tris-HCl 10 mM (pH 7,4). Rs = 3300 Ω. 3+ (b) 10 Cycles de voltampérométrie cyclique relevés en absence de [Ru(NH3)6] en solution à 50 mV/s dans du Tris-HCl 10 mM (pH 7,4), après les mesures de la partie (a). 112 Chapitre III : Résultats et discussion Les observations réalisées sur les deux séquences de contrôle suggèrent que le confinement requiert plusieurs guanines, ce qui renforce l’hypothèse qu’il est associé à la possibilité pour la séquence de former un quartet. Si celle-ci est correcte, lorsqu’un duplexe formé d’une séquence pour laquelle un confinement a été précédemment observé et de son brin complémentaire est immobilisé, le processus de confinement devrait disparaître. En effet, le duplexe ainsi formé présente une stabilité importante qui empêche tout arrangement des guanines en quartet. En vue de procéder à l’immobilisation d’un tel duplexe, une solution d’immobilisation contenant la séquence CAA GAC GGA AAG ACC C thiolée, deux équivalents de son brin complémentaire GGG TCT TTC CGT CTT G et le 4-mercaptobutan-1-ol dans du tampon phosphate 1 M (pH 7,4) a été préparée une heure avant l’immobilisation pour que l’hybridation des brins s’opère préalablement à la formation de la monocouche mixte auto-assemblée. Comme l’illustre la Figure III-41-a, lors des mesures successives de voltampérométrie alternative réalisées sur une électrode de travail ainsi modifiée aucun pic n’apparaît entre -0,1 et -0,2 V. Après rinçage et transfert de l’électrode dans la solution d’électrolyte, les voltampérogrammes cycliques ne présentent pas de pic associé à la réduction d’une espèce confinée (Figure III-41-b). Figure III-41 (a) Admittance imaginaire d’électrode pour les voltampérogrammes alternatifs impairs issus de 20 mesures successives sur une électrode Au|duplexe (CAA GAC GGA AAG ACC C + GGG TCT TTC CGT CTT G)/MB à 37 Hz 3+ en présence de 100 µM de [Ru(NH3)6] dans du Tris-HCl 10 mM (pH 7,4). Rs = 3300 Ω. 3+ (b) 10 Cycles de voltampérométrie cyclique relevés en absence de [Ru(NH3)6] en solution à 50 mV/s dans du Tris-HCl 10 mM (pH 7,4), après les mesures de la partie (a). Un confinement est observé pour le simple brin mais pas pour le duplexe correspondant. Comme le duplexe comporte un brin identique au simple brin, si le motif à l’origine du confinement est de type séquentiel (c.-à-d. dépend de la succession des bases), les résultats obtenus avec le double brin devraient être similaires à ceux obtenus avec le simple. Or, il n’en est rien ici, ce qui est en accord avec l’hypothèse retenue. Selon elle, le motif impliqué 113 Chapitre III : Résultats et discussion est de type structural : un arrangement des guanines en quartets. La formation du duplexe implique la disparition du motif et par là même, celle du confinement. Ces dernières mesures vont dans le sens d’une origine du confinement associée à la capacité des séquences à former un ou plusieurs quartets. 114 Chapitre III : Résultats et discussion 2.2 Interactions en solution L’interaction non-conventionnelle avec le [Ru(NH3)6]3+, mise en évidence dans la section précédente, pour des électrodes modifiées par l’aptamère de la thrombine n’a fait l’objet d’aucune description dans la littérature. En vue d’établir si elle se forme également en milieu homogène, à savoir lorsque tant le [Ru(NH3)6]3+ que les séquences sont en solution, des études électrochimiques et spectroscopiques ont été menées sur des séquences d’aptamère non-thiolées. Par électrochimie, l’interaction entre le [Ru(NH3)6]3+-aptamère est considérée sur base du comportement du [Ru(NH3)6]3+. Des titrages voltampérométriques du marqueur redox par les séquences et de ces dernières par le complexe métallique sont suivis grâce à l’électroactivité du [Ru(NH3)6]3+. Ces mesures ont été réalisées à 5 °C pour faciliter la comparaison avec les titrages spectroscopiques, suivis par dichroïsme circulaire, où le complexe est ajouté progressivement aux séquences. Ces derniers permettent quant à eux d’analyser l’influence de l’interaction sur le reploiement des brins. 2.2.1 Etude électrochimique Dans cette étude électrochimique de l’interaction, il convient de tenir compte du fait que les bases de l’ADN peuvent s’adsorber à la surface des électrodes d’or [198-201]. Pour s’affranchir de cette adsorption indésirable, les électrodes de travail utilisées dans cette partie ont été préalablement passivées par une monocouche de 4-mercaptobutan-1-ol. Celle-ci prévient l’adsorption sans inhiber le transfert électronique du [Ru(NH3)6]3+. En outre, les travaux de thèse de M. Steichen [59] ont montré, par chronocoulométrie, l’absence d’adsorption du marqueur sur cette monocouche. La Figure III-42 schématise l’électrode passivée en présence d’une solution contenant la séquence TBA. Figure III-42 Schéma d’une électrode d’or passivée par du 4-mercaptobutan-1-ol (Au|MB) en présence d’une solution contenant la séquence TBA. 115 Chapitre III : Résultats et discussion Deux types de titrages voltampérométriques ont été considérés successivement : - ceux du [Ru(NH3)6]3+ par les différentes séquences aptamères - ceux des aptamères par le [Ru(NH3)6]3+. Tous deux permettent l’obtention d’informations sur l’interaction [Ru(NH3)6]3+-aptamère telles que notamment la stœchiométrie et la constante d’équilibre. 2.2.1.1 Titrage du [Ru(NH3)6]3+ par l’ADN Dans un premier temps, le titrage de 40 µM de [Ru(NH3)6]3+ par des concentrations croissantes d’ADN a été réalisé pour les trois séquences. 2.2.1.1.1 Tendances générales Chaque titrage a été suivi par différentes voltampérométries. A titre d’exemple, la Figure III-43 présente les voltampérogrammes cycliques (partie a), impulsionnels différentiels (partie b) et hydrodynamiques (partie c) obtenus pour le titrage par TBA. En absence de TBA (Figure III-43-a, courbe rouge), le voltampérogramme cyclique présente un pic de réduction du [Ru(NH3)6]3+ à un potentiel de – 0,19 V. Le pic associé à la ré-oxydation se situe à – 0,13 V. L’ajout de quantités croissantes de TBA provoque une diminution d’intensité des pics ainsi que leur déplacement vers des potentiels plus négatifs. En fin de titrage, soit pour des concentrations de marqueur et de TBA identiques, les potentiels sont de – 0,28 V pour le pic cathodique et de – 0,19 V pour l’anodique. Les voltampérogrammes impulsionnels différentiels de la Figure III-43-b présentent un pic cathodique symétrique. Sans TBA en solution, celui-ci se situe à -0,16 V tandis qu’il est localisé à -0,24 V à l’issue de l’expérience. Son intensité diminue au cours du titrage. Les mesures de voltampérométrie impulsionnelle différentielle permettent une visualisation plus aisée de l’effet des additions d’ADN et sont utilisées dans la suite pour la comparaison des séquences. L’évolution des voltampérogrammes hydrodynamiques de la Figure III-43-c est équivalente à celles décrites pour les autres méthodes. Le courant limite de diffusion diminue après chaque ajout de TBA et le potentiel de demi-vague se déplace de – 0,16 V à - 0,24 V entre le début et la fin du titrage. 116 Chapitre III : Résultats et discussion Figure III-43 3+ Titrage de 40 µM de [Ru(NH3)6] par des concentrations croissantes de TBA, à 5 °C, sur une électrode Au|MB plongée dans du tampon Tris-HCl (pH 7,4) 10 mM -1 (a) en voltampérométrie cyclique à 20 mV s (b) en voltampérométrie impulsionnelle différentielle (ΔEh = 25 mV, tp = 0,06 s, ΔEs = 10 mV, tw = 0,94 s) -1 (c)en voltampérométrie hydrodynamique à 20 mV s et 1000 rpm. Comme évoqué ci-dessus, la comparaison de l’effet du titrage selon la séquence est basée sur la voltampérométrie impulsionnelle différentielle. La Figure III-44 présente les voltampérogrammes obtenus par des ajouts de TBA (partie a), GTA GGT-TBA (partie b) et TTT TTT-TBA (partie c) à une solution de [Ru(NH3)6]3+ de 40 µM. 117 Chapitre III : Résultats et discussion Figure III-44 Voltampérogrammes impulsionnels différentiels (ΔEh = 25 mV, tp = 0,06 s, ΔEs = 10 mV, tw = 0,94 s) enregistrés, à 5 °C, dans du tampon Tris-HCl (pH 7,4) 10 mM, avec une électrode Au|MB, pour des concentrations croissantes de (a) TBA, (b) GTA GGT-TBA et (c) TTT TTT-TBA. Pour les trois séquences, une diminution de l’intensité du pic de réduction du [Ru(NH3)6]3+ est observée. En voltampérométrie impulsionnelle différentielle, lorsque les , est paramètres de mesure sont identiques, le courant de pic cathodique, proportionnel à la racine carrée du coefficient de diffusion et directement proportionnel à la concentration en cœur de phase de l’oxydant (pour l’équation complète voir pg 48, section II-1.1.3.2) : où est le coefficient de diffusion de l’oxydant et sa concentration en cœur de phase. La concentration totale du [Ru(NH3)6]3+ étant maintenue constante dans ces titrages, la baisse des courants de pic reflète une diminution de la valeur du coefficient de diffusion apparent du complexe. Lorsque le [Ru(NH3)6]3+ interagit avec l’ADN, il diffuse plus lentement et la diminution du courant indique donc que la proportion de complexe en interaction avec la séquence croît au cours du titrage dans les trois cas. Le déplacement vers des potentiels plus négatifs du pic de réduction du [Ru(NH3)6]3+ est, lui aussi, observé avec l’ensemble des séquences. Les formes oxydée et réduite du complexe métallique peuvent interagir avec les brins d’ADN présents en solution et deux équilibres d’interaction peuvent être écrits : 118 Chapitre III : Résultats et discussion où et représentent les stœchiométries d’interaction en solution entre le complexe métallique oxydé ou réduit et la séquence d’ADN tandis que et correspondent aux constantes d’interaction respectives. L’indice « sol » est précisé pour tenir compte de différences éventuelles avec le cas des séquences immobilisées. Du fait de l’existence de ces deux équilibres, le potentiel formel du couple [Ru(NH3)6]3+/2+ lorsque le complexe métallique forme, en solution, une interaction avec un brin de TBA peut être exprimé comme : où est le potentiel formel du couple [Ru(NH3)6]3+/2+ lorsque le complexe est en interaction avec TBA, est libre, le potentiel formel de ce couple lorsque le marqueur la constante des gaz, la réaction redox et la température, le nombre d’électrons transférés dans la constante de Faraday. Le décalage du potentiel du pic vers des potentiels plus négatifs en cours de titrage signifie donc que la constante d’interaction qui implique la forme oxydée ( ) du complexe métallique possède une valeur supérieure à celle qui fait intervenir la forme réduite ( ). L’amplitude du déplacement en potentiel du pic associé à la réduction du [Ru(NH3)6]3+ varie selon la séquence considérée (voir Figure III-44). Le Tableau III-14 reprend les déduit pour chaque séquence. potentiels de pic en fin de titrage et le Séquence TBA GTA GGT-TBA TTT TTT-TBA E 0’ /V -0,22 -0,27 -0,26 1,1 2,0 1,8 Tableau III-14 3+ Potentiel des pics de réduction du [Ru(NH3)6] en interaction avec les trois séquences étudiées et rapport des constantes d’équilibre impliquées. 119 Chapitre III : Résultats et discussion Entre TBA et les séquences allongées, le rapport de constantes diffère de près d’un ordre de grandeur. Ceci suggère des différences dans la nature de l’interaction impliquée. La diminution d’intensité des pics lors des titrages par les différentes séquences a été attribuée à une baisse du coefficient de diffusion du [Ru(NH3)6]3+ lorsque ce dernier forme une interaction avec les brins d’ADN. L’évaluation des coefficients de diffusion du [Ru(NH3)6]3+ libre et en interaction avec chacune des séquences a été effectuée par voltampérométrie hydrodynamique. Pour ce faire, des mesures de courant limite de diffusion à différentes vitesses de rotation de l’électrode tournante ont été réalisées. A titre d’exemple, la Figure III-45 montre les voltampérogrammes cycliques obtenus sous contrôle hydrodynamique à plusieurs vitesses de rotation (partie a) et l’évolution du courant limite de diffusion selon la racine carrée de cette vitesse (partie b) pour le [Ru(NH3)6]3+ libre. Figure III-45 (a) Voltampérogrammes cycliques obtenus, à 5 °C, avec une électrode Au|MB tournant à différentes vitesses de balayage 3+ dans du tampon Tris-HCl 10 mM (pH 7,4) contenant 40 µM de [Ru(NH3)6] . (b) Evolution des courants limites de diffusions obtenus à la partie (a) selon la racine carrée de la vitesse de rotation de l’électrode. 