L`autre dictature

Transcription

L`autre dictature
/
Javier Pérez-Siller
L’hégémonie des financiers au Mexique
sous le Porfiriat
L’autre dictature
L’HARMATTAN
Instituto de Ciencias Sociales y Humanidades, BUAP
/
L’hégémonie des Financiers au Mexique sous le Porfiriat.
L’autre dictature
1.- Mexique – Porfiriat – Histoire Economique et sociale – 1877 – 1911
2.- Finances – Banques – Investissements – Dépenses – Dette publique
3.- Finances publiques – Travaux publics – Budget de l’Etat
4.- Pouvoir économique – Oligarchie – acteurs politiques
Illustration en couverture : caricature ―El hombre necesario‖,
in El Hijo del Ahuizote, 15 mars 1891, Mexique.
Première édition : 2003
ISBN : 2-7475-4308-0
© Javier Pérez-Siller
E-mail: [email protected]
Internte: www.mexicofrancia.org
© Instituto de Ciencias Sociales y Humanidades, BUAP
Av. Juan de Palafox y Mendoza 208
75000 Puebla
Mexique
Tel. (22 2) 229 55 00 ext. 5980
Fax. (22 2) 229 56 81
© L’Harmattan
5-7, rue de l’École Polytechnique
75005 Paris
France
TABLE DES MATIERES
Abréviations.........................................................................
5
INTRODUCTION.............................................................
7
I. LES CONDITIONS DU PROGRES…………...........
11
1. Réduction et modernisation de l’armée, 1867-1884.........
2. La révolution ferroviaire et la crise de 1884....................
14
29
II. L’HEGEMONIE DES FINANCIERS.......................
55
1. La révolution financière (1884-1896)........................
2. L’ère des banquiers (1896-1905)...............................
58
87
III. MUTATIONS ET CRISE DU REGIME……...........
113
1. Du libéralisme au dirigisme (1897-1908)..................
2. De la crise financière à la Révolution (1907-1911.....
115
141
CONCLUSION..................................................................
169
Sources et bibliographie.......................................................
Index....................................................................................
Liste des figures et tableaux.................................................
Liste des illustrations...........................................................
Table des matières................................................................
177
197
206
206
207
/
ABREVIATIONS
AGN
AMAE
AMF
BAGN
BCM
BduM
BLM
BLT
BNM
BNF
CT
DDCD
EEP-FT
HMM
HMM-PVE
HMM-RVE
HNM
HNY
HSEL
IAI
INAH
INAP
MH
SHyCP
Archivo General de la Nación (Mexico)
Archives du ministère des Affaires étrangères
(Paris)
Archives du ministère de l'Economie et des
Finances (Paris)
Bibliothèque de l'AGN (Mexico)
Banco Central Mexicano
Bibliothèque nationale du Mexique (Mexico)
Banco de Londres y Mexico
Bibliothèque Lerdo de Tejada (Mexico)
Banco Nacional de México
Bibliothèque nationale de France
Cuentas del Tesoro Federal
Diario de los Debates de la Cámara de
Diputados
Estadísticas Económicas del Porfiriato, Fuerza
de trabajo y actividad económica por sectores.
Historia Moderna de México
Ibid., Porfiriato Vida Económica
Ibid., República Restaurada Vida Económica
Hémérothèque nationale du Mexique (Mexico)
Hémérothèque de New York
Hémérothèque du "Stock Exchange" (Londres)
Ibero-Amerikanisches-Institut (Berlin)
Instituto Nacional de Antropología e Historia
Instituto Nacional de Administración Pública
Memoria de Hacienda
Secretaría de Hacienda y Crédito Público
I N T R O D U C T I O N
La croissance économique et le développement sont des
problématiques qui restent d’actualité pour les pays du
Tiers-monde. L'écart qui existe entre ces pays « pauvres »
et les pays « riches », et dont l'origine remonte au début de
la révolution industrielle, se creuse davantage pendant le
XIXe siècle 1. Depuis les premières années de leur
indépendance, les anciennes cololnies latinoaméricaines
cherchent à s’ajuster et à s’adapter aux besoins de la
mondialisation. Elles suivent un modèle de progrès tourné
vers l'exportation des matières premières, en échange de
technologie, de capitaux et d'articles manufacturés
provenant des pays « riches ». Au nom de la compétitivité
et du libéralisme, les élites des pays « pauvres » favorisent
la modernisation des forces productives et l'exploitation
des ressources. Ce faisant, elles adaptent le modèle de
progrès aux conditions politiques et sociales de leur pays.
Au Mexique, le porfiriat apporte une réponse originale
et même exemplaire à ce défi. La période de 1877-1911
captive, en effet, nombre d'historiens, fascinés par
l'efficacité de ce régime qui parvient à une croissance
économique et une stabilité politique, et dont les
empreintes sont visibles encore aujourd'hui. Mais, si
l'adaptation du modèle de progrès que réalise le Mexique
est un succès, la chute du régime qui en est le promoteur et
la Révolution laissent entrevoir de profondes failles.
1
Voir E. Hobsbawm, L'Ere des empires 1875-1914, Paris, Fayard, 1989.
8 / L’autre dictature
La Révolution et les années de guerre civile qui se sont
ensuivies, 1910-1920, ont été endossées à la seule
responsabilité du dictateur « Porfirio Díaz». Les
intellectuels ont, ainsi, construit une image de la période,
où la personnalité du Général articulait toutes les ficelles
du pouvoir. Or, s’il est vrai que Díaz a bel et bien régné, il
est également vrai qu’il existait un autre pouvoir qui
gouvernait. Il s’agit d’une communauté d’intérêts qui s’est
constituée autour de la politique économique de l’État et
qui a introduit, voire même fait aboutir, le modèle du
progrès.
La fiscalité joue un rôle de premier plan dans cette
aventure. A la différence des gouvernements de la première
moitié du XIXe siècle, l'administration de Porfirio Díaz
surmonte, en effet, la crise fiscale chronique qui les
affaiblissait. Il ne s'agit pas d'un problème administratif,
comptable ou moral, mais de la capacité de la société à
couvrir le coût des appareils de l’État 1.
Afin d'élargir la richesse sociale, il a fallu appliquer un
vaste programme de réformes favorisant le développement
de l'économie et instaurer un régime fiscal capable de
prélever une partie des revenus sociaux. Lors de
l'application de cette réforme, 1867-1896, des rapports se
sont établis, des liens se sont tissés entre les différents
acteurs sociaux, contribuables ou bénéficiaires de la
modernisation, qui ont eu pour conséquence d'asseoir le
pouvoir du régime sur des bases sociales solides. C’est
alors que commence la croissance économique accélérée et
que le pays atteint une certaine modernité.
Les Científicos, qui apparaissent au bon moment et au
bon endroit, sont au coeur de cette modernité. Leur
parcours dévoile le véritable sens de la politique
1
Il s'agit d'un problème de croissance économique et de distribution des revenus.
Voir J. Fontana, La quiebra de la monarquía absoluta, 1814-1820, Barcelona,
Ariel, 1987.
Introduction /9
économique et leur rôle dans le régime. Non seulement, ils
dominent pendant plus de trente ans les Commissions
parlementaires et contrôlent pendant dix-huit ans le
ministère des Finances, mais ils sont encore actifs dans les
Conseils d'administration des principales institutions
financières. Avec la loi bancaire de 1897, ils brisent le
monopole de la Banque Nationale et s'ouvrent, avec la
fondation de banques locales dans tout le pays, un champ
vierge où, très vite, fleurit l'oligarchie bancaire. Présents
dans la banque et les négoces, les Científicos se trouvent,
au tournant du siècle, aux commandes des plus grandes et
importantes sociétés. Ils exercent un véritable pouvoir sur
la politique économique et sur les affaires du Mexique.
Mais ils dessinent un but bien précis : moderniser le
pays et le faire s’élever parmi les nations « les plus
civilisées ». Pour ce faire, ils se lient avec de nombreux
investisseurs, nationaux et étrangers, afin de créer une
communauté permettant ―l'équilibre entre les divers
intérêts‖. Cette communauté regroupe des investisseurs
européens, anglais et français, mais aussi les fameux
« Barcelonnettes », qui possèdent les grands magasins des
principales villes du pays et qui sont actionnaires de
grandes usines et de banques.
José Y. Limantour, ministre des finances, établit surtout
des liens avec les Français. Les banques françaises sont
toujours invitées à participer aux emprunts mexicains. En
1911, deux tiers de la dette extérieure mexicaine sont ainsi
cotés à la Bourse de Paris, tandis que deux tiers du capital
des banques mexicaines sont entre les mains d'investisseurs
français et de « Barcelonnettes ». L'alliance entre le régime
porfiriste et les intérêts européens est bien solide.
Limantour s'appuie sur les Científicos pour gérer le trait
d'union avec ses alliés et faire le contrepoids à l'expansion
nord-américaine. En mettant à exécution cette politique,
qui se trouve au coeur de leur projet de modernisation, les
10 / L’autre dictature
Científicos instaurent leur propre dictature, complémentaire de la dictature politique. Le général Díaz garantit,
en effet, le pouvoir et sa gestion, fait et défait les alliances,
accorde ou refuse les postes aux fidèles, exerce la dictature
politique. Il reste que la communauté d’intérêt guidée par
les Científicos est bien la maîtresse des affaires. Mais ce
qui permet la stabilité du régime engendre aussi sa
faiblesse...
Basé sur le dépouillement de l'ensemble de la législation
produite par le ministère des Finances pendant la période,
sur les collections des rapports annuels des ministres
(Memorias de Hacienda), les volumineux Comptes de la
Trésorerie (Cuentas del Tesoro federal), les brochures et
plaquettes officielles, les archives de la Direction centrale
du ministère des Finances, ainsi que le Journal des Débats
de la Chambre des députés (Diario de los Debates) et
divers journaux de l'époque, nationaux et étrangers, ce livre
a été enrichi par l’examen détaillé et l’étude minutieuse de
la correspondance diplomatique et financière conservée
dans les archives françaises. Une masse importante
d'informations, complétée par divers travaux, dont nous
avons déjà publié la critique 1.
A travers l’étude de la fiscalité, de l’utilisation des
deniers publics et l’orientation de la politique économique
et financière, ce livre dévoile la génèse d’une puissante
communauté d’intérêts qui, faisant frein à l’expansion des
compagnies nord-américaines, a contribué à la modernité
du Mexique et a consolidé la célèbre dictature du général
Porfirio Díaz. Voici l’histoire de l’autre dictature...
1
Voir J. Pérez Siller, La fiscalidad: un observatorio para el historiador.
Ensayo de historiografía sobre el porfiriato 1867 – 1995, Puebla, ICSyHAleph-París, 1999.
LES CONDITIONS DU PROGRÈS
Pendant ses cinquante premières années, le pays a vécu de nombreuses
guerres civiles et trois interventions étrangères. Les gouvernements
n’arrivaient pas à se maintenir. La crise fiscale endémique qui les rendait
vulnérables, en était l’une des raisons. Les recettes étaient minces et plus
des deux tiers du budget étaient réservés à la guerre. La Réforme fiscale
proposa de les réduire afin de favoriser la croissance économique. Il
fallait faire face à l’Armée, pilier du pouvoir étatique depuis la Viceroyauté . On observe le Géant de la Paix, avec l’écharpe du Budget de
Guerre, en train de dévorer le Trésor National. Le train de la Trésorerie
lui amène dans son assiette les impôts et les contributions qui proviennent
des entrepôts industriels, agricoles et commerciaux. En bas à gauche, un
cuisinier apporte une assiette d’augmentations : il s’agit du Congrès
El Hijo del Ahuizote, 1886.
Au coeur du « miracle porfiriste », deux processus
économiques nouveaux méritent notre attention : la
révolution ferroviaire et la révolution financière 1. Ces
révolutions modernisent et bouleversent de manière
radicale les mécanismes économiques de la société et de
l'Etat, nerfs de l'élan économique. Elles trouvent leur
fondement
dans
deux
changements
politiques
déterminants : la modernisation et la réduction de l'armée,
ainsi que l'ouverture aux élites d'un champ nouveau du
pouvoir (les banques). Or la politique budgétaire et
financière qui favorise progressivement ces révolutions et
répond aux intérêts des élites porfiristes, est financée par
les contribuables.
Les élites croient que le développement d'un réseau
national de communications (chemins de fer) permettra une
meilleure circulation des marchandises et amènera, par
conséquent, le progrès et la modernité. Mais le coût d'une
telle entreprise ne pouvant être supporté par l'épargne
nationale, l'Etat fait appel aux entreprises étrangères et
octroie des concessions avantageuses subventionnées par
les revenus fiscaux. La crise fiscale séculaire contrecarre
cependant ces plans. Aussi l'Etat se voit-il contraint de
recourir aux dépenses publiques, de réduire le budget de
1
Nous empruntons ce concept à l'historien Jean Bouvier (Initiation..., op. cit.,
chapitre IV, pp.67-78).
14 / L’autre dictature
l'armée et de chercher des crédits. Les obstacles ne sont pas
surmontés pour autant. Il s'avère en effet difficile de
rétablir le crédit extérieur, tandis que le système bancaire
brille par son absence. Avant de nous pencher sur la
révolution financière, il nous faut examiner la manière dont
les élites ont réussi à changer la structure budgétaire, car il
ne s’agit pas seulement d’un problème administratif mais
surtout politique.
1. Réduction et modernisation de l'armée, 1867-1884
L'armée, importante institution durant la période coloniale,
devient, avec l'Indépendance et pendant tout le XIXe siècle,
un pilier fondamental et déterminant du pouvoir de l'Etat.
Jusqu'en 1867, les dépenses militaires absorbent plus de
70 % du budget fédéral. Dans ces conditions, le
gouvernement, fragilisé par le déficit fiscal, ne peut adopter
une quelconque politique de développement économique.
L'aspiration au progrès implique pour les gouvernements la
recherche de la paix et la réduction des dépenses militaires.
Ce progrès, fondé sur la construction de chemins de fer,
conduit à faire des communications un poste essentiel du
budget de l'Etat. Ces visées imposent d'importants
changements : la révolution ferroviaire est alors précédée
d'une révolution politico-militaire dont il convient de
rappeler les grandes lignes.
Le 21 juin 1867, le général Porfirio Díaz remet la
capitale de la République mexicaine entre les mains du
président Benito Juárez : il reconnaît, de fait, l'autorité et la
légitimité du président et des institutions civiles. Après dix
années de guerre contre les conservateurs et l'envahisseur
français, le nouveau gouvernement peut enfin proposer des
réformes économiques et sociales. Une de ses premières
mesures consiste à réduire les effectifs de l'armée, alors
Les conditions du progrès /15
composée de plus de quatre-vingt mille hommes 1. José
Ma. Iglesias, présentant au Congrès ce délicat projet,
déclare :
« Le gouvernement espère être bientôt en mesure de
réduire les forces armées de la République [...] car il croit
qu'une petite armée, bien organisée et disciplinée,
pourvue d'armes modernes, sera plus efficace, pour
maintenir la tranquillité publique ou pour la rétablir le cas
échéant, qu'une troupe plus nombreuse mais mal
organisée et mal armée. » 2
Iglesias propose encore la création d'une école militaire
afin de « former des officiers dignes et aptes », capables de
« convertir en soldats les masses du peuple » en cas
d'invasion étrangère. Le plus important reste sans aucun
doute pour le ministre de réduire les dépenses budgétaires.
Il souligne ainsi :
« Les sommes que nous économiserons, si nous
parvenons à cette réduction, pourront être employées,
pour le meilleur profit du pays, à l'encouragement de
l'immigration étrangère, à la construction de chemins de
fer et aux travaux publics. Ce qui nous permettra
d'accéder rapidement à la prospérité et au bien-être que
nous souhaitons tous. » 3
Les députés sont gagnés d'avance car ils voient dans le
progrès économique une condition du maintien de la paix
et de l'ordre, et dans l'armée une puissance concurrente et
turbulente. Les militaires, en revanche, sont réticents. C'est
pourquoi, avant de lancer une telle offensive, le président
1
Les ministres de l'époque parlent de 100 000 hommes, mais Bernardo Reyes
avance le chiffre de 65 000 (voir « Les militaires », in Le Mexique, son évolution
sociale, p.426).
2 MH 1868, janvier, p.13.
3 Id.
16 / L’autre dictature
Juárez réunit une « Junte » de généraux afin de discuter les
modalités de cette politique. Ceux-ci acceptent le
licenciement d'une partie des soldats et des officiers et
s'engagent à contenir le mécontentement. C'est donc un
pacte d'honneur entre les combattants de la liberté et les
juaristes républicains. Les troupes sont alors regroupées en
cinq zones et les commandements confiés aux plus
prestigieux généraux (Alejandro García, Mariano
Escobedo, Ramón Corona, Diego Alvarez et Porfirio
Díaz 1). La réduction des effectifs est immédiate, comme
l'illustre le tableau suivant, extrait du rapport annuel du
ministre de la guerre, le général Ignacio Mejía 2 :
Tableau 1 REDUCTION DES EFFECTIFS DE L'ARMEE
(1867-1869)
1867 (a)
1867 (b)
1868
1869
Troupe
Sous-officiers
Officiers
Généraux
46 952
3 681
624
19
18 852
1 186
260
9
17 128
1 075
219
9
15 408
1 101
264
9
TOTAL
51 276 (*)
20 307
18 431
15 766
Source : Memoria de la Secretaría de Guerra y Marina, 1869.
(a) Août 1867 ; (b) Décembre 1867 ; (*) Les soldats qui se trouvent
dans diverses garnisons (trente mille) ne sont pas pris en compte.
Plus des deux tiers de l'armée sont licenciés, soit plus de
trente mille soldats, mille cinq cents sous-officiers et dix
généraux. Notons que ces chiffres sont inférieurs à la
1
Porfirio Díaz est nommé à la tête de la seconde zone militaire, mais il se retire
dans son « hacienda » de La Noria et est remplacé par le général Ignacio Alatorre.
2 Ignacio Mejía est ministre de la guerre des gouvernements de Juárez et de Lerdo
de Tejada (de 1867 à 1876).
Les conditions du progrès /17
réalité car ils ne tiennent pas compte des soldats en poste
dans des garnisons de moindre importance, auxquels le
plan du gouvernement ne reconnaît pas les droits d'anciens
combattants. Ce plan a de fâcheuses conséquences du fait
du nombre et de la nature des troupes licenciées. Celles-ci
formaient en effet une armée improvisée qui a combattu les
conservateurs et l'intervention française, une armée de
maquisards, de « guerrilleros », composée de paysans sans
terre et d'hommes illettrés et comptant peu d'hommes
d'armes (hormis quelques célèbres officiers). Après dix ans
de guerre, ces soldats ont perdu tout contact avec la société
civile : ils ne connaissent que l'armée, tandis que les
structures économiques du Mexique ne leur offrent guère
de perspective d'insertion. La situation est d'autant plus
dangereuse que la défaite de l'Empire a mis au chômage de
nombreux soldats et officiers des troupes impériales, des
hommes prêts à reprendre les armes à la première occasion.
Le respect – voire la vénération – des militaires pour le
président Juárez aide au maintien d'un fragile équilibre.
Cet équilibre est vite rompu. En premier lieu, par les
soulèvements de San Luis Potosí et de Zacatecas (1870),
que le gouvernement parvient à réprimer 1, puis par la
révolte de « La Noria » (janvier 1872), dirigée par les
généraux Porfirio Díaz et Gerónimo Treviño, qui est
autrement plus violente et difficile à combattre. Le
manifeste de ce mouvement, hostile à la réélection de
Juárez et réclamant le respect de la Constitution de 1857,
lance alors : « qu'aucun citoyen ne s'impose ni ne s'éternise
dans l'exercice du pouvoir et celle-ci sera la dernière
1
En 1869, Ignacio Mejía signale qu'« en réalité aucun corps d'armée n'a cessé
d'être en action pendant les vingt-sept mois du gouvernement » (Memoria de
Guerra, 1869, p.24.). De son côté, l'historien Luis González dénombre 49 mois
pendant lesquels les gouvernements de la « République restaurée » (qui compte
112 mois d'existence) ont suspendu les garanties individuelles afin de maîtriser
les soulèvements (« El liberalismo triunfante », p.925).
Malgré la volonté des gouvernements de Juarez et de Lerdo de Tejada, de
1867 à 1876, de réduire l’Armée, ils durent faire face à de nombreux
soulèvements et rébellions qui les obligèrent à renforcer les corps armés,
à modifier des lois et à suspendre les garanties individuelles. Etat
d’exception qui dura 44 mois sur les 112 vécus par la République
restaurée. Ouvertement en faveur de Díaz, le caricaturiste Villasana
critique ces pratiques à travers son dessin : en haut, les ministres
corrompent les libertés avec de l’argent, tandis que les insurgés de San
Luis, Queretaro et de Jalisco le font avec les armes. La liberté est braquée
par leurs lances…
La Orquesta, 12 de febrero de 1873.
Les conditions du progrès /19
révolution » 1. Si les troupes fidèles réussissent à contenir
ce soulèvement, c'est surtout la mort subite de Juárez, en
juillet 1872, qui désamorce le conflit. Le président Lerdo
de Tejada, qui lui succède, décrète aussitôt une amnistie
générale, mais, bien que considéré comme un fonctionnaire
dévoué et brillant, il ne jouit pas auprès des militaires du
même prestige que le légendaire Juárez. On se souvient, de
plus, que son gouvernement est incapable d'apporter des
solutions à la crise minière, d'alléger le déficit fiscal et de
faire face à l'agitation de l'Eglise contre les nouvelles lois
laïques. Lerdo n'a pas tiré les leçons des soulèvements, ni
mesuré la montée en puissance des porfiristes et leur soif
de pouvoir. Il se contente de doter les militaires d'armes
nouvelles 2 et d'assurer ses arrières en désignant des
généraux fidèles au commandement des régions rebelles
(Fuero dans le Nuevo León et Coahuila, Ceballos dans
l'Etat de Jalisco). Puis il impose sa réélection. Aussitôt, le
général Díaz brandit le drapeau de la révolte avec la
proclamation du « Plan de Tuxtepec » (janvier 1876)
qualifiant les élections de frauduleuses et proposant
d'inclure dans la Constitution le principe de « nonréélection du Président et des gouverneurs » 3. De plus, le
gouvernement, déjà fragilisé, est encore divisé par l'attitude
du ministre de la Justice, José Ma. Iglesias, qui n'accepte
pas la réélection de Lerdo et qui, dès les premiers
affrontements armés, se proclame président provisoire.
Avec la victoire à Tecoac (Tlaxcala) des généraux Porfirio
Díaz et Manuel González sur les troupes fidèles au
gouvernement Lerdo de Tejada (16 novembre 1876), « la
Révolution de Tuxtepec » chasse du pouvoir les civils,
1
Voir le manifeste dans F. Madero, La sucesión presidencial en 1910, pp.96104.
2 Notamment de fusils et de carabines Remington. Voir B. Reyes, « Les
militaires », op. cit.
3 On trouvera le texte intégral et commenté du Plan de Tuxtepec ainsi que les
réformes de Palo Blanco dans F. Madero, op. cit., pp.111-115.
20 / L’autre dictature
traités de « bureaucrates » incapables, et place le pays dans
la dictature qui va demeurer jusqu'à la Révolution 1.
Tecoac marque le début du règne long et sans partage de
Porfirio Díaz 2. Si cette longévité s'explique en partie en
termes politiques, on ne peut ignorer le programme
économique et social du régime. Il est vrai que, dès son
arrivée au gouvernement, Díaz désarme habilement ses
opposants et neutralise les prestigieux « hommes d'armes »
susceptibles de lui faire obstacle. Il est vrai également que
ses ambitions ne l'aveuglent pas et qu'il cherche la
concertation, crée un large « consensus » et choisit
d'appliquer, selon les mots de Francisco Bulnes, « le
minimum de terreur et le maximum de bienveillance » 3.
Que le régime soit ou non une dictature éclairée, modérée
ou répressive ne suffit pas à en expliquer la longévité 4. Il
doit être reconsidéré à la lumière des effets sociaux de sa
politique, de l'oeuvre accomplie, d'un programme
apparemment « neutre » ayant pour devise « paix, ordre et
progrès » et pour conséquence la légitimation du pouvoir.
De même que la politique fiscale, la réorganisation de
l'armée est une pièce maîtresse de cette pratique du
pouvoir. A la différence de ses prédécesseurs, le général
Díaz connaît parfaitement le fonctionnement et la
composition de l'armée. Il sait qu'il ne pourra garantir la
paix dans le pays sans contrôler étroitement les militaires.
1
A ce propos, F. Madero écrit : « Le gouvernement constitutionnel qui existait
après 1857 fut remplacé par une dictature militaire, dirigée depuis, excepté durant
une brève interruption, par le général Díaz » (op. cit., p.120).
2 Afin de préparer son retour, Díaz laisse la présidence, pendant la période 18801884, à son compère le général Manuel González, mais demeure dans la direction
des affaires politiques. Cette période, nous le verrons, est synonyme de
continuité.
3 La plupart des historiens du Porfiriat admirent l'habileté de Díaz à se défaire de
ses concurrents politiques, caciques régionaux ou généraux prestigieux, et à créer
un grand parti. Voir F. Bulnes, El verdadero Díaz y la Revolución, ou l'ouvrage
plus récent de F.X. Guerra, Le Mexique...
4 D'autres auteurs choisissent de qualifier la politique de Díaz par deux mots :
« pain et bâton ».
Les conditions du progrès /21
En conséquence, il se propose de former une armée fidèle
aux institutions, au régime, voire à sa personne. Au lieu
d'utiliser l'instrument budgétaire comme Juárez et Lerdo,
Díaz choisit de réformer de l'intérieur le corps militaire et
d'incorporer dans l'armée fédérale les troupes régionales
ainsi qu'une infime partie des anciennes troupes impériales.
En 1878, le journal porfiriste La Voz del ejército 1 annonce
le projet présenté au Congrès par le sénateur Antonio
Moreno. Cette initiative inaugure une longue suite de
mesures (prises sur cinq ans) qui vont asseoir la
modernisation de l'armée et assurer le contrôle de Díaz sur
ces forces répressives.
En 1879, l'Assemblée crée un corps spécial (présidé par
le général Manuel González, alors ministre de la Guerre),
chargé de conduire ce processus. Plusieurs lois sont alors
promulguées, dont celle dite d'« Organisation de l'armée »
(1881) qui décide du nombre de soldats, du système de
recrutement, de l'emplacement des troupes sur le territoire
et des attributions des commandements 2. Cette loi a pour
but fondamental d'atomiser l'armée et d'ôter tout pouvoir de
décision aux généraux et au ministre de la Guerre. Au lieu
de cinq zones ayant chacune un commandement 3, le pays
est désormais divisé en onze zones militaires dotées
chacune de cinq directions. Le chef de zone ou de direction
ne doit pas être né dans l'Etat où il prend ses fonctions. De
plus, il ne prend pas ses ordres du ministre mais dépend
désormais du Président, qui le nomme et le déplace tous les
deux ans 4. Les avantages sont évidents : les chefs sont
1
Ce journal est le porte-parole des porfiristes durant la réforme militaire. Il est
remplacé en 1884 par le journal Periódico militar, dirigé par le ministère de
l'armée.
2 Voir le décret du 28 juin 1881, « Organización definitiva del ejército », in
Dublán y Lozano, op. cit., T.XIV, pp.883-934, ainsi que le premier rapport
présidentiel de Manuel González, in La Hacienda pública..., p.30.
3 La loi du 4 décembre 1867 avait établi cinq zones militaires.
4 Voir l'article XXV de la loi, alinéas 3 et 4.
22 / L’autre dictature
détachés de leurs troupes tandis que le Président place ses
fidèles et limite le pouvoir du ministre de la Guerre, second
personnage de l'Etat. A cela s'ajoute une autre réforme
importante : la création du « Corps d'Administration
militaire » (1881), rattaché à la Trésorerie et chargé du
budget de l'armée, autrefois géré par le commandement 1.
Cette disposition, que le général González justifie par la
volonté d'obtenir une « unité de direction », annule en
réalité le pouvoir économique tant des chefs militaires que
du ministère de la Guerre, qui deviennent dépendants de
l'Exécutif ou du ministère des Finances 2. D'autres mesures
sont également prises pour prévenir ou anéantir tout
soulèvement dans les régions. D'une part, la loi change le
mode de répartition de l'armement qui ne dépendra plus des
gouverneurs des Etats mais du ministère de la Guerre.
D'autre part, le Président pourra, en cas de révolte, réunir
les chefs d'une ou de plusieurs zones afin de réprimer les
rebelles. Enfin, la loi confie le commandement des corps
de la Police rurale et de la Garde nationale des Etats aux
chefs de l'armée fédérale et non aux gouverneurs des Etats.
La centralisation est ainsi complète : le Président de la
République contrôle tous les rouages du pouvoir militaire
du pays.
La réforme la plus profonde et la plus durable concerne
l'éducation des troupes, la formation des élites militaires et
l'adoption d'un Code moral. Il s'agit de changer la mentalité
des troupes, de former des cadres modernes, instruits,
1
Décret du 30 juin 1881, in Dublán y Lozano, op. cit., T.XIV, pp.935-937. Voir
aussi l'historique de ce corps in MH 1884-1885, pp.26-29.
2 González argumente : « Afin d'apprécier dans toute son importance l'origine des
graves préjudices dont souffraient l'armée et le Trésor national, il suffit de
rappeler que les caissiers des corps armés recevaient en même temps des ordres
des ministères de la Guerre et des Finances, de la Trésorerie, des généraux en chef
de division ou de brigade et même des officiers des corps. Il est donc facile de
comprendre qu'avec un tel système il n'y avait pas d'unité de direction et que les
caissiers étaient exposés à de lourdes responsabilités » (M. González, Manifiesto
que en los últimos días de su período constitucional..., p.131).
Les conditions du progrès /23
nourris des idéaux républicains, inspirés par l'amour de la
patrie et surtout par un nouveau concept de loyauté. Le
soldat ne doit ainsi plus être fidèle à des individus, à des
« caudillos », mais à des institutions, à la Constitution
représentée par le Président. Chaque caserne est dotée
d'une école primaire, initiative bien accueillie par les
soldats illettrés, tandis que l'Ecole militaire de Chapultepec
est réformée pour dispenser un enseignement de haut
niveau à l'élite militaire du porfiriat 1. La première
génération des nouveaux cadres sort de l'Ecole à la fin du
gouvernement de Manuel González ; une génération prête à
remplacer les anciens « hommes d'armes » au moment
précis de la première réélection de Díaz... La réforme
éducative et l'adoption d'un Code moral sont complétées
par l'institution d'un Tribunal de justice militaire chargé de
surveiller et de punir toute infraction au nouveau concept
de loyauté défini par le Code militaire. Selon les mots de
Manuel González, cette justice a permis d'écarter de
l'armée les individus « qui ne sont pas dignes du ministère
que la Nation leur a confié... » 2. La modernisation passe
enfin par le renouvellement de l'armement, acheté aux
Etats-Unis, en France ou en Allemagne et donnant lieu à
des démonstrations lors des traditionnels défilés militaires
du 5 mai. Des usines sont ouvertes, notamment celle de
dynamite de Santa Fé ou celle de matériel léger de Molino
del Rey, tandis que l'usine nationale d'armement de la
citadelle est modernisée 3 ; ce qui permet de faire des
économies tout en assurant une certaine autonomie.
Les armées régionales et le pouvoir des caciques
demeurent un problème important. Aux dires de Francisco
1
Les nouveaux programmes de l'Ecole entrent en vigueur le 1er janvier 1883. Sur
les qualités nouvelles de Chapultepec, on verra le texte de propagande de Miguel
de Zayas Enríquez, présenté à l'Exposition universelle des Etats-Unis de 1898,
Los Estados Unidos Mexicanos..., pp.230-231.
