L`autre dictature
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L`autre dictature
/ Javier Pérez-Siller L’hégémonie des financiers au Mexique sous le Porfiriat L’autre dictature L’HARMATTAN Instituto de Ciencias Sociales y Humanidades, BUAP / L’hégémonie des Financiers au Mexique sous le Porfiriat. L’autre dictature 1.- Mexique – Porfiriat – Histoire Economique et sociale – 1877 – 1911 2.- Finances – Banques – Investissements – Dépenses – Dette publique 3.- Finances publiques – Travaux publics – Budget de l’Etat 4.- Pouvoir économique – Oligarchie – acteurs politiques Illustration en couverture : caricature ―El hombre necesario‖, in El Hijo del Ahuizote, 15 mars 1891, Mexique. Première édition : 2003 ISBN : 2-7475-4308-0 © Javier Pérez-Siller E-mail: [email protected] Internte: www.mexicofrancia.org © Instituto de Ciencias Sociales y Humanidades, BUAP Av. Juan de Palafox y Mendoza 208 75000 Puebla Mexique Tel. (22 2) 229 55 00 ext. 5980 Fax. (22 2) 229 56 81 © L’Harmattan 5-7, rue de l’École Polytechnique 75005 Paris France TABLE DES MATIERES Abréviations......................................................................... 5 INTRODUCTION............................................................. 7 I. LES CONDITIONS DU PROGRES…………........... 11 1. Réduction et modernisation de l’armée, 1867-1884......... 2. La révolution ferroviaire et la crise de 1884.................... 14 29 II. L’HEGEMONIE DES FINANCIERS....................... 55 1. La révolution financière (1884-1896)........................ 2. L’ère des banquiers (1896-1905)............................... 58 87 III. MUTATIONS ET CRISE DU REGIME……........... 113 1. Du libéralisme au dirigisme (1897-1908).................. 2. De la crise financière à la Révolution (1907-1911..... 115 141 CONCLUSION.................................................................. 169 Sources et bibliographie....................................................... Index.................................................................................... Liste des figures et tableaux................................................. Liste des illustrations........................................................... Table des matières................................................................ 177 197 206 206 207 / ABREVIATIONS AGN AMAE AMF BAGN BCM BduM BLM BLT BNM BNF CT DDCD EEP-FT HMM HMM-PVE HMM-RVE HNM HNY HSEL IAI INAH INAP MH SHyCP Archivo General de la Nación (Mexico) Archives du ministère des Affaires étrangères (Paris) Archives du ministère de l'Economie et des Finances (Paris) Bibliothèque de l'AGN (Mexico) Banco Central Mexicano Bibliothèque nationale du Mexique (Mexico) Banco de Londres y Mexico Bibliothèque Lerdo de Tejada (Mexico) Banco Nacional de México Bibliothèque nationale de France Cuentas del Tesoro Federal Diario de los Debates de la Cámara de Diputados Estadísticas Económicas del Porfiriato, Fuerza de trabajo y actividad económica por sectores. Historia Moderna de México Ibid., Porfiriato Vida Económica Ibid., República Restaurada Vida Económica Hémérothèque nationale du Mexique (Mexico) Hémérothèque de New York Hémérothèque du "Stock Exchange" (Londres) Ibero-Amerikanisches-Institut (Berlin) Instituto Nacional de Antropología e Historia Instituto Nacional de Administración Pública Memoria de Hacienda Secretaría de Hacienda y Crédito Público I N T R O D U C T I O N La croissance économique et le développement sont des problématiques qui restent d’actualité pour les pays du Tiers-monde. L'écart qui existe entre ces pays « pauvres » et les pays « riches », et dont l'origine remonte au début de la révolution industrielle, se creuse davantage pendant le XIXe siècle 1. Depuis les premières années de leur indépendance, les anciennes cololnies latinoaméricaines cherchent à s’ajuster et à s’adapter aux besoins de la mondialisation. Elles suivent un modèle de progrès tourné vers l'exportation des matières premières, en échange de technologie, de capitaux et d'articles manufacturés provenant des pays « riches ». Au nom de la compétitivité et du libéralisme, les élites des pays « pauvres » favorisent la modernisation des forces productives et l'exploitation des ressources. Ce faisant, elles adaptent le modèle de progrès aux conditions politiques et sociales de leur pays. Au Mexique, le porfiriat apporte une réponse originale et même exemplaire à ce défi. La période de 1877-1911 captive, en effet, nombre d'historiens, fascinés par l'efficacité de ce régime qui parvient à une croissance économique et une stabilité politique, et dont les empreintes sont visibles encore aujourd'hui. Mais, si l'adaptation du modèle de progrès que réalise le Mexique est un succès, la chute du régime qui en est le promoteur et la Révolution laissent entrevoir de profondes failles. 1 Voir E. Hobsbawm, L'Ere des empires 1875-1914, Paris, Fayard, 1989. 8 / L’autre dictature La Révolution et les années de guerre civile qui se sont ensuivies, 1910-1920, ont été endossées à la seule responsabilité du dictateur « Porfirio Díaz». Les intellectuels ont, ainsi, construit une image de la période, où la personnalité du Général articulait toutes les ficelles du pouvoir. Or, s’il est vrai que Díaz a bel et bien régné, il est également vrai qu’il existait un autre pouvoir qui gouvernait. Il s’agit d’une communauté d’intérêts qui s’est constituée autour de la politique économique de l’État et qui a introduit, voire même fait aboutir, le modèle du progrès. La fiscalité joue un rôle de premier plan dans cette aventure. A la différence des gouvernements de la première moitié du XIXe siècle, l'administration de Porfirio Díaz surmonte, en effet, la crise fiscale chronique qui les affaiblissait. Il ne s'agit pas d'un problème administratif, comptable ou moral, mais de la capacité de la société à couvrir le coût des appareils de l’État 1. Afin d'élargir la richesse sociale, il a fallu appliquer un vaste programme de réformes favorisant le développement de l'économie et instaurer un régime fiscal capable de prélever une partie des revenus sociaux. Lors de l'application de cette réforme, 1867-1896, des rapports se sont établis, des liens se sont tissés entre les différents acteurs sociaux, contribuables ou bénéficiaires de la modernisation, qui ont eu pour conséquence d'asseoir le pouvoir du régime sur des bases sociales solides. C’est alors que commence la croissance économique accélérée et que le pays atteint une certaine modernité. Les Científicos, qui apparaissent au bon moment et au bon endroit, sont au coeur de cette modernité. Leur parcours dévoile le véritable sens de la politique 1 Il s'agit d'un problème de croissance économique et de distribution des revenus. Voir J. Fontana, La quiebra de la monarquía absoluta, 1814-1820, Barcelona, Ariel, 1987. Introduction /9 économique et leur rôle dans le régime. Non seulement, ils dominent pendant plus de trente ans les Commissions parlementaires et contrôlent pendant dix-huit ans le ministère des Finances, mais ils sont encore actifs dans les Conseils d'administration des principales institutions financières. Avec la loi bancaire de 1897, ils brisent le monopole de la Banque Nationale et s'ouvrent, avec la fondation de banques locales dans tout le pays, un champ vierge où, très vite, fleurit l'oligarchie bancaire. Présents dans la banque et les négoces, les Científicos se trouvent, au tournant du siècle, aux commandes des plus grandes et importantes sociétés. Ils exercent un véritable pouvoir sur la politique économique et sur les affaires du Mexique. Mais ils dessinent un but bien précis : moderniser le pays et le faire s’élever parmi les nations « les plus civilisées ». Pour ce faire, ils se lient avec de nombreux investisseurs, nationaux et étrangers, afin de créer une communauté permettant ―l'équilibre entre les divers intérêts‖. Cette communauté regroupe des investisseurs européens, anglais et français, mais aussi les fameux « Barcelonnettes », qui possèdent les grands magasins des principales villes du pays et qui sont actionnaires de grandes usines et de banques. José Y. Limantour, ministre des finances, établit surtout des liens avec les Français. Les banques françaises sont toujours invitées à participer aux emprunts mexicains. En 1911, deux tiers de la dette extérieure mexicaine sont ainsi cotés à la Bourse de Paris, tandis que deux tiers du capital des banques mexicaines sont entre les mains d'investisseurs français et de « Barcelonnettes ». L'alliance entre le régime porfiriste et les intérêts européens est bien solide. Limantour s'appuie sur les Científicos pour gérer le trait d'union avec ses alliés et faire le contrepoids à l'expansion nord-américaine. En mettant à exécution cette politique, qui se trouve au coeur de leur projet de modernisation, les 10 / L’autre dictature Científicos instaurent leur propre dictature, complémentaire de la dictature politique. Le général Díaz garantit, en effet, le pouvoir et sa gestion, fait et défait les alliances, accorde ou refuse les postes aux fidèles, exerce la dictature politique. Il reste que la communauté d’intérêt guidée par les Científicos est bien la maîtresse des affaires. Mais ce qui permet la stabilité du régime engendre aussi sa faiblesse... Basé sur le dépouillement de l'ensemble de la législation produite par le ministère des Finances pendant la période, sur les collections des rapports annuels des ministres (Memorias de Hacienda), les volumineux Comptes de la Trésorerie (Cuentas del Tesoro federal), les brochures et plaquettes officielles, les archives de la Direction centrale du ministère des Finances, ainsi que le Journal des Débats de la Chambre des députés (Diario de los Debates) et divers journaux de l'époque, nationaux et étrangers, ce livre a été enrichi par l’examen détaillé et l’étude minutieuse de la correspondance diplomatique et financière conservée dans les archives françaises. Une masse importante d'informations, complétée par divers travaux, dont nous avons déjà publié la critique 1. A travers l’étude de la fiscalité, de l’utilisation des deniers publics et l’orientation de la politique économique et financière, ce livre dévoile la génèse d’une puissante communauté d’intérêts qui, faisant frein à l’expansion des compagnies nord-américaines, a contribué à la modernité du Mexique et a consolidé la célèbre dictature du général Porfirio Díaz. Voici l’histoire de l’autre dictature... 1 Voir J. Pérez Siller, La fiscalidad: un observatorio para el historiador. Ensayo de historiografía sobre el porfiriato 1867 – 1995, Puebla, ICSyHAleph-París, 1999. LES CONDITIONS DU PROGRÈS Pendant ses cinquante premières années, le pays a vécu de nombreuses guerres civiles et trois interventions étrangères. Les gouvernements n’arrivaient pas à se maintenir. La crise fiscale endémique qui les rendait vulnérables, en était l’une des raisons. Les recettes étaient minces et plus des deux tiers du budget étaient réservés à la guerre. La Réforme fiscale proposa de les réduire afin de favoriser la croissance économique. Il fallait faire face à l’Armée, pilier du pouvoir étatique depuis la Viceroyauté . On observe le Géant de la Paix, avec l’écharpe du Budget de Guerre, en train de dévorer le Trésor National. Le train de la Trésorerie lui amène dans son assiette les impôts et les contributions qui proviennent des entrepôts industriels, agricoles et commerciaux. En bas à gauche, un cuisinier apporte une assiette d’augmentations : il s’agit du Congrès El Hijo del Ahuizote, 1886. Au coeur du « miracle porfiriste », deux processus économiques nouveaux méritent notre attention : la révolution ferroviaire et la révolution financière 1. Ces révolutions modernisent et bouleversent de manière radicale les mécanismes économiques de la société et de l'Etat, nerfs de l'élan économique. Elles trouvent leur fondement dans deux changements politiques déterminants : la modernisation et la réduction de l'armée, ainsi que l'ouverture aux élites d'un champ nouveau du pouvoir (les banques). Or la politique budgétaire et financière qui favorise progressivement ces révolutions et répond aux intérêts des élites porfiristes, est financée par les contribuables. Les élites croient que le développement d'un réseau national de communications (chemins de fer) permettra une meilleure circulation des marchandises et amènera, par conséquent, le progrès et la modernité. Mais le coût d'une telle entreprise ne pouvant être supporté par l'épargne nationale, l'Etat fait appel aux entreprises étrangères et octroie des concessions avantageuses subventionnées par les revenus fiscaux. La crise fiscale séculaire contrecarre cependant ces plans. Aussi l'Etat se voit-il contraint de recourir aux dépenses publiques, de réduire le budget de 1 Nous empruntons ce concept à l'historien Jean Bouvier (Initiation..., op. cit., chapitre IV, pp.67-78). 14 / L’autre dictature l'armée et de chercher des crédits. Les obstacles ne sont pas surmontés pour autant. Il s'avère en effet difficile de rétablir le crédit extérieur, tandis que le système bancaire brille par son absence. Avant de nous pencher sur la révolution financière, il nous faut examiner la manière dont les élites ont réussi à changer la structure budgétaire, car il ne s’agit pas seulement d’un problème administratif mais surtout politique. 1. Réduction et modernisation de l'armée, 1867-1884 L'armée, importante institution durant la période coloniale, devient, avec l'Indépendance et pendant tout le XIXe siècle, un pilier fondamental et déterminant du pouvoir de l'Etat. Jusqu'en 1867, les dépenses militaires absorbent plus de 70 % du budget fédéral. Dans ces conditions, le gouvernement, fragilisé par le déficit fiscal, ne peut adopter une quelconque politique de développement économique. L'aspiration au progrès implique pour les gouvernements la recherche de la paix et la réduction des dépenses militaires. Ce progrès, fondé sur la construction de chemins de fer, conduit à faire des communications un poste essentiel du budget de l'Etat. Ces visées imposent d'importants changements : la révolution ferroviaire est alors précédée d'une révolution politico-militaire dont il convient de rappeler les grandes lignes. Le 21 juin 1867, le général Porfirio Díaz remet la capitale de la République mexicaine entre les mains du président Benito Juárez : il reconnaît, de fait, l'autorité et la légitimité du président et des institutions civiles. Après dix années de guerre contre les conservateurs et l'envahisseur français, le nouveau gouvernement peut enfin proposer des réformes économiques et sociales. Une de ses premières mesures consiste à réduire les effectifs de l'armée, alors Les conditions du progrès /15 composée de plus de quatre-vingt mille hommes 1. José Ma. Iglesias, présentant au Congrès ce délicat projet, déclare : « Le gouvernement espère être bientôt en mesure de réduire les forces armées de la République [...] car il croit qu'une petite armée, bien organisée et disciplinée, pourvue d'armes modernes, sera plus efficace, pour maintenir la tranquillité publique ou pour la rétablir le cas échéant, qu'une troupe plus nombreuse mais mal organisée et mal armée. » 2 Iglesias propose encore la création d'une école militaire afin de « former des officiers dignes et aptes », capables de « convertir en soldats les masses du peuple » en cas d'invasion étrangère. Le plus important reste sans aucun doute pour le ministre de réduire les dépenses budgétaires. Il souligne ainsi : « Les sommes que nous économiserons, si nous parvenons à cette réduction, pourront être employées, pour le meilleur profit du pays, à l'encouragement de l'immigration étrangère, à la construction de chemins de fer et aux travaux publics. Ce qui nous permettra d'accéder rapidement à la prospérité et au bien-être que nous souhaitons tous. » 3 Les députés sont gagnés d'avance car ils voient dans le progrès économique une condition du maintien de la paix et de l'ordre, et dans l'armée une puissance concurrente et turbulente. Les militaires, en revanche, sont réticents. C'est pourquoi, avant de lancer une telle offensive, le président 1 Les ministres de l'époque parlent de 100 000 hommes, mais Bernardo Reyes avance le chiffre de 65 000 (voir « Les militaires », in Le Mexique, son évolution sociale, p.426). 2 MH 1868, janvier, p.13. 3 Id. 16 / L’autre dictature Juárez réunit une « Junte » de généraux afin de discuter les modalités de cette politique. Ceux-ci acceptent le licenciement d'une partie des soldats et des officiers et s'engagent à contenir le mécontentement. C'est donc un pacte d'honneur entre les combattants de la liberté et les juaristes républicains. Les troupes sont alors regroupées en cinq zones et les commandements confiés aux plus prestigieux généraux (Alejandro García, Mariano Escobedo, Ramón Corona, Diego Alvarez et Porfirio Díaz 1). La réduction des effectifs est immédiate, comme l'illustre le tableau suivant, extrait du rapport annuel du ministre de la guerre, le général Ignacio Mejía 2 : Tableau 1 REDUCTION DES EFFECTIFS DE L'ARMEE (1867-1869) 1867 (a) 1867 (b) 1868 1869 Troupe Sous-officiers Officiers Généraux 46 952 3 681 624 19 18 852 1 186 260 9 17 128 1 075 219 9 15 408 1 101 264 9 TOTAL 51 276 (*) 20 307 18 431 15 766 Source : Memoria de la Secretaría de Guerra y Marina, 1869. (a) Août 1867 ; (b) Décembre 1867 ; (*) Les soldats qui se trouvent dans diverses garnisons (trente mille) ne sont pas pris en compte. Plus des deux tiers de l'armée sont licenciés, soit plus de trente mille soldats, mille cinq cents sous-officiers et dix généraux. Notons que ces chiffres sont inférieurs à la 1 Porfirio Díaz est nommé à la tête de la seconde zone militaire, mais il se retire dans son « hacienda » de La Noria et est remplacé par le général Ignacio Alatorre. 2 Ignacio Mejía est ministre de la guerre des gouvernements de Juárez et de Lerdo de Tejada (de 1867 à 1876). Les conditions du progrès /17 réalité car ils ne tiennent pas compte des soldats en poste dans des garnisons de moindre importance, auxquels le plan du gouvernement ne reconnaît pas les droits d'anciens combattants. Ce plan a de fâcheuses conséquences du fait du nombre et de la nature des troupes licenciées. Celles-ci formaient en effet une armée improvisée qui a combattu les conservateurs et l'intervention française, une armée de maquisards, de « guerrilleros », composée de paysans sans terre et d'hommes illettrés et comptant peu d'hommes d'armes (hormis quelques célèbres officiers). Après dix ans de guerre, ces soldats ont perdu tout contact avec la société civile : ils ne connaissent que l'armée, tandis que les structures économiques du Mexique ne leur offrent guère de perspective d'insertion. La situation est d'autant plus dangereuse que la défaite de l'Empire a mis au chômage de nombreux soldats et officiers des troupes impériales, des hommes prêts à reprendre les armes à la première occasion. Le respect – voire la vénération – des militaires pour le président Juárez aide au maintien d'un fragile équilibre. Cet équilibre est vite rompu. En premier lieu, par les soulèvements de San Luis Potosí et de Zacatecas (1870), que le gouvernement parvient à réprimer 1, puis par la révolte de « La Noria » (janvier 1872), dirigée par les généraux Porfirio Díaz et Gerónimo Treviño, qui est autrement plus violente et difficile à combattre. Le manifeste de ce mouvement, hostile à la réélection de Juárez et réclamant le respect de la Constitution de 1857, lance alors : « qu'aucun citoyen ne s'impose ni ne s'éternise dans l'exercice du pouvoir et celle-ci sera la dernière 1 En 1869, Ignacio Mejía signale qu'« en réalité aucun corps d'armée n'a cessé d'être en action pendant les vingt-sept mois du gouvernement » (Memoria de Guerra, 1869, p.24.). De son côté, l'historien Luis González dénombre 49 mois pendant lesquels les gouvernements de la « République restaurée » (qui compte 112 mois d'existence) ont suspendu les garanties individuelles afin de maîtriser les soulèvements (« El liberalismo triunfante », p.925). Malgré la volonté des gouvernements de Juarez et de Lerdo de Tejada, de 1867 à 1876, de réduire l’Armée, ils durent faire face à de nombreux soulèvements et rébellions qui les obligèrent à renforcer les corps armés, à modifier des lois et à suspendre les garanties individuelles. Etat d’exception qui dura 44 mois sur les 112 vécus par la République restaurée. Ouvertement en faveur de Díaz, le caricaturiste Villasana critique ces pratiques à travers son dessin : en haut, les ministres corrompent les libertés avec de l’argent, tandis que les insurgés de San Luis, Queretaro et de Jalisco le font avec les armes. La liberté est braquée par leurs lances… La Orquesta, 12 de febrero de 1873. Les conditions du progrès /19 révolution » 1. Si les troupes fidèles réussissent à contenir ce soulèvement, c'est surtout la mort subite de Juárez, en juillet 1872, qui désamorce le conflit. Le président Lerdo de Tejada, qui lui succède, décrète aussitôt une amnistie générale, mais, bien que considéré comme un fonctionnaire dévoué et brillant, il ne jouit pas auprès des militaires du même prestige que le légendaire Juárez. On se souvient, de plus, que son gouvernement est incapable d'apporter des solutions à la crise minière, d'alléger le déficit fiscal et de faire face à l'agitation de l'Eglise contre les nouvelles lois laïques. Lerdo n'a pas tiré les leçons des soulèvements, ni mesuré la montée en puissance des porfiristes et leur soif de pouvoir. Il se contente de doter les militaires d'armes nouvelles 2 et d'assurer ses arrières en désignant des généraux fidèles au commandement des régions rebelles (Fuero dans le Nuevo León et Coahuila, Ceballos dans l'Etat de Jalisco). Puis il impose sa réélection. Aussitôt, le général Díaz brandit le drapeau de la révolte avec la proclamation du « Plan de Tuxtepec » (janvier 1876) qualifiant les élections de frauduleuses et proposant d'inclure dans la Constitution le principe de « nonréélection du Président et des gouverneurs » 3. De plus, le gouvernement, déjà fragilisé, est encore divisé par l'attitude du ministre de la Justice, José Ma. Iglesias, qui n'accepte pas la réélection de Lerdo et qui, dès les premiers affrontements armés, se proclame président provisoire. Avec la victoire à Tecoac (Tlaxcala) des généraux Porfirio Díaz et Manuel González sur les troupes fidèles au gouvernement Lerdo de Tejada (16 novembre 1876), « la Révolution de Tuxtepec » chasse du pouvoir les civils, 1 Voir le manifeste dans F. Madero, La sucesión presidencial en 1910, pp.96104. 2 Notamment de fusils et de carabines Remington. Voir B. Reyes, « Les militaires », op. cit. 3 On trouvera le texte intégral et commenté du Plan de Tuxtepec ainsi que les réformes de Palo Blanco dans F. Madero, op. cit., pp.111-115. 20 / L’autre dictature traités de « bureaucrates » incapables, et place le pays dans la dictature qui va demeurer jusqu'à la Révolution 1. Tecoac marque le début du règne long et sans partage de Porfirio Díaz 2. Si cette longévité s'explique en partie en termes politiques, on ne peut ignorer le programme économique et social du régime. Il est vrai que, dès son arrivée au gouvernement, Díaz désarme habilement ses opposants et neutralise les prestigieux « hommes d'armes » susceptibles de lui faire obstacle. Il est vrai également que ses ambitions ne l'aveuglent pas et qu'il cherche la concertation, crée un large « consensus » et choisit d'appliquer, selon les mots de Francisco Bulnes, « le minimum de terreur et le maximum de bienveillance » 3. Que le régime soit ou non une dictature éclairée, modérée ou répressive ne suffit pas à en expliquer la longévité 4. Il doit être reconsidéré à la lumière des effets sociaux de sa politique, de l'oeuvre accomplie, d'un programme apparemment « neutre » ayant pour devise « paix, ordre et progrès » et pour conséquence la légitimation du pouvoir. De même que la politique fiscale, la réorganisation de l'armée est une pièce maîtresse de cette pratique du pouvoir. A la différence de ses prédécesseurs, le général Díaz connaît parfaitement le fonctionnement et la composition de l'armée. Il sait qu'il ne pourra garantir la paix dans le pays sans contrôler étroitement les militaires. 1 A ce propos, F. Madero écrit : « Le gouvernement constitutionnel qui existait après 1857 fut remplacé par une dictature militaire, dirigée depuis, excepté durant une brève interruption, par le général Díaz » (op. cit., p.120). 2 Afin de préparer son retour, Díaz laisse la présidence, pendant la période 18801884, à son compère le général Manuel González, mais demeure dans la direction des affaires politiques. Cette période, nous le verrons, est synonyme de continuité. 3 La plupart des historiens du Porfiriat admirent l'habileté de Díaz à se défaire de ses concurrents politiques, caciques régionaux ou généraux prestigieux, et à créer un grand parti. Voir F. Bulnes, El verdadero Díaz y la Revolución, ou l'ouvrage plus récent de F.X. Guerra, Le Mexique... 4 D'autres auteurs choisissent de qualifier la politique de Díaz par deux mots : « pain et bâton ». Les conditions du progrès /21 En conséquence, il se propose de former une armée fidèle aux institutions, au régime, voire à sa personne. Au lieu d'utiliser l'instrument budgétaire comme Juárez et Lerdo, Díaz choisit de réformer de l'intérieur le corps militaire et d'incorporer dans l'armée fédérale les troupes régionales ainsi qu'une infime partie des anciennes troupes impériales. En 1878, le journal porfiriste La Voz del ejército 1 annonce le projet présenté au Congrès par le sénateur Antonio Moreno. Cette initiative inaugure une longue suite de mesures (prises sur cinq ans) qui vont asseoir la modernisation de l'armée et assurer le contrôle de Díaz sur ces forces répressives. En 1879, l'Assemblée crée un corps spécial (présidé par le général Manuel González, alors ministre de la Guerre), chargé de conduire ce processus. Plusieurs lois sont alors promulguées, dont celle dite d'« Organisation de l'armée » (1881) qui décide du nombre de soldats, du système de recrutement, de l'emplacement des troupes sur le territoire et des attributions des commandements 2. Cette loi a pour but fondamental d'atomiser l'armée et d'ôter tout pouvoir de décision aux généraux et au ministre de la Guerre. Au lieu de cinq zones ayant chacune un commandement 3, le pays est désormais divisé en onze zones militaires dotées chacune de cinq directions. Le chef de zone ou de direction ne doit pas être né dans l'Etat où il prend ses fonctions. De plus, il ne prend pas ses ordres du ministre mais dépend désormais du Président, qui le nomme et le déplace tous les deux ans 4. Les avantages sont évidents : les chefs sont 1 Ce journal est le porte-parole des porfiristes durant la réforme militaire. Il est remplacé en 1884 par le journal Periódico militar, dirigé par le ministère de l'armée. 2 Voir le décret du 28 juin 1881, « Organización definitiva del ejército », in Dublán y Lozano, op. cit., T.XIV, pp.883-934, ainsi que le premier rapport présidentiel de Manuel González, in La Hacienda pública..., p.30. 3 La loi du 4 décembre 1867 avait établi cinq zones militaires. 4 Voir l'article XXV de la loi, alinéas 3 et 4. 22 / L’autre dictature détachés de leurs troupes tandis que le Président place ses fidèles et limite le pouvoir du ministre de la Guerre, second personnage de l'Etat. A cela s'ajoute une autre réforme importante : la création du « Corps d'Administration militaire » (1881), rattaché à la Trésorerie et chargé du budget de l'armée, autrefois géré par le commandement 1. Cette disposition, que le général González justifie par la volonté d'obtenir une « unité de direction », annule en réalité le pouvoir économique tant des chefs militaires que du ministère de la Guerre, qui deviennent dépendants de l'Exécutif ou du ministère des Finances 2. D'autres mesures sont également prises pour prévenir ou anéantir tout soulèvement dans les régions. D'une part, la loi change le mode de répartition de l'armement qui ne dépendra plus des gouverneurs des Etats mais du ministère de la Guerre. D'autre part, le Président pourra, en cas de révolte, réunir les chefs d'une ou de plusieurs zones afin de réprimer les rebelles. Enfin, la loi confie le commandement des corps de la Police rurale et de la Garde nationale des Etats aux chefs de l'armée fédérale et non aux gouverneurs des Etats. La centralisation est ainsi complète : le Président de la République contrôle tous les rouages du pouvoir militaire du pays. La réforme la plus profonde et la plus durable concerne l'éducation des troupes, la formation des élites militaires et l'adoption d'un Code moral. Il s'agit de changer la mentalité des troupes, de former des cadres modernes, instruits, 1 Décret du 30 juin 1881, in Dublán y Lozano, op. cit., T.XIV, pp.935-937. Voir aussi l'historique de ce corps in MH 1884-1885, pp.26-29. 2 González argumente : « Afin d'apprécier dans toute son importance l'origine des graves préjudices dont souffraient l'armée et le Trésor national, il suffit de rappeler que les caissiers des corps armés recevaient en même temps des ordres des ministères de la Guerre et des Finances, de la Trésorerie, des généraux en chef de division ou de brigade et même des officiers des corps. Il est donc facile de comprendre qu'avec un tel système il n'y avait pas d'unité de direction et que les caissiers étaient exposés à de lourdes responsabilités » (M. González, Manifiesto que en los últimos días de su período constitucional..., p.131). Les conditions du progrès /23 nourris des idéaux républicains, inspirés par l'amour de la patrie et surtout par un nouveau concept de loyauté. Le soldat ne doit ainsi plus être fidèle à des individus, à des « caudillos », mais à des institutions, à la Constitution représentée par le Président. Chaque caserne est dotée d'une école primaire, initiative bien accueillie par les soldats illettrés, tandis que l'Ecole militaire de Chapultepec est réformée pour dispenser un enseignement de haut niveau à l'élite militaire du porfiriat 1. La première génération des nouveaux cadres sort de l'Ecole à la fin du gouvernement de Manuel González ; une génération prête à remplacer les anciens « hommes d'armes » au moment précis de la première réélection de Díaz... La réforme éducative et l'adoption d'un Code moral sont complétées par l'institution d'un Tribunal de justice militaire chargé de surveiller et de punir toute infraction au nouveau concept de loyauté défini par le Code militaire. Selon les mots de Manuel González, cette justice a permis d'écarter de l'armée les individus « qui ne sont pas dignes du ministère que la Nation leur a confié... » 2. La modernisation passe enfin par le renouvellement de l'armement, acheté aux Etats-Unis, en France ou en Allemagne et donnant lieu à des démonstrations lors des traditionnels défilés militaires du 5 mai. Des usines sont ouvertes, notamment celle de dynamite de Santa Fé ou celle de matériel léger de Molino del Rey, tandis que l'usine nationale d'armement de la citadelle est modernisée 3 ; ce qui permet de faire des économies tout en assurant une certaine autonomie. Les armées régionales et le pouvoir des caciques demeurent un problème important. Aux dires de Francisco 1 Les nouveaux programmes de l'Ecole entrent en vigueur le 1er janvier 1883. Sur les qualités nouvelles de Chapultepec, on verra le texte de propagande de Miguel de Zayas Enríquez, présenté à l'Exposition universelle des Etats-Unis de 1898, Los Estados Unidos Mexicanos..., pp.230-231. 2 M. González, Manifiesto, p.129. 3 Voir Ibid., p.131. 24 / L’autre dictature Bulnes, la stratégie du président Díaz est, entre 1877 et 1884, la « patience » ; ce qui consiste à promouvoir d'abord certains « hommes d'armes » -les plus gênants- aux postes de gouverneurs, à les inviter à s'enrichir grâce aux travaux publics et aux concessions, puis à exiger d'eux, à la fin de leur mandat, l'application de la devise du Plan de Tuxtepec (la « non-réélection »), à les remplacer par des fidèles et à licencier, enfin, leur armée 1. A la fin des années 1880, les troupes des Etats, estimées à vingt-deux mille hommes, n'existent plus 2. Rappelons enfin l'existence d'un corps d'armée dévoué au Président : les fameux « Rurales », ancienne police rurale créée pendant la Réforme afin de maintenir l'ordre sur les routes et dans les campagnes. Les « Rurales », qui formaient le bras armé de l'Etat lors de la confiscation des biens de l'Eglise et des communautés indiennes, comptaient mille hommes en 1867, lorsqu'ils reprirent le combat contre les voleurs de grand chemin. Avec la venue au pouvoir de Díaz, ils prennent une importance particulière. Ce dernier incorpore, en effet, ses fidèles « soulevés » à Tuxtepec dans les « Rurales », dont le nombre augmente de manière notable 3. Le général, 1 Bulnes écrit : « Une fois faits le renouvellement des gouverneurs, en vertu du principe de non-réélection, et leur remplacement par des militaires ou des civils entièrement manipulables, le général Díaz a paternellement dit à ces derniers qu'au lieu de dépenser la plupart des revenus publics en petits soldats (soldaditos), ils devaient employer leur budget de l'armée dans le paiement régulier des employés, l'instruction publique ou les travaux publics. Ce souhait patriotique accepté, les gouverneurs ont licencié leurs armées respectives et ont rendu successivement au « Prince » leur artillerie, leur armement, leurs munitions. Seule l'armée fédérale devait se charger de la paix » (F. Bulnes, El verdadero Díaz... pp.36-37). 2 Dans le même temps, entre 1876 et 1884, l'armée fédérale passe de trente mille à vingt-six mille hommes. Voir Ibid., pp.290-297. 3 Francisco Bulnes affirme que les « Rurales » comptaient 6 500 hommes entre 1877 et 1884, puis qu’ils furent réduits à 2 700 en 1890. De son côté, P. Vanderwood avance les chiffres de 900 à 1 300 en 1876, 1 781 en 1881 et 2 700 vers la fin du Porfiriat. Il est certain que Vanderwood ne tient pas compte des « Rurales » de Tamaulipas, corps de 3 500 hommes qui participe au soulèvement de Tuxtepec. Voir F. Bulnes, El verdadero Díaz..., pp.290-297, et P. Vanderwood, Los Rurales mexicanos, pp.49-51. Les conditions du progrès /25 désireux de disposer d'une force armée indépendante des militaires, réforme l'organisation des « Rurales ». Ceux-ci sont ainsi rattachés au ministère de l'Intérieur, par le règlement décrété en 1880, tandis que leurs attributions sont accrues 1. Les « Rurales » continuent toutefois d'assurer la sécurité des convois commerciaux sur les routes menant à la capitale, d'où leur réputation auprès des étrangers 2. Ils deviennent très vite une légende et un symbole de la dictature. Certes, ils tiennent à distance les brigands, grâce, notamment, à la fameuse ley fuga autorisant l'exécution de tout prisonnier qui tente de s'enfuir 3. Mais ils sont aussi chargés de réprimer le mécontentement social, de libérer les terrains miniers ou en friche pour les remettre aux nouveaux propriétaires, de surveiller le comportement des ouvriers dans les usines, de soutenir, dans les régions, les fidèles du gouvernement central, de déporter les indiens Yaquis et Mayas dans les camps de travail (du Yucatán ou Valle Nacional), d'enrôler par la force (la leva) des hommes pour l'armée 4. Si les « Rurales », peu nombreux il est vrai, ne sont pas tout à fait efficaces contre le banditisme, ils rassurent, en revanche, les propriétaires miniers, les « hacendados », les fabricants et les commerçants nationaux ou étrangers, et forment 1 Voir l'article 1er du décret du 24 juin 1880, « Reglamento para el servicio de la Policía rural », in Dublán y Lozano, op. cit., T.XIV, pp.308-318. 2 Tandis qu'aux Etats-Unis on les compare volontiers aux « Rangers » du Texas, l'ambassadeur de France évoque les mousquetaires d'Ancien Régime (voir AMAE, CP V73, lettre de G. de Coutouly à MAE, 6 mai 1885). 3 Beaucoup de récits de voyages parus en France entre 1862 et 1910 consacrent quelques lignes à vanter les mérites de ces hommes, défenseurs des voyageurs et du commerce (voir J. Pérez Siller, « L'image du Mexique dans l'historiographie française... »). Quant à la ley fuga, l'ambassadeur de France écrit à son propos : « La « ley fuga » bien appliquée est d'ailleurs un admirable moyen de se débarrasser des personnalités gênantes : on transfère un prisonnier politique d'une ville à une autre et, pendant le trajet, en rase campagne, on le fusille sous le fallacieux prétexte qu'il aurait pu prendre la fuite » (AMAE, CP V72, lettre de De La Marlière à MAE, 16 août 1884). 4 Voir P.J. Vanderwood, Los Rurales mexicanos, et L. González y González, HMM-RVS, pp.351-354. Entre 1867 et 1886, pour moderniser l’Armée, des écoles, un nouveau Code militaire sont créés, l’administration des ressources est réformée, les troupes sont organisées en zones militaires, dont les chefs sont nommés par le Président. Parallèlement, dans le but de lutter contre les voleurs et les brigands, et d’assurer la sécurité des chemins, Porfirio Díaz organise, à partir de 1877, un corps d’élite, les Ruraux (« Rurarales »), qui ne recevaient ses ordres qu’à travers les Chefs Politiques. Le monopole de l’État en matière de violence s’étend à tout le pays, cependant les abus contre les paysans et les indigènes sont plus fréquents. Examinons le Chef politique enfonçant la dague des garanties individuelles dans l’homme qui représente la citoyenneté. El Ahuizote Jacobino, 19 novembre 1905. Les conditions du progrès /27 « surtout une police de caractère politique dont l'objet était de défendre et de renforcer la dictature » 1. En contrôlant toutes les forces armées du pays et en créant deux véritables forces armées institutionnelles, le général Díaz affermit son pouvoir. Il rencontre cependant d'importantes difficultés pour imposer la pax porfiriana et se heurte aux caciques locaux. Les mandats de Díaz (18761880) et de González (1880-1884) ont été émaillés de conflits politiques et militaires, dans les Etats de Veracruz, Durango, Coahuila, Tlaxcala, Jalisco, Sonora, Zacatecas, Guanajuato et Tabasco, conflits dans lesquels sont intervenus le Sénat, l'armée fédérale et les « Rurales », parfois de manière tragique 2. La chasse aux opposants est une pratique courante, surtout sous l'administration du général González 3. Une fois acquis le « consensus » et la paix, la première réélection de Díaz apparaît, nous l'avons vu, comme un acte « providentiel ». Par la suite, l'organisation des forces de répression ne connaît pas de changements notables, le gouvernement ne réalisant que des remaniements et des mises à jour des lois 4. Quelle importance ont ces pratiques du pouvoir pour les finances publiques ? Tant Iglesias et Romero que Díaz et González ont conçu la réduction des dépenses militaires comme un moyen d'orienter le budget vers le développement des communications et la construction des chemins de fer, chère aux aspirations libérales de progrès. 1 2 P. Vanderwood, op. cit., p.83. Voir les analyses de F. Bulnes, op. cit, pp.30-37, l'article de L. González, « El liberalismo triunfante », HMM-PVP, ou le livre de F.X. Guerra, Le Mexique de l'Ancien Régime à la Révolution. 3 Voir la version officielle de ces « conflits » dans le rapport présidentiel de Manuel González (Manifiesto.., pp.26-30). 4 Dont, à la fin du XIXe siècle, le Code militaire (1895), la loi de procédure pénale dans le domaine militaire (1897), le Code de justice militaire (1899), la nouvelle loi d'organisation de l'armée (1900), la division de l'armée en dix zones, trois commandements et neuf préfectures (1901). Voir HMM-PVS, p.964, ainsi que A. Hernández, « Les officiers de l'armée fédérale : crise politique et défaite militaire : 1876-1914 ». 28 / L’autre dictature La « révolution » politico-militaire accomplie par Díaz se traduit par l'instauration de la pax porfiriana et la réduction de la part du budget de l'armée et des « Rurales » dans les dépenses publiques. Le tableau suivant illustre la nouvelle donne : Tableau 2 BUDGET DE L'ARMEE ET DES « RURALES » (1867-1911) (milliers de pesos déflationés, 1877-1892 = 100) Périodes 1867-1872 1873-1875 1877-1880 1881-1884 1885-1896 1897-1911 Armée « Rurales » (moyenne) (moyenne) 8 244 9 976 (*) 9 918 10 996 8 828 8 617 456 441 718 904 770 858 budget % 48,5 50,0 48,1 30,7 23,2 22,2 Présidents Benito Juárez Lerdo de Tejada Porfirio Díaz ManuelGonzález Porfirio Díaz Porfirio Díaz Sources : MH 1868-1869, El Erario federal et Cuentas del Tesoro. (*) Nous excluons l'année 1875-1876 car les dépenses entraînées par le soulèvement de Tuxtepec sont incluses dans le budget fédéral 1. Le montant moyen du budget de la guerre n'est plus prédominant mais reste pratiquement stable, sauf sous l'administration de Manuel González durant laquelle la réorganisation et la modernisation de l'armée demandent un financement plus important. Pendant l'ère des Científicos, il se réduit légèrement, bien qu'entre 1906 et 1911 il passe de 8,9 à 11,9 millions de pesos 2. Quant au budget des 1 Une fois au pouvoir, les « Tuxtepecanos » ont inclus dans le budget fédéral le coût du soulèvement. En 1875-1876, le budget de guerre s'élève ainsi à 14,6 millions de pesos, soit 76,4 % des dépenses fédérales. Voir les tableaux en annexe. 