120 Chapitre III : Résultats et discussion Le courant limite de diffusion croît en racine de la vitesse angulaire de rotation de l’électrode, conformément à l’équation de Levich (voir page 50). Sur base de cette équation, la pente du graphique portant le courant limite de diffusion en fonction de la racine carrée de la vitesse angulaire de rotation de l’électrode (comme à la Figure III-45-b) correspond, pour un processus de réduction, à : où représente le nombre d’électrons transférés, coefficient de diffusion de l’oxydant, la constante de Faraday, le la viscosité cinématique de la solution et la concentration de l’oxydant en cœur de phase. La viscosité cinématique de la solution s’exprime par la relation : où est la viscosité absolue et la masse volumique. A 5 °C, la viscosité cinématique de l’eau peut être estimée à 0,015 cm2 s-1 sur base des valeurs de de 1,519 cP et de de 999,964 kg m-3 [202]. La conversion entre le nombre de tours par minute de l’électrode et sa vitesse angulaire de rotation exprimée en s-1 est donnée par : Le coefficient de diffusion déterminé au départ de la pente de la Figure III-45-b est de (2,94 ± 0,05) 10-6 cm2 s-1. Sa valeur moyenne basée sur des expériences indépendantes est de (2,8 ± 0,1) 10-6 cm2 s-1. Le coefficient de diffusion peut s’exprimer par l’équation de Stokes-Einstein [203] : où est la constante de Boltzman, la température, la viscosité du milieu et le rayon hydrodynamique de l’ion. Le coefficient de diffusion à 25 °C peut être calculé par rapport à celui mesuré à 5 °C via la relation : 121 Chapitre III : Résultats et discussion La valeur ainsi estimée du coefficient de diffusion du [Ru(NH3)6]3+ libre est de (4,6 ± 0,2) 10-6 cm2 s-1. Cette valeur est du même ordre de grandeur que celle de (5,3 ± 0,1) 10-6 cm2 s-1 déterminée à température ambiante par M. Aslanoglu et al. [196]. Les valeurs des coefficients de diffusion pour le [Ru(NH3)6]3+ en interaction avec les différentes séquences sont mentionnées au Tableau III-15. Elles ont été déterminées en fin de titrage lorsque la concentration en brins d’ADN équivaut à celle en [Ru(NH3)6]3+. L’équilibre d’interaction a été considéré complètement déplacé vers la droite. Séquence TBA GTA GGT-TBA TTT TTT-TBA D /cm2 s-1 (2,8 ± 0,1) 10-6 (5,37 ± 0,05*) 10-7 (1,80 ± 0,02*) 10-7 (2,91 ± 0,02*) 10-7 Tableau III-15 3+ Coefficients de diffusion, à 5 °C, du [Ru(NH3)6] en interaction avec les trois séquences étudiées. * Les écarts-type mentionnés correspondent à l’erreur sur la régression linéaire. Les valeurs de coefficient de diffusion obtenues lorsque le [Ru(NH3)6]3+ interagit avec les séquences sont, comme attendu, plus faibles que celle associée au complexe libre. En outre, quand cette interaction s’établit avec une séquence allongée de TBA, le coefficient de diffusion est plus faible que dans le cas où TBA y prend part. Ceci reflète le fait que le rayon associé à l’espèce diffusive est plus grand dans le cas des séquences possédant les six bases supplémentaires. 2.2.1.1.2 Modèles pour décrire l’équilibre d’interaction Avant de procéder à l’analyse quantitative des résultats des trois titrages, il convient de remarquer que les vitesses de formation et de rupture de l’interaction entre le complexe et l’ADN peuvent influencer la réponse électrochimique, puisque celle-ci implique des espèces diffusant à des vitesses différentes. 122 Chapitre III : Résultats et discussion Evans [204] a discuté un moyen approprié pour prendre en compte deux cas extrêmes dans la comparaison des échelles de temps de formation et dissociation de l’interaction à celle de diffusion pour des mesures électrochimiques de type chronoampérométrique. Selon lui, les cas extrêmes à considérer sont : - - Une formation et une dissociation rapide de l’interaction qui permettent le maintien, à tout instant de la mesure, de l’équilibre d’interaction. Ce dernier est alors dénommé dynamique. Une cinétique tellement lente qu’aucune formation ou dissociation de l’interaction ne s’opère pendant la mesure électrochimique. Il est alors fait référence à un équilibre statique. Pour chacun de ces deux comportements, Evans définit un coefficient de diffusion effectif, . La forme analytique de ce dernier peut être adaptée selon la méthode électrochimique utilisée. Pour l’analyse quantitative des résultats des titrages, la voltampérométrie hydrodynamique a été privilégiée par rapport à la voltampérométrie cyclique ou impulsionnelle différentielle. En effet, la méthode hydrodynamique impose un profil stationnaire de concentration en solution et permet de s’affranchir de toute dépendance temporelle des courants mesurés. De plus, le courant limite de diffusion comprend les contributions tant du [Ru(NH3)6]3+ libre que de celui en interaction. Or en voltampérométrie cyclique ou impulsionnelle différentielle, le profil est non-stationnaire et les deux contributions dépendent chacune du temps et du potentiel, rendant difficile leur déconvolution. Enfin, cette méthode permet la mesure de courants plus importants ce qui améliore la sensibilité par rapport aux autres méthodes électrochimiques. Si l’on considère l’analyse développée par Evans, adaptée au cas de la voltampérométrie hydrodynamique, chacun des courants limites de diffusion mesurés lors des titrages peut être exprimé par la relation : où représente le nombre d’électrons transférés, coefficient de diffusion effectif, la constante de Faraday, la vitesse angulaire de rotation de l’électrode, viscosité cinématique de la solution et le la la concentration totale (libre et en interaction) 3+ du [Ru(NH3)6] en cœur de phase. L’expression analytique du coefficient de diffusion effectif est développée ci-dessous pour les cas dynamique ( ) et statique ( ). 123 Chapitre III : Résultats et discussion Equilibre dynamique Dans ce premier cas, correspond à la moyenne des coefficients de diffusion des complexes libre et en interaction, pondérée par leurs fractions molaires respectives : où figurent les coefficients de diffusion du [Ru(NH3)6]3+ libre et en et interaction et et leurs fractions molaires. En incluant l’expression de la constante d’équilibre d’interaction, ce coefficient devient : où représente la constante d’interaction entre le complexe et l’ADN. L’introduction du rapport des coefficients de diffusion, : permet d’écrire la relation : Equilibre statique Dans ce second cas, le courant mesuré sous contrôle diffusif correspond alors à la somme des courants pour chaque composé pris séparément et l’expression pour le coefficient de diffusion effectif est : où interaction, figurent les coefficients de diffusion du [Ru(NH3)6]3+ libre et en et et leurs fractions molaires et ζ un paramètre dépendant de la méthode électrochimique qui vaut 2/3 en voltampérométrie hydrodynamique et 1/2 en voltampérométrie impulsionnelle différentielle. 124 Chapitre III : Résultats et discussion L’insertion de la constante d’équilibre d’interaction et du rapport des coefficients de diffusion conduit à la relation : où représente la constante d’interaction entre le complexe et l’ADN. Implications du modèle pour les titrages électrochimiques Les équilibres dynamique et statique constituent des cas extrêmes. Des comportements intermédiaires peuvent aussi être observés. Quel que soit le type d’équilibre impliqué, l’erreur commise en considérant le cas dynamique ou statique est au maximum égale à l’écart entre ces deux extrêmes. Ce dernier dépend de la méthode électrochimique utilisée dans l’expérience du fait de la présence du paramètre ζ dans l’expression de . L’estimation de l’erreur commise pour une méthode peut être réalisée via le rapport des coefficients de diffusion effectifs dans les deux cas extrêmes. Pour des mesures de voltampérométrie hydrodynamique, ζ = ⅔ et le rapport de coefficient de diffusion effectif est égal à : Ce qui équivaut à : 125 Chapitre III : Résultats et discussion Par comparaison, le même traitement dans le cas de mesures de voltampérométrie cyclique ou impulsionnelle différentielle où ζ = ½, donnerait : Ce qui revient à écrire : Cette dernière expression est équivalente à celle dérivée par Evans dans le cas de la chronoampérométrie pour laquelle la valeur de ζ est également ½ [204]. La Figure III-46 illustre l’évolution du rapport des coefficients de diffusion effectifs pour les deux types de méthodes en fonction des valeurs de et de . Evolution du rapport Figure III-46 selon les valeurs de Dr et K’ en voltampérométrie hydrodynamique (en rouge) et en voltampérométrie cyclique ou impulsionnelle différentielle (en gris). Les flèches montrent l’évolution du rapport , en voltampérométrie hydrodynamique (en rouge) et 3+ cyclique ou impulsionnelle différentielle (en gris), au cours d’un titrage du [Ru(NH3)6] par la séquence GTA GGT-TBA. 126 Chapitre III : Résultats et discussion Sur base des valeurs de coefficients de diffusion déterminées à la section précédente (Tableau III-15 page 122), la région du graphique à considérer pour nos titrages peut être établie. La valeur de est comprise entre 0,19 pour TBA et 0,064 pour GTA GGT-TBA correspondant à des valeurs de de -0,72 à -1,19. La valeur de K’ dépend de la concentration d’ADN et augmente au cours du titrage du [Ru(NH3)6]3+ par l’ADN. Les flèches représentées à la Figure III-46 montrent l’évolution du rapport , en voltampérométrie hydrodynamique (en rouge) et cyclique ou impulsionnelle différentielle (en gris), au cours d’un titrage du [Ru(NH3)6]3+ par la séquence GTA GGT-TBA. En début et en fin de titrage, le rapport est très proche de 1 et les modèles s’équivalent. En revanche, en milieu de titrage, les deux modèles se distinguent et les écarts pour nos titrages seront d’autant plus prononcés que la voltampérométrie hydrodynamique a été privilégiée aux autres mesures électrochimiques (Figure III-46). Or ce sont les points expérimentaux intermédiaires qui permettent de déterminer la constante d’équilibre. L’ensemble des analyses a de ce fait été réalisé en considérant tant le cas dynamique que le statique. 2.2.1.1.3 Stœchiométrie d’interaction Le premier aspect d’analyse quantitative des titrages par l’ADN a consisté à déterminer la stœchiométrie d’interaction entre le [Ru(NH3)6]3+ et les différentes séquences d’aptamère. Pour ce faire, l’évolution de la concentration du [Ru(NH3)6]3+ libre au cours des titrages a été suivie. Au cours de ces titrages, la concentration de l’espèce électroactive est maintenue constante tandis qu’une molécule inactive du point de vue redox est ajoutée. L’évaluation, en chaque point des titrages, de la concentration de [Ru(NH3)6]3+ libre à l’équilibre a été basée sur le traitement de A. Doménech et al. [205]. Dans le cas dynamique, lorsque l’équilibre d’interaction entre l’ADN et le [Ru(NH3)6]3+ est considéré la fraction molaire du complexe en interaction est donnée par : où représente la fraction molaire de complexe en interaction avec l’ADN, courant limite de diffusion au point du titrage considéré, et le les courants limites de diffusion en absence d’interaction (au début du titrage) et lorsque tout le [Ru(NH3)6]3+ est en interaction (à la fin du titrage). 127 Chapitre III : Résultats et discussion La fraction molaire du [Ru(NH3)6]3+ libre est déduite via : et sa concentration à l’équilibre est donnée par : où correspond à la concentration analytique du [Ru(NH3)6]3+ soit 40 µM pour ces titrages. Pour le cas statique, l’expression de la fraction molaire de [Ru(NH3)6]3+ en interaction est : L’obtention de la fraction molaire et de la concentration de [Ru(NH3)6]3+ libre sont réalisées comme dans le cas dynamique. La Figure III-47 porte, pour le titrage du [Ru(NH3)6]3+ par GTA GGT-TBA pris comme exemple, le courant limite de diffusion en fonction de la concentration d’ADN et illustre les courants et . Illustration de la détermination des valeurs de 128 Figure III-47 3+ et pour le titrage du [Ru(NH3)6] par GTA GGT-TBA. Chapitre III : Résultats et discussion La Figure III-48 montre, pour chacun des trois titrages, l’évolution de la concentration du [Ru(NH3)6]3+ libre selon la concentration totale en solution après chaque ajout d’ADN dans les cas dynamique (en rouge) et statique (en noir). Cette concentration a été calculée en chaque point grâce aux relations mentionnées ci-avant. Elle diminue fortement en début de titrage puis de plus en plus lentement. Comme évoqué dans la section consacrée à l’influence du modèle utilisé pour le traitement, les concentrations de [Ru(NH3)6]3+ libre obtenues sur base des modèles dynamique et statique diffèrent plus en milieu de titrage qu’au début ou à la fin. La détermination de la stœchiométrie d’interaction entre le [Ru(NH3)6]3+ et chacun des trois séquences a été réalisée sur base de la Figure III-48. Cette stœchiométrie est déduite de la concentration en ADN à l’intersection entre l’horizontale correspondant à une concentration nulle en [Ru(NH3)6]3+ libre (qui représente un équilibre d’interaction complètement déplacé vers la droite) et l’extrapolation du comportement à faible concentration en ADN. Pour TBA (Figure III-48-a), l’intersection est obtenue à une concentration de TBA de 19 ± 1 µM dans le cas dynamique et de 21 ± 1 µM dans le cas statique. Rapportées à la concentration analytique en [Ru(NH3)6]3+ de 40 µM, ces valeurs correspondent respectivement à des stœchiométries de 2,1 ± 0,2 et de 1,9 ± 0,1 pour les modèles dynamique et statique. Figure III-48 Détermination de la stœchiométrie d’interaction dans les cas dynamique (en rouge) et statique (en noir) 3+ pour le titrage du [Ru(NH3)6] (a) par TBA, (b) par GTA GGT-TBA et (c) par TTT TTT-TBA. Le Tableau III-16 reprend les valeurs de stœchiométrie déterminées pour les trois séquences. Séquence Stœchiométrie 129 Chapitre III : Résultats et discussion TBA GTA GGT-TBA TTT TTT-TBA Cas dynamique 2,1 ± 0,2 4,0 ± 0,1 4,6 ± 0,3 Cas statique 1,9 ± 0,1 3,57 ± 0,05 4,0 ± 0,2 Tableau III-16 3+ Stœchiométries d’interaction déterminées sur base du titrage du [Ru(NH3)6] par l’ADN. Les écarts-type sur la stœchiométrie sont calculés à partir de l’erreur sur les régressions linéaires. Pour TBA, les valeurs de stœchiométrie sont identiques à l’erreur près, dans les cas dynamique et statique. En ce qui concerne les séquences GTA GGT-TBA et TTT TTT-TBA en revanche, les valeurs obtenues dans les deux cas diffèrent significativement. Toutefois, quel que soit le cas considéré les stœchiométries déduites avec les séquences allongées sont supérieures à celles pour TBA. 2.2.1.1.4 Constante d’équilibre d’interaction Une seconde caractéristique de l’équilibre d’interaction entre le [Ru(NH3)6]3+ et les séquences d’aptamère est la valeur de la constante d’équilibre. L’ADN est une macromolécule qui possède plusieurs sites d’interaction. L’équation stœchiométrique correspond dès lors à la réaction globale associée de l’interaction successive de complexes [Ru(NH3)6]3+. Elle représente l’ensemble de réactions : … 130 Chapitre III : Résultats et discussion Les constantes d’équilibre associées à ces réactions peuvent s’écrire : En absence de coopérativité, chaque constante, constante intrinsèque , peut s’exprimer par rapport à une : Cette constante intrinsèque fait l’objet de notre détermination et peut s’exprimer comme : où correspond à la concentration du [Ru(NH3)6]3+ libre, [Ru(NH3)6]3+ en interaction avec l’ADN, à la concentration de à la concentration de phosphates libres à l’équilibre et au nombre de groupements phosphates occupés par un complexe [Ru(NH3)6]3+. Les relations suivantes s’appliquent : où représente la concentration analytique en groupements phosphate, fraction molaire en complexe en interaction et la celle en complexe libre. 