Devant une masse focale hépatique. Le point de vue des spécialistes

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Devant une masse focale hépatique. Le point de vue des spécialistes
DEVANT UNE MASSE FOCALE HEPATIQUE
LE POINT DE VUE DES SPECIALISTES
M. FAÏK
INTRODUCTION
Les masses focales hépatiques peuvent être soit de
découverte fortuite, soit dans le cadre d’un dépistage. Elles
peuvent être uniques ou multiples, de nature tumorale ou
pseudo-tumorale. Parmi ces lésions, les plus fréquentes
sont : le kyste hydatique du foie, le kyste biliaire, l’hémangi o m e, hy p e rplasie nodulaire focale (HNF), adénome,
carcinome hépatocytaire (CHC), et les métastases.
Il est habituel, dans ces situations, de demander des
examens biologiques, hépatiques et un dosage des marqueurs tumoraux (alpha-fœto-protéine, antigène carcinoembryonnaire).
Sur ce point, il nous a semblé intéressant de confronter le
point de vue des ra d i o l ogues, anat o m o - p at h o l ogi s t e s ,
hépato-gastro-entérologues, et chirurgiens.
LE POINT DE VUE DES RADIOLOGUES
1/ L’échographie est le meilleur examen pour le diagnostic des masses kystiques :
- une image anéchogène, arrondie, à paroi fine et régulière
avec un renforcement postérieur est évocateur d’un kyste
hydatique stade I, accessoirement le kyste biliaire. C’est
l’intérêt de l’étude du contexte clinique et la sérologie
hydatique.
Le kyste hydatique peut être également évoqué devant
l’aspect dédoublé de la paroi (stade II) ou d’un cloisonnement de la cavité (stade III), ou devant un aspect
hétérogène (stade IV), pouvant poser le problème du
d i agnostic diff é rentiel avec une masse hépatique
maligne. Si le doute persiste la T.D.M. peut être demandée.
Dans tous les cas, la ponction est formellement contreindiquée en cas de suspicion du kyste hydatique du foie.
- le cystadénome biliaire : tumeur très ra re, doit être
évoquée devant la présence de cloisons et de végétations
au sein d’une formation kystique généralement unique et
volumineuse. La ponction ramène un liquide mucineux.
Médecine du Maghreb 2001 n°88
- les métastases pseudo-kystiques, les hématomes, les
abcès hépatiques peuvent avoir un aspect pseudo-kystique mais dans un cadre clinique particulier.
2/ Devant une image hyperéchogène à l’échographie, la
discussion étiologique se fait habituellement selon la
prévalence des lésions :
- l’hémangiome a un aspect typique 1 fois sur 2. Il s’agit
d’une image hyperéchogène, sphérique, homogène, de
diamètre inférieur à 3 cm, le plus souvent sous capsul a i re, une compression antéro - i n f é ri e u re à la sonde
d’échographie le fait disparaître. La T.D.M. avec angioscanner séquentielle et injection du bolus iodé peut
montrer une hypodensité, augmentation du contraste précoce en périphérie, remplissage complet de la lésion de
manière centripète.
L’I.R.M. paraît plus performante pour des lésions inférieures à 3 cm, l’hémangiome apparaît comme une lésion
homogène avec un signal de faible intensité en T1 et très
haute intensité en T2.
L’angiographie n’est pas utilisée par manque de sensibilité,
de même la ponction n’est pas indiquée en raison du risque
hémorragique et du manque de spécificité.
L’adénome paraît à l’échographie sous forme d’un nodule
hy p e r é ch og è n e, arrondi, bien limité, discrètement
hétérogène. Cet aspect est non caractéristique et inconstant.
A la T.D.M., l’adénome est hypodense, après injection
l’aspect est caractéristique : opacification intense et homogène disparaissant rapidement. L’I.R.M. a une fa i bl e
sensibilité et spécificité. En cas de doute, l’angiographie
montre une hypervasculariation.
L’hyperplasie nodulaire focale : les aspects échographiques
sont à la fois hyperéchogènes, hypoéchogènes, ou mixtes.
L’aspect T.D.M. est voisin de celui de l’adénome avec une
sensibilité moindre, et la lésion apparaît isodense après
injection.
