New York Dolls - JUKEBOX MAGAZINE

Transcription

New York Dolls - JUKEBOX MAGAZINE
ohn Genzale (guitare, chant, ex-Johnny & The
Jaywalkers, Rain, Reign), Ronald Mizrahi alias
Sylvain Sylvain (guitare, chant) et Billy Murcia
(batterie), deux ex-Pox, grandissent dans le
Queens. Ils partagent un loft sur Chrystie Street à
New York, utilisant la cuisine pour des répétitions
(payantes) face à un public de dealers en devenir
et de jeunes prostituées. Ils louent ensuite le local
du Rusty Beanie’s Cycle Shop, situé dans Manhattan, où ils ont leurs habitudes au Nobody’s
Bar. John Genzale, alors bassiste, connaît de vue
Arthur Kane Jr (ex-Group Image) et George Fedorcik alias Rick Rivets, tous deux guitaristes, et
leur propose une rencontre. Après deux heures
de répétition, Arthur offre à John d’échanger leurs
postes respectifs dans l’intérêt général ! La première mouture des New York Dolls, constituée
autour de Syl Sylvain (guitare, chant), John Genzale (guitare), Billy Murcia (batterie), Arthur Kane
(basse) et Rick Rivets (chant, guitare), connue en
tant qu’Actress, n’a jamais réellement utilisé ce
nom. Quand Sylvain part travailler dans la confection à Londres, il laisse les commandes à John qui
prend de l’assurance et devient Johnny Volume
puis Johnny Thunders en hommage à un personnage de bande dessinée. Le 10 octobre 1971,
Rick Rivets enregistre « That’s Poison », « I Am
Confronted » (inclus sur le double CD « Manhattan Mayhem », Jungle, 2003, avec les maquettes
de 1972-73, le live à RTL 1974), ainsi que « It’s
Too Late », « Oh Dot », « I’m A Boy, I’m A Girl »,
« Coconut Grove », « Take Me To The Party » et
« Why Am I Alone » pendant une répétition. Bien
qu’il soit capable de chanter, Johnny Thunders
préfère concentrer son énergie sur sa guitare. Un
proche de la famille Murcia oriente le gang vers
David Roger Johansen, un chanteur-harmoniciste, qui habite comme lui au East 6th Street.
Avantagé par une ressemblance physique avec
Mick Jagger, David s’est fait la voix avec les Vagabond Missionaries puis Fast Eddie & The Electric Japs. Il a le don d’écrire des paroles au vitriol.
Les New York Dolls sont sollicités pour animer
une fête de Noël à l’Endicott Hotel, un refuge pour
les sans-abri. Ce public insolite oublie sa misère
en dansant sur un mélange de rock et de R&B
copieusement électrifié. Ces débuts laborieux ne
conviennent pas à Rick Rivets, sceptique quant à
l’avenir du gang. Ses retards et ses absences aux
répétitions sont sanctionnés par son remplacement par Syl Sylvain enfin de retour. Celui-ci
constate que ses complices se sont baptisés les
New York Dolls avec David et Johnny installés
aux commandes. Le 29 mai 1972, ils s’exhibent
pour la deuxième fois au Palm Room de l’hôtel Diplomat lors de l’Invitation beyond the valley. Sur
l’affiche de ce spectacle, organisé conjointement
avec l’équipe d’Andy Warhol, figurent l’actrice
Jackie Curtis et Shaker, une formation dont le batteur Jerry Nolan fait forte impression sur Billy
Murcia.
J
Décadents
Dans l’ensemble plutôt hétéros, les Dolls n’hésitent pas à porter des vêtements de filles pour
s’assurer le soutien de l’influent Andy Warhol et
de sa coterie, sensibles à ce genre d’initiative. Les
deux concerts suivants ont pour théâtre un établissement de bains équivoque de Brooklyn toujours avec Jackie Curtis. Début juin, ils commencent une longue série de shows au Mercer Arts
Center de Broadway où ils volent la vedette aux
Magic Tramps en tête d’affiche. Le public est aux
anges, à un point tel qu’une seconde prestation
est programmée cette fois à l’Oscar Wilde Room.