131 Chapitre III : Résultats et discussion Elles permettent d’exprimer la constante intrinsèque comme : Cette relation peut être écrite également sous la forme d’une équation du second degré en : La multiplication des deux membres par la concentration analytique en complexe conduit à : L’expression de en fonction de être déduite immédiatement. Les valeurs de du titrage et celle de , et , et peut en sont connues en tout point est évaluée dans les cas dynamique et statique comme cela a été décrit à la section précédente. Dans le titrage du [Ru(NH3)6]3+ par l’ADN, considéré ici, la valeur de et celle de fonction de est constante a été déterminée à la section précédente. En portant , un ajustement à un paramètre, en , peut être réalisé. Celui-ci a été effectué pour les titrages par chacune des trois séquences dans les cas dynamique et statique. A titre d’exemple, la Figure III-49 montre les résultats de l’ajustement pour la séquence GTA GGT-TBA dans le cas statique. Figure III-49 3+ Ajustement de la constante intrinsèque d’interaction dans le cas statique pour le titrage du [Ru(NH3)6] par GTA GGT-TBA. 132 Chapitre III : Résultats et discussion Le Tableau III-17 reprend les valeurs de constantes intrinsèques obtenues sur base de l’ajustement pour les cas dynamique et statique. La valeur de stœchiométrie considérée est précisée, elle correspond à la valeur obtenue à la section précédente, arrondie à l’unité. Séquence Cas dynamique Cas statique / M-1 TBA GTA GGT-TBA TTT TTT-TBA (1,1 ± 0,4) 106 (1,0 ± 0,2) 106 (0,39 ± 0,05) 106 / M-1 2 4 5 (0,6 ± 0,1) 106 (0,44 ± 0,03) 106 (0,46 ± 0,07) 106 2 4 4 Tableau III-17 3+ Constantes intrinsèques d’interaction déterminées sur base du titrage du [Ru(NH3)6] par l’ADN. Les écarts types mentionnés correspondent à l’erreur sur l’ajustement. A ce jour, les seules études portant sur l’interaction entre le [Ru(NH3)6]3+ et l’ADN et visant à déterminer, en solution, la constante d’équilibre associée à cette interaction ont été réalisées pour de l’ADN double brins [192, 196]. Les travaux de Aslanoglu et al. [196] mentionnent, selon la méthode expérimentale et le modèle utilisés, des valeurs de constante d’interaction comprises entre 1,0 104 et 4,9 105 M-1 tandis que ceux de Steel et al. [192] rapportent une valeur de 1,2 106 M-1. Dans ces deux études, la détermination de la valeur de la constante d’interaction et celle de la taille du site d’interaction (corrélée à la stœchiométrie) sont effectuées conjointement par le biais d’un ajustement à deux paramètres. Par comparaison aux résultats de la littérature pour l’ADN duplexe, l’ordre de grandeur des valeurs reprisent au Tableau III-17, pour de l’ADN quadruplexe, semble raisonnable. La détermination préalable de la stœchiométrie d’interaction, telle qu’elle a été réalisée dans ce travail, présente l’avantage, par rapport aux traitements de la littérature, de procéder à l’ajustement d’un seul paramètre. 2.2.1.2 Titrage de l’ADN par le [Ru(NH3)6]3+ Les valeurs de stœchiométrie et de constante d’équilibre d’interaction obtenues sur base des titrages du [Ru(NH3)6]3+ par des quantités croissantes des différentes séquences peuvent être comparées à celles déduites des titrages réalisés dans l’autre sens. Dans ces titrages, la concentration d’ADN est fixée et des ajouts de [Ru(NH3)6]3+ sont effectués. 133 Chapitre III : Résultats et discussion 2.2.1.2.1 Tendances générales Le titrage de chacune des trois séquences par le [Ru(NH3)6]3+ a été suivi par voltampérométrie cyclique, impulsionnelle différentielle et hydrodynamique. Comme dans le cas des titrages du [Ru(NH3)6]3+ par l’ADN, les évolutions observées sont équivalentes pour les trois types de voltampérométrie. La Figure III-50 illustre ces évolutions par les voltampérogrammes impulsionnels obtenus pour le titrage de la séquence GTA GGT-TBA par le complexe. Figure III-50 3+ Titrage de 10 µM de GTA GGT-TBA par des concentrations croissantes de [Ru(NH3)6] , suivi à 5 °C, par voltampérométrie impulsionnelle différentielle (ΔEh = 25 mV, tp = 0,06 s, ΔEs = 10 mV, tw = 0,94 s), sur une électrode Au|MB dans du tampon Tris-HCl (pH 7,4) 10 mM. Aux faibles concentrations de [Ru(NH3)6]3+, un pic cathodique est observé vers -0,27 V. L’ajout de quantités croissantes de marqueur conduit à une contribution moins négative de plus en plus marquée. En fin de titrage, celle-ci est devenue clairement majoritaire et le potentiel de pic est situé vers -0,16 V. Elle correspond à la réduction du [Ru(NH3)6]3+ libre. La contribution localisée vers -0,27 V est toujours présente et forme un épaulement. Elle peut être attribuée à la réduction des complexes en interaction avec la séquence GTA GGT-TBA. Son potentiel de pic est identique à celui observé en fin de titrage lorsque cette séquence était ajoutée au [Ru(NH3)6]3+ (voir Tableau III-14) ce qui reflète le fait que les équilibres impliqués sont identiques pour les deux types de titrage. Pour les deux autres séquences, les observations sont similaires. Le potentiel de pic à faible concentration de complexe est en accord avec ceux mentionnés au Tableau III-14 pour les titrages dans l’autre sens. 134 Chapitre III : Résultats et discussion 2.2.1.2.2 Stœchiométrie d’interaction Comme dans le cas des titrages par l’ADN, la stœchiométrie d’interaction peut être déterminée en suivant l’évolution de la concentration de [Ru(NH3)6]3+ libre lors les titrages par ce complexe. Au cours de ces derniers, la quantité d’espèce électroactive varie tandis que celle de l’espèce inerte du point de vue redox est constante. Les expressions de la fraction molaire de complexe en interaction pour les cas dynamique et statique : restent valables. Toutefois, à la différence du titrage par l’ADN, les grandeurs et ne sont plus des constantes. Elles consistent en expressions où la concentration en complexe métallique intervient. Leur estimation sur base des courants limites mesurés en cours de titrage est illustrée à la Figure III-51 pour le titrage de la séquence GTA GGT-TBA par le [Ru(NH3)6]3+. Illustration de la détermination des valeurs de La droite La droite et Figure III-51 3+ pour le titrage de GTA GGT-TBA par le [Ru(NH3)6] . 3+ correspond à l’extrapolation du comportement à faible concentration en [Ru(NH3)6] . 3+ correspond à la parallèle passant par l’origine du comportement à haute concentration en [Ru(NH3)6] . Pour les faibles concentrations en [Ru(NH3)6]3+, tout le complexe peut être considéré comme étant en interaction avec des brins de GTA GGT-TBA et est mesuré. Aux hautes concentrations, le comportement du [Ru(NH3)6]3+ libre est retrouvé. L’expression de est donnée par l’équation de la parallèle, passant par l’origine, à la droite comprenant les courants limites mesurés à ces concentrations élevées. 135 Chapitre III : Résultats et discussion La Figure III-52 montre l’évolution de la concentration de complexe libre au cours des titrages de TBA (partie a), GTA GGT-TBA (partie b) et TTT TTT-TBA (partie c) dans les cas dynamique et statique. Figure III-52 Détermination de la stœchiométrie d’interaction dans les cas dynamique (en rouge) et statique (en noir) 3+ pour le titrage par le [Ru(NH3)6] (a) de TBA, (b) de GTA GGT-TBA et (c) de TTT TTT-TBA. Pour les trois séquences, la concentration de [Ru(NH3)6]3+ libre est quasiment nulle en début de titrage, la quasi-totalité du complexe ajouté étant en interaction avec les brins d’ADN présents en solution. En fin de titrage, en revanche, chaque ajout de marqueur provoque une augmentation de la concentration de [Ru(NH3)6]3+ libre. L’extrapolation linéaire de ce comportement permet la détermination de la stœchiométrie d’interaction. En effet, celle-ci correspond au rapport des concentrations en complexe et en ADN à l’intersection entre cette extrapolation et la droite x=0. Les valeurs de stœchiométrie ainsi déterminées sont reprises dans le Tableau III-18 et comparées à celles déterminées précédemment par le titrage inverse. Séquence TBA TTT TTT-TBA Stœchiométrie pour l’ajout d’ADN Cas dynamique Cas statique 2,1 ± 0,2 1,9 ± 0,1 4,6 ± 0,3 4,0 ± 0,2 Stœchiométrie pour l’ajout de [Ru(NH3)6]3+ Cas dynamique Cas statique 2,4 ± 0,4 2,0 ± 0,3 4,9 ± 1,1 4,3 ± 1,0 Tableau III-18 Stœchiométries d’interaction déterminées sur base des titrages voltampérométriques. Les écarts-type sur la stœchiométrie sont calculés à partir de l’erreur sur les régressions linéaires. 136 Chapitre III : Résultats et discussion Pour les séquences TBA et TTT TTT-TBA, les stœchiométries d’interaction obtenues sur base de ces titrages sont identiques à celles déduites des titrages du [Ru(NH3)6]3+ par les séquences d’ADN. En ce qui concerne GTA GGT-TBA en revanche, les résultats ne concordent pas entre les deux types d’expérience. Il serait dès lors utile de répéter les mesures réalisées en vue d’établir de façon fiable la stœchiométrie d’interaction entre le [Ru(NH3)6]3+ et cette séquence. 2.2.1.2.3 Constante d’interaction Comme dans le cas du titrage par l’ADN, l’équation du second degré en : est à la base de la détermination de la constante intrinsèque d’interaction. Cette fois encore les valeurs de et celle de et sont connues en tout point du titrage est évaluée dans les cas dynamique et statique comme décrit précédemment. Dans ce second titrage, la valeur de est constante et celle de été déterminée au préalable. L’ajustement à un paramètre, représentation de en fonction de a , est réalisé sur la . La Figure III-53 montre, à titre d’exemple, les résultats de l’ajustement pour TBA dans le cas statique. Figure III-53 3+ Ajustement de la constante intrinsèque d’interaction dans le cas statique pour le titrage par le [Ru(NH3)6] de TBA. 137 Chapitre III : Résultats et discussion Le Tableau III-19 reprend les valeurs de constantes intrinsèques obtenues sur base de l’ajustement pour les cas dynamique et statique. Lorsque l’erreur obtenue sur l’ajustement de la constante dépassait la valeur de cette dernière, seul l’ordre de grandeur a été mentionné. Comme pour le titrage par l’ADN, la valeur de stœchiométrie considérée est précisée. Il s’agit, ici aussi, de la valeur obtenue à la section précédente pour le titrage correspondant, arrondie à l’unité. Séquence Cas dynamique /M TBA TTT TTT-TBA Cas statique -1 ~ 106 (0,7 ± 0,2) 106 / M-1 2 5 (0,9 ± 0,2) 106 ~ 106 2 4 Tableau III-19 3+ Constantes intrinsèques d’interaction déterminées sur base du titrage du [Ru(NH3)6] par l’ADN. Les écarts types mentionnés correspondent à l’erreur sur l’ajustement. Lorsque celle-ci dépasse la valeur obtenue pour la constante, seul l’ordre de grandeur a été indiqué. La valeur de (0,9 ± 0,2) 106 M-1 pour la constante intrinsèque associée à l’interaction entre TBA et le [Ru(NH3)6]3+ dans le cas statique est à comparer à celle de (0,6 ± 0,1) 106 M-1 obtenue pour le titrage inverse. Sur base des deux titrages, la valeur de cette constante est de (0,8 ± 0,3) 106 M-1.Pour TTT TTT-TBA, la valeur de la constante de (0,7 ± 0,2) 106 M-1 déduite dans le cas dynamique est du même ordre de grandeur que celle de (0,39 ± 0,05) 106 M-1. La valeur de la constante intrinsèque déterminée dans ce cas sur base de nos titrages est donc de (0,6 ± 0,3) 106 M-1. 2.2.1.3 Discussion et comparaison avec l’interaction à l’électrode modifiée L’étude électrochimique de l’interaction entre le [Ru(NH3)6]3+ et les séquences aptamères réalisée en solution a permis d’établir que la stœchiométrie d’interaction est de 2 [Ru(NH3)6]3+ par brin pour TBA et supérieure à cette valeur dans le cas des séquences allongées. La comparaison avec les résultats obtenus à la surface permet d’apporter un éclairage sur ces valeurs. Dans le cas de TBA, la stœchiométrie d’interaction associée à l’espèce confinée est également de 2 et lors du transfert de l’électrode de travail dans une solution d’électrolyte pur, un seul pic de réduction, associé à l’espèce confinée, est observé (voir Figure III-28, page 98). En ce qui concerne les séquences allongées, deux pics de réduction PA et PB sont présents après un tel transfert (Figure III-34, page 105). Le premier, PA, attribué au [Ru(NH3)6]3+ confiné, est caractérisé par une stœchiométrie de 2 tandis que le second, PB, diminue d’intensité entre les cycles et serait associé à du [Ru(NH3)6]3+ formant une 138 Chapitre III : Résultats et discussion interaction électrostatique conventionnelle avec les groupements phosphate associés aux bases supplémentaires. L’obtention, lors de titrages en solution, d’une stœchiométrie supérieure à 2 pour les séquences GTA GGT-TBA et TTT TTT-TBA pourrait donc correspondre à la stœchiométrie globale associable aux deux types de comportements (pics PA et PB) : deux complexes de [Ru(NH3)6]3+ seraient confinés au niveau de la portion TBA tandis que d’autres complexes formeraient une interaction électrostatique avec les nucléotides supplémentaires. Dans cette section consacrée à la caractérisation électrochimique de l’interaction 3+ entre le [Ru(NH3)6] et les séquences aptamères, les stœchiométries d’interaction déduites ont pu être corrélées, pour les trois séquences, avec les comportements observés précédemment à la surface d’électrodes modifiées par les mêmes séquences. Pour compléter notre caractérisation de l’interaction en solution, à la section suivante la structure adoptée par les aptamères en présence du marqueur a été considérée. 