2 Si cette tendance donne l'image d'une certaine érosion des forces répressives avant la Révolution, elle n'autorise pas cependant à expliquer, comme le fait F. Les conditions du progrès /29 « Rurales », il augmente dès la venue de Díaz et, surtout, sous la présidence de González, puis dans les années précédant la Révolution (leur budget atteint 1,2 millions de pesos), une attention que justifie leur caractère de milice politique, soutien du régime. Dans le même temps, la part des forces répressives dans le budget fédéral est réduite à presque un cinquième du total. La principale réduction s'accomplit pendant l'administration du général Manuel González, donnée paradoxale car le budget absolu augmente. En fait, la pax porfiriana produit déjà ses premiers effets bénéfiques. La dictature s'affermit, les corps répressifs se modernisent sous le contrôle du général Díaz, deviennent des piliers du maintien de la loi et de l'ordre : la confiance renaît, les affaires reprennent, les revenus fiscaux augmentent, il y a davantage d'argent à distribuer. La voie est ouverte au financement du progrès économique. 2. La révolution ferroviaire La révolution ferroviaire -et des travaux publicscommence dans les années 1880, une fois réduit le poids de l'armée dans la structure du budget fédéral. Le régime est fier des réalisations en ce domaine prouvant l'entrée dans la modernité du Mexique, qui a désormais le droit de figurer dans le « concert des nations », d'appartenir au cercle des pays « les plus civilisés de la terre » 1. Le contraste entre le Mexique de 1870 et celui de 1910 est en effet frappant. Le nombre de kilomètres de rails en exploitation est multiplié par soixante-quinze ; pour les lignes télégraphiques, le Bulnes (partisan de la dictature), la victoire du soulèvement de Madero dont les causes sont plus profondes. Signalons, d'ailleurs, qu'entre 1906 et 1910, le budget militaire en pesos déflationés augmente d'un tiers. 1 Dès la fin des années 1880, ces expressions apparaissent dans les écrits des intellectuels mexicains et même des étrangers. On verra, notamment, le livre de R. Bigot, Le Mexique moderne (1910). 30 / L’autre dictature multiplicateur est de quarante, et de trois mille huit cents pour les lignes téléphoniques. Quant aux bureaux de poste, ils sont six fois plus nombreux. Un développement des communications auquel il faut ajouter la fin des travaux monumentaux d'urbanisation dans les principales villes et de la construction des grands ports du pays 1. Jusqu'aux années 1940, ces infrastructures seront un atout précieux pour l'économie. S'il est vrai que ces progrès spectaculaires s'inscrivent dans la « Belle époque », période propice et généreuse de croissance économique et de modernisation mondiales, il est aussi indéniable qu'au Mexique les élites au pouvoir ont su mener à bien cette entreprise. Ce qui n'était pas chose aisée, les affaires et l'argent drainant des alliances, des clientèles, des concessions et des privilèges - « nécessaires »- qui ont laissé leur empreinte. Le réseau ferroviaire, colonne vertébrale de la réarticulation économique du pays, est sans aucun doute le secteur le plus important de ces programmmes de travaux publics. Il a donné lieu à de nombreuses études 2. Pour notre part, nous insisterons sur les aspects fiscaux et budgétaires de l'entreprise, sur la politique de développement des communications et sur certaines répercussions politiques et sociales. Sans tenir compte du fait que la politique de chaque gouvernement a des traits particuliers, le tableau suivant propose un panorama général du financement des chemins de fer durant notre période et compare les dépenses faites 1 Entre 1870 et 1910, les chemins de fer passent de 331 à 24 681 kilomètres, le télégraphe de 1 874 à 74 254, les bureaux de poste de 478 à 2 971, le téléphone de 12 à 45 570 kilomètres en 1903. Voir D.G. López Rosado, Historia y pensamiento económico de México, T.III, pp.45-87. 2 Voir, en particulier, F. Calderón, « La promoción económica », HMM-RVE, pp.608-742, et « Los ferrocarriles », HMM-PVE, pp.483-624, J.G. Chapman, La construcción del ferrocarril mexicano, J.H. Coatsworth, El impacto de los ferrocarriles..., S.H. Ortiz Lozano, Los ferrocarriles de México, Una visión social y económica, et F. Cordero, La influencia de los ferrocarriles en los cambios económicos y espaciales de México, 1870-1910. Les conditions du progrès /31 dans les communications (la plupart concernant des subventions aux chemins de fer 1), leur part dans le budget fédéral et les kilomètres de rails construits : Tableau 3 DEPENSES DE COMMUNICATIONS ET CHEMINS DE FER FEDERAUX CONSTRUITS (1867-1911) (milliers de pesos déflationés, 1877-1892 = 100) Périodes Dépenses % du budget Extension (*) (moyennes) fédéral (kilomètres) 1867-1872 1873-1876 1877-1880 1881-1884 1885-1896 1897-1911 2 044 1 632 1 477 6 019 4 560 5 487 11,39 7,87 5,76 17,02 11,93 13,04 TOTAL 4 415 12,39 231 128 433 4 658 5 120 8 430 Présidents Benito Juárez Lerdo de Tejada Porfirio Díaz Manuel González Porfirio Díaz Porfirio Díaz 19 008 (**) Sources : MH 1868-1869, El Erario federal, Cuentas del tesoro, F. Calderón, « La promoción económica », HMM-RRVE, p.696, « Los ferrocarriles », HMM-PVE, pp.517-629, J.G. Chapman, La construcción del ferrocarril mexicano, p.147. (*) Rails construits et mis en service pendant la période considérée. (**) Auxquels il faut ajouter 273 kilomètres construits avant 1867. L'attention portée par l'administration de Juárez au développement des communications est remarquable, mais l'importance des investissements dans le domaine ferroviaire doit être relativisée car les chiffres confondent ici tous les travaux publics, dont la reconstruction des 1 Il s'agit des dépenses ordinaires du budget. Or, il faudrait ajouter à celles-ci les subventions dues aux compagnies des chemins de fer qui sont transformées, à trois reprises, en dette publique intérieure. 32 / L’autre dictature routes qui tient une grande place. Toutefois, notons à l'actif de cette administration l'achèvement de la première grande ligne du pays, qui relie Mexico au principal port commercial, Veracruz. Les dépenses diminuent sous les administrations de Lerdo et de Díaz, période pendant laquelle des conflits apparaissent quant à la définition de la politique ferroviaire. Les travaux reprennent avec Díaz et se développent considérablement pendant le gouvernement de Manuel González. C'est durant cette période que se situe le véritable « boom » ferroviaire (plus de mille kilomètres par année), dont le financement atteint 17 % du budget fédéral. Les premières lignes internationales sont installées, la progression des dépenses se stabilise et la construction bénéficie de l'infrastructure déjà existante (le coût d'installation est de moins en moins élevé). Avant l'ère des Científicos, le pays s'est déjà doté des deux tiers du réseau national de 1910. Limantour ne fera que donner une certaine cohérence au réseau, en changeant radicalement la politique budgétaire et la conception du système ferroviaire. Afin de mieux comprendre les enjeux des dépenses en ce domaine et la portée des politiques gouvernementales, rappelons quelques épisodes de la construction des chemins de fer au Mexique. Tout commence en 1837, lorsque le riche commerçant et ancien ministre des Finances, Francisco de Arillaga, obtient une concession pour construire la ligne México-Veracruz. Puis, d'autres concessions sont accordées, notamment aux frères Escandón qui bénéficient d'une subvention de huit millions de pesos en actions garanties par les revenus douaniers. Vers 1861, une trentaine de kilomètres sont déjà en exploitation, mais les guerres de réforme arrêtent les Les conditions du progrès /33 travaux 1. Durant l'intervention française, Antonio Escandón participe à une société anglaise, la Compagnie du Chemin de fer impériale mexicaine, et dirige si activement les travaux qu'à la chute de Maximilien , sur « une oeuvre d'ingénierie monumentale », 205 kilomètres de voies ferrées ont été ouvertes 2. En 1867, le gouvernement républicain débat de la conduite à tenir face à cette compagnie collaborationniste. Contrairement aux prescriptions de la loi de confiscation (frappant les biens des personnes ou des sociétés ayant collaboré avec les autorités impériales), considérant « l'importance de l'oeuvre [...], les grands intérêts impliqués [...] et le crédit du Mexique » 3, le président Juárez décide, le 17 novembre, d'amnistier la compagnie. Ce geste provoque un déluge de critiques sur la politique ferroviaire et sur la conduite du Président, que les porfiristes qualifient d'« autoritarisme présidentiel ». Ces derniers, qui mènent une lutte sourde pour le pouvoir, obligent le gouvernement à soumettre sa décision au Congrès. Pour finir, malgré les oppositions, le gouvernement maintient la concession de la compagnie. La question de fond qui se pose est en réalité de savoir comment financer la poursuite des travaux. Or, le gouvernement n'a pas le choix. Théoriquement, il pourrait compter sur trois sources d'investissements : sur les Européens, les Mexicains ou les Nord-Américains. Les capitalistes européens restent déconcertés par la défaite des Français et n'ont aucune confiance dans le nouveau régime qui n'a pas reconnu les emprunts contractés par Maximilien. Le capital mexicain, assez maigre, doit se consacrer prioritairement à la reconstruction du pays. 1 Les deux premières lignes construites relient, d'une part, Veracruz à El Molino (ligne commerciale) et, d'autre part, Mexico au Sanctuaire de Guadalupe (ligne de pèlerinage religieux...). 2 Voir J.G. Chapman, La construcción del ferrocarril.., p.147. 3 F. Calderón, « La promoción económica », HMM-RVE, p.622. 34 / L’autre dictature Enfin, le capital nord-américain, fortement sollicité sur son propre territoire par les destructions de la guerre civile, pèserait trop lourd sur la souveraineté nationale dans la mesure où il s'agit d'une voie de communication stratégique, unissant la capitale au principal port commercial. Aussi le groupe juariste cherche-t-il à attirer l'épargne anglaise -déjà engagée dans la compagnie- et à séduire afin de rétablir les relations diplomatiques avec les Européens. Avec l'amnistie, le gouvernement gagne de plus la confiance d'importants financiers mexicains ayant collaboré avec l'envahisseur, dont Antonio Escandón, Eustaquio Barrón et J.L. de Abaroa y Uribarren, tous membres de la compagnie 1. Si le Congrès soutient l'attitude inflexible de Juárez, l'opposition, dirigée par Manuel M. de Zamacona, Gabriel Mancera et Manuel Payno, obtient du gouvernement le contrôle sur les tarifs et sur la gestion de la Compagnie 2. Puisque le fisc subventionne les travaux (estimés à 29 661 pesos le kilomètre), les députés demandent en contrepartie l'établissement d'un plafond tarifaire, ainsi que la réduction des frais de transport pour les produits mexicains destinés à l'exportation et au commerce intérieur, pour les troupes et les effets du gouvernement 3. Ils exigent également la surveillance de l'entreprise par l'intermédiaire de fonctionnaires siégeant au Conseil d'administration et au Comité de Londres 4. En fait, le gouvernement, propriétaire de 10 % des actions de la compagnie, dispose de ces droits 5. Le 11 novembre 1868, le gouvernement et la 1 Pour les membres de la Compagnie du chemin de fer impériale mexicaine, voir Assemblée générale extraordinaire du 31 mars 1865 (trad. franç.), AMF/B31.314, pièce 336. 2 Voir la discussion dans F. Calderón, HMM-RVE, pp. 622-654. 3 Voir J.G. Chapman, op. cit., p. 134. 4 Sont nommés, au Conseil d'administration, Juan Mújica et Francisco Zarco, et, à Londres, Manuel Terreros, Luis Manius et Juan N. Adorno. 5 Voir l'étude sur les chemins de fer de Matías Romero, MH 1878-1879, p. 485. Les conditions du progrès /35 compagnie (reconstituée sous le nom de « Chemins de fer mexicains ») signent une convention qui reprend ces points 1, fixe définitivement le montant des subventions et autorise la compagnie à poursuivre les travaux, travaux dont une carte, proposée par Francisco Calderón, permet de suivre la progression (fig.1). Après trois ans de travaux, le président Lerdo de Tejada inaugure la ligne, le 1er janvier 1873, faisant, rapporte-t-on, un voyage idyllique entre Mexico et Veracruz. Les deux centres commerciaux ne sont alors plus séparés que par une journée de train 2. Une fois la ligne Mexico-Veracruz terminée, se pose la question du choix d'une compagnie pour la réalisation d'une ligne reliant la République aux Etats-Unis. Cette question suscite une vive polémique pendant les administrations de Lerdo et de Díaz. Les positions nationalistes de Lerdo de Tejada et sa méfiance vis-à-vis des prétentions nord-américaines sont particulièrement vives face aux sociétés de chemins de fer. La phrase qu'on lui attribue - « entre la force et la faiblesse, conservons le désert »- est proche de la réalité 3. Durant son mandat, diverses compagnies se disputent les concessions de cette nouvelle ligne. En premier lieu, celle de William S. Rosecrans, ancien ambassadeur des Etats-Unis au Mexique (1868-1869) et représentant de la « Union Contract de Pennsylvanie ». Rosecrans est un promoteur actif de « la conquête pacifique ». Il déclare ainsi : « la base idéale de nos relations avec le Mexique est de reconnaître pleinement sa nationalité en envahissant seulement son marché avec nos produits industriels » 4. 1 Les réductions sont les suivantes : 60 % pour les marchandises destinées à l'exportation, 20 % pour celles destinées à l'intérieur et 75 % pour les troupes et les effets du gouvernement (J.G. Chapman, op. cit., p.134). 2 Voir ce qu'en dit J.G. Chapman, op. cit., pp.157-158. 3 P. Macedo, « Travaux publics », in Le Mexique, son évolution..., p.263. 4 Cité par L. González, « El liberalismo triunfante », Historia general de México, p.939. 36 / L’autre dictature Figure 1 : Construction du chemin de fer “Mexicano” (1864 – 1872) Source: F. Calderón Historia Moderna de México : la República Restaurada, p. 610. Les conditions du progrès /37 En 1871, Rosecrans obtient de Juárez une concession pour construire une voie ferrée « interocéanique » devant relier le Golfe du Mexique (Tampico) au Pacifique (San Blas). En 1872, alors que les travaux ne sont pas encore commencés, sa proposition de construire une ligne vers la frontière Nord est rejetée par l'administration de Lerdo. Aussitôt, le général Rosecrans finance une campagne de presse qui tente de séduire le Congrès 1 et souligne dans ses écrits que « le capital américain est indispensable car le crédit mexicain en Europe est nul » 2. Mais le gouvernement de Lerdo ne cède pas et ralentit l'examen du projet par la Commission parlementaire. Dans le même temps, une deuxième société se porte candidate. Il s'agit de la « Compagnie Internationale du Texas », représentée par Edward Lee Plumb, ancien chargé d'affaires de l'ambassade des Etats-Unis au Mexique (1868-1869). Cette compagnie, qui assure la construction d'une ligne au Texas devant « bientôt » atteindre la frontière mexicaine 3, propose alors deux lignes reliant Laredo à San Luis et San Blas et Mexico à Durango. Durant deux ans, les deux compagnies font pression dans la presse et au Congrès. Les uns défendent le général Rosecrans (tels Gabriel Mancera, Matías Romero, l'Association des Architectes), les autres l'« Internationale » (Guillermo Prieto, Manero). 1 Rosecrans est d'autant plus pressant qu'il a déjà signé un contrat, pour la reconnaissance topographique, avec William Palmer (constructeur de la ligne Denver-Rio Grande pendant la guerre civile), « William A. Belle of London » et l'« Union Contract ». 2 Voir W. Rosecrans, México necesita atraerse el capital extranjero para construir sus ferrocarriles y los medios para conseguirlo... (1872) et Actual estado del asunto del ferrocarril interoceánico (1873). 3 Cette compagnie projette de relier Fulton (Arkansas) à San Antonio et Laredo. Elle fusionnera avec la « Houston & Norte Grande Ferrocarril » pour assurer un accès à la côte du Golfe. 38 / L’autre dictature Mais la plupart des députés et des journaux considèrent avec méfiance ou hostilité les deux propositions, le souvenir de la guerre avec les Etats-Unis étant encore vif 1. La suggestion de Lerdo de fusionner les deux compagnies est très bien accueillie par E. Lee Plumb mais rejetée par Rosecrans 2. En fait, Lerdo, craignant d'octroyer une concession à une compagnie fragile, est satisfait de ce refus. Il sait que la nation voisine traverse une crise financière, que les amis du général Grant, président des Etats-Unis, sont impliqués dans un scandale financier au coeur duquel se trouve la compagnie de Rosecrans 3. Aussi cherche-t-il à gagner du temps pour trouver une meilleure solution. Celle-ci se présente à la fin de 1873, lorsqu'un groupe de quatorze commerçants et banquiers mexicains créent la Compagnie mexicaine, dite des « Catorce », et proposent de construire la ligne internationale. On retrouve dans ce groupe des créanciers tels que David Ferguson, Barrón y Forbes, Pedro del Valle, Sebastián Camacho, Esteban Benecke, Antonio de Mier y Celis, Angel Lascurain, Cayetano Rubio et Miguel Rul. Leur offre est très vite acceptée par le Congrès et le contrat signé le 21 novembre 1873 4. L'attribution de la concession, qui fait aussitôt taire les critiques lancées contre Lerdo par le groupe de Rosecrans, est saluée par tous les journaux de la capitale. Ceux-ci engagent le gouvernement à encourager la compagnie des « Catorce » et soulignent les avantages en 1 On peut lire, par exemple, dans le journal La Orquesta du 31 mai 1873 : « Il semble que la voie étroite - largeur de la voie proposée par les compagnies d'aujourd'hui n'est rien de moins que la voie large que les yankees ont toujours empruntée selon leur désir dans la République mexicaine. Nous dirons que le prologue fut le Texas. L'épilogue ne sera pas tout à fait Rosecrans, Palmer, Nelson, etc.... ». 2 « Le gouvernement - déclare Lerdo - n'est pas en mesure d'octroyer deux concessions et de verser deux subventions » (F. Calderón, HMM-RVE, p.734). 3 Voir Cosio Villegas, « Vida política exterior », HMM-RVP, pp.49-50. 4 Voir F. Calderón, op. cit., p.733. Les conditions du progrès /39 cas de litige. De plus, l'initiative des « Catorce » apparaît comme un exemple à suivre, et peut, croit-on, favoriser un climat de confiance parmi les riches commerçants, fabricants, propriétaires miniers et banquiers et avoir une bonne influence sur les affaires économiques du pays. Les discours allant dans ce sens sont nombreux à la Chambre. Le député Ramón G. Guzmán, membre de la commission de l'industrie, se félicite ainsi de cette concession qui permet d'éviter des « pressions économiques et politiques sur le Mexique » et réfute les craintes de voir dans cette nouvelle voie de communication « une porte d'accès facile aux prétentions de conquête des Etats-Unis » 1. Cependant, alors que tout semble aller pour le mieux, la compagnie des « Catorce » laisse passer le délai légal pour faire le dépôt de garantie, sans que l'on sache dans quelles conditions, ce qui entraîne l'annulation du contrat (4 mai 1874). Le manque d'argent ne nous apparaît pas être la cause de ce revirement. Nous savons, nous le verrons plus loin, que ces marchandsbanquiers, qui créeront les principales banques mexicaines, disposent de capitaux conséquents et ont accès au crédit. Il est plus probable que leur attitude soit due aux intimidations des sociétés nord-américaines, les enjeux économiques étant considérables et la lutte pour remporter ce marché acharnée 2. Il reste que les élections présidentielles approchent et que Lerdo, conscient du fait que le début des travaux peut soulager la crise minière et relancer tant l'emploi (notamment des militaires licenciés) que les affaires, doit agir rapidement. En mai 1875, le 1 Voir R.G. Guzmán, Discurso pronunciado por... con motivo del contrato celebrado entre el Ejecutivo de la Unión y la compañía Limitada Mexicana para construir el ferrocarril... 2 Seules des recherches plus approfondies dans ce domaine permettraient de confirmer ou d'infirmer cette hypothèse et de connaître enfin les rapports de force et les stratégies des compagnies ferroviaires concurrentes. On ne peut que regretter que les chercheurs nord-américains, qui disposent de sources de première importance (archives des compagnies et archives diplomatiques), se contentent de puiser dans les sources mexicaines. Le gouvernement de Lerdo de Tejada voyait d’un mauvais œil la concession des lignes de chemin de fer à des compagnies nord américaines. Il se rendait compte qu’il s’agissait là d’un moyen stratégique de contrôler le commerce et de délimiter le développement de l’économie. C’est pourquoi il encouragea la création d’une compagnie mexicaine, « la de los catorce », qui concurrencerait celles des Etats-Unis. Villasna présente ici une allégorie sur le sens de cette dispute entre les compagnies de Plumb et celles de Rosencrans. L’ambassadeur des EtatsUnis dit au ministre mexicain des Travaux publics : « Vous pouvez être sûr que si les rails américains ne rentrent pas, les baïonnettes, elles, rentreront ». Tandis que l’Oncle Sam, souffle pour que les locomotives, avec lur baïonnettes en têt, passent la frontière mexicaine. La Orquesta, 20 de noviembre de 1872. Les conditions du progrès /41 Congrès accorde la concession à la compagnie de Edward Lee Plumb. Selon les termes du contrat, le gouvernement devra payer une subvention de 9,5 mille pesos par kilomètre construit avec 25 % des revenus des douanes de la frontière Nord. Si la compagnie soutient ouvertement le président Lerdo dans le conflit qui l'oppose à Díaz, auquel le groupe de Rosecrans est favorable, elle n'a pas encore commencé les travaux lorsque le soulèvement du Plan de Tuxtepec vient à bout du pouvoir en place. Quelques années plus tard, aux obsèques de Lerdo de Tejada, Francisco Bulnes aura ces mots : « les coups de canon de Tecoac appelaient dix millions de Mexicains à construire dix mille kilomètres de voies ferrées »... 1 L'évocation de ces péripéties révèle deux conceptions différentes de la politique ferroviaire et de ses enjeux. A l'inverse de ses prédécesseurs, pour lesquels le chemin de fer est un service public plus ou moins contrôlé par l'Etat, Díaz conçoit ce moyen de communication comme un service privé, où doit régner la libre entreprise et auquel il accorde la liberté de construction (choix des tracés, de la largeur des voies et des techniques) et d'exploitation (gestion et administration). De son côté, Lerdo veut définir le tracé des lignes et le type de voie (courte ou longue). Il tente, de plus, afin de constituer un service public national, de se rallier le capital du pays. La politique de Díaz va du libéralisme (1879-1896) à l'étatisme (1899-1911), en passant par le clientélisme. Signalons, toutefois, que l'administration Díaz est plus généreuse que les pouvoirs publics des Etats-Unis ou de la France, où la politique ferroviaire consiste à donner les terrains nationaux, à accorder la priorité d'expropriation, à garantir l'émission des bons des compagnies ou à subvenir à divers frais 1 C. Díaz Duffo, Les finances..., op. cit., p.18. 42 / L’autre dictature (remboursés à terme par les compagnies). La construction des voies ferrées a pris du retard au Mexique. Aussi cherche-t-on à attirer les investisseurs en leur offrant divers avantages, notamment en ce qui concerne les mines et les terres en friche, avantages que l'on peut ainsi récapituler : 1. droit d'émission des bons hypothécaires (moitié des actifs) ; 2. droit d'exproprier, avec indemnité, les terrains privés nécessaires à l'installation des voies ; 3. exonération d'impôts sur l'importation des matériels pendant la durée de construction (entre 15 et 20 ans maximum) ; 4. exonération d'impôts sur les capitaux engagés ; 5. droit d'exploitation des terrains nationaux voisins des chantiers afin de se pourvoir en matériel nécessaire ; 6. octroi gratuit des terrains nationaux ou en friche (à une distance de 70m des voies) et de la surface suffisante pour les ateliers et gares ; 7. gisements de minerais, charbon, sel ou marbre trouvés dans les chantiers déclarés propriété de l'entreprise ; 8. subvention, non remboursée par la compagnie (oscillant entre 5 000 et 12 000 pesos), pour chaque kilomètre de voie terminé 1. Les quatre dernières dispositions constituent de véritables cadeaux pour les investisseurs qui, on le sait, possèdent des capitaux dans des sociétés minières et dans le marché foncier. Néanmoins, à l'expiration de la concession (99 ans en général), l'infrastructure (rails, ponts, tunnels, signalisations) devient propriété du gouvernement, qui s'engage à racheter les gares, les ateliers, les locomotives, les fourgons et tout le matériel de la compagnie : la nationalisation est donc prévue à terme dans les contrats. Ce système est appliqué entre 1879 et 1898; auparavant, les 1 Presque tous les contrats de concession ont les mêmes avantages. Seul varie le montant de la subvention. Nous avons pris comme modèle celui du 21 décembre 1877, établi entre la Fédération et le gouvernement de l'Etat de Guanajuato. Voir Dublán y Lozano, op. cit., T.III, pp.395-402. Les conditions du progrès /43 « Tuxtepecanos », à la recherche d'appuis et de légitimité, privilégient le clientélisme qui deviendra pratique courante 1. Avant d'établir les contrats avec les compagnies nord-américaines, Vicente Riva Palacio, ministre du Fomento et des Travaux publics, expérimente un système mixte consistant à accorder les concessions aux gouverneurs des Etats qui, à leur tour, les concèdent aux sociétés privées, ajoutant une subvention locale supplémentaire. Entre 1876 et 1880, des sociétés mexicaines construisent ainsi 227 kilomètres de rails 2. Mais seule la moitié des 28 concessions est mise aux enchères, passant de main en main, avant d'être centralisée par les grandes compagnies, non sans profits 3. Díaz développe cette pratique en faveur de ses fidèles lorsqu'il occupe le ministère du Fomento (1880-1881), une sorte de compensation que le général accorde aux « caudillos » et aux « hommes d'armes », et qui ne sera pas remise en cause 4. Quatre compagnies nord-américaines ont remporté les grands contrats : celles de Sonora 5 et de Tehuantepec 6, la 1 Dans sa période libérale, Díaz ne se contente pas d'octroyer des concessions. Il privatise aussi le Chemin de fer national en vendant les actions appartenant à l'Etat. De plus, il réduit une dette de la compagnie (contentieux opposant Escandón à l'administration Lerdo) de 5 à 1,2 millions de pesos. Enfin, il reprend le paiement de la subvention, un temps interrompu. L'action passe alors de 107 à 149 pesos. Voir J. Chapman, op. cit., p.179. 2 Dont les sociétés de Celaya-León (Guanajuato), Omeotusco-Tulancingo (Hidalgo), Zacatecas-Guadalupe (Zacatecas), México-Cuautla (Morelos), Alvarado-Veracruz (Veracruz), Puebla-Izúcar (Puebla) et Merida-Peto (Yucatán). Voir F. Calderón, « Los ferrocarriles », HMM-PVE, p.500. 3 C'est le cas de la ligne de Hidalgo, vendue à Gabriel Mancera, de celle de San Luis, vendue à la Compagnie du Central, ou de celle de Guaymas-Nogales (Sonora), rachetée par Robert R. Symon. Voir F. Calderón, op. cit., pp.488-502. 4 Voir à ce propos F. Bulnes, El verdadero Díaz... 5 Le chemin de fer de Sonora, où la ligne doit relier Guaymas à Nogales, est octroyé, en 1878, à Robert S. Symon et Sebastián Camacho. En échange d'une participation, Symon et Camacho offrent la concession à la compagnie nordaméricaine du chemin de fer de Santa Fé. Celle-ci contrôle la ligne lorsqu'elle est inaugurée en 1882. En 1905, la compagnie obtient une deuxième concession pour la ligne Alamos-Mazatlán (ouverte en avril 1909). 6 La voie ferrée de Tehuantepec, voie commerciale entre les deux océans, est stratégique. La concession est octroyée à Edward Learned de New York qui, de 44 / L’autre dictature « Centrale » 1 et la « Nationale », cette dernière héritière de l'« Union Contract de Pennsylvanie » du malheureux général Rosecrans 2. Mais le Congrès, qui en conteste les termes, retarde ces concessions, signées par Díaz fin 1877. En 1880, conduite par une nouvelle majorité, l'Assemblée accorde « un vote de confiance » au président, l'autorisant à choisir les concessionnaires 3. Cet épisode illustre deux succès du général. D'une part, le pouvoir de décision qui lui revient lui permet de s'assurer une clientèle. D'autre part, il lie son gouvernement aux entrepreneurs régionaux et aux compagnies nord-américaines. Díaz parvient ainsi à régler les rapports conflictuels entre les intérêts nationaux et l'expansion des Etats-Unis 4. De fait, peu de temps après la signature des contrats, le président nord-américain, R. Hayes, ne fait plus de difficulté pour oublier le coup d'Etat janvier 1878 à août 1882, ne construit que 35 kilomètres. Le général González résilie ce contrat et engage le gouvernement à poursuivre les travaux avec le financier Delfín Sánchez, qui ne réalisera que 108 kilomètres. En 1888, Díaz prend les choses en main. Il fait un emprunt de trois millions de livres sterlings et signe un contrat avec Edward Mc Murdo qui achève la ligne, dont les conditions de sécurité sont déplorables. Enfin, en 1896, Limantour établit un contrat avec la maison de Weetman Pearson, afin de terminer et d'administrer la ligne (qui appartient désormais à l'Etat) et de construire les grands ports de Salina Cruz et Coatzacoalcos. La ligne est mise en service en 1908, avant même l'inauguration du canal de Panamá. Voir A. Aragon, Le trafic international par le Mexique, 1917. 1 « La Centrale », compagnie créée par des hommes d'affaires de Boston (Thomas Nickerson, Levi C. Wade, Georges B. Wilbur, Isaac T. Burr, Charles J. Pain et Thomas Dana), a obtenu la concession octroyée à Robert S. Symon. La ligne doit relier Mexico à El Paso et faire la connexion avec l'« International Railroad du Texas ». La compagnie souscrit un capital de 17 millions de dollars et bénéficie d'une subvention de 9 000 pesos par kilomètre. La ligne Mexico-Ciudad Juárez est inaugurée le 2 avril 1884 (date anniversaire de la victoire du général Díaz sur les Français). 2 La « Nationale », de William J. Palmer et James Sullivan, a débuté avec un capital de 5 millions de dollars. Les membres de la direction sont Walter Hichman, H. Any, J.W. Gilluly, D.C. Dodge, R.H. Lambon et L.K. Bass. La ligne doit relier Mexico à Manzanillo (côte Pacifique) et à Laredo (frontière Nord). La ligne Mexico-Laredo est ouverte en septembre 1888. Voir José, C. Valadés, op. cit., p.351. 3 Voir DDCD 1880, séance du 15 mai, pp.393-394. Voir aussi F. Calderón, « Los ferrocarriles », op. cit. pp.506-514. 4 Matías Romero est la cheville ouvrière des négociations entre les deux pays. Voir son rapport sur les chemins de fer, MH 1878-1879, pp.442-495. Les conditions du progrès /45 de Díaz et reconnaître son gouvernement 1. Avec ce système et une politique libérale de concessions, les compagnies commencent la construction accélérée des voies ferrées. En quatre ans seulement, les villes de Mexico et de New York sont reliées 2. Vers 1896, l'essentiel du réseau national est réalisé (fig.2). Cependant, en 1898, Limantour critique durement cette politique libérale et dresse un bilan qui n'est guère concluant pour l'aménagement du territoire, l'économie régionale, les intérêts fédéraux et le Trésor. Soulignant que « le gouvernement a subordonné ses conceptions, en ce qui concerne le tracé des routes, à celles des entreprises », il dénonce encore le manque d'homogénéité de largeur des voies et du matériel ainsi que le volume très élevé des subventions 3. En fait, le ministre défend une politique ferroviaire et de travaux publics dirigiste, dépassant de loin la conception de Lerdo de Tejada et tendant à mettre en place un service public national, voire nationalisé. Quel est l'impact de la création de ce réseau de chemins de fer ? Les conséquences sont multiples, à court et à long terme. Dès les années 1870, les effets du « bouleversement ferroviaire » sont perceptibles. Le transport de marchandises, qui n'est plus entravé par les conditions climatiques, se développe considérablement, d'autant que les frais diminuent de manière vertigineuse 4. Très vite, le réseau progresse (rapidité, capacité et surtout espace 1 Le 9 avril 1878, quelques mois après la signature des concessions, les EtatsUnis reconnaissent le gouvernement mexicain, mettant ainsi fin à des tergiversations dont s'inquiétaient les diplomates « tuxtepecanos »... 2 L'inauguration du chemin de fer reliant Mexico à New York donne lieu à des cérémonies particulières. Celles-ci sont évoquées de manière pittoresque par l'envoyé spécial du journal Figaro. Voir C. Bertier-Marriot, Un Parisien au Mexique, pp.100 et suiv. 3 Voir MH 1898-1899, document n° 129, pp.401-414. 4 En 1870, sur la voie Mexico-Puebla, on passe de 26 000 tonnes transportées par an à dos de mulet à 79 000, soit trois fois plus, pour des prix qui sont ramenés de 7,27 pesos par tonne à 1,00 peso. Voir F. Calderón, op. cit., p.668. Figure 2 : Evolution du reseau ferroviaire (1880 – 1910) Source: D. Cosío Villegas, Historia Moderna de México, El porfiriato vida económica. Les conditions du progrès /47 géographique desservi) : une véritable révolution, facteur primordial du développement économique. Le professeur John Coatsworth a mesuré l'impact des chemins de fer sur l'économie en calculant les pertes qu'aurait entraînées sa « non existence » 1 (notion d'« épargne sociale »), estimation que Coatsworth situe au minimum entre 11 % et 12 % du produit interne brut et qui, selon lui, devrait, en fait, représenter « la moitié de la productivité de l'économie du porfiriat » 2. Mais cette épargne est distribuée de manière différente selon les secteurs de l'économie et la période considérée. Ainsi, par exemple, entre les années 1885 et 1908, la part des marchandises destinées au commerce intérieur dans l'ensemble du transport commercial baisse de moitié (de 83 % à 48 %), tandis que celle des produits d'exportation triple (de 17 % à 52 %) 3. Ce qui signifie qu'à long terme le chemin de fer promeut plutôt la production d'articles d'exportation que celle de consommation intérieure. Une telle orientation favorise l'activité minière : en 1909, les minerais représentent ainsi plus de 52 % des chargements 4. En fin de compte, le chemin de fer est un moyen puissant permettant de consolider le modèle « minéro-agro-exportateur » proposé par les élites en 1886. Deuxième grande conséquence, l'élargissement du marché, qui entraîne l'intensification des échanges. La réduction du coût de transport engage les producteurs à vendre au loin, mais provoque aussi une plus forte 1 Il s'agit de l'hypothèse de la « New Economic History » que Coatsworth adapte et applique au cas mexicain. Voir El impacto económico de los ferrocarriles en el porfiriato, et « El impacto económico de los ferrocarriles en una economía atrasada », in Los orígenes del atraso, pp.178-208. 2 J. Coatsworth, El impacto económico..., pp.82-98 et p.138, et « El impacto... », p.195. 3 Nous avons établi une moyenne sur le tonnage transporté sur les deux grandes lignes (plus des deux tiers du transport national) cité par J. Coatsworth, El impacto..., Tableau V-I, p.103. 4 Voir Chemins de fer nationaux du Mexique, Premier rapport annuel, 30 juin 1909, trad. française, AMF/B.31.314, pièce 180, p.11. 48 / L’autre dictature concurrence qui joue en faveur des producteurs les plus compétitifs (techniques modernes, bas salaires, accès aux matières premières). Ce sont des effets que l'on a pu constater avec l'exemple d'usines situées à proximité des rails, telles celles de textiles (Orizaba ou Puebla), de tabac (Mexico) ou de bière (Monterrey ou Orizaba). Toutefois, la réduction des coûts de transport permet également une large confrontation entre les différents marchés locaux, qui a finalement raison des douanes intérieures. C'est un élément de plus qui explique la suppression des Alcabalas et la consolidation du marché intérieur. Enfin, le fait que le marché s'élargisse vers l'extérieur, tandis que les échanges s'intensifient en suivant les voies ferrées (dès 1884, vers les Etats-Unis), pose à nouveau le problème de l'interdépendance : à quel point l'intégration de l'économie stimulée par les chemins de fer- répond-elle aux besoins intérieurs ou à la demande extérieure ? Les voies ferrées ont-elles contribué à réussir « la conquête pacifique », comme le voulait le général Rosecrans, à accroître la dépendance, comme l'affirmeront les révolutionnaires ou à instituer un nouveau « pacte colonial », comme le soutiennent les historiens ? Parmi les effets induits par l'établissement du chemin de fer, citons encore la mise en valeur de la terre, son occupation et la nécessité de définir un régime moderne de propriété. La construction des lignes fait monter les prix des terrains et accélère l'appropriation des terres, « à une échelle -écrit Coatsworth- jamais connue depuis la conquête espagnole » 1. Les millions d'hectares de terres échangés, les milliers de titres de mines délivrés et la réforme de la propriété sont autant d'éléments qui conduisent à instaurer un système de grands domaines : l'alliance avec les « seigneurs de la terre » et les sociétés 1 J. Coatsworth, « El impacto económico », op. cit., p.205. Les conditions du progrès /49 minières, piliers du régime, a ici un fondement structurel. Il convient également de souligner les conséquences sociales et politiques de la « révolution ferroviaire » : unification du pays, légitimation du régime, paix sociale. D'une part, le chemin de fer apporte un progrès matériel, un certain bienêtre, qui démontre le bien-fondé du projet économique et légitime les élites gouvernementales 1. D'autre part, il contribue au déplacement de la population, au peuplement des Etats du Nord et au contrôle militaire du territoire (rapidité de mouvement des troupes). Ces deux aspects expliquent en partie le maintien de la paix sociale. Comme l'affirme José C. Valadés, « la politique de la carotte et du bâton (« pan y palo ») n'a pas garanti la paix pendant trente ans, ce fut l'unité d'un Etat national -à laquelle les chemins de fer et le télégraphe ont contribué- qui a rendu possible la tranquillité et l'ordre » 2. Enfin, la mise en valeur de la terre, qui donne des garanties aux investisseurs (notamment dans les mines), et le développement économique (épargne sociale, accélération des échanges, élargissement des marchés, réinvestissement des profits), consécutifs à l'essor du chemin de fer, créent davantage de richesse et de capital, qui facilitent le crédit. Toutes ces conditions, nous le verrons plus loin, ont une incidence primordiale sur la formation d'un secteur financier national. Cette brève analyse ne rend pas compte, cependant, de la manière dont l'innovation technologique est assimilée par la société (dans l'espace, dans le temps et dans les mentalités), ni des effets pervers qu'elle entraîne (accidents meurtriers, faillites des entreprises, déséquilibres régionaux, conflits sociaux...). Nous nous contenterons ici 1 F. Madero écrit ainsi : « La Nation, bercée par le bruit des sifflets du vapeur, éblouie par les multiples et admirables applications de l'électricité, entièrement occupée au développement économique, confiante dans la parole du Caudillo, n'a pas voulu s'occuper de la chose publique » (op. cit., p.155). 2 J.C. Valadés, El porfiriato, p.350. 50 / L’autre dictature de souligner certains problèmes financiers survenus lors des dernières années de l'administration de Manuel González et des premières années de celle de Díaz, problèmes qui vont engendrer une transformation structurelle majeure. Durant cette période -exceptionnellela politique strictement libérale porte ses premiers fruits et le nombre de kilomètres de voies ferrées construits est le plus important de la période (les rails unissent les économies du Mexique et des Etats-Unis). Entre 1880 et 1884, les compagnies ferroviaires posent ainsi plus de 4 500 kilomètres de rails 1. Cette fièvre du chemin de fer et des travaux publics amplifie la ruée vers la terre (dans les Etats de Sonora, Sinaloa, Chihuahua, Durango...) ainsi que les conflits avec les paysans et les indiens (guerre du Yaqui) 2. Surtout, elle « réchauffe l'économie ». Des capitaux arrivent en masse, des milliers de travailleurs sont embauchés, la consommation intérieure et l'achat des biens manufacturés croissent, de même que les importations et les revenus douaniers, pour le plus grand profit du Trésor. Si, durant deux ans, le pays connaît un climat de confiance et de prospérité sans précédent 3, une crise « mercantile et 1 Outre les lignes Guaymas-Nogales (1882) et Mexico-Ciudad Juárez (1884), on entreprend la réalisation d'autres lignes importantes dans le centre du pays, parmi lesquelles la ligne San Luis-Tampico. Le consul français à Tampico écrit à ce propos : « les travaux du chemin de fer de Tampico à San Luis vont, dit-on, commencer en octobre prochain. Ce chemin de fer est tout l'espoir de Tampico, qui pourra alors reprendre le rôle important qu'il avait avant la création du chemin de fer de Vera Cruz » (AMAE/CCC, Tampico, V.3, G. Petit, consul à Tampico, à MAE, 20 avril 1881). 