Depuis qu’ils se sont emparés d’instruments vendus par des receleurs, les Dolls, sérieusement
équipés, cherchent des engagements dans des
clubs réputés. Le 13 juin, ils donnent le premier
d’une série de spectacles chaque mardi, pendant
17 semaines, à l’Oscar Wilde Room, dans un
contexte scénique valorisant. Un article élogieux
avec un commentaire encourageant de Lou Reed
dans Interview, le magazine d’Andy Warhol, attire
des célébrités et des professionnels à leurs
concerts. Excité par la rumeur, Marty Thau, sur le
point de quitter Paramount, rencontre les Dolls et,
subjugué, devient leur manager. Il les recommande à Steve Leber et David Krebs, deux imprésarios aux multiples références. Peter Jordan,
12
New York Dolls
Glamour Toujours
Tels les cavaliers de l’apocalypse propulsés par la déferlante du rock
décadent d’Alice Cooper, T.Rex et David Bowie, mais en poussant encore
plus loin l’outrage et la provocation, les New York Dolls veulent ramener
le rock à sa fonction première : prendre du bon temps ! Ils réhabilitent
les chansons courtes, simples, faites pour danser, quand la tendance
est aux prestations instrumentales démesurées, aux solos de batterie
interminables. Comme les Rolling Stones avant eux, ils puisent sans
vergogne dans la musique noire, la plus apte à exprimer leur sensibilité.
Ils raffolent de l’ambiance trouble des titres des Shangri-Las, de ces
comptines morbides pour adolescents tourmentés à qui ils s’identifient.
un musicien avec une expérience solide, est recruté pour s’occuper du son ainsi que Tony Machine chargé du matériel. Dans le Melody Maker,
un reportage, de leur correspondant new-yorkais,
attire les fans de rock anglais sur un univers qui
suscite leur enthousiasme. Au début de l’été,
Marty Thau envoie ses protégés au studio Blue
Rock pour une séance. Il en résulte une bande de
démonstration baptisée plus tard The Mercer St.
sessions, publiée par ROIR en tant que « Lipstick
Killers » en 1981. En juin 1972, trop confiants, les
Dolls signent un contrat les liant à vie avec Leber
et Krebs. Ils sont programmés dans des clubs de
New York, au Max’s Kansas City, au Coventry
dans le Queens, au Kenny Castaways à Manhattan... Leur passage au Mr. D’s de Long Island, un
bouge lié à la pègre, dégénère en bagarre générale. A cette époque, David Bowie, star au
Royaume-Uni mais inconnu aux USA, élabore
une stratégie de conquête et fait preuve d’un vif
intérêt pour les New York Dolls. Installé à l’hôtel
Plaza, il traîne avec Billy Murcia. Sans l’approcher
de trop près, Bowie étudie la faune des quartiers
mal famés. La popularité des Dolls est énorme. Ils
sont choyés par la presse spécialisée mais l’industrie du disque, fascinée, reste sur ses gardes.
Steve Leber passe un accord avec un promoteur
londonien qui accepte de s’occuper des Dolls
sous réserve qu’ils enregistrent quelques titres
pour lui.
Voyage tragique
En octobre, à peine arrivés en Angleterre, ils investissent le studio Escape de Smarden, dans le
Kent, pour finaliser « Personality Crisis », « Looking For A Kiss », « Subway Train » et « Bad
Girl », produits par Miki Dallon, publiés en 1982
en maxi puis en 1985 sur l’album « After The
Storm », couplé avec les Sex Pistols. A Londres,
ils donnent un concert au Speakeasy devant la
presse rock locale et John Entwistle des Who. Le
26 octobre 1972, ils ouvrent pour les Groundhogs
à l’Alhambra Rock de Birmingham. Conséquence
directe de l’article du Melody Maker, les Dolls
sont sollicités pour assurer la première partie de
la tournée anglaise de Rod Stewart avec les
Faces. Le 29 octobre, leur concert à Wembley,
avec les Pink Fairies, attire 8 000 spectateurs pas
tous enthousiasmés par leur exhibition. Kit Lambert, de Track et manager des Who, les invite à
une soirée où les Dolls croisent Keith Moon et le
musicien et producteur Speedy Keene. Track est
intéressé par les Dolls, en concurrence avec les
labels progressifs Charisma et Virgin, qui débute
alors. Pour eux c’est Alice au pays des merveilles!