2.2.2 Caractérisation spectroscopique de l’interaction Les mesures électrochimiques ont permis de caractériser l’interaction entre les différents aptamères et le complexe [Ru(NH3)6]3+ via le comportement de ce dernier. La caractérisation de cette interaction a été poursuivie par le biais de mesures spectroscopiques lesquelles reflètent principalement le comportement des aptamères. Lors des mesures spectroscopiques réalisées au Chapitre III-1, l’effet des cations a été étudié en présence de concentrations importantes de ces derniers par rapport à l’ADN. Pour analyser l’effet des cations [Ru(NH3)6]3+, ceux-ci ont été ajoutés en quantités croissantes dans des solutions de Tris-HCl à pH 7,4 ne contenant pas d’autres cations (exception faite des contre-ions résiduels de la synthèse des séquences d’ADN), un spectre dichroïque étant relevé après chaque addition. L’influence du marqueur rédox a été suivie sur chacune des trois séquences d’ADN utilisées dans ce travail. 139 Chapitre III : Résultats et discussion L’ajout d’un nombre croissant d’équivalents de [Ru(NH3)6]3+ à une solution contenant la séquence TBA conduit aux spectres représentés à la Figure III-54. Figure III-54 3+ Spectre dichroïque de TBA mesurés à 5 °C en présence d’un nombre croissant d’équivalents de [Ru(NH3)6] par brin d’ADN. 3+ (La concentration en brins d’ADN est de 5,16 µM. Un équivalent de [Ru(NH3)6] correspond donc à 5,16 µM.) En absence de marqueur rédox, deux maxima localisés à 247 et 293 nm et un minimum à 267 nm sont présents et indiquent que la structure quadruplexe anti-parallèle de TBA peut être observée en absence de cations stabilisateurs. Ceci est en accord avec la littérature [151]. Lorsque des quantités croissantes de [Ru(NH3)6]3+ sont ajoutées, l’intensité de ces pics caractéristiques diminue. L’existence de deux points isoelliptiques indique que la structure adoptée par TBA en présence de [Ru(NH3)6]3+ reste de type quadruplexe antiparallèle. Néanmoins, la diminution de l’intensité des pics reflète clairement qu’une déstabilisation de cette structure est induite par l’interaction du marqueur rédox avec TBA. La corrélation entre la diminution de l’intensité du pic négatif à 267 nm et du pic positif à 293 nm permet de suivre l’effet de l’interaction via l’évolution de la valeur de ∆ε de l’un ou de l’autre de ces deux pics. La Figure III-55 illustre ce suivi à 293 nm en termes de nombre d’équivalents de [Ru(NH3)6]3+ ajoutés par brin d’ADN. La valeur de ∆ε tend rapidement vers un plateau. L’intersection entre l’extrapolation linéaire de ce plateau et celle du comportement aux faibles quantités de marqueur permet d’obtenir la stœchiométrie d’interaction entre le marqueur et le brin d’ADN. 140 Chapitre III : Résultats et discussion Figure III-55 3+ Evolution de la valeur de ∆ε à 293 nm pour des rapports croissants de concentration entre le [Ru(NH3)6] et TBA. Une stœchiométrie de deux [Ru(NH3)6]3+ par brin d’ADN peut être déduite de l’analyse des données de la Figure III-55. Cette stœchiométrie d’interaction est identique tant à la stœchiométrie associée à l’espèce confinée observée lors des mesures à la surface qu’à celle déduite des titrages électrochimiques menés en solution. Dans le cas de GTA GGT-TBA, l’influence de l’ajout progressif de [Ru(NH3)6]3+ est significativement différente du cas de TBA et est illustrée à la Figure III-56. Figure III-56 3+ Spectre dichroïque de GTA GGT-TBA mesuré à 5 °C en présence d’un nombre croissant d’équivalents de [Ru(NH3)6] par brin d’ADN. 3+ (La concentration en brins d’ADN est de 3,73 µM. Un équivalent de [Ru(NH3)6] correspond donc à 3,73 µM.) 141 Chapitre III : Résultats et discussion Le spectre mesuré en absence de cations [Ru(NH3)6]3+ présente un pic légèrement négatif vers 240 nm et une large bande positive entre 250 et 300 nm dont le maximum culmine à 273 nm et est précédé d’un épaulement à 262 nm. Contrairement à TBA [151], GTA GGT-TBA ne se reploie donc pas en un quadruplexe anti-parallèle en absence de cations stabilisateurs. L’ajout du [Ru(NH3)6]3+ intensifie les contributions négative à 240 nm et positive à 262 nm tandis que la contribution positive vers 273 nm diminue progressivement. Ces transformations s’accompagnent de la présence de deux points isoelliptiques à 250 nm et 270 nm qui indiquent que la formation de la nouvelle structure se réalise aux dépens de l’ancienne. A dix équivalents de [Ru(NH3)6]3+ par brin de GTA GGT-TBA, le spectre se caractérise par un pic négatif à 240 nm et un pic positif à 262 nm. Tant l’allure générale du spectre que la position des pics sont typiques d’une structure quadruplexe parallèle (voir section II-1.2.2.2). Pour GTA GGT-TBA, la stabilisation d’une nouvelle structure est donc observée. Ce comportement contraste avec la déstabilisation de la structure quadruplexe anti-parallèle obtenue avec TBA. La stœchiométrie de l’interaction entre le marqueur et la séquence d’ADN peut être déterminée de manière similaire au cas de TBA (Figure III-57). Les pics négatif à 240 nm et positif à 262 nm sont caractéristiques de la structure formée. La valeur de ∆ε à 262 nm a été choisie pour le suivi de l’évolution et est portée en fonction du nombre d’équivalents de [Ru(NH3)6]3+ ajoutés par brin d’ADN. Figure III-57 3+ Evolution de la valeur de ∆ε à 262 nm pour des rapports croissants de concentration entre le [Ru(NH3)6] et GTA GGT-TBA. 142 Chapitre III : Résultats et discussion L’interaction d’un brin de GTA GGT-TBA s’établit avec deux complexes [Ru(NH3)6]3+. Cette stœchiométrie est identique à celle observée pour TBA malgré que la séquence GTA GGT-TBA comporte six bases supplémentaires. Ceci pourrait indiquer que la stœchiométrie d’interaction observée ici tient au caractère quadruplexe de la structure formée plutôt qu’au nombre de bases ou de groupements phosphates en présence. Cette hypothèse est confortée par l’obtention d’une stœchiométrie 2 : 1 (Ru : ADN) pour l’espèce confinée dans le cas de cette séquence. En effet, le confinement a été associé à la capacité d’une séquence à organiser ses guanines en quartets. Le fait que la stœchiométrie de 2 : 1 déduite de ce titrage suivi en dichroïsme circulaire soit inférieure à celle obtenue par les titrages électrochimiques en solution tient au fait que la méthode spectroscopique ne permet l’observation que de modifications structurales à savoir celles associées à la partie quadruplexe de la séquence. Le cas de la séquence TTT TTT-TBA présente une complexité supplémentaire. La Figure III-58 illustre l’effet de l’ajout du [Ru(NH3)6]3+ à la séquence TTT TTT-TBA. Figure III-58 3+ Spectre dichroïque de TTT TTT-TBA mesuré à 5 °C en présence d’un nombre croissant d’équivalents de [Ru(NH3)6] par brin d’ADN. 3+ (La concentration en brins d’ADN est de 3,85 µM. Un équivalent de [Ru(NH3)6] correspond donc à 3,85 µM.) 143 Chapitre III : Résultats et discussion En absence de marqueur, le spectre dichroïque présente deux minima à 236 nm et 262 nm connectés par un maximum local à 252 nm, et un pic positif considérablement plus intense qui culmine vers 290 nm. Lorsque dix équivalents de [Ru(NH3)6]3+ par brin sont présents, le spectre comporte un pic négatif à 241 nm et une large contribution positive entre 250 et 300 nm au sein de laquelle deux maxima locaux, situés à 262 et 275 nm, peuvent être distingués. En faisant l’hypothèse que la présence du second maximum local peut être attribuée à la contribution positive vers 280 nm, évoquée au Chapitre III-1, provenant des six thymines de l’extrémité 5’ de la séquence [173], le spectre obtenu pourrait correspondre à un reploiement de type quadruplexe parallèle. De même, la contribution négative observée vers 260 nm pour les séquences de thymines [173] expliquerait alors que l’intensité positive à 262 nm soit faible pour un quadruplexe parallèle, par rapport à GTA GGT-TBA par exemple. La transition entre le spectre en absence et en excès de [Ru(NH3)6]3+ présente clairement un point isoelliptique à 251 nm. Un second point isoelliptique pourrait être localisé vers 276 nm. L’incertitude quant à sa présence et/ou sa position est attribuable à l’importance relative du bruit sur ces spectres. En effet, l’intensité des spectres obtenus lors de l’ajout du marqueur (Figure III-58) est environ moitié moindre par rapport aux cas précédents (Figures III-54 et III-56). Par contraste aux cas de TBA et de GTA GGT-TBA, un changement brusque dans l’allure du spectre est observé entre 1 et 2 équivalents de [Ru(NH3)6]3+ par brin de TTT TTT-TBA. Celui-ci empêche la détermination graphique de la stœchiométrie de l’interaction telle que réalisée dans les cas précédents. Le nombre d’équivalents auquel ce changement s’opère rappelle la stœchiométrie de deux obtenue avec TBA et GTA GGT-TBA. Cette valeur serait, par ailleurs, confortée par les résultats relatifs à la stœchiométrie associée au confinement avec la séquence TTT TTT-TBA. Quant à la différence avec celle issue des titrages électrochimiques en solution s’expliquerait comme dans le cas de GTA GGT-TBA. 144 Chapitre III : Résultats et discussion 2.3 Influence de la compétition ionique sur l’interaction Dans la section précédente, nous avons suggéré que les deux séquences allongées de TBA adoptent une conformation quadruplexe parallèle en présence de [Ru(NH3)6]3+. Dans des solutions contenant des ions K+, par contre, elles se reploient en un quadruplexe antiparallèle, comme nous l’avons montré au Chapitre III-1. Si ces deux conformations d’une même séquence peuvent être adoptées dans des milieux comportant des cations différents, un effet de compétition entre ces ions doit permettre d’induire une dynamique de conversion d’une conformation en l’autre. Cette section illustre cette dynamique pour GTA GGT-TBA et TTT TTT-TBA, seules séquences de ce travail pour lesquelles deux conformations distinctes ont été mises en évidence. En présence de 10 équivalents du [Ru(NH3)6]3+ par brin d’ADN, la séquence GTA GGT-TBA se reploie en un quadruplexe parallèle, caractérisé par une bande négative vers 240 nm et une bande positive vers 260 nm. L’ajout de concentrations croissantes de K+ à la solution précédente induit une compétition structurale avec la conformation anti-parallèle du quadruplexe stabilisée en présence d’ions K+ et caractérisée par deux maxima vers 245 et 295 nm interconnectés par un minimum vers 265 nm. La Figure III-59 illustre cette compétition. La courbe bleu marine représente le spectre de la séquence GTA GGT-TBA en présence de [Ru(NH3)6]3+ et en absence de potassium. Figure III-59 + Effet de la compétition par des concentrations croissantes d’ions K sur la structure de la séquence GTA GGT-TBA en 3+ présence de 10 équivalents de [Ru(NH3)6] par brin d’ADN dans une solution de tampon Tris-HCl 10 mM à pH 7,4. 145 Chapitre III : Résultats et discussion L’ajout de concentrations croissantes de potassium (des couleurs froides vers les couleurs chaudes) induit un changement conformationnel progressif qui se traduit par la disparition graduelle des caractéristiques du quadruplexe parallèle au profit de celles du quadruplexe anti-parallèle. En effet, la contribution positive vers 260 nm se transforme petit à petit en une contribution négative vers 265 nm tandis que la contribution négative vers 240 nm cède sa place à une bande positive vers 245 nm et qu’une seconde bande positive apparait autour de 295 nm. Cette transition très progressive d’un spectre à l’autre présente deux points isoelliptiques situés à 252 et 282 nm. La présence de ces points isoelliptiques indique qu’il s’agit d’un changement de conformation du brin d’ADN et offre une confirmation supplémentaire du caractère quadruplexe parallèle de la structure formée par GTA GGT-TBA en présence de [Ru(NH3)6]3+. La concentration d’ADN dans cette expérience est de 3,7 µM en brins d’ADN et la concentration de [Ru(NH3)6]3+ de 37 µM (10 équivalents). L’ajout de 500 µM de cations K+, soit une quantité plus de dix fois supérieure à celle du complexe de ruthénium, n’induit qu’une faible diminution des contributions négatives vers 240 nm et positive vers 260 nm et seul le très léger épaulement vers 295 nm laisse deviner la présence en solution de brins dans une conformation anti-parallèle. Ceci montre qu’en faible quantité le [Ru(NH3)6]3+ stabilise plus efficacement la conformation parallèle que le potassium la conformation antiparallèle. En effet, la quantité de K+ requise pour compléter la conversion vers la forme anti-parallèle est de l’ordre de mille fois supérieure à la quantité de [Ru(NH3)6]3+ présente. Une expérience de compétition similaire a été réalisée avec la séquence TTT TTT-TBA. Les résultats sont représentés à la Figure III-60. Bien que la structure de départ présente des caractéristiques moins marquées d’une structure quadruplexe parallèle, la transition progressive vers un spectre caractéristique d’une structure quadruplexe anti-parallèle est également observée. La présence des deux points isoelliptiques à 254 et 281 nm indique qu’il s’agit d’un changement de conformation du brin d’ADN et confirme le caractère quadruplexe parallèle de la structure de départ, à savoir en présence de [Ru(NH3)6]3+. 