Le traitement médical et chirurgical du syndrome du canal carpien

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Le traitement médical et chirurgical du syndrome du canal carpien
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I R M A I
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C
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L A E L U M A
A
D
T R
N
N O
O S S I E R
Le traitement médical
et chirurgical du syndrome
du canal carpien
" Le traitement médical par attelle de repos noc-
turne a démontré, dans notre expérience, son
efficacité et son innocuité dans les formes peu
sévères, là où le traitement chirurgical a parfois
été décevant.
" Quand une indication chirurgicale se pose, la
libération endoscopique par voie unique antébrachiale se présente comme une alternative à
l’ouverture classique. Cette technique a cependant ses contre-indications et nécessite une
rigueur d’exécution.
Mots-clés : Canal carpien - Infiltration - Attelle Chirurgie endoscopique - Électromyogramme.
I
l est surprenant de constater que le syndrome du canal carpien (SCC), le plus fréquent des syndromes canalaires,
puisqu’il atteint 0,1 à 1 % de la population selon les pays,
et connu depuis le siècle dernier, n’est traité que depuis la troisième décennie du XXe siècle. La pathogénie reste mystérieuse
pour les formes les plus fréquentes, dites idiopathiques, et
l’histoire naturelle n’est pas clairement établie, rendant l’ap* SOS Main Strasbourg.
La Lettre du Rhumatologue - n° 256 - novembre 1999
SYNDROME DU CANAL CARPIEN, CLINIQUE
ET EXAMENS COMPLÉMENTAIRES
En l’absence de pathogénie bien établie, une définition clinique a prévalu. Les signes cliniques et les manœuvres pro21
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pratiquer une infiltration de corticoïdes ou de
mettre en place une attelle, l’examen électromyographique apparaît capital avant toute décision chirurgicale. Outre sa valeur diagnostique
et médico-légale, il permet de rechercher des
pathologies associées.
L A
" Si un diagnostic clinique permet à lui seul de
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f o r t s
proche thérapeutique tâtonnante et l’appréciation des résultats
difficile.
Nous n’aborderons pas ici le difficile débat de société qui s’est
instauré face à une véritable épidémie de SCC reconnus
comme maladie professionnelle, qui a fait vaciller l’économie
de pays comme le Japon ou l’Australie (contraints de modifier leur législation) et continue d’ébranler celle des ÉtatsUnis, alors que la France ne fait qu’entrer dans le processus.
Lorsque le SCC est reconnu comme maladie professionnelle,
la charge financière incombe aux entreprises. Pourtant, une
étude multidisciplinaire financée par la Caisse d’Assurance
Maladie en 1995 n’a pas permis d’établir la moindre relation
entre l’activité manuelle et l’avènement d’un SCC (1). Il nous
a été cependant possible de tracer un portrait-robot de la candidate au SCC du tableau 57 : femme de 40 ans, sous antidépresseurs ou anxiolytiques, présentant une surcharge pondérale, avec de mauvaises habitudes alimentaires, fumeuse,
sédentaire et tricoteuse, souffrant d’un diabète, d’une HTA et
de quelques troubles cardiovasculaires, effectuant depuis
quelques mois un métier monotone, répétitif et peu rémunérateur, dans une ambiance syndicale et familiale difficile...
Cela ne doit pas faire négliger la prévention, tant dans l’activité professionnelle (aménagement des postes de travail et des
outils, automatisation de certaines tâches, réduction des
cadences, instauration de périodes de repos, diversification des
tâches) que dans les activités de loisir.
Cet article, après avoir évoqué les aspects du diagnostic, appréciera la place respective des traitements médicaux et chirurgicaux avec les diverses techniques proposées, tenant compte
de l’apparition récente de la “mode” dite mini-invasive illustrée par la libération endoscopique. Nous en avons évalué les
résultats à moyen et long terme.
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P o i n t s
G. Foucher, N. Buch, S. Stutzmann, L. Erhard*
L A
!
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vocatrices restent classiques pour établir le diagnostic, et peuvent suffire pour décider d’une infiltration ou de la mise en
place d’une attelle nocturne. Cependant, leur valeur comme
facteur de certitude et de stade d’évolution est très discutée.
La récente Conférence de consensus (2) a établi la nécessité
d’un examen électrologique avant toute décision chirurgicale, et cette nécessité a également été acceptée par la Caisse
d’Assurance Maladie avant toute reconnaissance en maladie
professionnelle. Ces dispositions ne sont pas admises aux
États-Unis, où la décision chirurgicale est prise sur présomption clinique et où seulement 38 % des chirurgiens font appel
à un EMG préopératoire.
