DOSSIER DE PRESSE

Transcription

DOSSIER DE PRESSE
Département de GEA
Louis-Marie
1°A – G11
Portée et limite de la photographie
Dossier de presse
Expression et communication
Année 2015-2016
1 Département de GEA
Table des matières Introduction ............................................................................................................................................ 3 Article 1 : Fallait-­‐il publier la photo d'Aylan, 3 ans, échoué sur une plage turque ? ........................... 4 Interview de François Jost, metronews le 03 Septembre 201, par Geoffrey Bonnefoy ....................... 4 Thèse et arguments défendus par François Jost ..................................................................................... 5 Article 2 : « Il faut montrer la photo de l’enfant syrien noyé » ........................................................... 6 Entretien avec Dimitri Beck, télérama le 10 septembre 2015, par Olivier Tesquet ............................. 6 Thèse et arguments défendus par Dimitri Beck ...................................................................................... 7 2 Département de GEA
Introduction1 Les dernières migrations massives suscitent des interrogations massives dans toute
l’Europe. L’ampleur et la tournure qu’ont pris certains évènements ont fortement médiatisé
ces mouvements de populations. Aujourd’hui les migrations en Europe prennent une nouvelle
ampleur, beaucoup plus dramatique, et se tiennent même au centre des préoccupations de
l’Union Européenne, au moins médiatiquement.
Les flux migratoires européens sont majoritairement concentrés sur la méditerranée. Les
migrants connaissent des conditions de transports déplorables, du fait de leur nombre et de la
fermeture des frontières officielles. Ceci explique en partie les difficultés que rencontre
l’Europe à réguler la migration et à réduire les risques auxquels sont confrontés les migrants
pendant leur voyage.
On relève de plus en plus de drames relatifs à la migration, comme en témoigne le nombre
croissants de migrants noyés, ou l’abandon au milieu de la méditerranée de cargos chargés
d’êtres humains. La mort récente d’un enfant Syrien a été particulièrement médiatisé, la photo
de sa dépouille retrouvée sur une plage turque, ayant fait le tour du monde le 02 septembre
2015.
Notre étude portera sur la manière dont les médias se sont emparés de cet évènement. En
France, la photographie de l’enfant échoué sur la plage n’a pas été immédiatement diffusée, à
l’inverse de nombreux journaux étrangers qui ont jugé nécessaire de partager cette photo. Ils
ont été suivi par la France peu de temps après. On peut donc s’interroger sur la légitimité de la
médiatisation de cette photo. La diffusion massive de cette photographie était-elle nécessaire ?
A-t-elle permis de dévoiler l’horreur des voyages migratoires ? Dans quelles mesures est-elle
parvenue à accélérer la mise en place de mesures visant à ouvrir les frontières durablement
afin d’assurer la sécurité des migrants ?
Nous allons illustrer ces questions par deux articles. Tout d’abord, l’interview de François
Jost, sociologue et professeur à la Sorbonne Nouvelle : « Fallait-il publier la photo d’Aylan, 3
ans, échoué sur une plage turque ? », paru dans Metronews le 03 septembre 2015. Il est
interrogé par le journaliste Geoffrey Bonnefoy. Ensuite, l’entretien avec Dimitri Beck,
rédacteur en chef de Polka magazine (spécialisé dans le photojournalisme) : « Il faut montrer
la photo de l’enfant Syrien noyé », paru dans Télérama le 10 Septembre 2015 ; entretien
dirigé par Olivier Tesquet, journaliste.
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Le texte de l’introduction a été affiné par mes soins. 3 Département de GEA
Article 1 : Fallait-­‐il publier la photo d'Aylan, 3 ans, échoué sur une plage turque ? Interview de François Jost, metronews le 03 Septembre 201, par Geoffrey Bonnefoy Alors que de nombreux titres de presse européennes ont publié à leur une la photo choc
de l'enfant syrien retrouvé mort sur une plage turque, Metronews s'interroge : fallait-il, ou
non, publier cette photo bouleversante ?
Parce qu'elle montre la triste réalité de la crise migratoire qu'affronte l'Europe depuis plusieurs
mois, sous son visage le plus dur, Metronews a fait le choix de publier cette photo, sans
floutage.
Le débat a vite tourné autour de cette question : fallait-il diffuser la photo montrant le corps
du petit Aylan, 3 ans, la tête à moitié enfoncée dans le sable, les vêtements détrempés, le tout
sous le regard d'un policer turc ? Depuis mercredi, cette photo enflamme les réseaux sociaux
et bouleverse le monde entier.
Ce jeudi, de nombreux de titres de presse ont imprimé l'image – ou sa version plus "soft"
montrant le garçonnet dans les bras du fonctionnaire de police – sur leur une. En France,
aucun des quotidiens nationaux ne l'a fait, sauf Le Monde, qui parait l'après-midi, en décalage
avec ses concurrents. Pourtant, face à la violence de l'image, qui concerne la mort d'un mineur
qui plus est, la question est légitime.