146 Chapitre III : Résultats et discussion Figure III-60 + Effet de la compétition par des concentrations croissantes d’ions K sur la structure de la séquence TTT TTT-TBA en 3+ présence de 10 équivalents de [Ru(NH3)6] par brin d’ADN dans une solution de tampon Tris-HCl 10 mM à pH 7,4. La comparaison des deux effets de compétition met en évidence une stabilité plus grande de la structure quadruplexe parallèle formée en présence de [Ru(NH3)6]3+ par la séquence GTA GGT-TBA que par la séquence TTT TTT-TBA. Alors que l’ajout de 500 µM de K+, induisait peu de modifications du spectre de GTA GGT-TBA, à cette même concentration en cations K+, le spectre de TTT TTT-TBA possède déjà un minimum vers 265 nm et un maximum vers 295 nm, signe que la conformation majoritaire en solution est de type quadruplexe anti-parallèle. 147 Chapitre III : Résultats et discussion 3 Détection électrochimique de la thrombine via le [Ru(NH3)6]3+ L’interaction entre le [Ru(NH3)6]3+ et les séquences aptamères ayant été caractérisée en détails au chapitre précédent, il convient à présent de s’intéresser à la détection, proprement dite, de la thrombine tout en tenant compte des observations réalisées. Un choix judicieux du tampon d’interaction, de la sonde et des conditions d’immobilisation de cette dernière a constitué un préalable important à la détection ellemême. Les critères utilisés pour ces choix sont dès lors détaillés avant les différents types de détection de la thrombine envisagés. 3.1 Choix des conditions d’interaction Les études visant à détecter la thrombine via son interaction avec son aptamère sont nombreuses. Les conditions utilisées pour favoriser l’interaction entre la thrombine et sa sonde sont particulièrement variées, quasiment chaque groupe recourant à son propre milieu d’interaction. La majorité des travaux ne justifient pas le choix du tampon d’interaction [114, 117, 119, 120, 128, 143, 164, 166-169, 172, 206]. Certains articles omettent même de mentionner clairement la nature du tampon utilisé [121, 170]. D’autres comparent les résultats obtenus pour différentes compositions [144, 165, 171]. Lorsqu’une indication relative au choix des conditions d’interaction est fournie [115], la reconnaissance cible-sonde repose sur la capacité de la thrombine à induire le reploiement anti-parallèle de l’aptamère et un milieu sans cations métalliques est privilégié. Au Chapitre III-1, nous avons montré que les cations induisent le reploiement quadruplexe de l’aptamère. Dans notre travail, les conditions d’interaction impliquant une détection de la thrombine basée sur le fait que celle-ci induise la formation du quadruplexe ont été écartées. En effet, de telles méthodes de détection sont sujettes à un risque élevé de faux positifs, la seule présence de cations pouvant conduire à l’effet attribué à la thrombine. De plus, du fait de la régulation allostérique de la thrombine par le Na+, il nous semble préférable de procéder à l’interaction dans des conditions où la concentration en ces ions est contrôlée et favorable à la reconnaissance de l’aptamère. Les conditions d’interaction les plus fiables en vue d’optimiser la reconnaissance entre la thrombine et sa sonde restent celles utilisées pour la sélection de l’aptamère, in vitro. Elles assurent en effet que tant la structure de la thrombine que celle de l’aptamère soient adaptées à leur reconnaissance moléculaire. C’est pourquoi ces conditions ont été sélectionnées pour procéder à l’interaction entre la thrombine et sa sonde. 149 Chapitre III : Résultats et discussion 3.2 Choix de la séquence immobilisée Le milieu dans lequel l’aptamère de la thrombine a été sélectionné comprend un mélange de cations : il s’agit d’une solution de tampon Tris-HCl 20 mM à pH 7,4 contenant 140 mM de NaCl, 5 mM de CaCl2, 5 mM de MgCl2 et 1 mM de KCl [19]. Dans le cas de TBA, les cations Na+, Ca2+, Mg2+ et K+ induisent tous le reploiement anti-parallèle de la séquence. Pour les séquences allongées, en revanche, les cations bivalents tendent à induire des structures parallèles (voir Chapitre III-1). Celles-ci sont majoritaires pour GTA GGT-TBA et en mélange avec des brins adoptant une conformation anti-parallèle pour TTT TTT-TBA. Afin de choisir la séquence à immobiliser, le spectre dichroïque des trois sondes potentielles dans le milieu choisi pour l’interaction a été relevé et est présenté à la Figure III-61. Figure III-61 Spectre dichroïque de TBA (noir), GTA GGT-TBA (bleu) et TTT TTT-TBA (rouge) dans une solution de Tris-HCl 20 mM à pH 7,4 contenant 140 mM de NaCl, 5 mM de CaCl2, 5 mM de MgCl2 et 1 mM de KCl. Les spectres de TBA et de TTT TTT-TBA présentent chacun deux maxima et un minimum caractéristiques des quadruplexes anti-parallèles. Par contre, dans le cas de GTA GGT-TBA, un minimum est observé à 236 nm et deux maxima locaux vers 262 et 288 nm. Ce spectre pourrait être attribué à un mélange de reploiement quadruplexe parallèle et anti-parallèle. Les structures, déterminées sur base de données cristallographiques, de la thrombine en interaction avec son aptamère [90, 92, 94] s’accordent sur le reploiement quadruplexe antiparallèle de TBA. La séquence TTT TTT-TBA adopte ce reploiement dans le milieu retenu pour procéder à l’interaction et possède des bases qui ne sont pas impliquées dans la formation du quadruplexe et peuvent conférer de la flexibilité à la sonde. Cette flexibilité facilite quant à elle la reconnaissance cible-sonde. La séquence TTT TTT-TBA a dès lors été choisie comme sonde pour la détection électrochimique de la thrombine sur électrode d’or modifiée. 150 Chapitre III : Résultats et discussion 3.3 Choix des conditions d’immobilisation recouvrement en aptamère et optimisation du La séquence à immobiliser étant choisie, il convient à présent de sélectionner des conditions d’immobilisation optimales. Les conditions d’immobilisations utilisées précédemment pour la caractérisation de l’interaction [Ru(NH3)6]3+-aptamère à la surface d’électrodes modifiées conduisent à la formation de monocouches compactes d’aptamères. L’espacement moyen entre les brins immobilisés dans ces monocouches a été estimé à 30 Å (voir Figure III-24, page 95). Cette valeur est nettement inférieure aux dimensions approximatives de la thrombine de 45 x 45 x 50 Å [6, 7]. Comme l’illustre la Figure III-62, ces conditions d’immobilisation ne permettent pas l’interaction d’une molécule de thrombine avec chaque aptamère immobilisé. En effet, lorsqu’une molécule de thrombine interagit avec sa sonde, elle empêche l’accès d’autres thrombines aux sondes immédiatement voisines. Figure III-62 Représentation schématique d’une monocouche mixte compacte de TTT TTT-TBA/MB en interaction avec la thrombine. L’interaction entre la thrombine et les boucles TT de la partie TBA de la séquence est représentée conformément au fichier 1HAO.pdb. L’orientation des liaisons dans la partie TTT TTT de la séquence est arbitraire. 151 Chapitre III : Résultats et discussion L’interaction d’une molécule de thrombine avec chaque sonde immobilisée, tel que représenté à la Figure III-63, favoriserait l’interaction de la thrombine et optimiserait la détection de celle-ci. Pour ce faire, il est nécessaire de diluer les monocouches d’aptamère. Figure III-63 Représentation schématique d’une monocouche mixte de TTT TTT-TBA/MB où la distance entre les brins est optimisée par rapport aux dimensions de la thrombine. L’interaction entre la thrombine et les boucles TT de la partie TBA de la séquence est représentée conformément au fichier 1HAO.pdb. L’orientation des liaisons dans la partie TTT TTT de la séquence est arbitraire. Au regard de la méthode d’immobilisation des sondes utilisée dans ce travail, à savoir une co-adsorption de 16h à température ambiante, deux facteurs peuvent influencer la concentration de surface en aptamère : la proportion entre le 4-mercaptobutan-1-ol et la séquence d’ADN thiolée, d’une part, et la concentration du tampon phosphate utilisé pendant la co-adsorption, d’autre part. Dans ses travaux de thèse, M. Steichen [59], a montré que pour des concentrations de tampon inférieures à 1 M, la concentration superficielle en ADN varie fortement avec la concentration du tampon d’immobilisation. Il a également mis en évidence que pour des fractions molaires d’ADN de 0,2 à 0,7 du mélange ADN/MB dans du tampon phosphate 1 M, la concentration de surface en ADN restait quasiment constante. Afin d’optimiser la concentration superficielle en ADN sur nos électrodes modifiées, l’influence de la concentration du tampon d’immobilisation sur l’espacement entre les brins de TTT TTT-TBA immobilisés a été étudiée. Pour ce faire, des isothermes d’adsorption du [Ru(NH3)6]3+ ont été mesurées, par chronocoulométrie, sur des électrodes immobilisées avec différentes concentrations de tampon phosphate. La densité de charge sur le plateau a été utilisée pour estimer et déduire puis la distance entre brins comme expliqué aux pages 94 et 95. 152 Chapitre III : Résultats et discussion La Figure III-64 présente l’évolution de la densité de charge adsorbée (partie a) et de la distance entre brins (partie b) selon la concentration du tampon phosphate utilisé pour l’immobilisation. Toutes deux ont été évaluées sur base de tracés chronocoulométriques obtenus à 50 µM en [Ru(NH3)6]3+, soit à une concentration suffisante pour que la densité de charge adsorbée reflète le plateau de l’isotherme d’adsorption (voir par exemple Figure III-20-b). L’erreur sur les valeurs n’ayant pas fait l’objet d’une détermination systématique, l’ensemble des résultats est représenté pour chaque concentration. Figure III-64 Influence de la concentration de tampon phosphate lors de l’immobilisation sur la distance approximative entre les brins dans la monocouche mixte. Qualitativement, une augmentation de la densité de charge avec la concentration du tampon est observée. Elle s’explique par un meilleur écrantage de la charge négative des brins lorsque la concentration du tampon phosphate augmente et correspond à une diminution de l’espacement entre les brins. 153 Chapitre III : Résultats et discussion Pour augmenter la distance entre les sondes immobilisées, trop proches lors des immobilisations dans du tampon 1 M, il convient donc de baisser la concentration du tampon. En passant d’une concentration de 1 M à 0,2 M, l’écartement des brins ne passe que de ~30 Å à ~40 Å. Par contre, il évolue beaucoup plus rapidement en dessous de cette concentration. Sur base des dimensions de la thrombine, nous avons estimé que la distance optimale entre les sondes immobilisées est comprise entre 51 et 59 Å. Cette zone est délimitée par des lignes pointillées vertes à la Figure III-64. La concentration de tampon phosphate correspondante est de 0,05 M. En effet, cinq immobilisations distinctes conduisent à des distances estimées entre les sondes dans l’intervalle susmentionné. Les immobilisations réalisées en vue de détecter la thrombine ont dès lors été réalisées dans du tampon phosphate 0,05 M. 154 Chapitre III : Résultats et discussion Détection de la thrombine Sur base de la caractérisation de l’interaction entre le [Ru(NH3)6]3+ et les sondes immobilisées décrite à la section III-2.1, la stratégie de détection de la thrombine via le marqueur redox peut soit se baser sur la formation de l’espèce confinée, soit veiller à en éviter la formation. Ces deux approches seront envisagées successivement. 3.3.1 Détection via l’espèce confinée Deux types de détection tirant parti de la formation de l’espèce confinée ont été envisagées. La première consiste à analyser l’influence de la thrombine sur la réponse électrochimique associée à l’espèce confinée lorsque cette dernière a été formée préalablement à la mise en contact avec la protéine. La seconde regarde l’impact de l’interaction thrombine-aptamère sur la formation même de l’espèce confinée. 3.3.1.1 Ajout de thrombine sur l’espèce confinée Pour évaluer comment la mise au contact d’une solution de thrombine influe sur la réponse électrochimique associée à l’espèce confinée formée préalablement, une électrode a été immobilisée en présence d’un mélange TTT TTT-TBA/MB dans du tampon phosphate 0,05 M puis soumise à 20 voltampérométries alternatives tel que cela avait été réalisé à la section III-2.1. Ainsi préparée, cette électrode a été mise en contact avec une solution de tampon Tris-HCl 20 mM à pH 7,4 contenant 140 mM de NaCl, 5 mM de CaCl2, 5 mM de MgCl2,1 mM de KCl et 2 µM de thrombine pendant 30 minutes. La comparaison des voltampérogrammes alternatifs obtenus avant et après le contact avec la solution de thrombine est illustrée à la Figure III-65. Une diminution de l’admittance imaginaire d’électrode suite au contact avec la thrombine est observée pour la réponse électrochimique associée à l’espèce confinée. Celle-ci pourrait indiquer une interaction de la thrombine associée à la libération d’une partie de l’espèce confinée. 