En fait, s’il est facile de reconnaître cliniquement les extrêmes,
avec, d’un côté, une forme de début caractérisée par des paresthésies nocturnes apparues depuis quelques semaines et, de
l’autre, une forme évoluée avec maladresse, troubles patents
de la sensibilité et atrophie des muscles thénariens, les formes
intermédiaires restent plus floues.
Nous avons effectué une étude prospective portant sur
172 mains suspectes cliniquement d’être le siège d’un SCC
(3), en comparant les constatations cliniques aux résultats de
l’examen électromyographique. L’évaluation clinique a porté
sur quatre signes fonctionnels et sept signes physiques et
manœuvres provocatrices. La sensibilité, la spécificité, les
valeurs prédictives positive et négative des symptômes et
manœuvres provocatrices, isolés ou en association, ont été
évaluées en considérant l’EMG comme l’examen de référence. Aucun signe ou test, isolé ou en association, ne permettait d’affirmer le diagnostic avec suffisamment de fiabilité pour poser une indication chirurgicale (tableau I). En fait,
l’EMG n’est venu confirmer notre impression clinique que
dans 61 % des cas.
Une mise au point sur l’électrodiagnostic dans les syndromes
canalaires (4), citant les conclusions de l’Académie américaine de neurologie, de l’Académie américaine de médecine
physique et de rééducation et de l’Association américaine de
médecine électrodiagnostique, réaffirme le haut degré de spécificité et de sensibilité des tests électrodiagnostiques pour
confirmer la compression du nerf médian au canal carpien. La
sensibilité de cet examen n’est cependant pas absolue, car il
ne teste que les fibres myélinisées de gros diamètre, les plus
sensibles à la pression, et ignore les fibres C et les fibres sympathiques, plus sensibles à l’ischémie. Ces données pourraient
expliquer les 8 à 13 % de formes de SCC électromyographiquement négatives, qui ont conduit certains auteurs à ne plus
avoir recours à l’EMG qu’en cas de doute. Un EMG normal
reste toutefois rassurant sur la légèreté de la compression, et
autorise l’instauration d’un traitement médical. Par ailleurs,
la découverte d’une neuropathie associée ou d’une autre compression plus proximale (défilé cervico-thoracique, épine susépitrochléenne, rond pronateur...) permet d’ajuster le traitement chirurgical et d’informer le patient de la persistance
possible, à moyen ou long terme, de certains symptômes. La
persistance de paresthésies après levée d’une compression du
22
Tableau I. Corrélations cliniques et électromyographiques du syndrome
du canal carpien (n = 172).
EMG positif
61%
EMG négatif
39%
Paresthésies (n = 108)
66 (61 %)
42 (39 %)
Douleur (n = 87)
55 (63 %)
32 (37 %)
Réveil
occasionnel (n = 51)
régulier (n = 49)
Fourmillements (n = 52)
27 (53 %)
35 (71 %)
35 (67 %)
24 (47 %)
14 (29 %)
17 (33 %)
Phalen
+ (n = 88)
– (n = 78)
56 (64 %)
40 (51 %)
32 (36 %)
38 (49 %)
McMurthry
+ (n = 74)
– (n = 81)
44 (59 %)
46 (57 %)
30 (41 %)
35 (43 %)
Gilliat
+ (n = 83)
– (n = 62)
44 (53 %)
40 (64 %)
39 (47 %)
22 (36 %)
Tinel
+ (n = 68)
– (n = 104)
41 (60 %)
57 (55 %)
27 (45 %)
47 (45 %)
Diapason
normal (n = 129)
diminué (n = 34)
augmenté (n = 9)
72 (56 %)
20 (59 %)
6 (67 %)
57 (44 %)
14 (41 %)
3 (33 %)
89 (56 %)
6 (86 %)
71 (44 %)
1 (14 %)
38 (46 %)
55 (65 %)
44 (54 %)
30 (35 %)
2PD
6* (n = 160)
> 6 (n = 7)
SW
2,83** (n = 82)
> 2,83 (n = 85)
*2PD : discrimination aux 2 points (mm).
**SW : monofilaments de Semmes-Weinstein.
nerf médian est fréquente en cas de polyneuropathie (5), de
troubles vasomoteurs [fréquemment associés (6)], et reste difficile à différencier des paresthésies dites “de repousse” chez
un sujet âgé qui a du mal à relier leur déclenchement au toucher. Ainsi, bien que la clinique soit riche, la spécificité de cet
examen clinique est mise en doute par de nombreux auteurs,
qui préfèrent avoir recours aux examens complémentaires.