Interrogé par Metronews, François Jost, sociologue et professeur à la Sorbonne Nouvelle, à
Paris, nous aide à y voir plus clair.
Fallait-il publier cette image ?
Ne pas montrer les camps nazis ne signifie pas pour autant qu'ils n'ont pas existé. Vous savez,
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réduire la réalité au visible n'est pas le plus sûr moyen de la comprendre. Et rendre le lecteur
spectateur ne le rend pas forcément plus conscient du problème qu'il a en face de lui. Si attirer
l'attention est le rôle des journalistes, il est aussi d'expliquer et pas seulement d'émouvoir.
Ensuite, il faut faire attention à la distance : certains médias ont agrandi la photo et cela
témoigne d'une rhétorique fondée sur l'émotion. Souvenez-vous : après la catastrophe du
téléphérique du pic de Bure en 1999, Paris Match a été condamné en raison du grossissement
de la photo pour avoir fait fonctionner 'le ressort émotionnel face au spectacle de la mort'. Ici,
cela n'arrive pas tout simplement parce que l'on prend des images de gens démunis qui ne
peuvent défendre leur droit à l'image.
Le floutage est-il une (bonne) option ?
Avant d'être un symbole, cet enfant est un enfant que l'on peut identifier par son visage. Voir
cette photo à la une de tous les journaux peut être blessant pour ses proches. Il va de soi qu'on
l'aurait flouté si c'était un Européen. Finalement, la seule attitude morale vis-à-vis de cette
image est de le mettre à distance pour sauvegarder la dignité humaine.
Parmi les sites d'information français, certains ont fait le choix de ne pas diffuser du tout la
photo, comme le Huffington Post "par pudeur et respect de la dignité humaine". A l'exact
opposé, l’Express a fait machine arrière ce jeudi : jusque-là, le site publiait les images mais
floutait les enfants, ce que le site d'informations ne fera plus : "En montrant enfin la réalité en
face dans ce qu’elle a de plus insupportable, nous ne faisons pas du sensationnalisme, comme
on ne manquera pas de nous en accuser [...] Non, nous renfilons simplement des habits que,
en partie par peur, en partie par lassitude, en partie par apathie, nous avons trop longtemps
rangés au placard.
Thèse et arguments défendus par François Jost François Jost défend la thèse selon laquelle les médias ne doivent pas utiliser l’image pour
appréhender le réel, mais aller plus loin, l’expliquer.
À partir d’une image on peut jouer sur la sensibilité des gens, par une manipulation quasiment
mécanique. Cela fait réagir d’avantage sur leur sensibilité émotionnelle et non pas rationnelle,
ce qui les pousse à réagir sensiblement plutôt qu’à réfléchir.
L’image crue peut aller à l’encontre de la dignité humaine. Le but des journalistes est
d’informer, sans attenter à la dignité de ceux qui font l’objet de l’information. Or sur cette
photo on reconnait, on identifie la personne, et on s’arrête sur son cadavre et non sur sa
personne.
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Article 2 : « Il faut montrer la photo de l’enfant syrien noyé » Entretien avec Dimitri Beck, télérama le 10 septembre 2015, par Olivier Tesquet Un garçon syrien de 3 ans gisant face contre terre sur une plage turque, un policier à
ses côtés : le cliché a créé un choc alors que la crise des réfugiés s'aggrave. Une image qu'il
est indispensable de diffuser malgré son caractère insoutenable, selon Dimitri Beck, rédacteur
en chef de “Polka magazine”.
« Si ces images incroyablement fortes du corps d’un enfant syrien échoué sur une plage ne
changent pas l’attitude de l’Europe vis-à-vis des réfugiés, qu’est-ce qu’il faudra de plus ? »
C’est la formule (électro)choc choisie par The Independent pour publier mercredi soir la photo
de Nilüfer Demir, journaliste pour l’agence locale Dogan News, qui a revendu les photos à
Reuters, AP et l'AFP. Sur le sable de Bodrum, éminente station balnéaire turque, Aylan, 3
ans, gît face contre terre, pris dans le ressac. Tout habillé, son petit corps légèrement gonflé
comme une poupée de celluloïd. A ses côtés, un policier s’apprête à le soulever comme pour
le soustraire à la vue du public.
Trop tard : diffusé lors de la traditionnelle projection nocturne au festival Visa pour l’image à
Perpignan, l’insoutenable cliché a déjà provoqué des haut-le-cœur dans le monde entier. Alors
que François Hollande vient de convoquer une réunion d’urgence pour évoquer le sort des
réfugiés qui tambourinent désespérément aux portes de l’Europe, Dimitri Beck, rédacteur en
chef de Polka Magazine (consacré au photojournalisme et créé par Alain Genestar, l'ancien
directeur de la rédaction de Paris Match), nous éclaire sur l’impact de cette photo.