155 Chapitre III : Résultats et discussion Figure III-65 Admittance imaginaire d’électrode pour des voltampérogrammes alternatifs mesurés à 20 °C et 37 Hz, sur une électrode 3+ Au|TTT TTT-TBA/MB (0,05 M)*[Ru(NH3)6] avant (en noir) et après (en rouge) interaction avec la thrombine dans du tampon Tris-HCl 10 mM (pH 7,4). Rs= 3500 Ω. Afin de savoir si tel est le cas, une électrode modifiée où l’espèce confinée a été préalablement formée a été mise en contact d’une solution tamponnée contenant les sels mais pas la thrombine. L’influence du temps sur l’admittance imaginaire d’électrode, au maximum des voltampérogrammes alternatifs dans ce milieu, a été évaluée. Une baisse de l’admittance imaginaire d’électrode a été observée pendant toute la durée de l’expérience. Ceci implique que la variation observée à la Figure III-65 ne peut être attribuée à la thrombine, en effet, le tampon seul suffit à provoquer un effet similaire. La diminution d’admittance imaginaire d’électrode reflète la libération progressive du [Ru(NH3)6]3+ qui rediffuse vers le cœur de phase. Cette libération fait suite à la compétition ionique entre les cations présents dans le tampon utilisé pour l’interaction et le [Ru(NH3)6]3+. Si les conformations adoptées par la séquence TTT TTT-TBA à la surface de l’électrode modifiées sont identiques à celles observées en solution (Figure III-58, page 143 et Figure III-61, page 150), cette compétition s’accompagnerait d’un changement conformationnel de la sonde de sa topologie parallèle vers l’anti-parallèle. Il est toutefois intéressant de noter que, si tel est le cas, la cinétique d’interconversion entre les deux types de quadruplexe est beaucoup plus lente à la surface de l’électrode modifiée qu’en solution. Le fait qu’une diminution supplémentaire de l’admittance imaginaire d’électrode soit également observée quand, après l’expérience de la Figure III-65, l’électrode est mise en contact avec de la solution tamponnée contenant les sels mais pas la thrombine, conforte la conclusion selon laquelle la diminution la Figure III-65 ne peut être imputée à l’interaction de la thrombine. 156 Chapitre III : Résultats et discussion 3.3.1.2 Interaction avec la thrombine avant le confinement Lorsque la mise en contact avec la solution de thrombine est effectuée après la formation de l’espèce confinée, les effets observés ne peuvent être imputés sans équivoque à l’interaction de la protéine avec sa sonde immobilisée. Dès lors, l’impact de l’interaction aptamère-thrombine sur la formation même de l’espèce confinée a été évalué. Pour ce faire, l’électrode immobilisée avec un mélange TTT TTT-TBA/MB dans du tampon phosphate 0,05 M a été mise en présence d’une solution 2 µM de thrombine dans du tampon Tris-HCl 20 mM à pH 7,4 contenant 140 mM de NaCl, 5 mM de CaCl2, 5 mM de MgCl2 et 1 mM de KCl, pendant 30 minutes. Après rinçage au tampon Tris-HCl 10 mM (pH 7,4), elle a été transférée dans une cellule électrochimique avec ce même tampon et 100 µM de [Ru(NH3)6]3+ pour y mesurer 20 voltampérométries alternatives successives. La Figure III-66-a présente les voltampérogrammes obtenus. A titre de comparaison, la Figure III-66-b montre l’effet des mêmes voltampérométries pour une électrode immobilisée à l’identique et qui n’a pas été confrontée à de la thrombine. Figure III-66 Admittance imaginaire d’électrode mesurée à 20 °C et 37 Hz dans du tampon Tris-HCl 10 mM (pH 7,4) pour une électrode Au|TTT TTT-TBA/MB (0,05 M) 3+ (a) et (b) 20 voltampérogrammes successifs en présence de 100 µM de [Ru(NH3)6] , l’électrode ayant préalablement mise en contact avec une solution de thrombine 2 µM (a) ou non (b). (c) après transfert de l’électrode de la partie (a) dans du tampon pur. (d) après transfert de l’électrode de la partie (b) dans du tampon pur. 157 Chapitre III : Résultats et discussion La comparaison des voltampérogrammes permet de constater que l’admittance imaginaire d’électrode lors de la première mesure (en noir) est plus faible pour l’électrode avec la thrombine et que les modifications entre voltampérogrammes successifs sont moins prononcées pour cette électrode. Cette seconde observation est corrélée avec l’intensité des pics obtenus après rinçage des électrodes au MgCl2 1 M et transfert dans de l’électrolyte pur (Figure III-66-c pour l’électrode mise en contact avec la thrombine et Figure III-66-d pour celle exempte de thrombine). En effet, le pic obtenu avec l’électrode où l’interaction sonde-thrombine a été réalisée est significativement moins intense que celui observé pour l’électrode sans thrombine. Ceci indique que la formation de l’espèce confinée est entravée par la présence de thrombine à l’électrode modifiée. Réaliser la procédure de confinement du [Ru(NH3)6]3+ après le contact avec une solution de thrombine permet la détection de cette dernière. Toutefois, une seconde électrode modifiée à l’identique et qui n’est pas mise en contact avec la protéine cible est nécessaire comme point de comparaison. En effet, le confinement du [Ru(NH3)6]3+ ne peut être réalisé en absence et en présence de thrombine pour une même électrode modifiée. L’électrode mise en contact avec l’échantillon et celle utilisée pour la comparaison pourraient néanmoins faire partie, toutes deux, d’un dispositif unique. 3.3.2 Détection en absence d’espèce confinée L’intensité des pics situés à -0,30 V lors des premiers voltampérogrammes alternatifs (en noir) mesurés sur une électrode Au|TTT TTT-TBA/MB (0,05 M) mise préalablement en contact avec la thrombine (Figure III-66-a) est plus faible que lorsque ce contact n’a pas eu lieu (Figure III-66-b). Ceci suggère que la quantité de [Ru(NH3)6]3+ adsorbé est plus faible lorsque la thrombine interagit avec sa sonde qu’en absence de thrombine. La détection de la protéine par comparaison des isothermes d’adsorption obtenues par chronocoulométrie avant et après interaction de la thrombine a dès lors été envisagée. Ces mesures ont été effectuées en veillant à éviter la formation de [Ru(NH3)6]3+ confiné. La Figure III-67 présente les isothermes d’adsorption du [Ru(NH3)6]3+ obtenues par chronocoulométrie avant (en noir) et après (en rouge) interaction avec une solution de thrombine 2 µM pour une électrode Au|TTT TTT-TBA/MB (0,05 M). Une diminution de 18 % de la valeur de estimée sur base du plateau est obtenue. 158 Chapitre III : Résultats et discussion Figure III-67 3+ Isotherme d’adsorption du [Ru(NH3)6] mesurée par chronocoulométrie dans du tampon Tris-HCl 10 mM (pH 7,4), à 20 °C, pour une électrode Au|TTT TTT-TBA/MB (0,05 M), avant (en noir) et après (en rouge) interaction, pendant 30 minutes, avec une solution de thrombine 2 µM. Afin de s’assurer que la différence de valeur de peut effectivement être attribuée à l’interaction entre la thrombine et la séquence immobilisée, une mesure similaire a été effectuée avec une solution d’interaction sans thrombine. La Figure III-68 montre le résultat de cette expérience. L’isotherme obtenue après le contact avec le tampon (en rouge) présente cette fois des valeurs de supérieures à celles avant contact (en noir) et la valeur de augmente de 8 %. Figure III-68 3+ Isotherme d’adsorption du [Ru(NH3)6] mesurée par chronocoulométrie dans du tampon Tris-HCl 10 mM (pH 7,4), à 20 °C, pour une électrode Au|TTT TTT-TBA/MB (0,05 M), avant (en noir) et après (en rouge) mise au contact d’une solution de tampon Tris-HCl 20 mM à pH 7,4 contenant 140 mM de NaCl, 5 mM de CaCl2, 5 mM de MgCl2 et 1 mM de KCl, pendant 30 minutes. Du fait de l’augmentation observée en absence de thrombine, la diminution de de la Figure III-67 peut être attribuée sans équivoque à la protéine. Le fait qu’une baisse de la quantité de [Ru(NH3)6]3+ soit observée est en accord avec les détections réalisées dans la littérature récent, par des mesures de voltampérométrie cyclique [129] ou impulsionnelle 159 Chapitre III : Résultats et discussion différentielle [130], dans des configurations où la thrombine interagit avec un seul aptamère, lequel est immobilisé. Pour la solution d’interaction qui contient 2 µM de thrombine, la valeur de -18 %. En absence de la protéine, ce tampon provoque une variation de évolution de varie de de +8 %. Une comprise dans l’intervalle entre -18 % et +8 % revient donc à détecter la thrombine à une concentration inférieure à 2 µM. Lorsque les isothermes d’adsorption du [Ru(NH3)6]3+ sont mesurées avant et après interaction avec une solution 10 nM en thrombine, pendant 30 minutes sous agitation, une augmentation de 1 % de la valeur de est obtenue. Cette valeur est comprise dans l’intervalle susmentionné. La détection de la thrombine a dès lors pu être réalisée avec succès. Ce résultat diffère cependant fortement de la baisse de 18 % induite par l’interaction avec la solution de thrombine 2 µM et ne peut donc correspondre à l’interaction d’une molécule de thrombine avec chaque sonde immobilisée. Or par rapport à la quantité de sondes immobilisées, une telle interaction pouvait être espérée. En effet, la concentration superficielle en TTT TTT-TBA pour une électrode modifiée Au|TTT TTT-TBA/MB (0,05 M) est d’environ 5 10-12 mol cm-2. Pour une aire réelle d’électrode typiquement de l’ordre de 0,04 cm2, cette concentration représente 2 10-13 mol de sondes immobilisées. Le même nombre de moles de thrombine dans un volume de l’échantillon de 50 µL correspond à une concentration en thrombine de 4 nM, soit encore moins que les 10 nM utilisés. Malheureusement, en conséquence de la faible augmentation de obtenue avec la solution 10 nM, la limite de détection qui pourrait être atteinte pour une électrode Au|TTT TTT-TBA/MB (0,05 M), dans les conditions d’interaction utilisées, ne saurait être inférieure à celles rapportées dans la littérature [129, 130, 181]. Le greffage des sondes sur des nanotubes de Mo6S9-xIx permet d’atteindre une limite de détection de 10 pM en thrombine sur base de mesures de voltampérométrie impulsionnelle différentielle [130]. Pour des électrodes d’or dont la surface est modifiée par des nanoparticules d’or sur lesquelles les sondes sont immobilisées, la limite de détection rapportée est de 1 pM [129]. Dans les deux cas, la méthode tire avantage de l’aire réelle importante des électrodes. Enfin, lorsque des électrodes nanoporeuses sont utilisées pour une méthode de détection en sandwich avec des nanoparticules modifiées et en présence de [Ru(NH3)6]3+, la limite de détection mentionnée descend même à 30 fM [181]. 160 Chapitre III : Résultats et discussion 3.3.2.1 Détection ne tenant pas compte d’un éventuel confinement Dans la section précédente, consacrée à la détection de la thrombine en absence de [Ru(NH3)6]3+ confiné, une attention particulière a été portée à éviter la formation de l’espèce confinée. Il a notamment été vérifié qu’aucune réponse électrochimique associable au [Ru(NH3)6]3+ confiné n’est observée après la mesure des isothermes d’adsorption. En revanche, les études menées par d’autres groupes [129, 181] et qui visent à détecter la thrombine via son interaction avec son aptamère grâce au [Ru(NH3)6]3+ ne tiennent aucunement compte du fait que les mesures électrochimiques réalisées en présence de ce marqueur peuvent provoquer son confinement. La question de l’influence du [Ru(NH3)6]3+ confiné sur la réponse électrochimique mérite, dès lors, d’être abordée. Afin d’estimer si le confinement du marqueur redox risque d’interférer lors de détections de thrombine par chronocoulométrie, des transitoires ont été mesurés avant et après la procédure de confinement du [Ru(NH3)6]3+. La Figure III-69 montre les tracés chronocoulométriques associés à cette expérience. Figure III-69 Tracés chronocoulométriques à 20 °C pour une électrode Au|TTT TTT-TBA (0,05 M) plongée dans du tampon 3+ Tris-HCl 10 mM (pH 7,4) en absence (traits pointillés) et en présence (traits continus) de 50 µM de [Ru(NH3)6] , 3+ avant (courbes noires) et après (courbes bleues) confinement du [Ru(NH3)6] . 161 Chapitre III : Résultats et discussion En absence de [Ru(NH3)6]3+ en solution (tracés pointillés), la densité de charge obtenue par extrapolation à l’origine du comportement à temps long est plus élevée après confinement du marqueur (en bleu) qu’avant (en noir). Ceci reflète la présence de [Ru(NH3)6]3+ confiné à l’électrode malgré l’absence de [Ru(NH3)6]3+ en solution. Lorsque la solution de mesure contient 50 µM de [Ru(NH3)6]3+ (tracés continus), soit une quantité suffisante pour se situer sur le plateau de l’isotherme d’adsorption, la densité de charge est plus faible en présence du marqueur confiné (en bleu). Ceci signifie que la quantité totale de [Ru(NH3)6]3+ en interaction avec les sondes TTT TTT-TBA (soit le [Ru(NH3)6]3+ confiné et l’adsorbé) en présence de marqueur confiné est plus faible que celle de [Ru(NH3)6]3+ en interaction en son absence. Les effets observés en absence et en présence de [Ru(NH3)6]3+ en solution vont tous deux dans le sens d’une diminution de la valeur de due à la présence de l’espèce confinée. Or la présence de thrombine à l’électrode modifiée conduit, elle aussi, à une baisse de la quantité de [Ru(NH3)6]3+ mesurée. Des expériences électrochimiques réalisées sans prise en compte de l’éventuelle formation de [Ru(NH3)6]3+ confiné, telles que celles de la littérature [129, 181] , ne peuvent donc discerner l’effet du [Ru(NH3)6]3+ confiné de celui de la thrombine et pourraient, dès lors, être entachées de faux positifs. Les méthodes de détection basées sur le confinement du marqueur présentées à la section III-3.3.1 présentent l’avantage de s’affranchir de ce type de faux positifs éventuels. 