2 Entre 1880 et 1884, le nombre d'hectares de terres en friche vendues est le plus élevé de la période, de même que celui des conflits agraires. Entre 1877 (date de la signature des concessions) et 1884 (achèvement des principaux travaux), on dénombre, à proximité des lignes (de 5 à 200 kilomètres), 55 conflits, liés aux usurpations de terres, plus ou moins graves. On compte ainsi 16 révoltes et 4 répressions par les troupes gouvernementales, sans parler des guerres proprement dites. Voir J. Coatsworth, El impacto económico..., tableaux A-III et A-IV. 3 Les travaux, écrit l'ambassadeur de France, « ont eu pour conséquence immédiate l'importation d'environ 31 millions de dollars américains, qui ont été dépensés à l'intérieur du Mexique [...]. [Ceci est] la cause première du développement subit des transactions commerciales et de l'augmentation des Les conditions du progrès /51 financière » (1883-1886), également sans précédent, interrompt ce processus dès la fin des grands travaux. « La déception a été d'autant plus sensible -écrit le consul français à Tampico- que l'illusion avait été grande » 1. Il s'agit d'une crise de croissance, « un malaise momentané -commente l'ambassadeur de France au Mexique- qui se manifeste toujours dans les époques de transition, quand les progrès se font avec trop de brusquerie » 2. L'arrivée des investissements et la disponibilité des capitaux ont fait baisser les taux d'intérêts, facilité le crédit chez les commerçants et entraîné une fièvre d'achats et de commandes à l'étranger. En revanche, l'arrêt des travaux, qui provoque la fin des investissements, réduit au chômage des milliers de personnes et paralyse les ventes, marque aussi le début d'un flux d'argent liquide vers l'étranger (subventions, équipement, profits) qui draine le stock monétaire, vide les caisses du Trésor et stoppe les échanges commerciaux. L'économie est bloquée 3. Le consul français à Tampico écrit ainsi : « Cette situation est due à l'engouement dont les Mexicains ont été pris pour les grandes entreprises anonymes par actions ; à l'idée exagérée qu'ils s'étaient faite des ressources actuelles du Mexique ; à des subventions trop facilement accordées, qui ont engagé 75 % des revenus du pays ; à la dépréciation de l'argent ; à la malversation des deniers de l'Etat... En quelques mois, 12 300 kilomètres ont été cédés à 8 compagnies de revenus qui en est résultée » (AMAE/CP V72, lettre de G. de Coutouly à MAE, 15 octobre 1884). 1 AMAE/CCC, Tampico, V.4, lettre de G. Petit à MAE, 1er mai 1885. 2 AMAE, CP V72, lettre de G. de Coutouly à MAE, 8 avril 1883. 3 Le consul français à Veracruz, principal port commercial du pays, témoigne : « Le Gouvernement mexicain [...] traverse actuellement une crise financière dont le commerce ressent le contrecoup. Les transactions languissent ou sont à peu près nulles et ne reprendront point d'ailleurs tant que la grande agglomération de marchandises existantes ne se sera point écoulée ». Voir AMF/B31.313, pièce 509, lettre du vice-consul de France à Veracruz, E. Sempé, à MAE, 16 août 1883. Pour surmonter la crise fiscale qui étouffe l’État, en 1875, Matias Romero propose la création d’un impôt sur la consommation de marchandises, le Timbre. Malgré les réticences qu’expriment les commerçants et les consommateurs, peu à peu l’impôt est instauré. En 1884, sa mise en vigueur provoque de graves tensions entre commerçants et gouvernement. A partir de 1892, il s’étend à d’autres produits, et deux ans plus tard, il rapporte presque 40% des recettes de l’État. C’est ainsi que le coût de la politique fiscal se répercute sur le consommateur. Observons Romero en train de charger le commerce. El Hijo del Ahuizote, 21 août 1892. Les conditions du progrès /53 chemins de fer, à raison de 47 500 francs de subvention par kilomètre construit. D'autres subventions ont été accordées à plusieurs sociétés de bateaux à vapeur. En outre, l'Etat s'est engagé à payer 60 millions de francs à une entreprise pour les travaux du port de Vera Cruz... » 1 Afin de couvrir ces dépenses, le gouvernement tente de généraliser l'impôt du Timbre, provoquant la vague de grèves et de mécontentement. De plus, il verse aux compagnies ferroviaires plus de 80 % des recettes fédérales (85 % des revenus douaniers, la totalité des contributions du District fédéral et des revenus de la Loterie nationale). Or, les 20 % restants ne suffisent pas à couvrir les dépenses ordinaires de l'Etat 2. De leur côté, les compagnies de chemin de fer exigent les subventions promises, soit environ 70 % du coût d'installation des rails 3. Le déficit budgétaire est alors multiplié par trois et le Trésor se trouve dans l'impossibilité de payer 4. L'Etat traverse ainsi la crise fiscale la plus aiguë de la période, qui s'accompagne du discrédit et de la banqueroute financière du gouvernement. Ces causes structurelles expliquent les accusations et le procès législatif contre l'administration González, mentionnés plus haut. La crise de 1884 dévoile également la faiblesse du système financier et un problème général de l'économie auquel aucun gouvernement n'a pu apporter de solution : le manque de liquidités et l'absence de crédit public. Porfirio Díaz, réputé administrateur honnête, applique alors un programme draconien d'économies budgétaires et de réformes fiscales (loi du Timbre). Pour la première fois depuis l'intervention française, le pays décrète la 1 2 3 AMAE/CCC, Tampico, V.4, lettre de G. Petit à MAE, 1er mai 1885. Voir MH 1883-1884, pp.LXX-LXXVI. C'est une moyenne calculée sur plusieurs compagnies. Voir J.C. Valadés, El porfiriato, pp.355-357. 4 Voir MH 1884-1885, pp.7-9. 54 / L’autre dictature suspension des paiements et propose la renégociation de la dette publique (décret du 22 juin 1885) 1. Le décret ouvre les négociations avec les créanciers et devient, écrit Pablo Macedo, « la pierre d'achoppement de l'édifice de notre crédit public » 2. Ce crédit public, que Juárez et Lerdo n'ont pu mettre en place et que l'administration discréditée de Manuel González n'a pas été en mesure d'achever, sera l'oeuvre du général Díaz, qui va permettre une véritable révolution financière. 1 Le décret stipule qu'à partir du 22 juin, « les contributions en vigueur seront payées en numéraire ou en billets de la Banque Nationale ; les ordres de paiement ont été, en même temps, rapportés jusqu'au jour où il aura été possible de déterminer le moyen de les couvrir ». Voir AMF/B31.313, pièce 505, lettre de E. Sempé, ambassadeur de France au Mexique, à MAE. 2 P. Macedo, Tres monografías, p.443. L’HEGEMONIE DES FINANCIERS Avec la fondation de la Banque Nationale du Mexique, en 1881-1884, le gouvernement crée un tremplin en matière de crédit pour l’économie et trouve un moyen d’obtenir de l’argent et de pallier la crise fiscale qui l’étouffe. En échange, elle obtient un quasi-monopole dans l’émission de billets et le gouvernement accepte l’obligation de la consulter pour tous les futurs emprunts. Observons les bourses d’argent que défend le chien de la Banque Nationale du Mexique, qui attrape dans sa gueule le nouvel emprunt de trois millions. Matias Romero dénonce ici cet abus considérable… El Hijo del Ahuizote, 9 octobre 1892. La révolution ferroviaire est complétée par la révolution financière. En effet, la masse des investissements dans les chemins de fer nécessite des réseaux de circulation de l'argent et des garanties de l'Etat, pour lesquels des banques sont alors créées. Celles-ci contribuent à la modernité car elles parviennent à atténuer la crise fiscale et à amener des liquidités pour les dépenses. Puis, une fois acquis le surplus budgétaire, les banques se tournent vers les affaires. La politique du gouvernement aboutit, grâce à la participation des nouveaux investisseurs (nationaux et étrangers) et à la nouvelle distribution des dépenses. La naissance des banques coïncide avec une conjoncture favorable à l'exportation de capital des grandes puissances et à la création de grands monopoles. Elle mène aussi à la création d'un puissant groupe de financiers nationaux, agissant sur l’économie et les finances publiques. Toutefois, afin de s’installer, les financiers de la Banque Nationale du Mexique exigent des privilèges qui bloquent la concurrence. Le gouvernement ne parvient pas à se défaire de ce joug, jusqu’au développement d’une nouvelle stratégie. Les Científicos conduisent alors la formation d’un groupe de financiers nationaux qui va, en fait, établir un pont entre l'offre internationale et la demande mexicaine. Dans ce but, 58 / L’autre dictature ce groupe de financiers pousse au développement des institutions de crédit, nécessaires à la gestion des investissements, et influence directement la nouvelle politique monétaire et de crédit du régime. 1. La révolution financière (1884 - 1896) La révolution financière est la seconde révolution économique du porfiriat, sans aucun doute la plus « moderne » par ses mécanismes et ses effets. Le financement des chemins de fer et du développement économique nécessite, non seulement une importante concentration de capitaux (provenant principalement de l'extérieur), mais aussi un système monétaire et bancaire capable de canaliser les investissements, de transférer les subventions aux compagnies de travaux publics, de concentrer l'épargne, de faciliter le crédit privé et surtout public, tout un processus encouragé par la politique fiscale et par les dépenses publiques. Cependant, la crise de 1883-1886 révèle les déficiences de ce système et accélère sa transformation. Le manque d'élasticité monétaire et l'épuisement des crédits sont précisément deux composantes de cette crise. En effet, si les grands travaux ont accru la richesse et réactivé l'économie, cette croissance reste plus rapide que celle des instruments monétaires. En d'autres termes, la masse d'argent ne correspond pas aux nouveaux besoins de la croissance économique. Un déséquilibre qui est amplifié par deux obstacles propres au système monétaire : la dépendance du stock monétaire vis-à-vis des exportations d'argent 1 et 1 Rappelons qu'il est alors défendu d'exporter les métaux précieux non monnayés : « A chaque exportation d'argent -dit Romero- on craint une crise financière » (M. Romero, Iniciativas..., 1868, p.86). L’hegemonie des Financiers / 59 l'absence de monnaie fiduciaire capable de compenser le manque de monnaie métallique 1. Ces difficultés structurelles vont de pair avec les énormes dépenses fédérales, le manque de crédit public 2 et, surtout, la naissance, en 1882, des banques nationales. C'est ainsi que, vers la fin des années 1870, en vue des grands travaux publics, se renforce l'idée d'encourager « l'établissement d'une banque nationale, ici où ces institutions ne sont pas connues » 3. Certes, il y a bien la succursale de la London Bank of Mexico and South America, le Mont-de-Piété et trois petites banques régionales dans le Chihuahua 4, mais leurs activités sont restreintes. En 1881, deux banques nationales s'organisent : la Banque Nationale Mexicaine (succursale de la Banque Franco-Egyptienne) et la Banque Mercantile Mexicaine (animée principalement par des maisons de commerce). La concurrence entre les banques fait baisser le prix de l'argent ; le taux d'intérêt passe de 12 % à 10 %, et même à 8 %. Le pays vit à crédit deux années de « prospérité »... C'est dans ce climat inflationniste que le gouvernement, cherchant des ressources et voulant faciliter les petits échanges, décrète en 1882 l'émission de quatre 1 En 1882, par exemple, la part des billets dans la circulation de monnaie représente à peine 4 % de l'ensemble (les 96 % restants sont des pièces d'argent). Voir F. Rosenzweig, HMM-PVE, « Moneda y Bancos », p.823. 2 Il est ainsi fréquent de lire dans la littérature politique de l'époque que « l'homme d'affaires le plus humble bénéficie de plus de crédit que le gouvernement ». Voir M. Romero, Exposición..., 1870, p.16. 3 Tomás Mendoza, El porvenir de México a la luz de sus cuestiones financieras (1879), pp.27-28. Mendoza souligne l'importance de créer une banque d'Etat, une idée que quelques députés préconisent aussi au Congrès. A plusieurs reprises, les intellectuels débattent des modalités du développement d'institutions bancaires. En 1880, par exemple, le député Buenrostro fait l'apologie de « la nouvelle école » qui prévoit d'élaborer le budget en fonction de la disponibilité du crédit public (DDCD 1880, séance du 17 mai, p.413). 4 Celles-ci sont animées par des capitalistes nord-américains et mexicains liés aux affaires minières. Ce sont la Banque de Santa Eulalia, fondée en 1875 par F. MacManus (membre de la Compagnie du Chemin de fer de Sonora), la Banque Mexicaine de Chihuahua (1878), liée au gouverneur de l'Etat, Luis Terrasas, et la Banque Minière de Chihuahua (1882), fondée par Henri Müller, fermier de l'Hôtel des monnaies de Chihuahua. 60 / L’autre dictature millions de pesos en monnaie de nickel 1. Mais cette mesure ne répond pas aux besoins du Trésor et accroît, de plus, l'inflation. La dépréciation de la monnaie de nickel est telle (jusqu'à 60 %) que les commerçants ne proposent plus leurs marchandises qu'à deux prix différents (en argent et en nickel), au détriment des classes pauvres rémunérées en monnaies de nickel 2. Mais, lorsque le ministre des Finances tente d'obliger les commerçants à respecter la valeur fiduciaire du nickel, il se heurte à une farouche opposition. Le 21 décembre 1883, la capitale et divers grandes villes du pays connaissent ainsi une longue journée d'émeute. A Mexico, les marchés sont saccagés et le général Manuel González, pris à partie par la foule sur le marché « El Volador », décrète le soir même la démonétisation du nickel 3. En fait, cette décision aggrave la crise fiscale et l'agitation sociale, déjà avivée par la nouvelle loi d'extension de l'impôt du Timbre 4. Les maladresses de la politique monétaire rejaillissent sur les institutions bancaires et nuisent aux banques nationales. Celles-ci ne veulent plus accorder de crédit à une administration finissante, tandis que leurs nouveaux billets sont affaiblis par la crise du nickel. Pourtant, tenu de verser les subventions aux sociétés ferroviaires, le général de la Peña exige et obtient encore du crédit 5. C'est alors qu'une grave crise bancaire éclate. Le lundi 29 avril 1884, en effet, certains journaux répandent le bruit que le Mont-de-Piété a été « victime d'un emprunt forcé du gouvernement » 6 et que 1 Soit 40 millions de pièces de 5 centavos, plus de 50 millions de pièces de 2 centavos et près de 100 millions de pièces de 1 centavo. Voir P. Gloner, Les finances..., p.542. 2 Voir El Correo de las doce, 21 décembre 1883. 3 Voir El Diario del hogar, 21 et 23 décembre 1883. 4 Voir MH 1883-1884, pp.LXXVI et suiv., et F. Rosenzweig, « Moneda y bancos », HMM-PVE, p.798. 5 Pour démonétiser le nickel, le gouvernement obtient deux emprunts, l'un de 5,7 millions de pesos (29 décembre 1883), auprès de la Banque Nationale Mexicaine, et l'autre de 1,3 millions (22 février 1884), auprès des banques Nationale, Mercantile et Mont-de-Piété. 6 Diario del hogar, 30 avril 1884. L’hegemonie des Financiers / 61 nombre de personnes se sont rendues aux guichets de la banque pour réclamer leurs dépôts confidentiels. Aussitôt, la clientèle afflue au Mont-de-Piété pour exiger de l'argent contre les billets 1 ; une scène qui se renouvelle deux jours durant. Le jeudi matin, après avoir tenté d'obtenir du liquide auprès des autres banques (une partie de ses valeurs n'étant réalisable qu'à long terme), le Mont-de-Piété, la plus populaire et la plus ancienne des banques, doit suspendre tout paiement 2. La stupéfaction est générale, rapporte l'ambassadeur de France, qui écrit au Quai d'Orsay : « Il fallut pourtant bientôt se rendre à l'évidence et il s'est produit un de ces mouvements qui entraînent souvent les foules à des résolutions déraisonnables. Tout le papier monnaie existant à Mexico perdit en un moment sa valeur aux yeux du public et la population se presse depuis trois jours devant les grilles des trois grandes banques pour y demander de l'argent en échange des « chiffons » dont elle ne veut plus. Ce « run », comme on dit en argot financier, ne produira pas de nouveaux désastres, parce que les banques étaient prêtes, et que la « Nationale », pour ne parler que de la plus importante, possédait dans ses caves plus d'espèces qu'il n'en faudrait pour rembourser toute son émission. » 3 La version officielle soutient que le gouvernement est intervenu pour porter « secours » au Mont-de-Piété « en acceptant ses billets en paiement de 20 % des impôts » 4. De même, les deux nouvelles banques (Nationale Mexicaine et Mercantile Mexicaine) auraient apporté leur aide en acceptant 1 2 Voir La Voz de España, 1er mai 1884. Quelques sources affirment que les banques se sont portées au secours du Mont-dePiété. En fait, seule la Banque Hypothécaire a prêté un million de pesos le 4 mai, bien tardivement. Ce manque de solidarité le jour du « run » est dénoncé par divers journaux, tels El Hijo del trabajo, du 4 mai 1884, qui critique le directeur du Montde-Piété, ou El Diario del hogar, du 6 mai 1884. 3 AMAE, CP V72, lettre de G. de Coutouly à MAE, 2 mai 1884. 4 Cette version est celle du général de la Peña. Voir son MH 1883-1884, p.LXXXIX. p.LXXXIX. 62 / L’autre dictature également les billets du Mont-de-Piété. Elles sont d'ailleurs « invitées par le gouvernement » à fusionner, pour mettre fin à la concurrence et créer la Banque Nationale du Mexique (BNM) 1. C'est dans ces conditions que serait née l'institution qui va devenir la caissière du Trésor, la banque privée la plus importante et la plus puissante du pays. La création de la BNM ne serait que la conséquence « naturelle » des crises bancaire et fiscale, selon une évolution logique et inévitable. Qu'en est-il des causes de la faillite du Mont-de-Piété et des solutions apportées aux besoins financiers de l'économie et de l'Etat (types d'institutions de crédit et régime d'émission monétaire) ? Le nouveau secteur bancaire, véritable nerf de l'élan économique du porfiriat, est bien l'un des piliers du régime. C'est pourquoi les alliances entre élites financières et politiques sont des éléments indissociables des pratiques du pouvoir et marquent une des limites du régime. Les deux faces (technique et politique) du problème financier sont étroitement mêlées. Il est possible de les mettre en évidence en examinant l'évolution de la politique gouvernementale (fiscalité, budget, monnaie, crédit et banque), ainsi que les rapports qu'elle implique avec les créanciers et les financiers. Dès 1868, Matías Romero a identifié l'aspect technique du problème (manque d'argent) en le qualifiant de « question du crédit national » car, selon lui, monnaie, banque et crédit font partie d'une même politique. Ainsi, par exemple, la reconnaissance de la dette publique (interne, flottante et externe) et sa consolidation « sous un même type de titres, avec un même intérêt et un même service » 2, ont le double objet de rétablir les rapports avec les créanciers (marchands et banquiers) et de créer des moyens monétaires en accordant 1 Les avocats des banques, Pablo Macedo et Sánchez Gavito, sont les premiers à évoquer de cette manière cet épisode. Par la suite, cette version est alimentée, au Mexique, par Díaz Dufóo et J.D. Casasús, en France, par Leroy-Beaulieu et Viollet, puis, dans l'historiographie économique récente, par F. Rosenzweig, J.L. Cepeda Dovala ou L. Ludlow. 2 M. Romero, Noticias..., p.17. L’hegemonie des Financiers / 63 aux titres publics un pouvoir libérateur pour le paiement des impôts ou des biens nationaux 1. Les idées de Romero dépassent donc la pensée des pères du libéralisme mexicain. Il veut, non seulement faire circuler la richesse, mais aussi créer des moyens monétaires pour accélérer sa circulation. Romero s'engage ainsi dans la voie ouverte par d'autres puissances. Il déclare : « En Angleterre et aux Etats-Unis une quantité de monnaie insignifiante est en circulation, et dans presque toutes les opérations qui se font dans ces pays la monnaie métallique n'intervient presque pas. » 2 Pour Romero, la monnaie fiduciaire est la solution. Aussi fait-il d'autres propositions nouvelles : rendre obligatoire l'emploi des « lettres de change dans toute transaction commerciale à terme » 3 et émettre dix-huit millions de pesos en bons du Trésor. D'après cette dernière initiative, le fisc pourrait, afin d'honorer les dépenses décrétées par le Congrès, utiliser chaque mois un douzième des titres émis. De plus, ceux-ci seraient acceptés en paiement des impôts par tous les bureaux fédéraux du pays et auraient cours forcé parmi les créditeurs 4. En fait, les bons du Trésor sont conçus comme des sortes de billets de banque, pouvant devenir monnaie de réserve garantie par l'Etat 5, voire l'assise des banques. C'est d'ailleurs ce que Romero expose aux députés : « si l'expérience réussit -dit-il-, nous aurons fait le premier pas vers la création d'une banque nationale ou d'un système 1 Voir le débat et la loi qui ordonne d'accepter les bons de la dette consolidée dans les opérations fiscales, DDCD, 1872, séance du 19 septembre, pp.29-30. 2 M. Romero, MH 1870, p.1016. 3 Ibid., p.1017. 4 Voir M. Romero, Iniciativas..., 1869, pp.86-87. 5 Ces billets pourraient garantir les lettres de change propres au commerce. Face à la crise fiscale qui étouffe le Trésor, le gouvernement n’a pas d’autre alternative que de renégocier ses dettes. Depuis 1867, l’administration de Juarez s’engage à reconnaître ses dettes, à négocier leur montant et à donner confiance aux prêteurs. Dans la caricature de Villasana, on observe Matias Romero, ministre des Finances, qui porte le ministre des Travaux Publics pour le jeter au monstre de la Dette publique, dit basilisco. Les bureaucrates, les veuves retraitées et les militaires attendent leur tour. La Orquesta, 2 juillet 1870. L’hegemonie des Financiers / 65 de banques de personnes privées dans la République » 1. Il songe certainement au modèle des banques nord-américaines, mais cette idée, comme d'autres que nous lui connaissons, est encore trop en avance pour ses contemporains. Il faudra attendre les années 1880 pour qu'elle soit mise en pratique. Romero lui-même l'abandonne afin de faire passer les lois sur l'unification des dettes et l'utilisation des lettres de change 2. Il reste qu'il a abordé, sans les développer, les questions clés de la politique financière : le choix entre banque publique ou privée, entre liberté d'émission ou monopole, entre cours légal, libre ou forcé 3. Pour l'heure, la mise en attente du projet est justifiée car, avant de développer les moyens monétaires, il faut d'abord retrouver le crédit. La création de la monnaie fiduciaire ne dépend pas seulement de la volonté politique mais aussi de la confiance du public. Les lettres de change, par exemple, ont une valeur proportionnelle au poids économique et moral du signataire, ainsi qu'aux pratiques et usages des places commerciales. Elles traduisent la solvabilité de l'acteur économique. Avec un taux d'escompte variable (de 8 % à 20 %), ces lettres (utilisées principalement par les grandes maisons et par les courtiers) sont acceptées sans aucune difficulté dans le commerce d'import-export et se généralisent sur le marché intérieur. En revanche, les bons du Trésor et les certificats de la dette ne connaissent pas la même fortune. Sans une solide base institutionnelle, la paix sociale et la solvabilité, ils n'ont que peu de valeur. C'est pourquoi Romero préconise « le paiement scrupuleux des engagements gouvernementaux » comme principe de conduite budgétaire. Il déclare ainsi : 1 2 M. Romero, Iniciativas..., p.85. En 1870, Romero retire son projet d'émission de billets du Trésor et lui substitue celui des lettres de change. Voir MH 1870, p.1016. 3 Voir le long article sur la question des banques et les propositions de Romero dans El Siglo XIX, 19 septembre 1869. 66 / L’autre dictature « A quoi sert de renégocier la dette, d'émettre des titres et de leur accorder des intérêts de 7 % à 8 %, si nous ne pouvons pas payer la première mensualité ? Le résultat serait le discrédit de la Nation. » 1 Tous les gouvernements de cette période observent religieusement la recommandation de Romero et transfèrent aux créanciers de l'Etat une partie des revenus fiscaux. Seules varient les modalités de la reconnaissance des dettes et le montant de leur service, ainsi que l'illustre le tableau suivant 2 : Tableau 4 SERVICE DE LA DETTE PUBLIQUE (1867-1911) (milliers de pesos déflationés, 1877-1892 = 100) Périodes Service dette (moyennes par an) 1867-1872 1873-1876 1877-1880 1881-1884 1885-1895 1896-1911 1 828 815 918 7 931 17 671 13 319 % du budget fédéral 9,4 2,0 5,5 22,6 41,2 32,4 Présidents Benito Juárez Lerdo de Tejada Porfirio Díaz Manuel González Porfirio Díaz Porfirio Díaz Sources : MH 1868-1869, El Erario federal et Cuentas del tesoro. Malgré le coût de la réorganisation administrative, le gouvernement de Juárez consacre un important budget à la 1 2 M. Romero, Iniciativas..., p.93. Le processus, long et complexe, de la conquête du crédit dépasse notre propos. Pour une étude plus complète, voir J. Pérez Siller, « Deuda y consolidación del poder en México : 1867-1896, Bases para la modernidad porfirista », Ensayos, pp.38-59. L’hegemonie des Financiers / 67 dette. On sait que, par la suite, ce dernier est principalement consacré à la pacification du pays. Il faut attendre 1882 pour voir le service de la dette s'accroître considérablement. La tendance s'inverse alors, à un point tel que ce service représente plus de 40 % du budget fédéral. Durant les années 1880, les subventions ferroviaires contraignent en effet l'Etat à emprunter -d'abord à l'intérieur du pays, puis à l'extérieur- et à augmenter en conséquence le service de la dette. Ce faisant, le gouvernement s'ouvre les portes du crédit extérieur, liquide les créances internes et parvient à équilibrer les finances. Dès 1895, le Trésor exporte ainsi un tiers des revenus fiscaux pour le service de la dette. Ce renversement de tendance n'est pas sans conséquences économiques et sociales. Il convient d'en suivre le déroulement. Après leur victoire, les républicains, ne pouvant imposer de réparations à la France, pénalisent les créanciers de Maximilien et s'appuient sur les créanciers « patriotes ». On sait que les gouvernements de Juárez et de Lerdo se refusent à reconnaître les créances de l'Empire et des collaborateurs. La Section de liquidation, créée par la loi du 20 novembre 1867 1, ne reconnaît alors que 97 millions des 462 millions de pesos réclamés 2, dette dont le service représente 9 % du budget fédéral. De plus, une partie de la dette intérieure est convertie en certificats négociables, acceptés en paiement des terres en friche, des biens nationaux ou des impôts 3. Certes, en achetant des biens fonciers, les créanciers réalisent de très gros bénéfices, tandis que les effets sont positifs pour le crédit interne et pour la création d'une monnaie scripturale. En revanche, le rejet des créances des collaborateurs et de la 1 2 Voir MH 1870, pp.906-919. A la suite de négociations, la dette républicaine est réduite de 12 à 2 millions, la dette consolidée de 76 à 2 millions, tandis que l'ancienne dette anglaise (70 millions) est reconnue et l'ensemble des dettes contractées par l'Empire (la « dette Maximilienne », 282 millions) rejeté. Voir J. Pérez Siller, « Deuda y consolidación... », tableau, note 7, p.55. 3 Voir MH 1870-1871, pp.53-58. 68 / L’autre dictature dette de l'Empire affectent la confiance et mettent un frein à la reprise du crédit extérieur 1. Quant à l'administration de Lerdo de Tejada, elle bénéficie du concours des marchandsbanquiers et des « nationalistes », mais elle ne peut rétablir la confiance, une grande partie du budget étant employée pour faire face à l'opposition (hostilité des anciens fermiers des Hôtels de frappe, des compagnies de chemins de fer, des autorités ecclésiastiques) et pour combattre le soulèvement de Tuxtepec. C'est ainsi que, durant l'année de guerre civile contre Díaz, la dette interne double (elle passe de 21 à 40 millions de pesos) et son service est réduit au niveau le plus bas de la période. Une fois encore, le crédit et la valeur des titres publics chutent. En 1876, Díaz reprend le projet de Romero d'ouvrir « l'inépuisable trésor du crédit » et entreprend de rétablir la confiance. Dans ce but, Romero reconnaît les bons émis par la Section de liquidation (8,6 millions de pesos 2), ainsi que les créanciers des soulèvements de la Noria, de Tuxtepec et de l'administration Lerdo 3. Puis il relance le projet de consolidation de la dette nationale (en titres négociables 4) et augmente son service. Enfin, il fait également des propositions pour renégocier et convertir la dette extérieure, ce qui ne sera possible qu'après la reprise des relations diplomatiques avec la France (1880) et l'Angleterre (1884) et, 1 Notamment à l'ouverture du marché français (Bourse de Paris) aux valeurs d'Etat mexicaines. En effet, malgré la signature d'un accord entre les ministres plénipotentiaires français et mexicain, dans lequel les deux parties s'engagent à « n'enlever et ne soutenir aucune réclamation basée sur des faits antérieurs à la reprise des relations », le gouvernement français refuse d'autoriser la cotation des valeurs d'Etat mexicaines avant le règlement du contentieux avec la Société des bons Maximilien, dits « Petits Bleus ». Ce qui est chose faite en 1904. Voir AMF/31.313, pièces 441-446. 2 MH 1876-1877, parag.305. 3 Voir « reclamaciones por créditos contraidos durante la administración del Sr. Lerdo de Tejada, durante la revolución de la Noria y la de Tuxtepec », MH 18791880, pp.73-77. 4 D'après le projet, ces titres ont un intérêt de 3 % et sont acceptés en paiement des terres en friche, de bons du chemin de fer de Veracruz ou de la moitié des droits d'exportation. Voir MH 1877-1878, parag.411- 412 et document 3, pp.239-241. L’hegemonie des Financiers / 69 surtout, après la renégociation de l'ancienne dette anglaise (1886-1888) 1. Avec de telles initiatives, Romero espère séduire l'épargne intérieure et les créditeurs étrangers. Mais certains créanciers ne l'entendent pas ainsi car le ministre refuse toujours d'endosser les dettes contractées par l'Empire. Díaz change d'attitude dans la dernière année de son administration. Il nomme une Junte de crédit chargée d'étudier le dossier 2, composée de porfiristes (Justo Benítez et José H. Ramírez), du porte-parole des créanciers (Antonio de Mier y Celis) et d'anciens ministres de l'Empire (Martín del Castillo y Cos et Pedro Escudero y Echanove 3). Par cette démarche, « Don Porfirio » fait un pas décisif vers l'ouverture du crédit et inaugure une politique de conciliation entre libéraux et conservateurs, politique qu'il applique à partir de sa seconde présidence et qui deviendra le fondement du régime 4. Les conclusions de cette Junte sont de première importance. Dans son rapport, le président de Mier y Celis reprend les principes fixés par Romero et consigne deux éléments nouveaux, à savoir la priorité du service de la dette (« il doit passer, si nécessaire, avant d'autres dépenses, même urgentes ») et la reconnaissance des créances des 1 En 1878 et 1879, Romero fait des propositions de reconnaissance de la dette anglaise auprès des créanciers. Voir MH 1878-1879. 2 La Junte est nommée le 8 juin 1880. Le 15 juillet, sur la demande de A. de Mier y Celis, on y ajoute Bonifacio Gutiérrez, ancien employé de la Section de dette publique du Trésor. Voir MH 1879-1880, p.45. 3 Antonio de Mier y Celis est un riche financier conservateur, lié aux créanciers. Martín del Castillo y Cos, propriétaire de la maison Cos Castillo y Cia de Veracrúz, ancien ministre des Affaires étrangères et des Finances, membre de la maison impériale, qui a accompagné l'impératrice Charlotte dans son voyage de retour. Pedro Escudero y Echanove, a été ministre de la Justice de Maximilien. En 1877, tous trois ont participé, aux côtés de Limantour, à une commission qui a refusé un traité commercial avec les Etats-Unis. 4 L'historiographie évoque cette politique de « conciliation » en parlant de rapprochement entre certains libéraux, conservateurs et surtout des membres de l'Eglise (l'évêque Guillow), ainsi que de la nomination de diverses personnalités à des postes politiques. Il nous semble, pour notre part, que cette politique a pour base des intérêts communs entre les parties, intérêts financiers notamment. 70 / L’autre dictature collaborateurs de l'Empire 1. Il est clair que la consolidation du crédit passe avant tout par le rapprochement des intérêts car « la Nation -souligne de Mier y Celis- est la même, quelle que soit la forme de gouvernement ». Les travaux de la Junte aboutissent à l'augmentation sensible du budget du service de la dette. Entre 1880 et 1890, la part de ce dernier passe ainsi de 10 % à 60 % de l'ensemble des dépenses. Dans ces conditions, les conservateurs et les collaborateurs de l'Empire, ainsi que les investisseurs étrangers, hésitent moins à ouvrir le crédit à l'Etat mexicain. La situation est propice à la fondation d'institutions de crédit, projet auquel le gouvernement engage ses partenaires à participer. Trois propositions sont ici en concurrence (une banque publique et deux privées), ce qui conduit à la crise bancaire : il faut alors choisir entre une banque nationale publique et une banque privée. La première proposition émane de partisans de l'Etat fort, libéral mais régulateur des finances, qui forment le noyau de la bureaucratie moderne. Ceux-ci s'inspirent de l'expérience des banques européennes et, plus précisément, des conclusions d'une délégation mexicaine envoyée en Europe, en 1878, afin de rétablir les relations diplomatiques et de chercher des crédits. Parmi les délégués, Mauricio Wollheim, inspecteur des finances, est en effet chargé de faire un rapport sur les arrangements pratiqués par les autres nations dans les cas de dettes difficiles à encaisser. Il doit également examiner les systèmes d'institutions de crédit adoptés par les principaux pays européens. Dans son rapport, Wollheim insiste sur les avantages de la monnaie fiduciaire, notamment en GrandeBretagne, en Allemagne et en France. Il écrit : 1 « Nous ne pouvons pas fonder la consolidation du crédit -souligne de Mier- sur le refus des obligations les plus sacrées », pour le simple fait d'avoir soumis « les créances aux autorités de l'Empire ». On trouvera ce rapport dans le MH 1879-1880, document n¯25, pp.47-52. Entre 1882 et 1888, le gouvernement réussit à renégocier la dette anglaise et à obtenir un emprunt auprès du banquier de Bismark, Bleichroëder. Avec cet argent, il peut non seulement payer les subventions pour les compagnies ferroviaires, mais il permet également à Diaz de se légitimer face à ses partisans. On voit un juif, de la Banque d’Allemagne, jeter les pièces à Diaz qui porte une marmite sans fond ; « l’amicalité ». El Hijo del Ahuizote, abril de 1889. 72 / L’autre dictature « Ces nations ont créé, il y a fort longtemps déjà, la monnaie de papier, en fondant à cet effet des banques nationales, autorisées légalement à émettre des billets sous garantie de l'Etat et avec un fond de réserve suffisant pour satisfaire les commandes momentanées de métallique. [...] Aujourd'hui, le commerce préfère les billets de banque à la monnaie. Les billets se changent au pair et, de papier-monnaie qu'ils étaient, sont devenus monnaie de papier. » 1 Monnaie (garantie par l'Etat), banque et crédit forment, aux yeux de cette bureaucratie moderniste, proche des propositions de Romero et regroupée autour de Justo Benítez, les trois feuilles du trèfle financier. Désireux de mettre ses idées en pratique, ce groupe incite, dans un premier temps et sans succès, le ministère des Finances à émettre des billets du Trésor 2. Puis, il tente de faire du Mont-de-Piété une banque d'Etat, un levier puissant du crédit public. Le Mont-de-Piété, la plus ancienne et la plus prestigieuse institution de crédit du pays 3, est à l'origine une institution philanthropique de prêts sur gages (sans intérêt, à six mois). Il est administré, depuis l'Indépendance, par le gouvernement. En 1879, Trinidad García, alors ministre des Finances, l'autorise à émettre des billets à ordre et à pratiquer l'escompte 4. Puis deux décrets de 1881 lui permettent de nouvelles opérations bancaires, dont l'émission de billets jusqu'à neuf millions de pesos 5. Don « Trini », devenu directeur du Mont-de-Piété (1880-1884), crée des succursales 1 2 Rapport de Mauricio Wollheim, MH 1879-1880, document 86, pp.571-580. Lors de son passage au ministère, Trinidad García a « alarmé le pays avec son projet sur le papier-monnaie » garanti par le Trésor. L'opposition est telle qu'il est contraint de démissionner. Voir El Monitor republicano, 27 janvier 1880. 3 Il a été fondé en 1775 par le comte de Regla et Pedro Romero de Terreros, avec un capital initial de 300 000 pesos. 4 Le décret du 6 septembre 1879 autorise le Mont-de-Piété à émettre des lettres de change à vue, acceptées en escompte. Voir P. Macedo, « Banque et institutions de crédit », op. cit., p.230, et F. Rosenzweig, « Moneda y Bancos », HMM-PVE, p.802. 5 Décrets des 11 février et 5 juillet 1881. Ces billets sont acceptés dans toutes les officines fédérales. Voir P. Macedo, Id., et M.A. González Gómez, Cronología de eventos monetarios, crediticios y bancarios de 1536 a 1976, p.43. L’hegemonie des Financiers / 73 dans tout le pays 1 et passe des accords avec les autorités régionales. En 1884, le Mont-de-Piété pratique déjà plusieurs opérations bancaires : prêt sur gages, escompte de lettres de change, prêt hypothécaire, dépôt d'objets précieux, dépôt confidentiel, gages judiciaires et administratifs, caisse d'épargne, virement de fonds et émission de billets. A propos des billets, la publicité commerciale de l'institution proclame : « coupures de 1, 5, 10, 20, 50, 100, 500 et 1000 pesos, acceptées comme monnaie dans toutes les opérations de l'Etablissement, dans le paiement des impôts fédéraux dans tous les bureaux de la Fédération et dans le paiement des impôts locaux dans les Etats de Puebla, Oaxaca, Querétaro, San Luis Potosí, Veracruz, Guanajuato, México, Zacatecas et Durango, d'après les décrets de leur Congrès. » 2 L'institution publique devient une banque d'envergure nationale. De par ses liens avec l'Etat, elle développe l'émission de billets au gré des besoins fiscaux. Ainsi, entre 1881 et 1884, avant la crise bancaire, l'émission est presque multipliée par deux (elle passe de 2,4 à 4,3 millions de pesos), tandis que l'encaisse métallique se réduit (de 3,5 à 2,5 millions) 3. Le rapport entre billets et encaisse métallique est toutefois acceptable. Il ne dépasse pas, en effet, la limite de trois pour un, préconisée par sir Robert Peel et pratiquée par toutes les banques européennes. De plus, l'actif de la banque (4,5 millions de pesos) est supérieur au passif 4. Le Mont-dePiété semble donc une institution très solide. Le public 1 Huit à Mexico et quatre dans les Etats de Puebla, San Luis Potosí, Querétaro et Oaxaca. 2 Anuario de la República mexicana 1884, p.95. 3 Voir P. Macedo, op. cit., p.230. 4 Voir le rapport à la Chambre de Trinidad García, directeur du Mont-de-piété, in Diario del hogar, 11 juin 1884. 74 / L’autre dictature accepte volontiers ses billets. Pourtant, la banque va s'écrouler en quelques jours. Pour mieux comprendre les événements, il convient de s'intéresser aux autres banques d'émission et à la concurrence. En fait, en 1884, les billets de banque sont déjà en usage et le public a connu d'autres crises bancaires (« run »). La plus ancienne banque nationale, la succursale de la « London Bank of Mexico and South-America Limited », fondée en 1864, est la première institution à introduire l'usage de billets de banque et à connaître des « run », sans pourtant faire faillite 1. Plutôt prudente, jusqu'en 1886, n'étant assujettie à aucune législation (elle s'abstient de publier ses comptes), peu fréquentée par les libéraux car identifiée avec l'Empire de Maximilien 2, cette banque, qui joue un rôle de première importance dans l'élan économique, n'a pas, en fait, l'ambition de devenir le caissier de l'Etat. Or, face à la croissance des besoins monétaires du fisc, la concurrence fait rage entre les banques privées (la Nationale et la Mercantile) et le Mont-dePiété, qui se disputent le privilège de devenir caissier et créancier du Trésor. La création des banques privées et leurs rapports avec le gouvernement, ainsi que le profil de leurs actionnaires et de leurs dirigeants permettent de nous éclairer sur la bataille qui voit la défaite du Mont-de-Piété. La Banque Nationale Mexicaine (BNM) est la création d'investisseurs franco-allemands, dirigés par Edouard 1 C'est la confiance et la solvabilité qui ont sauvé le crédit de la banque. « Les services effectifs qu'elle commença à prêter au commerce en général, son abstention absolue des opérations risquées et de ce qui se qualifiait d'opération de gouvernement, la scrupuleuse ponctualité qu'elle mit toujours à faire face à ses engagements, lui conquirent l'estime et la confiance du public » (P. Macedo « Banque et institutions de crédit », in Le Mexique, son évolution sociale..., p.228). 