2 M. González, Manifiesto, p.129.
3 Voir Ibid., p.131.
24 / L’autre dictature
Bulnes, la stratégie du président Díaz est, entre 1877 et
1884, la « patience » ; ce qui consiste à promouvoir d'abord
certains « hommes d'armes » -les plus gênants- aux postes
de gouverneurs, à les inviter à s'enrichir grâce aux travaux
publics et aux concessions, puis à exiger d'eux, à la fin de
leur mandat, l'application de la devise du Plan de Tuxtepec
(la « non-réélection »), à les remplacer par des fidèles et à
licencier, enfin, leur armée 1. A la fin des années 1880, les
troupes des Etats, estimées à vingt-deux mille hommes,
n'existent plus 2. Rappelons enfin l'existence d'un corps
d'armée dévoué au Président : les fameux « Rurales »,
ancienne police rurale créée pendant la Réforme afin de
maintenir l'ordre sur les routes et dans les campagnes. Les
« Rurales », qui formaient le bras armé de l'Etat lors de la
confiscation des biens de l'Eglise et des communautés
indiennes, comptaient mille hommes en 1867, lorsqu'ils
reprirent le combat contre les voleurs de grand chemin.
Avec la venue au pouvoir de Díaz, ils prennent une
importance particulière. Ce dernier incorpore, en effet, ses
fidèles « soulevés » à Tuxtepec dans les « Rurales », dont le
nombre augmente de manière notable 3. Le général,
1
Bulnes écrit : « Une fois faits le renouvellement des gouverneurs, en vertu du
principe de non-réélection, et leur remplacement par des militaires ou des civils
entièrement manipulables, le général Díaz a paternellement dit à ces derniers
qu'au lieu de dépenser la plupart des revenus publics en petits soldats
(soldaditos), ils devaient employer leur budget de l'armée dans le paiement
régulier des employés, l'instruction publique ou les travaux publics. Ce souhait
patriotique accepté, les gouverneurs ont licencié leurs armées respectives et ont
rendu successivement au « Prince » leur artillerie, leur armement, leurs munitions.
Seule l'armée fédérale devait se charger de la paix » (F. Bulnes, El verdadero
Díaz... pp.36-37).
2 Dans le même temps, entre 1876 et 1884, l'armée fédérale passe de trente mille
à vingt-six mille hommes. Voir Ibid., pp.290-297.
3 Francisco Bulnes affirme que les « Rurales » comptaient 6 500 hommes entre
1877 et 1884, puis qu’ils furent réduits à 2 700 en 1890. De son côté, P.
Vanderwood avance les chiffres de 900 à 1 300 en 1876, 1 781 en 1881 et 2 700
vers la fin du Porfiriat. Il est certain que Vanderwood ne tient pas compte des
« Rurales » de Tamaulipas, corps de 3 500 hommes qui participe au soulèvement
de Tuxtepec. Voir F. Bulnes, El verdadero Díaz..., pp.290-297, et
P. Vanderwood, Los Rurales mexicanos, pp.49-51.
Les conditions du progrès /25
désireux de disposer d'une force armée indépendante des
militaires, réforme l'organisation des « Rurales ». Ceux-ci
sont ainsi rattachés au ministère de l'Intérieur, par le
règlement décrété en 1880, tandis que leurs attributions
sont accrues 1. Les « Rurales » continuent toutefois
d'assurer la sécurité des convois commerciaux sur les
routes menant à la capitale, d'où leur réputation auprès des
étrangers 2. Ils deviennent très vite une légende et un
symbole de la dictature. Certes, ils tiennent à distance les
brigands, grâce, notamment, à la fameuse ley fuga
autorisant l'exécution de tout prisonnier qui tente de
s'enfuir 3. Mais ils sont aussi chargés de réprimer le
mécontentement social, de libérer les terrains miniers ou en
friche pour les remettre aux nouveaux propriétaires, de
surveiller le comportement des ouvriers dans les usines, de
soutenir, dans les régions, les fidèles du gouvernement
central, de déporter les indiens Yaquis et Mayas dans les
camps de travail (du Yucatán ou Valle Nacional), d'enrôler
par la force (la leva) des hommes pour l'armée 4. Si les
« Rurales », peu nombreux il est vrai, ne sont pas tout à fait
efficaces contre le banditisme, ils rassurent, en revanche,
les propriétaires miniers, les « hacendados », les fabricants
et les commerçants nationaux ou étrangers, et forment
1
Voir l'article 1er du décret du 24 juin 1880, « Reglamento para el servicio de la
Policía rural », in Dublán y Lozano, op. cit., T.XIV, pp.308-318.
2 Tandis qu'aux Etats-Unis on les compare volontiers aux « Rangers » du Texas,
l'ambassadeur de France évoque les mousquetaires d'Ancien Régime (voir
AMAE, CP V73, lettre de G. de Coutouly à MAE, 6 mai 1885).
3 Beaucoup de récits de voyages parus en France entre 1862 et 1910 consacrent
quelques lignes à vanter les mérites de ces hommes, défenseurs des voyageurs et
du commerce (voir J. Pérez Siller, « L'image du Mexique dans l'historiographie
française... »). Quant à la ley fuga, l'ambassadeur de France écrit à son propos :
« La « ley fuga » bien appliquée est d'ailleurs un admirable moyen de se
débarrasser des personnalités gênantes : on transfère un prisonnier politique d'une
ville à une autre et, pendant le trajet, en rase campagne, on le fusille sous le
fallacieux prétexte qu'il aurait pu prendre la fuite » (AMAE, CP V72, lettre de De
La Marlière à MAE, 16 août 1884).
4 Voir P.J. Vanderwood, Los Rurales mexicanos, et L. González y González,
HMM-RVS, pp.351-354.
Entre 1867 et 1886, pour moderniser l’Armée, des écoles, un nouveau
Code militaire sont créés, l’administration des ressources est réformée, les
troupes sont organisées en zones militaires, dont les chefs sont nommés
par le Président. Parallèlement, dans le but de lutter contre les voleurs et
les brigands, et d’assurer la sécurité des chemins, Porfirio Díaz organise,
à partir de 1877, un corps d’élite, les Ruraux (« Rurarales »), qui ne
recevaient ses ordres qu’à travers les Chefs Politiques. Le monopole de
l’État en matière de violence s’étend à tout le pays, cependant les abus
contre les paysans et les indigènes sont plus fréquents. Examinons le Chef
politique enfonçant la dague des garanties individuelles dans l’homme qui
représente la citoyenneté.
El Ahuizote Jacobino, 19 novembre 1905.
Les conditions du progrès /27
« surtout une police de caractère politique dont l'objet était
de défendre et de renforcer la dictature » 1.
En contrôlant toutes les forces armées du pays et en
créant deux véritables forces armées institutionnelles, le
général Díaz affermit son pouvoir. Il rencontre cependant
d'importantes difficultés pour imposer la pax porfiriana et
se heurte aux caciques locaux. Les mandats de Díaz (18761880) et de González (1880-1884) ont été émaillés de
conflits politiques et militaires, dans les Etats de Veracruz,
Durango, Coahuila, Tlaxcala, Jalisco, Sonora, Zacatecas,
Guanajuato et Tabasco, conflits dans lesquels sont
intervenus le Sénat, l'armée fédérale et les « Rurales »,
parfois de manière tragique 2. La chasse aux opposants est
une pratique courante, surtout sous l'administration du
général González 3. Une fois acquis le « consensus » et la
paix, la première réélection de Díaz apparaît, nous l'avons
vu, comme un acte « providentiel ». Par la suite,
l'organisation des forces de répression ne connaît pas de
changements notables, le gouvernement ne réalisant que
des remaniements et des mises à jour des lois 4.
Quelle importance ont ces pratiques du pouvoir pour les
finances publiques ? Tant Iglesias et Romero que Díaz et
González ont conçu la réduction des dépenses militaires
comme un moyen d'orienter le budget vers le
développement des communications et la construction des
chemins de fer, chère aux aspirations libérales de progrès.
1
2
P. Vanderwood, op. cit., p.83.
Voir les analyses de F. Bulnes, op. cit, pp.30-37, l'article de L. González, « El
liberalismo triunfante », HMM-PVP, ou le livre de F.X. Guerra, Le Mexique de
l'Ancien Régime à la Révolution.
3 Voir la version officielle de ces « conflits » dans le rapport présidentiel de
Manuel González (Manifiesto.., pp.26-30).
4 Dont, à la fin du XIXe siècle, le Code militaire (1895), la loi de procédure
pénale dans le domaine militaire (1897), le Code de justice militaire (1899), la
nouvelle loi d'organisation de l'armée (1900), la division de l'armée en dix zones,
trois commandements et neuf préfectures (1901). Voir HMM-PVS, p.964, ainsi
que A. Hernández, « Les officiers de l'armée fédérale : crise politique et défaite
militaire : 1876-1914 ».
28 / L’autre dictature
La « révolution » politico-militaire accomplie par Díaz se
traduit par l'instauration de la pax porfiriana et la réduction
de la part du budget de l'armée et des « Rurales » dans les
dépenses publiques. Le tableau suivant illustre la nouvelle
donne :
Tableau 2 BUDGET DE L'ARMEE ET DES « RURALES »
(1867-1911)
(milliers de pesos déflationés, 1877-1892 = 100)
Périodes
1867-1872
1873-1875
1877-1880
1881-1884
1885-1896
1897-1911
Armée « Rurales »
(moyenne) (moyenne)
8 244
9 976 (*)
9 918
10 996
8 828
8 617
456
441
718
904
770
858
budget
%
48,5
50,0
48,1
30,7
23,2
22,2
Présidents
Benito Juárez
Lerdo de Tejada
Porfirio Díaz
ManuelGonzález
Porfirio Díaz
Porfirio Díaz
Sources : MH 1868-1869, El Erario federal et Cuentas del Tesoro.
(*) Nous excluons l'année 1875-1876 car les dépenses entraînées par le
soulèvement de Tuxtepec sont incluses dans le budget fédéral 1.
Le montant moyen du budget de la guerre n'est plus
prédominant mais reste pratiquement stable, sauf sous
l'administration de Manuel González durant laquelle la
réorganisation et la modernisation de l'armée demandent un
financement plus important. Pendant l'ère des Científicos, il
se réduit légèrement, bien qu'entre 1906 et 1911 il passe de
8,9 à 11,9 millions de pesos 2. Quant au budget des
1
Une fois au pouvoir, les « Tuxtepecanos » ont inclus dans le budget fédéral le
coût du soulèvement. En 1875-1876, le budget de guerre s'élève ainsi à 14,6
millions de pesos, soit 76,4 % des dépenses fédérales. Voir les tableaux en
annexe.
2 Si cette tendance donne l'image d'une certaine érosion des forces répressives
avant la Révolution, elle n'autorise pas cependant à expliquer, comme le fait F.
Les conditions du progrès /29
« Rurales », il augmente dès la venue de Díaz et, surtout,
sous la présidence de González, puis dans les années
précédant la Révolution (leur budget atteint 1,2 millions de
pesos), une attention que justifie leur caractère de milice
politique, soutien du régime. Dans le même temps, la part
des forces répressives dans le budget fédéral est réduite à
presque un cinquième du total. La principale réduction
s'accomplit pendant l'administration du général Manuel
González, donnée paradoxale car le budget absolu
augmente. En fait, la pax porfiriana produit déjà ses
premiers effets bénéfiques. La dictature s'affermit, les corps
répressifs se modernisent sous le contrôle du général Díaz,
deviennent des piliers du maintien de la loi et de l'ordre : la
confiance renaît, les affaires reprennent, les revenus fiscaux
augmentent, il y a davantage d'argent à distribuer. La voie
est ouverte au financement du progrès économique.
2. La révolution ferroviaire
La révolution ferroviaire -et des travaux publicscommence dans les années 1880, une fois réduit le poids de
l'armée dans la structure du budget fédéral. Le régime est
fier des réalisations en ce domaine prouvant l'entrée dans la
modernité du Mexique, qui a désormais le droit de figurer
dans le « concert des nations », d'appartenir au cercle des
pays « les plus civilisés de la terre » 1. Le contraste entre le
Mexique de 1870 et celui de 1910 est en effet frappant. Le
nombre de kilomètres de rails en exploitation est multiplié
par soixante-quinze ; pour les lignes télégraphiques, le
Bulnes (partisan de la dictature), la victoire du soulèvement de Madero dont les
causes sont plus profondes. Signalons, d'ailleurs, qu'entre 1906 et 1910, le budget
militaire en pesos déflationés augmente d'un tiers.
1 Dès la fin des années 1880, ces expressions apparaissent dans les écrits des
intellectuels mexicains et même des étrangers. On verra, notamment, le livre de
R. Bigot, Le Mexique moderne (1910).
30 / L’autre dictature
multiplicateur est de quarante, et de trois mille huit
cents pour les lignes téléphoniques. Quant aux bureaux de
poste, ils sont six fois plus nombreux. Un développement
des communications auquel il faut ajouter la fin des
travaux monumentaux d'urbanisation dans les principales
villes et de la construction des grands ports du pays 1.
Jusqu'aux années 1940, ces infrastructures seront un atout
précieux pour l'économie. S'il est vrai que ces progrès
spectaculaires s'inscrivent dans la « Belle époque », période
propice et généreuse de croissance économique et de
modernisation mondiales, il est aussi indéniable qu'au
Mexique les élites au pouvoir ont su mener à bien cette
entreprise. Ce qui n'était pas chose aisée, les affaires et
l'argent drainant des alliances, des clientèles, des
concessions et des privilèges - « nécessaires »- qui ont
laissé leur empreinte. Le réseau ferroviaire, colonne
vertébrale de la réarticulation économique du pays, est sans
aucun doute le secteur le plus important de ces
programmmes de travaux publics. Il a donné lieu à de
nombreuses études 2. Pour notre part, nous insisterons sur
les aspects fiscaux et budgétaires de l'entreprise, sur la
politique de développement des communications et sur
certaines répercussions politiques et sociales.
Sans tenir compte du fait que la politique de chaque
gouvernement a des traits particuliers, le tableau suivant
propose un panorama général du financement des chemins
de fer durant notre période et compare les dépenses faites
1
Entre 1870 et 1910, les chemins de fer passent de 331 à 24 681 kilomètres, le
télégraphe de 1 874 à 74 254, les bureaux de poste de 478 à 2 971, le téléphone
de 12 à 45 570 kilomètres en 1903. Voir D.G. López Rosado, Historia y
pensamiento económico de México, T.III, pp.45-87.
2 Voir, en particulier, F. Calderón, « La promoción económica », HMM-RVE,
pp.608-742, et « Los ferrocarriles », HMM-PVE, pp.483-624, J.G. Chapman, La
construcción del ferrocarril mexicano, J.H. Coatsworth, El impacto de los
ferrocarriles..., S.H. Ortiz Lozano, Los ferrocarriles de México, Una visión social
y económica, et F. Cordero, La influencia de los ferrocarriles en los cambios
económicos y espaciales de México, 1870-1910.
Les conditions du progrès /31
dans les communications (la plupart concernant des
subventions aux chemins de fer 1), leur part dans le budget
fédéral et les kilomètres de rails construits :
Tableau 3 DEPENSES DE COMMUNICATIONS ET CHEMINS DE
FER FEDERAUX CONSTRUITS (1867-1911)
(milliers de pesos déflationés, 1877-1892 = 100)
Périodes
Dépenses % du budget Extension (*)
(moyennes)
fédéral (kilomètres)
1867-1872
1873-1876
1877-1880
1881-1884
1885-1896
1897-1911
2 044
1 632
1 477
6 019
4 560
5 487
11,39
7,87
5,76
17,02
11,93
13,04
TOTAL
4 415
12,39
231
128
433
4 658
5 120
8 430
Présidents
Benito Juárez
Lerdo de Tejada
Porfirio Díaz
Manuel González
Porfirio Díaz
Porfirio Díaz
19 008 (**)
Sources : MH 1868-1869, El Erario federal, Cuentas del tesoro, F.
Calderón, « La promoción económica », HMM-RRVE, p.696, « Los
ferrocarriles », HMM-PVE, pp.517-629, J.G. Chapman, La
construcción del ferrocarril mexicano, p.147.
(*) Rails construits et mis en service pendant la période considérée.
(**) Auxquels il faut ajouter 273 kilomètres construits avant 1867.
L'attention portée par l'administration de Juárez au
développement des communications est remarquable, mais
l'importance des investissements dans le domaine
ferroviaire doit être relativisée car les chiffres confondent
ici tous les travaux publics, dont la reconstruction des
1
Il s'agit des dépenses ordinaires du budget. Or, il faudrait ajouter à celles-ci les
subventions dues aux compagnies des chemins de fer qui sont transformées, à
trois reprises, en dette publique intérieure.
32 / L’autre dictature
routes qui tient une grande place. Toutefois, notons à l'actif
de cette administration l'achèvement de la première grande
ligne du pays, qui relie Mexico au principal port
commercial, Veracruz. Les dépenses diminuent sous les
administrations de Lerdo et de Díaz, période pendant
laquelle des conflits apparaissent quant à la définition de la
politique ferroviaire. Les travaux reprennent avec Díaz et
se développent considérablement pendant le gouvernement
de Manuel González. C'est durant cette période que se situe
le véritable « boom » ferroviaire (plus de mille kilomètres
par année), dont le financement atteint 17 % du budget
fédéral. Les premières lignes internationales sont installées,
la progression des dépenses se stabilise et la construction
bénéficie de l'infrastructure déjà existante (le coût
d'installation est de moins en moins élevé). Avant l'ère des
Científicos, le pays s'est déjà doté des deux tiers du réseau
national de 1910. Limantour ne fera que donner une
certaine cohérence au réseau, en changeant radicalement la
politique budgétaire et la conception du système
ferroviaire.
Afin de mieux comprendre les enjeux des dépenses en
ce domaine et la portée des politiques gouvernementales,
rappelons quelques épisodes de la construction des
chemins de fer au Mexique. Tout commence en 1837,
lorsque le riche commerçant et ancien ministre des
Finances, Francisco de Arillaga, obtient une concession
pour construire la ligne México-Veracruz. Puis, d'autres
concessions sont accordées, notamment aux frères
Escandón qui bénéficient d'une subvention de huit millions
de pesos en actions garanties par les revenus douaniers.
Vers 1861, une trentaine de kilomètres sont déjà en
exploitation, mais les guerres de réforme arrêtent les
Les conditions du progrès /33
travaux 1. Durant l'intervention française, Antonio
Escandón participe à une société anglaise, la Compagnie du
Chemin de fer impériale mexicaine, et dirige si activement
les travaux qu'à la chute de Maximilien , sur « une oeuvre
d'ingénierie monumentale », 205 kilomètres de voies
ferrées ont été ouvertes 2. En 1867, le gouvernement
républicain débat de la conduite à tenir face à cette
compagnie
collaborationniste.
Contrairement
aux
prescriptions de la loi de confiscation (frappant les biens
des personnes ou des sociétés ayant collaboré avec les
autorités impériales), considérant « l'importance de l'oeuvre
[...], les grands intérêts impliqués [...] et le crédit du
Mexique » 3, le président Juárez décide, le 17 novembre,
d'amnistier la compagnie. Ce geste provoque un déluge de
critiques sur la politique ferroviaire et sur la conduite du
Président, que les porfiristes qualifient d'« autoritarisme
présidentiel ». Ces derniers, qui mènent une lutte sourde
pour le pouvoir, obligent le gouvernement à soumettre sa
décision au Congrès. Pour finir, malgré les oppositions, le
gouvernement maintient la concession de la compagnie. La
question de fond qui se pose est en réalité de savoir
comment financer la poursuite des travaux. Or, le
gouvernement n'a pas le choix. Théoriquement, il pourrait
compter sur trois sources d'investissements : sur les
Européens, les Mexicains ou les Nord-Américains. Les
capitalistes européens restent déconcertés par la défaite des
Français et n'ont aucune confiance dans le nouveau régime
qui n'a pas reconnu les emprunts contractés par
Maximilien. Le capital mexicain, assez maigre, doit se
consacrer prioritairement à la reconstruction du pays.
1
Les deux premières lignes construites relient, d'une part, Veracruz à El Molino
(ligne commerciale) et, d'autre part, Mexico au Sanctuaire de Guadalupe (ligne de
pèlerinage religieux...).
2 Voir J.G. Chapman, La construcción del ferrocarril.., p.147.
3 F. Calderón, « La promoción económica », HMM-RVE, p.622.
34 / L’autre dictature
Enfin, le capital nord-américain, fortement sollicité sur son
propre territoire par les destructions de la guerre civile,
pèserait trop lourd sur la souveraineté nationale dans la
mesure où il s'agit d'une voie de communication
stratégique, unissant la capitale au principal port
commercial. Aussi le groupe juariste cherche-t-il à attirer
l'épargne anglaise -déjà engagée dans la compagnie- et à
séduire afin de rétablir les relations diplomatiques avec les
Européens. Avec l'amnistie, le gouvernement gagne de plus
la confiance d'importants financiers mexicains ayant
collaboré avec l'envahisseur, dont Antonio Escandón,
Eustaquio Barrón et J.L. de Abaroa y Uribarren, tous
membres de la compagnie 1.
Si le Congrès soutient l'attitude inflexible de Juárez,
l'opposition, dirigée par Manuel M. de Zamacona, Gabriel
Mancera et Manuel Payno, obtient du gouvernement le
contrôle sur les tarifs et sur la gestion de la Compagnie 2.
Puisque le fisc subventionne les travaux (estimés à 29 661
pesos le kilomètre), les députés demandent en contrepartie
l'établissement d'un plafond tarifaire, ainsi que la réduction
des frais de transport pour les produits mexicains destinés à
l'exportation et au commerce intérieur, pour les troupes et
les effets du gouvernement 3. Ils exigent également la
surveillance de l'entreprise par l'intermédiaire de
fonctionnaires siégeant au Conseil d'administration et au
Comité de Londres 4. En fait, le gouvernement, propriétaire
de 10 % des actions de la compagnie, dispose de ces
droits 5. Le 11 novembre 1868, le gouvernement et la
1
Pour les membres de la Compagnie du chemin de fer impériale mexicaine, voir
Assemblée générale extraordinaire du 31 mars 1865 (trad. franç.),
AMF/B31.314, pièce 336.
2 Voir la discussion dans F. Calderón, HMM-RVE, pp. 622-654.
3 Voir J.G. Chapman, op. cit., p. 134.
4 Sont nommés, au Conseil d'administration, Juan Mújica et Francisco Zarco, et, à
Londres, Manuel Terreros, Luis Manius et Juan N. Adorno.
5 Voir l'étude sur les chemins de fer de Matías Romero, MH 1878-1879, p. 485.
Les conditions du progrès /35
compagnie (reconstituée sous le nom de « Chemins de fer
mexicains ») signent une convention qui reprend ces
points 1, fixe définitivement le montant des subventions et
autorise la compagnie à poursuivre les travaux, travaux
dont une carte, proposée par Francisco Calderón, permet de
suivre la progression (fig.1). Après trois ans de travaux, le
président Lerdo de Tejada inaugure la ligne, le 1er janvier
1873, faisant, rapporte-t-on, un voyage idyllique entre
Mexico et Veracruz. Les deux centres commerciaux ne
sont alors plus séparés que par une journée de train 2.
Une fois la ligne Mexico-Veracruz terminée, se pose la
question du choix d'une compagnie pour la réalisation
d'une ligne reliant la République aux Etats-Unis. Cette
question suscite une vive polémique pendant les
administrations de Lerdo et de Díaz. Les positions
nationalistes de Lerdo de Tejada et sa méfiance vis-à-vis
des prétentions nord-américaines sont particulièrement
vives face aux sociétés de chemins de fer. La phrase qu'on
lui attribue - « entre la force et la faiblesse, conservons le
désert »- est proche de la réalité 3. Durant son mandat,
diverses compagnies se disputent les concessions de cette
nouvelle ligne. En premier lieu, celle de William S.
Rosecrans, ancien ambassadeur des Etats-Unis au Mexique
(1868-1869) et représentant de la « Union Contract de
Pennsylvanie ». Rosecrans est un promoteur actif de « la
conquête pacifique ». Il déclare ainsi : « la base idéale de
nos relations avec le Mexique est de reconnaître
pleinement sa nationalité en envahissant seulement son
marché avec nos produits industriels » 4.
1
Les réductions sont les suivantes : 60 % pour les marchandises destinées à
l'exportation, 20 % pour celles destinées à l'intérieur et 75 % pour les troupes et
les effets du gouvernement (J.G. Chapman, op. cit., p.134).
2 Voir ce qu'en dit J.G. Chapman, op. cit., pp.157-158.
3 P. Macedo, « Travaux publics », in Le Mexique, son évolution..., p.263.
4 Cité par L. González, « El liberalismo triunfante », Historia general de México,
p.939.
36 / L’autre dictature
Figure 1 : Construction du chemin de fer “Mexicano”
(1864 – 1872)
Source: F. Calderón Historia Moderna de México : la República
Restaurada, p. 610.
Les conditions du progrès /37
En 1871, Rosecrans obtient de Juárez une concession pour
construire une voie ferrée « interocéanique » devant relier
le Golfe du Mexique (Tampico) au Pacifique (San Blas).
En 1872, alors que les travaux ne sont pas encore
commencés, sa proposition de construire une ligne vers la
frontière Nord est rejetée par l'administration de Lerdo.
Aussitôt, le général Rosecrans finance une campagne de
presse qui tente de séduire le Congrès 1 et souligne dans ses
écrits que « le capital américain est indispensable car le
crédit mexicain en Europe est nul » 2. Mais le
gouvernement de Lerdo ne cède pas et ralentit l'examen du
projet par la Commission parlementaire. Dans le même
temps, une deuxième société se porte candidate. Il s'agit de
la « Compagnie Internationale du Texas », représentée par
Edward Lee Plumb, ancien chargé d'affaires de l'ambassade
des Etats-Unis au Mexique (1868-1869). Cette compagnie,
qui assure la construction d'une ligne au Texas devant
« bientôt » atteindre la frontière mexicaine 3, propose alors
deux lignes reliant Laredo à San Luis et San Blas et
Mexico à Durango. Durant deux ans, les deux compagnies
font pression dans la presse et au Congrès. Les uns
défendent le général Rosecrans (tels Gabriel Mancera,
Matías Romero, l'Association des Architectes), les autres
l'« Internationale » (Guillermo Prieto, Manero).
1
Rosecrans est d'autant plus pressant qu'il a déjà signé un contrat, pour la
reconnaissance topographique, avec William Palmer (constructeur de la ligne
Denver-Rio Grande pendant la guerre civile), « William A. Belle of London » et
l'« Union Contract ».
2 Voir W. Rosecrans, México necesita atraerse el capital extranjero para
construir sus ferrocarriles y los medios para conseguirlo... (1872) et Actual
estado del asunto del ferrocarril interoceánico (1873).
3 Cette compagnie projette de relier Fulton (Arkansas) à San Antonio et Laredo.
Elle fusionnera avec la « Houston & Norte Grande Ferrocarril » pour assurer un
accès à la côte du Golfe.
38 / L’autre dictature
Mais la plupart des députés et des journaux considèrent
avec méfiance ou hostilité les deux propositions, le
souvenir de la guerre avec les Etats-Unis étant encore vif 1.
La suggestion de Lerdo de fusionner les deux
compagnies est très bien accueillie par E. Lee Plumb mais
rejetée par Rosecrans 2. En fait, Lerdo, craignant d'octroyer
une concession à une compagnie fragile, est satisfait de ce
refus. Il sait que la nation voisine traverse une crise
financière, que les amis du général Grant, président des
Etats-Unis, sont impliqués dans un scandale financier au
coeur duquel se trouve la compagnie de Rosecrans 3. Aussi
cherche-t-il à gagner du temps pour trouver une meilleure
solution.
Celle-ci se présente à la fin de 1873, lorsqu'un groupe de
quatorze commerçants et banquiers mexicains créent la
Compagnie mexicaine, dite des « Catorce », et proposent
de construire la ligne internationale. On retrouve dans ce
groupe des créanciers tels que David Ferguson, Barrón y
Forbes, Pedro del Valle, Sebastián Camacho, Esteban
Benecke, Antonio de Mier y Celis, Angel Lascurain,
Cayetano Rubio et Miguel Rul. Leur offre est très vite
acceptée par le Congrès et le contrat signé le 21 novembre
1873 4. L'attribution de la concession, qui fait aussitôt taire
les critiques lancées contre Lerdo par le groupe de
Rosecrans, est saluée par tous les journaux de la capitale.
Ceux-ci engagent le gouvernement à encourager la
compagnie des « Catorce » et soulignent les avantages en
1
On peut lire, par exemple, dans le journal La Orquesta du 31 mai 1873 : « Il
semble que la voie étroite - largeur de la voie proposée par les compagnies d'aujourd'hui n'est rien de moins que la voie large que les yankees ont toujours
empruntée selon leur désir dans la République mexicaine. Nous dirons que le
prologue fut le Texas. L'épilogue ne sera pas tout à fait Rosecrans, Palmer,
Nelson, etc.... ».
2 « Le gouvernement - déclare Lerdo - n'est pas en mesure d'octroyer deux
concessions et de verser deux subventions » (F. Calderón, HMM-RVE, p.734).
3 Voir Cosio Villegas, « Vida política exterior », HMM-RVP, pp.49-50.
4 Voir F. Calderón, op. cit., p.733.
Les conditions du progrès /39
cas de litige. De plus, l'initiative des « Catorce » apparaît
comme un exemple à suivre, et peut, croit-on, favoriser un
climat de confiance parmi les riches commerçants,
fabricants, propriétaires miniers et banquiers et avoir une
bonne influence sur les affaires économiques du pays. Les
discours allant dans ce sens sont nombreux à la Chambre.
Le député Ramón G. Guzmán, membre de la commission
de l'industrie, se félicite ainsi de cette concession qui
permet d'éviter des « pressions économiques et politiques
sur le Mexique » et réfute les craintes de voir dans cette
nouvelle voie de communication « une porte d'accès facile
aux prétentions de conquête des Etats-Unis » 1. Cependant,
alors que tout semble aller pour le mieux, la compagnie des
« Catorce » laisse passer le délai légal pour faire le dépôt de
garantie, sans que l'on sache dans quelles conditions, ce qui
entraîne l'annulation du contrat (4 mai 1874). Le manque
d'argent ne nous apparaît pas être la cause de ce revirement.
Nous savons, nous le verrons plus loin, que ces marchandsbanquiers, qui créeront les principales banques mexicaines,
disposent de capitaux conséquents et ont accès au crédit. Il
est plus probable que leur attitude soit due aux
intimidations des sociétés nord-américaines, les enjeux
économiques étant considérables et la lutte pour remporter
ce marché acharnée 2. Il reste que les élections
présidentielles approchent et que Lerdo, conscient du fait
que le début des travaux peut soulager la crise minière et
relancer tant l'emploi (notamment des militaires licenciés)
que les affaires, doit agir rapidement. En mai 1875, le
1
Voir R.G. Guzmán, Discurso pronunciado por... con motivo del contrato
celebrado entre el Ejecutivo de la Unión y la compañía Limitada Mexicana para
construir el ferrocarril...
2 Seules des recherches plus approfondies dans ce domaine permettraient de
confirmer ou d'infirmer cette hypothèse et de connaître enfin les rapports de force
et les stratégies des compagnies ferroviaires concurrentes. On ne peut que
regretter que les chercheurs nord-américains, qui disposent de sources de
première importance (archives des compagnies et archives diplomatiques), se
contentent de puiser dans les sources mexicaines.