L’examen électrologique n’a pas été supplanté par l’imagerie par résonance magnétique, d’introduction plus récente.
Celle-ci a récemment fait l’objet de nombreux articles, car elle
permet de mettre en évidence le nerf médian et ses modifications, mais elle a surtout été utilisée en postopératoire. La
radiographie en incidence du “tunnel” de Hart et Gaynor n’est
intéressante que pour la recherche de calcifications ou de
séquelles post-traumatiques du carpe. L’imagerie (CT scan,
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Figure 1. Projections cutanées des rapports anatomiques, facilitant
l’examen clinique et la technique d’infiltration du canal carpien.
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8
10
# Nerf médian avec en distal $ la branche motrice thénarienne.
% Tendon du fléchisseur carpien radial (ancien grand palmaire).
& Tendon du fléchisseur carpien ulnaire (ancien cubital antérieur).
' Tendon du palmaire long (ancien petit palmaire), qui se bifurque en
distal en encadrant la branche sensitive du nerf médian, dont l’origine est 4 à 6 cm proximal par rapport au pli de flexion palmaire.
( Artère cubitale et arcade palmaire superficielle.
) Repérage de l’apophyse unciforme de l’os crochu au tiers ulnaire
d’une ligne tracée entre la MP de l’index et le pisiforme * ; ces deux
4
repères limitent en dedans le canal carpien.
3
1
2
La Lettre du Rhumatologue - n° 256 - novembre 1999
+ Apophyse du trapèze et du scaphoïde , formant la berge externe du
canal carpien. On note le rétrécissement plus important du canal dans
sa partie distale.
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L’évolution naturelle, bien que mal connue, du SCC peut se
faire vers une disparition spontanée (jusqu’à 34 % des cas dans
certaines séries). Le traitement conservateur mérite donc une
place dans les formes de début et les formes avec altérations
modérées à l’EMG.
Notre préférence va à l’orthèse de repos nocturne, légère
et sur mesure, en raison de son innocuité et de son efficacité.
Elle maintient le poignet en rectitude, et peut s’étendre sur les
doigts en cas de synovite associée, ou encore être aménagée
en fonction de pathologies coexistantes (rhizarthrose, etc.).
C’est un traitement de choix du SCC du troisième trimestre
de la grossesse. Dans un travail récent (9), Stutzmann effectue une enquête téléphonique auprès de 52 patients (58 mains)
traités trois ans auparavant. L’orthèse a été portée en nocturne
pendant une durée moyenne de trois mois. L’amélioration subjective est évaluée sur une échelle analogique et est corrélée
aux signes cliniques et à l’examen électrologique. Deux
groupes sont ainsi distingués : dans le premier, seule l’orthèse
est indiquée du fait du caractère bénin du SCC (71 %) ; elle
soulage 83 % des patients, et 15 % sont opérés dans les trois
ans. Le second groupe concerne des cas plus sévères, pour lesquels une intervention est indiquée mais différée pour des raisons diverses (29 %) : 75 % des patients sont soulagés par l’orthèse jusqu’à l’intervention. Si l’on considère l’ensemble des
patients, l’orthèse a été efficace dans 81 % des cas. Elle est
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SYNDROME DU CANAL CARPIEN
ET TRAITEMENT MÉDICAL
L’infiltration intracanalaire de corticoïdes, avec un maximum de trois administrations, requiert une technique rigoureuse et une bonne connaissance anatomique (figure 1), sous
peine de créer des lésions nerveuses irréversibles, telles que
nous les avons rencontrées dans onze cas. Son efficacité est
diversement chiffrée dans la littérature : en réunissant douze
séries cliniques publiées, soit un total de 1 614 mains, l’efficacité est initialement de 67 %, puis de seulement 36 % à
moyen terme (8).
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Au total, un EMG bien conduit, outre sa valeur médico-légale,
permet le plus souvent d’affirmer le diagnostic, d’éliminer une
autre pathologie (myélopathie cervicale, névrite secondaire
aux vibrations...), de mettre en évidence une pathologie associée, de préciser le siège – unique ou multiple – de la compression et d’évaluer l’intensité de l’atteinte nerveuse, guidant
le choix thérapeutique.
Aucune médication, en dehors d’un traitement substitutif à
visée étiologique dans les pathologies associées, n’a fait la
preuve de son efficacité, et la vitaminothérapie B6 (7) a donné
des résultats contradictoires, de même que le traitement par
anti-inflammatoire par voie orale.