2 La banque a été fondée afin de financer la Compagnie impériale des chemins de fer. Son principal actionnaire est la London Bank of Mexico (90 % d'actions), représentée par H.C. Waters (gérant) et par Thomas Braniff (directeur du Chemin de fer mexicain). La minorité (10 % d'actions) est composée de grands financiers, tels Juan Llamedo, Rafael Dondé, Francisco Espinoza et Ignacio de la Torre y Mier. Voir Liste d'assistance à l'Assemblée du 17 septembre 1891 de la Banque de Londres et de Mexico, AMF/B13.316, pièce 15, n¯63614, p.2. L’hegemonie des Financiers / 75 Noetzlin, secrétaire de la Banque Franco-Egyptienne 1. Après deux années de négociation, Noetzlin obtient, en août 1881, un contrat de concession (signé par le ministre des Finances, Francisco de Landero y Cos) « pour l'établissement d'une banque de dépôt, escompte, circulation et émission ». Le contrat fixe le capital de la banque entre six et vingt millions de pesos. Celle-ci a le droit d'émettre des billets de banque jusqu'à concurrence de trois fois le montant de son encaisse métallique. Ces billets seront les seuls -avec ceux du Montde-Piété- à être acceptés dans les bureaux du gouvernement pour le paiement d'impôts, de contributions, de droits de douanes, etc. En outre, l'Etat s'engage à ne traiter aucune opération financière (négociations d'emprunts, dettes, investissements, etc.) avec un autre établissement, tandis que la banque se charge de toutes les transactions de la Trésorerie sur le territoire national et à l'étranger. Elle bénéficie encore d'allégements fiscaux pendant la durée de la concession (30 ans), et du droit d'exporter les profits et dividendes des actions (exonérés d'impôts). Enfin, bien qu'elle soit reconnue institution mexicaine assujettie aux lois du pays, la banque jouit de la neutralité en cas de guerre intérieure ou étrangère, aucune autorité ne pouvant alors lui imposer de contributions extraordinaires, ni confisquer ses biens ou ses capitaux. En contrepartie, la banque ouvre un compte au Trésor avec un crédit de plus de quatre millions de pesos 2. Ces privilèges 1 Edouard Noetzlin est né le 16 janvier 1848 à Bâle (Suisse). Avant 1872, il est attaché à la direction de la Banque de Paris qui, en janvier 1872, fusionne avec la Banque de Crédit et de Dépôts des Pays-Bas pour former la Banque de Paris et des Pays-Bas. En 1875, Noetzlin est secrétaire général de la Banque Franco-Egyptienne. En 1881-1884, il fonde la Banque Nationale du Mexique. Nommé administrateur de Paris-Bas en 1895, il en devient le président du Conseil d'Administration en 1911. Il meurt à Paris le 26 avril 1935. Son nom est lié aux emprunts russes et au rapprochement entre la France et l'Italie. La Banque Franco-Egyptienne, qui par la suite devient la Banque Internationale de Paris (fusion avec la Banque Française du Commerce et de l'Industrie), traite des affaires importantes avec des républiques sudaméricaines, notamment l'Argentine. 2 Voir Banco Nacional Mexicano, Contratos de Concesión y Estatutos aprobados por la ley de 16 noviembre 1881, AMF/b31.316, pièce 98, pp.8-14 (pour la traduction française, publiée en 1882, voir Ibid., pièce 110). 76 / L’autre dictature accordés à la BNM sont si généreux que les députés et la presse d'opposition s'en émeuvent. Ces derniers n'ont pas tort lorsqu'ils dénoncent le « monopole bancaire protégé par le gouvernement » 1, mais les garanties, semblables à celles accordées aux compagnies de chemins de fer ou aux sociétés minières, sont censées conforter l'intérêt des investisseurs dans une affaire « très risquée ». Surtout, comme le souligne le député Gallo, il s'agit d'« attirer les capitaux européens afin de concurrencer l'expansion des intérêts américains » 2. Cet objectif, clé de voûte de la politique extérieure porfiriste, est bien compris par González et approuvé par le général Díaz, qui, malgré sa préférence pour la Banque Mercantile, laisse le Congrès approuver le contrat de concession de la BNM 3. La « radiographie des premiers actionnaires » de la Banque Nationale montre la prépondérance des capitaux européens 4 (trois quarts de capitaux franco-allemands 5, moins d'un quart mexicains 6 et trois pour cent nord-américains 7). De plus, les grandes maisons de commerce qui font partie du groupe 1 2 3 DDCD 1881, séance du 17 octobre, pp.314-317. Voir DDCD 1881, séance du 18 octobre, p.328. Si le débat au Congrès est rude, les votes sont, en revanche, dociles (129 pour et 11 contre). Voir, Ibid., p.337. 4 Nous reprenons le titre et les données de l'article de L. Ludlow, « El Banco Nacional Mexicano y el Banco Mercantil Mexicano : radiografía social de sus primeros accionistas, 1881-1882 », in HM, n¯21, vol. XXXIX, avril-juin 1990 (pp.1018-1020). 5 Parmi le groupe français, on compte des institutions financières telles que la Banque Franco-Egyptienne (21 %), la Société Générale du Crédit Industriel et Commercial (3,8 %), le Comptoir d'Escompte (2,7 %), la Banque Hellénique du Crédit (1,4 %), la Banque Heinne (1,2 %) et la Banque de Commerce et d'Industrie (0,3 %). Participent également la Messagerie Maritime de Marseille (3,1 %) et des financiers comme Edouard Noetzlin (2,5 %), Levy Crémeux frères (2,7 %) ou Seligman frères. 6 Le groupe mexicain (23 % d'actions) comprend les créanciers traditionnels (Barrón y Forbes, Escandón, de Mier y Celis, de Teresa), les marchands-banquiers (Esteban Benecke, Gustavo Struck, Leo Stein, Sebastián Robert, Luis Lavie ou José Ma. Bermejillo), ainsi que les pionniers des chemins de fer (les frères Escandón, Felix Cuevas, Angel Lerdo de Tejada, Ramón G. Guzmán, Sebastián Camacho et Justino Fernández), entre autres. 7 Parmi lesquels Edward D. Adams (du chemin de fer du Sonora), Drexel Morgan and Co. (société du financier New-Yorkais Morgan, associée à une maison de Philadelphie) et Adolf Hegewish (résidant au Mexique, fondateur et directeur de la revue Semanario Mercantil, participant à la Chambre de commerce et d'industrie). L’hegemonie des Financiers / 77 mexicain -où l'on trouve aussi les promoteurs de chemins de fer- sont pour la plupart allemandes 1. La banque est donc très majoritairement étrangère. On comprend mieux, dans ces conditions, la demande de « garanties » de la part d'investisseurs qui voient de grands risques dans ce pays « neuf » où il n'existe pas de législation sur les institutions de crédit. La presse financière et les diplomates français sont d'ailleurs longtemps restés sceptiques. Deux semaines après l'approbation du contrat, on peut ainsi lire dans le journal La Semaine financière : « Nous craignons fort, toutefois, qu'avec les luttes civiles dont le Mexique est si souvent le théâtre [les privilèges] ne soient purement nominaux » 2. De son côté, le consul Richemont écrit aux Affaires étrangères : « Il ne suffit pas, selon moi, d'attirer au Mexique les capitaux français d'une façon quelconque, et dire qu'il faut lutter contre l'influence américaine. La phrase flatte l'oreille, [...] en affaires, avant de se lancer, il est bon de réfléchir et de savoir à peu près où l'on va [...] IcarI la prospérité future du Mexique, et de son gouvernement en particulier, n'est pas encore tellement absolue et certaine, qu'on ne puisse craindre pour l'avenir quelque inexactitude volontaire ou forcée dans l'accomplissement des engagements pris. » 3 Les craintes des investisseurs (affaire des dettes de l'Empire et instabilité politique du Mexique) conduisent le groupe dirigé par Noetzlin à prendre ses précautions. La direction est ainsi confiée à deux organismes : un Comité (installé à Paris) 4 et un Conseil d'administration (à Mexico). De plus, 1 Citons ainsi Julio Albert, Esteban Benecke (ancien consul prussien), Gustave Struck (ancien consul à Veracruz), Leo Stein (exportateur de métaux précieux), Uhink y Cía., Zolly hermanos... 2 La Semaine financière, 17 décembre 1881. 3 AMAE/CCM 9, lettre de Richemont à MAE, 13 mai 1881. 4 Les membres du Comité sont : Henri Durrieu (de la Société du Crédit Commercial et Industriel), président, Edouard Noetzlin et Marc Lévy-Crémeux (de la Banque Franco-Egyptienne), Emile Huard (ancien directeur de la Société Générale), et 78 / L’autre dictature les créanciers traditionnels et les collaborateurs de l'Empire, présidés par Antonio de Mier y Celis, occupent une place importante au Conseil 1. Enfin, les postes de direction reviennent à des personnes de confiance : J. Mammelsdorf (ancien directeur du Comptoir d'escompte et de l'agence parisienne de la Deutsch Bank), directeur, Jacques Kulp (représentant du Comité de Paris), secrétaire, Hugo Scherer (lié au financier berlinois Blechröeder), chef de la comptabilité, et Pablo Macedo, avocat de la banque 2. Les liens étroits avec la haute-banque européenne permettent à la Banque Nationale d'avoir accès -directementau marché financier international et de se procurer ainsi de l'argent frais. En 1882, la banque lance sa première émission d'actions à la Bourse de Paris (80 000 actions 3), émission qui est suivie de plusieurs autres (120 000 en 1885...), au point qu'en 1910, plus de la moitié de son capital nominal circule dans cette place financière 4. Cette structure satisfait le gouvernement mexicain, qui souhaiterait mettre à profit les relations de la banque pour renégocier la dette anglaise et contracter un emprunt extérieur. Mais l'aspect le plus important des rapports internationaux de la banque est sans aucun doute la capacité régulière et immédiate de crédit, déterminante lors de la crise bancaire. Le Comité de Paris écrit ainsi au Conseil d'administration : Auguste Lippmann (de la Compagnie manufacturière nationale d'armement de SaintEtienne). 1 Les autres membres sont les créanciers José Ma. Bermejillo, Félix Cuevas, Ramón G. Guzmán, Sébastien Robert et Gustave Struck. 2 Voir L. Ludlow, « La construcción del Banco Nacional de México », in Banca y poder en México, pp.306-307. 3 C'est le 26 avril 1882, après l'autorisation donnée par Léon Say, ministre français des Finances, que ces actions sont admises aux négociations de la Bourse, au comptant et à terme. Voir AMF/B31.316, pièces 143-145. 4 Voir AMF/B31.314, pièce 48. D'après un décret de 1880, les bons, titres et obligations cotés officiellement à la Bourse de Paris doivent être enregistrés au ministère des Finances et acquitter l'impôt du Timbre. L’hegemonie des Financiers / 79 « Lorsque les possesseurs de vos billets vous demandent le remboursement, vous devez être prêts. Vous aurez en caisse six millions de pesos, et vous pourrez virer sur Baring cent mille livres sterlings, et, si nécessaire, sur la FrancoEgyptienne qui accepte 1 250 000 francs [...]. L'occasion est unique afin de prouver votre puissance. » 1 Les dirigeants de la Banque Nationale se préparent pour le « run »... Ils ne sont pas les seuls à vouloir devenir caissiers du Trésor. Des créanciers et de grandes maisons de commerce (espagnoles, mexicaines et surtout françaises) se sont, en effet, réunis pour créer leur propre banque. Dès août 1881, Manuel Ibáñez, riche banquier espagnol, cherche à rassembler les capitaux de ses collègues afin de créer la Banque Mercantile Mexicaine. Dans son appel aux commerçants, Ibáñez critique subtilement le projet de la Franco-Egyptienne en mettant en avant le caractère national de sa propre entreprise. Il lance : « INotre banqueI est nationale parce que, bien que la plupart des souscripteurs soient de nationalité étrangère, les capitaux sont nés au Mexique et lui appartiennent par droit naturel. Les Mexicains qui participent à cette affaire remplissent un devoir patriotique, et ceux qui ne sont pas nés sur ce sol, remplissent un devoir tout aussi important [...] envers le pays dans lequel nous avons amassé notre fortune. » 2 C'est dans cet esprit « patriotique » que les commerçants parviennent à réunir un capital, certes plus modeste que celui de la Nationale (quatre millions de pesos), mais dont les 1 Acuerdo del Consejo de Administración (21 mars 1883), in L. Ludlow, « La construcción... », pp.329-230. 2 Actas de fundación del Banco Mercantil Mexicano, 29 août 1881, in L. Ludlow, « Banco Nacional... », op. cit., p.1006. : Manuel Caballero, Primer almanaque histórico, artístico y monumental de la República Mexicana 1884-1885, Nueva York, Chas M. Green Printing, Co, 1884. SOURCE L’hegemonie des Financiers / 81 souscripteurs sont plus nombreux et représentatifs du commerce de la capitale et des grandes villes du pays (Veracruz, Puebla, Guanajuato, Zacatecas, San Luis Potosí Tabasco, Querétaro, Oaxaca et Tamaulipas) 1. Il s'agit, en fait, des mêmes marchands-banquiers que nous connaissons déjà. Parmi les principaux actionnaires de la Banque Mercantile, on retrouve les créanciers du gouvernement qui sont aussi à la Nationale (Jose Ma. Bermejillo, Barrón y Forbes, Antonio Escandón, Esteban Benecke, Luis G. Lavie, Manuel Goytia, Huguenin), de riches financiers (Manuel Gargollo, ancien signataire des « Convenciones Españolas » et directeur des « Diligencias Nacionales », Nicolás de Teresa et son gendre Faustino Sobrino, Ramón Fernández, beau-frère du général González et gouverneur du DF), ainsi que les maisons de commerce espagnoles (Manuel Ibáñez, José Fariello Guerra) et surtout françaises (Pierre Martin, Gassier, Reynaud, Manuel, Ollivier ou Ebrard et Cia). On remarque également la présence d'intellectuels et de politiciens liés aux porfiristes (Roberto Núñez, Teodoro Dehesa, Francisco de Prida, banquier des « Tuxtepecanos », Indalecio Sánchez Gavito, Antonio García Cubas, Rafael de Zayas Enríquez), ainsi que celle de conservateurs, dont Pedro Escudero y Echanove, membre de la Junte de crédit. Forte de ces souscripteurs et sans concession officielle, la Mercantile ouvre ses portes au public le 27 mars 1882, un mois après la Nationale. La « concurrence sauvage » et les effets indésirables de l'« absence de législation » se font alors sentir. Mais ils ne sont pas les seules causes de la fusion et de la crise bancaire. Cette dernière, qui est un prolongement de la crise commerciale, masque les rapports de forces entre les différents intérêts (fiscaux, nationaux et étrangers) qui ont 1 Voir Ibid., p.1009. 82 / L’autre dictature influencé les décisions des élites politiques 1. Ainsi, face aux trois groupes qui ont l'Etat pour principal client et qui se disputent le privilège d'en devenir l'unique banquier, le général González penche pour la Nationale. Celle-ci assure, en effet, au général (qui cherche à rester au pouvoir) des facilités de crédit ainsi qu'une certaine autonomie vis-à-vis des porfiristes. Mais González ne peut avantager la Nationale. En l'absence d'une législation fédérale, il ne peut revenir sur les concessions accordées auparavant par les Assemblées des Etats (accords avec le Mont-de-Piété ou avec les petites banques du Chihuahua), ni sur les droits d'émission octroyés au Mont-de-Piété. De leur côté, les maisons de commerce et les marchands-banquiers, sollicités par le Trésor, n'acceptent l'extension de l'impôt du Timbre que contre l'assurance de leur participation dans les « affaires publiques ». La fusion entre la Nationale et la Mercantile arrange toutes les parties (Français et Allemands, maisons de commerce, Trésor, gonzalistes et porfiristes), hormis, bien entendu, le Mont-dePiété et les bénitistes, partisans d'une banque publique. Le déroulement du processus de fusion parle de lui-même. C'est ainsi que les pourparlers entre la Nationale et la Mercantile débutent en décembre 1883, après la crise du nickel, et aboutissent le 6 avril 1884 2. Le lendemain, la grève des commerçants contre le Timbre est annulée, tandis que la nouvelle banque accorde au fisc une avance sur un emprunt de 20 millions de pesos 3. Cet emprunt, autorisé par le Congrès le 26 mai 1883, doit, en principe, suivre la reconversion de la dette anglaise (première tâche confiée à la 1 Cet aspect est occulté dans la littérature officielle (MH, rapports des commissions parlementaires, rapport du président González...) et même dans les lettres diplomatiques de de Coutouly (AMAE/CP 72, 16 avril 1884). 2 Voir Procès-verbal de l'Assemblée générale de la Banque Nationale du Mexique, du 19 mai 1884, autorisant la fusion, AMF/B31.316, pièce 142. 3 Ces accords, écrit l'ambassadeur français, « aideront à calmer l'appétit fiscal du gouvernement en lui faisant une avance sur le produit du futur emprunt dont il est toujours question » ; AMAE, CP V72, lettre de G. de Coutouly à MAE, 16 avril 1884. L’hegemonie des Financiers / 83 Nationale, par l'entremise du financier Noetzlin 1). Dans le même temps, le gouvernement fait voter le Code de commerce (20 avril 1884), qui inclut divers articles faisant de l'activité bancaire une concession exclusive de la Fédération. Enfin, pour garder les formes, le gouvernement approuve le 15 mai le contrat de fusion. Cette dernière date laisse ainsi entendre que la fusion des banques survient après la crise bancaire, une illusion qu'entretient la version officielle. En ce qui concerne la crise, le journal El Diario del hogar suggère que le « run » qui entraîne la faillite du Mont-de-Piété est un coup monté (« intrigue grossière » ou « vile calomnie ») afin de retirer à la banque la concession d'émission de billets et d'affermir le monopole de la Nationale 2. Cette hypothèse est aussi retenue par G. de Coutouly dans une lettre adressée au Quai d'Orsay : ou bien le gouvernement a vraiment confisqué les fonds du Mont-de-Piété, écrit l'ambassadeur français, « [...] ou bien le délégué du syndicat parisien qui a négocié ici la fusion des banques et qui se prépare à négocier en Europe un emprunt mexicain, M. Edouard Noetzlin, avait-il, d'accord avec la direction de la Banque Nationale, fait savamment répandre (comme d'autres le soutiennent) des faux bruits dans ce sens, afin de provoquer une crise profitable à son oeuvre. » 3 Certes, on ne peut prouver la manoeuvre de la Nationale. Il reste, qu'avec le « run », l'autorisation d'émission du Mont-dePiété est suspendue tandis que l'admission de ses billets dans les bureaux fédéraux est réduite à seulement 20 % des 1 Voir MH 1884-1885, pp.12-13. Le 10 juin, le gouvernement passe un contrat avec Edouard Noetzlin afin de régler la conversion de la dette anglaise. 2 Voir El Diario del hogar, 29 avril 1884. Ce journal, réputé indépendant, annonce ainsi : « Une intrigue grossière ou une vile (« bastarda ») calomnie, on ne sait quoi, ont fait circuler hier, dans la ville de Mexico, la rumeur que le gouvernement s'était emparé des fonds du Mont-de-piété, ce qui a provoqué, dit-on, la démission de monsieur Trinidad García. [...] mais comme la nouvelle était fausse [...]. » 3 AMAE, CP V72, lettre de G. de Coutouly à MAE, 2 mai 1884. 84 / L’autre dictature paiements. Or le contrat signé avec la Nationale en 1884 accorde l'acceptation « exclusive » de ses billets, le privilège d'être l'agent du fisc et d'autres avantages encore 1. L'article 8, par exemple, protège la Banque Nationale. Il spécifie, en effet, que le gouvernement ne peut désormais accorder d'autorisation ni pour l'établissement de nouvelles banques d'émission, ni pour la poursuite des opérations des banques déjà établies sans concession fédérale. De plus, les banques d'émission ne peuvent avoir un caractère national, tandis que leur émission de billets est limitée au capital versé par les actionnaires et soumise à 5 % d'impôt du Timbre. De son côté, la Nationale peut émettre des billets jusqu'à trois fois son capital et paie un droit de Timbre de seulement 0,5 % 2. C'est avec de tels avantages qu'elle augmente son capital (20 millions de pesos). Elle élargit alors son Conseil d'administration, incluant les membres des deux banques 3, laisse la présidence à Antonio de Mier y Celis, maintient l'ancien Comité de Paris, met en place des succursales et des agences dans tout le pays (fig.3) et devient la plus puissante banque du Mexique (jusqu'en 1896, elle contrôle plus de 60 % du capital bancaire) 4. Les élites au pouvoir ont ainsi renoncé à confier ces privilèges à une banque publique (comme celle d'Angleterre, de France ou de l'Empire Allemand) et ont fait de la Nationale, non seulement un quasi-monopole privé, mais aussi « l'arbitre à peu près unique des opérations financières 1 2 Voir Banque Nationale du Mexique, Contrats, p.8, AMF/B31.316, pièce 138. Ibid., pp.7-10, Voir aussi P. Macedo, « Banque et institutions... », p.232, et Rosenzweig, « Moneda y bancos », HMM-PVE, p.809. 3 Benito Arena, J.M. Bernejillo, Félix Cuevas, A. Escandón y Estrada, G. de la Fuente, José Gargollo, Manuel Ibáñez, Pierre Martin, J. Martínez Zorilla, R. Ortiz de la Huerta, Francisco M. de Prida, Leo Stein, Gustavo Struck et Nicolás de Teresa. Voir Contrats, op. cit., p.2. 4 Pour les statistiques bancaires, voir Peñafiel, Cuadro sinóptico.., pp.58-59 ou EEPCE, p.192. Figure 3 : Reseau de la Banque Nationale du Mexique Agences des banques Nationale et Mercantile 1883 : L. Ludlow, ―La construcción de un banco: el Banco Nacional de México (1881-1884)‖, in Banca y poder, pp. 312-320. SOURCE 86 / L’autre dictature dans ce pays [...], une sorte de tuteur que l'administration s'est donné, peut-être sans le savoir, en payant avec des lois tout une suite de prêts » 1. Le mariage entre « les intérêts nationaux et étrangers » est, néanmoins, heureux. Pendant les dix premières années, l'accumulation de grandes masses d'argent à la Nationale (provenant de l'épargne interne et des investissements européens) est prioritairement destinée aux besoins du Trésor, aux subventions des chemins de fer et des travaux publics. Dans le même temps, la banque contribue à l'ouverture du crédit extérieur, dont elle est spécialement chargée, comme aux négociations d'emprunts, à la perception des recettes fiscales (en certificats d'importation) et à leur transfert aux créanciers. Une fois conclue la reconversion de la dette anglaise (1884-1886), le gouvernement ne rencontre aucune difficulté pour réaliser ses premiers emprunts (1888, 1890 et 1893) et pour consolider le crédit extérieur 2. Ainsi, en moins de dix ans, avec ces nouveaux mécanismes financiers, les charges pesant sur le budget fédéral sont allégées, les déficits réduits et les finances publiques finalement équilibrées 3. En 1895, le premier surplus fiscal apparaît. Le problème du « crédit public », comme disait Romero, est enfin résolu. Cependant, la révolution financière produit d'autres effets sur l'économie et la politique. Avec l'ouverture du crédit extérieur, la BNM réduit considérablement ses prêts au gouvernement. De plus, elle peut canaliser les investissements étrangers, encaisser les surplus et l'épargne interne générés par l'activité économique 4. 1 2 3 4 AMAE, CP V72, lettre de G. de Coutouly à MAE, 16 avril 1884. Voir J. Pérez Siller, « Deuda y consolidación del poder... », op. cit. Pour une description plus détaillée de ces mécanismes financiers, voir id. Ce changement est vite perçu par le Conseil d'administration de la BNM, qui déclare dans son rapport annuel de 1895 : « De ces faits, le premier et non le moins important, est que le gouvernement national, non seulement n'a pas eu besoin de recourir au crédit que, conformement au contrat de concession, la Banque est tenu d'ouvrir à la Trésorerie générale de la Fédération sous forme de compte courant crédit dont, il faut bien le dire, le gouvernement avait, dans des situations difficiles, L’hegemonie des Financiers / 87 Elle est ainsi de moins en moins une banque commerciale et tend à devenir une banque d'investissement. L'épargne concentrée dans la banque constitue les bases du grand capital industriel du pays. Les financiers qui l'animent aident à consolider les pouvoirs publics, maintiennent le « tutorat » sur le fisc et deviennent les hommes importants du régime. D'autant qu'ils souhaitent, en outre, participer plus activement à la croissance économique 1. L'ère des Científicos est donc, de fait, l'ère des financiers. 2. L'ère des banquiers (1896-1905) La constitution d'une élite financière nationale est un des effets socio-politiques des révolutions ferroviaire et financière. Liée aux élites politiques (en particulier, les Científicos) et à la « haute banque » européenne (par le biais des banquiers français), cette élite développe une certaine conception de la nation, proche de celle d'Antonio de Mier y Celis, où les intérêts financiers (nationaux et étrangers) doivent être garantis par le régime, où l'indépendance et la souveraineté sont au service de ses intérêts, où elle est ellemême le coeur du corps social, un corps guidé par l'esprit éclairé du général Porfirio Díaz, père bienveillant. La consolidation et le développement de ce milieu financier vont de pair avec la lutte contre les privilèges de la Banque Nationale et avec l'avènement des Científicos et de Limantour. Tandis que ce dernier gravit les échelons de largement usé-, mais qu'il a pu encore, sur les produits ordinaires des impôts, laisser en dépôt dans les caisses de la Banque, après avoir fait face à tous les besoins du service public, une somme qui s'élevait à $ 1 623 746,50 à la date du 31 décembre dernier » (Rapport du Conseil d'administration de la BNM, in La Semaine financière, 3 octobre 1896). 1 En 1900, le Conseil de la banque veut augmenter le capital : « le développement de la richesse nationale au Mexique a été tellement rapide [...] que la BNM se voit obligée d'augmenter ses moyens d'action » (Rapport du Conseil d'administration de la BNM, in La Semaine financière, 22 septembre 1900). 88 / L’autre dictature l'administration publique (simple rapporteur d'une commission chargée de discuter un traité commercial avec les Etats-Unis en 1877, il est à la tête du ministère des Finances en 1893), les créanciers et les hommes d'affaires luttent pour se faire une place dans les institutions de crédit, et créent, par l'entremise des Científicos, un nouveau monde : celui des financiers. Nous avons vu que, jusque dans les années 1870, le crédit est entre les mains des marchands-banquiers, des spéculateurs, des commissionnaires, des fermiers des Hôtels des monnaies, des hommes liés au commerce extérieur (exportation de métaux et de produits agricoles, importation de biens de consommation). Nous avons vu également comment le rapport de ces créanciers avec le gouvernement, les besoins croissants du fisc et l'expérience douloureuse de la dette extérieure -prétexte de l'intervention française- ont influé sur la naissance des banques. Les élites au pouvoir ont alors choisi de créer une banque privilégiée et protégée, un quasi-monopole qui devient le trait d'union entre les intérêts des créanciers nationaux, les besoins du Trésor et les exigences des investisseurs étrangers. Une fois consolidé ce système bancaire et ouvert le crédit international, les entrepreneurs participent à la création d'autres institutions de crédit, qui vont à l'encontre des intérêts de la Banque Nationale. Ce processus s'étend sur plusieurs années (fig.4). Les quelque quarante banques existant à la fin du porfiriat ont été créées par vagues successives, qui vont de l'instauration des banques nationales d'émission (1864-1884) au développement d'un réseau national de banques locales (1897-1908), en passant par les concessions du gouvernement (1888-1893) 1. 1 C. Marichal propose un essai de périodisation de la banque en Amérique latine, que l'on peut appliquer au cas mexicain : âge prébancaire (1810-1850), premières banques commerciales (1850-1880), création des réseaux bancaires nationaux (18801910). Voir « El nacimiento de la banca », in Banca y poder en México, pp.231-265. Figuere 4 : Chronogramme des banques mexicaines ( 1867 – 1912 ) SOURCE : A. Peñafiel, Cuadro sinóptico informativo... 1910, pp. 56-61. Note: * Les banques de Santa Eulalia (fondée en 1875), Mexicano de Chihuahua (1878) et Comercial de Chihuahua (1889), fusionnent dans le Minero de Chihuahua. ** Les banques du Yucatan fusionnent en 1907-1908, et forment la Banca Peninsular. 90 / L’autre dictature Soulignons que cette évolution, cette diversification d'institutions de crédit, procède, non seulement de l'initiative des entrepreneurs, encouragés par l'activité économique, mais aussi de l'observation d'une politique opposée à celle de González, dans un contexte de crise. La législation bancaire scande l'évolution des institutions de crédit : elle garantit et régularise les initiatives des financiers. C'est ainsi que les cinq premières banques doivent désormais se conformer au Code du commerce de 1884, qui affermit le monopole d'émission de la Banque Nationale (elle contrôle plus des trois quarts du capital actif des banques), contraint les institutions de crédit à demander une autorisation fédérale et à accepter un contrôleur officiel, et empêche, pendant quatre ans, toute création de banque. Après le règlement de la dette anglaise et la négociation du premier emprunt extérieur (1887-1888), Manuel Dublán applique une politique plus libérale 1. Il se prononce pour un système bancaire libre, dans lequel la circulation fiduciaire est garantie par les bons du Trésor (système proposé par Romero et appliqué aux Etats-Unis) 2, un système remettant en cause les privilèges de la Banque Nationale. En 1888, le Congrès autorise l'Exécutif à octroyer de nouvelles concessions à des sociétés privées 3. Dublán signe ainsi plus de vingt contrats permettant l'établissement d'institutions financières : une Bourse des valeurs et plusieurs banques d'émission (agricoles, commerciales, industrielles et minières) dans les Etats les plus actifs (Chihuahua, Coahuila, Jalisco, Puebla, 1 Rappelons qu'en 1882, lors du débat sur les prérogatives de la Banque Nationale, Manuel Dublán s'est opposé aux privilèges et a proposé un projet de loi bancaire libéral. Pablo Macedo, membre de la même commission, a alors bloqué la résolution et la discussion parlementaire. Voir DDCD 1882, séance du 11 novembre, pp.375388. 2 Pablo Macedo évoque ce système où « la circulation fiduciaire est garantie par des dépôts en titres de la dette nationale à leur valeur de place, ou à moins, pour l'émission totale de chaque banque et même pour une plus grande somme » (P. Macedo, « Les institutions de crédit », op. cit., p.235). 3 Voir le décret du 1er juin 1888 autorisant le gouvernement à établir des contrats pour l'établissement de nouvelles banques. L’hegemonie des Financiers / 91 Guanajuato, San Luis Potosí, Durango, Yucatán, Nuevo León, Veracruz, Sonora et Zacatecas) 1. De plus, afin d'animer la concurrence, le ministre encourage -en vain- un groupe d'entrepreneurs désireux de créer une banque nationale de « Fomento » en reprenant les anciens privilèges d'émission du Mont-de-Piété 2. Entre 1888 et 1892, en dépit des « respectueuses protestations » de la Banque Nationale 3, cette politique se solde par la création de sept banques locales d'émission. Celles-ci ne constituent pas pour autant une menace réelle pour la Banque Nationale, qui concentre encore plus des deux tiers des actifs bancaires du pays. Cependant, les tensions sont telles que le gouvernement et la Banque Nationale sont au bord de la rupture. L'avènement de Limantour et des Científicos redonne de l'espoir aux financiers de la Banque Nationale. Les nouveaux maîtres des finances publiques se proposent, en effet, de « faire cesser ce désordre et d'adopter un système définitif qui, tout en respectant les droits acquis, soit approprié aux nouveaux besoins du pays » 4. Avec l'autorisation du Congrès, Limantour engage, dès 1896, des pourparlers avec le Conseil d'administration de la Banque Nationale. Celle-ci est invitée à renoncer, « moyennant quelques compensations jugées équitables », aux clauses du contrat stipulant que le gouvernement se privait du droit de permettre l'établissement de nouvelles banques d'émission 5. Surtout, le contrat de la Banque Nationale doit devenir compatible avec l'esprit d'une 1 2 Pour les contrats de concession, voir Dublán y Lozano, Legislación... P. Macedo critique sévèrement -et pour cause- cette politique de Dublán : « Heureusement pour la République (nous ne pouvons faire moins que de le dire car nous le croyons sincèrement), la Banque d'hypothèques ne parvint pas à mettre ses billets en circulation et la Banque de Fomento ne s'établit pas » (« Banques et institutions... », p.234). 3 Ce sont les mots de Pablo Macedo, qui est chargé, en tant qu'avocat de la banque, d'interposer le recours d'« amparo » (voir Id.). 4 C. Díaz Dufóo, Les finances mexicaines..., op. cit., p.89. 5 Voir l'article 8, in Contrats de concession, op. cit., pp.9-10. 92 / L’autre dictature législation générale sur les institutions de crédit 1. C'est pourquoi les bases de cette législation sont communiquées aux banquiers et approuvées par le Congrès. En voici les principaux articles : 1. Aucune concession ne sera accordée sans que les concessionnaires aient déposé des bons de la dette publique, d'une valeur de 20 % de la somme que la banque doit avoir en caisse ; 2. Le minimum de capital souscrit sera de 500 000 pesos, dont la moitié doit être versée avant le début des opérations ; 3. L'encaisse ne pourra jamais être inférieure à la moitié du total de billets de la banque en circulation ; 4. Aucune banque ne pourra être autorisée à émettre des billets pour une valeur supérieure au triple de son capital versé ; 5. Les billets seront de cours volontaire et ne devront pas avoir une valeur inférieure à cinq pesos ; 6. Les exemptions, ou diminutions d'impôts, ne seront concédées qu'à la première banque qui s'établira dans un Etat ; les autres banques devront payer les impôts, auxquels s'ajoute un impôt fédéral de 2 % par an sur la valeur de leur capital versé ; 7. Les banques ne pourront avoir de succursales hors du territoire de l'Etat d'origine, sauf autorisation spéciale du pouvoir fédéral, mais jamais dans la ville de Mexico ni dans le District fédéral ; 8. Chaque banque aura un contrôleur du gouvernement, chargé de vérifier les comptes et l'émission des billets ; 9. Les banques publieront mensuellement un état de caisse dans lequel seront indiqués, outre les soldes des comptes qu'impose la loi, le total de l'encaisse métallique, la valeur des billets en circulation et celle des dépôts remboursables à vue ; 10. Il ne sera octroyé aucune concession avant que la loi générale des banques n'ait été promulguée. 2 C'est sur ces bases que le Conseil d'administration de la Banque Nationale accepte de modifier son contrat et renonce au monopole. En échange, la durée de la concession de la 1 Voir Iniciativa de ley, MH 1895-1896, p.402, et « Arreglos celebrados por la Secretaría de Hacienda con el Banco Nacional », MH 1896-1897, pp.240-246. 2 Voir « Iniciativa de ley », MH 1895-1896, p.402. L’hegemonie des Financiers / 93 est prorogée pour cinquante ans, tandis que son rôle de caissier de l'Etat est étendu : elle se chargera de concentrer les revenus fédéraux et d'assurer les mouvements du Trésor dans la République (avec une commission de 1,75 %), de faire des avances au gouvernement (4 millions de pesos, à 6 % d'intérêt), et de couvrir le service de la dette publique (avec une commission qui passe de 2 % à 1 %). De plus, la BNM obtient -en lui accordant un emprunt- que le Mont-de-Piété renonce pour dix ans à ses privilèges d'émission et au transfert de ces privilèges à un tiers 1. Elle empêche ainsi l'établissement futur d'une autre banque nationale. Enfin, l'interdiction faite aux nouvelles banques d'établir des succursales dans la capitale est très importante pour la BNM. Cette clause lui assure, en effet, le droit d'escompter les billets des banques locales dans tout le pays. Après avoir surmonté les premiers obstacles, Limantour nomme une commission, chargée de rédiger la nouvelle « loi générale des institutions de crédit » et composée de banquiers (Carlos de Varona, directeur de la BNM, H.C. Waters, gérant de la Banque de Londres, Joaquín de Trueba, directeur de l'Internationale Hypothécaire, Hugo Scherer, fonctionnaire de la BNM) et d'avocats « Científicos » (Joaquin D. Casasús, Miguel S. Macedo et José Ma. Gamboa) 2. Décrétée le 19 mars 1897, la « loi générale » constitue la première loi bancaire mexicaine 3. Nous n'analyserons pas ici cette loi, dont l'esprit est tout entier dans les bases mentionnées plus haut. Il convient, toutefois, d'en souligner divers aspects, dont, en premier lieu, la diversité des types de banque. On en BNM 1 Le prêt est de 500 000 pesos par an, avec un intérêt de 3 % (voir Arreglo celebrado..., op. cit., pp.244-245). 2 Voir le rapport de Limantour au Congrès, DDCD 1897, séance du 17 novembre, p.482. 3 On trouvera cette loi dans MH 1896-1897, pp.262-277. Pour la traduction française, voir Mexique. Institutions de crédit, Traduction de la loi du 19 mars 1897..., Impr. de Chaix, 1910. Il existe plusieurs analyses de cette loi, notamment dans Joaquín D. Casasús, Las instituciones de crédito, et dans E. Viollet, Les banques au Mexique. 94 / L’autre dictature dénombre trois sortes : les banques d'émission, les banques hypothécaires et les banques refaccionarios. Elles diffèrent par les droits d'émission et les délais des crédits. Les premières émettent des billets et font des prêts jusqu'à six mois. Les secondes émettent des obligations et font des prêts avec une échéance de dix à vingt ans. Les troisièmes, enfin, les plus novatrices et dont la vocation est d'encourager l'agriculture, l'industrie et les mines, accordent des prêts de deux ans maximum et émettent des titres (des « bons de caisse ») qu'elles placent dans les marchés financiers, se procurant ainsi des fonds en dehors de leur capital. Ces bons, innovation « récente » utilisée pour la première fois par le Crédit Lyonnais, rapportent des intérêts et sont remboursables (à trois mois ou à deux ans) 1. Second aspect de la loi : la volonté de ne laisser aux pouvoirs publics qu'un droit de surveillance, de « préserver les banques de toute influence externe et particulièrement de toute influence politique » 2. C'est ainsi que Limantour justifie la suppression de la clause, contenue dans le premier point des bases mentionnées plus haut, exigeant le dépôt de titres de la dette en garantie partielle de la concession et prévoyant de créer un système d'émission basé sur les bons du Trésor 3. En revanche, la loi élargit les prérogatives des commissaires des Finances (contrôler l'exactitude des balances mensuelles, de l'encaisse métallique, du montant des émissions, signer les billets...), et maintient l'obligation pour les banques de publier bilans et rapports d'assemblée. Enfin, la loi cherche à protéger les 1 Voir Ley General de Instituciones..., op. cit., pp.271-272, et F. Rosenzweig, « Moneda y bancos », HMM-PVE, p.821. 2 DDCD 1897, séance du 17 novembre, p.488. 3 Limantour déclare au Congrès : « Le gouvernement n'a pas cru devoir maintenir ce principe et n'a par la suite requis aucun dépôt, grand ou petit, de titres de la dette publique. Quelle influence excercerait en fait, comme élément de sûreté et de confiance, un tel dépôt sur le crédit d'une banque au cas où, par suite des vicissitudes de la politique interne ou externe, les valeurs d'Etat baisseraient brusquement ? La gravité du mal et le danger ne seraient-ils pas accrus par la dépréciation de la garantie, au moment où une crise générale paralyserait les transactions, ferait rentrer l'argent dans les cachettes et arrêterait les paiements ? » (Id.). L’hegemonie des Financiers / 95 privilèges de la BNM (seule autorisée à émettre des billets jusqu'au triple de l'encaisse) et à rassurer le public en prenant des mesures préventives contre le « run ». Pour les autres banques, la somme des billets émis et les dépôts remboursables à vue ou dans un délai maximum de trois jours ne pourra ainsi excéder le double de l'encaisse métallique. Les pouvoirs publics ont tiré la leçon de la crise bancaire de 1884 et ont compris que le danger pour les banques d'émission peut venir, non seulement de la présentation d'une grande partie ou de la totalité des billets en circulation, mais aussi de la demande de remboursement immédiat des dépôts à vue ou à court terme 1. A la suite de la loi, plus de vingt banques d'émission, deux hypothécaires et sept refaccionarios sont créés entre 1897 et 1910, dans presque tous les Etats de la République. Un processus qui a pour conséquences l'amplification des moyens de crédit, la création d'un réseau de banques locales dans un système bancaire semi-libre, et le fléchissement de l'hégémonie de la Banque Nationale. Ce dernier point est déterminant pour l'ensemble du système de crédit, ainsi que le montre le tableau de l'évolution des principales banques d'émission. 