162 Chapitre IV : Conclusions et perspectives Chapitre IV : Conclusions et perspectives Les travaux de la littérature portant sur des biosenseurs basés sur des aptamères quadruplexes comme celui de la thrombine (TBA) recourent souvent à l’élongation de l’aptamère. Du fait de l’importance de la structure de la sonde pour la reconnaissance moléculaire, nous avons consacré la première partie de notre travail à évaluer l’influence de l’élongation d’un aptamère de la thrombine sur la structure adoptée par cet aptamère en présence de différents cations. Le type de reploiement de deux séquences allongées de TBA, GTA GGT-TBA et TTT TTT-TBA, a été étudié pour des milieux contenant différents cations : Ba2+, Ca2+, K+, Mg2+, Na+, NH4+, Rb+ et Sr2+. Nous avons montré notamment qu’alors que TBA se reploie en un quadruplexe antiparallèle indépendamment de la nature des cations présents en solution, les séquences allongées peuvent adopter également une conformation parallèle dans certains milieux. C’est particulièrement le cas de la séquence GTA GGT-TBA qui se reploie majoritairement sous forme parallèle en présence de Ca2+, Mg2+ ou Na+ tandis qu’un mélange de quadruplexes parallèles et anti-parallèle se forme en milieu NH4+. Un tel mélange a également été observé pour la séquence TTT TTT-TBA pour des solutions contenant des ions Ca2+, Mg2+ ou Na+. Le fait que nos résultats diffèrent selon les nucléotides utilisés pour l’élongation de l’aptamère indique que, contrairement à ce qui s’est fait jusqu’ici dans la littérature, le choix de ces nucléotides devrait, systématiquement, être effectué en tenant compte de la structure adoptée par la sonde allongée dans les conditions d’interaction envisagées. Du fait des différents types de structures observés pour les séquences allongées en présence de cations communs, nous avons orienté la deuxième partie de notre travail sur un cation électroactif, le [Ru(NH3)6]3+. Celui-ci est omniprésent dans la littérature dès qu’il s’agit de quantifier des sondes ADN immobilisées. Son interaction avec les sondes aptamères a été caractérisée par électrochimie sur base du comportement du marqueur redox et par spectroscopie grâce aux propriétés d’absorption des brins d’ADN. 163 Chapitre IV : Conclusions et perspectives Pour les électrodes modifiées par des monocouches mixtes d’aptamère et de 4-mercaptobutan-1-ol, formées par co-adsorption à haute force ionique, la concentration superficielle en aptamère a été estimée. Elle est indépendante de la séquence d’aptamère immobilisée ce qui indique que, dans ces conditions d’immobilisation, les monocouches formées sont compactes et que la concentration superficielle atteinte dépend principalement des dimensions de la structure quadruplexe formée par l’aptamère dans les conditions d’immobilisation : l’écart estimé entre les brins correspond approximativement à la largeur d’un quartet de TBA. Nos mesures ont par ailleurs permis de mettre en évidence un comportement électrochimique inédit pour le [Ru(NH3)6]3+ en interaction avec les aptamères. Contrairement au [Ru(NH3)6]3+ en interaction purement électrostatique avec un brin d’ADN immobilisé, auquel la littérature fait largement référence, le complexe impliqué dans cette interaction ne rediffuse pas vers le cœur de phase lors de balayages successifs dans une solution d’électrolyte pur. La notion de [Ru(NH3)6]3+ « confiné » a été introduite pour faire référence à cette espèce qui, en outre, n’est pas remplacée lors d’un rinçage de l’électrode par une solution concentrée de MgCl2. La stœchiométrie d’interaction entre le [Ru(NH3)6]3+ confiné et la partie quadruplexe des séquences d’aptamère a pu être évaluée à 2 complexes métalliques par quadruplexe. Elle a pu être confirmée, en solution, par dichroïsme circulaire et par des titrages voltampérométriques. Dans le second cas, les titrages des séquences allongées montrent que des [Ru(NH3)6]3+ en interaction électrostatique conventionnelle (probablement situés au niveau des nucléotides qui participent à l’élongation) coexistent avec ceux qui sont dit confinés. Sur base des différentes interactions mises en évidence entre le [Ru(NH3)6]3+ et les aptamères, diverses pistes de détection de la thrombine ont été explorées. La sélection des conditions d’interaction et de la séquence a été menée en accord avec les conclusions de la première partie du travail. Les conditions d’immobilisation des sondes ont été optimisées sur base des dimensions de la thrombine. La détection de cette protéine cible a été réalisée avec succès tant grâce à la formation du [Ru(NH3)6]3+ confiné qu’en évitant celle-ci. Pour terminer, dans le cas de mesures basées sur l’interaction électrostatique usuelle du [Ru(NH3)6]3+, l’impact de négliger l’éventuelle formation de [Ru(NH3)6]3+ confiné a été évalué. D’un point de vue analytique, l’optimisation de la reconnaissance réalisée dans ce travail pourrait être exploitée, en vue d’améliorer les performances et en particulier la limite de détection, en recourant à des stratégies d’amplification du signal. 164 Chapitre IV : Conclusions et perspectives En dehors de l’intérêt analytique de notre travail, le confinement du [Ru(NH3)6]3+ à la surface des électrodes modifiées par les aptamères ouvre de nombreuses questions. Dans l’idée d’établir les caractéristiques des séquences d’ADN nécessaires à la formation de l’espèce confinée, la procédure de confinement a été appliquée pour des électrodes modifiées par différentes séquences. Sur base des séquences testées dans ce travail, l’hypothèse que nous avons retenue considère que la formation de [Ru(NH3)6]3+ confiné requiert que la séquence immobilisée puisse se reployer de sorte qu’au moins quatre de ses guanines forment un quartet. Il resterait cependant intéressant d’éprouver cette hypothèse plus avant. En ce qui concerne les caractéristiques structurales liées au confinement du [Ru(NH3)6]3+ avec les aptamères, les mesures de dichroïsme circulaire évoquées plus haut ont permis de mettre en évidence que ce marqueur redox déstabilise la structure quadruplexe antiparallèle de TBA et stabilise des structures quadruplexes parallèles des séquences allongées. Des mesures ont aussi montré que la compétition ionique entre les cations [Ru(NH3)6]3+ et K+ induit l’interconversion entre les structures parallèles formées par les séquences allongées en présence du [Ru(NH3)6]3+ et les conformations anti-parallèles qu’elles adoptent en milieu K+. Au cours du présent travail, les investigations structurales ont été réalisées par dichroïsme circulaire et limitées à des mesures en solution. Une dimension supplémentaire intéressante de cette investigation conformationnelle consisterait à évaluer l’influence de l’immobilisation des sondes sur les structures adoptées. La spectroscopie infrarouge pourrait être utilisée à cette fin. En effet, cette méthode distingue notamment les torsions glycosidiques syn des anti [207] et peut être appliquée à des molécules immobilisées sur substrat d’or [201]. Comme les quadruplexes parallèles présentent un seul type de torsions glycosidiques tandis que les conformations anti-parallèle possèdent autant de torsions d’un type que de l’autre, de telles mesures permettraient d’investiguer tant les structures adoptées en présence de cations communs que le cas du [Ru(NH3)6]3+ confiné. En outre, la mise en évidence de changements conformationnels s’opérant à l’électrode pourrait être envisagée. De tels travaux ouvriraient la voie en termes de caractérisation de la structure de séquences d’acides nucléiques à l’interface solide-solution. Dans la même optique, des mesures de microscopie de fluorescence utilisant des ligands fluorescents qui interagissent de façon spécifique avec l’une ou l’autre des conformations quadruplexes pourraient être utilisés pour visualiser des changements conformationnels à l’électrode. Enfin, la portée du travail s’étend à d’autres systèmes impliquant des aptamères quadruplexes comme par exemple ceux qui ciblent des protéines du VIH. Leur investigation pourrait en effet être grandement facilitée. 165 Références bibliographiques [1] [2] [3] [4] [5] [6] [7] [8] [9] [10] [11] [12] [13] [14] [15] [16] [17] [18] [19] [20] [21] [22] [23] [24] [25] [26] [27] [28] [29] Thévenot, D. R.; Toth, K.; Durst, R. A.; Wilson, G. S., Pure Appl. Chem., (1999) 71, 2333. Labuda, J.; Brett, A. M. O.; Evtugyn, G.; Fojta, M.; Mascini, M.; Ozsoz, M.; Palchetti, I.; Palecek, E.; Wang, J., Pure Appl. Chem., (2010) 82, 1161. Katz, E.; Willner, I., Electroanalysis, (2003) 15, 913. Berggren, C.; Bjarnason, B.; Johansson, G., Electroanalysis, (2001) 13, 173. Di Cera, E.; Dang, Q. D.; Ayala, Y. M., Cell. Mol. Life Sci., (1997) 53, 701. Stubbs, M. T.; Bode, W., Thrombosis Research, (1993) 69, 1. Bode, W.; Turk, D.; Karshikov, A., Protein Sci., (1992) 1, 426. Butkowski, R. J.; Elion, J.; Downing, M. R.; Mann, K. G., J. Biol. Chem., (1977) 252, 4942. Nilsson, B.; Horne Iii, M. K.; Gralnick, H. R., Arch. Biochem. Biophys., (1983) 224, 127. Fenton, J. W.; Fasco, M. J.; Stackrow, A. B., J. Biol. Chem., (1977) 252, 3587. Berg, W.; Hillvarn, B.; Arwin, H.; Stenberg, M.; Lundstrom, I., Thrombosis and Haemostasis, (1979) 42, 11. Heuck, C. C.; Schiele, U.; Horn, D.; Fronda, D.; Ritz, E., J. Biol. Chem., (1985) 260, 4598. Johnson, D. J. D.; Adams, T. E.; Li, W.; Huntington, J. A., Biochem. J, (2005) 392, 21. Cerchia, L.; de Franciscis, V., Methods Mol Biol, (2007) 361, 187. Ellington, A. D.; Szostak, J. W., Nature, (1990) 346, 818. Tuerk, C.; Gold, L., Science, (1990) 249, 505. Bunka, D. H. J.; Stockley, P. G., Nature Reviews Microbiology, (2006) 4, 588. Berezovski, M. V.; Musheev, M. U.; Drabovich, A. P.; Jitkova, J. V.; Krylov, S. N., Nat. Protocols, (2006) 1, 1359. Bock, L. C.; Griffin, L. C.; Latham, J. A.; Vermaas, E. H.; Toole, J. J., Nature, (1992) 355, 564. Tasset, D. M.; Kubik, M. F.; Steiner, W., J. Mol. Biol., (1997) 272, 688. Virno, A.; Randazzo, A.; Giancola, C.; Bucci, M.; Cirino, G.; Mayol, L., Biorg. Med. Chem., (2007) 15, 5710. Paleček, E.; Bartošík, M., Chem. Rev., (2012) 112, 3427. Trabuco, L.; Villa, E., http://www.ks.uiuc.edu/Training/CaseStudies/pdfs/dna.pdf, Téléchargé le 30/10/2012. Leontis, N. B.; Stombaugh, J.; Westhof, E., Nucleic Acids Res., (2002) 30, 3497. Watson, J. D.; Crick, F. H. C., Nature, (1953) 171, 737. Hoogsteen, K., Acta Crystallographica, (1959) 12, 822. Shakked, Z.; Rabinovich, D.; Kennard, O.; Cruse, W. B. T.; Salisbury, S. A.; Viswamitra, M. A., J. Mol. Biol., (1983) 166, 183. Drew, H. R.; Wing, R. M.; Takano, T.; Broka, C.; Tanaka, S.; Itakura, K.; Dickerson, R. E., Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, (1981) 78, 2179. Gessner, R. V.; Frederick, C. A.; Quigley, G. J.; Rich, A.; Wang, A. H., J. Biol. Chem., (1989) 264, 7921. 167 [30] [31] [32] [33] [34] [35] [36] [37] [38] [39] [40] [41] [42] [43] [44] [45] [46] [47] [48] [49] [50] [51] [52] [53] [54] [55] [56] [57] [58] [59] [60] [61] [62] 168 Franklin, R. E.; Gosling, R. G., Nature, (1953) 171, 740. Franklin, R. E.; Gosling, R. G., Acta Crystallographica, (1953) 6, 673. Franklin, R. E.; Gosling, R. G., Acta Crystallographica, (1953) 6, 678. Muller, J., Metallomics, (2010) 2, 318. Gessner, R. V.; Quigley, G. J.; Wang, A. H. J.; Van der Marel, G. A.; Van Boom, J. H.; Rich, A., Biochemistry, (1985) 24, 237. Karthe, P.; Gautham, N., Acta Crystallographica Section D, (1998) 54, 501. Weisenseel, J. P.; Reddy, G. R.; Marnett, L. J.; Stone, M. P., Chem. Res. Toxicol., (2002) 15, 140. Millan, K. M.; Mikkelsen, S. R., Anal. Chem., (1993) 65, 2317. Ikeda, R.; Kitagawa, S.; Chiba, J.; Inouye, M., Chemistry – A European Journal, (2009) 15, 7048. Hashimoto, K.; Ito, K.; Ishimori, Y., Anal. Chem., (1994) 66, 3830. Sun, X.; He, P.; Liu, S.; Ye, J.; Fang, Y., Talanta, (1998) 47, 487. Marrazza, G.; Chianella, I.; Mascini, M., Anal. Chim. Acta, (1999) 387, 297. Takenaka, S.; Yamashita, K.; Takagi, M.; Uto, Y.; Kondo, H., Anal. Chem., (2000) 72, 1334. Zhu, N.; Lin, Y.; Yu, P.; Su, L.; Mao, L., Anal. Chim. Acta, (2009) 650, 44. Keighley, S. D.; Li, P.; Estrela, P.; Migliorato, P., Biosens. Bioelectron., (2008) 23, 1291. Gebala, M.; Stoica, L.; Neugebauer, S.; Schuhmann, W., Electroanalysis, (2009) 21, 325. , V.; Piro, B. t.; Reisberg, S.; Pham, M.-C., J. Am. Chem. Soc., (2008) 130, 15752. Piro, B.; Zhang, Q. D.; Reisberg, S.; Noel, V.; Dang, L. A.; Duc, H. T.; Pham, M. C., Talanta, (2010) 82, 608. Reisberg, S.; Piro, B.; Noël, V.; Pham, M. C., Bioelectrochemistry, (2006) 69, 172. Reisberg, S.; Piro, B.; Noël, V.; Pham, M. C., Anal. Chem., (2005) 77, 3351. Piro, B.; Haccoun, J.; Pham, M. C.; Tran, L. D.; A.Rubin; Perrot, H.; Gabrielli, C., J. Electroanal. Chem., (2005) 577, 155. Zhang, Q. D.; Piro, B.; Noël, V.; Reisberg, S.; Serradji, N.; Dong, C. Z.; Mameche, F.; Pham, M. C., Synth. Met., (2012) 162, 1496. Ozkan-Ariksoysal, D.; Tezcanli, B.; Kosova, B.; Ozsoz, M., Anal. Chem., (2008) 80, 588. Kara, P.; Cavdar, S.; Meric, B.; Erensoy, S.; Ozsoz, M., Bioelectrochemistry, (2007) 71, 204. Erdem, A.; Sayar, F.; Karadeniz, H.; Guven, G.; Ozsoz, M.; Piskin, E., Electroanalysis, (2007) 19, 798. Kara, P.; Cavusoglu, C.; Cavdar, S.; Ozsoz, M., Biosens. Bioelectron., (2009) 24, 1796. Wang, J.; Rivas, G.; Fernandes, J. R.; Lopez Paz, J. L.; Jiang, M.; Waymire, R., Anal. Chim. Acta, (1998) 375, 197. Johnston, D. H.; Welch, T. W.; Thorp, H. H., Met. Ions Biol. Syst., (1996) 33, 297. Berggren, C.; Stålhandske, P.; Brundell, J.; Johansson, G., Electroanalysis, (1999) 11, 156. Steichen, M., Thèse de doctorat Université Libre de Bruxelles (2008). Fan, C.; Plaxco, K. W.; Heeger, A. J., Proceedings of the National Academy of Sciences, (2003) 100, 9134. Xiao, Y.; Lubin, A. A.; Baker, B. R.; Plaxco, K. W.; Heeger, A. J., Proceedings of the National Academy of Sciences, (2006) 103, 16677. Steichen, M.; Buess-Herman, C., Electrochem. Commun., (2005) 7, 416. [63] [64] [65] [66] [67] [68] [69] [70] [71] [72] [73] [74] [75] [76] [77] [78] [79] [80] [81] [82] [83] [84] [85] [86] [87] [88] [89] [90] [91] [92] Wei, F.; Sun, B.; Liao, W.; Ouyang, J.; Sheng Zhao, X., Biosens. Bioelectron., (2003) 18, 1149. Felsenfeld, G.; Davies, D. R.; Rich, A., J. Am. Chem. Soc., (1957) 79, 2023. Arnott, S.; Selsing, E., J. Mol. Biol., (1974) 88, 509. Radhakrishnan, I.; Patel, D. J., Structure (London, England : 1993), (1994) 2, 17. Vasquez, K. M.; Glazer, P. M., Q. Rev. Biophys., (2002) 35, 89. Larsen, A.; Weintraub, H., Cell, (1982) 29, 609. Lee, J. S.; Woodsworth, M. L.; Latimer, L. J. P.; Morgan, A. R., Nucleic Acids Res., (1984) 12, 6603. Christophe, D.; Cabrer, B.; Bacolla, A.; Targovnik, H.; Pohl, V.; Vassart, G., Nucleic Acids Res., (1985) 13, 5127. Mirkin, S. M.; Frank-Kamenetskii, M. D., Annu. Rev. Biophys. Biomol. Struct., (1994) 23, 541. Kohwi, Y.; Kohwi-Shigematsu, T., Proceedings of the National Academy of Sciences, (1988) 85, 3781. , A.; Moscone, D.; Plaxco, K. W.; Palleschi, G.; Ricci, F., Anal. Chem., (2010) 82, 9109. Gellert, M.; Lipsett, M. N.; Davies, D. R., Proceedings of the National Academy of Sciences, (1962) 48, 2013. Fundamentals of Quadruplex Structures, In Quadruplex Nucleic Acids, Neidle, S.; Balasubramanian, S. Eds.; The Royal Society of Chemistry: (2006); pp 1. Wang, Y.; Patel, D. J., J. Mol. Biol., (1993) 234, 1171. Chen, L.; Cai, L.; Zhang, X.; Rich, A., Biochemistry, (1994) 33, 13540. Gatto, B.; Palumbo, M.; Sissi, C., Curr. Med. Chem., (2009) 16, 1248. Phan, A. T.; Kuryavyi, V.; Ma, J.