L A
échographie ou IRM) trouve une indication particulière dans
le SCC unilatéral du sujet jeune en raison de l’existence fréquente (35 % des cas) d’une pathologie tumorale (surtout du
type kyste synovial).
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d’autant plus efficace qu’il s’agit d’une femme jeune présentant un SCC bilatéral, avec de faibles perturbations électrologiques. Si l’on réunit les trois séries exploitables de la littérature (9), sur 518 cas traités, l’efficacité a été de 58,5 % quel
que soit le type de SCC. Les facteurs péjoratifs relevés sont :
l’ancienneté des symptômes (plus de dix mois), un âge supérieur à 50 ans, une ténosynovite des fléchisseurs, un test de
Phalen positif en moins de 30 secondes.
SYNDROME DU CANAL CARPIEN
ET TRAITEMENT CHIRURGICAL
Le traitement chirurgical intervient dans les formes jugées
sévères (cliniquement et/ou à l’EMG) et dans les formes résistantes au traitement conservateur.
Au début des années 90, l’apparition de l’endoscopie, uni- et
biportale, et la description de “mini-abords” sont venues créer
une controverse dans le traitement chirurgical du SCC. Quelle
que soit la technique, l’intervention est effectuée sous anesthésie locorégionale, sous garrot pneumatique et sans hospitalisation (sauf exception).
L’ouverture classique garde, bien entendu, encore des indications. La section du ligament annulaire est effectuée sur son
versant cubital de façon à éviter un rideau cicatriciel unissant
la peau au nerf médian. La grande majorité des auteurs a abandonné l’endoneurolyse tout comme la neurolyse systématique
de la branche motrice, et la synovectomie reste d’indication
discutée dans la forme idiopathique. Seule l’ouverture classique permet l’exploration du canal, contenant et contenu. Des
douleurs cicatricielles de la paume, des douleurs latérales thénariennes et hypothénariennes, une perte de force, la pression
des impératifs professionnels et une mode médiatisant la chirurgie mini-invasive sont à l’origine de l’apparition des techniques endoscopiques, avec Okutsu au Japon, Agee et Chow
aux États-Unis.
Une récupération plus rapide de la force, des douleurs de la
paume plus discrètes et une reprise plus précoce de l’activité
professionnelle ont été un puissant moteur du développement
de cette chirurgie endoscopique (10-13). La technique avec
double voie, de Chow, nécessite une période d’apprentissage
pavée de complications parfois gravissimes allant de la section du médian ou de ses branches à celle de l’arcade palmaire
superficielle (0,3 à 20 % selon l’entraînement des opérateurs).
Cela provient essentiellement du fait que l’endoscope est introduit en distal au niveau de la paume et le couteau en proximal
au niveau du poignet, ce qui rend le contrôle visuel difficile et
intermittent. Elle nécessite, en outre, une hyperextension du
poignet (difficile, voire impossible chez le sujet âgé), et expose
à deux pièges : une issue trop proximale de la canule au niveau
de la paume, avec section incomplète du ligament, ou une issue
trop distale, avec lésion de l’arcade artérielle superficielle ou
de l’anastomose nerveuse entre le médian et le cubital. Ces
24
Figure 2. Patient opéré d’une maladie de Dupuytren et simultanément
d’un syndrome d’un canal carpien en endoscopie (technique d’Agee).
risques et complications l’ont fait condamner par l’Académie
française de chirurgie.
En revanche, la technique dite “uniportale” (car ne comportant qu’une seule ouverture antébrachiale) d’Agee (10) permet, par son incision unique de 1 cm au niveau de l’avant-bras
(figure 2), une parfaite et constante vision coaxiale du ligament annulaire antérieur du carpe lors de sa section ; une séparation franche des deux berges témoigne de la libération complète. Vingt-quatre heures après l’opération, un simple bracelet
est mis en place, et l’utilisation de la main est autorisée, sans
limitation.
Cette technique demande un strict respect des contre-indications (tableau II) et une exécution rigoureuse. Notre étude
comparative de la récupération de la force après section simple
à ciel ouvert, réfection par plastie du ligament et technique
d’Agee a montré une diminution plus limitée et une récupération plus rapide et plus complète après endoscopie (13).
Tableau II. Contre-indications à la chirurgie endoscopique
du syndrome du canal carpien.
Contre-indications absolues :
- Formes motrices isolées (suggérant une branche
motrice intraligamentaire).