Le gouvernement de Lerdo de Tejada voyait d’un mauvais œil la
concession des lignes de chemin de fer à des compagnies nord
américaines. Il se rendait compte qu’il s’agissait là d’un moyen
stratégique de contrôler le commerce et de délimiter le développement de
l’économie. C’est pourquoi il encouragea la création d’une compagnie
mexicaine, « la de los catorce », qui concurrencerait celles des Etats-Unis.
Villasna présente ici une allégorie sur le sens de cette dispute entre les
compagnies de Plumb et celles de Rosencrans. L’ambassadeur des EtatsUnis dit au ministre mexicain des Travaux publics : « Vous pouvez être
sûr que si les rails américains ne rentrent pas, les baïonnettes, elles,
rentreront ». Tandis que l’Oncle Sam, souffle pour que les locomotives,
avec lur baïonnettes en têt, passent la frontière mexicaine.
La Orquesta, 20 de noviembre de 1872.
Les conditions du progrès /41
Congrès accorde la concession à la compagnie de Edward
Lee Plumb. Selon les termes du contrat, le gouvernement
devra payer une subvention de 9,5 mille pesos par
kilomètre construit avec 25 % des revenus des douanes de
la frontière Nord. Si la compagnie soutient ouvertement le
président Lerdo dans le conflit qui l'oppose à Díaz, auquel
le groupe de Rosecrans est favorable, elle n'a pas encore
commencé les travaux lorsque le soulèvement du Plan de
Tuxtepec vient à bout du pouvoir en place. Quelques
années plus tard, aux obsèques de Lerdo de Tejada,
Francisco Bulnes aura ces mots : « les coups de canon de
Tecoac appelaient dix millions de Mexicains à construire
dix mille kilomètres de voies ferrées »... 1
L'évocation de ces péripéties révèle deux conceptions
différentes de la politique ferroviaire et de ses enjeux. A
l'inverse de ses prédécesseurs, pour lesquels le chemin de
fer est un service public plus ou moins contrôlé par l'Etat,
Díaz conçoit ce moyen de communication comme un
service privé, où doit régner la libre entreprise et auquel il
accorde la liberté de construction (choix des tracés, de la
largeur des voies et des techniques) et d'exploitation
(gestion et administration). De son côté, Lerdo veut définir
le tracé des lignes et le type de voie (courte ou longue). Il
tente, de plus, afin de constituer un service public national,
de se rallier le capital du pays. La politique de Díaz va du
libéralisme (1879-1896) à l'étatisme (1899-1911), en
passant par le clientélisme. Signalons, toutefois, que
l'administration Díaz est plus généreuse que les pouvoirs
publics des Etats-Unis ou de la France, où la politique
ferroviaire consiste à donner les terrains nationaux, à
accorder la priorité d'expropriation, à garantir l'émission
des bons des compagnies ou à subvenir à divers frais
1
C. Díaz Duffo, Les finances..., op. cit., p.18.
42 / L’autre dictature
(remboursés à terme par les compagnies). La construction
des voies ferrées a pris du retard au Mexique. Aussi
cherche-t-on à attirer les investisseurs en leur offrant divers
avantages, notamment en ce qui concerne les mines et les
terres en friche, avantages que l'on peut ainsi récapituler :
1. droit d'émission des bons hypothécaires (moitié des actifs) ;
2. droit d'exproprier, avec indemnité, les terrains privés
nécessaires à l'installation des voies ;
3. exonération d'impôts sur l'importation des matériels pendant
la durée de construction (entre 15 et 20 ans maximum) ;
4. exonération d'impôts sur les capitaux engagés ;
5. droit d'exploitation des terrains nationaux voisins des
chantiers afin de se pourvoir en matériel nécessaire ;
6. octroi gratuit des terrains nationaux ou en friche (à une
distance de 70m des voies) et de la surface suffisante pour
les ateliers et gares ;
7. gisements de minerais, charbon, sel ou marbre trouvés dans
les chantiers déclarés propriété de l'entreprise ;
8. subvention, non remboursée par la compagnie (oscillant entre
5 000 et 12 000 pesos), pour chaque kilomètre de voie
terminé 1.
Les quatre dernières dispositions constituent de véritables
cadeaux pour les investisseurs qui, on le sait, possèdent des
capitaux dans des sociétés minières et dans le marché
foncier. Néanmoins, à l'expiration de la concession (99 ans
en général), l'infrastructure (rails, ponts, tunnels,
signalisations) devient propriété du gouvernement, qui
s'engage à racheter les gares, les ateliers, les locomotives,
les fourgons et tout le matériel de la compagnie : la
nationalisation est donc prévue à terme dans les contrats.
Ce système est appliqué entre 1879 et 1898; auparavant, les
1
Presque tous les contrats de concession ont les mêmes avantages. Seul varie le
montant de la subvention. Nous avons pris comme modèle celui du 21 décembre
1877, établi entre la Fédération et le gouvernement de l'Etat de Guanajuato. Voir
Dublán y Lozano, op. cit., T.III, pp.395-402.
Les conditions du progrès /43
« Tuxtepecanos », à la recherche d'appuis et de légitimité,
privilégient le clientélisme qui deviendra pratique
courante 1. Avant d'établir les contrats avec les compagnies
nord-américaines, Vicente Riva Palacio, ministre du
Fomento et des Travaux publics, expérimente un système
mixte consistant à accorder les concessions aux
gouverneurs des Etats qui, à leur tour, les concèdent aux
sociétés privées, ajoutant une subvention locale
supplémentaire. Entre 1876 et 1880, des sociétés
mexicaines construisent ainsi 227 kilomètres de rails 2.
Mais seule la moitié des 28 concessions est mise aux
enchères, passant de main en main, avant d'être centralisée
par les grandes compagnies, non sans profits 3. Díaz
développe cette pratique en faveur de ses fidèles lorsqu'il
occupe le ministère du Fomento (1880-1881), une sorte de
compensation que le général accorde aux « caudillos » et
aux « hommes d'armes », et qui ne sera pas remise en
cause 4.
Quatre compagnies nord-américaines ont remporté les
grands contrats : celles de Sonora 5 et de Tehuantepec 6, la
1
Dans sa période libérale, Díaz ne se contente pas d'octroyer des concessions. Il
privatise aussi le Chemin de fer national en vendant les actions appartenant à
l'Etat. De plus, il réduit une dette de la compagnie (contentieux opposant
Escandón à l'administration Lerdo) de 5 à 1,2 millions de pesos. Enfin, il reprend
le paiement de la subvention, un temps interrompu. L'action passe alors de 107 à
149 pesos. Voir J. Chapman, op. cit., p.179.
2 Dont les sociétés de Celaya-León (Guanajuato), Omeotusco-Tulancingo
(Hidalgo), Zacatecas-Guadalupe (Zacatecas), México-Cuautla (Morelos),
Alvarado-Veracruz (Veracruz), Puebla-Izúcar (Puebla) et Merida-Peto (Yucatán).
Voir F. Calderón, « Los ferrocarriles », HMM-PVE, p.500.
3 C'est le cas de la ligne de Hidalgo, vendue à Gabriel Mancera, de celle de San
Luis, vendue à la Compagnie du Central, ou de celle de Guaymas-Nogales
(Sonora), rachetée par Robert R. Symon. Voir F. Calderón, op. cit., pp.488-502.
4 Voir à ce propos F. Bulnes, El verdadero Díaz...
5 Le chemin de fer de Sonora, où la ligne doit relier Guaymas à Nogales, est
octroyé, en 1878, à Robert S. Symon et Sebastián Camacho. En échange d'une
participation, Symon et Camacho offrent la concession à la compagnie nordaméricaine du chemin de fer de Santa Fé. Celle-ci contrôle la ligne lorsqu'elle est
inaugurée en 1882. En 1905, la compagnie obtient une deuxième concession pour
la ligne Alamos-Mazatlán (ouverte en avril 1909).
6 La voie ferrée de Tehuantepec, voie commerciale entre les deux océans, est
stratégique. La concession est octroyée à Edward Learned de New York qui, de
44 / L’autre dictature
« Centrale » 1 et la « Nationale », cette dernière héritière de
l'« Union Contract de Pennsylvanie » du malheureux
général Rosecrans 2. Mais le Congrès, qui en conteste les
termes, retarde ces concessions, signées par Díaz fin 1877.
En 1880, conduite par une nouvelle majorité, l'Assemblée
accorde « un vote de confiance » au président, l'autorisant à
choisir les concessionnaires 3. Cet épisode illustre deux
succès du général. D'une part, le pouvoir de décision qui lui
revient lui permet de s'assurer une clientèle. D'autre part, il
lie son gouvernement aux entrepreneurs régionaux et aux
compagnies nord-américaines. Díaz parvient ainsi à régler
les rapports conflictuels entre les intérêts nationaux et
l'expansion des Etats-Unis 4. De fait, peu de temps après la
signature des contrats, le président nord-américain, R.
Hayes, ne fait plus de difficulté pour oublier le coup d'Etat
janvier 1878 à août 1882, ne construit que 35 kilomètres. Le général González
résilie ce contrat et engage le gouvernement à poursuivre les travaux avec le
financier Delfín Sánchez, qui ne réalisera que 108 kilomètres. En 1888, Díaz
prend les choses en main. Il fait un emprunt de trois millions de livres sterlings et
signe un contrat avec Edward Mc Murdo qui achève la ligne, dont les conditions
de sécurité sont déplorables. Enfin, en 1896, Limantour établit un contrat avec la
maison de Weetman Pearson, afin de terminer et d'administrer la ligne (qui
appartient désormais à l'Etat) et de construire les grands ports de Salina Cruz et
Coatzacoalcos. La ligne est mise en service en 1908, avant même l'inauguration
du canal de Panamá. Voir A. Aragon, Le trafic international par le Mexique,
1917.
1 « La Centrale », compagnie créée par des hommes d'affaires de Boston (Thomas
Nickerson, Levi C. Wade, Georges B. Wilbur, Isaac T. Burr, Charles J. Pain et
Thomas Dana), a obtenu la concession octroyée à Robert S. Symon. La ligne doit
relier Mexico à El Paso et faire la connexion avec l'« International Railroad du
Texas ». La compagnie souscrit un capital de 17 millions de dollars et bénéficie
d'une subvention de 9 000 pesos par kilomètre. La ligne Mexico-Ciudad Juárez
est inaugurée le 2 avril 1884 (date anniversaire de la victoire du général Díaz sur
les Français).
2 La « Nationale », de William J. Palmer et James Sullivan, a débuté avec un
capital de 5 millions de dollars. Les membres de la direction sont Walter
Hichman, H. Any, J.W. Gilluly, D.C. Dodge, R.H. Lambon et L.K. Bass. La ligne
doit relier Mexico à Manzanillo (côte Pacifique) et à Laredo (frontière Nord). La
ligne Mexico-Laredo est ouverte en septembre 1888. Voir José, C. Valadés, op.
cit., p.351.
3 Voir DDCD 1880, séance du 15 mai, pp.393-394. Voir aussi F. Calderón, « Los
ferrocarriles », op. cit. pp.506-514.
4 Matías Romero est la cheville ouvrière des négociations entre les deux pays.
Voir son rapport sur les chemins de fer, MH 1878-1879, pp.442-495.
Les conditions du progrès /45
de Díaz et reconnaître son gouvernement 1. Avec ce
système et une politique libérale de concessions, les
compagnies commencent la construction accélérée des
voies ferrées. En quatre ans seulement, les villes de Mexico
et de New York sont reliées 2. Vers 1896, l'essentiel du
réseau national est réalisé (fig.2). Cependant, en 1898,
Limantour critique durement cette politique libérale et
dresse un bilan qui n'est guère concluant pour
l'aménagement du territoire, l'économie régionale, les
intérêts fédéraux et le Trésor. Soulignant que « le
gouvernement a subordonné ses conceptions, en ce qui
concerne le tracé des routes, à celles des entreprises », il
dénonce encore le manque d'homogénéité de largeur des
voies et du matériel ainsi que le volume très élevé des
subventions 3. En fait, le ministre défend une politique
ferroviaire et de travaux publics dirigiste, dépassant de loin
la conception de Lerdo de Tejada et tendant à mettre en
place un service public national, voire nationalisé.
Quel est l'impact de la création de ce réseau de chemins
de fer ? Les conséquences sont multiples, à court et à long
terme. Dès les années 1870, les effets du « bouleversement
ferroviaire » sont perceptibles. Le transport de
marchandises, qui n'est plus entravé par les conditions
climatiques, se développe considérablement, d'autant que
les frais diminuent de manière vertigineuse 4. Très vite, le
réseau progresse (rapidité, capacité et surtout espace
1
Le 9 avril 1878, quelques mois après la signature des concessions, les EtatsUnis reconnaissent le gouvernement mexicain, mettant ainsi fin à des
tergiversations dont s'inquiétaient les diplomates « tuxtepecanos »...
2 L'inauguration du chemin de fer reliant Mexico à New York donne lieu à des
cérémonies particulières. Celles-ci sont évoquées de manière pittoresque par
l'envoyé spécial du journal Figaro. Voir C. Bertier-Marriot, Un Parisien au
Mexique, pp.100 et suiv.
3 Voir MH 1898-1899, document n° 129, pp.401-414.
4 En 1870, sur la voie Mexico-Puebla, on passe de 26 000 tonnes transportées par
an à dos de mulet à 79 000, soit trois fois plus, pour des prix qui sont ramenés de
7,27 pesos par tonne à 1,00 peso. Voir F. Calderón, op. cit., p.668.
Figure 2 : Evolution du reseau ferroviaire
(1880 – 1910)
Source: D. Cosío Villegas, Historia Moderna de México, El porfiriato
vida económica.
Les conditions du progrès /47
géographique desservi) : une véritable révolution, facteur
primordial du développement économique. Le professeur
John Coatsworth a mesuré l'impact des chemins de fer sur
l'économie en calculant les pertes qu'aurait entraînées sa
« non existence » 1 (notion d'« épargne sociale »),
estimation que Coatsworth situe au minimum entre 11 % et
12 % du produit interne brut et qui, selon lui, devrait, en
fait, représenter « la moitié de la productivité de l'économie
du porfiriat » 2. Mais cette épargne est distribuée de
manière différente selon les secteurs de l'économie et la
période considérée. Ainsi, par exemple, entre les années
1885 et 1908, la part des marchandises destinées au
commerce intérieur dans l'ensemble du transport
commercial baisse de moitié (de 83 % à 48 %), tandis que
celle des produits d'exportation triple (de 17 % à 52 %) 3.
Ce qui signifie qu'à long terme le chemin de fer promeut
plutôt la production d'articles d'exportation que celle de
consommation intérieure. Une telle orientation favorise
l'activité minière : en 1909, les minerais représentent ainsi
plus de 52 % des chargements 4. En fin de compte, le
chemin de fer est un moyen puissant permettant de
consolider le modèle « minéro-agro-exportateur » proposé
par les élites en 1886.
Deuxième grande conséquence, l'élargissement du
marché, qui entraîne l'intensification des échanges. La
réduction du coût de transport engage les producteurs à
vendre au loin, mais provoque aussi une plus forte
1
Il s'agit de l'hypothèse de la « New Economic History » que Coatsworth adapte
et applique au cas mexicain. Voir El impacto económico de los ferrocarriles en el
porfiriato, et « El impacto económico de los ferrocarriles en una economía
atrasada », in Los orígenes del atraso, pp.178-208.
2 J. Coatsworth, El impacto económico..., pp.82-98 et p.138, et « El impacto... »,
p.195.
3 Nous avons établi une moyenne sur le tonnage transporté sur les deux grandes
lignes (plus des deux tiers du transport national) cité par J. Coatsworth, El
impacto..., Tableau V-I, p.103.
4 Voir Chemins de fer nationaux du Mexique, Premier rapport annuel, 30 juin
1909, trad. française, AMF/B.31.314, pièce 180, p.11.
48 / L’autre dictature
concurrence qui joue en faveur des producteurs les plus
compétitifs (techniques modernes, bas salaires, accès aux
matières premières). Ce sont des effets que l'on a pu
constater avec l'exemple d'usines situées à proximité des
rails, telles celles de textiles (Orizaba ou Puebla), de tabac
(Mexico) ou de bière (Monterrey ou Orizaba). Toutefois, la
réduction des coûts de transport permet également une
large confrontation entre les différents marchés locaux, qui
a finalement raison des douanes intérieures. C'est un
élément de plus qui explique la suppression des Alcabalas
et la consolidation du marché intérieur. Enfin, le fait que le
marché s'élargisse vers l'extérieur, tandis que les échanges
s'intensifient en suivant les voies ferrées (dès 1884, vers les
Etats-Unis), pose à nouveau le problème de
l'interdépendance : à quel point l'intégration de l'économie stimulée par les chemins de fer- répond-elle aux besoins
intérieurs ou à la demande extérieure ? Les voies ferrées
ont-elles contribué à réussir « la conquête pacifique »,
comme le voulait le général Rosecrans, à accroître la
dépendance, comme l'affirmeront les révolutionnaires ou à
instituer un nouveau « pacte colonial », comme le
soutiennent les historiens ?
Parmi les effets induits par l'établissement du chemin de
fer, citons encore la mise en valeur de la terre, son
occupation et la nécessité de définir un régime moderne de
propriété. La construction des lignes fait monter les prix
des terrains et accélère l'appropriation des terres, « à une
échelle -écrit Coatsworth- jamais connue depuis la
conquête espagnole » 1. Les millions d'hectares de terres
échangés, les milliers de titres de mines délivrés et la
réforme de la propriété sont autant d'éléments qui
conduisent à instaurer un système de grands domaines :
l'alliance avec les « seigneurs de la terre » et les sociétés
1
J. Coatsworth, « El impacto económico », op. cit., p.205.
Les conditions du progrès /49
minières, piliers du régime, a ici un fondement structurel. Il
convient également de souligner les conséquences sociales
et politiques de la « révolution ferroviaire » : unification du
pays, légitimation du régime, paix sociale. D'une part, le
chemin de fer apporte un progrès matériel, un certain bienêtre, qui démontre le bien-fondé du projet économique et
légitime les élites gouvernementales 1. D'autre part, il
contribue au déplacement de la population, au peuplement
des Etats du Nord et au contrôle militaire du territoire
(rapidité de mouvement des troupes). Ces deux aspects
expliquent en partie le maintien de la paix sociale. Comme
l'affirme José C. Valadés, « la politique de la carotte et du
bâton (« pan y palo ») n'a pas garanti la paix pendant trente
ans, ce fut l'unité d'un Etat national -à laquelle les chemins
de fer et le télégraphe ont contribué- qui a rendu possible la
tranquillité et l'ordre » 2. Enfin, la mise en valeur de la
terre, qui donne des garanties aux investisseurs (notamment
dans les mines), et le développement économique (épargne
sociale, accélération des échanges, élargissement des
marchés, réinvestissement des profits), consécutifs à l'essor
du chemin de fer, créent davantage de richesse et de
capital, qui facilitent le crédit. Toutes ces conditions, nous
le verrons plus loin, ont une incidence primordiale sur la
formation d'un secteur financier national.
Cette brève analyse ne rend pas compte, cependant, de
la manière dont l'innovation technologique est assimilée
par la société (dans l'espace, dans le temps et dans les
mentalités), ni des effets pervers qu'elle entraîne (accidents
meurtriers, faillites des entreprises, déséquilibres
régionaux, conflits sociaux...). Nous nous contenterons ici
1
F. Madero écrit ainsi : « La Nation, bercée par le bruit des sifflets du vapeur,
éblouie par les multiples et admirables applications de l'électricité, entièrement
occupée au développement économique, confiante dans la parole du Caudillo, n'a
pas voulu s'occuper de la chose publique » (op. cit., p.155).
2 J.C. Valadés, El porfiriato, p.350.
50 / L’autre dictature
de souligner certains problèmes financiers survenus lors
des dernières années de l'administration de Manuel
González et des premières années de celle de Díaz,
problèmes qui vont engendrer une transformation
structurelle majeure. Durant cette période -exceptionnellela politique strictement libérale porte ses premiers fruits et
le nombre de kilomètres de voies ferrées construits est le
plus important de la période (les rails unissent les
économies du Mexique et des Etats-Unis). Entre 1880 et
1884, les compagnies ferroviaires posent ainsi plus de
4 500 kilomètres de rails 1. Cette fièvre du chemin de fer et
des travaux publics amplifie la ruée vers la terre (dans les
Etats de Sonora, Sinaloa, Chihuahua, Durango...) ainsi que
les conflits avec les paysans et les indiens (guerre du
Yaqui) 2. Surtout, elle « réchauffe l'économie ». Des
capitaux arrivent en masse, des milliers de travailleurs sont
embauchés, la consommation intérieure et l'achat des biens
manufacturés croissent, de même que les importations et
les revenus douaniers, pour le plus grand profit du Trésor.
Si, durant deux ans, le pays connaît un climat de confiance
et de prospérité sans précédent 3, une crise « mercantile et
1
Outre les lignes Guaymas-Nogales (1882) et Mexico-Ciudad Juárez (1884), on
entreprend la réalisation d'autres lignes importantes dans le centre du pays, parmi
lesquelles la ligne San Luis-Tampico. Le consul français à Tampico écrit à ce
propos : « les travaux du chemin de fer de Tampico à San Luis vont, dit-on,
commencer en octobre prochain. Ce chemin de fer est tout l'espoir de Tampico,
qui pourra alors reprendre le rôle important qu'il avait avant la création du chemin
de fer de Vera Cruz » (AMAE/CCC, Tampico, V.3, G. Petit, consul à Tampico, à
MAE, 20 avril 1881).
2 Entre 1880 et 1884, le nombre d'hectares de terres en friche vendues est le plus
élevé de la période, de même que celui des conflits agraires. Entre 1877 (date de
la signature des concessions) et 1884 (achèvement des principaux travaux), on
dénombre, à proximité des lignes (de 5 à 200 kilomètres), 55 conflits, liés aux
usurpations de terres, plus ou moins graves. On compte ainsi 16 révoltes et 4
répressions par les troupes gouvernementales, sans parler des guerres proprement
dites. Voir J. Coatsworth, El impacto económico..., tableaux A-III et A-IV.
3 Les travaux, écrit l'ambassadeur de France, « ont eu pour conséquence
immédiate l'importation d'environ 31 millions de dollars américains, qui ont été
dépensés à l'intérieur du Mexique [...]. [Ceci est] la cause première du
développement subit des transactions commerciales et de l'augmentation des
Les conditions du progrès /51
financière » (1883-1886), également sans précédent,
interrompt ce processus dès la fin des grands travaux. « La
déception a été d'autant plus sensible -écrit le consul
français à Tampico- que l'illusion avait été grande » 1.
Il s'agit d'une crise de croissance, « un malaise
momentané -commente l'ambassadeur de France au
Mexique- qui se manifeste toujours dans les époques de
transition, quand les progrès se font avec trop de
brusquerie » 2. L'arrivée des investissements et la
disponibilité des capitaux ont fait baisser les taux d'intérêts,
facilité le crédit chez les commerçants et entraîné une
fièvre d'achats et de commandes à l'étranger. En revanche,
l'arrêt des travaux, qui provoque la fin des investissements,
réduit au chômage des milliers de personnes et paralyse les
ventes, marque aussi le début d'un flux d'argent liquide vers
l'étranger (subventions, équipement, profits) qui draine le
stock monétaire, vide les caisses du Trésor et stoppe les
échanges commerciaux. L'économie est bloquée 3. Le
consul français à Tampico écrit ainsi :
« Cette situation est due à l'engouement dont les
Mexicains ont été pris pour les grandes entreprises
anonymes par actions ; à l'idée exagérée qu'ils s'étaient
faite des ressources actuelles du Mexique ; à des
subventions trop facilement accordées, qui ont engagé
75 % des revenus du pays ; à la dépréciation de l'argent ; à
la malversation des deniers de l'Etat... En quelques mois,
12 300 kilomètres ont été cédés à 8 compagnies de
revenus qui en est résultée » (AMAE/CP V72, lettre de G. de Coutouly à MAE,
15 octobre 1884).
1 AMAE/CCC, Tampico, V.4, lettre de G. Petit à MAE, 1er mai 1885.
2 AMAE, CP V72, lettre de G. de Coutouly à MAE, 8 avril 1883.
3 Le consul français à Veracruz, principal port commercial du pays, témoigne :
« Le Gouvernement mexicain [...] traverse actuellement une crise financière dont
le commerce ressent le contrecoup. Les transactions languissent ou sont à peu
près nulles et ne reprendront point d'ailleurs tant que la grande agglomération de
marchandises existantes ne se sera point écoulée ». Voir AMF/B31.313, pièce
509, lettre du vice-consul de France à Veracruz, E. Sempé, à MAE, 16 août 1883.
Pour surmonter la crise fiscale qui étouffe l’État, en 1875, Matias Romero
propose la création d’un impôt sur la consommation de marchandises, le
Timbre. Malgré les réticences qu’expriment les commerçants et les
consommateurs, peu à peu l’impôt est instauré. En 1884, sa mise en
vigueur provoque de graves tensions entre commerçants et gouvernement.
A partir de 1892, il s’étend à d’autres produits, et deux ans plus tard, il
rapporte presque 40% des recettes de l’État. C’est ainsi que le coût de la
politique fiscal se répercute sur le consommateur. Observons Romero en
train de charger le commerce.
El Hijo del Ahuizote, 21 août 1892.
Les conditions du progrès /53
chemins de fer, à raison de 47 500 francs de subvention
par kilomètre construit. D'autres subventions ont été
accordées à plusieurs sociétés de bateaux à vapeur. En
outre, l'Etat s'est engagé à payer 60 millions de francs à
une entreprise pour les travaux du port de Vera Cruz... » 1
Afin de couvrir ces dépenses, le gouvernement tente de
généraliser l'impôt du Timbre, provoquant la vague de
grèves et de mécontentement. De plus, il verse aux
compagnies ferroviaires plus de 80 % des recettes fédérales
(85 % des revenus douaniers, la totalité des contributions
du District fédéral et des revenus de la Loterie nationale).
Or, les 20 % restants ne suffisent pas à couvrir les dépenses
ordinaires de l'Etat 2. De leur côté, les compagnies de
chemin de fer exigent les subventions promises, soit
environ 70 % du coût d'installation des rails 3. Le déficit
budgétaire est alors multiplié par trois et le Trésor se trouve
dans l'impossibilité de payer 4. L'Etat traverse ainsi la crise
fiscale la plus aiguë de la période, qui s'accompagne du
discrédit et de la banqueroute financière du gouvernement.
Ces causes structurelles expliquent les accusations et le
procès législatif contre l'administration González,
mentionnés plus haut.
La crise de 1884 dévoile également la faiblesse du
système financier et un problème général de l'économie
auquel aucun gouvernement n'a pu apporter de solution : le
manque de liquidités et l'absence de crédit public. Porfirio
Díaz, réputé administrateur honnête, applique alors un
programme draconien d'économies budgétaires et de
réformes fiscales (loi du Timbre). Pour la première fois
depuis l'intervention française, le pays décrète la
1
2
3
AMAE/CCC, Tampico, V.4, lettre de G. Petit à MAE, 1er mai 1885.
Voir MH 1883-1884, pp.LXX-LXXVI.
C'est une moyenne calculée sur plusieurs compagnies. Voir J.C. Valadés, El
porfiriato, pp.355-357.
4 Voir MH 1884-1885, pp.7-9.
54 / L’autre dictature
suspension des paiements et propose la renégociation de la
dette publique (décret du 22 juin 1885) 1. Le décret ouvre
les négociations avec les créanciers et devient, écrit Pablo
Macedo, « la pierre d'achoppement de l'édifice de notre
crédit public » 2. Ce crédit public, que Juárez et Lerdo n'ont
pu mettre en place et que l'administration discréditée de
Manuel González n'a pas été en mesure d'achever, sera
l'oeuvre du général Díaz, qui va permettre une véritable
révolution financière.
1
Le décret stipule qu'à partir du 22 juin, « les contributions en vigueur seront
payées en numéraire ou en billets de la Banque Nationale ; les ordres de paiement
ont été, en même temps, rapportés jusqu'au jour où il aura été possible de
déterminer le moyen de les couvrir ». Voir AMF/B31.313, pièce 505, lettre de E.
Sempé, ambassadeur de France au Mexique, à MAE.
2 P. Macedo, Tres monografías, p.443.
L’HEGEMONIE DES FINANCIERS
Avec la fondation de la Banque Nationale du Mexique, en 1881-1884, le
gouvernement crée un tremplin en matière de crédit pour l’économie et
trouve un moyen d’obtenir de l’argent et de pallier la crise fiscale qui
l’étouffe. En échange, elle obtient un quasi-monopole dans l’émission de
billets et le gouvernement accepte l’obligation de la consulter pour tous les
futurs emprunts. Observons les bourses d’argent que défend le chien de la
Banque Nationale du Mexique, qui attrape dans sa gueule le nouvel emprunt
de trois millions. Matias Romero dénonce ici cet abus considérable…
El Hijo del Ahuizote, 9 octobre 1892.
La révolution ferroviaire est complétée par la révolution
financière. En effet, la masse des investissements dans les
chemins de fer nécessite des réseaux de circulation de l'argent
et des garanties de l'Etat, pour lesquels des banques sont alors
créées. Celles-ci contribuent à la modernité car elles
parviennent à atténuer la crise fiscale et à amener des
liquidités pour les dépenses. Puis, une fois acquis le surplus
budgétaire, les banques se tournent vers les affaires. La
politique du gouvernement aboutit, grâce à la participation
des nouveaux investisseurs (nationaux et étrangers) et à la
nouvelle distribution des dépenses.
La naissance des banques coïncide avec une conjoncture
favorable à l'exportation de capital des grandes puissances et
à la création de grands monopoles. Elle mène aussi à la
création d'un puissant groupe de financiers nationaux,
agissant sur l’économie et les finances publiques. Toutefois,
afin de s’installer, les financiers de la Banque Nationale du
Mexique exigent des privilèges qui bloquent la concurrence.
Le gouvernement ne parvient pas à se défaire de ce joug,
jusqu’au développement d’une nouvelle stratégie. Les
Científicos conduisent alors la formation d’un groupe de
financiers nationaux qui va, en fait, établir un pont entre
l'offre internationale et la demande mexicaine. Dans ce but,
58 / L’autre dictature
ce groupe de financiers pousse au développement des
institutions de crédit, nécessaires à la gestion des
investissements, et influence directement la nouvelle
politique monétaire et de crédit du régime.
1. La révolution financière (1884 - 1896)
La révolution financière est la seconde révolution
économique du porfiriat, sans aucun doute la plus
« moderne » par ses mécanismes et ses effets. Le financement
des chemins de fer et du développement économique
nécessite, non seulement une importante concentration de
capitaux (provenant principalement de l'extérieur), mais aussi
un système monétaire et bancaire capable de canaliser les
investissements, de transférer les subventions aux
compagnies de travaux publics, de concentrer l'épargne, de
faciliter le crédit privé et surtout public, tout un processus
encouragé par la politique fiscale et par les dépenses
publiques. Cependant, la crise de 1883-1886 révèle les
déficiences de ce système et accélère sa transformation. Le
manque d'élasticité monétaire et l'épuisement des crédits sont
précisément deux composantes de cette crise. En effet, si les
grands travaux ont accru la richesse et réactivé l'économie,
cette croissance reste plus rapide que celle des instruments
monétaires. En d'autres termes, la masse d'argent ne
correspond pas aux nouveaux besoins de la croissance
économique. Un déséquilibre qui est amplifié par deux
obstacles propres au système monétaire : la dépendance du
stock monétaire vis-à-vis des exportations d'argent 1 et
1
Rappelons qu'il est alors défendu d'exporter les métaux précieux non monnayés :
« A chaque exportation d'argent -dit Romero- on craint une crise financière » (M.
Romero, Iniciativas..., 1868, p.86).