L’existence d’une image centrale stellaire à l’échographie
DEVANT UNE MASSE FOCALE…
ou à la T.D.M. en faveur d’une HNF, mais cet aspect peut
se voir aussi les hémangiomes, les adénomes avec nécrose
centrale, CHC fibro-lamellaire.
L’aspect angiographique est superposable à celui de l’adénome. L’IRM avec les techniques récentes pourrait être un
examen intéressant. La ponction histologique pour la distinction entre adénome, HNF, CHC bien différencié peut
être difficile, voire impossible.
Le kyste hydatique du foie calcifié (stade V) se présente
sous forme d’image hyperéchogène s’accompagnant d’une
ombre acoustique postérieure, et dont seul le bord antérieur
est visible sous forme d’une ligne fortement échogène.
Le CHC peut survenir sur un foie sain ou cirrhotique. Sa
présentation sous forme de nodule hyperéchogène représente moins de 25 % des CHC. Le CHC fibro-lamellaire
survenant chez l’adulte jeune, revêt souvent cette présentation. La réalisation de la T.D.M. et/ou de l’IRM est indiquée en première intention.
Le diagnostic est certain si l’alpha-fœto-protéine est très
élevé, ou s’il existe un bourgeon tumoral à l’intérieur d’un
vaisseau. La ponction guidée est nécessaire sachant que les
critères anatomo-pathologiques ne sont pas bien définis.
L’artériographie hépatique avec injection de lipiodol ultrafluide, si c’est possible, permet de confirmer une éventuelle
indication chirurgicale qui reste finalement rare (inférieure
à 5 %).
Les métastases peuvent prendre l’aspect de nodules hyperé ch ogènes dans 20 % des cas. Le portoscanner est la
méthode la plus sensible dans la détection des métastases
hépatiques. La ponction biopsie hépatique est proposée. Le
contexte clinico-biologique est d’intérêt capital.
La stéatose hépatique focale apparaît à l’échographie sous
forme de plages hy p e r é ch ogènes, de fo rme irr é g u l i è re,
polyhédrique. A la TDM, la lésion est hypodense et isodense après injection. Le contexte clinique est évocateur
(obésité, diabète, corticothérapie, éthylisme). En cas de
doute, il faut recourir à la biopsie hépatique.
La technique de la ponction guidée nécessite une aiguille
de moyen calibre (18G), la ponction est effectuée en zone
pathologique mais aussi en foie sain. Le moyen de guidage
de la ponction est l’échographie. Les tumeurs du dôme font
recourir au scanner.
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LE POINT DE VUE DES
ANATOMO-PATHOLOGISTES
Afin d’obtenir un meilleur rendement de la ponction d’une
masse focale hépatique guidée par échographie ou tomodensitométrie, le choix de l’aiguille 22G permet des étalements cellulaires avec parfois des microfragments tissulaires. L’aiguille 18G permet de véritable biopsie complétant
l’étude cytologique. L’examen extemporané est utile, la
ponction est indiquée en cas de tumeur solide hépatique, et
devant une suspicion de stéatose focale.
La distinction entre lésion focale bénigne (adénome, HNF,
ou macronodule régénératif) et un CHC bien différencié est
souvent délicate.
Les critères cytologiques de malignité :
. importante richesse cellulaire du frottis, présence de
cellules à différenciation hépatocytaire de petite taille et
assez monomorphe.
. augmentation du rapport nucléo-cytoplasmique et de la
taille des nucléoles, présence de nombreux noyaux nus.
L’architecture cellulaire évocatrice de malignité peut être
visible sur les étalements : lobules à limites arrondies ou
travées ramifiées autour des axes vasculaires. L’existence
de structure pseudo-acineuse est en faveur de CHC. Le
diagnostic de carcinome fibro-lamellaire est aisé en présence des cellules oncocytaires possédant des noyaux excentrés à petits nucléoles et souvent des inclusions intra-cytoplasmiques. En revanche, le diagnostic différentiel entre
adénome et HNF est difficile sur le matériel de ponction.
L’existence de trousseaux fibreux et de nombreuses cellules
épithéliales biliaires oriente vers une HNF, une distension
péliotique des sinusoïdes oriente vers le diagnostic d’adénome.
Un autre diagnostic différentiel difficile sur ponction cytologique entre CHC très peu différencié et une métastase.
Au besoin une étude immuno-histochimique du matériel
biopsique est précieuse (recherche intra-cellulaire d’alphafœto-protéine, alpha-antitrypsine, AgCa 19-9).