1 Voir C. Díaz Dufóo, Les finances..., op. cit., pp.91-92. 96 / L’autre dictature Tableau 5 SEIZE PRINCIPALES BANQUES D'EMISSION (1896 - 1910) (pourcentages du capital actif sur l'ensemble des banques) BANQUES 1893 1903 1910 Nationale du Mexique de Londres et de Mexico Peninsular (a) Orientale du Mexique (b) Minero de Chihuahua (c) Mercantile de Veracruz de Durango de Nuevo León Mercantile de Monterrey de Jalisco de Sonora de Coahuila de San Luis Potosí de l'Etat de Mexico Occidentale du Mexique de Zacatecas 64,6 21,9 4,4 3,6 3,4 1,9 1,3 1,3 1,6 2,9 2,0 1,8 2,3 1,3 1,4 1,4 39,1 18,0 8,0 4,4 4,0 2,1 1,4 1,7 1,6 1,6 1,6 1,4 1,3 1,2 1,0 1,5 48,4 19,8 5,2 TOTAL 98,3 92,5 96,2 2,8 1,7 1,5 0,8 (a) Née en 1908 de la fusion des banques Yucateco et Mercantile de Yucatán ; (b) Siégeant à Puebla, absorbe en 1909 les banques de Chiapas et d'Oaxaca ; (c) Absorbe les banques Mexicaine de Chihuahua (1888) et Commerciale de Chihuahua (1899). Sources : A. Peñafiel, Cuadro Sinóptico..., p.58, et J.L. Cepeda Dobala, Histoire de la banque..., tableau n°13. Le nombre et l'importance des banques sont très révélateurs. En termes relatifs, la BNM perd du terrain au profit des banques locales. Mais ce recul n'est qu'apparent et temporaire. En termes absolus, en effet, elle multiplie sa taille par sept (de 55 à 437 millions de pesos) et reprend du terrain vers la fin du porfiriat. Dans le même temps, les banques L’hegemonie des Financiers / 97 locales perdent de l'importance et passent, en termes relatifs, de 43 % à 31 %. Retenons donc cette tendance contradictoire, qui suggère le retour à la concentration bancaire... Quoi qu'il en soit, la création des banques dans les Etats constitue l'aspect le plus novateur de ce processus. Celles-ci concentrent l'épargne et deviennent un important levier de l'économie régionale. Le tableau, qui ne traite que des plus actives d'entre elles, reflète le dynamisme des économies régionales. Ainsi, la Banque Peninsular dans le Yucatán traduit la vitalité de la production et de la commercialisation de hénéquen, la Banque Orientale, dans la région PueblaTlaxcala, l'expansion des industries textiles et des manufactures. Les banques des Etats du Nord (Sonora, Chihuahua, Durango, Sinaloa, Zacatecas, San Luis Potosí) témoignent des activités minières et agricoles, celles de Veracruz et de Jalisco de l'activité commerciale et manufacturière. Le cas de Nuevo León, enfin, exprime le dynamisme et la diversité des élites économiques et financières, qui développent, on le sait, un ensemble industriel de première importance dans le pays. La diversité des banques est donc l'expression d'un changement radical de la politique financière du régime, d'une volonté de « décentraliser » les institutions de crédit et d'enhardir les forces économiques locales. Lors de la présentation de la loi, Limantour déclare ainsi au Congrès : « Ces banques, aux mains de personnes compétentes, ayant leurs intérêts dans la localité même, connaissant les gens et les choses de la région, se trouvant en état d'étudier et de surveiller personnellement chaque affaire, étant au courant des besoins propres de la localité et des ressources pouvant y être développées, accompliraient, dans l'état actuel du pays, les fonctions dévolues aux organes chargés de 98 / L’autre dictature distribuer le crédit, mieux qu'une unique institution bancaire pour toute la République. » 1 Ces fins commentaires de Limantour font appel aux hommes d'affaires locaux, afin de contribuer à la création des institutions de crédit. En d'autres termes, le ministre désire partager avec eux un nouveau chantier économique : les finances. De plus, il souhaite rassembler ces hommes pour faire contrepoids au puissant monopole de la Banque Nationale. Il prévoit d'ailleurs les conséquences d'une telle politique : « Durant les premières années, dit-il, la loi fera naître une sorte d'oligarchie bancaire, capable de distribuer convenablement les institutions de crédit dans tout le pays » 2. Pour Limantour, la création d'une « oligarchie bancaire » est un moindre mal face au monopole de la BNM ; d'autant qu'il établit de bonnes relations avec cette oligarchie, grâce aux Científicos. Il confie, en effet, à ces derniers le soin de négocier la nouvelle loi avec les banquiers. Puis il les incite à devenir les médiateurs entre les intérêts de l'Etat et ceux de l'oligarchie bancaire. Cependant, pour appliquer cette politique et briser le monopole de la Banque Nationale, Limantour a besoin d'une force économique sur laquelle s'appuyer. Rappelons qu'à cette date le fisc est moins dépendant de la BNM car les finances sont équilibrées, tandis que le crédit extérieur est ouvert. De plus, Limantour vient de remporter une victoire en abolissant les Alcabalas. Position confortable, certes, mais pas assez pourtant pour annuler les privilèges des financiers. Un groupe actif d'investisseurs va lui permettre de réaliser ses projets. Le Chargé d'affaires français à Mexico, Balard de Pouquerille, témoigne de cette heureuse alliance : 1 2 DDCD 1897, séance du 17 novembre, pp.478-479. Ibid, p.490. L’hegemonie des Financiers / 99 « Un groupe des principales maisons barcelonnettes, qui font avec l'intérieur le commerce de gros, avait songé il y a deux mois, à établir une banque d'émission, en cherchant à faire revivre une ancienne concession qui n'avait pas été utilisée. Nos compatriotes avaient pour eux l'appui du président de la République et celui du ministre des Finances, qui tous deux se montraient partisans du principe de la pluralité des banques ; mais trop confiants dans leur influence, ils ne surent pas s'arranger avec la Banque Nationale, et celle-ci, forte de ses prérogatives, força le gouvernement à rester dans les termes du contrat en repoussant la demande des Barcelonnettes. Peut-être aussi, M. Limantour n'avait-il paru se montrer si favorable à ces derniers, que pour mieux influencer les gros capitalistes espagnols qui se trouvent à la tête de la Banque Nationale, de façon à les amener à composition plus facilement et les déterminer à consentir à l'abandon de leur monopole [...]. Dans ce cas, il faut reconnaître qu'il a pleinement réussi. » 1 Dans le combat contre le monopole, les Barcelonnettes se font donc les alliés discrets du gouvernement. Ils deviendront, on le sait, les partenaires privilégiés des Científicos et les fondateurs actifs de l'oligarchie bancaire. Ils contournent alors la difficulté (fonder une banque entièrement française) en s'associant avec la Banque de Londres et de Mexico (BLM), deuxième banque du pays. La Banque de Londres et de Mexico est une institution à l'importance croissante. Si la BNM joue un rôle de premier plan dans le redressement des finances publiques, la BLM est un véritable levier financier de l'économie. Cependant, le Code du commerce de 1884 empêche cette banque, succursale d'une banque étrangère, de poursuivre ses activités et de conserver une comptabilité confidentielle. D'ailleurs, le gouvernement lui attribue un contrôleur et l'oblige à changer 1 Lettre de Balard de Pouquerille à MAE, 12 juin 1896, AMF/B13.316, p.35. 100 / L’autre dictature de statut juridique. L'avocat de la banque, le sénateur Rafael Dondé, obtient le recours d'« amparo », mais les intérêts de la BNM et les besoins du gouvernement imposent au ministre des Finances d'exiger sa soumission aux ordonnances du Code du commerce. Une solution est alors suggérée par l'actionnaire José Yves Limantour, qui propose de racheter l'ancienne concession de la Banque des Employés (encore inexistante) et de régulariser ainsi la situation de la Banque de Londres 1. En 1886, Manuel Dublán accepte le transfert de concession, qui est réformée en 1889 2. La BLM aligne alors ses attributions sur celles des autres institutions de crédit et poursuit ses activités avec les privilèges de banque nationale d'émission 3. La concurrence avec la BNM n'est pas une difficulté pour la Banque de Londres. Ses affaires vont bon train. En 1891, elle augmente son capital, qui passe de 1,5 à 5 millions de pesos 4. En 1896, elle affiche un état « de réelle prospérité, attestée par l'élévation des dividendes distribués, qui ont atteint 14 % » 5. C'est l'heure des Barcelonnettes. Une nouvelle augmentation est proposée, annonce Rafael Dondé à l'Assemblée générale, car « un groupe de commerçants et de capitalistes, tant de la République que de l'étranger, a conçu l'idée d'apporter un nouveau capital à la Banque » 6. Ceux-ci s'engagent à verser 5 millions de pesos en espèces et 1 Cet épisode et la discussion sur le monopole de la Banque Nationale sont décrits dans F. Rosenzweig, « Bancos y moneda », op. cit., pp.809-812. 2 Voir le décret du gouvernement du 21 août 1889 (« Aprueba las reformas hechas a las Concesiones del Banco de Londres y México »), in Dublán y Lozano, Legislación... 3 Le contrat de 1889 accorde le nom de « Banco de Lóndres y México », le privilège d'émission de billets et celui d'établir des « succursales dans tout le pays et à l'étranger », ainsi que les exemptions d'impôts sur le capital et les dividendes. En cas de guerre, la banque sera déclarée neutre. Voir Ibid., pp.518-520. 4 Voir Procès-verbaux des Assemblées Générales des Actionnaires de la Banque de Londres et de Mexico..., Agustin Pérez de Lara, notaire public, AMF/B13.316, pièce 63.614, p.3. 5 Lettre de Balard de Pouquerille à MAE, 5 août 1896, AMF/B13.316, p.31. 6 Procès-verbaux des Assemblées Générales des Actionnaires de la Banque de Londres et de Mexico..., op. cit., p.6. L’hegemonie des Financiers / 101 demandent en échange la moitié des actions et quelques places dans le Conseil d'administration, qui passe de 5 à 12 membres. En outre, ce groupe déclare que son projet a été accueilli « avec plaisir » par le président de la République et le ministre des Finances, ajoutant : « ces Messieurs acceptèrent notre requête de proroger jusqu'à cinquante ans la concession dudit établissement » 1. Les fiançailles ont lieu le 14 mai et le mariage est célébré, avec l'autorisation officielle, le lendemain du 14 juillet 1896 2. La nouvelle institution, qui a failli prendre le nom de « Banque de Londres, de Paris et de Mexico », augmente alors son capital (il atteint 10 millions de pesos) et la liste de ses actionnaires. On trouve ainsi dans son Conseil d'administration les Barcelonnettes Léon Signoret, Henri Tron, Mateo Lambert, Léon Ollivier, Alphonse Michel, Léon Honnorat, Gratien Guinchard et Josep Hauser, les riches commerçants espagnols Valentin Elcoro, Faustino Martínez, Pedro Albaitero, Manuel Romano Gavito ainsi que Iñigo, Florencio et Remigio Noriega, des personnalités politiques telles que le général Manuel González Cosio (ancien gouverneur du Zacatecas, ministre de Fomento, de l'Intérieur, de la Guerre...), Francisco Espinoza (trésorier de la Fédération), Joaquin Baranda (ancien gouverneur de Campeche, ministre de la Justice et de l'Instruction publique), et quelques célèbres financiers comme Ignacio de la Torre y Mier (propriétaire foncier, gendre de Porfirio Díaz), Delfin Sánchez (gendre de Juárez), Luis Barroso Arias, Andres Bernejillo et Rafael Dondé (avocat). Les actionnaires anglais, dont la participation passe de 90 % à 50 %, sont encore représentés par H.C. Waters, gérant général de la banque 3. 1 Lettre de « Messieurs OLLIVIER & Cie, M. LAMBERT & Cie, SIGNORET, HONORAT & Cie, NORIEGA & Cie et REMIGIO NORIEGA HERMANOS », 12 mai 1896, Ibid., p.7. 2 Voir Arreglo celebrado por la Secretaría de Hacienda con el Banco de Londres y México, DDCD 1897, séance du 17 avril, pp.532 et suiv. 3 Voir Asamblea general ordinaria del Banco de Londres y México 1897, AMF/B13.316, pièce 30. 102 / L’autre dictature Dès lors, la Banque de Londres participe activement au développement des entreprises dans tout le pays. Elle augmente encore son capital qui passe à 15 millions de pesos en 1899, grâce aux Barcelonnettes qui contrôlent désormais la banque, puis à 21,5 millions de pesos en 1906, avec l'aide, cette fois, de Français de métropole. La Banque de Paris et des Pays-Bas, et la Société Financière pour l'Industrie au Mexique prennent, en effet, 4 millions et s'engagent à coter les bons à la Bourse de Paris, tandis que le groupe animé par les Barcelonnettes se réserve le droit d'acheter les 2,5 millions restants 1. Ceux-ci confortent ainsi leur position au sein de la banque et occupent presque tous les postes de direction. Le général Manuel González Cosío devient président, le sénateur Rafael Dondé vice-président et Rosendo Pineda, homme orchestre des Científicos, membre du Conseil d'administration. Il s'agit ici d'une progression accélérée du capital bancaire, plus ou moins généralisée dans les autres banques, et d'une excellente réussite d'entente entre épargne créée au Mexique, placements étrangers et élites politiques. Depuis la loi de 1897, le capital bancaire est allé en se renforçant. Sa puissance provient « des ressources qu'il rassemble, des secteurs et des firmes qu'il aide ou qu'il contrôle -et du rôle même des hommes qui le dirigent » 2. Les banques, telle la BLM, sont au service des activités économiques de leurs associés. L'augmentation de capital est chaque fois une occasion de réinvestir les profits (financiers, commerciaux et industriels) et d'agrandir la capacité de crédit utilisé par les associés et le public. Nous connaissons déjà l'ampleur de l'activité des Barcelonnettes : industries textiles 1 Cette offre est faite par J.B. Ebrard y Cia, C. Markassuza, El Palacio de Hierro S.A., Valentin Elcoro, B. Roves y Cia sucesores, Antonio Basagoiti, Fernando Pimentel, Manuel G. Cano, Francisco Espinoza, Léon Signoret et Iñigo Noriega. Voir Expédition des actes concernant l'augmentation du capital social de la Banco de Londres y México, Agustin Pérez de Lara, notaire public, AMF/B13.316, pièce 63.652, p.8. 2 J. Bouvier, Initiation au vocabulaire..., p.144. L’hegemonie des Financiers / 103 (CIDOSA, CIVSA, , CICARSA, San Ildefonso, La Hormiga...), du papier (San Rafael), du tabac (El Buen Tono, La Moderna), brasserie (Moctezuma), l'usine Nationale de Poudre), la métallurgie (Fundidora de Monterrey), les mines (El Boleo, la Preciosa)..., les grands magasins (El Palacio de Hierro, ParisLondres, El Centro Mercantil, La Valenciana, El Puerto de Veracruz, Las Fabricas Universales,), les chemins de fer (Mexicano), etc. Nous connaissons également le rôle politique des hommes qui dirigent la BLM. C'est pourquoi la progression de la banque s'identifie avec la stabilité du régime. Chaque augmentation de capital donne lieu à un éloge du gouvernement. On peut ainsi entendre en assemblée générale : « La tranquillité permanente du pays, le développement croissant des entreprises industrielles, qui se multiplient sur divers points de la République ; l'état florissant du commerce [...], la prospérité et le bien-être des finances publiques qui, habilement administrées, continuent à consolider le crédit national et à inspirer une légitime confiance... » 1 Le « miracle porfiriste » est lancé et ne connaît pas de limite. La paix et la confiance dans l'avenir incitent les hommes actifs du régime à suivre la vague du progrès et du profit. D'autres alliances et d'autres institutions de crédit leur offrent maintes occasions de s'enrichir. Outre les banques d'émission, la nouvelle loi bancaire a permis la création de banques hypothécaires et refaccionarios, dont l'influence ne cesse de s'acroître, ainsi que l'illustre le tableau suivant : 1 « Assemblée générale extraordinaire des actionnaires de la Banco de Londres y Mexico du 26 avril 1899 », in Procès-verbaux des Assemblées générales..., op. cit., p.14. : Archives du ministère de l’Economie et des Finances, série B31.316, pièce 30. Rapports du Conseil d’Administration, 1896. SOURCE 105 / L’autre dictature Tableau 6 STRUCTURE DU SYSTEME BANCAIRE (1900 - 1910) (pourcentages sur l'ensemble des capitaux actifs) TYPES DE BANQUE D'emission « Refaccionarios » Hypothécaires TOTAL 1900 1905 1910 90 4 6 86 7 4 79 14 7 100 100 100 Sources : A. Peñafiel, Cuadro sinóptico..., pp.58-61, et J.L. Cepeda Dobala, Histoire de la banque mexicaine, tableau n°14. La baisse relative des banques d'émission traduit une certaine diversification de la demande en matière de services financiers. C'est ainsi que le marché des prêts à moyen et long terme (six mois ou plus) croît notablement : emprunteurs et créanciers sont alors confiants dans le régime. Dans l'ensemble, les banques hypothécaires sont moins actives que les banques refaccionarios, dont la part fait plus que tripler ; deux types d'institution qu'il convient d'examiner. En ce qui concerne les banques hypothécaires, soulignons qu'elles doivent jouer un rôle important dans un pays agricole (80 % de la population mexicaine vit à la campagne), lorsque l'agriculture fait partie du secteur modernisé. Mais l'agriculture mexicaine n'est moderne que dans les régions du Nord et du Sud-Est, produisant pour l'exportation, le reste, plutôt traditionnel, suffisant à peine aux besoins du pays. Dans ces conditions, les banques hypothécaires ne font pas de grosses affaires, sauf s'il existe un marché foncier actif. Or ce dernier se constitue durant les années 1880, avec 106 / L’autre dictature l'instauration du régime moderne de propriété, la politique « d'occupation du territoire » et la construction des chemins de fer. Au début du XXe siècle, le marché foncier se développe encore, avec les concessions minières et pétrolières. C'est précisément pour renforcer le crédit en faveur des acquéreurs fonciers que sont créées les banques hypothécaires : la Banque Internationale et Hypothécaire du Mexique (1883), avec un capital nord-américain et anglais, et la Banque Agricole et Hypothécaire (1900), dirigée par le groupe Creel-Terrazas 1. La première de ces deux banques augmente son capital entre 1883 et 1900 (il passe de 2 à 15 millions de pesos), tandis que la seconde reste modeste durant quelques années (à peine un quart du capital actif de sa concurrente) 2. Mais, après la dévaluation de 1905, les Français, les Barcelonnettes et les Científicos prennent la Banque Agricole en main et lui apportent un capital supplémentaire. En 1908, cette dernière prend le nom de Crédit Foncier Mexicain (Banco Hipotecario de Crédito Territorial Mexicano), émet des bons et des obligations hypothécaires dans les Bourses européennes (Pays-Bas, Suisse, Belgique, Allemagne et, surtout, France), et ouvre sa direction à divers actionnaires. Entrent alors dans son Conseil d'administration quelques Français (Antonio Hubbe, Joseph Signoret, Armand Delille), des Barcelonnettes (Alphonse Michel, H. Reynaud, Donato de Chapeaurouge) et des Científicos (Fernando Pimentel y Fagoaga, Carlos Casasús, Fernando Duret, José Castellot). Enfin, la banque établit un Comité à Paris, contrôlé par la Société centrale des banques de province 3. L'année suivante, le Crédit Foncier devance la 1 Voir Concesión Escritura y Estatutos del Banco Agricola e Hipotecario, Mexico, 1902. 2 Entre 1892 et 1906, le capital actif de la Banque Internationale passe de 8 à 23 millions de pesos, celui de la Banque Agricole de 2 à 7 millions (Voir A. Peñafiel, Cuadro sinóptico..., pp.58-59). 3 Le Conseil est composé d'Achille Adam et de Casimir Petit (de la Société centrale des banques de province), de Joseph Aynard (banquier à Carcassonne), de Georges L’hegemonie des Financiers / 107 Banque Internationale 1. Il accorde des crédits (à dix et vingt ans) à 9 % d'intérêt ; il obtient des fonds à 4,5 % et 5 % d'intérêt en plaçant des obligations sur le marché financier européen, notamment français 2. Ses bénéfices proviennent de la différence entre le taux de l'intérêt auquel il peut se procurer de l'argent et celui auquel il le prête aux acquéreurs de biens fonciers. Mais les bénéfices grossissent considérablement lorsque les actionnaires de la banque deviennent acheteurs de biens de l'Etat (mines, terrains vagues ou en friche). Il nous reste à évoquer les banques refaccionarios dans lesquelles les Barcelonnettes, les Français et les Científicos ont également engagé leurs intérêts. Sept banques de ce type sont fondées pendant notre période, soit quatre de taille modeste dans les Etats de Campeche Michoacán Chihuahua et la région de la Laguna, et trois plus importantes dans la capitale : la Banque Centrale Mexicaine (1899), la Banque Mexicaine de Commerce et d'Industrie (1906) 3 et la Banque Espagnole Refaccionario (1911) 4. La Banque Centrale Mexicaine (BCM) est de loin la plus importante (en 1910, elle représente plus de deux tiers des actifs de ces banques) 5. D'après ses statuts, la BCM fait des prêts, à moyen terme, pour soutenir l'industrie, l'agriculture et les mines. Dans la Rivaud (ancien préfet du Rhône), de Jean Armand Cloetta (banquier). Il est chargé d'autoriser les opérations supérieures à 100 000 pesos. Voir Prospectus de placement d'obligations, AMF/B31.317, pièce 107. 1 En 1909, le capital actif de la Banque Internationale est de 30 millions de pesos, celui du Crédit Foncier de 33 millions. 2 Voir Compagnie des agents de change de Paris, Décision et avis de la Chambre Syndicale, 17 janvier 1910, AMF/B31.317, pièce 106. 3 Cette banque, « Mexicanische Bank für Handel und Industrie », est une filiale de la « Deutsche öberseeische Bank » (Banque Allemande Transatlantique), succursale au Mexique de la Deutsche Bank. Son capital est de 10 millions de pesos. Voir L. N. D'Olwer, « Las inversiones extranjeras », HMM-PVE, p.1058. 4 Cette banque est fondée avec un capital de 2 millions de pesos. 5 En 1910, le capital de la Banque Centrale est de 29,1 millions de pesos, celui de la Refaccionario de la Laguna de 13 millions, de la Refaccionario de Campeche de 3 millions, de la Comercial Refaccionario de Chihuahua de 2,3 millions, et de la Refaccionario de Michoacán de 1,5 millions. 108 / L’autre dictature pratique, signale Pablo Macedo, ces services « sont peu de choses car elle fonctionne plutôt comme une nouvelle banque commerciale, avec de visibles tendances à se convertir en centre des banques d'émission des Etats » 1. La BCM joue en effet un rôle de « Caisse de liquidation ». Elle centralise et effectue les règlements entre les diverses banques locales d'émission, et accepte, à guichets ouverts et sans escompte, les billets de ces banques, dans les limites du crédit qu'elle leur consent et selon l'importance de chacune d'elles, les banques étant obligées de rembourser au pair les billets avant la fin de l'exercice. Si des quantités anormales de billets lui sont présentées, la BCM a le droit de les refuser pour sa propre sécurité 2. Chaque banque possède, à ce propos, un compte courant à la BCM, dont le solde débiteur peut atteindre 10 % de son capital (les intérêts sont de 5 % au crédit et de 7,5 % au débit). Cette banque a ainsi pour but d'assurer la circulation des billets sur tout le territoire. Elle escompte également des billets à ordre, remis par les banques locales, achète et vend des devises moyennant une commission de 4 %. De plus, la BCM et les banques locales se prêtent mutuellement et gratuitement assistance en ce qui concerne les encaisses métalliques : lorsqu'une banque se trouve en difficulté, toutes les banques constituent un fonds équivalant à 50 % du capital de la banque en question 3. Ces mécanismes répondent à l'architecture même de la banque. Fondée en 1899 (concession octroyée au groupe Creel-Terrazas, représenté par Joaquin D. Casasús), la BCM bénéficie du concours financier de la Deutsche Bank, de la maison Bleichröeder et de la Banque J.P. Morgan, de NewYork (alors créanciers de l'Etat). Très vite, les Barcelonnettes la rejoignent (ils ont l'appui, dès 1907, de la Banque de 1 2 3 P. Macedo, « Les institutions de crédit », op. cit., p.240. Voir note sur la Banque Centrale Mexicaine, AMF/B31.314, pièce 1. Voir note sur la Banque Centrale Mexicaine, fournie par la Banque de l'Union Parisienne, AMF/B31.315, pièce 18. L’hegemonie des Financiers / 109 l'Union Parisienne) 1. Le capital de la BCM -à l'origine 3 millions de pesos- atteint 6 millions en 1900, 7 millions en 1901, 10 millions en 1903, 21 millions en 1905 et 30 millions en 1907 2. Ce capital, « devenu français » 3, est divisé en deux séries d'actions, dont l'une -invariable (30 000)- est réservée aux banques locales et l'autre aux fondateurs et au public 4. Cette institution, qui sert de trait d'union entre les banques locales, est un véritable centre d'articulation de l'oligarchie bancaire. Des membres de l'élite économique du pays (tant des Etats que de la capitale) et des représentants des intérêts étrangers (majoritairement français) sont sur les listes des actionnaires et sont représentés dans son Conseil d'administration 5. Ceux-ci sont toutefois encadrés par des hommes éminents du régime, en particulier par les Científicos et même par des membres de la future opposition (Francisco I. Madero ou Rafael L. Hernández). Ses dirigeants sont Enrique C. Creel, Joaquin D. Casasús, Fernando Pimentel y Fagoaga... Les capitaux et les bénéfices sont à la mesure de l'expansion du secteur bancaire, consécutive à la loi de 1897. Dix ans après la promulgation de la loi, les actifs des banques ont ainsi quintuplé 6, tandis que leur champ d'activité s'est considérablement élargi. Une politique fiscale qui n'est en rien contraignante et des bénéfices qui ne cessent de croître, voilà de quoi satisfaire les investisseurs mexicains et 1 2 Voir Le Monde économique, mars 1913, p.305. Voir le rapport de la maison Hugo Scherer Jr sur la Banque Centrale, AMF/B31.314, pièces 102-103. 3 « La Banque Centrale s'est émancipée de cette tutelle IallemandeI fort gênante, grâce au concours que les capitalistes français ne lui ont pas marchandé » (AMAE/NS 29, lettre du Chargé d'affaires de Greigueil à MAE, 29 mars 1909). 4 Voir note sur la Banque Centrale du Mexique, AMF/31.315, pièce 48. 5 Citons quelques noms : Donato de Chapeaurouge (groupe des Barcelonnettes), Joseph Signoret, André Guieu et Maurice Ullmann (représentants des intérêts français), Ernesto Otto et Ernesto Schöeder (intérêts allemands), F. Kladt et S. Wolff (intérêts anglo-américains), Carlos Casasús, Fernando Pimentel y Fagoaga, Pablo Macedo et Fernando Duret (Científicos), Alberto Terrazas, Ramón Alcazar, Porfirio Parra et Gabriel Mancera (hommes politiques). Voir AMF/B31.315, pièce 18. 6 Ils passent de 138 à 663 millions de pesos (voir A. Peñafiel, op. cit., pp.60-61). 110 / L’autre dictature étrangers. Conscient de la situation, le Chargé d'affaires français au Mexique attire l'attention de son ministre sur la nécessité d'encourager les investissements français au Mexique : « Le capital, les actions et les dividendes sont exempts d'impôts, ainsi que les documents pour le service intérieur de la banque ou de ses succursales. Les contrats passés entre le gouvernement et une banque autorisée sont exempts de timbre. Les honoraires des experts ou des notaires, qui sont fixés par la loi, sont réduits d'un tiers. Ces franchises sont accordées pour une période de 25 ans. L'intérêt que les banques prennent pour les prêts qu'elles font varie de 6 à 9 % l'an dans la capitale de la République, et, en ce qui concerne les banques des Etats, l'intérêt arrive fréquemment à 12 % l'an. Les institutions de crédit ont pu, par cela même, donner de bons dividendes à leurs actionnaires, dividendes qui, dans certains cas, comme pour la Banque Nationale, arrivent à 18 et 20 % l'an ; il y a lieu de faire remarquer que l'on constitue, en même temps, non seulement les réserves prévues par les statuts, mais aussi des réserves supplémentaires. » 1 Les profits réalisés durant le porfiriat sont en effet colossaux. La distribution des bénéfices nets -et non les dividendespermettent d'en mesurer l'ampleur 2. Ces bénéfices nets comprennent, entre autres, les dividendes ainsi que les fonds de réserve et de prévision 3. En y regardant bien, on s'aperçoit 1 Rapport du Chargé d'affaires à Mexico, 23 décembre 1907. AMF/B31.313, pièce 459, p.16. 2 Dans son livre Industria y subdesarrollo, L.H. Habers, base sa recherche sur les dividendes des grandes entreprises nationales. En fait, cette méthode ne permet pas d'évaluer les profits et de conclure que leur faiblesse a mis un frein à l'accumulation et aux investissement productifs, donc à l'industrialisation. Le fond du problème réside plutôt dans la contraction du marché et la disparité des revenus. 3 Citons, par exemple, en le simplifiant, le projet suivant de distribution des bénéfices de la Banque de Guanajuato : fonds de réserve spécial extraordinaire par suite de l'émission de 2 500 actions (12,3 %), fonds de réserve ordinaire (10 %), au Conseil d'administration (10 %), « aux parts de Fondateur » (25 %), aux actions L’hegemonie des Financiers / 111 que ces fonds sont aussi élevés que les dividendes. C'est ainsi que le capital versé de toutes les banques de concession fédérale s'élève, à la promulgation de la loi de 1897, à 41 millions de pesos et le fonds de réserve à 6 millions ; or ce capital atteint, au 30 juin 1907, 163 millions et le fonds de réserve 56 millions, soit 34,4 % du capital 1. Signalons que certaines banques, comme la BNM ou la BLM, sont plus productives que d'autres. La BLM, par exemple, annonce dans son assemblée ordinaire de 1906 que les fonds de réserve se montent à 62,79 % du capital social, et décide de créer un fonds de réserve extraordinaire 2. On le voit, non seulement les actionnaires reçoivent des dividendes, mais ils amortissent aussi leurs capitaux. De tels profits séduisent les investisseurs et les épargnants étrangers, qui gagnent, en Europe ou en France par exemple, entre 2 % et 4 % d'intérêt. L'essor des banques est aussi celui des financiers. La loi de 1897 a permis aux Científicos de tisser des liens avec les élites économiques. Ceux-ci ont d'abord profité du désir des Barcelonnettes de fonder une banque, pour établir de solides relations avec les commerçants et les financiers mexicains et étrangers. Puis ils se sont liés avec les hommes d'affaires locaux, à la faveur de la création du réseau régional de crédit dont ils furent chargés. Enfin, ils ont articulé l'oligarchie bancaire autour de la Banque Centrale Mexicaine. Entre 1897 et 1908, le pouvoir de cette oligarchie s'étend à l'ensemble du système financier : elle contrôle la Banque de Londres et la Banque Nationale (Julio Limantour et Roberto Nuñez sont au Conseil d'administration, Pablo Macedo devient viceprésident), le Crédit Foncier et la Banque Hypothécaire anciennes (2,5 % supplémentaires), aux actions nouvelles (2,5 % supplémentaires). Signalons que chaque pourcentage est prélevé sur la distribution précédente. Voir Banque de Guanajuato, Bilan des profits et pertes 1904, AMF/B31.315, pièce 84, p. 11. 1 Rapport du Chargé d'affaires à Mexico, 23 décembre 1907, op. cit., p.17. 2 Voir Banco de Londres y México, Assemblée générale ordinaire du 31 janvier 1906, p.14. 112 / L’autre dictature (Porfirio Díaz fils et Julio Limantour sont au Conseil d'administration), ainsi que diverses banques locales (Minière de Chihuahua, Peninsular, Etat de Mexico, Guanajuato, Zacatecas, San Luis Potosí, Aguascalientes, Morelos) et plusieurs sociétés financières (Almacenes Generales de Depósito, Société Foncière du Mexique...). En tout, cette oligarchie représente plus des trois quarts du capital bancaire 1. Voilà ce qui fait la force des Científicos : une puissance économique écrasante sur laquelle repose leur activité politique. Avec la loi générale des institutions de crédit, Limantour a consolidé son parti -désormais d'Etat- et a ouvert la porte aux intérêts français (Barcelonnettes et métropolitains), leur accordant des privilèges au détriment de leurs concurrents. A la veille de la Révolution, cependant, ces conditions d'exclusivité mettent le régime sous leur joug et contrarient les désirs d'expansion des autres puissances étrangères, des sociétés anonymes et des groupes locaux. 1 Investissements français et barcelonnettes (60 %), ceux des hommes d'affaires mexicains (15 %). Voir AMF/B13.313, pièce 249, et L.N. D'Olwer, « Las inversiones extranjeras », HMM-PVE, pp.1053-1064. MUTATIONS ET CRISE DU RÉGIME En 1900, le général Porfirio Díaz réussit à mettre en place une solide communauté d’intérêt. On peut l’observer ci-dessus tenant la lance de la cinquième réélection qui blesse le Christ du suffrage effectif ; cloué sur la croix de la dictature. A ses côtés, l’image des soldats représente les Cientificos ; dont le premier n’est autre que Don Sebastian Camacho. Au fond, la Ste. Madeleine symbolise le parti libéral qui pleure pour avoir été évincé du pouvoir et parce qu’on a renoncé à ses aspirations républicaines. La Constitution et la presse indépendante, humiliées, pleurent également. El Hijo del Ahuizote, avril 1900. La stabilité et les surplus budgétaires permettent au gouvernement de combler les voeux des financiers tout en modernisant le pays. Tant et si bien que, vers le début du XXe siècle, l'Etat intervient dans le processus économique en favorisant le maintien des taux de profit. Cette évolution, qui indique un changement de la nature de l'Etat et révèle l'étroitesse des relations qu'il entretient avec les financiers, n'est pas sans conséquences politiques. 1. Du libéralisme au dirigisme (1897 - 1908) Dans leur volonté de définir une politique économique viable, les administrations successives mexicaines sont parvenues à réunir les différents groupes d'intérêts de la société, un processus dans lequel les projets et les réformes fiscales de Matías Romero ont joué un rôle décisif. A la suite de la loi bancaire de 1897, ces intérêts, qui se sont développés dans tous les secteurs de l'économie et les finances, sont rejoints, nous venons de le voir, par un groupe de Mexicains et d'étrangers qui a formé une 116 / L’autre dictature puissante élite financière, encadrée par les Científicos et encouragée -voire guidée- par le ministère des Finances. Limantour occupe alors une place prépondérante dans le gouvernement, tandis que cette élite s'identifie de plus en plus au régime. Le projet de la dictature porfiriste -« ordre, paix et progrès »- devient ainsi intimement lié aux intérêts des financiers. Le pouvoir politique ne cesse pas pour autant de traiter avec les entrepreneurs et les puissances étrangères, qu'il met sur un pied d'égalité tout en neutralisant leurs prétentions. Cette attitude voile, cependant, tout un système de privilèges, d'avantages, d'exceptions et de concessions accordés aux investisseurs, en particulier à l'élite financière, et se heurte à la tendance expansionniste et monopoliste des sociétés anonymes et des grandes compagnies nordaméricaines. Afin d'affaiblir cette concurrence et de conforter les intérêts amis, les Científicos, nous l'avons vu, encouragent les alliances entre entrepreneurs mexicains, liés au pouvoir, et investisseurs européens (notamment français et anglais). Dans le même temps, Limantour conduit la politique du gouvernement vers une plus grande action de l'Etat dans l'économie, qui passe de la surveillance à l'intervention et au dirigisme ; une direction nouvelle mais délicate pour les intérêts économiques, qui fera connaître à Limantour et aux Científicos de graves difficultés. Cette tendance dirigiste, précédée de la modification du Pacte fédéral, de la sujétion des Etats au pouvoir central et du renforcement de l'Exécutif jusqu'au contrôle de tous les rouages du pouvoir par Díaz, accentue le caractère autoritaire de la dictature. Mais la forme et la nature de l'Etat ne sont qu'une projection de la manière dont les élites s'amalgament au pouvoir. Cette articulation se consolide, dans le domaine de la fiscalité et des finances, avec l'instauration de l'oligarchie bancaire, et évolue au fur et à Mutation et crise du régime / 117 mesure que l'Etat élargit son rôle dirigiste et que les élites prennent une place croissante dans les institutions ; une évolution que la réforme monétaire de 1905 et la consolidation du réseau ferroviaire permettent de suivre. La réforme monétaire est essentielle 1. Nous avons évoqué plus haut la baisse du prix de l'argent, les problèmes monétaires qui lui sont liés et ses effets sur les divers secteurs de l'économie, notamment sur l'activité minière, l'industrie et le commerce extérieur. La baisse de l'argent et la dépréciation du peso sont plus accentuées pendant la période 1873-1897 (le peso passe à New York de 100 à 44,8 cents) que pendant la période précédant la réforme (de 1898 à 1902, il passe de 44,8 à 39,8 cents) 2. Devant de telles tendances, il convient de s'interroger sur la pertinence de la réforme monétaire et sur les méthodes de dévaluation. Rappelons que, dès leur accession au pouvoir, Limantour et les Científicos orientent leur politique modernisatrice vers l'ouverture du pays à l'étranger et que l'économie devient de plus en plus dépendante des investissements étrangers et du commerce extérieur. Ce qui exige une certaine stabilité monétaire car les oscillations des changes sont nuisibles aux secteurs les plus impliqués dans l'économie mondiale, notamment les importations, les investissements étrangers et le service de la dette extérieure. En outre, les intérêts des grandes maisons de commerce, des industriels, des banquiers et des investisseurs étrangers sont directement concernés. Le manque de base fixe pour l'estimation des bénéfices et des dividendes est ainsi l'argument de fond 1 Sur cette réforme, voir E. Viollette, Le problème de l'argent et l'étalon-or au Mexique, E. Martínez Sobral, La Reforma Monetaria, F. Rosenzweig, « Moneda y Bancos », HMM-PVE, E. Ramírez Bautista, Controverse monétaire et pensée économique au Mexique, M. Rosa Silva, Démonétisation internationale de l'argent et réforme monétaire au Mexique. 2 Voir EEP-CE, p.154, et F. Rosenzweig, « Moneda y Bancos », op. cit., Tableau XIII, p.866. 118 / L’autre dictature invoqué par Limantour au Congrès pour entreprendre la réforme monétaire et la dévaluation 1. Rappelons les faits. Au début de 1903, Limantour nomme une Commission monétaire, composée de quarantequatre membres, chargée d'étudier les problèmes économiques et sociaux liés à la baisse de l'argent, et de proposer des solutions 2. La discussion au sein de la Commission dure un an. Ses membres divergent, en effet, sur les mesures à prendre en ce qui concerne la valeur du peso et les conséquences de ses variations : doit-on dévaluer la monnaie et adopter l'étalon-or ? Dans l'affirmative, fautil, afin de garantir la stabilité du cours du change, créer un fonds de réserve en or, destiné à maintenir la nouvelle parité ? Porte-parole des partisans du maintien de la valeur du peso et de l'étalon-argent -les « platistas »-, le riche commerçant et agriculteur José de Landero y Cos reprend les arguments exposés par Matías Romero dans son ouvrage The Silver Standard in Mexico (1898). Il souligne ainsi les divers bienfaits de l'étalon-argent, qui a fait ses preuves dans la modernisation de l'économie, notamment dans le secteur des exportations et dans la substitution des importations. Pour les « platistas », la dévaluation entraînerait « l'arrêt presque total des activités minières, le chômage de milliers de travailleurs et de paysans, et l'apparition d'une très grave crise qui succèderait au bienêtre dont a joui la République pendant ces dernières années » 3. Les événements qui précèdent la Révolution 1 Voir « Nombramiento de una Comisión Monetaria », MH 1902-1903, pp.175180. 2 Voir Ibid., p.179. 3 Díaz Dufóo, membre de la Commission, rapporte ainsi les arguments des « platistas » : « Les mines d'argent sont l'unique industrie solidement établie, ajoutaient les défenseurs du statu quo, c'est celle qui, dans le cadre de la production nationale, figure pour la part la plus importante, celle qui accuse les bénéfices les plus élevés dans le bilan de notre richesse publique. La réforme Mutation et crise du régime / 119 donnent raison à cette opinion pessimiste, la réforme monétaire profitant davantage à la spéculation qu'à la production 1, mais le raisonnement n'en demeure pas moins simpliste, l'économie mexicaine étant désormais dépendante du marché mondial. Quoi qu'il en soit, Macedo et Casasús polarisent le débat sur la question de la création d'un fonds de réserve et imposent leurs arguments à la Commission. Les « platistas » perdent la partie, d'autant qu'ils sont en minorité au sein d'une Commission composée de banquiers, d'hommes d'affaires, de bureaucrates et de Científicos, appartenant tous à l'élite financière 2 et défendant leurs propres intérêts 3. La Commission monétaire ayant opté pour la dévaluation et pour la fixité d'une nouvelle parité avec l'or, il faut démonétiser les pièces d'argent et frapper des pièces en or ou équivalentes à la nouvelle parité. Limantour est à son tour saisi pour trancher sur le fonds de réserve et sur l'ensemble de la réforme monétaire. Dans son projet de loi, le ministre pose la question clé : « pourrait-on, avec les proposée allait atteindre profondément, et peut-être tuer, la poule aux oeufs d'or » (Les finances mexicaines, p.151). 