Depuis des mois, nous sommes quotidiennement exposés à des photos de migrants affluant
sur des embarcations de fortune. Devant cette banalisation iconographique, pourquoi ce
cliché revêt-il une importance toute particulière ?
D’abord, tout le monde est outré que l’image n’ait pas été immédiatement reprise dans les
médias français. Elle s’est retrouvée à la « une » de tous les grands quotidiens en Europe,
mais pas en France, pas tout de suite (même si Le Monde a depuis choisi de la publier,
NDLR). Les journalistes se sont regardés entre eux et nos confrères européens nous ont mis
face à nos contradictions. Les réseaux sociaux sont eux aussi venus rappeler aux médias
traditionnels leurs manquements. La viralité peut nous jouer des tours, mais ici, elle est
importante et nous incite à réagir plus rapidement. A la une des quotidiens ou des magazines
français, on a vu des cadavres flotter, ce n’est malheureusement pas nouveau. Mais là où cette
photo est extrêmement touchante, c’est qu’elle est surréalistiquement inacceptable : comment
tolérer qu’un petit de 3 ans soit retrouvé gisant, rejeté par la mer, alors qu’il y a quelques jours
encore, on entendait les rires des enfants au bord de l’eau ?
Cette photo peut-elle devenir iconique, et réveiller durablement l’opinion publique ?
On se demande toujours si une photo peut changer le monde. Bien souvent, nous sommes
rattrapés par la realpolitik, mais cette fois-ci, elle appelle une réaction politique immédiate.
Comme cette photo d’un vietcong abattu d’une balle dans la tempe, l’image de Nilüfer Demir
a un potentiel de photo iconique, mais il est trop tôt pour le dire. Elle n’a pas encore été
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reprise dans la presse américaine, notamment dans le New York Times ou Time, qui ont une
grande influence dans la sanctuarisation d’un cliché. Pour s’inscrire dans le temps, il faut que
cette photo continue à être portée, qu’elle se grave dans notre mémoire et dans notre histoire.
La force de la réaction prouve que les gouvernements européens sont pris à la gorge, que le
phénomène s’accélère. Mais on ne peut pas dire qu’on ne savait pas : des photographes
comme Olivier Jobard travaillent sur les migrants et les réfugiés depuis 15 ans...
Une chose est sûre : il faut montrer ce cliché. J’ai vu des médias pixéliser le corps de l’enfant
alors même qu’il faut se confronter à cette réalité. Ce qui est indigne, ce n’est pas le fait d’y
exposer le public, c’est notre réponse face à cette situation. Je note que même les
Britanniques, pourtant très conservateurs sur le sujet avec ce qui se passe à Calais, ont décidé
de la mettre en « une » des tabloïds : le Daily Mirror a titré « Unbearable », « Insoutenable ».
La présence d’un enfant amplifie-t-elle notre réaction ? Dans l’histoire du
photojournalisme, on retrouve d’autres exemples, qu’il s’agisse de cette fillette brûlée au
napalm au Viêt-Nam ou de celle d’Omayra Sanchez en Colombie...
Nous sommes forcément plus touchés quand il s’agit d’enfants, parce qu’ils ne sont coupables
de rien. Dans un climat délétère autour de la question des migrants, on ne peut pas avoir de
doutes ou de suspicion vis-à-vis d’un enfant qui fuit un pays en guerre. Et cette photo nous
fait prendre conscience d’une réalité cruelle : nous ne sommes pas capables de protéger ces
enfants-là. En la publiant, un journal espagnol titrait sur « le naufrage de l’Europe », mais il
s’agit bien plus du naufrage de l’humanité. Nous sommes tous concernés. La preuve :
François Hollande convoque une réunion d’urgence alors que ce drame s’est joué à des
milliers de kilomètres de chez nous.
Thèse et arguments défendus par Dimitri Beck Dimitri Beck défend la thèse selon laquelle il faut réveiller l’opinion publique par le biais de
la photographie.
D’abord il montre la violence du contraste entre les enfants qui riaient sur la plage et la dure
réalité de cet enfant retrouvé mort un peu plus loin. Ce contraste signale la difficulté
d’accepter une telle chose. C’est pourquoi la diffusion de la photographie est nécessaire pour
que chacun puisse connaitre la gravité de cet évènement.
Une photo peut réveiller le monde quand elle s’inscrit durablement dans notre histoire
collective. Il faut donc continuer à la montrer pour qu’elle puisse entrer dans les mémoires de
manière à changer les mentalités et empêcher que d’autres tragédies de ce type puissent
arriver.
Il faut montrer cette photo pour changer les mentalités, afin que personne ne s’habitue et ne
finisse par accepter ou oublier la réalité à laquelle cette photo renvoie. La mor de cette enfant
est manifestement scandaleuse ; ces scandale touche d’avantage la sensibilité des gens. La
mort de cet enfant devient moins supportable. Il est donc réellement important que cette photo
fasse réagir, mais aussi et surtout, qu’elle fasse agir chacun de nous.
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