-B.; Faure, A.; Andréola, M.-L.; Patel, D. J., Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, (2005) 102, 634. Chou, S.-H.; Chin, K.-H.; Wang, A. H. J., Trends Biochem. Sci, (2005) 30, 231. Schneider, D. J.; Feigon, J.; Hostomsky, Z.; Gold, L., Biochemistry, (1995) 34, 9599. Somasunderam, A.; Ferguson, M. R.; Rojo, D. R.; Thiviyanathan, V.; Li, X.; O'Brien, W. A.; Gorenstein, D. G., Biochemistry, (2005) 44, 10388. Pileur, F.; Andreola, M. L.; Dausse, E.; Michel, J.; Moreau, S.; Yamada, H.; Gaidamakov, S. A.; Crouch, R. J.; Toulmé, J. J.; Cazenave, C., Nucleic Acids Res., (2003) 31, 5776. Đapić, V.; Bates, P. J.; Trent, J. O.; Rodger, A.; Thomas, S. D.; Miller, D. M., Biochemistry, (2002) 41, 3676. Girvan, A. C.; Teng, Y.; Casson, L. K.; Thomas, S. D.; Jüliger, S.; Ball, M. W.; Klein, J. B.; Pierce, W. M.; Barve, S. S.; Bates, P. J., Mol. Cancer Ther., (2006) 5, 1790. Pich, A.; Chiusa, L.; Margaria, E., Micron, (2000) 31, 133. Soundararajan, S.; Chen, W.; Spicer, E. K.; Courtenay-Luck, N.; Fernandes, D. J., Cancer Res., (2008) 68, 2358. Macaya, R. F.; Schultze, P.; Smith, F. W.; Roe, J. A.; Feigon, J., Proc. Natl. Acad. Sci. USA, (1993) 90, 3745. Wang, K. Y.; McCurdy, S.; Shea, R. G.; Swaminathan, S.; Bolton, P. H., Biochemistry, (1993) 32, 1899. Padmanabhan, K.; Padmanabhan, K. P.; Ferrara, J. D.; Sadler, J. E.; Tulinsky, A., J. Biol. Chem., (1993) 268:, 17651. Kelly, J. A.; Feigon, J.; Yeates, T. O., J. Mol. Biol., (1996) 256, 417. Padmanabhan, K.; Tulinsky, A., Acta Crystallographica Section D, (1996) 52, 272. 169 [93] [94] [95] [96] [97] [98] [99] [100] [101] [102] [103] [104] [105] [106] [107] [108] [109] [110] [111] [112] [113] [114] [115] [116] [117] [118] [119] [120] [121] [122] [123] [124] [125] [126] [127] 170 Tsiang, M.; Jain, A. K.; Dunn, K. E.; Rojas, M. E.; Leung, L. L. K.; Gibbs, C. S., J. Biol. Chem., (1995) 270:, 16854. Russo Krauss, I.; Merlino, A.; Randazzo, A.; Novellino, E.; Mazzarella, L.; Sica, F., Nucleic Acids Res., (2012), Cheng, A. K. H.; Ge, B.; Yu, H.-Z., Anal. Chem., (2007) 79, 5158. Deng, C.; Chen, J.; Nie, L.; Nie, Z.; Yao, S., Anal. Chem., (2009) 81, 9972. Rodriguez, M. C.; Kawde, A.-N.; Wang, J., Chem. Commun., (2005), 4267. Wang, J.; Meng, W.; Zheng, X.; Liu, S.; Li, G., Biosens. Bioelectron., (2009) 24, 1598. Lai, R. Y.; Plaxco, K. W.; Heeger, A. J., Anal. Chem., (2006) 79, 229. Degefa, T. H.; Kwak, J., Anal. Chim. Acta, (2008) 613, 163. Liao, W.; Cui, X. T., Biosens. Bioelectron., (2007) 23, 218. Hianik, T.; Wang, J., Electroanalysis, (2009) 21, 1223. Cheng, A. K. H.; Sen, D.; Yu, H.-Z., Bioelectrochemistry, (2009) 77, 1. Sassolas, A.; Blum, L. J.; Leca-Bouvier, B. D., Electroanalysis, (2009) 21, 1237. Xu, Y.; Cheng, G.; He, P.; Fang, Y., Electroanalysis, (2009) 21, 1251. Palchetti, I.; Mascini, M., Anal. Bioanal. Chem., (2012) 402, 3103. Ikebukuro, K.; Kiyohara, C.; Sode, K., Anal. Lett., (2004) 37, 2901. Ikebukuro, K.; Kiyohara, C.; Sode, K., Biosens. Bioelectron., (2005) 20, 2168. Mir, M.; Vreeke, M.; Katakis, I., Electrochem. Commun., (2006) 8, 505. Polsky, R.; Gill, R.; Kaganovsky, L.; Willner, I., Anal. Chem., (2006) 78, 2268. Yoshizumi, J.; Kumamoto, S.; Nakamura, M.; Yamana, K., Analyst, (2008) 133, 323. Lu, Y.; Zhu, N.; Yu, P.; Mao, L., Analyst, (2008) 133, 1256. Lu, Y.; Li, X.; Zhang, L.; Yu, P.; Su, L.; Mao, L., Anal. Chem., (2008) 80, 1883. Xiao, Y.; Piorek, B. D.; Plaxco, K. W.; Heeger, A. J., J. Am. Chem. Soc., (2005) 127, 17990. Radi, A.-E.; Acero Sánchez, J. L.; Baldrich, E.; O'Sullivan, C. K., J. Am. Chem. Soc., (2005) 128, 117. Sánchez, J. L. A.; Baldrich, E.; Radi, A. E.-G.; Dondapati, S.; Sánchez, P. L.; Katakis, I.; O'Sullivan, C. K., Electroanalysis, (2006) 18, 1957. White, R. J.; Phares, N.; Lubin, A. A.; Xiao, Y.; Plaxco, K. W., Langmuir, (2008) 24, 10513. Xiao, Y.; Lubin, A. A.; Heeger, A. J.; Plaxco, K. W., Angew. Chem. Int. Ed., (2005) 44, 5456. Cai, H.; Lee, T. M.-H.; Hsing, I. M., Sensors Actuators B: Chem., (2006) 114, 433. Xu, Y.; Yang, L.; Ye, X.; He, P.; Fang, Y., Electroanalysis, (2006) 18, 1449. Lee, J. A.; Hwang, S.; Kwak, J.; Park, S. I.; Lee, S. S.; Lee, K.-C., Sensors Actuators B: Chem., (2008) 129, 372. Bogomolova, A.; Komarova, E.; Reber, K.; Gerasimov, T.; Yavuz, O.; Bhatt, S.; Aldissi, M., Anal. Chem., (2009) 81, 3944. Cho, M.; Kim, Y.; Han, S. Y.; Min, K.; Rahman, M. A.; Shim, Y. B.; Ban, C., Journal of Biochemistry and Molecular Biology, (2008) 41, 126. Kara, P.; de la Escosura-Muñiz, A.; Maltez-da Costa, M.; Guix, M.; Ozsoz, M.; Merkoçi, A., Biosensors and Bioelectronics, (2010) 26, 1715. Jalit, Y.; Gutierrez, F. A.; Dubacheva, G.; Goyer, C.; Coche-Guerente, L.; Defrancq, E.; Labbé, P.; Rivas, G. A.; Rodríguez, M. C., Biosens. Bioelectron., in press. Qi, H.; Shangguan, L.; Li, C.; Li, X.; Gao, Q.; Zhang, C., Biosens. Bioelectron., (2013) 39, 324. Castillo, G.; Trnkova, L.; Hrdy, R.; Hianik, T., Electroanalysis, (2012) 24, 1079. [128] Hianik, T.; Ostatná, V.; Zajacová, Z.; Stoikova, E.; Evtugyn, G., Bioorg. Med. Chem. Lett., (2005) 15, 291. [129] Li, L.; Zhao, H.; Chen, Z.; Mu, X.; Guo, L., Anal. Bioanal. Chem., (2010) 398, 563. [130] McMullan, M.; Sun, N.; Papakonstantinou, P.; Li, M.; Zhou, W.; Mihailovic, D., Biosens. Bioelectron., (2011) 26, 1853. [131] Ho, P. S.; Frederick, C. A.; Saal, D.; Wang, A. H.; Rich, A., Journal of Biomolecular Structure & Dynamics, (1987) 4, 521. [132] Robinson, H.; Wang, A. H.-J., Nucleic Acids Res., (1996) 24, 676. [133] Cheatham III, T. E.; Kollman, P. A., Structure, (1997) 5, 1297. [134] Sotto, M., Journal of Electroanalytical Chemistry and Interfacial Electrochemistry, (1976) 72, 287. [135] Bard, A. J.; Faulkner, L. R., Electrochemical Methods: Fundamentals and Applications, Wiley: (2001). [136] Sluyters-Rehbach, M., Pure Appl. Chem., (1994) 66, 1831. [137] Nelson, D. L.; Cox, M. M., Lehninger Principles of Biochemistry, (2009); p 1100. [138] Scaria, P. V.; Shire, S. J.; Shafer, R. H., Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, (1992) 89, 10336. [139] Mergny, J.-L.; Phan, A.-T.; Lacroix, L., FEBS Lett., (1998) 435, 74. [140] Masiero, S.; Trotta, R.; Pieraccini, S.; De Tito, S.; Perone, R.; Randazzo, A.; Spada, G. P., Organic & Biomolecular Chemistry, (2010) 8, 2683. [141] Berova, N.; Nakanishi, K.; Woody, R. W. Eds., Circular dichroism: principles and applications, Wiley-VCH: (2000); Vol. p 912 p. [142] Humphrey, W.; Dalke, A.; Schulten, K., Journal of Molecular Graphics, (1996) 14, 33. [143] Balamurugan, S.; Obubuafo, A.; McCarley, R. L.; Soper, S. A.; Spivak, D. A., Anal. Chem., (2008) 80, 9630. [144] Centi, S.; Tombelli, S.; Minunni, M.; Mascini, M., Anal. Chem., (2007) 79, 1466. [145] Fialová, M.; Kypr, J.; Vorlíčková, M., Biochem. Biophys. Res. Commun., (2006) 344, 50. [146] Coppola, T.; Varra, M.; Oliviero, G.; Galeone, A.; D'Isa, G.; Mayol, L.; Morelli, E.; Bucci, M.-R.; Vellecco, V.; Cirino, G.; Borbone, N., Biorg. Med. Chem., (2008) 16, 8244. [147] Kankia, B. I.; Marky, L. A., J. Am. Chem. Soc., (2001) 123, 10799. [148] Mao; Xi-An; Marky; A., L.; Gmeiner; H., W., Journal of Biomolecular Structure & Dynamics, (2004) 22, 9. [149] Mao, X.-a.; Gmeiner, W. H., Biophys. Chem., (2005) 113, 155. [150] Mergny, J.-L.; Li, J.; Lacroix, L.; Amrane, S.; Chaires, J. B., Nucl. Acids Res., (2005) 33, e138. [151] Nagatoishi, S.; Tanaka, Y.; Tsumoto, K., Biochem. Biophys. Res. Commun., (2007) 352, 812. [152] Sacca, B.; Lacroix, L.; Mergny, J.-L., Nucl. Acids Res., (2005) 33, 1182. [153] Schultze, P.; Macaya, R. F.; Feigon, J., J. Mol. Biol., (1994) 235, 1532. [154] Smirnov, I.; Shafer, R. H., J. Mol. Biol., (2000) 296, 1. [155] Smirnov, I.; Shafer, R. H., Biochemistry, (2000) 39, 1462. [156] Vorlíčková, M.; Kejnovská, I.; Sagi, J.; Renčiuk, D.; Bednářová, K.; Motlová, J.; Kypr, J., Methods, (2012) 57, 64. [157] Wang, K. Y.; Krawczyk, S. H.; Bischofberger, N.; Swaminathan, S.; Bolton, P. H., Biochemistry, (1993) 32, 11285. [158] Renciuk, D.; Kejnovska, I.; Skolakova, P.; Bednarova, K.; Motlova, J.; Vorlickova, M., Nucl. Acids Res., (2009) 37, 6625. 171 [159] [160] [161] [162] [163] [164] [165] [166] [167] [168] [169] [170] [171] [172] [173] [174] [175] [176] [177] [178] [179] [180] [181] [182] [183] [184] [185] [186] [187] [188] [189] [190] [191] [192] 172 Arora, A.; Nair, D. R.; Maiti, S., FEBS J., (2009) 276, 3628. Miyoshi, D.; Nakao, A.; Sugimoto, N., Nucleic Acids Res., (2003) 31, 1156. Prislan, I.; Lah, J.; Milanic, M.; Vesnaver, G., Nucleic Acids Res., (2010), Guédin, A.; Alberti, P.; Mergny, J.-L., Nucleic Acids Res., (2009) 37, 5559. Guédin, A.; Gros, J.; Alberti, P.; Mergny, J.-L., Nucleic Acids Res., (2010) 38, 7858. Balamurugan, S.; Obubuafo, A.; Soper, S. A.; McCarley, R. L.; Spivak, D. A., Langmuir, (2006) 22, 6446. Basnar, B.; Elnathan, R.; Willner, I., Anal. Chem., (2006) 78, 3638. Bini, A.; Minunni, M.; Tombelli, S.; Centi, S.; Mascini, M., Anal. Chem., (2007) 79, 3016. Chang, H.; Tang, L.; Wang, Y.; Jiang, J.; Li, J., Anal. Chem., (2010) 82, 2341. Hianik, T.; Ostatná, V.; Sonlajtnerova, M.; Grman, I., Bioelectrochemistry, (2007) 70, 127. Mir, M.; Jenkins, A. T. A.; Katakis, I., Electrochem. Commun., (2008) 10, 1533. Ostatná, V.; Vaisocherová, H.; Homola, J.; Hianik, T., Anal. Bioanal. Chem., (2008) 391, 1861. Tang, Q.; Su, X.; Loh, K. P., J. Colloid Interface Sci., (2007) 315, 99. Radi, A.-E.; Acero Sánchez, J. L.; Baldrich, E.; O'Sullivan, C. K., Anal. Chem., (2005) 77, 6320. Kejnovská, I.; Kypr, J.; Vorlícková, M., Biochem. Biophys. Res. Commun., (2007) 353, 776. Marathias, V. M.; Bolton, P. H., Nucleic Acids Res., (2000) 28, 1969. Wang, K. Y.; Gerena, L.; Swaminathan, S.; Bolton, P. H., Nucl. Acids Res., (1995) 23, 844. Lim, K. W.; Lacroix, L.; Yue, D. J. E.; Lim, J. K. C.; Lim, J. M. W.; Phan, A. T. n., J. Am. Chem. Soc., (2010) 132, 12331. Mergny, J.-L.; Lacroix, L., Oligonucleotides, (2003) 13, 515. Mergny, J.-L.; De Cian, A.; Ghelab, A.; Saccà, B.; Lacroix, L., Nucleic Acids Res., (2005) 33, 81. Steel, A. B.; Herne, T. M.; Tarlov, M. J., Anal. Chem., (1998) 70, 4670. Steichen, M.; Decrem, Y.; Godfroid, E.; Buess-Herman, C., Biosens. Bioelectron., (2007) 22, 2237. Qiu, H.; Sun, Y.; Huang, X.; Qu, Y., Colloids Surf. B. Biointerfaces, (2010) 79, 304. Buess-Herman, C., Prog. Surf. Sci., (1994) 46, 335. Buess-Herman, C.; Bare, S.; Poelman, M.; Van krieken, M., Ordered Organic Adlayers at Electrode Surfaces, In Interfacial Electrochemistry, Wieckowski, A. Ed. Marcel Dekker: New York, (1999); pp 427. Doneux, T.; Steichen, M.; De Rache, A.; Buess-Herman, C., J. Electroanal. Chem., (2010) 649, 164. Doneux, T.; Buess-Herman, C.; Lipkowski, J., J. Electroanal. Chem., (2004) 564, 65. Doneux, T.; Steichen, M.; Bouchta, T.; Buess-Herman, C., J. Electroanal. Chem., (2007) 599, 241. Doneux, T.; Buess-Herman, C.; Hosseini, M. G.; Nichols, R. J.; Lipkowski, J., Electrochim. Acta, (2005) 50, 4275. Doneux, T.; Nichols, R. J.; Buess-Herman, C., J. Electroanal. Chem., (2008) 621, 267. Yang, D. F.; Wilde, C. P.; Morin, M., Langmuir, (1996) 12, 6570. Yang, D. F.; Wilde, C. P.; Morin, M., Langmuir, (1997) 13, 243. Vandenbroucke, C., Mémoire de Master Université Libre de Bruxelles (2006). Steel, A. B.; Herne, T. M.; Tarlov, M. J., Bioconjugate Chem., (1999) 10, 419. [193] [194] [195] [196] [197] [198] [199] [200] [201] [202] [203] [204] [205] [206] [207] Steichen, M.; Doneux, T.; Buess-Herman, C., Electrochim. Acta, (2008) 53, 6202. Triffaux, E., Mémoire de Master Université Libre de Bruxelles (2009). Grubb, M.; Wackerbarth, H.; Wengel, J.; Ulstrup, J., Langmuir, (2006) 23, 1410. Aslanoglu, M.; Isaac, C. J.; Houlton, A.; Horrocks, B. R., Analyst, (2000) 125, 1791. Laviron, E., Journal of Electroanalytical Chemistry and Interfacial Electrochemistry, (1979) 101, 19. Li, W.-H.; Haiss, W.; Floate, S.; Nichols, R. J., Langmuir, (1999) 15, 4875. Kimura-Suda, H.; Petrovykh, D. Y.; Tarlov, M. J.; Whitman, L. J., J. Am. Chem. Soc., (2003) 125, 9014. Demers, L. M.; Östblom, M.; Zhang, H.; Jang, N.-H.; Liedberg, B.; Mirkin, C. A., J. Am. Chem. Soc., (2002) 124, 11248. Doneux, T.; Fojt, L., ChemPhysChem, (2009) 10, 1649. Lide, D. R. Ed. Handbook of Chemistry and Physics, CRC Press: Boca Raton, (1992). Atkins, P. W., Chimie Physique, De Boeck Université: (2000); p 1015. Evans, D. H., Journal of Electroanalytical Chemistry and Interfacial Electrochemistry, (1989) 258, 451. Doménech -España, E.; Navarro, P.; Reviriego, F., Talanta, (2000) 51, 625. Bang, G. S.; Cho, S.; Kim, B.-G., Biosens. Bioelectron., (2005) 21, 863. Banyay, M.; Sarkar, M.; Gräslund, A., Biophys. Chem., (2003) 104, 477. 173