1 Voir, à ce propos, le débat ouvert par F.X. Guerra et A. Knight sur les origines de la Révolution mexicaine, le premier insistant sur la prépondérance des soulèvements des mineurs, le second sur celle des soulèvements paysans (F. Guerra, « La Révolution mexicaine : d’abord une révolution minière », Annales, pp.785-814, A. Knight, « La Révolution mexicaine : révolution minière ou révolution serrana », Annales. pp.449 et ss). 2 Sont membres de la Commission huit Científicos (Francisco Bulnes, Joaquín D. Casasús, José Castellot, Enrique Creel, Carlos Díaz Dufóo, Pablo Macedo, Pablo Martínez del Río, Fernando Pimentel y Fagoaga), treize financiers alliés (Antonio Basagoiti, José Bermejillo, Tomas Braniff, Juan M. Brittingham, Sebastían Camacho, Luis G. Lavie, Ernesto Madero, Carlos Olaguíbel y Arista, Ernest Pugibet, Hugo Scherer, Gustavo Struck, Henri Tron, H.C. Waters), huit bureaucrates dévoués (Manuel Fernández Leal, Telésforo García, Ricardo García Granados, Emeterio de la Garza Jr., Jaime Gurza, Luis G. Labastida, Genaro Raigosa, Emilio Velasco). Pour la liste complète, voir MH 1902-1903, p.179. 3 Díaz Dufóo écrit ainsi : « Le nouveau régime lésait les intérêts de l'industrie minière. Mais quoi, les autres intérêts de la nation, ceux favorisés par la stabilité des changes, devaient-ils être sacrifiés au privilège d'une seule classe de producteurs ? » (op. cit., p.159). 120 / L’autre dictature moyens dont dispose le gouvernement, trouver la stabilité des changes extérieurs, indépendamment des variations du prix de l'argent ? » Après avoir répondu par l'affirmative, Limantour critique les « platistas » car la dépréciation du métal blanc, dit-il, n'est pas le seul facteur de l'essor économique. Il en existe d'autres aussi importants, tels la paix publique, les chemins de fer et surtout « l'immense transformation économique produite par l'abolition des Alcabalas ». De plus, signale le ministre, bien que la dévaluation soit nuisible aux exploitants miniers, « plusieurs intérêts de création récente se sont ajoutés aux anciens » et réclament la stabilité des changes. « Si la fixité de la valeur de la monnaie est le desideratum de toutes les classes sociales », il faut en conséquence, conclut Limantour, « chercher la valeur nouvelle du peso, la plus conforme aux intérêts généraux de la République » 1. Une fois encore, l'idée de nation (ensemble des classes de la société) est ici confondue avec le « desideratum » des financiers. La réforme monétaire, décrétée le 25 mars 1905, fixe la nouvelle parité (32 grammes d'argent pour 1 gramme d'or), dévalue le peso de 50 %, suspend la frappe libre des monnaies et établit les mécanismes pour maintenir la nouvelle valeur du peso. A ce dernier propos, Limantour ne juge pas nécessaire de créer un fonds de réserve, trop coûteux et contraire à sa politique sur l'émission des billets de banque 2. En revanche, la loi instaure une « Commission des Changes et de Monnaie », chargée de régler la circulation de la monnaie et de soutenir la stabilité du cours 1 Voir « Exposición de motivos del proyecto de ley sobre Reforma Monetaria », in MH 1904-1905, pp.188-192. 2 Rappelons qu'il a refusé de garantir l'émission de billets avec les titres de la dette publique. Mutation et crise du régime / 121 du change 1. En trois ans, la Commission des Changes démonétise, retire de la circulation d'anciennes monnaies qui sont remplacées par plus de 86 millions de nouveaux pesos (dont 83 millions de monnaies d'or) et fait frapper de nouvelles pièces pour plus de 44 millions de pesos 2. De plus, malgré l'avis de Limantour, la Commission, dont les ressources ont augmenté, finit par constituer un fonds de réserve en or de 18 millions de pesos. Celle-ci devient, non seulement garante de la circulation monétaire -l'équivalent de la « Réserve fédérale » des Etats-Unis-, mais surtout de l'encaisse métallique des banques, du fait des certificats de dépôt en or qu'elle est chargée d'émettre 3. Les souhaits de Romero et de Dublán, désireux de voir les banques garantir leur émission de billets avec des bons de la dette publique, sont ainsi exaucés. Le fonds de réserve et les certificats de dépôt établis par la Commission des Changes remplissent ce rôle et assurent à l'Etat un plus large contrôle de l'émission monétaire du pays. Avec la Réforme, souligne Enrique Martínez Sobral, chef du Département de crédit et de commerce du ministère, « le gouvernement mexicain a voulu intervenir dans le marché des changes comme un véritable banquier, afin de le gouverner, de diriger son évolution » 4. Une fois les phénomènes monétaires soustraits aux libres forces du marché, le dirigisme de l'Etat devient réalité 5. 1 Article 23 de la loi du 25 mars 1905. La Commission est composée de dix membres : le ministre des Finances (président), le Trésorier fédéral, le directeur des Hôtels de frappe des monnaies, trois représentants des grandes banques (BNM, BLM et BCM) et quatre personnes nommées par le gouvernement. Voir, P. Macedo, « Memoria de la Comisión de Cambios y Moneda », in E. Martínez Sobral, La Reforma monetaria, pp.296-299. 2 Voir P. Macedo, Ibid., pp.254-259. 3 En fait, les certificats sont des dépôts à vue, de lingots ou monnaies en or, confiés à la Commission, que les banques peuvent ajouter à leur encaisse métallique et, si besoin, changer en numéraire. 4 E. Martínez Sobral, La Reforma monetaria, p.175. 5 Voir F. Rosenzweig, « Moneda y Bancos », op. cit., p.878. 122 / L’autre dictature Le dirigisme n'est qu'une des conséquences de la réforme monétaire. La dévaluation et la stabilité des changes ont d'autres implications, bien plus graves, notamment la hausse des prix (entre 1904 et 1908, l'indice général des prix passe de 108 à 132 points 1) et l'enchérissement des importations par rapport aux exportations (le pays doit exporter davantage de marchandises pour acquérir les mêmes produits d'importation 2), des hausses qui mettent l'économie du pays en difficulté. Les élites, qui ont prévu cette crise, croient pouvoir la juguler par la relance économique devant suivre la stabilité des changes. Díaz Dufóo souligne ainsi les vertus de la réforme : « Non seulement le taux des changes commença à se stabiliser aux environs de la nouvelle parité de la piastre avec l'or, mais encore on observa une remarquable affluence de capitaux étrangers, encouragés par la fixité relative de la valeur de notre monnaie. Un an après la réforme, qui entra en vigueur le 1er mai 1905, le pays avait absorbé et appliqué à diverses industries plus de quatre-vingts millions de piastres provenant de l'Europe et des Etats-Unis : tel était du moins le chiffre des entrées « visibles », indépendamment des sommes dont l'importation échappe aux statistiques. » 3 Certes, les intellectuels du régime n'ont pas tort quand ils pensent que la réforme va attirer les investissements étrangers et favoriser la relance économique. Cependant, s'il est vrai qu'ils contribuent en partie à la modernisation et à la création d'entreprises industrielles, les investissements 1 2 Voir EEP-FT, p.157. Entre 1904 et 1910, l'indice des prix en or à l'importation passe de 101 à 115 points, tandis que celui des exportations passe de 104 à 108 : une différence de 7 points (F. Rosenzweig, « Moneda y Bancos », op. cit., p.884). 3 C. Díaz Dufóo, Les finances du Mexique, pp.157-158. Mutation et crise du régime / 123 alimentent surtout la spéculation financière, permettent l'expansion de l'oligarchie bancaire mais ne profitent pas à l'économie. En effet, ces investissements sont canalisés par le réseau bancaire, qui s'attache d'abord à les placer dans différentes affaires. C'est ainsi qu'après la dévaluation, la Banque de Londres, la Banque Nationale et la Banque Centrale Mexicaine -pour ne citer que les plus grandesaugmentent leur capital et déclenchent une fièvre spéculative que Limantour, lui-même, doit stopper. Le ministre envoie alors une circulaire aux contrôleurs des banques, précisant qu'il « n'autorisera plus les augmentations de capital » car cette « tendance s'est accentuée d'une façon excessive dans quelques banques qui en ont besoin plutôt pour acheter des actions d'autres banques, pour les dominer ou pour entreprendre des spéculations de genres divers » 1. La spéculation et la tendance à la concentration vont bon train. En fait, ces phénomènes ont pris forme vers la fin du siècle et se développent avec le début des travaux de la Commission monétaire, en prévision de la dévaluation. En 1903, en effet, les capitaux trouvent refuge dans les affaires foncières (notamment dans les titres miniers) ou dans l'exportation des devises. Les banques, qui ne font que suivre leurs clients, accroissent alors leurs opérations. Ainsi, par exemple, la Banque Nationale annonce en 1905 : « au 27 juin 1903, nos opérations d'escompte et de prêts s'élevaient à $ 48 353 390, et se montent aujourd'hui à $ 71 670 818 ; c'est-à-dire qu'en deux ans elles ont subi une augmentation de cinquante pour cent » 2. Les procèsverbaux des assemblées de la Banque de Londres et de la Banque Centrale font le même constat. Cette dernière se 1 2 Diario oficial, n° 13, 15 septembre 1905. BNM, Assemblée générale extraordinaire du 6 octobre 1905 (traduit de l'espagnol), Imp. Charles Skipper & Est, 1906, p.6, AMF/B.31.316, pièce 71. L’un des objectifs de la Réforme monétaire de 1905, est d’atteindre la stabilité des changes qui assurerait aux financiers une plus grande sécurité dans l’envoi d’argent à l’extérieur. Avec la dévaluation de la monnaie, on assiste à une augmentation des prix internes et à une perte du pouvoir d’achat des salaires du peuple. Ce qui occasionne un frein à la consommation et un début de licenciement des travailleurs. Limantour propose alors un projet ambitieux de travaux publics. El Colmillo Público, 1er avril 1906. Mutation et crise du régime / 125 taille la part du lion en raison de ses relations avec les banques locales. « Dans certains genres d'opérations annonce le rapport du Conseil d'administration de la BCM-, nous sommes presque toujours associés avec les banques de la capitale et avec quelques banques des Etats, en obtenant chaque fois plus de profit de cette confraternité » 1. Après la dévaluation, les banques accélèrent la spéculation. En 1905, la BCM double son capital (il passe de 10 à 21 millions de pesos) et l'exercice se solde par une augmentation des dividendes (ils passent à 11 %), dividendes les plus élevés de tous les exercices. La réforme monétaire, qui accroît les ressources venant de l'extérieur, ne fait qu'augmenter les appétits de profit des financiers. La Banque Centrale, comme les autres, est très efficace pour placer les investissements indirects étrangers. En 1906, le rapport de son Conseil d'administration annonce ainsi : « nos rapports avec la Banque de l'Union Parisienne ont commencé à produire des effets bénéfiques car nous avons placé dans les marchés de Paris certaines valeurs qui ont produit des profits raisonnables et qui ont apporté des nouveaux capitaux au pays » 2. On ne peut parler, pourtant, d'un abus de spéculation. Lorsque, après la dévaluation, les capitaux reviennent en masse, leur pouvoir d'achat est doublé du fait de la nouvelle parité du peso. Les banques, qui se chargent alors de les placer, se développent en contrôlant des sociétés. Limantour ne freine la spéculation qu'une fois le fait accompli (les grandes banques ont déjà augmenté leur capital). Quant à la Commission des changes, elle maintient la parité des changes et laisse faire les banques, au lieu de contrôler les 1 Affirmation répétée dans les rapports du Conseil d'administration de la BCM aux Assemblées générales de 1906 et de 1907. Voir Memoria de las Instituciones de Crédito, T.II, pp.938 et 949. 2 Rapport du 1er février 1906, in Memoria de las Instituciones de Crédito, p.938. 126 / L’autre dictature échanges de devises pour empêcher la spéculation et ralentir l'inflation. C'est que la Commission est, en fait, dominée par les financiers. Elle est composée des plus hauts responsables des finances publiques (ministre des Finances, Trésorier fédéral et directeur des Hôtels des monnaies) et des plus importants banquiers, dont Gustave Struck (BNM), Henri Tron (BLM), F. Kladt (BCM), Hugo Scherer, Andres Bermejillo (BNM) et James Walker (Banque Mexicaine Commerciale et Industrielle), tous dirigés par Pablo Macedo (vice-président de la Commission) 1. Les dirigeants de l'oligarchie bancaire sont ainsi juge et partie dans les affaires de crédit et de monnaie du pays. Une fois acquise la stabilité monétaire et soudés les intérêts de l'Etat et des financiers par le biais de la Commission des changes, Limantour peut développer une politique de travaux publics et de communications, basée sur les ressources intérieures et sur le crédit extérieur. Dès 1895, l'équilibre budgétaire rassure les créanciers, qui perçoivent exactement les intérêts et le service de la dette. Le crédit de la nation à l'extérieur est de plus en plus grand, tandis que les financiers ont confiance dans la stabilité du Mexique et investissent. Autre avantage de l'équilibre budgétaire : les reliquats des surplus offrent à l'Etat des ressources abondantes qui lui permettent d'appliquer sa politique 2. Limantour peut alors encourager les grands travaux, une entreprise dans laquelle le gouvernement va conforter l'oligarchie et accentuer son caractère dirigiste. Pour la construction de ports, d'écoles, d'hôpitaux, d'édifices publics divers 3, le Congrès accorde un budget de plus de 60 1 2 Voir P. Macedo, « Memoria de la Comisión de cambios.. », op. cit., pp.297-299. Entre 1896 et 1910, la somme des surplus du budget atteint 157,550 millions de pesos (voir MH 1910-1911, p.IV). 3 Signalons la construction des ports de Veracruz, Tampico, Salina Cruz, Coatzacoalcos, Manzanillo, celle d'écoles primaires, de théâtres, de marchés, d'hôpitaux, de maisons de retraite, sans oublier les bâtiments exceptionnels, tels le Mutation et crise du régime / 127 millions de pesos entre 1899 et 1909 1. Ce chiffre énorme (il équivaut aux actifs de la Banque Centrale), peut-être sousestimé, fait de l'Etat, non seulement un promoteur actif de l'industrie du bâtiment, mais aussi un facteur important de la relance économique, ces ressources étant débloquées pendant les années de crise (1901, 1907 et 1909) 2. Sous la coupe des porfiristes et des Científicos, l'Etat devient ainsi plus interventionniste que « libéral ». Par l'intervention, qu'il veut force régulatrice, l'Etat espère, dans un souci de progrès et d'intérêt général, redistribuer une partie de la richesse sociale (constituée des impôts) et compenser les aléas des tendances économiques. Mais cette force tombe vite entre les mains de l'oligarchie bancaire, véritable maître des affaires. Nous l'avons vu, ce sont les Científicos, les proches du pouvoir et des autorités de la municipalité de Mexico qui obtiennent les meilleurs contrats d'urbanisation dans le District fédéral, des pratiques qui se généralisent dans d'importantes proportions. C'est ainsi que, pour éliminer la concurrence et se doter de moyens plus puissants, les entrepreneurs décident en 1906, au beau milieu du grand mouvement spéculatif, de s'unir et de créer une société dédiée aux travaux publics : la « Compañia Bancaria de Fomento y Bienes Raíces de México» ou Société foncière du Mexique. Fondée avec un capital de 5 millions de piastres, la Société foncière absorbe plusieurs compagnies importantes, dont la « Compagnie générale de pavage », la « Société Pimentel frères », la Palais des Beaux-Arts, l'édifice de la poste, du ministère des Communications, la gare ferroviaire ou le Palais législatif, et, enfin, les travaux d'adduction d'eau potable, d'écoulement et d'assainissement, de pavage et d'enjolivement des rues de Mexico. 1 Voir MH 1901-1902, pp.319-321, MH 1906-1907, pp.315-316, MH 1908-1909, pp.151-152. 2 Les budgets sont les suivants : 10 millions de pesos en 1901, 24 millions en 1907, 26 millions en 1909. 128 / L’autre dictature « Compagnie de travaux d'urbanisation » et la grande « Compagnie mexicaine de ciment Portland » 1. De plus, la nouvelle société acquiert les terrains de la « Colonia de la Condesa » et de la « Colonia del Paseo ». En 1907, elle augmente son capital de 6,6 millions de piastres et, grâce à ses relations avec la haute banque, parvient à émettre des titres et des obligations sur le marché français. Par exemple, en 1909, elle lance, avec le concours de la Société Générale, un emprunt hypothécaire de 12,5 millions de francs-or (à 5 %) et affiche déjà un capital de 40 millions de pesos 2. Puis, en 1910, elle introduit en Bourse 50 000 de ses 106 000 actions, qui rapportent de bons dividendes (de 8 % à 10 %) 3. On retrouve, parmi ses actionnaires et les membres de son Conseil d'administration, les membres de l'oligarchie bancaire (Alcazar, Barroso, Castellot, Chapeaurouge, Duret, Escandón, Kladt, de Landa, Macedo, Pimentel, Rincón Gallardo, Scherer, Tron...), encadrés par les grandes banques (BNM, BLM, BCM et Banque Mexicaine Commerciale et Industrielle), qui détiennent plus des deux tiers des actions... 4 Les travaux publics sont un champ fertile pour cette oligarchie. Mais les liens étroits de celle-ci avec un pouvoir politique qui lui assure son quasimonopole constituent aussi son point faible 5. Privilèges et monopoles sont des éléments à prendre en compte dans la chute du régime, d'autant que ces procédés bloquent le développement d'autres intérêts. 1 A propos de la compagnie Portland, voir S.H. Haber, Industria y subdesarrollo, p.234. 2 Prospectus de l'emprunt hypothécaire de la Société foncière du Mexique, AMF/B31.314, pièce 171. 3 Voir Finances News, 23 avril 1913. 4 Voir « Lista de asistencia a la Asamblea General de la Compañía Bancaria de Obras y Bienes Raíces », 11 juin 1909, Archivo general de notarias del Distrito federal, Testimonio de la escritura de aclaración ó rectificación à la Constitutiva de Obra y Bienes Raíces, Sociedad Anónima, 18 juin 1909. 5 Voir, à ce propos, la lettre du baron de Vaux, Chargé d'affaires à Mexico, à MAE, 10 juillet 1911, AMF/B31.316, pièce 71, p.2. Mutation et crise du régime / 129 Dans ce sens, le cas des chemins de fer est exemplaire. C'est dans ce secteur déterminant de l'économie mexicaine et dominé par les investissements nord-américains (ils contrôlent, en 1902, plus des trois quarts du réseau national) que la politique des Científicos (ouvrir le pays aux intérêts européens pour compenser l'expansionnisme des compagnies nord-américaines) prend toute son ampleur. L'affaire de la ligne interocéanique de Tehuantepec et la « consolidation » de la Compagnie des chemins de fer nationaux sont à cet égard révélatrices. Le cas de la voie ferrée de Tehuantepec relève de l'alliance du gouvernement avec le capital anglais. Cette voie commerciale entre les deux océans, conçue dès l'époque de Charles Quint, est désormais stratégique. Après de multiples échecs 1, Limantour établit en 1896 un contrat avec la maison anglaise Pearson and Son (partenaire du gouvernement dans les travaux du « Grand canal » de la vallée de Mexico), afin de terminer la ligne et de construire les grands ports de Salina Cruz et de Coatzacoalcos. La ligne, mise en service au début de 1907, avant même l'ouverture du canal de Panamá, compte deux mille kilomètres de moins, entre New York et San Francisco, que la route empruntant le canal. Cette opération risque donc de concurrencer les NordAméricains 2. 1 La concession est d'abord octroyée à Edward Learned (New York) qui, de janvier 1878 à août 1882, ne construit que 35 kilomètres. Puis le général González résilie le contrat et engage le gouvernement à poursuivre les travaux avec le financier mexicain Delfín Sánchez, qui ne réalisera que 108 kilomètres. En 1888, Díaz prend les choses en main, fait un emprunt de 3 millions de livres sterling et signe un contrat avec l'Anglais Edward Mc Murdo qui achève la ligne, dont les conditions de sécurité sont déplorables. Voir « Los ferrocarriles », HMM-PVE. 2 Les Nord-Américains, ne cesse d'affirmer la diplomatie française, craignent une concurrence sérieuse (voir, par exemple, la lettre de Pereti à MAE, 16 février 1907, AMAE/NS-33). Le gouvernement considère stratégique la ligne interocéanique de Tehuantepec et préfère en faire concession aux investisseurs européens, malgré la pression qu’exercent les Américains. On peut observer John Bull et le banquier Blechroëder qui regardent la ligne d’un œil intéressé, tandis que l’Oncle Sam est effrayé. Au fond, sur le toit du palais national, c’est à peine si l’on distingue les silhouettes de Díaz et de Limantour à côté du drapeau. El Hijo del Ahuizote, 27 août 1893. Mutation et crise du régime / 131 De plus, l'affaire est originale puisqu'une société mixte est formée, l'Etat s'associant avec une compagnie privée de surcroît étrangère 1. L'investissement de l'Etat est considérable : la subvention -à l'origine, 5 millions de pesosdépasse les 45 millions 2. Mais la ligne appartient désormais à la nation, tandis que les pertes éventuelles seront partagées et que 65 % des bénéfices reviendront à l'Etat pour une durée de 35 ans (un pourcentage qui augmentera par la suite 3). La maison Pearson est chargée de l'administration directe de la compagnie, qui prend le nom de « Ferrocarril Nacional de Tehuantepec » (FNT). Afin de s'assurer une clientèle, Pearson mène une politique d'alliances avec les compagnies maritimes, notamment avec l'« American Hawaïan Steamship Company » (AHSC), société de transport entre Hawaï et la côte Est des Etats-Unis. Le FNT devient alors actionnaire de l'AHSC, dont il détient 30 % des actions en 1910 4. C'est ainsi que, pour la première fois, L'Etat mexicain investit à l'extérieur du pays. Cette affaire soulève de nombreux commentaires car elle provoque, dit-on, l'irritation des Etats-Unis, qui se brouillent avec le gouvernement de Díaz. Les rumeurs mettent en cause la concurrence que le FNT fait au canal de Panamá et surtout l'exclusion explicite des compagnies nord-américaines. En effet, lorsque l'Etat mexicain et Weetman D. Pearson signent le contrat d'exploitation en 1902, John B. Body, administrateur général de la 1 L'ambassadeur anglais au Mexique souligne ainsi : « c'est la première fois, je crois, qu'un gouvernement national s'associe avec une entreprise privée ». Voir Diplomatic and Consular Reports, n° 658, Miscellaneous Series (H.M. Stationery Office, 1907), in E. Durán, op. cit, p.45. 2 Ce chiffre correspond à la subvention payée par le gouvernement jusqu'au 30 juin 1902 (voir P. Macedo, « Travaux publics », op. cit., p.278). Suite à l'alliance avec Pearson, l'hypothèque du premier emprunt est levée et les porteurs sont remboursés. 3 72,5 % les cinq années suivantes, puis 100 % (E. Durán, op. cit., p.45). 4 En juillet 1905, l'Etat achète 6 250 actions, puis 8 000 en 1908. 132 / L’autre dictature compagnie à Mexico, écrit une lettre à Pearson l'informant que le gouvernement des Etats-Unis a demandé des explications aux autorités mexicaines concernant l'exclusion des citoyens nord-américains dans le chemin de fer de Tehuantepec, exclusion stipulée dans l'article 106 du contrat. Limantour déclare d'ailleurs clairement qu'« octroyer le contrat à Pearson était un des moyens employés par le président Porfirio Díaz pour faire face à l'influence nord-américaine » 1. En fait, les Etats-Unis s'irritent avant toute chose de la domination de l'empire de Pearson, qui concurrence les compagnies nord-américaines. La société anglaise contrôle, en effet, les travaux publics, une grande partie de l'industrie électrique mexicaine 2 et surtout la production pétrolière où elle devance la Standard Oil (en 1911, elle produit 53 % du pétrole mexicain) 3. Une domination rendue possible par les liens étroits unissant Pearson et Díaz, qui assurent à la compagnie anglaise les meilleures concessions. L'alliance entre les intérêts du gouvernement et des Européens, ainsi que la tendance dirigiste de l'Etat prennent d'autres formes dans la « consolidation » des « Ferrocarriles Nacionales ». C'est ainsi qu'en 1903 Limantour abandonne son « plan général », qu'il applique depuis 1899, et franchit le pas vers la nationalisation des chemins de fer, à un moment où les compagnies ferroviaires sont entraînées par la spirale monopoliste, les plus puissantes absorbant les plus faibles. Si bien qu'en 1902 seules huit compagnies se 1 C. Thorup, « La competencia económica británica y norteamericana en México (1887-1910) », in Historia Mexicana, pp.636-637. 2 Voir A. L. Palma, « Los orígenes de la industria eléctrica en México : las compañias britanicas en México (1900-1920) », Historias 19, pp.139-158. 3 La lutte entre les deux compagnies est publique et durera jusqu'en 1938. Le 30 avril 1910, The Economist peut ainsi déclarer que la Mexican Eagle Oil Company, de capital anglais, « associée aux Mexicains haut placés, pourrait détrôner la domination de la Standard Oil Company ». Mutation et crise du régime / 133 partagent le réseau national, sur la quarantaine de sociétés autorisées pendant les années 1880. La plus grande d'entre elles -la Centrale (ligne Mexico-Ciudad Juárez)- est la propriété du puissant groupe de la « Standard Oil » et vient d'absorber les concessions des lignes de Mexico vers le Guerrero. La Nationale (Mexico-Laredo), dominée par le banquier Speyer & Co, de New York, a pris le contrôle de l'Internationale. L'Interocéanique (Veracruz-Mexico, devant s'étendre à Acapulco), qui exploite des réseaux secondaires dans le centre du pays, est de capital anglais. Le « Mexicano » (Mexico-Veracruz), la plus ancienne, appartient à une compagnie anglaise. La « South-pacific » (Nogales-Guaymas-Mazatlán) est de capital nord-américain (W.E. Harriman) et mexicain (groupe Creel-Terrazas). La « Veracruz Pacific » (Veracruz-Isthme de Tehuantepec) est la propriété de la Maryland Trust Company. Les « Ferrocarriles Unidos de Yucatán » sont contrôlés par le groupe de Molina, propriétaire de toutes les lignes de la péninsule du Yucatán. Le Chemin de fer de Tehuantepec, enfin, est entre les mains de l'Etat et de la maison anglaise Pearson and Son. Les deux plus importantes compagnies, la Nationale et la Centrale, qui contrôlent environ 90 % du transport destiné au commerce extérieur, s'engagent dans une lutte acharnée pour acquérir le plus grand nombre de lignes secondaires dans le nord du pays. Lorsqu'en 1901, la Centrale achète la ligne Monterrey-Tampico pour avoir un débouché sur le golfe du Mexique, le groupe Speyer réplique en réalisant de grands travaux (transformation en voies normales des voies étroites) et en prenant le contrôle de l'Internationale. Afin d'éviter que cette lutte n'aboutisse à une fusion, que prépare, « d'après des renseignements 134 / L’autre dictature véridiques » déclare Limantour, « un puissant groupe de capitalistes », le ministère intervient 1. Cette intervention marque le début d'un processus d'achat des lignes par l'Etat (nationalisation) qui s'achève, cinq ans plus tard, par la fusion des deux grandes compagnies ferroviaires. Limantour justifie de diverses manières cette intervention. En premier lieu, le ministre affirme vouloir « empêcher la concentration de toutes les voies ferrées entre des mains étrangères », essentiellement nord-américaines 2. Ces propos, non exempts de patriotisme ou de sentiment national, sont corroborés par les commentaires de l'ambassadeur de France qui prévoit, en 1901, l'achat par la Standard Oil de la Nationale et d'autres lignes ferroviaires, ou qui écrit, à propos de l'achat de lignes par l'Etat : « cette opération a pour but principal d'empêcher les financiers des Etats-Unis d'accaparer entièrement le réseau des voies ferrées du Mexique » 3. Ces arguments, repris par les observateurs de l'époque 4, sont généralement négligés par les historiens 5. Ils sont pourtant fondés. En 1 J.Y. Limantour, « Informe... sobre los estudios y gestiones de la Secretaría en asuntos de Ferrocarriles... », MH 1903-1904, p.413. 2 Limantour précise qu'il veut mettre un frein à « l'absorption de plusieurs lignes par des groupes de capitalistes, dont le propos, secret ou explicite, est la concentration en peu de mains des principaux moyens de transport de tout le pays » (Ibid., p.412). 3 Voir les lettres de Blondel à MAE, 30 juillet 1901, AMF/B31.314, pièce 122, de Schoenfeld à MAE, 27 et 28 septembre 1902, AMAE/NS T.33, de Dumaine et de Chivot à MAE, 9 juillet et 5 août 1907, AMAE/NS T.34. 4 P. Leroy-Beaulieu écrit à ce propos : « Le Mexique a su éviter un autre péril, celui du socialisme d'Etat, et à ce sujet, le voisinage des Etats-Unis lui a été fort utile. On ne voit pas qu'il exploite des chemins de fer ; il s'est seulement assuré le contrôle des principales lignes, de manière qu'elles ne pussent être constituées en un trust dirigé par des étrangers, notamment des Américains ; cette mesure, purement de défensive nationale, et qui laisse l'administration des lignes aux mains de sociétés privées, est parfaitement légitime » (« Finances », in Le Mexique au début du XXe siècle, T.2, p.154). 5 Certains affirment que Limantour n'utilise les arguments d'un possible contrôle de tous les chemins de fer par les Nord-Américains que dans le seul but d'obtenir l'approbation du Congrès. Cette analyse est reprise par Rosenzweig et non remise en cause par Coatsworth, tandis que Bulnes, Díaz Dufóo ou Leroy-Beaulieu soulignent le danger imminent de la concurrence et saluent la politique de Mutation et crise du régime / 135 effet, malgré des prix élevés 1, les chemins de fer sont déficitaires (entre 1896 et 1902, après avoir amorti les investissements, la Nationale et la Centrale ne distribuent pas de dividendes 2). Seules deux solutions peuvent améliorer cette situation : la hausse des tarifs des transports -ce qui serait fâcheux pour les secteurs économiques liés à l'exportation- ou l'absorption des lignes concurrentes par un groupe ayant suffisamment d'intérêts au Mexique pour se permettre d'exploiter le réseau ferroviaire à perte. C'est bien ce dernier cas de figure qui se profile, avec la Standard Oil, dont l'empire (mines, métallurgie et surtout pétrole) pèse déjà beaucoup sur le Mexique comme sur les Etats-Unis eux-mêmes 3. En outre, Limantour, en bon administrateur, met en avant la nécessité d'homogénéiser et de développer le réseau ferroviaire, ce que devrait permettre le contrôle de l'Etat : « Il sera possible —dit-il—, de corriger beaucoup de défauts, spécialement celui des lignes parallèles ». Le ministre invoque également l'économie réalisée dans l'exploitation d'un réseau unifié. Enfin, il souligne la mauvaise image de la santé économique du pays que donnent aux investisseurs étrangers les « difficultés de nationalisation. Il est peu probable que Limantour ait eu besoin de brandir un épouvantail pour convaincre un Congrès entièrement dévoué à l'Exécutif... Voir F. Rosenzweig, « Las inversiones... », op. cit., p.1070, Coatsworth, op. cit., C. Díaz Dufóo, Les finances..., pp.130-133, P. Leroy-Beaulieu, « Les finances publiques », op. cit., F. Bulnes, La verdad acerca de la revolución, pp.182-184. 1 La presse économique et commerciale du début du siècle se fait régulièrement l'écho des plaintes contre les tarifs élevés des transports. 2 Voir D. Pletcher, Rail, Mines and Progress, pp.230-305 (« Les rapports des compagnies ne mentionnent pas le mot profit », écrit-il). 3 L'écrivain nord-américain, Edward L. Bell, rapporte Bulnes, souligne la croisade menée par Limantour contre les monopoles nord-américains, en particulier celui de la Standard Oil (voir Bulnes, La verdad acerca de la revolución, pp.182-184.). De leur côté, les Etats-Unis engagent, dès le début du siècle, la lutte contre les trusts. Ils décrètent, en 1904, la loi antitrust, qui dissout le holding Northern Securities Company (de J.P. Morgan, regroupant diverses compagnies de chemins de fer). En 1911, la Cour suprême dissout l'empire de la Standard Oil (ce groupe, appartenant à John D. Rockefeller, contrôle alors 85 % de la production de pétrole des USA). 136 / L’autre dictature nature financière » des propriétaires de la compagnie Centrale 1. Le processus —complexe— de l'achat de lignes par l'Etat apporte un certain éclairage sur l'évolution des méthodes gouvernementales et des mécanismes financiers. En 1903, l'Etat achète la « Veracruz Pacific » (qui vient de déposer son bilan) et la majorité des actions de l'Interocéanique ; ce qui lui permet d'arranger une alliance avec la Nationale, qui cherche un débouché dans le golfe, puis d'en prendre le contrôle 2. Peu à peu, l'Etat va ainsi dominer l'ensemble des compagnies. Trois ans plus tard, Limantour annonce le projet de « consolidation » (fusion) des compagnies Nationale et Centrale 3. Il faut attendre encore deux ans pour que, le 28 mars 1908, la compagnie « Ferrocarriles Nacionales de Mexico » soit constituée 4. La société, dont le siège est à Mexico, a un capital social de 460 millions de pesos, divisé en trois types d'actions, dont l'un, réservé à l'Etat, ne rapporte ni intérêts ni dividendes mais lui assure la majorité 5. De plus, celui-ci se porte garant pour le placement d'obligations à Londres, Berlin et 1 J.Y. Limantour, « Discours prononcé à la Chambre par le ministre des Finances... », op. cit., pp.4-5. 2 L'Etat s'engage à ne pas accorder à d'autres compagnies de nouvelles concessions qui pourraient concurrencer la Nationale dans le Nord-Est du pays. De son côté, la Nationale prend l'engagement de compléter son réseau dans cette région en construisant une ligne directe Monterrey-Matamoros. L'Etat finit par posséder plus de 47 % des actions de la Nationale, ce qui lui assure la direction de l'entreprise. Voir « Decreto del Congreso que autoriza la emisión de Obligaciones del Tesoro y aprueba la compra de acciones del Ferrocarril Nacional de Mexico », MH 19031904, pp.314-315. 3 Voir « Discours prononcé à la Chambre par le ministre des Finances, le 14 décembre 1906 », AMF/B31.314, pièce 215 (traduction du Mexican Herald, 15 décembre). 4 Voir Escritura constitutiva y estatutos de la Compañía Ferrocarriles Nacionales de Mexico, AMF/B31.314, pièce 336. 5 Ce capital est représenté par 300 000 actions de préférence 1er rang (dont 100 000 à l'Etat), 1 250 000 actions de préférence 2ème rang (dont 302 782 à l'Etat), et 750 000 actions ordinaires (747 240 à l'Etat). Mutation et crise du régime / 137 Paris 1. Possédant des actions des deux compagnies, les banques nord-américaines et les financiers mexicains dirigent ensemble l'opération 2. Une fois de plus, on retrouve parmi les actionnaires de la nouvelle compagnie les noms de l'oligarchie bancaire mexicaine 3. Soulignons le don d'ubiquité de Pablo Macedo, nommé à la viceprésidence du Conseil de direction, où l'on remarque aussi la présence de Limantour et de ses protégés (Joaquín D. Casasús, Luis Elguero, Guillermo de Landa y Escandón, Gabriel Mancera, Manuel Zamacona e Inclán et, son propre frère, Julio Limantour) 4. A la veille de la Révolution, les représentants de cette oligarchie forment un groupe de plus en plus restreint, d'autant que Limantour choisit avec minutie ses partenaires. Après trois mois d'intenses négociations, il doit néanmoins concéder au gouvernement français, en échange de l'émission à Paris des bons 4 % de seconde hypothèque, la nomination de José Signoret au Conseil d'administration 5. 1 Sont émises des obligations pour 169 638 630 pesos à 4,5 % et pour 101 495 200 pesos à 4 %. La compagnie assure aussi le service de 115 539 000 pesos d'obligations émises antérieurement par les sociétés absorbées. Voir F. Rosenzweig, « Las inversiones... », op. cit., p.1077. 2 Sont chargés des émissions les banquiers Kuhn Loeb & Co, Speyer & Co, Ladembourg, Thalmann & Co, Hallgarten & Co, tous de New York, Speyer Brothers, de Londres, Bank für Handel und Industrie et Berliner Handelsgesellschaft, de Berlin (voir lettre de M. Lanel, consul français à NewYork, à MAE, 8 avril 1908, AMF/B.31.314, pièce 220). 3 Les principaux actionnaires mexicains sont : Luis Barroso Arias, Salvador M. Cancino, Sebastián Camacho, Porfirio Díaz Jr, Pablo Escandón, Roberto Gayol, Jaime Gurza, Ricardo Honey, José de Landero y Cos, Luis Méndez, Sebastián de Mier, Fernando Pimentel y Fagoaga, Antonio Pliego Pérez, Pedro Rincón Gallardo... (Escritura constitutiva... op. cit., p.21). 4 Pour la liste complète, voir Premier rapport annuel des Chemins de fer nationaux du Mexique pour l'exercice se terminant au 30 juin 1909, AMF/B31.314, pièce 180. 5 Les négociations avec le gouvernement français comprennent aussi des commandes de matériel militaire. Voir la correspondance entre Limantour, l'ambassadeur A. Doumain et les ministres français des Affaires étrangères et des Finances, AMF/B31.314, pièces 187-217. En 1903, la concurrence entre les compagnies pétrolières européennes : anglaises et françaises, et les nord américaines s’accentue. La Standard Oil veut contrôler les compagnies ferroviaires qui transportent le pétrole brut. Le gouvernement tente de freiner le Trust en achetant quelques lignes. Il émet des actions et des obligations à la bourse de Paris et crée les Chemins de fer Nationaux du Mexique. Observons Limantour , avec la loi anti-trust, regroupant les locomotives de l’Internationale, de l’Interocéanique et les unissant par la main au National du Mexique ; dans leur fumée, on peut lire : « L’union fait la force ». El Colmillo Público, 24 avril 1904. Mutation et crise du régime / 139 En ce qui concerne l'usage de nouveaux mécanismes financiers, il convient de souligner qu'il ne s'agit ici ni d'acquisition ni d'absorption d'entreprises par l'Etat, mais d'un simple achat d'actions en quantité suffisante pour dominer la direction de la société. Le combat se déroule donc dans la sphère financière, sur le marché boursier. Le ministre des Finances définit ainsi son objectif : « L'opération consiste à utiliser les mêmes procédés des entreprises, mais avec des fins différentes car, au lieu d'exercer cette influence dominatrice à la recherche de profit particulier, nous devons le faire au bénéfice du public. » 1 Si la notion de service public, qui transparaît ici, va de pair avec un certain dirigisme de l'Etat, l'option de Limantour, il faut le reconnaître, fait de ce ministre un précurseur. Par la nationalisation, celui-ci parvient à libérer quelque peu le pays du joug de ce géant qu'est la Standard Oil, mais il fait aussi de l'Etat un partenaire actif des investisseurs étrangers. De plus, l'opération n'entraîne pas une révolution des structures générales de l'économie mais introduit simplement le capitalisme d'Etat, une pratique et une notion nouvelles à l'époque 2. La question est de savoir comment maintenir un réseau de communication coûteux et déficitaire, tout en réduisant les tarifs (la révolution ferroviaire est, en effet, basée sur la capacité de transport et la réduction des frais). Pour y parvenir, l'Etat engage le crédit public, laisse l'exploitation des trains aux compagnies déjà existantes, et délègue aux contribuables le soin de 1 2 J.Y. Limantour, « Informe... », op. cit., p.414. Voir J. Bouvier, Initiation aux mécanismes..., p.71. 140 / L’autre dictature payer le coût de l'opération 1. Il reste que cette présence de l'Etat dans le réseau de communication, dont dépend en grande partie les exportations du pays, est devenue un facteur indispensable au fonctionnement de l'économie nationale. Soulignons, enfin, que l'ensemble de ce processus n'aurait pas été possible sans les investissements européens indirects, les uns canalisés par les banques, les autres par la dette publique, dans laquelle le capital français est devenu prépondérant. Limantour réussit ici une opération d'envergure. En 1905, il obtient, en effet, après de longues négociations avec les porteurs de titres des emprunts Maximilien (les « Petis-Bleus »), l'ouverture de la Bourse de Paris aux titres d'Etat mexicains. Les grandes banques françaises (Paribas, Crédit Lyonnais, Union Parisienne, Société Générale) participent alors au placement des emprunts et aux conversions de la dette publique. Le crédit du Mexique est à son apogée : les titres mexicains sont côtés au-dessus du pair et les actions des entreprises voient leur prix nominal doubler, tandis que les épargnants français souscrivent en masse aux émissions mexicaines (en 1911, plus de 60 % des titres de la dette mexicaine circulent dans le marché français 2). De cette manière, Limantour obtient, non seulement de l'argent frais pour mettre sur pied la société des Chemins de fer nationaux, mais aussi la caution politique d'une grande puissance qui lui permet de 1 Les sociétés liées au commerce extérieur, ainsi que les actionnaires et les créanciers des « Ferrocarriles Nacionales », sont donc les premiers bénéficiaires (2 % de dividendes pour l'exercice 1908-1909). Après avoir couvert les intérêts de la dette consolidée et des dettes sur équipement et sur garanties collatérales, il reste un solde de 1 267 143 pesos -passé au compte des profits et pertes-, dont une partie (63 357 pesos) est transférée au fonds de réserve, et l'autre utilisée pour le paiement des dividendes. Voir Premier rapport annuel des Chemins de fer nationaux du Mexique, op. cit., p.16. 