L’hegemonie des Financiers / 59
l'absence de monnaie fiduciaire capable de compenser le
manque de monnaie métallique 1.
Ces difficultés structurelles vont de pair avec les énormes
dépenses fédérales, le manque de crédit public 2 et, surtout, la
naissance, en 1882, des banques nationales. C'est ainsi que,
vers la fin des années 1870, en vue des grands travaux
publics, se renforce l'idée d'encourager « l'établissement d'une
banque nationale, ici où ces institutions ne sont pas
connues » 3. Certes, il y a bien la succursale de la London
Bank of Mexico and South America, le Mont-de-Piété et trois
petites banques régionales dans le Chihuahua 4, mais leurs
activités sont restreintes. En 1881, deux banques nationales
s'organisent : la Banque Nationale Mexicaine (succursale de
la Banque Franco-Egyptienne) et la Banque Mercantile
Mexicaine (animée principalement par des maisons de
commerce). La concurrence entre les banques fait baisser le
prix de l'argent ; le taux d'intérêt passe de 12 % à 10 %, et
même à 8 %. Le pays vit à crédit deux années de
« prospérité »... C'est dans ce climat inflationniste que le
gouvernement, cherchant des ressources et voulant faciliter
les petits échanges, décrète en 1882 l'émission de quatre
1
En 1882, par exemple, la part des billets dans la circulation de monnaie représente
à peine 4 % de l'ensemble (les 96 % restants sont des pièces d'argent). Voir F.
Rosenzweig, HMM-PVE, « Moneda y Bancos », p.823.
2 Il est ainsi fréquent de lire dans la littérature politique de l'époque que « l'homme
d'affaires le plus humble bénéficie de plus de crédit que le gouvernement ». Voir M.
Romero, Exposición..., 1870, p.16.
3 Tomás Mendoza, El porvenir de México a la luz de sus cuestiones financieras
(1879), pp.27-28. Mendoza souligne l'importance de créer une banque d'Etat, une
idée que quelques députés préconisent aussi au Congrès. A plusieurs reprises, les
intellectuels débattent des modalités du développement d'institutions bancaires. En
1880, par exemple, le député Buenrostro fait l'apologie de « la nouvelle école » qui
prévoit d'élaborer le budget en fonction de la disponibilité du crédit public (DDCD
1880, séance du 17 mai, p.413).
4 Celles-ci sont animées par des capitalistes nord-américains et mexicains liés aux
affaires minières. Ce sont la Banque de Santa Eulalia, fondée en 1875 par F.
MacManus (membre de la Compagnie du Chemin de fer de Sonora), la Banque
Mexicaine de Chihuahua (1878), liée au gouverneur de l'Etat, Luis Terrasas, et la
Banque Minière de Chihuahua (1882), fondée par Henri Müller, fermier de l'Hôtel
des monnaies de Chihuahua.
60 / L’autre dictature
millions de pesos en monnaie de nickel 1. Mais cette mesure
ne répond pas aux besoins du Trésor et accroît, de plus,
l'inflation. La dépréciation de la monnaie de nickel est telle
(jusqu'à 60 %) que les commerçants ne proposent plus leurs
marchandises qu'à deux prix différents (en argent et en
nickel), au détriment des classes pauvres rémunérées en
monnaies de nickel 2. Mais, lorsque le ministre des Finances
tente d'obliger les commerçants à respecter la valeur
fiduciaire du nickel, il se heurte à une farouche opposition. Le
21 décembre 1883, la capitale et divers grandes villes du pays
connaissent ainsi une longue journée d'émeute. A Mexico, les
marchés sont saccagés et le général Manuel González, pris à
partie par la foule sur le marché « El Volador », décrète le
soir même la démonétisation du nickel 3. En fait, cette
décision aggrave la crise fiscale et l'agitation sociale, déjà
avivée par la nouvelle loi d'extension de l'impôt du Timbre 4.
Les maladresses de la politique monétaire rejaillissent sur
les institutions bancaires et nuisent aux banques nationales.
Celles-ci ne veulent plus accorder de crédit à une
administration finissante, tandis que leurs nouveaux billets
sont affaiblis par la crise du nickel. Pourtant, tenu de verser
les subventions aux sociétés ferroviaires, le général de la
Peña exige et obtient encore du crédit 5. C'est alors qu'une
grave crise bancaire éclate. Le lundi 29 avril 1884, en effet,
certains journaux répandent le bruit que le Mont-de-Piété a
été « victime d'un emprunt forcé du gouvernement » 6 et que
1
Soit 40 millions de pièces de 5 centavos, plus de 50 millions de pièces de 2
centavos et près de 100 millions de pièces de 1 centavo. Voir P. Gloner, Les
finances..., p.542.
2 Voir El Correo de las doce, 21 décembre 1883.
3 Voir El Diario del hogar, 21 et 23 décembre 1883.
4 Voir MH 1883-1884, pp.LXXVI et suiv., et F. Rosenzweig, « Moneda y bancos »,
HMM-PVE, p.798.
5 Pour démonétiser le nickel, le gouvernement obtient deux emprunts, l'un de 5,7
millions de pesos (29 décembre 1883), auprès de la Banque Nationale Mexicaine, et
l'autre de 1,3 millions (22 février 1884), auprès des banques Nationale, Mercantile et
Mont-de-Piété.
6 Diario del hogar, 30 avril 1884.
L’hegemonie des Financiers / 61
nombre de personnes se sont rendues aux guichets de la
banque pour réclamer leurs dépôts confidentiels. Aussitôt, la
clientèle afflue au Mont-de-Piété pour exiger de l'argent
contre les billets 1 ; une scène qui se renouvelle deux jours
durant. Le jeudi matin, après avoir tenté d'obtenir du liquide
auprès des autres banques (une partie de ses valeurs n'étant
réalisable qu'à long terme), le Mont-de-Piété, la plus
populaire et la plus ancienne des banques, doit suspendre tout
paiement 2. La stupéfaction est générale, rapporte
l'ambassadeur de France, qui écrit au Quai d'Orsay :
« Il fallut pourtant bientôt se rendre à l'évidence et il s'est
produit un de ces mouvements qui entraînent souvent les
foules à des résolutions déraisonnables. Tout le papier
monnaie existant à Mexico perdit en un moment sa valeur
aux yeux du public et la population se presse depuis trois
jours devant les grilles des trois grandes banques pour y
demander de l'argent en échange des « chiffons » dont elle
ne veut plus. Ce « run », comme on dit en argot financier, ne
produira pas de nouveaux désastres, parce que les banques
étaient prêtes, et que la « Nationale », pour ne parler que de
la plus importante, possédait dans ses caves plus d'espèces
qu'il n'en faudrait pour rembourser toute son émission. » 3
La version officielle soutient que le gouvernement est
intervenu pour porter « secours » au Mont-de-Piété « en
acceptant ses billets en paiement de 20 % des impôts » 4. De
même, les deux nouvelles banques (Nationale Mexicaine et
Mercantile Mexicaine) auraient apporté leur aide en acceptant
1
2
Voir La Voz de España, 1er mai 1884.
Quelques sources affirment que les banques se sont portées au secours du Mont-dePiété. En fait, seule la Banque Hypothécaire a prêté un million de pesos le 4 mai,
bien tardivement. Ce manque de solidarité le jour du « run » est dénoncé par divers
journaux, tels El Hijo del trabajo, du 4 mai 1884, qui critique le directeur du Montde-Piété, ou El Diario del hogar, du 6 mai 1884.
3 AMAE, CP V72, lettre de G. de Coutouly à MAE, 2 mai 1884.
4 Cette version est celle du général de la Peña. Voir son MH 1883-1884, p.LXXXIX.
p.LXXXIX.
62 / L’autre dictature
également les billets du Mont-de-Piété. Elles sont d'ailleurs
« invitées par le gouvernement » à fusionner, pour mettre fin
à la concurrence et créer la Banque Nationale du Mexique
(BNM) 1. C'est dans ces conditions que serait née l'institution
qui va devenir la caissière du Trésor, la banque privée la plus
importante et la plus puissante du pays. La création de la
BNM ne serait que la conséquence « naturelle » des crises
bancaire et fiscale, selon une évolution logique et inévitable.
Qu'en est-il des causes de la faillite du Mont-de-Piété et
des solutions apportées aux besoins financiers de l'économie
et de l'Etat (types d'institutions de crédit et régime d'émission
monétaire) ? Le nouveau secteur bancaire, véritable nerf de
l'élan économique du porfiriat, est bien l'un des piliers du
régime. C'est pourquoi les alliances entre élites financières et
politiques sont des éléments indissociables des pratiques du
pouvoir et marquent une des limites du régime. Les deux
faces (technique et politique) du problème financier sont
étroitement mêlées. Il est possible de les mettre en évidence
en examinant l'évolution de la politique gouvernementale
(fiscalité, budget, monnaie, crédit et banque), ainsi que les
rapports qu'elle implique avec les créanciers et les financiers.
Dès 1868, Matías Romero a identifié l'aspect technique du
problème (manque d'argent) en le qualifiant de « question du
crédit national » car, selon lui, monnaie, banque et crédit font
partie d'une même politique. Ainsi, par exemple, la
reconnaissance de la dette publique (interne, flottante et
externe) et sa consolidation « sous un même type de titres,
avec un même intérêt et un même service » 2, ont le double
objet de rétablir les rapports avec les créanciers (marchands et
banquiers) et de créer des moyens monétaires en accordant
1
Les avocats des banques, Pablo Macedo et Sánchez Gavito, sont les premiers à
évoquer de cette manière cet épisode. Par la suite, cette version est alimentée, au
Mexique, par Díaz Dufóo et J.D. Casasús, en France, par Leroy-Beaulieu et Viollet,
puis, dans l'historiographie économique récente, par F. Rosenzweig, J.L. Cepeda
Dovala ou L. Ludlow.
2 M. Romero, Noticias..., p.17.
L’hegemonie des Financiers / 63
aux titres publics un pouvoir libérateur pour le paiement des
impôts ou des biens nationaux 1. Les idées de Romero
dépassent donc la pensée des pères du libéralisme mexicain.
Il veut, non seulement faire circuler la richesse, mais aussi
créer des moyens monétaires pour accélérer sa circulation.
Romero s'engage ainsi dans la voie ouverte par d'autres
puissances. Il déclare :
« En Angleterre et aux Etats-Unis une quantité de monnaie
insignifiante est en circulation, et dans presque toutes les
opérations qui se font dans ces pays la monnaie métallique
n'intervient presque pas. » 2
Pour Romero, la monnaie fiduciaire est la solution. Aussi
fait-il d'autres propositions nouvelles : rendre obligatoire
l'emploi des « lettres de change dans toute transaction
commerciale à terme » 3 et émettre dix-huit millions de pesos
en bons du Trésor. D'après cette dernière initiative, le fisc
pourrait, afin d'honorer les dépenses décrétées par le Congrès,
utiliser chaque mois un douzième des titres émis. De plus,
ceux-ci seraient acceptés en paiement des impôts par tous les
bureaux fédéraux du pays et auraient cours forcé parmi les
créditeurs 4. En fait, les bons du Trésor sont conçus comme
des sortes de billets de banque, pouvant devenir monnaie de
réserve garantie par l'Etat 5, voire l'assise des banques. C'est
d'ailleurs ce que Romero expose aux députés : « si
l'expérience réussit -dit-il-, nous aurons fait le premier pas
vers la création d'une banque nationale ou d'un système
1
Voir le débat et la loi qui ordonne d'accepter les bons de la dette consolidée dans
les opérations fiscales, DDCD, 1872, séance du 19 septembre, pp.29-30.
2 M. Romero, MH 1870, p.1016.
3 Ibid., p.1017.
4 Voir M. Romero, Iniciativas..., 1869, pp.86-87.
5 Ces billets pourraient garantir les lettres de change propres au commerce.
Face à la crise fiscale qui étouffe le Trésor, le gouvernement n’a pas d’autre
alternative que de renégocier ses dettes. Depuis 1867, l’administration de
Juarez s’engage à reconnaître ses dettes, à négocier leur montant et à donner
confiance aux prêteurs. Dans la caricature de Villasana, on observe Matias
Romero, ministre des Finances, qui porte le ministre des Travaux Publics
pour le jeter au monstre de la Dette publique, dit basilisco. Les bureaucrates,
les veuves retraitées et les militaires attendent leur tour.
La Orquesta, 2 juillet 1870.
L’hegemonie des Financiers / 65
de banques de personnes privées dans la République » 1. Il
songe certainement au modèle des banques nord-américaines,
mais cette idée, comme d'autres que nous lui connaissons, est
encore trop en avance pour ses contemporains. Il faudra
attendre les années 1880 pour qu'elle soit mise en pratique.
Romero lui-même l'abandonne afin de faire passer les lois sur
l'unification des dettes et l'utilisation des lettres de change 2. Il
reste qu'il a abordé, sans les développer, les questions clés de
la politique financière : le choix entre banque publique ou
privée, entre liberté d'émission ou monopole, entre cours
légal, libre ou forcé 3.
Pour l'heure, la mise en attente du projet est justifiée car,
avant de développer les moyens monétaires, il faut d'abord
retrouver le crédit. La création de la monnaie fiduciaire ne
dépend pas seulement de la volonté politique mais aussi de la
confiance du public. Les lettres de change, par exemple, ont
une valeur proportionnelle au poids économique et moral du
signataire, ainsi qu'aux pratiques et usages des places
commerciales. Elles traduisent la solvabilité de l'acteur
économique. Avec un taux d'escompte variable (de 8 % à
20 %), ces lettres (utilisées principalement par les grandes
maisons et par les courtiers) sont acceptées sans aucune
difficulté dans le commerce d'import-export et se généralisent
sur le marché intérieur. En revanche, les bons du Trésor et les
certificats de la dette ne connaissent pas la même fortune.
Sans une solide base institutionnelle, la paix sociale et la
solvabilité, ils n'ont que peu de valeur. C'est pourquoi
Romero préconise « le paiement scrupuleux des engagements
gouvernementaux » comme principe de conduite budgétaire.
Il déclare ainsi :
1
2
M. Romero, Iniciativas..., p.85.
En 1870, Romero retire son projet d'émission de billets du Trésor et lui substitue
celui des lettres de change. Voir MH 1870, p.1016.
3 Voir le long article sur la question des banques et les propositions de Romero dans
El Siglo XIX, 19 septembre 1869.
66 / L’autre dictature
« A quoi sert de renégocier la dette, d'émettre des titres et de
leur accorder des intérêts de 7 % à 8 %, si nous ne pouvons
pas payer la première mensualité ? Le résultat serait le
discrédit de la Nation. » 1
Tous les gouvernements de cette période observent
religieusement la recommandation de Romero et transfèrent
aux créanciers de l'Etat une partie des revenus fiscaux. Seules
varient les modalités de la reconnaissance des dettes et le
montant de leur service, ainsi que l'illustre le tableau
suivant 2 :
Tableau 4 SERVICE DE LA DETTE PUBLIQUE (1867-1911)
(milliers de pesos déflationés, 1877-1892 = 100)
Périodes Service dette
(moyennes par an)
1867-1872
1873-1876
1877-1880
1881-1884
1885-1895
1896-1911
1 828
815
918
7 931
17 671
13 319
% du budget
fédéral
9,4
2,0
5,5
22,6
41,2
32,4
Présidents
Benito Juárez
Lerdo de Tejada
Porfirio Díaz
Manuel González
Porfirio Díaz
Porfirio Díaz
Sources : MH 1868-1869, El Erario federal et Cuentas del tesoro.
Malgré le coût de la réorganisation administrative, le
gouvernement de Juárez consacre un important budget à la
1
2
M. Romero, Iniciativas..., p.93.
Le processus, long et complexe, de la conquête du crédit dépasse notre propos.
Pour une étude plus complète, voir J. Pérez Siller, « Deuda y consolidación del
poder en México : 1867-1896, Bases para la modernidad porfirista », Ensayos,
pp.38-59.
L’hegemonie des Financiers / 67
dette. On sait que, par la suite, ce dernier est principalement
consacré à la pacification du pays. Il faut attendre 1882 pour
voir le service de la dette s'accroître considérablement. La
tendance s'inverse alors, à un point tel que ce service
représente plus de 40 % du budget fédéral. Durant les années
1880, les subventions ferroviaires contraignent en effet l'Etat
à emprunter -d'abord à l'intérieur du pays, puis à l'extérieur- et
à augmenter en conséquence le service de la dette. Ce faisant,
le gouvernement s'ouvre les portes du crédit extérieur, liquide
les créances internes et parvient à équilibrer les finances. Dès
1895, le Trésor exporte ainsi un tiers des revenus fiscaux
pour le service de la dette. Ce renversement de tendance n'est
pas sans conséquences économiques et sociales. Il convient
d'en suivre le déroulement.
Après leur victoire, les républicains, ne pouvant imposer
de réparations à la France, pénalisent les créanciers de
Maximilien et s'appuient sur les créanciers « patriotes ». On
sait que les gouvernements de Juárez et de Lerdo se refusent à
reconnaître les créances de l'Empire et des collaborateurs. La
Section de liquidation, créée par la loi du 20 novembre
1867 1, ne reconnaît alors que 97 millions des 462 millions de
pesos réclamés 2, dette dont le service représente 9 % du
budget fédéral. De plus, une partie de la dette intérieure est
convertie en certificats négociables, acceptés en paiement des
terres en friche, des biens nationaux ou des impôts 3. Certes,
en achetant des biens fonciers, les créanciers réalisent de très
gros bénéfices, tandis que les effets sont positifs pour le crédit
interne et pour la création d'une monnaie scripturale. En
revanche, le rejet des créances des collaborateurs et de la
1
2
Voir MH 1870, pp.906-919.
A la suite de négociations, la dette républicaine est réduite de 12 à 2 millions, la
dette consolidée de 76 à 2 millions, tandis que l'ancienne dette anglaise (70 millions)
est reconnue et l'ensemble des dettes contractées par l'Empire (la « dette
Maximilienne », 282 millions) rejeté. Voir J. Pérez Siller, « Deuda y
consolidación... », tableau, note 7, p.55.
3 Voir MH 1870-1871, pp.53-58.
68 / L’autre dictature
dette de l'Empire affectent la confiance et mettent un frein à
la reprise du crédit extérieur 1. Quant à l'administration de
Lerdo de Tejada, elle bénéficie du concours des marchandsbanquiers et des « nationalistes », mais elle ne peut rétablir la
confiance, une grande partie du budget étant employée pour
faire face à l'opposition (hostilité des anciens fermiers des
Hôtels de frappe, des compagnies de chemins de fer, des
autorités ecclésiastiques) et pour combattre le soulèvement de
Tuxtepec. C'est ainsi que, durant l'année de guerre civile
contre Díaz, la dette interne double (elle passe de 21 à 40
millions de pesos) et son service est réduit au niveau le plus
bas de la période. Une fois encore, le crédit et la valeur des
titres publics chutent.
En 1876, Díaz reprend le projet de Romero d'ouvrir
« l'inépuisable trésor du crédit » et entreprend de rétablir la
confiance. Dans ce but, Romero reconnaît les bons émis par
la Section de liquidation (8,6 millions de pesos 2), ainsi que
les créanciers des soulèvements de la Noria, de Tuxtepec et
de l'administration Lerdo 3. Puis il relance le projet de
consolidation de la dette nationale (en titres négociables 4) et
augmente son service. Enfin, il fait également des
propositions pour renégocier et convertir la dette extérieure,
ce qui ne sera possible qu'après la reprise des relations
diplomatiques avec la France (1880) et l'Angleterre (1884) et,
1
Notamment à l'ouverture du marché français (Bourse de Paris) aux valeurs d'Etat
mexicaines. En effet, malgré la signature d'un accord entre les ministres
plénipotentiaires français et mexicain, dans lequel les deux parties s'engagent à
« n'enlever et ne soutenir aucune réclamation basée sur des faits antérieurs à la
reprise des relations », le gouvernement français refuse d'autoriser la cotation des
valeurs d'Etat mexicaines avant le règlement du contentieux avec la Société des bons
Maximilien, dits « Petits Bleus ». Ce qui est chose faite en 1904. Voir AMF/31.313,
pièces 441-446.
2 MH 1876-1877, parag.305.
3 Voir « reclamaciones por créditos contraidos durante la administración del Sr.
Lerdo de Tejada, durante la revolución de la Noria y la de Tuxtepec », MH 18791880, pp.73-77.
4 D'après le projet, ces titres ont un intérêt de 3 % et sont acceptés en paiement des
terres en friche, de bons du chemin de fer de Veracruz ou de la moitié des droits
d'exportation. Voir MH 1877-1878, parag.411- 412 et document 3, pp.239-241.
L’hegemonie des Financiers / 69
surtout, après la renégociation de l'ancienne dette anglaise
(1886-1888) 1. Avec de telles initiatives, Romero espère
séduire l'épargne intérieure et les créditeurs étrangers. Mais
certains créanciers ne l'entendent pas ainsi car le ministre
refuse toujours d'endosser les dettes contractées par l'Empire.
Díaz change d'attitude dans la dernière année de son
administration. Il nomme une Junte de crédit chargée
d'étudier le dossier 2, composée de porfiristes (Justo Benítez
et José H. Ramírez), du porte-parole des créanciers (Antonio
de Mier y Celis) et d'anciens ministres de l'Empire (Martín
del Castillo y Cos et Pedro Escudero y Echanove 3). Par cette
démarche, « Don Porfirio » fait un pas décisif vers l'ouverture
du crédit et inaugure une politique de conciliation entre
libéraux et conservateurs, politique qu'il applique à partir de
sa seconde présidence et qui deviendra le fondement du
régime 4.
Les conclusions de cette Junte sont de première
importance. Dans son rapport, le président de Mier y Celis
reprend les principes fixés par Romero et consigne deux
éléments nouveaux, à savoir la priorité du service de la dette
(« il doit passer, si nécessaire, avant d'autres dépenses, même
urgentes ») et la reconnaissance des créances des
1
En 1878 et 1879, Romero fait des propositions de reconnaissance de la dette
anglaise auprès des créanciers. Voir MH 1878-1879.
2 La Junte est nommée le 8 juin 1880. Le 15 juillet, sur la demande de A. de Mier y
Celis, on y ajoute Bonifacio Gutiérrez, ancien employé de la Section de dette
publique du Trésor. Voir MH 1879-1880, p.45.
3 Antonio de Mier y Celis est un riche financier conservateur, lié aux créanciers.
Martín del Castillo y Cos, propriétaire de la maison Cos Castillo y Cia de Veracrúz,
ancien ministre des Affaires étrangères et des Finances, membre de la maison
impériale, qui a accompagné l'impératrice Charlotte dans son voyage de retour.
Pedro Escudero y Echanove, a été ministre de la Justice de Maximilien. En 1877,
tous trois ont participé, aux côtés de Limantour, à une commission qui a refusé un
traité commercial avec les Etats-Unis.
4 L'historiographie évoque cette politique de « conciliation » en parlant de
rapprochement entre certains libéraux, conservateurs et surtout des membres de
l'Eglise (l'évêque Guillow), ainsi que de la nomination de diverses personnalités à
des postes politiques. Il nous semble, pour notre part, que cette politique a pour base
des intérêts communs entre les parties, intérêts financiers notamment.
70 / L’autre dictature
collaborateurs de l'Empire 1. Il est clair que la consolidation
du crédit passe avant tout par le rapprochement des intérêts
car « la Nation -souligne de Mier y Celis- est la même, quelle
que soit la forme de gouvernement ». Les travaux de la Junte
aboutissent à l'augmentation sensible du budget du service de
la dette. Entre 1880 et 1890, la part de ce dernier passe ainsi
de 10 % à 60 % de l'ensemble des dépenses. Dans ces
conditions, les conservateurs et les collaborateurs de
l'Empire, ainsi que les investisseurs étrangers, hésitent moins
à ouvrir le crédit à l'Etat mexicain. La situation est propice à
la fondation d'institutions de crédit, projet auquel le
gouvernement engage ses partenaires à participer. Trois
propositions sont ici en concurrence (une banque publique et
deux privées), ce qui conduit à la crise bancaire : il faut alors
choisir entre une banque nationale publique et une banque
privée.
La première proposition émane de partisans de l'Etat fort,
libéral mais régulateur des finances, qui forment le noyau de
la bureaucratie moderne. Ceux-ci s'inspirent de l'expérience
des banques européennes et, plus précisément, des
conclusions d'une délégation mexicaine envoyée en Europe,
en 1878, afin de rétablir les relations diplomatiques et de
chercher des crédits. Parmi les délégués, Mauricio Wollheim,
inspecteur des finances, est en effet chargé de faire un rapport
sur les arrangements pratiqués par les autres nations dans les
cas de dettes difficiles à encaisser. Il doit également examiner
les systèmes d'institutions de crédit adoptés par les principaux
pays européens. Dans son rapport, Wollheim insiste sur les
avantages de la monnaie fiduciaire, notamment en GrandeBretagne, en Allemagne et en France. Il écrit :
1
« Nous ne pouvons pas fonder la consolidation du crédit -souligne de Mier- sur le
refus des obligations les plus sacrées », pour le simple fait d'avoir soumis « les
créances aux autorités de l'Empire ». On trouvera ce rapport dans le MH 1879-1880,
document n¯25, pp.47-52.
Entre 1882 et 1888, le gouvernement réussit à renégocier la dette anglaise et
à obtenir un emprunt auprès du banquier de Bismark, Bleichroëder. Avec cet
argent, il peut non seulement payer les subventions pour les compagnies
ferroviaires, mais il permet également à Diaz de se légitimer face à ses
partisans. On voit un juif, de la Banque d’Allemagne, jeter les pièces à Diaz
qui porte une marmite sans fond ; « l’amicalité ».
El Hijo del Ahuizote, abril de 1889.
72 / L’autre dictature
« Ces nations ont créé, il y a fort longtemps déjà, la monnaie
de papier, en fondant à cet effet des banques nationales,
autorisées légalement à émettre des billets sous garantie de
l'Etat et avec un fond de réserve suffisant pour satisfaire les
commandes momentanées de métallique. [...] Aujourd'hui, le
commerce préfère les billets de banque à la monnaie. Les
billets se changent au pair et, de papier-monnaie qu'ils
étaient, sont devenus monnaie de papier. » 1
Monnaie (garantie par l'Etat), banque et crédit forment, aux
yeux de cette bureaucratie moderniste, proche des
propositions de Romero et regroupée autour de Justo Benítez,
les trois feuilles du trèfle financier. Désireux de mettre ses
idées en pratique, ce groupe incite, dans un premier temps et
sans succès, le ministère des Finances à émettre des billets du
Trésor 2. Puis, il tente de faire du Mont-de-Piété une banque
d'Etat, un levier puissant du crédit public.
Le Mont-de-Piété, la plus ancienne et la plus prestigieuse
institution de crédit du pays 3, est à l'origine une institution
philanthropique de prêts sur gages (sans intérêt, à six mois). Il
est administré, depuis l'Indépendance, par le gouvernement.
En 1879, Trinidad García, alors ministre des Finances,
l'autorise à émettre des billets à ordre et à pratiquer
l'escompte 4. Puis deux décrets de 1881 lui permettent de
nouvelles opérations bancaires, dont l'émission de billets
jusqu'à neuf millions de pesos 5. Don « Trini », devenu
directeur du Mont-de-Piété (1880-1884), crée des succursales
1
2
Rapport de Mauricio Wollheim, MH 1879-1880, document 86, pp.571-580.
Lors de son passage au ministère, Trinidad García a « alarmé le pays avec son
projet sur le papier-monnaie » garanti par le Trésor. L'opposition est telle qu'il est
contraint de démissionner. Voir El Monitor republicano, 27 janvier 1880.
3 Il a été fondé en 1775 par le comte de Regla et Pedro Romero de Terreros, avec un
capital initial de 300 000 pesos.
4 Le décret du 6 septembre 1879 autorise le Mont-de-Piété à émettre des lettres de
change à vue, acceptées en escompte. Voir P. Macedo, « Banque et institutions de
crédit », op. cit., p.230, et F. Rosenzweig, « Moneda y Bancos », HMM-PVE, p.802.
5 Décrets des 11 février et 5 juillet 1881. Ces billets sont acceptés dans toutes les
officines fédérales. Voir P. Macedo, Id., et M.A. González Gómez, Cronología de
eventos monetarios, crediticios y bancarios de 1536 a 1976, p.43.
L’hegemonie des Financiers / 73
dans tout le pays 1 et passe des accords avec les autorités
régionales. En 1884, le Mont-de-Piété pratique déjà plusieurs
opérations bancaires : prêt sur gages, escompte de lettres de
change, prêt hypothécaire, dépôt d'objets précieux, dépôt
confidentiel, gages judiciaires et administratifs, caisse
d'épargne, virement de fonds et émission de billets. A propos
des billets, la publicité commerciale de l'institution
proclame :
« coupures de 1, 5, 10, 20, 50, 100, 500 et 1000 pesos,
acceptées comme monnaie dans toutes les opérations de
l'Etablissement, dans le paiement des impôts fédéraux dans
tous les bureaux de la Fédération et dans le paiement des
impôts locaux dans les Etats de Puebla, Oaxaca, Querétaro,
San Luis Potosí, Veracruz, Guanajuato, México, Zacatecas
et Durango, d'après les décrets de leur Congrès. » 2
L'institution publique devient une banque d'envergure
nationale. De par ses liens avec l'Etat, elle développe
l'émission de billets au gré des besoins fiscaux. Ainsi, entre
1881 et 1884, avant la crise bancaire, l'émission est presque
multipliée par deux (elle passe de 2,4 à 4,3 millions de
pesos), tandis que l'encaisse métallique se réduit (de 3,5 à 2,5
millions) 3. Le rapport entre billets et encaisse métallique est
toutefois acceptable. Il ne dépasse pas, en effet, la limite de
trois pour un, préconisée par sir Robert Peel et pratiquée par
toutes les banques européennes. De plus, l'actif de la banque
(4,5 millions de pesos) est supérieur au passif 4. Le Mont-dePiété semble donc une institution très solide. Le public
1
Huit à Mexico et quatre dans les Etats de Puebla, San Luis Potosí, Querétaro et
Oaxaca.
2 Anuario de la República mexicana 1884, p.95.
3 Voir P. Macedo, op. cit., p.230.
4 Voir le rapport à la Chambre de Trinidad García, directeur du Mont-de-piété, in
Diario del hogar, 11 juin 1884.
74 / L’autre dictature
accepte volontiers ses billets. Pourtant, la banque va
s'écrouler en quelques jours.
Pour mieux comprendre les événements, il convient de
s'intéresser aux autres banques d'émission et à la concurrence.
En fait, en 1884, les billets de banque sont déjà en usage et le
public a connu d'autres crises bancaires (« run »). La plus
ancienne banque nationale, la succursale de la « London Bank
of Mexico and South-America Limited », fondée en 1864, est
la première institution à introduire l'usage de billets de
banque et à connaître des « run », sans pourtant faire faillite 1.
Plutôt prudente, jusqu'en 1886, n'étant assujettie à aucune
législation (elle s'abstient de publier ses comptes), peu
fréquentée par les libéraux car identifiée avec l'Empire de
Maximilien 2, cette banque, qui joue un rôle de première
importance dans l'élan économique, n'a pas, en fait, l'ambition
de devenir le caissier de l'Etat. Or, face à la croissance des
besoins monétaires du fisc, la concurrence fait rage entre les
banques privées (la Nationale et la Mercantile) et le Mont-dePiété, qui se disputent le privilège de devenir caissier et
créancier du Trésor. La création des banques privées et leurs
rapports avec le gouvernement, ainsi que le profil de leurs
actionnaires et de leurs dirigeants permettent de nous éclairer
sur la bataille qui voit la défaite du Mont-de-Piété.