- Atrophie thénarienne avec trouble de l’opposition
et présence d’un petit palmaire permettant de rétablir
l’opposition par un transfert de Camitz.
- Canal carpien aigu (chondrocalcinose, thrombose
de l’artère du nerf médian, goutte ou pseudo-goutte,
hémophilie, anticoagulation...).
- Pathologie synoviale (PR, amyloïdose, infection
mycobactérienne...) ou tumorale associée.
- Mauvaise visibilité.
- Interventions itératives.
.../...
La Lettre du Rhumatologue - n° 256 - novembre 1999
Quant aux mini-incisions, elles font figure “d’endoscopie du
pauvre”, sacrifiant la sécurité sur l’hôtel de la mode, et souffrant des inconvénients de l’endoscopie sans en avoir les
avantages.
RÉSULTATS À MOYEN ET LONG TERME
DU SYNDROME DU CANAL CARPIEN OPÉRÉ
La libération chirurgicale du canal carpien a la réputation d’offrir aux patients d’excellents résultats. Phalen, en 1970, déclarait, après 21 ans d’expérience : “Je suis réellement convaincu
que peu d’interventions sont autant couronnées de succès que
la chirurgie du syndrome du canal carpien, récompensant et
patient et chirurgien”. Cependant, si l’on regarde les différentes études à long terme après chirurgie classique du canal
carpien, on s’aperçoit que 19 à 57 % des patients présentent
encore ou à nouveau des signes parmi ceux présents avant l’intervention (14, 15). Kulick (16), étudiant une série de
100 patients opérés par la technique conventionnelle, retrouve,
avec un recul moyen de 4 ans, 25 % de paresthésies résiduelles
dans le territoire du nerf médian. Vingt et un de ces 25 patients
présentaient un “facteur de risque” tel qu’une obésité, une
polyarthrite rhumatoïde, une arthrose, un diabète ou une hypothyroïdie. Haupt (17), qui annonce 86 % de bons résultats avec
5,5 ans de recul moyen, inclut 15 % d’améliorations qualifiées
de légères, et il ne compte que 26 % de guérisons complètes.
C’est Nancollas (15) qui affiche la série la plus inquiétante :
sur 60 mains opérées, 57 % des patients ont une récidive des
symptômes (35 % de paresthésies) avec un recul moyen de
deux ans.
La Lettre du Rhumatologue - n° 256 - novembre 1999
La deuxième étude, effectuée par Erhard, porte sur les premières 95 mains (86 patients) traitées par la technique d’Agee.
Deux mains ont été éliminées du fait d’une conversion à une
ouverture classique. Il n’y a pas eu d’autres complications (en
dehors d’une algodystrophie). La force de serrage, un mois
après l’opération, est diminuée en moyenne de 6,8 %
(± 32,2 %) par rapport aux valeurs préopératoires, et augmente
de 7,1 % (± 41,4 %) dès le deuxième mois, de 9,4 % (± 36 %)
au troisième mois et de 20,2 % (± 42,7 %) au sixième mois.
Le travail est repris en moyenne 13,4 jours après l’intervention. Avec un recul de 4,5 ans, les patients ont été interrogés
par questionnaire, et seuls ceux présentant une symptomatologie résiduelle inexpliquée ont été convoqués. Soixante-douze
pour cent des mains sont asymptomatiques et, pour 94 % des
mains opérées, l’utilisation est qualifiée par le patient de “normale”. Dix-sept (15 patients) des 27 mains symptomatiques
ont pu être examinées. Pour 9 mains (9 patients), l’amélioration postopératoire est incomplète (en moyenne 6,7 sur un
score de 10 points), et pour 8 mains (7 patients), la symptomatologie est réapparue (après un délai moyen de 3,8 ans). Il
est possible, dans la majorité des cas, d’évoquer une cause
expliquant la symptomatologie (autre pathologie, compression cubitale, polyneuropathie, myélopathie cervicale, arthrose
cervicale). La majorité de ces patients avaient été informés en
préopératoire de la possibilité d’une disparition incomplète
des symptômes. Nous ne déplorons aucune récidive vraie ou
réintervention.
CONCLUSION
Le syndrome du canal carpien, le plus fréquent des syndromes
canalaires, continue à être un sujet de controverse dans sa
pathogénie, son diagnostic et son traitement. Le diagnostic cli25
T R A U M A T I Q U E
N O N
M A I N
Outre les travailleurs manuels et les sportifs, l’endoscopie
trouve une place importante chez les personnes âgées, et
notamment celles qui utilisent une canne. Il reste à évoquer le
problème économique que soulève l’endoscopie et à s’interroger sur son avenir en France, étant donné le coût du matériel à usage unique, non remboursé par la Sécurité sociale.
