espace solidarite habitat droits des occupants

Transcription

espace solidarite habitat droits des occupants
ESPACE SOLIDARITE HABITAT
DROITS DES OCCUPANTS
Prévention des expulsions locatives pour congé ou
sans droit ni titre
BILAN 2012
L'Espace
Solidarité
Habitat
(ESH),
établissement de la Fondation Abbé Pierre,
est un lieu d'accès aux droits pour un
public mal-logé de la région parisienne.
A ce jour, ses principales missions sont :
La prévention des expulsions locatives
pour impayés ;
La prévention des expulsions locatives
pour congé ou sans droit ni titre;
L’accès aux droits des occupants en
logements indignes ou indécents ;
La protection des occupants en hôtels
meublés ;
La lutte contre les discriminations ;
L'aide à la recherche d’un nouveau
logement.
Dans le cadre du Secteur « Droit des occupants », l’Espace
Solidarité Habitat a, en 2012, suivi et accompagné 264
ménages (locataires ou occupants du parc privé) afin qu’ils
puissent faire valoir leurs droits :
-
-
123 ménages avaient reçu un congé ;
29 ménages étaient sans droit ni titre (suite au
départ/décès du propriétaire ou du locataire en titre,
victimes d’une escroquerie au bail ou entrés et installés
dans le logement sans autorisation du propriétaire.
53 ménages avaient été déclarés expulsables par
une décision de justice;
59 ménages rencontraient un autre problème de
droit au logement (quittances non reçues, contestation
des régularisations de charges abusives ou de
l’augmentation du loyer, expulsion sans procédure…).
40% des ménages sont suivis depuis plus d’un an.
Au delà du respect des procédures et des droits des locataires ou occupants, un des objectifs poursuivis
par l’ESH est d’obtenir le maintien voire parfois la réintégration dans les lieux (après une mise à la porte
sans procédure par exemple). Le maintien dans les lieux est possible en cas de congé contestable, en
cas d’une requalification du bail (du meublé en vide avec un bail qui passe de un à trois ans) ou en cas
d’un transfert du bail possible.
Si juridiquement le maintien n’est plus possible ou difficile, l’objectif est d’obtenir des délais pour permettre
à l’occupant de trouver une autre solution. Des délais peuvent être demandés et obtenus devant le Juge
de l’Exécution (JEX). Il est également possible pour ces situations de saisir la Commission de
Coordination des Actions de Préventions des Expulsions de Paris (CCAPEX) et/ou d’alerter le Haut
Comité pour le Logement des Personnes Défavorisées lorsque le ménage est reconnu prioritaire DALO.
Bilan ESH / 2012 / Droits des occupants
1
LES MENAGES AYANT RECUS UN CONGE
En 2012, l’ESH a accompagné 123 ménages qui avaient reçu un congé. Dans 43% des cas, il
s’agissait de congés pour vente, la reprise était évoquée comme motif pour 37% des ménages
suivis, les autres motifs de congés visaient 20% des personnes rencontrées.
Sur l’ensemble des congés, après analyse par un juriste, 57 % sont jugés valides, 31%
contestables et 9% nuls.
Lorsque le congé nous paraît contestable ou nul, un courrier est envoyé au bailleur. Cette démarche peut
permettre d’éviter le déclenchement de la procédure par le propriétaire et la poursuite du contrat de
location. Il est à noter que seulement 17% des ménages suivis à l’ESH en 2012 et ayant reçu un congé
ont été finalement assignés en validation de congé. Dans ce cas là, l’ESH transmet les éléments de
contestation à un avocat du réseau.
Madame K a un bail meublé. Elle a reçu deux congés pour reprise en 2008 et en 2011. Elle a été
assignée en validation du congé le 29 mai 2012. Un jugement du 29 juin 2012 déclare nul le congé et
requalifie le bail meublé en vide du fait que l’inventaire des meubles a été signé uniquement par une des
deux parties et que les meubles figurant sur le contrat de bail n’étaient pas suffisants pour la vie courante.
Le bail de Mme est donc reconduit pour une durée de trois ans.
Monsieur Z. est locataire d'un logement dans le privé. Il a reçu un congé pour vente en 2011. Il est
assigné en octobre 2012 en validation de ce congé. Par un jugement du 13 novembre 2012, le juge
déclare la nullité du congé du fait de l’incertitude sur le prix d’acquisition de l’immeuble, voire l’inclusion
dans ce prix de frais supplémentaires et indus pour le locataire. Le bail est donc reconduit jusqu’en 2014.