La Banque Nationale Mexicaine (BNM) est la création
d'investisseurs franco-allemands, dirigés par Edouard
1
C'est la confiance et la solvabilité qui ont sauvé le crédit de la banque. « Les
services effectifs qu'elle commença à prêter au commerce en général, son abstention
absolue des opérations risquées et de ce qui se qualifiait d'opération de
gouvernement, la scrupuleuse ponctualité qu'elle mit toujours à faire face à ses
engagements, lui conquirent l'estime et la confiance du public » (P. Macedo
« Banque et institutions de crédit », in Le Mexique, son évolution sociale..., p.228).
2 La banque a été fondée afin de financer la Compagnie impériale des chemins de
fer. Son principal actionnaire est la London Bank of Mexico (90 % d'actions),
représentée par H.C. Waters (gérant) et par Thomas Braniff (directeur du Chemin de
fer mexicain). La minorité (10 % d'actions) est composée de grands financiers, tels
Juan Llamedo, Rafael Dondé, Francisco Espinoza et Ignacio de la Torre y Mier. Voir
Liste d'assistance à l'Assemblée du 17 septembre 1891 de la Banque de Londres et
de Mexico, AMF/B13.316, pièce 15, n¯63614, p.2.
L’hegemonie des Financiers / 75
Noetzlin, secrétaire de la Banque Franco-Egyptienne 1. Après
deux années de négociation, Noetzlin obtient, en août 1881,
un contrat de concession (signé par le ministre des Finances,
Francisco de Landero y Cos) « pour l'établissement d'une
banque de dépôt, escompte, circulation et émission ». Le
contrat fixe le capital de la banque entre six et vingt millions
de pesos. Celle-ci a le droit d'émettre des billets de banque
jusqu'à concurrence de trois fois le montant de son encaisse
métallique. Ces billets seront les seuls -avec ceux du Montde-Piété- à être acceptés dans les bureaux du gouvernement
pour le paiement d'impôts, de contributions, de droits de
douanes, etc. En outre, l'Etat s'engage à ne traiter aucune
opération financière (négociations d'emprunts, dettes,
investissements, etc.) avec un autre établissement, tandis que
la banque se charge de toutes les transactions de la Trésorerie
sur le territoire national et à l'étranger. Elle bénéficie encore
d'allégements fiscaux pendant la durée de la concession (30
ans), et du droit d'exporter les profits et dividendes des
actions (exonérés d'impôts). Enfin, bien qu'elle soit reconnue
institution mexicaine assujettie aux lois du pays, la banque
jouit de la neutralité en cas de guerre intérieure ou étrangère,
aucune autorité ne pouvant alors lui imposer de contributions
extraordinaires, ni confisquer ses biens ou ses capitaux. En
contrepartie, la banque ouvre un compte au Trésor avec un
crédit de plus de quatre millions de pesos 2. Ces privilèges
1
Edouard Noetzlin est né le 16 janvier 1848 à Bâle (Suisse). Avant 1872, il est
attaché à la direction de la Banque de Paris qui, en janvier 1872, fusionne avec la
Banque de Crédit et de Dépôts des Pays-Bas pour former la Banque de Paris et des
Pays-Bas. En 1875, Noetzlin est secrétaire général de la Banque Franco-Egyptienne.
En 1881-1884, il fonde la Banque Nationale du Mexique. Nommé administrateur de
Paris-Bas en 1895, il en devient le président du Conseil d'Administration en 1911. Il
meurt à Paris le 26 avril 1935. Son nom est lié aux emprunts russes et au
rapprochement entre la France et l'Italie. La Banque Franco-Egyptienne, qui par la
suite devient la Banque Internationale de Paris (fusion avec la Banque Française du
Commerce et de l'Industrie), traite des affaires importantes avec des républiques sudaméricaines, notamment l'Argentine.
2 Voir Banco Nacional Mexicano, Contratos de Concesión y Estatutos aprobados
por la ley de 16 noviembre 1881, AMF/b31.316, pièce 98, pp.8-14 (pour la
traduction française, publiée en 1882, voir Ibid., pièce 110).
76 / L’autre dictature
accordés à la BNM sont si généreux que les députés et la
presse d'opposition s'en émeuvent. Ces derniers n'ont pas tort
lorsqu'ils dénoncent le « monopole bancaire protégé par le
gouvernement » 1, mais les garanties, semblables à celles
accordées aux compagnies de chemins de fer ou aux sociétés
minières, sont censées conforter l'intérêt des investisseurs
dans une affaire « très risquée ». Surtout, comme le souligne
le député Gallo, il s'agit d'« attirer les capitaux européens afin
de concurrencer l'expansion des intérêts américains » 2. Cet
objectif, clé de voûte de la politique extérieure porfiriste, est
bien compris par González et approuvé par le général Díaz,
qui, malgré sa préférence pour la Banque Mercantile, laisse le
Congrès approuver le contrat de concession de la BNM 3.
La « radiographie des premiers actionnaires » de la Banque
Nationale montre la prépondérance des capitaux européens 4
(trois quarts de capitaux franco-allemands 5, moins d'un quart
mexicains 6 et trois pour cent nord-américains 7). De plus, les
grandes maisons de commerce qui font partie du groupe
1
2
3
DDCD 1881, séance du 17 octobre, pp.314-317.
Voir DDCD 1881, séance du 18 octobre, p.328.
Si le débat au Congrès est rude, les votes sont, en revanche, dociles (129 pour et 11
contre). Voir, Ibid., p.337.
4 Nous reprenons le titre et les données de l'article de L. Ludlow, « El Banco
Nacional Mexicano y el Banco Mercantil Mexicano : radiografía social de sus
primeros accionistas, 1881-1882 », in HM, n¯21, vol. XXXIX, avril-juin 1990
(pp.1018-1020).
5 Parmi le groupe français, on compte des institutions financières telles que la
Banque Franco-Egyptienne (21 %), la Société Générale du Crédit Industriel et
Commercial (3,8 %), le Comptoir d'Escompte (2,7 %), la Banque Hellénique du
Crédit (1,4 %), la Banque Heinne (1,2 %) et la Banque de Commerce et d'Industrie
(0,3 %). Participent également la Messagerie Maritime de Marseille (3,1 %) et des
financiers comme Edouard Noetzlin (2,5 %), Levy Crémeux frères (2,7 %) ou
Seligman frères.
6 Le groupe mexicain (23 % d'actions) comprend les créanciers traditionnels (Barrón
y Forbes, Escandón, de Mier y Celis, de Teresa), les marchands-banquiers (Esteban
Benecke, Gustavo Struck, Leo Stein, Sebastián Robert, Luis Lavie ou José Ma.
Bermejillo), ainsi que les pionniers des chemins de fer (les frères Escandón, Felix
Cuevas, Angel Lerdo de Tejada, Ramón G. Guzmán, Sebastián Camacho et Justino
Fernández), entre autres.
7 Parmi lesquels Edward D. Adams (du chemin de fer du Sonora), Drexel Morgan
and Co. (société du financier New-Yorkais Morgan, associée à une maison de
Philadelphie) et Adolf Hegewish (résidant au Mexique, fondateur et directeur de la
revue Semanario Mercantil, participant à la Chambre de commerce et d'industrie).
L’hegemonie des Financiers / 77
mexicain -où l'on trouve aussi les promoteurs de chemins de
fer- sont pour la plupart allemandes 1. La banque est donc très
majoritairement étrangère. On comprend mieux, dans ces
conditions, la demande de « garanties » de la part
d'investisseurs qui voient de grands risques dans ce pays
« neuf » où il n'existe pas de législation sur les institutions de
crédit. La presse financière et les diplomates français sont
d'ailleurs longtemps restés sceptiques. Deux semaines après
l'approbation du contrat, on peut ainsi lire dans le journal La
Semaine financière : « Nous craignons fort, toutefois, qu'avec
les luttes civiles dont le Mexique est si souvent le théâtre [les
privilèges] ne soient purement nominaux » 2. De son côté, le
consul Richemont écrit aux Affaires étrangères :
« Il ne suffit pas, selon moi, d'attirer au Mexique les
capitaux français d'une façon quelconque, et dire qu'il faut
lutter contre l'influence américaine. La phrase flatte l'oreille,
[...] en affaires, avant de se lancer, il est bon de réfléchir et
de savoir à peu près où l'on va [...] IcarI la prospérité future
du Mexique, et de son gouvernement en particulier, n'est pas
encore tellement absolue et certaine, qu'on ne puisse
craindre pour l'avenir quelque inexactitude volontaire ou
forcée dans l'accomplissement des engagements pris. » 3
Les craintes des investisseurs (affaire des dettes de l'Empire
et instabilité politique du Mexique) conduisent le groupe
dirigé par Noetzlin à prendre ses précautions. La direction est
ainsi confiée à deux organismes : un Comité (installé à
Paris) 4 et un Conseil d'administration (à Mexico). De plus,
1
Citons ainsi Julio Albert, Esteban Benecke (ancien consul prussien), Gustave
Struck (ancien consul à Veracruz), Leo Stein (exportateur de métaux précieux),
Uhink y Cía., Zolly hermanos...
2 La Semaine financière, 17 décembre 1881.
3 AMAE/CCM 9, lettre de Richemont à MAE, 13 mai 1881.
4 Les membres du Comité sont : Henri Durrieu (de la Société du Crédit Commercial
et Industriel), président, Edouard Noetzlin et Marc Lévy-Crémeux (de la Banque
Franco-Egyptienne), Emile Huard (ancien directeur de la Société Générale), et
78 / L’autre dictature
les créanciers traditionnels et les collaborateurs de l'Empire,
présidés par Antonio de Mier y Celis, occupent une place
importante au Conseil 1. Enfin, les postes de direction
reviennent à des personnes de confiance : J. Mammelsdorf
(ancien directeur du Comptoir d'escompte et de l'agence
parisienne de la Deutsch Bank), directeur, Jacques Kulp
(représentant du Comité de Paris), secrétaire, Hugo Scherer
(lié au financier berlinois Blechröeder), chef de la
comptabilité, et Pablo Macedo, avocat de la banque 2.
Les liens étroits avec la haute-banque européenne
permettent à la Banque Nationale d'avoir accès -directementau marché financier international et de se procurer ainsi de
l'argent frais. En 1882, la banque lance sa première émission
d'actions à la Bourse de Paris (80 000 actions 3), émission qui
est suivie de plusieurs autres (120 000 en 1885...), au point
qu'en 1910, plus de la moitié de son capital nominal circule
dans cette place financière 4. Cette structure satisfait le
gouvernement mexicain, qui souhaiterait mettre à profit les
relations de la banque pour renégocier la dette anglaise et
contracter un emprunt extérieur. Mais l'aspect le plus
important des rapports internationaux de la banque est sans
aucun doute la capacité régulière et immédiate de crédit,
déterminante lors de la crise bancaire. Le Comité de Paris
écrit ainsi au Conseil d'administration :
Auguste Lippmann (de la Compagnie manufacturière nationale d'armement de SaintEtienne).
1 Les autres membres sont les créanciers José Ma. Bermejillo, Félix Cuevas, Ramón
G. Guzmán, Sébastien Robert et Gustave Struck.
2 Voir L. Ludlow, « La construcción del Banco Nacional de México », in Banca y
poder en México, pp.306-307.
3 C'est le 26 avril 1882, après l'autorisation donnée par Léon Say, ministre français
des Finances, que ces actions sont admises aux négociations de la Bourse, au
comptant et à terme. Voir AMF/B31.316, pièces 143-145.
4 Voir AMF/B31.314, pièce 48. D'après un décret de 1880, les bons, titres et
obligations cotés officiellement à la Bourse de Paris doivent être enregistrés au
ministère des Finances et acquitter l'impôt du Timbre.
L’hegemonie des Financiers / 79
« Lorsque les possesseurs de vos billets vous demandent le
remboursement, vous devez être prêts. Vous aurez en caisse
six millions de pesos, et vous pourrez virer sur Baring cent
mille livres sterlings, et, si nécessaire, sur la FrancoEgyptienne qui accepte 1 250 000 francs [...]. L'occasion est
unique afin de prouver votre puissance. » 1
Les dirigeants de la Banque Nationale se préparent pour le
« run »...
Ils ne sont pas les seuls à vouloir devenir caissiers du
Trésor. Des créanciers et de grandes maisons de commerce
(espagnoles, mexicaines et surtout françaises) se sont, en
effet, réunis pour créer leur propre banque. Dès août 1881,
Manuel Ibáñez, riche banquier espagnol, cherche à rassembler
les capitaux de ses collègues afin de créer la Banque
Mercantile Mexicaine. Dans son appel aux commerçants,
Ibáñez critique subtilement le projet de la Franco-Egyptienne
en mettant en avant le caractère national de sa propre
entreprise. Il lance :
« INotre banqueI est nationale parce que, bien que la plupart
des souscripteurs soient de nationalité étrangère, les
capitaux sont nés au Mexique et lui appartiennent par droit
naturel. Les Mexicains qui participent à cette affaire
remplissent un devoir patriotique, et ceux qui ne sont pas
nés sur ce sol, remplissent un devoir tout aussi important
[...] envers le pays dans lequel nous avons amassé notre
fortune. » 2
C'est dans cet esprit « patriotique » que les commerçants
parviennent à réunir un capital, certes plus modeste que celui
de la Nationale (quatre millions de pesos), mais dont les
1
Acuerdo del Consejo de Administración (21 mars 1883), in L. Ludlow, « La
construcción... », pp.329-230.
2 Actas de fundación del Banco Mercantil Mexicano, 29 août 1881, in L. Ludlow,
« Banco Nacional... », op. cit., p.1006.
: Manuel Caballero, Primer almanaque histórico, artístico y
monumental de la República Mexicana 1884-1885, Nueva York, Chas M.
Green Printing, Co, 1884.
SOURCE
L’hegemonie des Financiers / 81
souscripteurs sont plus nombreux et représentatifs du
commerce de la capitale et des grandes villes du pays
(Veracruz, Puebla, Guanajuato, Zacatecas, San Luis Potosí
Tabasco, Querétaro, Oaxaca et Tamaulipas) 1. Il s'agit, en fait,
des mêmes marchands-banquiers que nous connaissons déjà.
Parmi les principaux actionnaires de la Banque Mercantile,
on retrouve les créanciers du gouvernement qui sont aussi à la
Nationale (Jose Ma. Bermejillo, Barrón y Forbes, Antonio
Escandón, Esteban Benecke, Luis G. Lavie, Manuel Goytia,
Huguenin), de riches financiers (Manuel Gargollo, ancien
signataire des « Convenciones Españolas » et directeur des
« Diligencias Nacionales », Nicolás de Teresa et son gendre
Faustino Sobrino, Ramón Fernández, beau-frère du général
González et gouverneur du DF), ainsi que les maisons de
commerce espagnoles (Manuel Ibáñez, José Fariello Guerra)
et surtout françaises (Pierre Martin, Gassier, Reynaud,
Manuel, Ollivier ou Ebrard et Cia). On remarque également
la présence d'intellectuels et de politiciens liés aux porfiristes
(Roberto Núñez, Teodoro Dehesa, Francisco de Prida,
banquier des « Tuxtepecanos », Indalecio Sánchez Gavito,
Antonio García Cubas, Rafael de Zayas Enríquez), ainsi que
celle de conservateurs, dont Pedro Escudero y Echanove,
membre de la Junte de crédit. Forte de ces souscripteurs et
sans concession officielle, la Mercantile ouvre ses portes au
public le 27 mars 1882, un mois après la Nationale.
La « concurrence sauvage » et les effets indésirables de
l'« absence de législation » se font alors sentir. Mais ils ne
sont pas les seules causes de la fusion et de la crise bancaire.
Cette dernière, qui est un prolongement de la crise
commerciale, masque les rapports de forces entre les
différents intérêts (fiscaux, nationaux et étrangers) qui ont
1
Voir Ibid., p.1009.
82 / L’autre dictature
influencé les décisions des élites politiques 1. Ainsi, face aux
trois groupes qui ont l'Etat pour principal client et qui se
disputent le privilège d'en devenir l'unique banquier, le
général González penche pour la Nationale. Celle-ci assure,
en effet, au général (qui cherche à rester au pouvoir) des
facilités de crédit ainsi qu'une certaine autonomie vis-à-vis
des porfiristes. Mais González ne peut avantager la Nationale.
En l'absence d'une législation fédérale, il ne peut revenir sur
les concessions accordées auparavant par les Assemblées des
Etats (accords avec le Mont-de-Piété ou avec les petites
banques du Chihuahua), ni sur les droits d'émission octroyés
au Mont-de-Piété. De leur côté, les maisons de commerce et
les marchands-banquiers, sollicités par le Trésor, n'acceptent
l'extension de l'impôt du Timbre que contre l'assurance de
leur participation dans les « affaires publiques ». La fusion
entre la Nationale et la Mercantile arrange toutes les parties
(Français et Allemands, maisons de commerce, Trésor,
gonzalistes et porfiristes), hormis, bien entendu, le Mont-dePiété et les bénitistes, partisans d'une banque publique.
Le déroulement du processus de fusion parle de lui-même.
C'est ainsi que les pourparlers entre la Nationale et la
Mercantile débutent en décembre 1883, après la crise du
nickel, et aboutissent le 6 avril 1884 2. Le lendemain, la grève
des commerçants contre le Timbre est annulée, tandis que la
nouvelle banque accorde au fisc une avance sur un emprunt
de 20 millions de pesos 3. Cet emprunt, autorisé par le
Congrès le 26 mai 1883, doit, en principe, suivre la
reconversion de la dette anglaise (première tâche confiée à la
1
Cet aspect est occulté dans la littérature officielle (MH, rapports des commissions
parlementaires, rapport du président González...) et même dans les lettres
diplomatiques de de Coutouly (AMAE/CP 72, 16 avril 1884).
2 Voir Procès-verbal de l'Assemblée générale de la Banque Nationale du Mexique,
du 19 mai 1884, autorisant la fusion, AMF/B31.316, pièce 142.
3 Ces accords, écrit l'ambassadeur français, « aideront à calmer l'appétit fiscal du
gouvernement en lui faisant une avance sur le produit du futur emprunt dont il est
toujours question » ; AMAE, CP V72, lettre de G. de Coutouly à MAE, 16 avril
1884.
L’hegemonie des Financiers / 83
Nationale, par l'entremise du financier Noetzlin 1). Dans le
même temps, le gouvernement fait voter le Code de
commerce (20 avril 1884), qui inclut divers articles faisant de
l'activité bancaire une concession exclusive de la Fédération.
Enfin, pour garder les formes, le gouvernement approuve le
15 mai le contrat de fusion. Cette dernière date laisse ainsi
entendre que la fusion des banques survient après la crise
bancaire, une illusion qu'entretient la version officielle. En ce
qui concerne la crise, le journal El Diario del hogar suggère
que le « run » qui entraîne la faillite du Mont-de-Piété est un
coup monté (« intrigue grossière » ou « vile calomnie ») afin
de retirer à la banque la concession d'émission de billets et
d'affermir le monopole de la Nationale 2. Cette hypothèse est
aussi retenue par G. de Coutouly dans une lettre adressée au
Quai d'Orsay : ou bien le gouvernement a vraiment confisqué
les fonds du Mont-de-Piété, écrit l'ambassadeur français,
« [...] ou bien le délégué du syndicat parisien qui a négocié
ici la fusion des banques et qui se prépare à négocier en
Europe un emprunt mexicain, M. Edouard Noetzlin, avait-il,
d'accord avec la direction de la Banque Nationale, fait
savamment répandre (comme d'autres le soutiennent) des
faux bruits dans ce sens, afin de provoquer une crise
profitable à son oeuvre. » 3
Certes, on ne peut prouver la manoeuvre de la Nationale. Il
reste, qu'avec le « run », l'autorisation d'émission du Mont-dePiété est suspendue tandis que l'admission de ses billets dans
les bureaux fédéraux est réduite à seulement 20 % des
1
Voir MH 1884-1885, pp.12-13. Le 10 juin, le gouvernement passe un contrat avec
Edouard Noetzlin afin de régler la conversion de la dette anglaise.
2 Voir El Diario del hogar, 29 avril 1884. Ce journal, réputé indépendant, annonce
ainsi : « Une intrigue grossière ou une vile (« bastarda ») calomnie, on ne sait quoi,
ont fait circuler hier, dans la ville de Mexico, la rumeur que le gouvernement s'était
emparé des fonds du Mont-de-piété, ce qui a provoqué, dit-on, la démission de
monsieur Trinidad García. [...] mais comme la nouvelle était fausse [...]. »
3 AMAE, CP V72, lettre de G. de Coutouly à MAE, 2 mai 1884.
84 / L’autre dictature
paiements. Or le contrat signé avec la Nationale en 1884
accorde l'acceptation « exclusive » de ses billets, le privilège
d'être l'agent du fisc et d'autres avantages encore 1. L'article 8,
par exemple, protège la Banque Nationale. Il spécifie, en
effet, que le gouvernement ne peut désormais accorder
d'autorisation ni pour l'établissement de nouvelles banques
d'émission, ni pour la poursuite des opérations des banques
déjà établies sans concession fédérale. De plus, les banques
d'émission ne peuvent avoir un caractère national, tandis que
leur émission de billets est limitée au capital versé par les
actionnaires et soumise à 5 % d'impôt du Timbre. De son
côté, la Nationale peut émettre des billets jusqu'à trois fois
son capital et paie un droit de Timbre de seulement 0,5 % 2.
C'est avec de tels avantages qu'elle augmente son capital (20
millions de pesos). Elle élargit alors son Conseil
d'administration, incluant les membres des deux banques 3,
laisse la présidence à Antonio de Mier y Celis, maintient
l'ancien Comité de Paris, met en place des succursales et des
agences dans tout le pays (fig.3) et devient la plus puissante
banque du Mexique (jusqu'en 1896, elle contrôle plus de
60 % du capital bancaire) 4.
Les élites au pouvoir ont ainsi renoncé à confier ces
privilèges à une banque publique (comme celle d'Angleterre,
de France ou de l'Empire Allemand) et ont fait de la
Nationale, non seulement un quasi-monopole privé, mais
aussi « l'arbitre à peu près unique des opérations financières
1
2
Voir Banque Nationale du Mexique, Contrats, p.8, AMF/B31.316, pièce 138.
Ibid., pp.7-10, Voir aussi P. Macedo, « Banque et institutions... », p.232, et
Rosenzweig, « Moneda y bancos », HMM-PVE, p.809.
3 Benito Arena, J.M. Bernejillo, Félix Cuevas, A. Escandón y Estrada, G. de la
Fuente, José Gargollo, Manuel Ibáñez, Pierre Martin, J. Martínez Zorilla, R. Ortiz de
la Huerta, Francisco M. de Prida, Leo Stein, Gustavo Struck et Nicolás de Teresa.
Voir Contrats, op. cit., p.2.
4 Pour les statistiques bancaires, voir Peñafiel, Cuadro sinóptico.., pp.58-59 ou EEPCE, p.192.
Figure 3 : Reseau de la Banque Nationale du Mexique
Agences des banques Nationale et Mercantile 1883
: L. Ludlow, ―La construcción de un banco: el Banco Nacional de
México (1881-1884)‖, in Banca y poder, pp. 312-320.
SOURCE
86 / L’autre dictature
dans ce pays [...], une sorte de tuteur que l'administration s'est
donné, peut-être sans le savoir, en payant avec des lois tout
une suite de prêts » 1. Le mariage entre « les intérêts
nationaux et étrangers » est, néanmoins, heureux. Pendant les
dix premières années, l'accumulation de grandes masses
d'argent à la Nationale (provenant de l'épargne interne et des
investissements européens) est prioritairement destinée aux
besoins du Trésor, aux subventions des chemins de fer et des
travaux publics. Dans le même temps, la banque contribue à
l'ouverture du crédit extérieur, dont elle est spécialement
chargée, comme aux négociations d'emprunts, à la perception
des recettes fiscales (en certificats d'importation) et à leur
transfert aux créanciers. Une fois conclue la reconversion de
la dette anglaise (1884-1886), le gouvernement ne rencontre
aucune difficulté pour réaliser ses premiers emprunts (1888,
1890 et 1893) et pour consolider le crédit extérieur 2.
Ainsi, en moins de dix ans, avec ces nouveaux
mécanismes financiers, les charges pesant sur le budget
fédéral sont allégées, les déficits réduits et les finances
publiques finalement équilibrées 3. En 1895, le premier
surplus fiscal apparaît. Le problème du « crédit public »,
comme disait Romero, est enfin résolu. Cependant, la
révolution financière produit d'autres effets sur l'économie et
la politique. Avec l'ouverture du crédit extérieur, la BNM
réduit considérablement ses prêts au gouvernement. De plus,
elle peut canaliser les investissements étrangers, encaisser les
surplus et l'épargne interne générés par l'activité
économique 4.
1
2
3
4
AMAE, CP V72, lettre de G. de Coutouly à MAE, 16 avril 1884.
Voir J. Pérez Siller, « Deuda y consolidación del poder... », op. cit.
Pour une description plus détaillée de ces mécanismes financiers, voir id.
Ce changement est vite perçu par le Conseil d'administration de la BNM, qui
déclare dans son rapport annuel de 1895 : « De ces faits, le premier et non le moins
important, est que le gouvernement national, non seulement n'a pas eu besoin de
recourir au crédit que, conformement au contrat de concession, la Banque est tenu
d'ouvrir à la Trésorerie générale de la Fédération sous forme de compte courant crédit dont, il faut bien le dire, le gouvernement avait, dans des situations difficiles,
L’hegemonie des Financiers / 87
Elle est ainsi de moins en moins une banque commerciale
et tend à devenir une banque d'investissement. L'épargne
concentrée dans la banque constitue les bases du grand capital
industriel du pays. Les financiers qui l'animent aident à
consolider les pouvoirs publics, maintiennent le « tutorat »
sur le fisc et deviennent les hommes importants du régime.
D'autant qu'ils souhaitent, en outre, participer plus activement
à la croissance économique 1. L'ère des Científicos est donc,
de fait, l'ère des financiers.
2. L'ère des banquiers (1896-1905)
La constitution d'une élite financière nationale est un des
effets socio-politiques des révolutions ferroviaire et
financière. Liée aux élites politiques (en particulier, les
Científicos) et à la « haute banque » européenne (par le biais
des banquiers français), cette élite développe une certaine
conception de la nation, proche de celle d'Antonio de Mier y
Celis, où les intérêts financiers (nationaux et étrangers)
doivent être garantis par le régime, où l'indépendance et la
souveraineté sont au service de ses intérêts, où elle est ellemême le coeur du corps social, un corps guidé par l'esprit
éclairé du général Porfirio Díaz, père bienveillant. La
consolidation et le développement de ce milieu financier vont
de pair avec la lutte contre les privilèges de la Banque
Nationale et avec l'avènement des Científicos et de
Limantour. Tandis que ce dernier gravit les échelons de
largement usé-, mais qu'il a pu encore, sur les produits ordinaires des impôts, laisser
en dépôt dans les caisses de la Banque, après avoir fait face à tous les besoins du
service public, une somme qui s'élevait à $ 1 623 746,50 à la date du 31 décembre
dernier » (Rapport du Conseil d'administration de la BNM, in La Semaine
financière, 3 octobre 1896).
1 En 1900, le Conseil de la banque veut augmenter le capital : « le développement de
la richesse nationale au Mexique a été tellement rapide [...] que la BNM se voit
obligée d'augmenter ses moyens d'action » (Rapport du Conseil d'administration de
la BNM, in La Semaine financière, 22 septembre 1900).
88 / L’autre dictature
l'administration publique (simple rapporteur d'une
commission chargée de discuter un traité commercial avec les
Etats-Unis en 1877, il est à la tête du ministère des Finances
en 1893), les créanciers et les hommes d'affaires luttent pour
se faire une place dans les institutions de crédit, et créent, par
l'entremise des Científicos, un nouveau monde : celui des
financiers.
Nous avons vu que, jusque dans les années 1870, le crédit
est entre les mains des marchands-banquiers, des
spéculateurs, des commissionnaires, des fermiers des Hôtels
des monnaies, des hommes liés au commerce extérieur
(exportation de métaux et de produits agricoles, importation
de biens de consommation). Nous avons vu également
comment le rapport de ces créanciers avec le gouvernement,
les besoins croissants du fisc et l'expérience douloureuse de la
dette extérieure -prétexte de l'intervention française- ont
influé sur la naissance des banques. Les élites au pouvoir ont
alors choisi de créer une banque privilégiée et protégée, un
quasi-monopole qui devient le trait d'union entre les intérêts
des créanciers nationaux, les besoins du Trésor et les
exigences des investisseurs étrangers.
Une fois consolidé ce système bancaire et ouvert le crédit
international, les entrepreneurs participent à la création
d'autres institutions de crédit, qui vont à l'encontre des
intérêts de la Banque Nationale. Ce processus s'étend sur
plusieurs années (fig.4). Les quelque quarante banques
existant à la fin du porfiriat ont été créées par vagues
successives, qui vont de l'instauration des banques nationales
d'émission (1864-1884) au développement d'un réseau
national de banques locales (1897-1908), en passant par les
concessions du gouvernement (1888-1893) 1.
1
C. Marichal propose un essai de périodisation de la banque en Amérique latine,
que l'on peut appliquer au cas mexicain : âge prébancaire (1810-1850), premières
banques commerciales (1850-1880), création des réseaux bancaires nationaux (18801910). Voir « El nacimiento de la banca », in Banca y poder en México, pp.231-265.
Figuere 4 : Chronogramme des banques mexicaines
( 1867 – 1912 )
SOURCE : A.
Peñafiel, Cuadro sinóptico informativo... 1910, pp. 56-61.
Note: * Les banques de Santa Eulalia (fondée en 1875), Mexicano de Chihuahua
(1878) et Comercial de Chihuahua (1889), fusionnent dans le Minero de Chihuahua.
** Les banques du Yucatan fusionnent en 1907-1908, et forment la Banca
Peninsular.
90 / L’autre dictature
Soulignons que cette évolution, cette diversification
d'institutions de crédit, procède, non seulement de l'initiative
des entrepreneurs, encouragés par l'activité économique, mais
aussi de l'observation d'une politique opposée à celle de
González, dans un contexte de crise.
La législation bancaire scande l'évolution des institutions
de crédit : elle garantit et régularise les initiatives des
financiers. C'est ainsi que les cinq premières banques doivent
désormais se conformer au Code du commerce de 1884, qui
affermit le monopole d'émission de la Banque Nationale (elle
contrôle plus des trois quarts du capital actif des banques),
contraint les institutions de crédit à demander une
autorisation fédérale et à accepter un contrôleur officiel, et
empêche, pendant quatre ans, toute création de banque. Après
le règlement de la dette anglaise et la négociation du premier
emprunt extérieur (1887-1888), Manuel Dublán applique une
politique plus libérale 1. Il se prononce pour un système
bancaire libre, dans lequel la circulation fiduciaire est
garantie par les bons du Trésor (système proposé par Romero
et appliqué aux Etats-Unis) 2, un système remettant en cause
les privilèges de la Banque Nationale. En 1888, le Congrès
autorise l'Exécutif à octroyer de nouvelles concessions à des
sociétés privées 3. Dublán signe ainsi plus de vingt contrats
permettant l'établissement d'institutions financières : une
Bourse des valeurs et plusieurs banques d'émission (agricoles,
commerciales, industrielles et minières) dans les Etats les
plus actifs (Chihuahua, Coahuila, Jalisco, Puebla,
1
Rappelons qu'en 1882, lors du débat sur les prérogatives de la Banque Nationale,
Manuel Dublán s'est opposé aux privilèges et a proposé un projet de loi bancaire
libéral. Pablo Macedo, membre de la même commission, a alors bloqué la résolution
et la discussion parlementaire. Voir DDCD 1882, séance du 11 novembre, pp.375388.