L A
- Femme de petite stature présentant une fragilité nerveuse (polyneuropathie, diabète...), du fait du risque
d’hyperpression lors de l’introduction du matériel
(aucun cas noté dans notre expérience de 776 SCC traités par la technique d’Agee).
D E
- Sujet jeune avec SCC unilatéral (en l’absence
d’imagerie préopératoire).
Dans la première étude (19), Buch-Jaeger enquête par téléphone ou par courrier auprès de 125 patients opérés par le
même chirurgien d’un syndrome du canal carpien (145 mains)
afin d’évaluer leur degré de satisfaction, avec un recul moyen
de 50 mois et des extrêmes allant de 2 ans à 15 ans. Cent
patients avec 116 mains opérées (80 %) se déclarent satisfaits
du résultat obtenu, mais 25 patients avec 29 mains opérées
(20 %) se plaignent de fréquentes paresthésies et ne se considèrent qu’incomplètement soulagés par l’intervention. Pour
16 mains (11 %) chez 15 patients, une pathologie associée
explique la persistance de paresthésies. Pour 11 mains (7 %)
chez 8 patients, ces paresthésies demeurent cependant inexpliquées, alors qu’il s’agit dans plus de la moitié des cas de
formes modérées de syndrome du canal carpien à l’examen
électromyographique préopératoire (vitesse de conduction
autour de 45 m/s).
C H I R U R G I E
Contre-indications relatives :
Nous avons effectué deux études, l’une globale, une autre centrée sur les résultats de la chirurgie endoscopique et une dernière sur l’amélioration des activités quotidiennes.
L A
.../...
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nique repose sur l’interrogatoire et un examen clinique soigneux du patient. Une survenue récente autorise la mise en
place d’une attelle de repos nocturne et une modification des
activités manuelles. En cas d’échec du traitement conservateur ou en cas de forme sévère, le traitement chirurgical s’impose après un bilan électrologique confirmant le diagnostic et
recherchant une pathologie associée. L’endoscopie se présente
comme une alternative à l’ouverture classique et améliore les
délais de réinsertion socio-professionnelle. L’endoscopie,
comme l’ouverture classique, demande une technique rigoureuse afin de se mettre à l’abri de complications. Les résultats
sont, dans l’ensemble, bons et prévisibles.
"
R
É F É R E N C E S
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AUTOQUESTIONNAIRE
b. de 50 à 60 %
la Conférence de consensus sur le syndrome du canal
carpien ?
a. avant une infiltration ou la mise en place d’une attelle
c. avant une intervention chirurgicale ou en cas de SCC
reconnu en maladie professionnelle
c. de 70 à 80 %
2. L’attelle de repos nocturne permet une amélioration
jugée suffisante par le patient, avec un recul de trois
ans, dans un pourcentage
c. de 80 à 90 %
19. Buch-Jaeger N., Stutzmann-Simon S., Jesel M., Foucher G. Efficacité clinique
à moyen et long terme du traitement chirurgical du syndrome du canal carpien.
La Main 1998 ; 3 (3) : 195-201.
b. avant une infiltration dans le cas d’un SCC reconnu en
maladie professionnelle
a. de 30 à 40 %
b. de 50 à 70 %
18. De Stefano F., Nordstrom D.L., Vierkant R.A. Long-term symptom outcomes
of carpal tunnel syndrome and its treatment. J Hand Surg 1997 ; 22A : 200-10.
C
FM 3. Quel(s) est (sont) le(s) cas où l’EMG a été conseillé par
1. Si l’on fait le bilan de l’efficacité de l’infiltration de
corticoïde dans les séries publiées, quel est le taux d’efficacité à moyen terme ?
a. de 30 à 50 %
17. Haupt W.F., Wintzer G., Schop A., Löttgen J., Pawlick G. Long-term results of
carpal tunnel decompression. J Hand Surg 1994 ; 18B : 471-4.
4. La chirurgie endoscopique du canal carpien
a. est toujours possible et sans risque, quelle que soit la
technique
b. a des contre-indications et des risques
c. est plus sûre par deux voies (Chow) que par voie antébrachiale pure (Agee)
L A
Réponses : 1. a ; 2. c ; 3. c ; 4. b.
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La Lettre du Rhumatologue - n° 256 - novembre 1999

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