Lorsque le congé nous semble valide, il est conseillé au locataire d’étudier toutes les pistes possibles pour
trouver un autre logement avant, si possible, une validation du congé par le juge. Même si les congés
validés par un juge amènent de fait à la résiliation du bail, parfois le juge accorde des délais aux ménages
pour quitter les lieux (notamment ceux ayant fait preuve de multiples démarches pour trouver un autre
logement et ayant toujours payé leur loyer). Ces délais concernent 36% des décisions obtenues pour des
ménages suivis à l’ESH en 2012 et s’étalent de 3 à 12 mois.
Il n’est pas rare que les ménages ayant du quitter leur logement après avoir reçu un congé pour vente ou
reprise, retournent sur les lieux quelques mois après leur départ et constatent que la vente n’a pas eu lieu
ou que le logement est de nouveau loué alors que le propriétaire avait affirmé le reprendre pour y habiter.
Il faudrait pouvoir renforcer le contrôle sur les congés pour vente par le biais d’un contrôle à posteriori sur
la taxe foncière et renforcer le contrôle des congés pour reprise par le biais d’un contrôle à posteriori sur
la taxe d’habitation.
LES MENAGES OCCUPANT SANS DROIT NI TITRE UN LOGEMENT
Les ménages sans droit ni titre suivis par l’ESH ont souvent été hébergés avec ou sans cohabitation par
un tiers, qui a ensuite abandonné le logement. Ils espèrent alors pouvoir s’y maintenir. L’ESH peut suivre
également des ménages victimes d’une escroquerie au bail (signature d’un bail avec un « faux bailleur »)
ou titulaires d’un bail saisonnier, faute d’autre solution.
Dans ces situations, il est quasiment impossible d’obtenir le maintien dans les lieux à partir du moment où
une procédure est engagée. Le ménage est donc informé par l’ESH qu’il va sûrement être contraint de
quitter les lieux et qu’il doit rechercher sans délai un autre logement tout en essayant de gagner du temps
par des demandes de délais au juge qui est amené à prononcer l’expulsion puis au juge de l’exécution,
mais les chances de succès sont minces. A ce stade de la procédure, il est important de travailler en lien
Bilan ESH / 2012 / Droits des occupants
2
avec le travailleur social du ménage pour accompagner la famille au mieux dans sa recherche d’un
logement.
Monsieur T. vit avec sa femme et ses trois jeunes enfants dans un logement depuis 2006. Il a récupéré le
logement suite à l’abandon du locataire en titre. Le propriétaire est décédé en 2011 et le logement a été
racheté au cours de la même année par le voisin. Monsieur a essayé de négocier avec ce dernier mais
sans succès. Il a été assigné en juin 2012. Le juge a prononcé l'expulsion avec suppression des délais de
deux mois du Commandement de Quitter les Lieux ainsi que de la trêve hivernale.
LES MENAGES EXPULSABLES PAR DECISION DE JUSTICE
Ils ont été locataires en titre et suite à un jugement prononçant la résiliation du bail (en cas de congés
validés ou de non respect d’un échéancier pour régler une dette de loyer…), ils sont donc sans droit ni
titre à partir de la décision de justice et sont restés dans les lieux dans l’attente de trouver une solution de
logement.
En fonction des éléments, l’ESH peut proposer plusieurs actions.
→ Interjeter appel dans le cas où le ménage est dans les délais s’il est juridiquement fondé. Il est à
noter que bien souvent, l’appel n’est pas suspensif et que parfois, même l’occupant qui fait appel
d’une décision peut se voir condamner au paiement d’importants frais de justice si la Cour ne
revient pas sur la première décision. La procédure d’appel est donc toujours à conseiller avec
précaution.
→ Saisir le Juge de l’Exécution (JEX) après le commandement de quitter les lieux pour demander
l’octroi de délais dès lors que son relogement ne peut avoir lieu dans des conditions normales
(art. L. 613-1 et L. 613-2 du CCH). Le juge prendra en compte le paiement du loyer, les
recherches de logement de la famille, la présence d’enfants mineurs dans le ménage, les
éventuels problèmes de santé et la situation financière du ménage (mais aussi du bailleur) pour
éventuellement accorder, au maximum, un an de délais. Même si des délais ont été accordés, ce
n’est pas pour autant que le ménage aura le temps de trouver une solution de relogement avant
la fin des délais et de l’expulsion. En 2012, seuls 23% des ménages suivis par l’ESH ont pu
obtenir des délais devant le JEX ; les délais obtenus sont en moyenne de 6 mois.
Le JEX accorde à Monsieur K. un délai de 6 mois à compter de la décision pour quitter les lieux
au regard de la bonne volonté de Monsieur pour s'acquitter dans la limite de ses facultés
économiques du paiement de son indemnité d'occupation, de ses démarches de relogement en
cours (renouvellement de sa demande HLM depuis 2001 et recours DALO déposé en juin 2012)
ainsi qu'au regard de sa situation personnelle fragile. Monsieur avait été condamné en avril 2010
à régler sa dette de 9294 euros sur 24 mensualités, échéancier qu'il n'avait pas pu respecter.