Même Mick Jagger se déplace pour les voir à
l’Imperial College de Londres avec Status Quo.
Le 4 novembre, les Dolls chauffent la salle pour
Argent au Mile End Sundown, à l’est de Londres,
avant de partir pour Liverpool où ils doivent ouvrir
pour Lou Reed au Stadium. Ce dernier, ne supportant pas une concurrence dangereuse, menace l’organisateur de ne pas venir s’ils se produisent avant lui. Cette annulation gâche leur plaisir de séjourner dans la ville sanctuaire de la british invasion. Le 7 novembre, alors que les Dolls
se préparent pour une prestation au Hard Rock
de Manchester avec Roxy Music, Billy Murcia est
retrouvé mort dans une baignoire. La cause officielle du décès est la noyade après un abus d’alcool et de Mandrax. En dépit des rumeurs tenaces, l’autopsie du défunt ne révèle pas de
traces de substances illicites. Marthy Thau, pour
éviter un possible scandale, renvoie au plus vite
ses protégés à New York où ils recrutent, après
audition, l’expérimenté Jerry Nolan (ex-Suzy Quatro, Wayne County) pour remplacer Billy Murcia.
Jerry, admirateur de Gene Krupa, le batteur qui
joue sans plier les poignets, aime les belles
fringues. Fan des Dolls, il connaît le répertoire par
cœur et leur apporte le zeste de professionnalisme qui leur manque. En plus de son élégance
naturelle, Jerry Nolan a l’exacte attitude ! Le 19
décembre 1972 les New York Dolls nouvelle formule débutent au Sean O’Casey Theater. Le 30
janvier 1973, leur prestation au Kenny’s Castaways
fait le bonheur d’un responsable de Mercury qui les
recommande chaudement à sa direction. Le 11 février, ils jouent en vedettes lors d’une exhibition au
Mercer Arts Center avec Queen Elizabeth, Suicide,
Eric Emerson et les Magic Tramps. Bob Gruen, un
photographe aux solides références, s’attache à
leurs pas. Le 20 mars, grâce à Marthy Thau, les
Dolls signent avec Mercury et reçoivent 25000 dollars d’avance pour deux 33 tours.
Premier album
Ils pensent d’abord à Phil Spector comme producteur, puis demandent à David Bowie, Jerry
Leiber et Mike Stoller, envisagent Roy Wood.
C’est finalement à Todd Rundgren qu’incombe la
délicate tâche de restituer sur vinyle leur son inimitable. Enregistré au Record Plant dans des
conditions chaotiques et mixé en moins d’une semaine, l’album « The New York Dolls », en juillet,
déçoit quelque peu ses auteurs. En particulier
Johnny Thunders qui est persuadé que sa guitare
manque de pêche. Un simple avec pochette,
« Trash », mono et stéréo, est publié aux USA
pour les professionnels. L’édition du commerce,
« Trash »/« Personality Crisis », ne remporte pas
le succès escompté. « Jet Boy » et « Vietnamese
Baby » sont choisis pour la Grande-Bretagne tandis que Mercury réalise une deuxième tentative
avec « Personality Crisis » en simple promo. Il
n’empêche que les autres titres (« Looking For A
Kiss », « Lonely Planet Boy », « Frankenstein »,
« Bad Girl », « Subway Train », « Pills » et « Private
World ») ne manquent pas d’attrait. Après un gala
au Tiger Stadium de Massilon, Ohio, en première