LE POINT DE VUE DES
HEPATO-GASTRO-ENTEROLOGUES
La découve rte d’une tumeur hépatique pleine de type
n o d u l a i re fait env i s ager les diagnostiques suivants :
adénome, HNF, et CHC, alors que l’imagerie n’apporte la
certitude que dans 1 cas sur 2.
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Au cours de la stéatose focalisée, aucune cause n’est ident i fi able dans env i ron 1 cas sur 2. Il est souhaitabl e
d’effectuer une biopsie hépatique.
La découve rte d’une lésion focale hépatique chez un
malade avec un cancer extra-hépatique fait l’objet d’un
contrôle histologique. La seule exception serait la certitude
d’un hémangiome en imagerie.
En présence d’une tumeur bénigne hépatique, adénome,
gros hémangiome superficiel, est une contre-indication à un
traitement œstrogénique. La grossesse est à déconseiller en
cas d’adénome inopérable.
La surveillance à réaliser en cas d’hémangiome est proposée 6 à 12 mois après le diagnostic. En cas d’adénome, la
surveillance pendant une durée de 5 à 10 ans est souhaitable. Devant une HNF au moins un contrôle est proposé
après le diagnostic.
Au cours de la cirrhose, la masse hépatique la plus fréquente est la CHC. Le dépistage repose sur l’échographie et le
dosage de l’alpha-fœto-protéine tous les 6 mois. Le diagnostic de CHC peut être porté chez un malade cirrhotique
lorsque s’associent une masse intra-hépatique et un taux
d’alpha-fœto-protéine supérieur à 500 mg/ml.
Les contre-indications à la ponction : trouble de l’hémostase, TP inférieur à 50, plaquettes inférieures à 50.000,
tumeur hypervasculaire siège sous capsulaire, dilat at i o n
diffuse des voies biliaires. L’utilisation des aiguilles fines
( i n f é ri e u res à 22G non coupantes) donnent moins de
complications que les grosses aiguilles.
LE POINT DE VUE DES CHIRURGIENS
Un KHF, selon le contexte clinique et sa fréquence, est évoqué en premier en premier. Son traitement est chirurgical.
Un kyste biliaire est rarement symptomatique. En cas de
douleur, la défénestration par laparotomie ou par coeliochirurgie.
L’hémangiome le plus souvent asymtomatique. L’abstention est la règle même si la taille de la lésion augmente. On
conseille un contrôle échographique 6 à 12 mois plus tard.
Si l’hémangiome est symtomatique, le traitement est alors
la résection chirurgicale.
En cas d’adénome, la résection chirurgicale est conseillée.
En cas de risque ch i ru rgical (segment I par exe m p l e ) ,
l’embolisation pourrait représenter une alternative.
D evant une image rie cara c t é ristique d’une HNF l’ab s tention est conseillée. Si le doute persiste sur la nature de la
tumeur hépatocytaire la résection est conseillée.
L’indication de la résection d’un CHC sur cirrhose repose
sur les conditions suivantes :
. tumeur unique inférieure à 8 cm,
. absence de thrombose porte,
. classe «A» de child ou B,
. en fonction de la topographie de la tumeur.
En cas de CHC inopérabl e, la ch i m i o - e m b o l i s ation ou
injection d’alcool.
La biopsie à l’aiguille d’une tumeur hépatique maligne
pour diagnostic histologique est conseillée. Si le doute
persiste, on doit envisager une laparotomie avec une biopsie chirurgicale. Si la tumeur est bénigne, elle fera l’objet
d’une exérèse. Si la tumeur est maligne, l’exérèse doit être
élargie. Devant la découverte d’une métastase hépatique,
suivant la localisation : lobectomie gauche, segmentectomie
ou métastasectomie.
CONCLUSION
Au terme de cette revue de littérature, il semble que la
conduite diagnostique et thérapeutique est univoque en
présence d’un KHF, kyste biliaire, d’une stéatose focale,
d’un hémangiome où l’imagerie semble être fiable. En
revanche l’imagerie et même l’anat o m o - p at h o l ogie des
masses hépatiques bénignes solides (adénome, HNF) ne
sont pas tout à fait fiables. En cas de doute, la laparotomie
et la biopsie ch i ru rgicale seront nécessaires. Les gestes
d’exérèses seront indiqués en fonction de la nature de la
lésion.
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