2 Voir « Tableau sur les valeurs mexicaines circulant en France », AMF/B31.312, pièce 65, et L.N. D'Olwer, « Las inversiones... », op. cit., tableau LXV. Mutation et crise du régime / 141 modérer l'influence des capitaux nord-américains. Cette situation n'échappe pas au chargé de mission représentant les intérêts français en Amérique centrale, qui, après avoir rappelé divers points de dissensions entre le Mexique et les Etats-Unis, écrit en 1911 : « Mais ce qui a peut-être le plus irrité le voisin du Nord, c'est la façon dont Limantour a réussi peu à peu à nationaliser la presque totalité des chemins de fer mexicains, qui avait été jusqu'alors la propriété de syndicats nord-américains. » 1 Il n'est pas surprenant, dans ces conditions, que la politique de Limantour et de l'oligarchie, qui contrôle déjà les options économiques de l'Etat et presque tous les rouages des finances du pays, devienne la cible des intérêts ainsi écartés. 2. De la crise financière à la Révolution (1907 - 1911) En octobre 1907, une crise financière éclate à « Wall Street » et s'étend rapidement au monde capitaliste. L'économie du Mexique est durement frappée : les valeurs mexicaines subissent une baisse très sensible dans les places boursières internationales, les investissements sont stoppés, les banques d'émission augmentent leur taux d'intérêt (il passe de 8 % à 10 %) 2 et réduisent les prêts de façon drastique, tandis que la clientèle court aux guichets retirer ses dépôts. Puis la monnaie métallique devient rare, 1 Comte M. de Périgny, « La situation politique au Mexique », France-Amérique, juillet 1911, p.32. Rappelons que cette revue est l'organe du « Comité FranceAmérique », oeuvrant pour l'expansionnisme français dans cette partie du monde. 2 Les taux d'intérêts passent de 8 % à 9 % en janvier 1907, à 9,5 % en avril et à 10 % en juin. Ils tombent à 9 % un an plus tard, puis à 8 % en août 1909 (E. Canudas, Crises de l'argent au Mexique, 1870-1919, tabl. 57). 142 / L’autre dictature les affaires s'arrêtent, les exportations ralentissent, des usines ferment et le chômage apparaît. Enfin, la stagnation s'étend à toute l'économie, les capitaux fuient à l'étranger et la pénurie s'installe. Dans un rapport confidentiel, l'ambassadeur de France, Alfred Dumaine, brosse le tableau suivant de la crise au Mexique : « Toute activité s'est arrêtée net ; non seulement les spéculateurs se trouvent réduits au chômage, mais les trop nombreuses entreprises, dont la crédulité du public constituait le principal élément de succès, disparaissent les unes après les autres. Tel que des annonces de décès en temps d'épidémie, les avis se multiplient dans les journaux par lesquels il est fait part de cessation de paiement dans les banques, de liquidation de compagnies industrielles, de la cession à bas prix d'exploitations qui semblaient fructueuses, de l'arrêt des travaux dans des mines, dont les actionnaires n'auront à se partager que le prix des machines mises en vente. Quelques sociétés, afin de retarder l'heure de la catastrophe, fusionnent ensemble, dans l'espoir que deux mauvaises affaires réunies en produiront une bonne. Le commerce d'importation ne se trouve pas moins rudement atteint, les consommateurs sont tenus de modérer leurs dépenses. » 1 Cette crise grave révèle les problèmes de fond ; c'est-à-dire les faiblesses de la structure économique, sur laquelle repose la politique suivie par Limantour, et les vices des mécanismes financiers. Sont ici en cause la concentration de l'activité minière et métallurgique, les oligopoles industriels, le déséquilibre de la production agricole, la dépendance du pays envers l'étranger (notamment en ce qui concerne les importations de produits de première nécessité 1 A. Dumaine à MAE, 9 décembre 1907, AMF/B31.312, pièces 2 à 7. Mutation et crise du régime / 143 et les capitaux), la mainmise, enfin, de l'oligarchie bancaire sur les institutions de crédit, oligarchie dont les pratiques donnent à la crise sa forme et sa longue durée. La crise est vécue au Mexique en deux temps. Avant de s'étendre à tout le pays, elle commence dans le Yucatán, à la suite d'une baisse très sensible du prix du henequen et de la prévision d'une mauvaise récolte de cette fibre. « L'imprudence de certains spéculateurs » (les grandes maisons d'exportation font leurs affaires en Bourse et à terme) entraîne des pertes considérables et provoque la crise 1. Plusieurs maisons font alors faillite. En conséquence, les banques d'émission « Yucateco » et « Mercantil de Yucatán », qui ont accepté des hypothèques pour un montant de 9 millions de pesos (plus de la moitié de leur capital social), se trouvent dans une situation très précaire. Sur la proposition de Limantour (désireux d'éviter l'extension de la crise), les banques Nationale et Centrale, garantes des capitaux français investis dans la « Yucateco » , prennent le contrôle de ces deux banques, qui fusionnent pour créer la Banque Péninsulaire Mexicaine. L'intervention du ministre des Finances, dont les journaux de la capitale chante les louanges, est présentée comme un geste de « solidarité des grandes banques envers leurs confrères en détresse » 2. Mais ce tapage médiatique voile les véritables mobiles de Limantour : la volonté de mettre un terme à la concurrence acharnée entre groupes régionaux et de faciliter l'expansion de l'oligarchie bancaire. Depuis les années 1870, en effet, deux groupes se partagent la production et la vente du henequen dans le 1 Voir « Crise financière du Yucatán », dans le rapport du Chargé d'affaires français à Mexico, 17 juin 1907, AMF/B31.312, pièce 462. 2 Voir rapport de Dumaine à MAE, 22 janvier 1908, AMF/B.31.312, pp.3-4, et C. Díaz Dufóo, Les finances..., op. cit., p.190. 144 / L’autre dictature Yucatán 1. D'une part, le groupe d'Escalante, associé à la maison nord-américaine Thebaud Brothers, contrôle la production et la vente de henequen jusque dans les années 1890. Il construit, de plus, la ligne de chemin de fer MeridaValladolid et fonde la Banque Mercantile du Yucatán (1889). D'autre part, le groupe d'Olegario Molina, allié à l'International Harvester (maison new-yorkaise), fait construire la voie ferrée Merida-Progreso 2 et fonde la Banque Yucatèque (1890). Molina, qui est aussi gouverneur de l'Etat (1890-1906), cherche à se défaire de son concurrent. Dans ce but, il établit des conventions et obtient le monopole des ventes de henequen sur le marché nordaméricain. Il tente encore d'affaiblir son rival en encourageant la fusion des chemins de fer; ce qui est chose faite avec la création de la « Compagnie des chemins de fer unis du Yucatán » (1902), dont la direction est confiée au groupe d'Escalante. Nommé ministre de « Fomento » en 1906, Molina est en bien meilleure posture pour faire face à la crise de 1907. Dans l'étude minutieuse qu'il consacre à la naissance des banques dans le Yucatán, Barceló Quintal précise : « Le poste permit à Molina de contrôler les prix du henequen [...], et de faire voter une loi au Congrès pour subventionner les Chambres agricoles. Les producteurs du henequen alliés à Molina se sont alors rassemblés dans la Chambre agricole nationale et se sont mis sous l'égide de cette loi. Cette Chambre devint ainsi une force indépendante de la Chambre agricole du Yucatán, qui 1 Sur ce sujet, voir R.O. Barceló Quintal, « El desarrollo de la banca en Yucatán », in Banca y poder en México, op. cit., pp.165-207. 2 Olegario Molina dirige en personne les travaux entre 1877 et 1881. De 1881 à 1887, il est surintendant de la compagnie, puis membre du Conseil d'administration. Mutation et crise du régime / 145 avait en fait été créée contre le monopole de l'International Harvester et la maison Molina. » 1 Tandis que la Chambre agricole du Yucatán échoue dans ses tentatives auprès de Limantour pour obtenir une aide financière, les alliés de Molina empochent les subventions du gouvernement fédéral. La crise se solde par la chute de la maison Escalante qui dépose le bilan et accuse des pertes énormes, estimées à plus de 4,2 millions de pesos 2. En ce qui concerne le contrôle des banques du Yucatán par l'oligarchie bancaire, on remarquera que la toute nouvelle Banque Péninsulaire Mexicaine (troisième banque d'émission du pays 3) est désormais dirigée par deux Comités : l'un, local, confié à José Castellot, et l'autre, siégeant à Mexico, présidé par Fernando Pimentel y Fagoaga. La crise du Yucatán illustre ainsi les rapports entre les élites locales, l'oligarchie bancaire et le pouvoir fédéral. On imagine assez le ressentiment des laissés-pourcompte, qui s'en vont grossir les rangs des mécontents. Cependant, le cas du Yucatán n'est que le signe avantcoureur de la « bourrasque » qui s'abat sur le pays 4. Nous avons vu que le Mexique exporte surtout, outre le henequen (10 %), des produits miniers (55 %), principalement vers les Etats-Unis. Ces affaires se règlent sur le marché de New York, tandis que les exportations vers l'Europe sont minimes. Il est, par conséquent, difficile de se procurer des ressources en achetant des traites payables à Londres ou à Paris. Or, les grandes entreprises financières et 1 2 R.O. Barceló Quintal, « El desarrollo... », op. cit., pp.201-202. Le groupe Escalante (E. Escalante e hijos, Pedro Peón Contreras et E. Escalante Peón) laissent 4 249 257 pesos de dettes, une somme qui n'est toujours pas amortie en 1911. Voir le rapport de l'Assemblée générale de la Banque Péninsulaire Mexicaine, 30 mars 1912 (publié dans la presse française), AMF/B31.314, pièce 10. 3 Son capital est de 16 millions de pesos (dont 6 millions sont français). 4 Le mot est de Dumaine (lettre à MAE, 20 janvier 1908, AMAE/NS T.29). 146 / L’autre dictature industrielles ayant placé leurs actions sur le marché de Paris et de Londres, « les Mexicains sont obligés de se servir de l'intermédiaire du marché de New York pour se procurer les fonds dont ils ont besoin en Europe » 1. Mais, si les causes externes de la crise sont générales et communes aux pays exportateurs de matières premières trop liés aux Etats-Unis, le fonctionnement particulier des institutions de crédit de chaque pays joue aussi un rôle important. La panique bancaire trouve sa source dans le grand nombre de débiteurs insolvables, dont les emprunts à long terme ou à six mois renouvelables vident pratiquement les caisses des banques d'émission. Par le renouvellement continuel de leurs emprunts, ces débiteurs conservent leurs affaires productives ou non- et sauvent la face. Mais, lorsque la crise les surprend et conduit les banques à demander le recouvrement de leurs dettes, les débiteurs, ne pouvant payer, mettent dans l'embarras toutes les institutions de crédit. Celles-ci remboursent de justesse le public qui se presse aux guichets mais épuisent leur métallique. Cependant, les débiteurs ne sont pas les seuls responsables de la réduction du crédit et de l'aggravation de la pénurie et de la crise. En effet, les banques d'émission se sont dangereusement exposées en immobilisant leurs capitaux et les dépôts de leur clientèle dans des affaires à long terme, et en garnissant leurs portefeuilles de valeurs difficilement réalisables. De plus, les banques ont réservé les crédits à une clientèle choisie, très réduite, ayant toujours droit au renouvellement et qui, lorsque la crise éclate, se révèle insolvable. La responsabilité retombe donc sur les banquiers qui ne se sont guère préoccupés d'exiger de sérieuses garanties. C'est pourquoi Limantour les rappelle à 1 « Etat actuel du marché », rapport du Chargé d'affaires à Mexico, 17 juin 1907, AMF/B31.312, pièce 462. Mutation et crise du régime / 147 l'ordre et publie une circulaire (10 février 1908) condamnant en termes très sévères « ces procédés devenus d'usage courant dans les banques ». Le ministre dénonce les « crédits d'amitié », ayant pour seules garanties des « signatures de famille ou de complaisance ». Ces errements, dit-il, sont imputables « en bonne partie à certains directeurs de banques qui, pour donner un emploi aux fonds en excès, aux époques de grande abondance, ou encore alléchés par la perspective d'un gros bénéfice, ont pris l'initiative de s'intéresser dans certaines affaires qui par leur nature n'entrent pas cependant dans le cadre des opérations d'une banque d'émission et de dépôts » 1. Limantour montre ainsi du doigt les banquiers, auxquels il reproche de spéculer avec les dépôts du public, et leur clientèle avide de crédit bien qu'insolvable. Limantour ne se contente pas de sermonner les banquiers. Il leur recommande, en effet, de disposer de valeurs en quantité supérieure aux valeurs exigibiles, d'utiliser dans ce but des valeurs aisément convertibles en numéraire et de limiter l'octroi des prêts. Enfin, il les convoque en assemblée nationale afin de débattre des mesures nécessaires pour uniformiser les pratiques de tous les établissements du pays. En fait, le ministre est dépassé par les pratiques financières et n'est pas satisfait du système bancaire, qui assure à l'administration interne des banques une indépendance quasi-absolue à l'égard des pouvoirs publics. En conséquence, il souhaite renforcer la surveillance de l'Etat. Certes, les lois bancaires prévoient des mesures de contrôle, plusieurs fois renforcées. Ainsi, en 1903, une réforme donne le droit aux inspecteurs du ministère, accompagnés d'un administrateur du Timbre, de vérifier l'encaisse tant dans les maisons mères que dans 1 Coupure de L'information du 10 mars 1908, AMF/B31.314, pièce 84. : Courrier du Mexique et de l’Europe, 1912, Numéro spéciale 14 juillet. SOURCE Mutation et crise du régime / 149 leurs agences et leurs succursales 1. L'année suivante voit encore la création de l'Inspection générale des institutions de crédit, organisme du ministère des Finances chargé d'organiser et de contrôler l'activité des inspecteurs 2. Cependant, le système connaît de nombreux dysfonctionnements et manque d'efficacité. Outre un certain laxisme, les contrôles sont par trop sélectifs (ils dépendent bien souvent des rapports que les directeurs des banques ont avec le pouvoir) ; autant de failles que la crise s'est chargée de rappeler. Le cas de la Banque de Campeche, maintes fois cité par Luis Cabrera, est exemplaire. Après avoir obtenu une concession, José Castellot, célèbre financier et Científico notoire, fonde cette banque en 1900. En 1903, elle devient banque d'émission, un changement de statuts réalisé par le cabinet de maître Casasús. Le capital passe alors de 600 000 à 1 000 000 de pesos, et la banque émet des bons pour une valeur de 200 000 pesos. Lorsque la crise éclate, la banque a deux grands débiteurs : José Castellot (853 000 pesos) et Luis Galera de Lanz (376 000 pesos), dont l'emprunt est en fait destiné au paiement d'une dette à Castellot. L'ensemble des créances de la banque représente donc la totalité de son capital social et de ses bons. De plus, lorsque, sur les appels pressants des actionnaires minoritaires de la banque, le ministère des Finances nomme un nouvel inspecteur, celuici est aussitôt révoqué, à la demande de José Castellot, et remplacé par le précédent, Felipe Castellot, frère du financier... 3. La faillite de la banque est spectaculaire et, une fois encore, Limantour intervient : les banques Nationale et Centrale se chargent des liquidations. A la fin 1 2 3 Voir « Circular sobre intervención de los Bancos », MH 1903-1904, pp.319-322. La direction de cet organisme est confiée à Luis Manero y Escalante. Le ministère des Finances compte également dans ses rangs Juan B. Castellot, inspecteur de la Banque de Londres et Mexico (1896-1906). 150 / L’autre dictature de 1908, la Banque de Campeche devient « refaccionario » 1. Les péripéties de la Banque de Campeche ou encore de la Banque Péninsulaire n'ont rien d'anecdotique et illustrent parfaitement les abus que commettent financiers et gouvernement fédéral. Tout comme Olegario Molina, José Castellot appartient à l'oligarchie. Non seulement ce dernier est président du Sénat, gouverneur du Chiapas (1902-1904) et de Campeche (1903), et fait partie des Commissions parlementaires, mais il est aussi membre de plusieurs Conseils d'administration de grandes banques (Banque Centrale, Crédit Foncier, Société Foncière...), directeur de la Compagnie Anglo-américaine et détenteur de plusieurs concessions bancaires (banques Agricole, de Guanajuato, de Michoacán, de Hidalgo, de Campeche, et même Banque Centrale). Certes, Limantour a des raisons de se plaindre. Mais ses remontrances, qui heurtent tant d'intérêts et mettent en péril tant d'affaires qui ne survivent que grâce à des pratiques douteuses, font l'effet d'une douche froide. De plus, la crise de confiance vis-à-vis des privilégiés du régime s'accentue, tandis que se multiplient les reproches virulents contre le ministre des Finances et les Científicos. Les premiers à protester, écrit Díaz Dufóo, sont « les socialistes du crédit, qui soutenaient le droit de chaque individu de disposer des fonds que les banques gardent dans leurs caisses pour les besoins, disaient-ils, du public... » Dufóo ajoute : « Puis ce furent ceux qui recouraient à ces établissements pour obtenir des prêts renouvelables dont il était presque sous-entendu que l'échéance n'arriverait jamais ; enfin tous ceux qui, usant des mille procédés et des innombrables expédients trop souvent employés par les personnes qui 1 Sur cette banque, voir F. Rosenzweig, « Moneda y bancos », HMM-PVE, pp.853-854. Mutation et crise du régime / 151 n'ont pas la ferme volonté de payer leurs dettes, virent dans la circulaire l'annonce d'une liquidation nécessaire. » 1 En réponse aux propos de Limantour, le public soutient que, puisque les banques « refaccionarios » ne se sont pas développées, il faut permettre aux banques d'émission de consentir des prêts à long terme à l'agriculture et à l'industrie. On dit également que l'invitation à procéder au règlement des dettes renouvelables, alors que le pays ressent les effets de la restriction monétaire, risque d'entraîner de graves difficultés pour les entrepreneurs, pour la plupart agricoles, miniers ou industriels, au moment où il convient, au contraire, de consentir de nouveaux prêts. Enfin, insiste Dufóo, « la circulaire était alarmiste et inopportune, car on n'aurait pas dû choisir une période de crise pour faire connaître, encore bien moins pour tenter d'y remédier, les services défectueux et les pratiques périlleuses de nos établissements de crédit » 2. Le mécontentement devient, en effet, général dans le monde des affaires et tend à creuser un fossé entre les autorités et l'oligarchie, et le reste des financiers. Dumaine écrit ainsi : « Depuis lors, les reproches, les attaques, les accusations se sont multipliés. Faudrait-il croire que bientôt la diversité tutélaire du crédit mexicain ne conservera plus d'autres dévôts que les principaux participants aux profits du culte ? « Passato la festa, abasso il santo »... Sans doute, ceux qui avaient pris l'habitude de bénéfices toujours croissants, ne pardonnent pas qu'un arrêt se produise dans leur prospérité. Mais le mécontentement et 1 2 C. Díaz Dufóo, Les finances..., op. cit., p.195. Ibid., p.196. 152 / L’autre dictature la méfiance gagnent aussi presque tout le reste du monde des affaires. » 1 Non seulement la crise financière ralentit les profits faciles, mais elle désespère aussi la clientèle qui n'a pas accès au crédit alors que ses affaires languissent. Le pessimisme gagne les esprits, et l'on cherche des responsables à la catastrophe plutôt que des solutions au problème. Le journal de Guadalajara, La Libertad, critique ainsi vivement Limantour et lui demande de prendre ses responsabilités en ayant le courage de donner les noms des banques et des clients fautifs : « Mieux que personne, le ministre devait savoir quels abus se commettent au profit d'un petit nombre de spéculateurs influents qui accaparent la plus grande partie des fonds des banques pour les employer dans des affaires d'une liquidation difficile. Ces choses, on peut les ignorer dans les Etats ; mais, à Mexico, c'est sous les yeux de M. Limantour qu'elles se passent, c'est de la capitale que nous parviennent les noms de Pimentel, Barroso, Scherer, et de deux ou trois autres qu'on désigne comme les favoris de la fortune, comme les grands, lesquels disposent de l'argent des banques comme s'il était le leur et, à coup sûr, ne pourront pas le restituer au moment voulu. » 2 Réunir les banquiers dans une sorte de « conclave » national est la seule réponse de Limantour, qui préfère régler la question « en famille » plutôt que de heurter les intérêts de l'oligarchie. 1 2 Lettre de Dumaine à MAE, 25 mars 1908, AMAE/NS T.29. Coupure du journal La Libertad, annexe à la lettre de Dumaine à MAE du 25 mars 1908 (Id). Mutation et crise du régime / 153 L'assemblée des banquiers approuve certaines mesures et crée une commission chargée de rédiger un projet de loi 1. Les réformes à la loi sur les institutions de crédit et sur la surveillance des banques ne sont qu'un rappel à l'ordre en direction de l'oligarchie, mais entravent le crédit et exaspèrent les emprunteurs 2. Parmi les mesures retenues, soulignons les normes générales : uniformisation des conditions permettant l'ouverture de crédits, limitation des opérations des banques locales à leur propre région, plafond des prêts consentis par une seule banque à une même personne ou société, défense faite aux banques d'émission de renouveler les prêts de plus de six mois, droit pour les banques hypothécaires de garantir leurs diponibilités avec des bons considérés de premier ordre 3. En outre, des mesures sont prises pour régler les problèmes plus épineux. Par exemple, afin de garantir les dépôts des clients, les banques doivent avoir un tiers du montant des dépôts en espèces, un autre tiers en valeurs de premier ordre et le reste en valeurs réalisables dans un délai maximum de six mois 4. De plus, afin d'empêcher la spéculation, défense est faite aux banques d'émission d'exploiter à leur propre compte des mines, des usines ou des fabriques, et de s'associer dans une quelconque affaire industrielle ou agricole. Enfin, pour éviter les abus, il est interdit aux administrateurs, directeurs 1 La commission est composée de Bibiano Villareal (BNL), José M. Pardo (BTA), Praxedis de la Vega, Aurelio González Hermosillo (BJ), Guillermo Obregón (BT) et Fernando Pimentel y Fagoaga (BCM) ; AMF/B31.314, pièce 88. 2 F. Bulnes remarque : « les grands propriétaires fermiers souhaitaient se venger des Científicos, car, avec la promulgation des lois bancaires de 1908, leur pillage virtuel des banques était entravé » (La verdad acerca de la Revolución, p.136). 3 Voir Ibid. 4 Sont considérées valeurs de premier ordre : les titres émis par le gouvernement mexicain ou par toute société placée sous la garantie de ce dernier, les bons émis par des gouvernements étrangers et portant au plus 5 % d'intérêts, les bons émis par des Etats ou des municipalités du Mexique portant au plus 6 %, les bons émis par des banques hypothécaires, les titres de compagnies mexicaines cotés sur les marchés mexicains ou étrangers ayant servi des divivendes durant les cinq années précédentes (voir Ibid.) 154 / L’autre dictature et gérants de banques et de sociétés anonymes d'être impliqués dans des opérations les conduisant à devenir personnellement débiteurs des banques dans lesquelles ils exercent leurs fonctions 1. Si ces réformes sont louables et dignes des meilleures théories financières, la mentalité des financiers, les intérêts en jeu et les pratiques ne peuvent se transformer du jour au lendemain. En fait, au lieu de freiner la crise et d'améliorer la disponibilité des banques, les mesures adoptées accélèrent la raréfaction du numéraire. C'est ainsi que les débiteurs, ayant besoin de liquide, refusent de payer et exigent le renouvellement des crédits. De leur côté, les financiers corrompus occupent toujours des postes importants de l'administration et continuent de tirer avantage de leur position. Enfin, en prévision des rétorsions, les profiteurs prennent leurs précautions : l'annonce même des réformes, écrit l'ambassadeur Dumaine, « a aussitôt inspiré à certains spéculateurs, que l'on favorise de crédits illimités, l'idée de se faire livrer les dernières disponibilités des banques amies ou complices, afin de parer d'avance aux refus qu'il se verraient opposer dans l'avenir » 2. En conséquence, les banques d'émission se trouvent dans une très mauvaise posture, la crise demeure au lieu de s'estomper, tandis qu'un krach bancaire menace. Limantour tente alors de rétablir la situation en créant une nouvelle institution chargée de liquider et de garantir les crédits à longue échéance. Le système de crédit, qui privilégie les prêts à court terme (moins de six mois), ne répond pas aux besoins de l'agriculture, de l'industrie, des mines et même du commerce, qui demandent de plus longues échéances. L'agriculture est, sans conteste, la question la plus grave. En 1 2 Voir Ibid. Lettre de Dumaine à MAE, 25 mars 1908, AMAE/NS t..29. Mutation et crise du régime / 155 effet, ce secteur n'a pas accès aux crédits, tandis que les déséquilibres de la structure productive (priorité des produits pour l'exportation et insuffisance des produits de première nécessité) posent au Mexique d'importants problèmes de subsistance. De plus, la crise financière coïncide avec une période de sécheresse particulièrement aiguë, qui aggrave la pénurie et provoque la flambée des prix. Tandis que le gouvernement, nous l'avons vu, tente de compenser cette crise par l'importation massive de produits de base et le contrôle des prix, Limantour lance un nouveau programme économique, censé améliorer le sort de l'agriculture. Ce programme prévoit, d'une part la réalisation de vastes travaux d'irrigation et de canalisation des eaux, et, d'autre part, la création d'une institution destinée au crédit agricole. La pensée de Limantour dans cette affaire est simple : « Le crédit agricole est intimement lié à l'irrigation, car, tant que les rentrées des agriculteurs dépendront des caprices de la pluie, il leur sera difficile d'obtenir les capitaux que seule peut leur procurer une quasi-certitude de remboursement ; et rien n'est plus aventureux que de soumettre le crédit au hasard d'une nuée qui passe ou que l'on attend en vain. » 1 En juin 1908, le Congrès autorise le gouvernement à investir 25 millions de pesos dans les travaux d'irrigation et à garantir l'émission de bons, pour une valeur de 50 millions de pesos, afin de fonder une banque agricole 2. Dans ce dernier but, Limantour signe une convention avec les grandes banques (BNM, BLM, BCM, Commerciale et Industrielle) permettant de constituer une société anonyme 1 2 Cité par Díaz Dufóo, Les finances..., op. cit., p.203. Voir le décret du 17 juin 1908, in MH 1907-1908. 156 / L’autre dictature pour le crédit agricole, appelée « Caisse de prêts pour les travaux d'irrigation et l'encouragement à l'agriculture ». Selon les termes de la convention, le capital, d'un montant de 10 millions de pesos, est divisé en trois types d'actions : le premier, formé des trois quarts du capital social, auquel le public pourra souscrire, le second, comprenant un quart du capital, destiné aux banques signataires de la convention, le troisième, enfin, composé d'une seule action réservée au gouvernement, autorisant ce dernier à désigner trois membres du Conseil d'administration 1. Cette convention, déclare Limantour, a « le triple avantage d'assurer, sous la responsabilité des banques, l'organisation de la nouvelle société, d'admettre tout le monde en qualité d'actionnaire sur un pied de complète égalité avec les banques et de créer une institution vraiment nationale. » 2 La durée des prêts consentis par la nouvelle Caisse ne doit pas excéder quinze ans pour les prêts hypothécaires et trois ans pour les autres, tandis que le taux d'intérêt, autorisé directement par le ministère des Finances, est compris entre 5 % et 7 %. Ces conditions ont pour objet, dit Limantour, de « conserver en tout temps à la Caisse son caractère d'intermédiaire entre les capitalistes, d'une part, et les agriculteurs ou les industriels, de l'autre, tout en faisant profiter le public de l'aide efficace apportée par la garantie de l'Etat » 3. Les fonds de la Caisse ont pour bénéficiaires les compagnies des travaux d'irrigation, autorisées par le ministère de « Fomento » et garanties par les banques concessionnaires ; mais ils pourront aussi être employés temporairement- « pour alléger le portefeuille des banques de certains titres de prêts à long terme non conformes avec 1 Voir « Informe... sobre el uso que el Ejecutivo a hecho de las autorizaciones que le confiere el art. 2o de la ley de 17 junio de 1908 », MH 1908-1909, pp.317-324. 2 Ibid., pp.318-319. 3 Ibid., p.320. Mutation et crise du régime / 157 la nature de ces banques » 1. En d'autres termes, la Caisse a pour but d'aider les travaux d'irrigation, mais, en attendant la fin de la crise et le rétablissement du crédit, précise le chargé d'affaires français, il lui sera possible de « distribuer le produit des 50 millions de bons, récemment émis avec la garantie de l'Etat, aux grandes banques du Mexique en échange des reconnaissances que détiennent ces dernières ». « Dès lors -ajoute le diplomate- celles-ci, rentrant de nouveau en possession d'une partie de leurs capitaux, pourront renouveler leurs opérations à court terme et aider le commerce et l'industrie » 2. De cette manière, Limantour détourne -momentanément- les subventions destinées à résoudre le problème agricole pour rétablir le crédit des banques, en particulier des signataires de la convention, auxquelles il fournit de l'argent frais. Pour mener à bien son plan, le ministre, fait appel, comme à son habitude, à l'épargne étrangère. Les bons sont ainsi négociés par la maison new-yorkaise Speyer & Cie et souscrits dans les marchés de Londres, Francfort, Berlin et Amsterdam, au taux d'intérêt de 4,5 % et à environ 90 % de leur valeur nominale. L'agent du gouvernement dans cette opération est Hugo Scherer Jr, administrateur de la BNM et ami personnel de Limantour 3. De plus, les Científicos et les dirigeants de l'oligarchie dominent le Conseil d'administration de la Caisse , où l'on retrouve Luis Elguero (futur leader des Científicos), José Sánchez Ramos, Fernando Pimentel y Fagoaga, Pablo Macedo, Hugo Scherer Jr, Roberto Nuñez, Antonio Pliego Pérez, Gabriel Icaza, G. Braniff... Enfin, la gérance de la Caisse est confiée à Manuel de Zamacona e Inclan 4. 1 2 3 4 Id. Lettre de Greigueil à MAE, 17 octobre 1908, AMAE/NS T.29. Hugo Scherer possède avec le frère de Limantour, Julio, une société bancaire. Voir Ibid AMAE/NS T.29. C’est au début du XXème siècle que le régime de Porfirio Díaz acquiert son plus grand prestige au niveau international. Il possède un solide crédit et, pour faire face aux effets de la crise financière de 1907-1908, Limantour va chercher de l’argent frais auprès des banques parisiennes et, en 1910, c’est en France qu’il reconvertit la dette publique externe. On le voit de retour de Paris avec deux sacs d’argent, qui annonce « il y en aura pour tout le monde » et ajoute aussitôt « mais pas touche ! ». Certaines personnalités du groupe des Científicos – Pablo Macedo, Fernando Pimentel et Fagoaga, Díaz Dufóo- se moquent du ministre… La Sátira, 25 décembre 1910. Mutation et crise du régime / 159 Au bout du compte, les bonnes intentions de Limantour pour résoudre le grave problème agricole restent lettre morte. En effet, durant les deux premières années, seuls 8 des 25 millions de pesos prévus pour les travaux d'irrigation sont débloqués 1, tandis que les 50 millions de pesos théoriquement attribués à la Caisse servent d'« exutoire des valeurs sans marché, des affaires sans garantie » 2. Bulnes n'hésite pas, d'ailleurs, à traiter le ministre de lâche, pour avoir détourné sa politique de son objectif et aggravé la pénurie alimentaire (facteur de troubles) : la Caisse a servi -déplore-t-il- « à sauver du désastre les banques d'émission menacées de faillite par la crise financière » 3. Il est vrai que le gouvernement recule en choisissant de venir au secours de l'oligarchie bancaire, plutôt qu'en décidant de réformes radicales. Il ne fait en réalité qu'approfondir le déséquilibre structurel de l'économie, les contribuables, faisant, de plus, les frais d'une opération hasardeuse. Il en résulte un coût social et politique très élevé. La crise financière fait ainsi apparaître un mariage indissoluble entre l'oligarchie et les institutions de l'Etat, une union qui bloque la vie économique, véritable « dictature financière » (comme la qualifie Bulnes) régissant, depuis l'arrivée de Limantour au ministère, tous les secteurs des finances publiques et privées. Un grand nombre d'hommes d'affaires et de financiers, qui ne peuvent bénéficier de crédits et doivent faire face à la crise avec leurs propres moyens ou, à l'image des Escalante, se plier au bon vouloir de l'oligarchie, vont grossir les rangs des mécontents. Tout comme les nouvelles générations qui 1 Ils sont débloqués le 31 mai 1909. Voir « Decreto que autorisa el Ejecutivo... para disponer de la suma... », MH 1908-1909, pp.151-152. 2 Lettre de Lefaivre, ambassadeur à MAE, 16 novembre 1911, AMF/B31.314, pièce 61. 3 F. Bulnes, El verdadero Díaz y la Revolución, p.240. 160 / L’autre dictature aspirent aux postes politiques, ces hommes d'affaires sont exclus du festin porfiriste. En plein coeur de la Révolution, l'attaché militaire français à Washington écrira ainsi : « Les 50 financiers qui opéraient aux côtés de Limantour avaient accaparé toutes les situations rémunératrices dans l'administration des grandes compagnies et sociétés mexicaines. Il ne restait plus de places à donner aux nouvelles ambitions. » 1 La crise exacerbe les pratiques propres au capitalisme, dans un pays encore en transition, et provoque une rupture entre le régime et nombre d'hommes d'affaires, sans aucun doute prêts à financer tout retournement de situation. Cette fracture se produit dans un contexte de crise économique grave et de conflits politiques, marqués par la question de la succession présidentielle, qui mènent à la Révolution. Observateur privilégié, le directeur de la Banque Nationale, Joseph Simon, écrit en juin 1911 au ministre français des Finances : « Les dernières années du gouvernement du général Díaz avaient abouti à un état d'arbitraire politique, de corruption gouvernementale, et surtout à un accaparement scandaleux de toutes les opérations et affaires financières, de tous les fils de la vie économique, entre les mains d'une poignée d'individus ; il en était résulté un mécontentement tellement général, que tous ceux que leur intérêt personnel n'aveuglait pas prévoyaient la nécessité de l'imminence d'un revirement complet. Ce qui a fait la force de la révolution, c'est que dans ces derniers mois, en dehors de cette poignée de gens qui profitaient du régime, dans toutes les couches de la société, aussi bien chez les gens 1 Lettre du capitaine de Chambrun au ministre de la Guerre français, 25 février 1912, AMAE/NS V.3. Mutation et crise du régime / 161 instruits et éclairés et chez les familles aisées, que dans le peuple, tout le monde appelait un changement de régime, et chacun était disposé à suivre le premier venu qui aurait le courage de se lever contre le régime. Ce fut Madero, comme c'eût été le général Reyes s'il avait été alors au Mexique. » 1 Certes, entre 1906 et 1909, le mécontentement contre le régime devient général. Et chacun de se plaindre : les exploitants miniers (réforme des lois de propriété et promulgation du nouveau Code des mines), les commerçants (loi de redressement fiscal et imposition de l'officielle Chambre de commerce), les banquiers (réformes sur les institutions de crédit), les ouvriers et les bas revenus (hausse des prix consécutive à la réforme monétaire, grèves violemment réprimées), les grandes compagnies nordaméricaines (nationalisation des chemins de fer et concessions pétrolières accordées aux Anglais). Madero, cependant, n'est pas précisément le « premier venu ». Sans dérouler ici le fil des luttes politiques qui précèdent et accompagnent la Révolution 2, il convient de rappeler brièvement le rôle de Francisco I. Madero, qui, après des années d'échec pour créer un espace politique d'opposition (d'abord à la mairie de sa ville, puis au gouvernement de son Etat), se porte candidat à la présidence de la Fédération. 1 Lettre de Joseph Simon, inspecteur des Finances à MF, 9 juin 1911, AMF/B31.312, pièce 64. Le même écrit un mois plus tard : « La révolution dont ce pays vient d'être le théâtre, n'a pas été, comme on a pu le faire croire en Europe, l'oeuvre d'une fraction isolée, de meneurs avides du pouvoir, servis par un hasard heureux, mais bien le résultat d'un mécontentement universel contre un pouvoir absolu qui eut dans son temps sa raison d'être, et la réaction générale contre un régime de corruption politique et financière, dont il est difficile de se faire idée » (lettre du 11 juillet 1911, AMF/B31.312, pièce 57). 2 Sur ce sujet, voir, notamment, A. Cordova, La ideología de la Revolución mexicana, F.X. Guerra, De l'Ancien Régime à la Révolution, A. Gilly, La revolución interrumpida, F. Katz, La guerra secreta en México et A. Knigth, The mexican Revolution. 162 / L’autre dictature C'est en pleine crise financière, à la fin de 1908, qu'il publie son programme, La Sucesión presidencial en 1910, qui devient un best-seller 1 et dans lequel il fait un bilan des trente ans de ce qu'il appelle une « dictature militaire », un « pouvoir central absolu », dont il dénonce les pratiques : la servilité des Chambres, des gouverneurs et de la presse, le blocage politique, l'absence de liberté et de démocratie 2. Si les hommes qui guident cette dictature et qui se sont éloignés de l'intérêt général se maintiennent au pouvoir, annonce Madero, une révolution ne fait aucun doute 3. Afin d'éviter le pire, il propose une transition pacifique vers la démocratie et accepte la réélection de Díaz, à condition qu'il permette l'élection libre par le peuple du vice-président, des membres des Chambres et des gouverneurs des Etats. Durant l'année 1909, Madero colporte ces idées et crée des clubs « antiréélectionnistes » dans tout le pays. On connaît la suite : l'emprisonnement de Madero, la réélection de Díaz, le Plan de San Luis Potosí, que Madero lance depuis sa prison, les soulèvements au Nord et au Sud, les troupes nord-américaines qui se massent à la frontière, la démission du général Díaz et l'élection de Madero à la présidence en 1911. Madero appartient à l'une des plus riches familles du nord du pays. Lui-même financier, il est membre de plusieurs Conseils d'administration de sociétés industrielles. Son père, Francisco Madero, siège aux côtés de l'oligarchie au Conseil d'administration de la Banque Centrale. Cinq jours à peine après la démission de Porfirio Díaz, alors que 1 La seconde édition de La Sucesión presidencial en 1910, date de février 1909. Nous utilisons ici l'édition de l'Editora Nacional, s.d. 2 Voir Ibid., p.192. 3 Un avertissement que Madero lance à plusieurs reprises. Voir Ibid., pp.195-197 et 257-267. Mutation et crise du régime / 163 celui-ci part en exil en France, l'ambassadeur français fait le rapport suivant : « C'est sur la demande de M. Limantour lui-même que M. Ernesto Madero a accepté le portefeuille des Finances et, depuis son installation, son prédécesseur travaille avec lui chaque jour pour le mettre au courant des détails de l'administration [...]. M. Ernesto Madero, oncle de M. Francisco Madero, gère depuis longtemps toutes les affaires de la famille [...]. L'administration de cette fortune lui a donné une expérience meilleure que n'importe quel capitaliste ordinaire. » 1 Puis le diplomate énumère les différentes affaires de la famille Madero : - Cia Carbonifera de Sabinas - Banco de Nuevo León - Cia metalúrgica de Torreón - Cia Industrial del Parral - Cia de Exploración Coahuilense - Salvador Madero y Cia - Cia Harinera del Golfo - Ernesto Madero y Cia Total 5 500 000 pesos 2 500 000 5 000 000 2 500 000 1 000 000 2 000 000 4 000 000 8 000 000 30 500 000 pesos Cette liste, impressionnante, ne révèle pas toutes les affaires dans lesquelles les Madero sont impliqués. Les récentes recherches de Mario Cerutti offrent un panorama plus large et plus complexe de l'empire bâti par Don Evaristo, grandpère de Francisco I. Madero 2. Dans les années 1850-1860, Don Evaristo amasse une fortune considérable en faisant du 1 2 Lettre du baron de Vaux à MAE, 1er juin 1911, AMAE/NS T.29. Voir M. Cerutti, Burguesía, Capitales et Industria en el norte de México, « Evaristo Madero y Monterrey », pp.217-251. 