2 Pablo Macedo évoque ce système où « la circulation fiduciaire est garantie par des
dépôts en titres de la dette nationale à leur valeur de place, ou à moins, pour
l'émission totale de chaque banque et même pour une plus grande somme »
(P. Macedo, « Les institutions de crédit », op. cit., p.235).
3 Voir le décret du 1er juin 1888 autorisant le gouvernement à établir des contrats
pour l'établissement de nouvelles banques.
L’hegemonie des Financiers / 91
Guanajuato, San Luis Potosí, Durango, Yucatán, Nuevo
León, Veracruz, Sonora et Zacatecas) 1. De plus, afin
d'animer la concurrence, le ministre encourage -en vain- un
groupe d'entrepreneurs désireux de créer une banque
nationale de « Fomento » en reprenant les anciens privilèges
d'émission du Mont-de-Piété 2. Entre 1888 et 1892, en dépit
des « respectueuses protestations » de la Banque Nationale 3,
cette politique se solde par la création de sept banques locales
d'émission. Celles-ci ne constituent pas pour autant une
menace réelle pour la Banque Nationale, qui concentre encore
plus des deux tiers des actifs bancaires du pays. Cependant,
les tensions sont telles que le gouvernement et la Banque
Nationale sont au bord de la rupture.
L'avènement de Limantour et des Científicos redonne de
l'espoir aux financiers de la Banque Nationale. Les nouveaux
maîtres des finances publiques se proposent, en effet, de
« faire cesser ce désordre et d'adopter un système définitif
qui, tout en respectant les droits acquis, soit approprié aux
nouveaux besoins du pays » 4. Avec l'autorisation du Congrès,
Limantour engage, dès 1896, des pourparlers avec le Conseil
d'administration de la Banque Nationale. Celle-ci est invitée à
renoncer, « moyennant quelques compensations jugées
équitables », aux clauses du contrat stipulant que le
gouvernement se privait du droit de permettre l'établissement
de nouvelles banques d'émission 5. Surtout, le contrat de la
Banque Nationale doit devenir compatible avec l'esprit d'une
1
2
Pour les contrats de concession, voir Dublán y Lozano, Legislación...
P. Macedo critique sévèrement -et pour cause- cette politique de Dublán :
« Heureusement pour la République (nous ne pouvons faire moins que de le dire car
nous le croyons sincèrement), la Banque d'hypothèques ne parvint pas à mettre ses
billets en circulation et la Banque de Fomento ne s'établit pas » (« Banques et
institutions... », p.234).
3 Ce sont les mots de Pablo Macedo, qui est chargé, en tant qu'avocat de la banque,
d'interposer le recours d'« amparo » (voir Id.).
4 C. Díaz Dufóo, Les finances mexicaines..., op. cit., p.89.
5 Voir l'article 8, in Contrats de concession, op. cit., pp.9-10.
92 / L’autre dictature
législation générale sur les institutions de crédit 1. C'est
pourquoi les bases de cette législation sont communiquées
aux banquiers et approuvées par le Congrès. En voici les
principaux articles :
1.
Aucune concession ne sera accordée sans que les
concessionnaires aient déposé des bons de la dette publique,
d'une valeur de 20 % de la somme que la banque doit avoir en
caisse ;
2. Le minimum de capital souscrit sera de 500 000 pesos, dont la
moitié doit être versée avant le début des opérations ;
3. L'encaisse ne pourra jamais être inférieure à la moitié du total de
billets de la banque en circulation ;
4. Aucune banque ne pourra être autorisée à émettre des billets
pour une valeur supérieure au triple de son capital versé ;
5. Les billets seront de cours volontaire et ne devront pas avoir une
valeur inférieure à cinq pesos ;
6. Les exemptions, ou diminutions d'impôts, ne seront concédées
qu'à la première banque qui s'établira dans un Etat ; les autres
banques devront payer les impôts, auxquels s'ajoute un impôt
fédéral de 2 % par an sur la valeur de leur capital versé ;
7. Les banques ne pourront avoir de succursales hors du territoire
de l'Etat d'origine, sauf autorisation spéciale du pouvoir fédéral,
mais jamais dans la ville de Mexico ni dans le District fédéral ;
8. Chaque banque aura un contrôleur du gouvernement, chargé de
vérifier les comptes et l'émission des billets ;
9. Les banques publieront mensuellement un état de caisse dans
lequel seront indiqués, outre les soldes des comptes qu'impose
la loi, le total de l'encaisse métallique, la valeur des billets en
circulation et celle des dépôts remboursables à vue ;
10. Il ne sera octroyé aucune concession avant que la loi générale
des banques n'ait été promulguée. 2
C'est sur ces bases que le Conseil d'administration de la
Banque Nationale accepte de modifier son contrat et renonce
au monopole. En échange, la durée de la concession de la
1
Voir Iniciativa de ley, MH 1895-1896, p.402, et « Arreglos celebrados por la
Secretaría de Hacienda con el Banco Nacional », MH 1896-1897, pp.240-246.
2 Voir « Iniciativa de ley », MH 1895-1896, p.402.
L’hegemonie des Financiers / 93
est prorogée pour cinquante ans, tandis que son rôle de
caissier de l'Etat est étendu : elle se chargera de concentrer les
revenus fédéraux et d'assurer les mouvements du Trésor dans
la République (avec une commission de 1,75 %), de faire des
avances au gouvernement (4 millions de pesos, à 6 %
d'intérêt), et de couvrir le service de la dette publique (avec
une commission qui passe de 2 % à 1 %). De plus, la BNM
obtient -en lui accordant un emprunt- que le Mont-de-Piété
renonce pour dix ans à ses privilèges d'émission et au
transfert de ces privilèges à un tiers 1. Elle empêche ainsi
l'établissement futur d'une autre banque nationale. Enfin,
l'interdiction faite aux nouvelles banques d'établir des
succursales dans la capitale est très importante pour la BNM.
Cette clause lui assure, en effet, le droit d'escompter les
billets des banques locales dans tout le pays.
Après avoir surmonté les premiers obstacles, Limantour
nomme une commission, chargée de rédiger la nouvelle « loi
générale des institutions de crédit » et composée de banquiers
(Carlos de Varona, directeur de la BNM, H.C. Waters, gérant
de la Banque de Londres, Joaquín de Trueba, directeur de
l'Internationale Hypothécaire, Hugo Scherer, fonctionnaire de
la BNM) et d'avocats « Científicos » (Joaquin D. Casasús,
Miguel S. Macedo et José Ma. Gamboa) 2. Décrétée le 19
mars 1897, la « loi générale » constitue la première loi
bancaire mexicaine 3. Nous n'analyserons pas ici cette loi,
dont l'esprit est tout entier dans les bases mentionnées plus
haut. Il convient, toutefois, d'en souligner divers aspects,
dont, en premier lieu, la diversité des types de banque. On en
BNM
1
Le prêt est de 500 000 pesos par an, avec un intérêt de 3 % (voir Arreglo
celebrado..., op. cit., pp.244-245).
2 Voir le rapport de Limantour au Congrès, DDCD 1897, séance du 17 novembre,
p.482.
3 On trouvera cette loi dans MH 1896-1897, pp.262-277. Pour la traduction
française, voir Mexique. Institutions de crédit, Traduction de la loi du 19 mars
1897..., Impr. de Chaix, 1910. Il existe plusieurs analyses de cette loi, notamment
dans Joaquín D. Casasús, Las instituciones de crédito, et dans E. Viollet, Les
banques au Mexique.
94 / L’autre dictature
dénombre trois sortes : les banques d'émission, les banques
hypothécaires et les banques refaccionarios. Elles diffèrent
par les droits d'émission et les délais des crédits. Les
premières émettent des billets et font des prêts jusqu'à six
mois. Les secondes émettent des obligations et font des prêts
avec une échéance de dix à vingt ans. Les troisièmes, enfin,
les plus novatrices et dont la vocation est d'encourager
l'agriculture, l'industrie et les mines, accordent des prêts de
deux ans maximum et émettent des titres (des « bons de
caisse ») qu'elles placent dans les marchés financiers, se
procurant ainsi des fonds en dehors de leur capital. Ces bons,
innovation « récente » utilisée pour la première fois par le
Crédit Lyonnais, rapportent des intérêts et sont remboursables
(à trois mois ou à deux ans) 1. Second aspect de la loi : la
volonté de ne laisser aux pouvoirs publics qu'un droit de
surveillance, de « préserver les banques de toute influence
externe et particulièrement de toute influence politique » 2.
C'est ainsi que Limantour justifie la suppression de la clause,
contenue dans le premier point des bases mentionnées plus
haut, exigeant le dépôt de titres de la dette en garantie
partielle de la concession et prévoyant de créer un système
d'émission basé sur les bons du Trésor 3. En revanche, la loi
élargit les prérogatives des commissaires des Finances
(contrôler l'exactitude des balances mensuelles, de l'encaisse
métallique, du montant des émissions, signer les billets...), et
maintient l'obligation pour les banques de publier bilans et
rapports d'assemblée. Enfin, la loi cherche à protéger les
1
Voir Ley General de Instituciones..., op. cit., pp.271-272, et F. Rosenzweig,
« Moneda y bancos », HMM-PVE, p.821.
2 DDCD 1897, séance du 17 novembre, p.488.
3 Limantour déclare au Congrès : « Le gouvernement n'a pas cru devoir maintenir ce
principe et n'a par la suite requis aucun dépôt, grand ou petit, de titres de la dette
publique. Quelle influence excercerait en fait, comme élément de sûreté et de
confiance, un tel dépôt sur le crédit d'une banque au cas où, par suite des vicissitudes
de la politique interne ou externe, les valeurs d'Etat baisseraient brusquement ? La
gravité du mal et le danger ne seraient-ils pas accrus par la dépréciation de la
garantie, au moment où une crise générale paralyserait les transactions, ferait rentrer
l'argent dans les cachettes et arrêterait les paiements ? » (Id.).
L’hegemonie des Financiers / 95
privilèges de la BNM (seule autorisée à émettre des billets
jusqu'au triple de l'encaisse) et à rassurer le public en prenant
des mesures préventives contre le « run ». Pour les autres
banques, la somme des billets émis et les dépôts
remboursables à vue ou dans un délai maximum de trois jours
ne pourra ainsi excéder le double de l'encaisse métallique.
Les pouvoirs publics ont tiré la leçon de la crise bancaire de
1884 et ont compris que le danger pour les banques
d'émission peut venir, non seulement de la présentation d'une
grande partie ou de la totalité des billets en circulation, mais
aussi de la demande de remboursement immédiat des dépôts
à vue ou à court terme 1.
A la suite de la loi, plus de vingt banques d'émission, deux
hypothécaires et sept refaccionarios sont créés entre 1897 et
1910, dans presque tous les Etats de la République. Un
processus qui a pour conséquences l'amplification des
moyens de crédit, la création d'un réseau de banques locales
dans un système bancaire semi-libre, et le fléchissement de
l'hégémonie de la Banque Nationale. Ce dernier point est
déterminant pour l'ensemble du système de crédit, ainsi que le
montre le tableau de l'évolution des principales banques
d'émission.
1
Voir C. Díaz Dufóo, Les finances..., op. cit., pp.91-92.
96 / L’autre dictature
Tableau 5 SEIZE PRINCIPALES BANQUES D'EMISSION
(1896 - 1910)
(pourcentages du capital actif sur l'ensemble des banques)
BANQUES
1893
1903
1910
Nationale du Mexique
de Londres et de Mexico
Peninsular (a)
Orientale du Mexique (b)
Minero de Chihuahua (c)
Mercantile de Veracruz
de Durango
de Nuevo León
Mercantile de Monterrey
de Jalisco
de Sonora
de Coahuila
de San Luis Potosí
de l'Etat de Mexico
Occidentale du Mexique
de Zacatecas
64,6
21,9
4,4
3,6
3,4
1,9
1,3
1,3
1,6
2,9
2,0
1,8
2,3
1,3
1,4
1,4
39,1
18,0
8,0
4,4
4,0
2,1
1,4
1,7
1,6
1,6
1,6
1,4
1,3
1,2
1,0
1,5
48,4
19,8
5,2
TOTAL
98,3
92,5
96,2
2,8
1,7
1,5
0,8
(a) Née en 1908 de la fusion des banques Yucateco et Mercantile
de Yucatán ; (b) Siégeant à Puebla, absorbe en 1909 les banques
de Chiapas et d'Oaxaca ; (c) Absorbe les banques Mexicaine de
Chihuahua (1888) et Commerciale de Chihuahua (1899).
Sources : A. Peñafiel, Cuadro Sinóptico..., p.58, et J.L. Cepeda
Dobala, Histoire de la banque..., tableau n°13.
Le nombre et l'importance des banques sont très révélateurs.
En termes relatifs, la BNM perd du terrain au profit des
banques locales. Mais ce recul n'est qu'apparent et
temporaire. En termes absolus, en effet, elle multiplie sa taille
par sept (de 55 à 437 millions de pesos) et reprend du terrain
vers la fin du porfiriat. Dans le même temps, les banques
L’hegemonie des Financiers / 97
locales perdent de l'importance et passent, en termes relatifs,
de 43 % à 31 %. Retenons donc cette tendance contradictoire,
qui suggère le retour à la concentration bancaire... Quoi qu'il
en soit, la création des banques dans les Etats constitue
l'aspect le plus novateur de ce processus. Celles-ci
concentrent l'épargne et deviennent un important levier de
l'économie régionale. Le tableau, qui ne traite que des plus
actives d'entre elles, reflète le dynamisme des économies
régionales. Ainsi, la Banque Peninsular dans le Yucatán
traduit la vitalité de la production et de la commercialisation
de hénéquen, la Banque Orientale, dans la région PueblaTlaxcala, l'expansion des industries textiles et des
manufactures. Les banques des Etats du Nord (Sonora,
Chihuahua, Durango, Sinaloa, Zacatecas, San Luis Potosí)
témoignent des activités minières et agricoles, celles de
Veracruz et de Jalisco de l'activité commerciale et
manufacturière. Le cas de Nuevo León, enfin, exprime le
dynamisme et la diversité des élites économiques et
financières, qui développent, on le sait, un ensemble
industriel de première importance dans le pays.
La diversité des banques est donc l'expression d'un
changement radical de la politique financière du régime,
d'une volonté de « décentraliser » les institutions de crédit et
d'enhardir les forces économiques locales. Lors de la
présentation de la loi, Limantour déclare ainsi au Congrès :
« Ces banques, aux mains de personnes compétentes, ayant
leurs intérêts dans la localité même, connaissant les gens et
les choses de la région, se trouvant en état d'étudier et de
surveiller personnellement chaque affaire, étant au courant
des besoins propres de la localité et des ressources pouvant
y être développées, accompliraient, dans l'état actuel du
pays, les fonctions dévolues aux organes chargés de
98 / L’autre dictature
distribuer le crédit, mieux qu'une unique institution bancaire
pour toute la République. » 1
Ces fins commentaires de Limantour font appel aux hommes
d'affaires locaux, afin de contribuer à la création des
institutions de crédit. En d'autres termes, le ministre désire
partager avec eux un nouveau chantier économique : les
finances. De plus, il souhaite rassembler ces hommes pour
faire contrepoids au puissant monopole de la Banque
Nationale. Il prévoit d'ailleurs les conséquences d'une telle
politique : « Durant les premières années, dit-il, la loi fera
naître une sorte d'oligarchie bancaire, capable de distribuer
convenablement les institutions de crédit dans tout le pays » 2.
Pour Limantour, la création d'une « oligarchie bancaire » est
un moindre mal face au monopole de la BNM ; d'autant qu'il
établit de bonnes relations avec cette oligarchie, grâce aux
Científicos. Il confie, en effet, à ces derniers le soin de
négocier la nouvelle loi avec les banquiers. Puis il les incite à
devenir les médiateurs entre les intérêts de l'Etat et ceux de
l'oligarchie bancaire. Cependant, pour appliquer cette
politique et briser le monopole de la Banque Nationale,
Limantour a besoin d'une force économique sur laquelle
s'appuyer. Rappelons qu'à cette date le fisc est moins
dépendant de la BNM car les finances sont équilibrées, tandis
que le crédit extérieur est ouvert. De plus, Limantour vient de
remporter une victoire en abolissant les Alcabalas. Position
confortable, certes, mais pas assez pourtant pour annuler les
privilèges des financiers. Un groupe actif d'investisseurs va
lui permettre de réaliser ses projets. Le Chargé d'affaires
français à Mexico, Balard de Pouquerille, témoigne de cette
heureuse alliance :
1
2
DDCD 1897, séance du 17 novembre, pp.478-479.
Ibid, p.490.
L’hegemonie des Financiers / 99
« Un groupe des principales maisons barcelonnettes, qui
font avec l'intérieur le commerce de gros, avait songé il y a
deux mois, à établir une banque d'émission, en cherchant à
faire revivre une ancienne concession qui n'avait pas été
utilisée. Nos compatriotes avaient pour eux l'appui du
président de la République et celui du ministre des Finances,
qui tous deux se montraient partisans du principe de la
pluralité des banques ; mais trop confiants dans leur
influence, ils ne surent pas s'arranger avec la Banque
Nationale, et celle-ci, forte de ses prérogatives, força le
gouvernement à rester dans les termes du contrat en
repoussant la demande des Barcelonnettes. Peut-être aussi,
M. Limantour n'avait-il paru se montrer si favorable à ces
derniers, que pour mieux influencer les gros capitalistes
espagnols qui se trouvent à la tête de la Banque Nationale,
de façon à les amener à composition plus facilement et les
déterminer à consentir à l'abandon de leur monopole [...].
Dans ce cas, il faut reconnaître qu'il a pleinement réussi. » 1
Dans le combat contre le monopole, les Barcelonnettes se
font donc les alliés discrets du gouvernement. Ils deviendront,
on le sait, les partenaires privilégiés des Científicos et les
fondateurs actifs de l'oligarchie bancaire. Ils contournent alors
la difficulté (fonder une banque entièrement française) en
s'associant avec la Banque de Londres et de Mexico (BLM),
deuxième banque du pays.
La Banque de Londres et de Mexico est une institution à
l'importance croissante. Si la BNM joue un rôle de premier
plan dans le redressement des finances publiques, la BLM est
un véritable levier financier de l'économie. Cependant, le
Code du commerce de 1884 empêche cette banque,
succursale d'une banque étrangère, de poursuivre ses activités
et de conserver une comptabilité confidentielle. D'ailleurs, le
gouvernement lui attribue un contrôleur et l'oblige à changer
1
Lettre de Balard de Pouquerille à MAE, 12 juin 1896, AMF/B13.316, p.35.
100 / L’autre dictature
de statut juridique. L'avocat de la banque, le sénateur Rafael
Dondé, obtient le recours d'« amparo », mais les intérêts de la
BNM et les besoins du gouvernement imposent au ministre des
Finances d'exiger sa soumission aux ordonnances du Code du
commerce. Une solution est alors suggérée par l'actionnaire
José Yves Limantour, qui propose de racheter l'ancienne
concession de la Banque des Employés (encore inexistante) et
de régulariser ainsi la situation de la Banque de Londres 1. En
1886, Manuel Dublán accepte le transfert de concession, qui
est réformée en 1889 2. La BLM aligne alors ses attributions
sur celles des autres institutions de crédit et poursuit ses
activités avec les privilèges de banque nationale d'émission 3.
La concurrence avec la BNM n'est pas une difficulté pour la
Banque de Londres. Ses affaires vont bon train. En 1891, elle
augmente son capital, qui passe de 1,5 à 5 millions de pesos 4.
En 1896, elle affiche un état « de réelle prospérité, attestée
par l'élévation des dividendes distribués, qui ont atteint
14 % » 5.
C'est l'heure des Barcelonnettes. Une nouvelle
augmentation est proposée, annonce Rafael Dondé à
l'Assemblée générale, car « un groupe de commerçants et de
capitalistes, tant de la République que de l'étranger, a conçu
l'idée d'apporter un nouveau capital à la Banque » 6. Ceux-ci
s'engagent à verser 5 millions de pesos en espèces et
1
Cet épisode et la discussion sur le monopole de la Banque Nationale sont décrits
dans F. Rosenzweig, « Bancos y moneda », op. cit., pp.809-812.
2 Voir le décret du gouvernement du 21 août 1889 (« Aprueba las reformas hechas a
las Concesiones del Banco de Londres y México »), in Dublán y Lozano,
Legislación...
3 Le contrat de 1889 accorde le nom de « Banco de Lóndres y México », le privilège
d'émission de billets et celui d'établir des « succursales dans tout le pays et à
l'étranger », ainsi que les exemptions d'impôts sur le capital et les dividendes. En cas
de guerre, la banque sera déclarée neutre. Voir Ibid., pp.518-520.
4 Voir Procès-verbaux des Assemblées Générales des Actionnaires de la Banque de
Londres et de Mexico..., Agustin Pérez de Lara, notaire public, AMF/B13.316, pièce
63.614, p.3.
5 Lettre de Balard de Pouquerille à MAE, 5 août 1896, AMF/B13.316, p.31.
6 Procès-verbaux des Assemblées Générales des Actionnaires de la Banque de
Londres et de Mexico..., op. cit., p.6.
L’hegemonie des Financiers / 101
demandent en échange la moitié des actions et quelques
places dans le Conseil d'administration, qui passe de 5 à 12
membres. En outre, ce groupe déclare que son projet a été
accueilli « avec plaisir » par le président de la République et
le ministre des Finances, ajoutant : « ces Messieurs
acceptèrent notre requête de proroger jusqu'à cinquante ans la
concession dudit établissement » 1. Les fiançailles ont lieu le
14 mai et le mariage est célébré, avec l'autorisation officielle,
le lendemain du 14 juillet 1896 2. La nouvelle institution, qui
a failli prendre le nom de « Banque de Londres, de Paris et de
Mexico », augmente alors son capital (il atteint 10 millions de
pesos) et la liste de ses actionnaires. On trouve ainsi dans son
Conseil d'administration les Barcelonnettes Léon Signoret,
Henri Tron, Mateo Lambert, Léon Ollivier, Alphonse Michel,
Léon Honnorat, Gratien Guinchard et Josep Hauser, les riches
commerçants espagnols Valentin Elcoro, Faustino Martínez,
Pedro Albaitero, Manuel Romano Gavito ainsi que Iñigo,
Florencio et Remigio Noriega, des personnalités politiques
telles que le général Manuel González Cosio (ancien
gouverneur du Zacatecas, ministre de Fomento, de l'Intérieur,
de la Guerre...), Francisco Espinoza (trésorier de la
Fédération), Joaquin Baranda (ancien gouverneur de
Campeche, ministre de la Justice et de l'Instruction publique),
et quelques célèbres financiers comme Ignacio de la Torre y
Mier (propriétaire foncier, gendre de Porfirio Díaz), Delfin
Sánchez (gendre de Juárez), Luis Barroso Arias, Andres
Bernejillo et Rafael Dondé (avocat). Les actionnaires anglais,
dont la participation passe de 90 % à 50 %, sont encore
représentés par H.C. Waters, gérant général de la banque 3.
1
Lettre de « Messieurs OLLIVIER & Cie, M. LAMBERT & Cie, SIGNORET,
HONORAT & Cie, NORIEGA & Cie et REMIGIO NORIEGA HERMANOS », 12
mai 1896, Ibid., p.7.
2 Voir Arreglo celebrado por la Secretaría de Hacienda con el Banco de Londres y
México, DDCD 1897, séance du 17 avril, pp.532 et suiv.
3 Voir Asamblea general ordinaria del Banco de Londres y México 1897,
AMF/B13.316, pièce 30.
102 / L’autre dictature
Dès lors, la Banque de Londres participe activement au
développement des entreprises dans tout le pays. Elle
augmente encore son capital qui passe à 15 millions de pesos
en 1899, grâce aux Barcelonnettes qui contrôlent désormais la
banque, puis à 21,5 millions de pesos en 1906, avec l'aide,
cette fois, de Français de métropole. La Banque de Paris et
des Pays-Bas, et la Société Financière pour l'Industrie au
Mexique prennent, en effet, 4 millions et s'engagent à coter
les bons à la Bourse de Paris, tandis que le groupe animé par
les Barcelonnettes se réserve le droit d'acheter les 2,5 millions
restants 1. Ceux-ci confortent ainsi leur position au sein de la
banque et occupent presque tous les postes de direction. Le
général Manuel González Cosío devient président, le
sénateur Rafael Dondé vice-président et Rosendo Pineda,
homme orchestre des Científicos, membre du Conseil
d'administration. Il s'agit ici d'une progression accélérée du
capital bancaire, plus ou moins généralisée dans les autres
banques, et d'une excellente réussite d'entente entre épargne
créée au Mexique, placements étrangers et élites politiques.
Depuis la loi de 1897, le capital bancaire est allé en se
renforçant. Sa puissance provient « des ressources qu'il
rassemble, des secteurs et des firmes qu'il aide ou qu'il
contrôle -et du rôle même des hommes qui le dirigent » 2. Les
banques, telle la BLM, sont au service des activités
économiques de leurs associés. L'augmentation de capital est
chaque fois une occasion de réinvestir les profits (financiers,
commerciaux et industriels) et d'agrandir la capacité de crédit
utilisé par les associés et le public. Nous connaissons déjà
l'ampleur de l'activité des Barcelonnettes : industries textiles
1
Cette offre est faite par J.B. Ebrard y Cia, C. Markassuza, El Palacio de Hierro
S.A., Valentin Elcoro, B. Roves y Cia sucesores, Antonio Basagoiti, Fernando
Pimentel, Manuel G. Cano, Francisco Espinoza, Léon Signoret et Iñigo Noriega.
Voir Expédition des actes concernant l'augmentation du capital social de la Banco de
Londres y México, Agustin Pérez de Lara, notaire public, AMF/B13.316, pièce
63.652, p.8.
2 J. Bouvier, Initiation au vocabulaire..., p.144.
L’hegemonie des Financiers / 103
(CIDOSA, CIVSA, , CICARSA, San Ildefonso, La Hormiga...), du
papier (San Rafael), du tabac (El Buen Tono, La Moderna),
brasserie (Moctezuma), l'usine Nationale de Poudre), la
métallurgie (Fundidora de Monterrey), les mines (El Boleo, la
Preciosa)..., les grands magasins (El Palacio de Hierro, ParisLondres, El Centro Mercantil, La Valenciana, El Puerto de
Veracruz, Las Fabricas Universales,), les chemins de fer
(Mexicano), etc. Nous connaissons également le rôle
politique des hommes qui dirigent la BLM. C'est pourquoi la
progression de la banque s'identifie avec la stabilité du
régime. Chaque augmentation de capital donne lieu à un
éloge du gouvernement. On peut ainsi entendre en assemblée
générale :
« La tranquillité permanente du pays, le développement
croissant des entreprises industrielles, qui se multiplient sur
divers points de la République ; l'état florissant du
commerce [...], la prospérité et le bien-être des finances
publiques qui, habilement administrées, continuent à
consolider le crédit national et à inspirer une légitime
confiance... » 1
Le « miracle porfiriste » est lancé et ne connaît pas de limite.
La paix et la confiance dans l'avenir incitent les hommes
actifs du régime à suivre la vague du progrès et du profit.
D'autres alliances et d'autres institutions de crédit leur offrent
maintes occasions de s'enrichir.
Outre les banques d'émission, la nouvelle loi bancaire a
permis la création de banques hypothécaires et
refaccionarios, dont l'influence ne cesse de s'acroître, ainsi
que l'illustre le tableau suivant :
1
« Assemblée générale extraordinaire des actionnaires de la Banco de Londres y
Mexico du 26 avril 1899 », in Procès-verbaux des Assemblées générales..., op. cit.,
p.14.
: Archives du ministère de l’Economie et des Finances, série
B31.316, pièce 30. Rapports du Conseil d’Administration, 1896.
SOURCE
105 / L’autre dictature
Tableau 6 STRUCTURE DU SYSTEME BANCAIRE (1900 - 1910)
(pourcentages sur l'ensemble des capitaux actifs)
TYPES DE BANQUE
D'emission
« Refaccionarios »
Hypothécaires
TOTAL
1900
1905
1910
90
4
6
86
7
4
79
14
7
100
100
100
Sources : A. Peñafiel, Cuadro sinóptico..., pp.58-61, et J.L.
Cepeda Dobala, Histoire de la banque mexicaine, tableau n°14.
La baisse relative des banques d'émission traduit une certaine
diversification de la demande en matière de services
financiers. C'est ainsi que le marché des prêts à moyen et long
terme (six mois ou plus) croît notablement : emprunteurs et
créanciers sont alors confiants dans le régime. Dans
l'ensemble, les banques hypothécaires sont moins actives que
les banques refaccionarios, dont la part fait plus que tripler ;
deux types d'institution qu'il convient d'examiner.
En ce qui concerne les banques hypothécaires, soulignons
qu'elles doivent jouer un rôle important dans un pays agricole
(80 % de la population mexicaine vit à la campagne), lorsque
l'agriculture fait partie du secteur modernisé. Mais
l'agriculture mexicaine n'est moderne que dans les régions du
Nord et du Sud-Est, produisant pour l'exportation, le reste,
plutôt traditionnel, suffisant à peine aux besoins du pays.
Dans ces conditions, les banques hypothécaires ne font pas de
grosses affaires, sauf s'il existe un marché foncier actif. Or ce
dernier se constitue durant les années 1880, avec
106 / L’autre dictature
l'instauration du régime moderne de propriété, la politique
« d'occupation du territoire » et la construction des chemins
de fer. Au début du XXe siècle, le marché foncier se
développe encore, avec les concessions minières et
pétrolières. C'est précisément pour renforcer le crédit en
faveur des acquéreurs fonciers que sont créées les banques
hypothécaires : la Banque Internationale et Hypothécaire du
Mexique (1883), avec un capital nord-américain et anglais, et
la Banque Agricole et Hypothécaire (1900), dirigée par le
groupe Creel-Terrazas 1. La première de ces deux banques
augmente son capital entre 1883 et 1900 (il passe de 2 à 15
millions de pesos), tandis que la seconde reste modeste durant
quelques années (à peine un quart du capital actif de sa
concurrente) 2. Mais, après la dévaluation de 1905, les
Français, les Barcelonnettes et les Científicos prennent la
Banque Agricole en main et lui apportent un capital
supplémentaire. En 1908, cette dernière prend le nom de
Crédit Foncier Mexicain (Banco Hipotecario de Crédito
Territorial Mexicano), émet des bons et des obligations
hypothécaires dans les Bourses européennes (Pays-Bas,
Suisse, Belgique, Allemagne et, surtout, France), et ouvre sa
direction à divers actionnaires. Entrent alors dans son Conseil
d'administration quelques Français (Antonio Hubbe, Joseph
Signoret, Armand Delille), des Barcelonnettes (Alphonse
Michel, H. Reynaud, Donato de Chapeaurouge) et des
Científicos (Fernando Pimentel y Fagoaga, Carlos Casasús,
Fernando Duret, José Castellot). Enfin, la banque établit un
Comité à Paris, contrôlé par la Société centrale des banques
de province 3. L'année suivante, le Crédit Foncier devance la
1
Voir Concesión Escritura y Estatutos del Banco Agricola e Hipotecario, Mexico,
1902.
2 Entre 1892 et 1906, le capital actif de la Banque Internationale passe de 8 à 23
millions de pesos, celui de la Banque Agricole de 2 à 7 millions (Voir A. Peñafiel,
Cuadro sinóptico..., pp.58-59).