Compte tenu de la situation de Monsieur P. (invalidité, état psychologique, inscription comme
demandeur de logement et éligibilité Dalo, paiement de l'indemnité d'occupation), le JEX accorde
en mars 2012, un délai d’un an, en mentionnant expressément la recommandation de la
CCAPEX.
Il est intéressant de noter que le juge de l’exécution peut accorder des délais qui n’avaient pas été
accordés dans la décision ayant ordonné l’expulsion.
Madame S. est locataire d’une résidence étudiante, elle est assignée en référé pour quitter son
logement car elle ne remplit plus les conditions pour y habiter. En avril 2012, le bail est résilié et le
juge n'accorde pas de délais. Au regard de sa preuve de bonne volonté dans l'exécution de ses
obligations (indemnités payées), de sa situation économique et familiale fragile, de sa recherche
Bilan ESH / 2012 / Droits des occupants
3
d'un logement (demande en mairie datant de 2008, Action Logement en 2012 et DALO favorable
depuis janvier 2012), le JEX lui accorde neuf mois de délais.
→ Saisir la CCAPEX et/ou alerter le Haut Comité pour le Logement des Personnes Défavorisées
En fin de procédure, l’ESH peut saisir directement ou conseiller à un occupant de demander à son
travailleur social de saisir la Commission de Coordination des Actions de Prévention des
Expulsions de Paris (CCAPEX) afin d’essayer de trouver une solution. L’ESH a présenté 76 des
186 dossiers examinés lors des commissions de mai 2011 à juin 2012.
Lorsque les ménages sont reconnus prioritaires DALO, l’ESH envoie une fiche alerte au Haut
Comité pour le Logement des Personnes Défavorisées afin de dénoncer l’incohérence d’expulser
les personnes alors que la Préfecture est dans l’obligation de les reloger dans le cadre du DALO.
L’ESH a envoyé une cinquantaine de fiches en 2012.
→ Négocier avec les services de la Préfecture de Police
En dernier recours, l’ESH signale directement la situation auprès du service Expulsion de la
Préfecture de Police pour tenter de retarder le concours de la force publique et, en fonction de la
période de l’année, de permettre au ménage de bénéficier de la trêve hivernale.
LES MENAGES MIS ILLEGALEMENT A LA PORTE DE LEUR LOGEMENT
En 2012, l’ESH a suivi et accompagné dans leurs démarches quelques ménages qui ont été mis à la
porte de leur résidence principale manu militari. Il s’agit alors de permettre la réintégration dans les lieux
(souvent par un référé d’heure à heure) ou d’obtenir des dommages et intérêts en raison du préjudice subi
car souvent le bailleur a déjà installé un autre ménage dans le logement pour bloquer la procédure de
réintégration. Ces procédures en référé d’heure à heure nécessitent une forte mobilisation des avocats du
réseau.
Monsieur E. avait reçu un congé en avril 2011. Profitant de son absence, son propriétaire change les
serrures début décembre 2011. Un référé d’heure à d’heure a été mis en place immédiatement. L’avocate
a pu obtenir la réintégration de Monsieur dans les lieux et des dommages et intérêts par une ordonnance
du 22 décembre 2011. Le propriétaire a refusé de rendre les clés à Monsieur et a fait appel. L’avocate a
alors saisi une nouvelle fois le tribunal pour demander le changement de serrure par un huissier, ce que
Monsieur E. a obtenu par une ordonnance du 19 janvier 2012. Malheureusement de nouvelles personnes
sont entrées dans le logement, Monsieur ne peut donc pas le réintégrer. L’avocate saisit une nouvelle
fois le tribunal pour demander de nouveaux dommages et intérêts. Une ordonnance de juillet 2012
condamne le propriétaire à des dommages et intérêts de 3000€. Fin 2012, Mr E. est hébergé chez des
amis et n’a toujours pas perçu les sommes correspondantes.
CONCLUSION
Notre action aux côtés des mal-logés, particulièrement ceux qui sont en difficulté pour rester dans leur
logement, montre la nécessité absolue pour les personnes défavorisées de connaitre leurs droits. Il est
essentiel, pour le public en difficulté d’avoir accès à des lieux de conseil et d’accompagnement en matière
de droit du logement. Trop souvent les locataires pensent, à tort, devoir quitter les lieux rapidement alors
que juridiquement le maintien est possible.
Vous pouvez retrouver le bilan global de l’ESH et de la Mission Ile-de-France ainsi que les autres bilans
détaillés par secteur sur le site internet de la Fondation Abbé Pierre.
Bilan ESH / 2012 / Droits des occupants
4