164 / L’autre dictature commerce de contrebande dans l'Etat de Tamaulipas, puis s'installe à Parras (Etat de Coahuila) en 1875. Après avoir investi (agriculture, usines textiles, mines) durant la décennie 1870-1880, Don Evaristo est nommé gouverneur du Coahuila (1880-1884), poste dont il démissionne pour cause de « désaccord avec le retour du général Porfirio Díaz » 1. La grande affaire de l'empire familial est sans aucun doute la création de la Banque de Nuevo León (1892), qui permet de canaliser les investissements et de gérer l'épargne. Les Madero s'allient alors avec les plus puissantes familles du Nord (Adolfo Zambrano, Francisco Armendais, Rodolfo Berardi, Marcelino Garza...), affermissent leurs liens familiaux avec les Treviño, les Hernández ou les García, et entretiennent des liens amicaux avec le général Bernardo Reyes. L'empire se développe et s'étend à divers secteurs entre 1892 et 1910. Dans le secteur minier, les Madero sont présents dans plus de trente compagnies, dont les deux principales entreprises métallurgiques de Monterrey (« Fundidora y Afinadora de Fierro Monterrey » et « Compañia Fundidora de Fierro y Acero de Monterrey »). Elu directeur adjoint de la « Compañia Fundidora », la plus grande d'Amérique latine, Ernesto Madero côtoie au Conseil d'administration les Zambrano, Basagoiti, Braniff et Signoret... Dans le secteur industriel, la famille participe à plus de vingt sociétés (fonderies, textiles, construction, machines-outils). En outre, elle est aussi actionnaire de la Banque Mercantile de Monterrey et de la Banque Centrale. L'activité économique des Madero, implantée dans les Etats de Coahuila et du Nuevo Léon, rayonne dans les Etats de Chihuahua, Sonora, Durango, Tamaulipas, San Luis Potosí, Zacatecas et Guanajuato. Enfin, fait remarquable, les Madero possèdent 1 Cerutti cite le biographe de Madero, Vasconcelos, Ibid., note 16, p.223. Mutation et crise du régime / 165 des intérêts dans plusieurs sociétés d'exploitation agricole et comptent parmi « les plus grands latifondistes du pays » 1. Cette vue d'ensemble du pouvoir économique de la famille Madero permet de mieux comprendre la place qu'occupe Francisco I. Madero sur l'échiquier politique et les raisons pour lesquelles les hommes d'affaires exclus du régime se rallient à sa cause. Sans aucun doute, ces derniers sont séduits par La Sucesión presidencial en 1910, livre programme du candidat à la présidence. De nombreuses fois, en effet, Madero approuve les efforts du régime pour le progrès, mais déplore que celui-ci ne profite qu'« au nombre réduit des favoris du gouvernement » 2. Il démythifie les causes de l'élan économique, qui n'est pas, remarque-t-il, l'oeuvre du général Díaz mais le fruit de « la vague du progrès matériel qui a envahi tout le monde civilisé » 3. En outre, il dénonce les carences de la politique agricole, concernant la distribution des eaux, et juge excessif le protectionnisme en faveur de certaines industries. Les Madero subissent, eux aussi, la « dictature financière » de l'oligarchie. Les activités politiques de « Panchito » (nom que Díaz donne à son futur successeur) valent, de plus, de sérieux déboires à la famille. Le baron de Vaux raconte : « Plusieurs tentatives, faites au début de la révolution par le gouvernement porfiriste, pour ruiner les Madero ou du moins pour leur nuire –par l'intermédiaire de diverses banques vis-à-vis desquelles ils se trouvaient momentanément à découvert– sont demeurées 4 infructueuses » . L'« Apôtre de la démocratie », qui prêche la poursuite du progrès et affronte, même en prison, les 1 2 Ibid., p.244. Madero fait plusieurs fois ce constat, tant au sujet des mines et de l'industrie qu'à celui de l'agriculture. Voir La Sucesión presidencial en 1910, pp.233-238. 3 Ibid., pp.235-236. 4 Lettre du baron de Vaux à MAE, 1er juin 1911, AMAE/NS T.29. 166 / L’autre dictature foudres du régime, se révèle un leader crédible. Elu président, Madero devient le « liquidateur » de la dictature tant politique que financière 1. Les critiques -prudentes- de Madero ne l'empêchent pas, toutefois, de reconnaître l'oeuvre de Limantour. Il écrit ainsi, à propos du ministre des Finances : « Il faut faire justice à l'administration qui a réussi à équilibrer le budget et même à accumuler des surplus dans la Trésorerie, malgré les services très élevés de la dette [...]. L'énorme dette contractée par l'administration a cependant servi à développer notre richesse et nous ne croyons pas qu'elle soit une lourde charge pour la nation [...]. Nous considérons comme un grand bien pour le pays le contrôle du gouvernement sur les chemins de fer ; nous nous protégeons ainsi d'un trust étranger qui voudrait les exploiter à son profit. De plus, le gouvernement se chargera mieux que personne de garantir les intérêts nationaux. » 2 C'est avec une certaine déférence que Madero décharge Limantour de toute responsabilité dans la crise financière (« résultat d'une loi économique cyclique que vivent les pays prospères ») et dans ses conséquences (« le mal fut évité par l'Assemblée des banquiers ») 3. En fait, le programme financier de Madero ne rompt pas avec celui du régime qu'il combat. S'il projette d'intensifier l'effort de l'Etat pour résoudre les questions agricoles, de la spoliation 1 L'ambassadeur de France écrit : « Il semble bien qu'au Mexique la dictature ait fait son temps et que ce pays se croie mûr pour la liberté. Il est donc possible que nous assistions aujourd'hui au commencement de la liquidation du régime qui, pendant plus de trente années, a fait la prospérité matérielle du Mexique. Ce rôle de liquidateur, Madero paraît bien décidé à se le réserver » (Lettre de Lefaivre à MAE, 29 mars 1911, AMAE/NS V.2). 2 La Sucesión presidencial en 1910, pp.238-242. 3 Voir Ibid., p.240. Mutation et crise du régime / 167 des indiens et du travail, il y a bien continuité. D'ailleurs, nous l'avons dit, immédiatement après le départ du général Díaz, Limantour appelle Ernesto Madero -oncle de Francisco- aux Finances. La chute de Díaz n'entraîne pas un changement de structures économiques, de la propriété agraire ou de la production agricole. Les problèmes profonds demeurent, qui sont à l'origine des conflits entre Madero et les chefs des mouvements agraires (Zapata et Villa). En 1912, des experts français notent : « Ce mouvement de Chihuahua qui aboutit à la Présidence actuelle de Madero ne pouvait réussir, ni même se produire sans déchaîner dans tout le Mexique l'espèce de révolution agraire et ouvrière qui était latente au Mexique. La présidence provisoire de M. de la Barra fut relativement calme. Mais, après l'arrivée au pouvoir du président Madero (novembre 1911), l'inévitable se produisit. Seules, avec le temps, de grandes réformes agraires et sociales pourraient, à défaut d'une tyrannie comme celle de Díaz, pacifier le Mexique. » 1 Pas davantage que Limantour, Madero ne parvient à imposer les « grandes réformes », ni à abattre tout à fait le régime. Pris entre les revendications paysannes et les exigences des hommes d'affaires, le nouveau président ne satisfait personne. La position est d'autant plus difficile à tenir que la concurrence impérialiste se mêle à la bataille. Ainsi, le général Huerta, qui « dépose » et fait assassiner Madero, est soutenu par les Européens et les Etats-Unis (ces derniers le rejettent par la suite), et financé par le groupe de Scherer Jr 2. A partir de 1913, la « guerre secrète », à 1 Note pour le ministre français des Affaires étrangères, 8 mars 1912, AMAE/NS V.3. 2 Le Chargé d'affaires français à Mexico parle ainsi, à propos du ministre de la Guerre de Huerta, de « la dette de reconnaissance qu'il a contractée vis-à-vis de la 168 / L’autre dictature laquelle participent les grandes puissances, fait rage au Mexique. En tentant -en vain- de restaurer le régime (et en dépit de l'aide financière de banques françaises), Huerta ne parvient qu'à déchaîner la réaction révolutionnaire. En septembre 1910, le régime se décide à fêter avec faste et triomphalisme, le premier Centenaire de l’Indépendance. Pendant ce temps, la crise économique, qui débute en 1907-08, laisse déjà entrevoir les déséquilibres du modèle de développement. Dans la caricature de Posadas, une femme qui porte la valise de la crise descend du train de la Claque – représentation du progrès qui applaudit les succès du gouvernement – ; le cacique, le prêteur et le tavernier la tirent par les vêtements. Le vautour de la misère vole au-dessus de l’industrie et du commerce, anéantis… El Diablito Rojo, septembre 1910. Banque Hugo Scherer, laquelle lui aurait fourni les fonds pour la révolution du 9 février » (lettre d'Ayguesparse à MAE, 6 mars 1913, AMAE/NS T.29). C O N C L U S IO N La gestion de Limantour et des Científicos est, certes, une réussite. La croissance accélérée de l'économie leur fait gagner l'estime de Díaz et un prestige certain auprès des entrepreneurs et du monde international des affaires. Les causes de cette croissance ne sont pas cependant dues à leur seule gestion, comme le font remarquer à l'époque Bulnes ou Francisco Madero, mais à l'influence d'une conjoncture internationale très favorable (la « Belle époque »). De plus, cette croissance n'est pas exceptionnelle ou miraculeuse, comme ne cessent de le clamer les porfiristes. Elle est semblable à celle d'autres pays latino-américains (Brésil, Argentine, Chili, Uruguay) et moins accélérée que celle du voisin du Nord ou des pays européens. En fait, dans la course au développement, l'économie mexicaine ne rattrapera pas celui des puissances : elle restera sousdéveloppée, dépendante et très fragile. Les projets de Romero et de Limantour sont au centre de ce bilan. Si les grandes lignes politiques sont les mêmes, leur champ d'action est différent. La pratique du pouvoir de Romero est républicaine –car soumise au Législatif–, fédérale –car soucieuse de l'autonomie financière des Etats– et très limitée –car contrariée par les besoins économiques 170 / L’autre dictature du fisc et par une conjoncture de crise. Quant à Limantour, il s'inscrit dans la dictature, avec un Exécutif fort, un Législatif docile et une autorité centrale implantée dans les Etats. Le libéralisme de Romero est modéré (les propriétés doivent être morcelées et exploitées), face à celui des Científicos, plus débridé (régime des grands domaines et de la spéculation minière). Le libéralisme douanier de Romero est limité par le déficit fiscal, tandis que Limantour favorise les industries en ayant recours au protectionnisme. Mais les deux hommes divergent essentiellement dans le domaine de la politique agricole. En 1892, au beau milieu de la crise économique, Romero -à la politique plus globale- plaide encore pour le morcellement de la terre, pour les grands travaux d'irrigation, pour la hausse des salaires agricoles et, surtout, pour l'éducation des masses indiennes, afin d'intégrer Indiens et paysans à la vie économique nationale, d'en faire des consommateurs : il veut élargir le marché intérieur. De son côté, Limantour -dont le but est d'attirer des capitaux- donne la priorité à la modernisation du système financier, à la création des banques locales, à l'instauration de l'oligarchie bancaire et à la stabilité des changes. Sa politique tend vers l'industrialisation et la modernisation des entreprises, en leur accordant des aides fiscales et des avantages qui les rendent plus compétitives et qui leur permettent de contrôler le marché. Cette politique a pour conséquence la consolidation de la puissance des oligopoles —où sont présents les Científicos— que l'Etat sert de plus en plus. Vers le tournant du siècle, sous l'impulsion des Científicos et des oligopoles, l'Etat dirige de plus en plus l'économie, d'abord dans le domaine des communications (loi ferroviaire) et dans celui de la banque et de la monnaie (Réforme monétaire et création de la Commission de Changes). Puis, lorsque la concurrence entre les oligopoles Conclusion / 171 s’accroît, l'Etat passe de la direction à l'intervention directe sur l'économie. Celle-ci se traduit dans l'industrie du bâtiment par des grands travaux publics, dans les banques par la création de la Caisse de prêts, banque publique, ou dans les communications par le rachat des chemins de fer et la création de la compagnie des « Ferrocarriles Nacionales ». Entre la République restaurée et la fin du porfiriat, l'Etat évolue radicalement : libéral et républicain avec Romero, il devient interventionniste et centraliste. La tendance –précoce pour l'époque– est sans aucun doute au capitalisme d'Etat, qui a un grand avenir devant lui. Cette pratique conduit à la croissance et à l'équilibre des grands intérêts, mais elle engendre aussi des entraves et des limites à l'industrialisation du pays. Ainsi les industries, qui se sont installées à l'ombre du protectionnisme –qui leur offre un marché captif–, ne bénéficient pas de la concurrence extérieure. Certes, elles maintiennent leurs profits et leurs prix élevés, mais la production, de plus en plus importante, finit par saturer le marché 1. Le problème n'est pas la surproduction, ni le manque de demande potentielle, mais la faible capacité de consommation. Les masses paysannes et indiennes (70 % de la population) sont en effet exclues de la modernité : si elles ont besoin de produits manufacturés, elles ne peuvent se les procurer, du fait de leur maigre pouvoir d'achat. De même, les populations urbaines, qui forment le marché naturel des oligopoles, voient, avec la dévaluation de 1905, leur pouvoir d'achat très affaibli. Cette situation bloque, tant l'accroissement de la demande que le développement industriel 2. 1 On verra sur ce sujet H. Haber, Industria y subdesarrollo, J.H. Coatsworth, Los orígenes del atraso. 2 A ce propos, voir J. Bouvier, Initiation au vocabulaire et aux mécanismes économiques contemporains (XIXe-XXe siècles). 172 / L’autre dictature A ces déficiences structurelles s'ajoute le manque d'autonomie de l'économie. Le pays ne produit pas sa propre technologie, et celle provenant de l'extérieur est inadaptée aux besoins du marché local. De plus, les investisseurs étrangers, indispensables à l'économie mexicaine, cherchent des profits énormes et rapides, qui ne sont pas réinvestis mais exportés. Enfin, la production agricole est de plus en plus insuffisante pour satisfaire les besoins alimentaires intérieurs : l'Etat doit importer et subventionner la vente des produits de première nécessité (maïs et blé). Ce sont autant de lacunes qui s'avèrent dramatiques dans les périodes de crise. Les chiffres annoncent pourtant une croissance satisfaisante : les oligopoles, les sociétés anonymes et les banques distribuent aux actionnaires des dividendes dépassant en moyenne les 15 % annuels, tandis que la Trésorerie accorde 30 % des recettes fiscales au service de la dette. La machine économique du pays tourne, mais les déséquilibres et les blocages au développement demeurent. Déséquilibres et blocages, fruits du régime porfiriste, se retrouvent à divers niveaux, que l'étude de la fiscalité permet de révéler. Au centre de la problématique : les acteurs de la modernité. Ils sont une poignée d'hommes d'affaires, qui contrôlent et dirigent les oligopoles, de nombreuses entreprises minières et financières, les banques. Le pouvoir économique est concentré entre les mains de cette petite élite —au sein de laquelle agissent les Científicos—, qui influence directement la politique économique du pays. Les Científicos centralisent, en fait, un pouvoir considérable, tant dans le privé que dans le public. Les Macedo, Casasús, Pimentel y Fagoaga, le frère du ministre, Julio Limantour, et bien d'autres, participent aux commandes des banques publiques, aux conseils d'administration des entreprises de l'Etat, et agissent en fonction de leurs intérêts propres et des élites économiques Conclusion / 173 qui leur sont liées. Formant un pont entre la machine économique et le pouvoir politique, omniprésents, les Científicos deviennent la cible privilégiée des attaques contre le régime car ils sont perçus comme un obstacle à l'ascension d'autres et comme une entrave à la démocratisation de la vie économique et des pratiques politiques 1. La crise de 1907-1909 et la stagnation du marché viennent exacerber les déséquilibres économiques et les contradictions sociales. Au lieu d'apaiser les conséquences générales de la crise, la réponse de Limantour ne fait qu'irriter les laissés-pour-compte du régime. Dans le domaine de l'activité minière, il veut arrêter la spéculation et l'expansion des grandes compagnies nord-américaines. Sa solution consiste à remettre la propriété minière sous la tutelle de l'Etat ; ce qui stoppe les investissements, provoque la fermeture des métallurgies et les grèves ouvrières. Supprimant en partie le statut privé du sous-sol, le nouveau Code des mines de 1909 abat un pilier de la politique pratiquée depuis 1892 et remet en cause l'alliance scellée avec les exploitants miniers. Dans l'industrie, les problèmes sont tout aussi graves. Les petits ateliers et les fabriques se heurtent à la concurrence des oligopoles, qui finit par éroder leurs maigres profits et par transformer le poids des impôts en lourde pression fiscale. Des centaines d'ateliers ferment, coup mortel tant pour les petites et moyennes entreprises que pour des milliers de travailleurs. La crise est alors synonyme de faillites et de chômage. Face à la stagnation du marché intérieur, la réponse de Limantour est aussi malheureuse. Il rend les commerçants responsables de la baisse des recettes du Timbre, cherche à réprimer la fraude et à accentuer la surveillance des sociétés 1 Voir, à ce propos, F. Bulnes, La verdad acerca de la Revolución mexicana, et J. López Portillo y Rojas, Elevación y caída de Porfirio Díaz, op. cit. 174 / L’autre dictature mercantiles, et décrète la loi de redressement fiscal la plus draconienne de la période. Les Chambres de commerce protestent, mais l'autoritarisme l'emporte et le gouvernement instaure, en 1908, des Chambres de commerce officielles, dépendant du ministère des Finances. Ce corporatisme complète la tendance dirigiste de l'Etat, mais détériore les relations entre fisc et commerçants, ces derniers accumulant craintes et rancunes. Enfin, la crise de liquidité dans le secteur bancaire est stoppée au seul profit des protégés du pouvoir. Ici encore, Limantour rend responsables de la crise les banquiers et impose une réforme de la loi des Institutions de crédit qui renforce la surveillance des banques. Dans le même temps, grâce à la Caisse des prêts (devant normalement financer l'agriculture), le ministre débloque des crédits en faveur des grandes banques, afin de leur permettre de traverser la crise. Cette utilisation abusive des deniers publics est une nouvelle source de mécontentement. La crise de 1907-1909 coïncide avec la crise de la succession présidentielle, inaugurée par le souhait de Díaz de laisser le pouvoir 1. Celle-ci donne aux mécontents l'occasion de s'exprimer. Les élites économiques heurtées par la politique de Limantour se rallient alors à Madero et à son parti qui semblent représenter le mieux leurs intérêts. Elles souhaitent se défaire, pacifiquement et sans révolution, des deux dictatures, celle des Científicos et celle de la vieille classe politique dirigée par Díaz, et s'ouvrir ainsi un espace d'ascension économique et politique. La decision des Científicos de réélire Ramón Corral à la viceprésidence, a fini par bloquer toute entente entre Díaz et les partisans de Madero : la voie de la révolution est ainsi ouverte... 1 Voir F.-X. Guerra, Le Mexique. De l'ancien régime à la Révolution, op. cit. Les Científicos contrôlent non seulement les affaires et la politique économique du régime, mais ils veulent aussi garantir la continuité du modèle du progrès. Face à l’âge avancé de Porfirio Díaz, ils créent en 1904 le poste de Vice-président, ils étendent la durée du mandat de 4 à 6 ans et installent Ramon Corral à la tête du gouvernement. Pour les élections de 1910, les madéristes sont disposés à laisser le général au pouvoir en échange de la vice-présidence. On peut observer ci-dessus une parodie de la statue de Rodin exposée au Palais Royal, à Paris. Victor Hugo, le fœtus de Corral entre les bras, montre du doigt le buste de Díaz qui a atteint 30 ans de paix et de progrès. A droite, Limantour se moque du pronostic : « Ceci tuera cela ». México Nuevo, 8 mai 1911. SOURCES ET BIBLIOGRAPHIE ARCHIVES AGN : l’Archivo General de la Nación, au Mexique, (« Sección 6 », Finances publiques) nous a éclairé sur l'histoire institutionnelle des appareils financiers (ministère, douanes, Trésorerie, etc.), recherche qui a abouti à la réalisation d'un recueil de lois (Materiales para la historia de las finanzas públicas, dactyl., AGN, 1987, 7 vol.). AMF : le Ministère français de l'Economie et des Finances conserve à Fontainebleau l'ancienne série F30 des Archives nationales. Ce matériau, classé en nouvelles séries (B.31.098 à B.31.464), compte plusieurs cartons de documents consacrés au Mexique. Les cartons concernant la période 1867-1914 portent les références B31.312 à B31.317. Précisons que nous avons réalisé un catalogue raisonné des cartons B31.312 et B31.313 (Les Relations financières franco-mexicaines, 1862-1920, dactylographié, Archives du ministère). AMAE : Les Archives du Ministère des Affaires Étrangères proposent l'ensemble de l'information diplomatique concernant le Mexique, notamment trois séries de grand intérêt : 1) Correspondance politique : Volumes 70 – 79; 2) Nouvelle série : Vols 14 – 39; et 3) Correspondance consulaire et commerciale : Vols 1 – 20. Sources et bibliographie / 177 SOURCES IMPRIMEES : elles comprennent les publications officielles, dont les rapports des Pouvoirs Exécutif et Législatif, ainsi que la législation générale. Diario de los debates del Congreso de la Unión correspondiente a la legislatura, México, Impr. de F. 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Index A Abaroa y Uribarren, J.L., 34 Adam, Achille, 106 Adams, Edward D., 76 Adorno, Juan N., 34 Alatorre, Ignacio, 16 Albaitero, Pedro, 101 Albert, Julio, 77 Alcazar, Ramón, 109, 128 Allemagne, 23, 70, 106 Almacenes Generales de Depósito, 112 Alvarez, Diego, 16 American Hawaïan Steamship Company, 131 Amsterdam, 157 Angleterre, 63, 68, 84 Any, H., 44 Arena, Benito, 84 Argentine, 75 Arillaga, Francisco de, 32 Arkansas, 37 Armendais, Francisco, 164 Aynard, Joseph, 106 B Balard de Pouquerille, 98 Banque : Agricole et Hypothécaire, 106 Aguascalientes, 112 Bank für Handel und Industrie, 137 Baring Brothers, 79 Berliner Handelsgesellschaft, 137 Blechroëder, 108, 130 Banque : Caisse de prêts pour les travaux d'irrigation et l'encouragement à l'agriculture, 156, 157, 159 Centrale Mexicaine, 107, 108, 111, 123, 125, 127, 128, 143, 149, 155, 162, 164 Comercial Refaccionario de Chihuahua, 107 Commerciale et Industrielle, 155 Comptoire d'Escompte, 76, 78 Crédit Foncier Mexicain (Hipotecario de Crédito Territorial Mexicano), 106, 111 Crédit Lyonnais, 94, 140 d'Allemagne, 71 de Campeche, 149, 150 de Coahuila, 96 de Crédit et de Dépôt des PaysBas, 75 de Durango, 96, 97 de Guanajuato, 110 de Hidalgo, 150 de Jalisco, 96, 97 de l'Etat du Mexique, 96 de Londres et Mexico, 59, 74, 93, 96, 99, 100, 101, 102, 103, 111, 123, 149, 155 de l'Union Parisienne, 109, 125, 140 de Michoacán, 150 de Nuevo León, 96, 97, 163, 164 de Paris, 75 de Paris et des Pays-Bas, 75, 102, 140 198 / L’autre dictature Banque : de San Luis Potosí, 96, 97 de Santa Eulalia, 59 de Sonora, 96, 97 de Zacatecas, 96, 97 des Employés, 100 Deutsche Bank, 78, 107, 108 Deutsche öberseeische Bank, 107 Espagnole Refaccionario, 107 Etat de Mexico, 112 Française du Commerce et de l'Industrie, 75 Franco-Egyptienne, 59, 75, 76, 77, 79 Guanajuato, 112 Hallgarten & Co, 137 Heinne, 76 Hellènique du Crédit, 76 Hypothécaire, 61, 111 Internationale de Paris, 75 Internationale et Hypothécaire du Mexique, 93, 106, 107 J.P. Morgan, de New-York, 108, 135 Kuhn Loeb & Co, 137 Ladembourg, 137 Mercantil de Monterrey, 96, 164 Mercantil de Yucatán, 143 Mercantil de Veracruz, 96, 97 Mercantile Mexicaine, 59, 60, 61, 74, 76, 79, 81, 82 Mexicaine Commerciale et Industrielle, 128 Mexicaine de Chihuahua, 59 Mexicaine de Commerce et d'Industrie, 107 Mexicanische Bank für Handel und Industrie, 107 Minero de Chihuahua, 59, 82, 96, 112 Mont-de-Piété, 59, 60, 61, 72, 73, 74, 82, 83, 91, 93 Morelos, 112 Banque : Nationale du Mexique, 54, 55, 57, 62, 75, 84, 86, 88, 90, 91, 92, 93, 95, 96, 98, 99, 110, 111, 123, 128, 143, 149, 155, 157, 160 Nationale Mexicaine, 59, 60, 61, 74, 76, 78, 79, 81, 82, 83, 84 Occidentale du Mexique, 96, 97 Orientale du Mexique, 96, 97 Péninsulaire Mexicaine, 96, 97, 112, 143, 145 Refaccionario de Campeche, 107 Refaccionario de Michoacán, 107 San Luis Potosí, 97, 112 Société Centrale des banques de province (France), 106 Société de Crédit Commerical et Industriel, 77 Société foncière du Mexique, 127 Société Générale, 77, 128, 140 Société Générale du Crédit Industriel et Commercial, 76 Speyer & Co, de New York, 133, 137, 157 Speyer Brothers de Londres, 137 Thalmann & Co, 137 Yucateco, 143, 144 Zacatecas, 112 Baranda, Joaquín, 101 Barceló Quintal, Raquel, 144 Barcelonnettes, 9, 99, 100, 101, 102, 106, 107, 108, 111, 112 Barra, León de la, 167 Barrón y Forbes, 38, 76, 81 Barrón, Eustaquio, 34 Barroso Arias, Luis, 101, 128, 137 Basagoiti, Antonio, 102, 119 Bass, L.K., 44 Belgique, 106 Benecke, Esteban, 38, 76, 77, 81 Beneke, Esteban, 38 Index / 199 Ch Benítez, Justo, 69, 72 Berardi, Rodolfo, 164 Berlin, 136, 157 Bermejillo, José Ma., 76, 78, 81, 84, 119 Bernejillo, Andres, 101, 126 Bertier-Marriot, C., 45 Bigot, Rauol, 29 Bismark, Otto, 71 Blechröeder, 71, 78 Body, John B., 131 Boston, 44 Bourse de Paris, 9, 68, 78, 102, 128 Bourse de Wall Street, 141 Bouvier, Jean, 13, 139, 171 Braniff, Thomas, 74, 119 Brittingham, Juan M., 119 Bulnes, Francisco, 20, 24, 27, 41, 43, 119, 135, 153, 159, 169, 173 C Caballero, Manuel, 80 Cabrera, Luis, 149 Calderón, Francisco, 30, 33, 34, 35, 36, 38, 43 Camacho, Sebastián, 38, 43, 76, 113, 119, 137 Campeche, 101 Cancino, Salvador M., 137 Cano, Manuel G., 102 Canudas, Enrique, 141 Casasús, Carlos, 106, 109 Casasús, Joaquín D., 62, 93, 108, 109, 119, 137, 149, 172 Castellot, Felipe, 149 Castellot, José, 106, 119, 128, 145, 149, 150 Castillo y Cos, Martín del, 69 Ceballos, Rafael, 19 Cepeda Dobala, Jose Luis, 62, 96, 105 Cerutti, Mario, 163 Chambre de commerce et d'industrie, 76 Chambre des députés, 10, 15, 33, 34, 37, 38, 39, 44, 92, 97 Champan, J., 43 Chapeaurouge, Donato de, 106, 109, 128 Chapman, J.G., 30, 33, 34, 35, 43 Charles Quint, 129 Charlotte, 69 Chiapas, 96 Chihuahua, 50, 90, 97 C CIDOSA. Véase Compagnie Indutrielle d'Orizaba, S.A. Científicos, 8, 9, 10, 28, 32, 57, 87, 88, 91, 98, 99, 102, 106, 107, 109, 111-113, 116, 117, 127, 129, 149, 153, 157, 158, 169, 170, 172, 175 CIVSA. Véase Compagnie Industrielle Veracruzana, S.A. Cloetta, Jean Armand, 107 Coahuila, 19, 27, 90, 164 Coatsworth, John H., 30, 47-48, 134 Coatzacoalcos, 44, 126, 129 Colonia de la Condesa, 128 Colonia del Paseo, 128 Compagnie Fundidora de Monterrey (métallurgie), 164 Compagnie Anglo-américaine, 150 Compagnie de chemins de fer : Centrale, 43, 44, 133, 135 de Celaya-León, 43 de Sonora, 59, 76 de Tehuantepec, 129 Ferrocarriles Nacionales. Véase Nationaux 200 / L’autre dictature Compagnie de chemins de fer : Ferrocarriles Unidos de Yucatán, 133 Guaymas-Nogales, 43, 50 Imperiale mexicaine, 33-34 International Railroad du Texas, 44 Internationale, 133, 138 Internationale du Texas, 37 Interocéanique, 133, 136 Merida-Peto, 43 Mexicaine, 68 mexicaine des "Catorce", 35, 3840 Mexicano, 133 México-Ciudad Juárez, 50 Nationale, 34, 44, 133, 134, 136 Nationaux du Mexique, 119, 136, 138, 140, 171 Omeotusco-Tulancingo, 43 Puebla-Izúcar, 43 San Luis-Tampico, 50 San Luis Potosí, 43 Santa Fé, 43 Sonora, 43 South-pacific, 133 Tehuantepec, 43, 130, 131 Union Contract de Pennsylvanie, 35, 44 Unis du Yucatán, 144 Veracruz Pacific, 133, 136 Zacatecas-Guadalupe, 43 Compagnie de travaux d'urbanisation, 128 Compagnie générale de pavage, 127 Compagnie Industrielle : d’Orizaba, S.A., 103 El Boleo (mines), 103 El Buen Tono (tabac), 103 Fundidora de Monterrey (métallurgie), 103 La Moderna (tabac), 103 La Preciosa (mines), 103 Moctezuma (brasserie), 103 Nationale de Poudre, 103 Compagnie Industrielle : San Ildefonso, 103 San Rafael (papier), 103 Veracruzana, S.A., 103 Compagnie manufacturière nationale d'armement de SaintEtienne, 78 Compagnie mexicaine de ciment Portland, 128 Compañia Bancaria de Fomento y Bienes Raíces de México. Véase Banque : Société foncière du Mexique Congrès. Véase Chambre des députés Cordero, F., 30 Córdova, Arnaldo, 161 Corona, Ramón, 16 Corral, Ramón, 174, 175 Cosío Villegas, Daniel, 46 Coutouly, G. de, 25, 51, 61, 82, 83 Creel, Enrique C., 109, 119 Crémeux, Levy, 76 Cuevas, Felix, 76, 78, 84 D Dana, Thomas, 44 Dehesa, Teodoro, 81 Delille, Armand, 106 Díaz Dufóo, Carlos, 62, 91, 118, 119, 122, 150, 151, 155, 158 Diaz, Porfirio, 71 Díaz, Porfirio, 8, 10, 14, 16, 18, 19, 20, 23, 24, 26, 27, 29, 31, 32, 35, 41, 43, 44, 50, 53, 66, 68, 69, 76, 87, 113, 129, 130, 131, 132, 158, 162, 165, 167, 169, 174, 175 Díaz, Porfirio Jr., 112, 137 Dodge, D.C., 44 Dondé, Rafael, 74, 100, 101, 102 Doumain, A, 137, 142, 145, 151, 154 Index / 201 Dublán, Manuel, 90, 100, 121 Durango, 27, 37, 50, 73, 91 Duret, 128 Duret, Fernando, 106, 109 Durrieu, Henri, 77 E Ebrard y Cia, J.B., 81 102 El Palacio de Hierro S.A, 102 El Paso, 44 Elcoro, Valentin, 101, 102 Elguero, Luis, 137, 157 Escalante, E., 145 Escandón, 128 Escandón y Estrada, Antonio, 84 Escandón, Antonio, 33, 34, 76, 81 Escandón, frères, 32 Escandón, Pablo, 137 Escobedo, Mariano, 16 Escudero y Echanove, Pedro, 69, 81 Espinoza, Francisco, 74, 101, 102 Etats-Unis, 23, 25, 35, 38, 39, 41, 45, 48, 50, 63, 69, 121, 131, 132, 134, 135, 141, 145 Europe, 37 F Fariello Guerra, José, 81 Ferguson, David, 38 Fernández Leal, Manuel, 119 Fernández, Justino, 76 Fernández, Ramón, 81 Fontana, J., 8 Français, 9 France, 23, 25, 41, 68, 70, 106, 111 Francfort, 157 G Galera de Lanz, Luis, 149 Gamboa, José Ma., 93 García Cubas, Antonio, 81 García Granados, Ricardo, 119 García, Alejandro, 16 García, Telésforo, 119 García, Trinidad, 72, 73, 83 Gargollo, José, 84 Gargollo, Manuel, 81 Garza, Ernesto de la Jr., 119 Gassier, 81 Gayol, Roberto, 137 Général Díaz. Véase Díaz, Porfirio Gilluly, J.W., 44 Gilly, Adolfo, 161 Gloner, Prospère, 60 González Cosío, Manuel, 101-102 González Gómez, Marco Antonio, 72 González Hermosillo, Aurelio, 153 González y González, Luis, 25, 27, 35 González, Manuel, générale 19, 21, 22, 23, 27, 28, 31, 32, 44, 50, 54, 60, 66, 76, 81, 82, 90, 129 Goytia, Manuel, 81 Grande-Bretagne. Véase Angleterre Grands Magasin : El Centro Mercantil, 103 El Palacio de Hierro, 103 El Puerto de Veracruz, 103 La Valenciana, 103 Las Fabricas Universales, 103 Paris Londres, 103 Grant, Ulises S., 38 Guadalajara, 152 Guanajuato, 27, 42, 73, 81, 91 Guerra, F.-X., 20, 27, 119, 161 Guieu, André, 109 Guillow, Eulogio. Véase Gilow, Eulogio Guinchard, Gratien, 101 Gurza, Jaime, 119, 137 Gutiérrez, Bonifacio, 69 Guzmán, Ramón G., 39, 76, 78 202 / L’autre dictature H Harriman, W.E., 133 Hauser, Josep, 101 Hegewish, Adolf, 76 Hernández, A., 27 Hernández, Rafael L., 109 Hichman, Walter, 44 Hobsbawm, E., 7 Honey, Ricardo, 137 Honnorat, Léon, 101 Huard, Emile, 77 Hubbe, Antonio, 106 Huerta, Victoriano, 167 Hugo, Victor, 175 Huguenin, 81 I Ibáñez, Manuel, 79, 81, 84 Iglesias, José María, 15, 19, 27 Mejía, 17 J Jalisco, 18, 19, 27, 90 Juárez, Benito, 14, 16-19, 21, 31, 33, 34, 37, 54, 66, 67 K Kladt, F., 109, 128, 126 Knight, Alain, 119 Knigth, Alain, 161 Kulp, Jacques, 78 L Labastida, Luis G., 119 Lambert & Cie, 101 Lambert, Mateo, 101 Lambon, R.H., 44 Landa y Escandón, Guillermo de, 137 Landero y Cos, Francisco de, 75 Landero y Cos, José de, 118, 137 Laredo, 37, 44 Lascurain, Angel, 38 Lavie, Luis G., 76, 81, 119 Learned, Edward, 43, 129 Lee Plumb, Edward, 37 Lerdo. Véase Lerdo de Tejada, Sebastián Lerdo de Tejada, Angel, 76 Lerdo de Tejada, Sebastián, 18, 19, 21, 31, 32, 35, 37, 38, 40, 41, 45, 54, 66, 67, 68 Leroy-Beaulieu, Paul, 62, 134 Lévy-Crémeux, Marc, 77 Limantour, José Yves, 9, 44, 45, 87, 91, 93, 94, 97, 98, 99, 100, 112, 116, 117, 118, 119, 121, 123, 124, 125, 126, 129, 130, 132, 134, 135, 136, 137, 138, 139, 140, 142, 143, 145, 146, 149, 150, 151, 152, 155, 156, 157, 158, 159, 160, 166, 167, 169, 170 Limantour, Julio, 111, 112, 137, 157, 172 Lippmann, Auguste, 78 Londres, 34, 136, 145, 157 López Portillo y Rojas, José, 173 López Rosado, Diego G., 30 Ludlow, Leonor, 62, 79, 85 Ll Llamedo, Juan, 74 M Macedo, Miguel S., 93 Macedo, Pablo, 54, 62, 72, 73, 74, 78, 84, 90, 91, 108, 109, 111, 119, 126, 128, 131, 137, 158, 172 Index / 203 MacManus, F., 59 Madero, Ernesto, 119, 163, 164, 167 Madero, Evaristo, 163 Madero, Francisco I., 19, 20, 29, 49, 109, 161, 163, 165, 166, 174 Madero, Francisco, 162 Mammelsdorf, J., 78 Mancera, Gabriel, 34, 37, 43, 109, 137 Manero y Escalante, Luis, 149 Manius, Luis, 34 Manuel, 81 Manzanillo, 44, 126 Marichal, Carlos, 88 Markassuza, C., 102 Marlière, de la, 25 Martin, Pierre, 81, 84 Martínez del Río, Pablo, 119 Martínez Sobral, Enrique, 117, 121 Martínez Zorilla, J., 84 Martínez, Faustino, 101 Maryland Trust Company, 133 Maximilien, 33, 69, 74, 140 Mayas, 25 Mc Murdo, Edward, 44, 129 Mejía, Ignacio, 16 Méndez, Luis, 137 Mendoza, Tomás, 59 Messagerie Maritime de Marseille, 76 Mexican Eagle Oil Company, 132 Michel, Alphonse, 101, 106 Mier y Celis, Antonio de, 38, 69, 76, 78, 84, 87 Mier, Sebastián de, 137 Molina, Olegario, 144, 150 Mont, 73 Monterrey, 48 Moreno, Antonio, 21 Mújica, Juan, 34 Müller, Henri, 59 N Nelson, 38 New York, 43, 117, 129, 145 Nickerson, Thomas, 44 Noetzlin, Edouard, 75, 77, 83 Noriega & Cie, 101 Noriega, Florencio, 101 Noriega, Iñigo, 101, 102 Noriega, Remigio, 101 Northern Securities Company, 135 Nuevo León, 19, 91 Nuñez, Roberto, 81, 111, 157 O Oaxaca, 73, 81, 96 Obregón, Guillermo, 153 Olaguíbel y Arista, Carlos, 119 Ollivier, 81 Ollivier & Cie, 101 Ollivier, Léon, 101 Oncle Sam, 40, 130 Orizaba, 48 Ortiz de la Huerta, R., 84 Ortiz Lozano, S.H., 30 Otto, Ernesto, 109 P Pain, Charles J., 44 Palmer, William J., 37, 38, 44 Panamá, canal de, 44, 129, 131 Pardo, José M., 153 Paribas. Véase Banque: de Paris et des Pays-Bas Paris, 137, 145, 158 Parra, Porfirio, 109 Payno, Manuel, 34 Pays-Bas, 106 Pearson & Son, 131, 133 Pearson, Weetman D., 44, 131, 132 Peel, Robert, 73 Peña, Miguel de la, 60, 61 204 / L’autre dictature Peñafiel, Antonio, 89, 96, 105, 109 Peón Contreras, Pedro, 145 Pérez de Lara, Agustin, 100 Pérez Siller, Javier, 10, 25, 66, 67, 86 Périgny, Maurice Comte de, 141 Petit, Casimir, 106 Petit, G, 50 Philadelphie, 76 Pimentel y Fagoaga, Fernando, 102, 106, 109, 119, 128, 137, 145, 152, 153, 157, 158, 172 Pineda, Rosendo, 102 Pliego Pérez, Antonio, 137, 157 Plumb, Edward Lee, 38, 40, 41 Prida, Francisco de, 81, 84 Prieto, Guillermo, 37 Puebla, 45, 48, 73, 81, 90, 96, 97 Pugibet, Ernest, 119 Q Querétaro, 18, 73, 81 R Raigosa, Genaro, 119 Ramírez Bautista, Elsa, 117 Ramírez, José H., 69 Reyes, Bernardo, 15, 19, 164 Reynaud, H., 81, 106 Richemont, consul, 77 Rincón Gallardo, Francisco, 128 Rincón Gallardo, Pedro, 137 Riva Palacio, Vicente, 43 Rivaud, Georges, 107 Robert, Sebastien, 76, 78 Rockefeller, John D., 135 Romano Gavito, Manuel, 101 Romero de Terreros, Pedro, 72 Romero, Matías, 27, 37, 44, 55, 58, 59, 62, 63, 64, 65, 66, 68, 69, 72, 86, 90, 115, 118, 121, 169, 170 Rosa Silva, Moises, 117 Rosecrans, William S., 35, 37, 38, 40, 41, 44, 48 Rosenzweig, Fernando, 60, 62, 72, 117, 121 Roves y Cia sucesores, B., 102 Rubio, Cayetano, 38 Rul, Miguel, 38 S Salina Cruz, 44, 126, 129 San Antonio, 37 San Blas, 37 San Luis Potosí, 17, 18, 37, 50, 73, 81, 91 Sánchez Gavito, Indalecio, 62, 81 Sánchez Ramos, José, 157 Sánchez, Delfín, 44, 101, 129 Say, Léon, 78 Scherer, Hugo, 78, 93, 119, 126, 128, 152 Scherer, Hugo Jr, 157, 167 Schöeder, Ernesto, 109 Seligman frères, 76 Sempé, E., 51 Signoret, Honorat & Cie, 101 Signoret, Joseph, 106, 109, 137 Signoret, Léon, 101, 102 Simon, Joseph, 160 Sinaloa, 50 Sobrino, Faustino, 81 Société : International Harvester, 144 Pearson and Son, 129 Thebaud Brothers, 144 des bons Maximilien, 68 Financière pour l'Industrie au Mexique, 102 Foncière du Mexique, 112 Pimentel frères, 127 Sonora, 27, 50, 91 Standard Oil Company, 132, 133, 134, 135, 138, 139 Stein, Leo, 76, 84 Index / 205 Struck, Gustave, 76-78, 84, 119, 126 Suisse, 75, 106 Sullivan, James, 44 Symon, Robert S., 43, 44 T Tabasco, 27, 81 Tamaulipas, 24, 81, 164 Tampico, 37, 50, 51, 126 Teresa, Nicolás de, 76, 81, 84 Terrazas, Luis, 59 Terrazas, Alberto, 109 Terreros, Manuel, 34 Texas, 25, 37, 38 Tlaxcala, 19, 27, 97 Torre y Mier, Ignacio de la, 74, 101 Treviño, Gerónimo, 17 Tron, Henri, 101, 119, 126, 128 Trueba, Joaquín de, 93 U Uhink y Cía., 77 Ullmann, Maurice, 109 V Valadés, José C., 44, 49, 53 Valle Nacional, 25 Valle, Pedro del, 38 Vanderwood, Paul, 24, 25, 27 Varona, Carlos de, 93 Vega, Praxedis de la, 153 Velasco, Emilio, 119 Veracruz, 27, 32, 33, 35, 51, 53, 73, 81, 91, 126 Villa, Francisco (Pancho), 167 Villareal, Bibiano, 153 Villasana, José María, 18 W Wade, Levi C., 44 Walker, James, 126 Washington, 160 Waters, H. C., 74, 93, 101, 119 Wilbur, Geroges B., 44 Wolff, S., 109 Wollheim, Mauricio, 70, 72 Y Yucatán, 25, 91, 133 Z Zacatecas, 17, 27, 73, 81, 91, 101 Zamacona e Inclan, Manuel de, 137, 157 Zamacona, Manuel M. de, 34 Zambrano, Adolfo, 164 Zapata, Emiliano, 167 Zarco, Francisco, 34 Zayas Enríquez, Rafael de, 23, 81 Zolly hermanos, 77 Liste des tableaux et figures Fig. 1. Fig. 2. Fig. 3. Fig. 4. Tab. 1. Tab. 2. Tab. 3. Tab. 4. Tab. 5. Tab. 6. Construction du chemin de fer Mexicano (1867-1872) ....36 Evolution du réseau ferroviaire (1867-1910) ................ 46 Réseau de la Banque Nationale du Mexique (1883) ......... 85 Chronogramme des banques mexicaines (1867-1912) ..... 89 Réduction des effectifs de l’armée fédérale (1867-1869) ..16 Budget de l’armée et des ―Rurales‖ (1867-1911) ........... 28 Communications et chemins de fer (1867-1911).............. 31 Service de la dette publique (1867-1911).......................... 66 Seize principales banques d’émission (1896-1910) ......... 96 Structure du système bancaire (1900-1910) ................. 105 Liste des illustrations 1. Le Géant de la paix............................................................. 2. La Liberté menacée............................................................ 3. La Paix des Ruraux............................................................ 4. Trains ou baïonnettes?....................................................... 5. Le poid fiscal sur la consommation.................................... 6. Monopole bancaire............................................................. 7. Le Monstre de la Dette Publique........................................ 8. Emprunt et Amicalité......................................................... 9. Admistrateurs de la Banque Mercantile............................. 10. Admistrateurs de la Banque de Londres et de Mexico..... 11. 5ème. réélection:.............................................................. 12. Effets de la Réforme Monétaire....................................... 13. Tehuantepec : en quête de l’équilibre.............................. 14. Combat contre le Trust Américain................................... 15. Admistrateurs de la Banque hypothécaire........................ 16. Les poches pleines, Limantour revient de Paris............... 17. La crise arrive.................................................................. 18. ―Ceci tuera cela‖.............................................................. 11 18 26 40 52 55 64 71 80 104 113 124 130 138 148 158 168 175 TABLE DES MATIERES Abréviations......................................................................... 5 INTRODUCTION............................................................. 7 II. LES CONDITIONS DU PROGRES…………........... 11 1. Réduction et modernisation de l’armée, 1867-1884......... 2. La révolution ferroviaire et la crise de 1884.................... 14 29 II. L’HEGEMONIE DES FINANCIERS....................... 55 1. La révolution financière (1884-1896)........................ 2. L’ère des banquiers (1896-1905)............................... 58 87 III. MUTATIONS ET CRISE DU REGIME……........... 113 1. Du libéralisme au dirigisme (1897-1908).................. 2. De la crise financière à la Révolution (1907-1911..... 115 141 CONCLUSION.................................................................. 169 Sources et bibliographie....................................................... Index.................................................................................... Liste des figures et tableaux................................................. Liste des illustrations........................................................... Table des matières................................................................ 177 197 206 206 207