3 Le Conseil est composé d'Achille Adam et de Casimir Petit (de la Société centrale
des banques de province), de Joseph Aynard (banquier à Carcassonne), de Georges
L’hegemonie des Financiers / 107
Banque Internationale 1. Il accorde des crédits (à dix et vingt
ans) à 9 % d'intérêt ; il obtient des fonds à 4,5 % et 5 %
d'intérêt en plaçant des obligations sur le marché financier
européen, notamment français 2. Ses bénéfices proviennent de
la différence entre le taux de l'intérêt auquel il peut se
procurer de l'argent et celui auquel il le prête aux acquéreurs
de biens fonciers. Mais les bénéfices grossissent
considérablement lorsque les actionnaires de la banque
deviennent acheteurs de biens de l'Etat (mines, terrains
vagues ou en friche).
Il nous reste à évoquer les banques refaccionarios dans
lesquelles les Barcelonnettes, les Français et les Científicos
ont également engagé leurs intérêts. Sept banques de ce type
sont fondées pendant notre période, soit quatre de taille
modeste dans les Etats de Campeche Michoacán Chihuahua
et la région de la Laguna, et trois plus importantes dans la
capitale : la Banque Centrale Mexicaine (1899), la Banque
Mexicaine de Commerce et d'Industrie (1906) 3 et la Banque
Espagnole Refaccionario (1911) 4. La Banque Centrale
Mexicaine (BCM) est de loin la plus importante (en 1910, elle
représente plus de deux tiers des actifs de ces banques) 5.
D'après ses statuts, la BCM fait des prêts, à moyen terme, pour
soutenir l'industrie, l'agriculture et les mines. Dans la
Rivaud (ancien préfet du Rhône), de Jean Armand Cloetta (banquier). Il est chargé
d'autoriser les opérations supérieures à 100 000 pesos. Voir Prospectus de placement
d'obligations, AMF/B31.317, pièce 107.
1 En 1909, le capital actif de la Banque Internationale est de 30 millions de pesos,
celui du Crédit Foncier de 33 millions.
2 Voir Compagnie des agents de change de Paris, Décision et avis de la Chambre
Syndicale, 17 janvier 1910, AMF/B31.317, pièce 106.
3 Cette banque, « Mexicanische Bank für Handel und Industrie », est une filiale de la
« Deutsche öberseeische Bank » (Banque Allemande Transatlantique), succursale au
Mexique de la Deutsche Bank. Son capital est de 10 millions de pesos. Voir L. N.
D'Olwer, « Las inversiones extranjeras », HMM-PVE, p.1058.
4 Cette banque est fondée avec un capital de 2 millions de pesos.
5 En 1910, le capital de la Banque Centrale est de 29,1 millions de pesos, celui de la
Refaccionario de la Laguna de 13 millions, de la Refaccionario de Campeche de 3
millions, de la Comercial Refaccionario de Chihuahua de 2,3 millions, et de la
Refaccionario de Michoacán de 1,5 millions.
108 / L’autre dictature
pratique, signale Pablo Macedo, ces services « sont peu de
choses car elle fonctionne plutôt comme une nouvelle banque
commerciale, avec de visibles tendances à se convertir en
centre des banques d'émission des Etats » 1. La BCM joue en
effet un rôle de « Caisse de liquidation ». Elle centralise et
effectue les règlements entre les diverses banques locales
d'émission, et accepte, à guichets ouverts et sans escompte,
les billets de ces banques, dans les limites du crédit qu'elle
leur consent et selon l'importance de chacune d'elles, les
banques étant obligées de rembourser au pair les billets avant
la fin de l'exercice. Si des quantités anormales de billets lui
sont présentées, la BCM a le droit de les refuser pour sa propre
sécurité 2. Chaque banque possède, à ce propos, un compte
courant à la BCM, dont le solde débiteur peut atteindre 10 %
de son capital (les intérêts sont de 5 % au crédit et de 7,5 %
au débit). Cette banque a ainsi pour but d'assurer la
circulation des billets sur tout le territoire. Elle escompte
également des billets à ordre, remis par les banques locales,
achète et vend des devises moyennant une commission de
4 %. De plus, la BCM et les banques locales se prêtent
mutuellement et gratuitement assistance en ce qui concerne
les encaisses métalliques : lorsqu'une banque se trouve en
difficulté, toutes les banques constituent un fonds équivalant
à 50 % du capital de la banque en question 3.
Ces mécanismes répondent à l'architecture même de la
banque. Fondée en 1899 (concession octroyée au groupe
Creel-Terrazas, représenté par Joaquin D. Casasús), la BCM
bénéficie du concours financier de la Deutsche Bank, de la
maison Bleichröeder et de la Banque J.P. Morgan, de NewYork (alors créanciers de l'Etat). Très vite, les Barcelonnettes
la rejoignent (ils ont l'appui, dès 1907, de la Banque de
1
2
3
P. Macedo, « Les institutions de crédit », op. cit., p.240.
Voir note sur la Banque Centrale Mexicaine, AMF/B31.314, pièce 1.
Voir note sur la Banque Centrale Mexicaine, fournie par la Banque de l'Union
Parisienne, AMF/B31.315, pièce 18.
L’hegemonie des Financiers / 109
l'Union Parisienne) 1. Le capital de la BCM -à l'origine 3
millions de pesos- atteint 6 millions en 1900, 7 millions en
1901, 10 millions en 1903, 21 millions en 1905 et 30 millions
en 1907 2. Ce capital, « devenu français » 3, est divisé en deux
séries d'actions, dont l'une -invariable (30 000)- est réservée
aux banques locales et l'autre aux fondateurs et au public 4.
Cette institution, qui sert de trait d'union entre les banques
locales, est un véritable centre d'articulation de l'oligarchie
bancaire. Des membres de l'élite économique du pays (tant
des Etats que de la capitale) et des représentants des intérêts
étrangers (majoritairement français) sont sur les listes des
actionnaires et sont représentés dans son Conseil
d'administration 5. Ceux-ci sont toutefois encadrés par des
hommes éminents du régime, en particulier par les Científicos
et même par des membres de la future opposition (Francisco
I. Madero ou Rafael L. Hernández). Ses dirigeants sont
Enrique C. Creel, Joaquin D. Casasús, Fernando Pimentel y
Fagoaga...
Les capitaux et les bénéfices sont à la mesure de
l'expansion du secteur bancaire, consécutive à la loi de 1897.
Dix ans après la promulgation de la loi, les actifs des banques
ont ainsi quintuplé 6, tandis que leur champ d'activité s'est
considérablement élargi. Une politique fiscale qui n'est en
rien contraignante et des bénéfices qui ne cessent de croître,
voilà de quoi satisfaire les investisseurs mexicains et
1
2
Voir Le Monde économique, mars 1913, p.305.
Voir le rapport de la maison Hugo Scherer Jr sur la Banque Centrale,
AMF/B31.314, pièces 102-103.
3 « La Banque Centrale s'est émancipée de cette tutelle IallemandeI fort gênante,
grâce au concours que les capitalistes français ne lui ont pas marchandé »
(AMAE/NS 29, lettre du Chargé d'affaires de Greigueil à MAE, 29 mars 1909).
4 Voir note sur la Banque Centrale du Mexique, AMF/31.315, pièce 48.
5 Citons quelques noms : Donato de Chapeaurouge (groupe des Barcelonnettes),
Joseph Signoret, André Guieu et Maurice Ullmann (représentants des intérêts
français), Ernesto Otto et Ernesto Schöeder (intérêts allemands), F. Kladt et S. Wolff
(intérêts anglo-américains), Carlos Casasús, Fernando Pimentel y Fagoaga, Pablo
Macedo et Fernando Duret (Científicos), Alberto Terrazas, Ramón Alcazar, Porfirio
Parra et Gabriel Mancera (hommes politiques). Voir AMF/B31.315, pièce 18.
6 Ils passent de 138 à 663 millions de pesos (voir A. Peñafiel, op. cit., pp.60-61).
110 / L’autre dictature
étrangers. Conscient de la situation, le Chargé d'affaires
français au Mexique attire l'attention de son ministre sur la
nécessité d'encourager les investissements français au
Mexique :
« Le capital, les actions et les dividendes sont exempts
d'impôts, ainsi que les documents pour le service intérieur de
la banque ou de ses succursales. Les contrats passés entre le
gouvernement et une banque autorisée sont exempts de
timbre. Les honoraires des experts ou des notaires, qui sont
fixés par la loi, sont réduits d'un tiers. Ces franchises sont
accordées pour une période de 25 ans. L'intérêt que les
banques prennent pour les prêts qu'elles font varie de 6 à
9 % l'an dans la capitale de la République, et, en ce qui
concerne les banques des Etats, l'intérêt arrive fréquemment
à 12 % l'an. Les institutions de crédit ont pu, par cela même,
donner de bons dividendes à leurs actionnaires, dividendes
qui, dans certains cas, comme pour la Banque Nationale,
arrivent à 18 et 20 % l'an ; il y a lieu de faire remarquer que
l'on constitue, en même temps, non seulement les réserves
prévues par les statuts, mais aussi des réserves
supplémentaires. » 1
Les profits réalisés durant le porfiriat sont en effet colossaux.
La distribution des bénéfices nets -et non les dividendespermettent d'en mesurer l'ampleur 2. Ces bénéfices nets
comprennent, entre autres, les dividendes ainsi que les fonds
de réserve et de prévision 3. En y regardant bien, on s'aperçoit
1
Rapport du Chargé d'affaires à Mexico, 23 décembre 1907. AMF/B31.313, pièce
459, p.16.
2 Dans son livre Industria y subdesarrollo, L.H. Habers, base sa recherche sur les
dividendes des grandes entreprises nationales. En fait, cette méthode ne permet pas
d'évaluer les profits et de conclure que leur faiblesse a mis un frein à l'accumulation
et aux investissement productifs, donc à l'industrialisation. Le fond du problème
réside plutôt dans la contraction du marché et la disparité des revenus.
3 Citons, par exemple, en le simplifiant, le projet suivant de distribution des
bénéfices de la Banque de Guanajuato : fonds de réserve spécial extraordinaire par
suite de l'émission de 2 500 actions (12,3 %), fonds de réserve ordinaire (10 %), au
Conseil d'administration (10 %), « aux parts de Fondateur » (25 %), aux actions
L’hegemonie des Financiers / 111
que ces fonds sont aussi élevés que les dividendes. C'est ainsi
que le capital versé de toutes les banques de concession
fédérale s'élève, à la promulgation de la loi de 1897, à 41
millions de pesos et le fonds de réserve à 6 millions ; or ce
capital atteint, au 30 juin 1907, 163 millions et le fonds de
réserve 56 millions, soit 34,4 % du capital 1. Signalons que
certaines banques, comme la BNM ou la BLM, sont plus
productives que d'autres. La BLM, par exemple, annonce dans
son assemblée ordinaire de 1906 que les fonds de réserve se
montent à 62,79 % du capital social, et décide de créer un
fonds de réserve extraordinaire 2. On le voit, non seulement
les actionnaires reçoivent des dividendes, mais ils amortissent
aussi leurs capitaux. De tels profits séduisent les investisseurs
et les épargnants étrangers, qui gagnent, en Europe ou en
France par exemple, entre 2 % et 4 % d'intérêt.
L'essor des banques est aussi celui des financiers. La loi de
1897 a permis aux Científicos de tisser des liens avec les
élites économiques. Ceux-ci ont d'abord profité du désir des
Barcelonnettes de fonder une banque, pour établir de solides
relations avec les commerçants et les financiers mexicains et
étrangers. Puis ils se sont liés avec les hommes d'affaires
locaux, à la faveur de la création du réseau régional de crédit
dont ils furent chargés. Enfin, ils ont articulé l'oligarchie
bancaire autour de la Banque Centrale Mexicaine. Entre 1897
et 1908, le pouvoir de cette oligarchie s'étend à l'ensemble du
système financier : elle contrôle la Banque de Londres et la
Banque Nationale (Julio Limantour et Roberto Nuñez sont au
Conseil d'administration, Pablo Macedo devient viceprésident), le Crédit Foncier et la Banque Hypothécaire
anciennes (2,5 % supplémentaires), aux actions nouvelles (2,5 % supplémentaires).
Signalons que chaque pourcentage est prélevé sur la distribution précédente. Voir
Banque de Guanajuato, Bilan des profits et pertes 1904, AMF/B31.315, pièce 84, p.
11.
1 Rapport du Chargé d'affaires à Mexico, 23 décembre 1907, op. cit., p.17.
2 Voir Banco de Londres y México, Assemblée générale ordinaire du 31 janvier
1906, p.14.
112 / L’autre dictature
(Porfirio Díaz fils et Julio Limantour sont au Conseil
d'administration), ainsi que diverses banques locales (Minière
de Chihuahua, Peninsular, Etat de Mexico, Guanajuato,
Zacatecas, San Luis Potosí, Aguascalientes, Morelos) et
plusieurs sociétés financières (Almacenes Generales de
Depósito, Société Foncière du Mexique...). En tout, cette
oligarchie représente plus des trois quarts du capital
bancaire 1. Voilà ce qui fait la force des Científicos : une
puissance économique écrasante sur laquelle repose leur
activité politique. Avec la loi générale des institutions de
crédit, Limantour a consolidé son parti -désormais d'Etat- et a
ouvert la porte aux intérêts français (Barcelonnettes et
métropolitains), leur accordant des privilèges au détriment de
leurs concurrents. A la veille de la Révolution, cependant, ces
conditions d'exclusivité mettent le régime sous leur joug et
contrarient les désirs d'expansion des autres puissances
étrangères, des sociétés anonymes et des groupes locaux.
1
Investissements français et barcelonnettes (60 %), ceux des hommes d'affaires
mexicains (15 %). Voir AMF/B13.313, pièce 249, et L.N. D'Olwer, « Las
inversiones extranjeras », HMM-PVE, pp.1053-1064.
MUTATIONS ET CRISE DU RÉGIME
En 1900, le général Porfirio Díaz réussit à mettre en place une solide
communauté d’intérêt. On peut l’observer ci-dessus tenant la lance de la
cinquième réélection qui blesse le Christ du suffrage effectif ; cloué sur la
croix de la dictature. A ses côtés, l’image des soldats représente les
Cientificos ; dont le premier n’est autre que Don Sebastian Camacho. Au
fond, la Ste. Madeleine symbolise le parti libéral qui pleure pour avoir été
évincé du pouvoir et parce qu’on a renoncé à ses aspirations républicaines.
La Constitution et la presse indépendante, humiliées, pleurent également.
El Hijo del Ahuizote, avril 1900.
La stabilité et les surplus budgétaires permettent au
gouvernement de combler les voeux des financiers tout en
modernisant le pays. Tant et si bien que, vers le début du
XXe siècle, l'Etat intervient dans le processus économique
en favorisant le maintien des taux de profit. Cette évolution,
qui indique un changement de la nature de l'Etat et révèle
l'étroitesse des relations qu'il entretient avec les financiers,
n'est pas sans conséquences politiques.
1. Du libéralisme au dirigisme (1897 - 1908)
Dans leur volonté de définir une politique économique
viable, les administrations successives mexicaines sont
parvenues à réunir les différents groupes d'intérêts de la
société, un processus dans lequel les projets et les réformes
fiscales de Matías Romero ont joué un rôle décisif. A la
suite de la loi bancaire de 1897, ces intérêts, qui se sont
développés dans tous les secteurs de l'économie et les
finances, sont rejoints, nous venons de le voir, par un
groupe de Mexicains et d'étrangers qui a formé une
116 / L’autre dictature
puissante élite financière, encadrée par les Científicos et
encouragée -voire guidée- par le ministère des Finances.
Limantour occupe alors une place prépondérante dans le
gouvernement, tandis que cette élite s'identifie de plus en
plus au régime. Le projet de la dictature porfiriste -« ordre,
paix et progrès »- devient ainsi intimement lié aux intérêts
des financiers.
Le pouvoir politique ne cesse pas pour autant de traiter
avec les entrepreneurs et les puissances étrangères, qu'il met
sur un pied d'égalité tout en neutralisant leurs prétentions.
Cette attitude voile, cependant, tout un système de
privilèges, d'avantages, d'exceptions et de concessions
accordés aux investisseurs, en particulier à l'élite financière,
et se heurte à la tendance expansionniste et monopoliste des
sociétés anonymes et des grandes compagnies nordaméricaines. Afin d'affaiblir cette concurrence et de
conforter les intérêts amis, les Científicos, nous l'avons vu,
encouragent les alliances entre entrepreneurs mexicains, liés
au pouvoir, et investisseurs européens (notamment français
et anglais). Dans le même temps, Limantour conduit la
politique du gouvernement vers une plus grande action de
l'Etat dans l'économie, qui passe de la surveillance à
l'intervention et au dirigisme ; une direction nouvelle mais
délicate pour les intérêts économiques, qui fera connaître à
Limantour et aux Científicos de graves difficultés. Cette
tendance dirigiste, précédée de la modification du Pacte
fédéral, de la sujétion des Etats au pouvoir central et du
renforcement de l'Exécutif jusqu'au contrôle de tous les
rouages du pouvoir par Díaz, accentue le caractère
autoritaire de la dictature. Mais la forme et la nature de
l'Etat ne sont qu'une projection de la manière dont les élites
s'amalgament au pouvoir. Cette articulation se consolide,
dans le domaine de la fiscalité et des finances, avec
l'instauration de l'oligarchie bancaire, et évolue au fur et à
Mutation et crise du régime / 117
mesure que l'Etat élargit son rôle dirigiste et que les élites
prennent une place croissante dans les institutions ; une
évolution que la réforme monétaire de 1905 et la
consolidation du réseau ferroviaire permettent de suivre.
La réforme monétaire est essentielle 1. Nous avons
évoqué plus haut la baisse du prix de l'argent, les problèmes
monétaires qui lui sont liés et ses effets sur les divers
secteurs de l'économie, notamment sur l'activité minière,
l'industrie et le commerce extérieur. La baisse de l'argent et
la dépréciation du peso sont plus accentuées pendant la
période 1873-1897 (le peso passe à New York de 100 à
44,8 cents) que pendant la période précédant la réforme (de
1898 à 1902, il passe de 44,8 à 39,8 cents) 2. Devant de
telles tendances, il convient de s'interroger sur la pertinence
de la réforme monétaire et sur les méthodes de dévaluation.
Rappelons que, dès leur accession au pouvoir, Limantour et
les Científicos orientent leur politique modernisatrice vers
l'ouverture du pays à l'étranger et que l'économie devient de
plus en plus dépendante des investissements étrangers et du
commerce extérieur. Ce qui exige une certaine stabilité
monétaire car les oscillations des changes sont nuisibles aux
secteurs les plus impliqués dans l'économie mondiale,
notamment les importations, les investissements étrangers
et le service de la dette extérieure. En outre, les intérêts des
grandes maisons de commerce, des industriels, des
banquiers et des investisseurs étrangers sont directement
concernés. Le manque de base fixe pour l'estimation des
bénéfices et des dividendes est ainsi l'argument de fond
1
Sur cette réforme, voir E. Viollette, Le problème de l'argent et l'étalon-or au
Mexique, E. Martínez Sobral, La Reforma Monetaria, F. Rosenzweig, « Moneda y
Bancos », HMM-PVE, E. Ramírez Bautista, Controverse monétaire et pensée
économique au Mexique, M. Rosa Silva, Démonétisation internationale de
l'argent et réforme monétaire au Mexique.
2 Voir EEP-CE, p.154, et F. Rosenzweig, « Moneda y Bancos », op. cit., Tableau
XIII, p.866.
118 / L’autre dictature
invoqué par Limantour au Congrès pour entreprendre la
réforme monétaire et la dévaluation 1.
Rappelons les faits. Au début de 1903, Limantour
nomme une Commission monétaire, composée de quarantequatre membres, chargée d'étudier les problèmes
économiques et sociaux liés à la baisse de l'argent, et de
proposer des solutions 2. La discussion au sein de la
Commission dure un an. Ses membres divergent, en effet,
sur les mesures à prendre en ce qui concerne la valeur du
peso et les conséquences de ses variations : doit-on dévaluer
la monnaie et adopter l'étalon-or ? Dans l'affirmative, fautil, afin de garantir la stabilité du cours du change, créer un
fonds de réserve en or, destiné à maintenir la nouvelle
parité ? Porte-parole des partisans du maintien de la valeur
du peso et de l'étalon-argent -les « platistas »-, le riche
commerçant et agriculteur José de Landero y Cos reprend
les arguments exposés par Matías Romero dans son ouvrage
The Silver Standard in Mexico (1898). Il souligne ainsi les
divers bienfaits de l'étalon-argent, qui a fait ses preuves
dans la modernisation de l'économie, notamment dans le
secteur des exportations et dans la substitution des
importations. Pour les « platistas », la dévaluation
entraînerait « l'arrêt presque total des activités minières, le
chômage de milliers de travailleurs et de paysans, et
l'apparition d'une très grave crise qui succèderait au bienêtre dont a joui la République pendant ces dernières
années » 3. Les événements qui précèdent la Révolution
1
Voir « Nombramiento de una Comisión Monetaria », MH 1902-1903, pp.175180.
2 Voir Ibid., p.179.
3 Díaz Dufóo, membre de la Commission, rapporte ainsi les arguments des
« platistas » : « Les mines d'argent sont l'unique industrie solidement établie,
ajoutaient les défenseurs du statu quo, c'est celle qui, dans le cadre de la
production nationale, figure pour la part la plus importante, celle qui accuse les
bénéfices les plus élevés dans le bilan de notre richesse publique. La réforme
Mutation et crise du régime / 119
donnent raison à cette opinion pessimiste, la réforme
monétaire profitant davantage à la spéculation qu'à la
production 1, mais le raisonnement n'en demeure pas moins
simpliste, l'économie mexicaine étant désormais dépendante
du marché mondial. Quoi qu'il en soit, Macedo et Casasús
polarisent le débat sur la question de la création d'un fonds
de réserve et imposent leurs arguments à la Commission.
Les « platistas » perdent la partie, d'autant qu'ils sont en
minorité au sein d'une Commission composée de banquiers,
d'hommes d'affaires, de bureaucrates et de Científicos,
appartenant tous à l'élite financière 2 et défendant leurs
propres intérêts 3.
La Commission monétaire ayant opté pour la dévaluation
et pour la fixité d'une nouvelle parité avec l'or, il faut
démonétiser les pièces d'argent et frapper des pièces en or
ou équivalentes à la nouvelle parité. Limantour est à son
tour saisi pour trancher sur le fonds de réserve et sur
l'ensemble de la réforme monétaire. Dans son projet de loi,
le ministre pose la question clé : « pourrait-on, avec les
proposée allait atteindre profondément, et peut-être tuer, la poule aux oeufs d'or »
(Les finances mexicaines, p.151).
1 Voir, à ce propos, le débat ouvert par F.X. Guerra et A. Knight sur les origines
de la Révolution mexicaine, le premier insistant sur la prépondérance des
soulèvements des mineurs, le second sur celle des soulèvements paysans (F.
Guerra, « La Révolution mexicaine : d’abord une révolution minière », Annales,
pp.785-814, A. Knight, « La Révolution mexicaine : révolution minière ou
révolution serrana », Annales. pp.449 et ss).
2 Sont membres de la Commission huit Científicos (Francisco Bulnes, Joaquín D.
Casasús, José Castellot, Enrique Creel, Carlos Díaz Dufóo, Pablo Macedo, Pablo
Martínez del Río, Fernando Pimentel y Fagoaga), treize financiers alliés (Antonio
Basagoiti, José Bermejillo, Tomas Braniff, Juan M. Brittingham, Sebastían
Camacho, Luis G. Lavie, Ernesto Madero, Carlos Olaguíbel y Arista, Ernest
Pugibet, Hugo Scherer, Gustavo Struck, Henri Tron, H.C. Waters), huit
bureaucrates dévoués (Manuel Fernández Leal, Telésforo García, Ricardo García
Granados, Emeterio de la Garza Jr., Jaime Gurza, Luis G. Labastida, Genaro
Raigosa, Emilio Velasco). Pour la liste complète, voir MH 1902-1903, p.179.
3 Díaz Dufóo écrit ainsi : « Le nouveau régime lésait les intérêts de l'industrie
minière. Mais quoi, les autres intérêts de la nation, ceux favorisés par la stabilité
des changes, devaient-ils être sacrifiés au privilège d'une seule classe de
producteurs ? » (op. cit., p.159).
120 / L’autre dictature
moyens dont dispose le gouvernement, trouver la stabilité
des changes extérieurs, indépendamment des variations du
prix de l'argent ? » Après avoir répondu par l'affirmative,
Limantour critique les « platistas » car la dépréciation du
métal blanc, dit-il, n'est pas le seul facteur de l'essor
économique. Il en existe d'autres aussi importants, tels la
paix publique, les chemins de fer et surtout « l'immense
transformation économique produite par l'abolition des
Alcabalas ». De plus, signale le ministre, bien que la
dévaluation soit nuisible aux exploitants miniers,
« plusieurs intérêts de création récente se sont ajoutés aux
anciens » et réclament la stabilité des changes. « Si la fixité
de la valeur de la monnaie est le desideratum de toutes les
classes sociales », il faut en conséquence, conclut
Limantour, « chercher la valeur nouvelle du peso, la plus
conforme aux intérêts généraux de la République » 1. Une
fois encore, l'idée de nation (ensemble des classes de la
société) est ici confondue avec le « desideratum » des
financiers.
La réforme monétaire, décrétée le 25 mars 1905, fixe la
nouvelle parité (32 grammes d'argent pour 1 gramme d'or),
dévalue le peso de 50 %, suspend la frappe libre des
monnaies et établit les mécanismes pour maintenir la
nouvelle valeur du peso. A ce dernier propos, Limantour ne
juge pas nécessaire de créer un fonds de réserve, trop
coûteux et contraire à sa politique sur l'émission des billets
de banque 2. En revanche, la loi instaure une « Commission
des Changes et de Monnaie », chargée de régler la
circulation de la monnaie et de soutenir la stabilité du cours
1
Voir « Exposición de motivos del proyecto de ley sobre Reforma Monetaria », in
MH 1904-1905, pp.188-192.
2 Rappelons qu'il a refusé de garantir l'émission de billets avec les titres de la dette
publique.
Mutation et crise du régime / 121
du change 1. En trois ans, la Commission des Changes
démonétise, retire de la circulation d'anciennes monnaies
qui sont remplacées par plus de 86 millions de nouveaux
pesos (dont 83 millions de monnaies d'or) et fait frapper de
nouvelles pièces pour plus de 44 millions de pesos 2. De
plus, malgré l'avis de Limantour, la Commission, dont les
ressources ont augmenté, finit par constituer un fonds de
réserve en or de 18 millions de pesos. Celle-ci devient, non
seulement garante de la circulation monétaire -l'équivalent
de la « Réserve fédérale » des Etats-Unis-, mais surtout de
l'encaisse métallique des banques, du fait des certificats de
dépôt en or qu'elle est chargée d'émettre 3. Les souhaits de
Romero et de Dublán, désireux de voir les banques garantir
leur émission de billets avec des bons de la dette publique,
sont ainsi exaucés. Le fonds de réserve et les certificats de
dépôt établis par la Commission des Changes remplissent
ce rôle et assurent à l'Etat un plus large contrôle de
l'émission monétaire du pays. Avec la Réforme, souligne
Enrique Martínez Sobral, chef du Département de crédit et
de commerce du ministère, « le gouvernement mexicain a
voulu intervenir dans le marché des changes comme un
véritable banquier, afin de le gouverner, de diriger son
évolution » 4. Une fois les phénomènes monétaires
soustraits aux libres forces du marché, le dirigisme de l'Etat
devient réalité 5.
1
Article 23 de la loi du 25 mars 1905. La Commission est composée de dix
membres : le ministre des Finances (président), le Trésorier fédéral, le directeur
des Hôtels de frappe des monnaies, trois représentants des grandes banques
(BNM, BLM et BCM) et quatre personnes nommées par le gouvernement. Voir,
P. Macedo, « Memoria de la Comisión de Cambios y Moneda », in E. Martínez
Sobral, La Reforma monetaria, pp.296-299.
2 Voir P. Macedo, Ibid., pp.254-259.
3 En fait, les certificats sont des dépôts à vue, de lingots ou monnaies en or,
confiés à la Commission, que les banques peuvent ajouter à leur encaisse
métallique et, si besoin, changer en numéraire.
4 E. Martínez Sobral, La Reforma monetaria, p.175.
5 Voir F. Rosenzweig, « Moneda y Bancos », op. cit., p.878.
122 / L’autre dictature
Le dirigisme n'est qu'une des conséquences de la réforme
monétaire. La dévaluation et la stabilité des changes ont
d'autres implications, bien plus graves, notamment la
hausse des prix (entre 1904 et 1908, l'indice général des
prix passe de 108 à 132 points 1) et l'enchérissement des
importations par rapport aux exportations (le pays doit
exporter davantage de marchandises pour acquérir les
mêmes produits d'importation 2), des hausses qui mettent
l'économie du pays en difficulté. Les élites, qui ont prévu
cette crise, croient pouvoir la juguler par la relance
économique devant suivre la stabilité des changes. Díaz
Dufóo souligne ainsi les vertus de la réforme :
« Non seulement le taux des changes commença à se
stabiliser aux environs de la nouvelle parité de la piastre
avec l'or, mais encore on observa une remarquable
affluence de capitaux étrangers, encouragés par la fixité
relative de la valeur de notre monnaie. Un an après la
réforme, qui entra en vigueur le 1er mai 1905, le pays
avait absorbé et appliqué à diverses industries plus de
quatre-vingts millions de piastres provenant de l'Europe et
des Etats-Unis : tel était du moins le chiffre des entrées
« visibles », indépendamment des sommes dont
l'importation échappe aux statistiques. » 3
Certes, les intellectuels du régime n'ont pas tort quand ils
pensent que la réforme va attirer les investissements
étrangers et favoriser la relance économique. Cependant, s'il
est vrai qu'ils contribuent en partie à la modernisation et à la
création d'entreprises industrielles, les investissements
1
2
Voir EEP-FT, p.157.
Entre 1904 et 1910, l'indice des prix en or à l'importation passe de 101 à 115
points, tandis que celui des exportations passe de 104 à 108 : une différence de 7
points (F. Rosenzweig, « Moneda y Bancos », op. cit., p.884).
3 C. Díaz Dufóo, Les finances du Mexique, pp.157-158.
Mutation et crise du régime / 123
alimentent surtout la spéculation financière, permettent
l'expansion de l'oligarchie bancaire mais ne profitent pas à
l'économie. En effet, ces investissements sont canalisés par
le réseau bancaire, qui s'attache d'abord à les placer dans
différentes affaires. C'est ainsi qu'après la dévaluation, la
Banque de Londres, la Banque Nationale et la Banque
Centrale Mexicaine -pour ne citer que les plus grandesaugmentent leur capital et déclenchent une fièvre
spéculative que Limantour, lui-même, doit stopper. Le
ministre envoie alors une circulaire aux contrôleurs des
banques, précisant qu'il « n'autorisera plus les
augmentations de capital » car cette « tendance s'est
accentuée d'une façon excessive dans quelques banques qui
en ont besoin plutôt pour acheter des actions d'autres
banques, pour les dominer ou pour entreprendre des
spéculations de genres divers » 1.
La spéculation et la tendance à la concentration vont bon
train. En fait, ces phénomènes ont pris forme vers la fin du
siècle et se développent avec le début des travaux de la
Commission monétaire, en prévision de la dévaluation. En
1903, en effet, les capitaux trouvent refuge dans les affaires
foncières (notamment dans les titres miniers) ou dans
l'exportation des devises. Les banques, qui ne font que
suivre leurs clients, accroissent alors leurs opérations.
Ainsi, par exemple, la Banque Nationale annonce en 1905 :
« au 27 juin 1903, nos opérations d'escompte et de prêts
s'élevaient à $ 48 353 390, et se montent aujourd'hui à
$ 71 670 818 ; c'est-à-dire qu'en deux ans elles ont subi une
augmentation de cinquante pour cent » 2. Les procèsverbaux des assemblées de la Banque de Londres et de la
Banque Centrale font le même constat. Cette dernière se
1
2
Diario oficial, n° 13, 15 septembre 1905.
BNM, Assemblée générale extraordinaire du 6 octobre 1905 (traduit de
l'espagnol), Imp. Charles Skipper & Est, 1906, p.6, AMF/B.31.316, pièce 71.
L’un des objectifs de la Réforme monétaire de 1905, est d’atteindre la
stabilité des changes qui assurerait aux financiers une plus grande sécurité
dans l’envoi d’argent à l’extérieur. Avec la dévaluation de la monnaie, on
assiste à une augmentation des prix internes et à une perte du pouvoir
d’achat des salaires du peuple. Ce qui occasionne un frein à la
consommation et un début de licenciement des travailleurs. Limantour
propose alors un projet ambitieux de travaux publics.
El Colmillo Público, 1er avril 1906.
Mutation et crise du régime / 125
taille la part du lion en raison de ses relations avec les
banques locales. « Dans certains genres d'opérations annonce le rapport du Conseil d'administration de la BCM-,
nous sommes presque toujours associés avec les banques de
la capitale et avec quelques banques des Etats, en obtenant
chaque fois plus de profit de cette confraternité » 1. Après la
dévaluation, les banques accélèrent la spéculation. En 1905,
la BCM double son capital (il passe de 10 à 21 millions de
pesos) et l'exercice se solde par une augmentation des
dividendes (ils passent à 11 %), dividendes les plus élevés
de tous les exercices. La réforme monétaire, qui accroît les
ressources venant de l'extérieur, ne fait qu'augmenter les
appétits de profit des financiers. La Banque Centrale,
comme les autres, est très efficace pour placer les
investissements indirects étrangers. En 1906, le rapport de
son Conseil d'administration annonce ainsi : « nos rapports
avec la Banque de l'Union Parisienne ont commencé à
produire des effets bénéfiques car nous avons placé dans les
marchés de Paris certaines valeurs qui ont produit des
profits raisonnables et qui ont apporté des nouveaux
capitaux au pays » 2.
On ne peut parler, pourtant, d'un abus de spéculation.
Lorsque, après la dévaluation, les capitaux reviennent en
masse, leur pouvoir d'achat est doublé du fait de la nouvelle
parité du peso. Les banques, qui se chargent alors de les
placer, se développent en contrôlant des sociétés. Limantour
ne freine la spéculation qu'une fois le fait accompli (les
grandes banques ont déjà augmenté leur capital). Quant à la
Commission des changes, elle maintient la parité des
changes et laisse faire les banques, au lieu de contrôler les
1
Affirmation répétée dans les rapports du Conseil d'administration de la BCM aux
Assemblées générales de 1906 et de 1907. Voir Memoria de las Instituciones de
Crédito, T.II, pp.938 et 949.
2 Rapport du 1er février 1906, in Memoria de las Instituciones de Crédito, p.938.
126 / L’autre dictature
échanges de devises pour empêcher la spéculation et ralentir
l'inflation. C'est que la Commission est, en fait, dominée
par les financiers. Elle est composée des plus hauts
responsables des finances publiques (ministre des Finances,
Trésorier fédéral et directeur des Hôtels des monnaies) et
des plus importants banquiers, dont Gustave Struck (BNM),
Henri Tron (BLM), F. Kladt (BCM), Hugo Scherer, Andres
Bermejillo (BNM) et James Walker (Banque Mexicaine
Commerciale et Industrielle), tous dirigés par Pablo Macedo
(vice-président de la Commission) 1. Les dirigeants de
l'oligarchie bancaire sont ainsi juge et partie dans les
affaires de crédit et de monnaie du pays.
Une fois acquise la stabilité monétaire et soudés les
intérêts de l'Etat et des financiers par le biais de la
Commission des changes, Limantour peut développer une
politique de travaux publics et de communications, basée
sur les ressources intérieures et sur le crédit extérieur. Dès
1895, l'équilibre budgétaire rassure les créanciers, qui
perçoivent exactement les intérêts et le service de la dette.
Le crédit de la nation à l'extérieur est de plus en plus grand,
tandis que les financiers ont confiance dans la stabilité du
Mexique et investissent. Autre avantage de l'équilibre
budgétaire : les reliquats des surplus offrent à l'Etat des
ressources abondantes qui lui permettent d'appliquer sa
politique 2. Limantour peut alors encourager les grands
travaux, une entreprise dans laquelle le gouvernement va
conforter l'oligarchie et accentuer son caractère dirigiste.
Pour la construction de ports, d'écoles, d'hôpitaux, d'édifices
publics divers 3, le Congrès accorde un budget de plus de 60
1
2
Voir P. Macedo, « Memoria de la Comisión de cambios.. », op. cit., pp.297-299.
Entre 1896 et 1910, la somme des surplus du budget atteint 157,550 millions de
pesos (voir MH 1910-1911, p.IV).
3 Signalons la construction des ports de Veracruz, Tampico, Salina Cruz,
Coatzacoalcos, Manzanillo, celle d'écoles primaires, de théâtres, de marchés,
d'hôpitaux, de maisons de retraite, sans oublier les bâtiments exceptionnels, tels le
Mutation et crise du régime / 127
millions de pesos entre 1899 et 1909 1. Ce chiffre énorme (il
équivaut aux actifs de la Banque Centrale), peut-être sousestimé, fait de l'Etat, non seulement un promoteur actif de
l'industrie du bâtiment, mais aussi un facteur important de
la relance économique, ces ressources étant débloquées
pendant les années de crise (1901, 1907 et 1909) 2.
Sous la coupe des porfiristes et des Científicos, l'Etat
devient ainsi plus interventionniste que « libéral ». Par
l'intervention, qu'il veut force régulatrice, l'Etat espère, dans
un souci de progrès et d'intérêt général, redistribuer une
partie de la richesse sociale (constituée des impôts) et
compenser les aléas des tendances économiques. Mais cette
force tombe vite entre les mains de l'oligarchie bancaire,
véritable maître des affaires. Nous l'avons vu, ce sont les
Científicos, les proches du pouvoir et des autorités de la
municipalité de Mexico qui obtiennent les meilleurs
contrats d'urbanisation dans le District fédéral, des pratiques
qui se généralisent dans d'importantes proportions. C'est
ainsi que, pour éliminer la concurrence et se doter de
moyens plus puissants, les entrepreneurs décident en 1906,
au beau milieu du grand mouvement spéculatif, de s'unir et
de créer une société dédiée aux travaux publics : la
« Compañia Bancaria de Fomento y Bienes Raíces de
México» ou Société foncière du Mexique. Fondée avec un
capital de 5 millions de piastres, la Société foncière absorbe
plusieurs compagnies importantes, dont la « Compagnie
générale de pavage », la « Société Pimentel frères », la
Palais des Beaux-Arts, l'édifice de la poste, du ministère des Communications, la
gare ferroviaire ou le Palais législatif, et, enfin, les travaux d'adduction d'eau
potable, d'écoulement et d'assainissement, de pavage et d'enjolivement des rues de
Mexico.
1 Voir MH 1901-1902, pp.319-321, MH 1906-1907, pp.315-316, MH 1908-1909,
pp.151-152.
2 Les budgets sont les suivants : 10 millions de pesos en 1901, 24 millions en
1907, 26 millions en 1909.
128 / L’autre dictature
« Compagnie de travaux d'urbanisation » et la grande
« Compagnie mexicaine de ciment Portland » 1. De plus, la
nouvelle société acquiert les terrains de la « Colonia de la
Condesa » et de la « Colonia del Paseo ». En 1907, elle
augmente son capital de 6,6 millions de piastres et, grâce à
ses relations avec la haute banque, parvient à émettre des
titres et des obligations sur le marché français. Par exemple,
en 1909, elle lance, avec le concours de la Société Générale,
un emprunt hypothécaire de 12,5 millions de francs-or (à
5 %) et affiche déjà un capital de 40 millions de pesos 2.
Puis, en 1910, elle introduit en Bourse 50 000 de ses
106 000 actions, qui rapportent de bons dividendes (de 8 %
à 10 %) 3. On retrouve, parmi ses actionnaires et les
membres de son Conseil d'administration, les membres de
l'oligarchie bancaire (Alcazar, Barroso, Castellot,
Chapeaurouge, Duret, Escandón, Kladt, de Landa, Macedo,
Pimentel, Rincón Gallardo, Scherer, Tron...), encadrés par
les grandes banques (BNM, BLM, BCM et Banque Mexicaine
Commerciale et Industrielle), qui détiennent plus des deux
tiers des actions... 4 Les travaux publics sont un champ
fertile pour cette oligarchie. Mais les liens étroits de celle-ci
avec un pouvoir politique qui lui assure son quasimonopole constituent aussi son point faible 5. Privilèges et
monopoles sont des éléments à prendre en compte dans la
chute du régime, d'autant que ces procédés bloquent le
développement d'autres intérêts.
1
A propos de la compagnie Portland, voir S.H. Haber, Industria y subdesarrollo,
p.234.
2 Prospectus de l'emprunt hypothécaire de la Société foncière du Mexique,
AMF/B31.314, pièce 171.
3 Voir Finances News, 23 avril 1913.
4 Voir « Lista de asistencia a la Asamblea General de la Compañía Bancaria de
Obras y Bienes Raíces », 11 juin 1909, Archivo general de notarias del Distrito
federal, Testimonio de la escritura de aclaración ó rectificación à la Constitutiva
de Obra y Bienes Raíces, Sociedad Anónima, 18 juin 1909.
5 Voir, à ce propos, la lettre du baron de Vaux, Chargé d'affaires à Mexico, à
MAE, 10 juillet 1911, AMF/B31.316, pièce 71, p.2.
Mutation et crise du régime / 129
Dans ce sens, le cas des chemins de fer est exemplaire.
C'est dans ce secteur déterminant de l'économie mexicaine
et dominé par les investissements nord-américains (ils
contrôlent, en 1902, plus des trois quarts du réseau national)
que la politique des Científicos (ouvrir le pays aux intérêts
européens pour compenser l'expansionnisme des
compagnies nord-américaines) prend toute son ampleur.
L'affaire de la ligne interocéanique de Tehuantepec et la
« consolidation » de la Compagnie des chemins de fer
nationaux sont à cet égard révélatrices. Le cas de la voie
ferrée de Tehuantepec relève de l'alliance du gouvernement
avec le capital anglais. Cette voie commerciale entre les
deux océans, conçue dès l'époque de Charles Quint, est
désormais stratégique. Après de multiples échecs 1,
Limantour établit en 1896 un contrat avec la maison
anglaise Pearson and Son (partenaire du gouvernement dans
les travaux du « Grand canal » de la vallée de Mexico), afin
de terminer la ligne et de construire les grands ports de
Salina Cruz et de Coatzacoalcos. La ligne, mise en service
au début de 1907, avant même l'ouverture du canal de
Panamá, compte deux mille kilomètres de moins, entre New
York et San Francisco, que la route empruntant le canal.
Cette opération risque donc de concurrencer les NordAméricains 2.
1
La concession est d'abord octroyée à Edward Learned (New York) qui, de
janvier 1878 à août 1882, ne construit que 35 kilomètres. Puis le général González
résilie le contrat et engage le gouvernement à poursuivre les travaux avec le
financier mexicain Delfín Sánchez, qui ne réalisera que 108 kilomètres. En 1888,
Díaz prend les choses en main, fait un emprunt de 3 millions de livres sterling et
signe un contrat avec l'Anglais Edward Mc Murdo qui achève la ligne, dont les
conditions de sécurité sont déplorables. Voir « Los ferrocarriles », HMM-PVE.
2 Les Nord-Américains, ne cesse d'affirmer la diplomatie française, craignent une
concurrence sérieuse (voir, par exemple, la lettre de Pereti à MAE, 16 février
1907, AMAE/NS-33).
Le gouvernement considère stratégique la ligne interocéanique de
Tehuantepec et préfère en faire concession aux investisseurs européens,
malgré la pression qu’exercent les Américains. On peut observer John Bull
et le banquier Blechroëder qui regardent la ligne d’un œil intéressé, tandis
que l’Oncle Sam est effrayé. Au fond, sur le toit du palais national, c’est à
peine si l’on distingue les silhouettes de Díaz et de Limantour à côté du
drapeau.
El Hijo del Ahuizote, 27 août 1893.
Mutation et crise du régime / 131
De plus, l'affaire est originale puisqu'une société mixte est
formée, l'Etat s'associant avec une compagnie privée de
surcroît étrangère 1. L'investissement de l'Etat est
considérable : la subvention -à l'origine, 5 millions de pesosdépasse les 45 millions 2. Mais la ligne appartient désormais à
la nation, tandis que les pertes éventuelles seront partagées et
que 65 % des bénéfices reviendront à l'Etat pour une durée de
35 ans (un pourcentage qui augmentera par la suite 3). La
maison Pearson est chargée de l'administration directe de la
compagnie, qui prend le nom de « Ferrocarril Nacional de
Tehuantepec » (FNT). Afin de s'assurer une clientèle, Pearson
mène une politique d'alliances avec les compagnies
maritimes, notamment avec l'« American Hawaïan Steamship
Company » (AHSC), société de transport entre Hawaï et la côte
Est des Etats-Unis. Le FNT devient alors actionnaire de l'AHSC,
dont il détient 30 % des actions en 1910 4. C'est ainsi que,
pour la première fois, L'Etat mexicain investit à l'extérieur du
pays.
Cette affaire soulève de nombreux commentaires car elle
provoque, dit-on, l'irritation des Etats-Unis, qui se
brouillent avec le gouvernement de Díaz. Les rumeurs
mettent en cause la concurrence que le FNT fait au canal de
Panamá et surtout l'exclusion explicite des compagnies
nord-américaines. En effet, lorsque l'Etat mexicain et
Weetman D. Pearson signent le contrat d'exploitation en
1902, John B. Body, administrateur général de la
1
L'ambassadeur anglais au Mexique souligne ainsi : « c'est la première fois, je
crois, qu'un gouvernement national s'associe avec une entreprise privée ». Voir
Diplomatic and Consular Reports, n° 658, Miscellaneous Series (H.M. Stationery
Office, 1907), in E. Durán, op. cit, p.45.
2 Ce chiffre correspond à la subvention payée par le gouvernement jusqu'au 30
juin 1902 (voir P. Macedo, « Travaux publics », op. cit., p.278). Suite à l'alliance
avec Pearson, l'hypothèque du premier emprunt est levée et les porteurs sont
remboursés.
3 72,5 % les cinq années suivantes, puis 100 % (E. Durán, op. cit., p.45).
4 En juillet 1905, l'Etat achète 6 250 actions, puis 8 000 en 1908.
132 / L’autre dictature
compagnie à Mexico, écrit une lettre à Pearson l'informant
que le gouvernement des Etats-Unis a demandé des
explications aux autorités mexicaines concernant
l'exclusion des citoyens nord-américains dans le chemin de
fer de Tehuantepec, exclusion stipulée dans l'article 106 du
contrat.
Limantour
déclare
d'ailleurs
clairement
qu'« octroyer le contrat à Pearson était un des moyens
employés par le président Porfirio Díaz pour faire face à
l'influence nord-américaine » 1. En fait, les Etats-Unis
s'irritent avant toute chose de la domination de l'empire de
Pearson, qui concurrence les compagnies nord-américaines.
La société anglaise contrôle, en effet, les travaux publics,
une grande partie de l'industrie électrique mexicaine 2 et
surtout la production pétrolière où elle devance la Standard
Oil (en 1911, elle produit 53 % du pétrole mexicain) 3. Une
domination rendue possible par les liens étroits unissant
Pearson et Díaz, qui assurent à la compagnie anglaise les
meilleures concessions.
L'alliance entre les intérêts du gouvernement et des
Européens, ainsi que la tendance dirigiste de l'Etat prennent
d'autres formes dans la « consolidation » des « Ferrocarriles
Nacionales ». C'est ainsi qu'en 1903 Limantour abandonne
son « plan général », qu'il applique depuis 1899, et franchit
le pas vers la nationalisation des chemins de fer, à un
moment où les compagnies ferroviaires sont entraînées par
la spirale monopoliste, les plus puissantes absorbant les
plus faibles. Si bien qu'en 1902 seules huit compagnies se
1
C. Thorup, « La competencia económica británica y norteamericana en México
(1887-1910) », in Historia Mexicana, pp.636-637.
2 Voir A. L. Palma, « Los orígenes de la industria eléctrica en México : las
compañias britanicas en México (1900-1920) », Historias 19, pp.139-158.
3 La lutte entre les deux compagnies est publique et durera jusqu'en 1938. Le 30
avril 1910, The Economist peut ainsi déclarer que la Mexican Eagle Oil Company,
de capital anglais, « associée aux Mexicains haut placés, pourrait détrôner la
domination de la Standard Oil Company ».
Mutation et crise du régime / 133
partagent le réseau national, sur la quarantaine de sociétés
autorisées pendant les années 1880. La plus grande d'entre
elles -la Centrale (ligne Mexico-Ciudad Juárez)- est la
propriété du puissant groupe de la « Standard Oil » et vient
d'absorber les concessions des lignes de Mexico vers le
Guerrero. La Nationale (Mexico-Laredo), dominée par le
banquier Speyer & Co, de New York, a pris le contrôle de
l'Internationale. L'Interocéanique (Veracruz-Mexico, devant
s'étendre à Acapulco), qui exploite des réseaux secondaires
dans le centre du pays, est de capital anglais. Le
« Mexicano » (Mexico-Veracruz), la plus ancienne,
appartient à une compagnie anglaise. La « South-pacific »
(Nogales-Guaymas-Mazatlán) est de capital nord-américain
(W.E. Harriman) et mexicain (groupe Creel-Terrazas). La
« Veracruz Pacific » (Veracruz-Isthme de Tehuantepec) est
la propriété de la Maryland Trust Company. Les
« Ferrocarriles Unidos de Yucatán » sont contrôlés par le
groupe de Molina, propriétaire de toutes les lignes de la
péninsule du Yucatán. Le Chemin de fer de Tehuantepec,
enfin, est entre les mains de l'Etat et de la maison anglaise
Pearson and Son. Les deux plus importantes compagnies, la
Nationale et la Centrale, qui contrôlent environ 90 % du
transport destiné au commerce extérieur, s'engagent dans
une lutte acharnée pour acquérir le plus grand nombre de
lignes secondaires dans le nord du pays. Lorsqu'en 1901, la
Centrale achète la ligne Monterrey-Tampico pour avoir un
débouché sur le golfe du Mexique, le groupe Speyer
réplique en réalisant de grands travaux (transformation en
voies normales des voies étroites) et en prenant le contrôle
de l'Internationale. Afin d'éviter que cette lutte n'aboutisse à
une fusion, que prépare, « d'après des renseignements
134 / L’autre dictature
véridiques » déclare Limantour, « un puissant groupe de
capitalistes », le ministère intervient 1.
Cette intervention marque le début d'un processus
d'achat des lignes par l'Etat (nationalisation) qui s'achève,
cinq ans plus tard, par la fusion des deux grandes
compagnies ferroviaires. Limantour justifie de diverses
manières cette intervention. En premier lieu, le ministre
affirme vouloir « empêcher la concentration de toutes les
voies ferrées entre des mains étrangères », essentiellement
nord-américaines 2. Ces propos, non exempts de patriotisme
ou de sentiment national, sont corroborés par les
commentaires de l'ambassadeur de France qui prévoit, en
1901, l'achat par la Standard Oil de la Nationale et d'autres
lignes ferroviaires, ou qui écrit, à propos de l'achat de lignes
par l'Etat : « cette opération a pour but principal d'empêcher
les financiers des Etats-Unis d'accaparer entièrement le
réseau des voies ferrées du Mexique » 3. Ces arguments,
repris par les observateurs de l'époque 4, sont généralement
négligés par les historiens 5. Ils sont pourtant fondés. En
1
J.Y. Limantour, « Informe... sobre los estudios y gestiones de la Secretaría en
asuntos de Ferrocarriles... », MH 1903-1904, p.413.
2 Limantour précise qu'il veut mettre un frein à « l'absorption de plusieurs lignes
par des groupes de capitalistes, dont le propos, secret ou explicite, est la
concentration en peu de mains des principaux moyens de transport de tout le
pays » (Ibid., p.412).
3 Voir les lettres de Blondel à MAE, 30 juillet 1901, AMF/B31.314, pièce 122, de
Schoenfeld à MAE, 27 et 28 septembre 1902, AMAE/NS T.33, de Dumaine et de
Chivot à MAE, 9 juillet et 5 août 1907, AMAE/NS T.34.
4 P. Leroy-Beaulieu écrit à ce propos : « Le Mexique a su éviter un autre péril,
celui du socialisme d'Etat, et à ce sujet, le voisinage des Etats-Unis lui a été fort
utile. On ne voit pas qu'il exploite des chemins de fer ; il s'est seulement assuré le
contrôle des principales lignes, de manière qu'elles ne pussent être constituées en
un trust dirigé par des étrangers, notamment des Américains ; cette mesure,
purement de défensive nationale, et qui laisse l'administration des lignes aux
mains de sociétés privées, est parfaitement légitime » (« Finances », in Le Mexique
au début du XXe siècle, T.2, p.154).
5 Certains affirment que Limantour n'utilise les arguments d'un possible contrôle
de tous les chemins de fer par les Nord-Américains que dans le seul but d'obtenir
l'approbation du Congrès. Cette analyse est reprise par Rosenzweig et non remise
en cause par Coatsworth, tandis que Bulnes, Díaz Dufóo ou Leroy-Beaulieu
soulignent le danger imminent de la concurrence et saluent la politique de
Mutation et crise du régime / 135
effet, malgré des prix élevés 1, les chemins de fer sont
déficitaires (entre 1896 et 1902, après avoir amorti les
investissements, la Nationale et la Centrale ne distribuent
pas de dividendes 2). Seules deux solutions peuvent
améliorer cette situation : la hausse des tarifs des transports
-ce qui serait fâcheux pour les secteurs économiques liés à
l'exportation- ou l'absorption des lignes concurrentes par un
groupe ayant suffisamment d'intérêts au Mexique pour se
permettre d'exploiter le réseau ferroviaire à perte. C'est bien
ce dernier cas de figure qui se profile, avec la Standard Oil,
dont l'empire (mines, métallurgie et surtout pétrole) pèse
déjà beaucoup sur le Mexique comme sur les Etats-Unis
eux-mêmes 3. En outre, Limantour, en bon administrateur,
met en avant la nécessité d'homogénéiser et de développer
le réseau ferroviaire, ce que devrait permettre le contrôle de
l'Etat : « Il sera possible —dit-il—, de corriger beaucoup de
défauts, spécialement celui des lignes parallèles ». Le
ministre invoque également l'économie réalisée dans
l'exploitation d'un réseau unifié. Enfin, il souligne la
mauvaise image de la santé économique du pays que
donnent aux investisseurs étrangers les « difficultés de
nationalisation. Il est peu probable que Limantour ait eu besoin de brandir un
épouvantail pour convaincre un Congrès entièrement dévoué à l'Exécutif... Voir F.
Rosenzweig, « Las inversiones... », op. cit., p.1070, Coatsworth, op. cit., C. Díaz
Dufóo, Les finances..., pp.130-133, P. Leroy-Beaulieu, « Les finances publiques »,
op. cit., F. Bulnes, La verdad acerca de la revolución, pp.182-184.
1 La presse économique et commerciale du début du siècle se fait régulièrement
l'écho des plaintes contre les tarifs élevés des transports.
2 Voir D. Pletcher, Rail, Mines and Progress, pp.230-305 (« Les rapports des
compagnies ne mentionnent pas le mot profit », écrit-il).
3 L'écrivain nord-américain, Edward L. Bell, rapporte Bulnes, souligne la croisade
menée par Limantour contre les monopoles nord-américains, en particulier celui
de la Standard Oil (voir Bulnes, La verdad acerca de la revolución, pp.182-184.).
De leur côté, les Etats-Unis engagent, dès le début du siècle, la lutte contre les
trusts. Ils décrètent, en 1904, la loi antitrust, qui dissout le holding Northern
Securities Company (de J.P. Morgan, regroupant diverses compagnies de chemins
de fer). En 1911, la Cour suprême dissout l'empire de la Standard Oil (ce groupe,
appartenant à John D. Rockefeller, contrôle alors 85 % de la production de pétrole
des USA).
136 / L’autre dictature
nature financière » des propriétaires de la compagnie
Centrale 1.
Le processus —complexe— de l'achat de lignes par
l'Etat apporte un certain éclairage sur l'évolution des
méthodes gouvernementales et des mécanismes financiers.
En 1903, l'Etat achète la « Veracruz Pacific » (qui vient de
déposer son bilan) et la majorité des actions de
l'Interocéanique ; ce qui lui permet d'arranger une alliance
avec la Nationale, qui cherche un débouché dans le golfe,
puis d'en prendre le contrôle 2. Peu à peu, l'Etat va ainsi
dominer l'ensemble des compagnies. Trois ans plus tard,
Limantour annonce le projet de « consolidation » (fusion)
des compagnies Nationale et Centrale 3. Il faut attendre
encore deux ans pour que, le 28 mars 1908, la compagnie
« Ferrocarriles Nacionales de Mexico » soit constituée 4. La
société, dont le siège est à Mexico, a un capital social de
460 millions de pesos, divisé en trois types d'actions, dont
l'un, réservé à l'Etat, ne rapporte ni intérêts ni dividendes
mais lui assure la majorité 5. De plus, celui-ci se porte
garant pour le placement d'obligations à Londres, Berlin et
1
J.Y. Limantour, « Discours prononcé à la Chambre par le ministre des
Finances... », op. cit., pp.4-5.
2 L'Etat s'engage à ne pas accorder à d'autres compagnies de nouvelles concessions
qui pourraient concurrencer la Nationale dans le Nord-Est du pays. De son côté, la
Nationale prend l'engagement de compléter son réseau dans cette région en
construisant une ligne directe Monterrey-Matamoros. L'Etat finit par posséder plus
de 47 % des actions de la Nationale, ce qui lui assure la direction de l'entreprise.
Voir « Decreto del Congreso que autoriza la emisión de Obligaciones del Tesoro y
aprueba la compra de acciones del Ferrocarril Nacional de Mexico », MH 19031904, pp.314-315.
3 Voir « Discours prononcé à la Chambre par le ministre des Finances, le 14
décembre 1906 », AMF/B31.314, pièce 215 (traduction du Mexican Herald, 15
décembre).
4 Voir Escritura constitutiva y estatutos de la Compañía Ferrocarriles Nacionales
de Mexico, AMF/B31.314, pièce 336.
5 Ce capital est représenté par 300 000 actions de préférence 1er rang (dont
100 000 à l'Etat), 1 250 000 actions de préférence 2ème rang (dont 302 782 à
l'Etat), et 750 000 actions ordinaires (747 240 à l'Etat).
Mutation et crise du régime / 137
Paris 1. Possédant des actions des deux compagnies, les
banques nord-américaines et les financiers mexicains
dirigent ensemble l'opération 2. Une fois de plus, on
retrouve parmi les actionnaires de la nouvelle compagnie
les noms de l'oligarchie bancaire mexicaine 3. Soulignons le
don d'ubiquité de Pablo Macedo, nommé à la viceprésidence du Conseil de direction, où l'on remarque aussi
la présence de Limantour et de ses protégés (Joaquín D.
Casasús, Luis Elguero, Guillermo de Landa y Escandón,
Gabriel Mancera, Manuel Zamacona e Inclán et, son propre
frère, Julio Limantour) 4. A la veille de la Révolution, les
représentants de cette oligarchie forment un groupe de plus
en plus restreint, d'autant que Limantour choisit avec
minutie ses partenaires. Après trois mois d'intenses
négociations, il doit néanmoins concéder au gouvernement
français, en échange de l'émission à Paris des bons 4 % de
seconde hypothèque, la nomination de José Signoret au
Conseil d'administration 5.
1
Sont émises des obligations pour 169 638 630 pesos à 4,5 % et pour
101 495 200 pesos à 4 %. La compagnie assure aussi le service de 115 539 000
pesos d'obligations émises antérieurement par les sociétés absorbées. Voir F.
Rosenzweig, « Las inversiones... », op. cit., p.1077.
2 Sont chargés des émissions les banquiers Kuhn Loeb & Co, Speyer & Co,
Ladembourg, Thalmann & Co, Hallgarten & Co, tous de New York, Speyer
Brothers, de Londres, Bank für Handel und Industrie et Berliner
Handelsgesellschaft, de Berlin (voir lettre de M. Lanel, consul français à NewYork, à MAE, 8 avril 1908, AMF/B.31.314, pièce 220).
3 Les principaux actionnaires mexicains sont : Luis Barroso Arias, Salvador M.
Cancino, Sebastián Camacho, Porfirio Díaz Jr, Pablo Escandón, Roberto Gayol,
Jaime Gurza, Ricardo Honey, José de Landero y Cos, Luis Méndez, Sebastián de
Mier, Fernando Pimentel y Fagoaga, Antonio Pliego Pérez, Pedro Rincón
Gallardo... (Escritura constitutiva... op. cit., p.21).
4 Pour la liste complète, voir Premier rapport annuel des Chemins de fer nationaux
du Mexique pour l'exercice se terminant au 30 juin 1909, AMF/B31.314, pièce
180.
5 Les négociations avec le gouvernement français comprennent aussi des
commandes de matériel militaire. Voir la correspondance entre Limantour,
l'ambassadeur A. Doumain et les ministres français des Affaires étrangères et des
Finances, AMF/B31.314, pièces 187-217.
En 1903, la concurrence entre les compagnies pétrolières européennes :
anglaises et françaises, et les nord américaines s’accentue. La Standard Oil
veut contrôler les compagnies ferroviaires qui transportent le pétrole brut.
Le gouvernement tente de freiner le Trust en achetant quelques lignes. Il
émet des actions et des obligations à la bourse de Paris et crée les Chemins
de fer Nationaux du Mexique. Observons Limantour , avec la loi anti-trust,
regroupant les locomotives de l’Internationale, de l’Interocéanique et les
unissant par la main au National du Mexique ; dans leur fumée, on peut
lire : « L’union fait la force ».
El Colmillo Público, 24 avril 1904.
Mutation et crise du régime / 139
En ce qui concerne l'usage de nouveaux mécanismes
financiers, il convient de souligner qu'il ne s'agit ici ni
d'acquisition ni d'absorption d'entreprises par l'Etat, mais
d'un simple achat d'actions en quantité suffisante pour
dominer la direction de la société. Le combat se déroule
donc dans la sphère financière, sur le marché boursier. Le
ministre des Finances définit ainsi son objectif :
« L'opération consiste à utiliser les mêmes procédés des
entreprises, mais avec des fins différentes car, au lieu
d'exercer cette influence dominatrice à la recherche de
profit particulier, nous devons le faire au bénéfice du
public. » 1
Si la notion de service public, qui transparaît ici, va de pair
avec un certain dirigisme de l'Etat, l'option de Limantour, il
faut le reconnaître, fait de ce ministre un précurseur. Par la
nationalisation, celui-ci parvient à libérer quelque peu le
pays du joug de ce géant qu'est la Standard Oil, mais il fait
aussi de l'Etat un partenaire actif des investisseurs étrangers.
De plus, l'opération n'entraîne pas une révolution des
structures générales de l'économie mais introduit
simplement le capitalisme d'Etat, une pratique et une notion
nouvelles à l'époque 2. La question est de savoir comment
maintenir un réseau de communication coûteux et
déficitaire, tout en réduisant les tarifs (la révolution
ferroviaire est, en effet, basée sur la capacité de transport et
la réduction des frais). Pour y parvenir, l'Etat engage le
crédit public, laisse l'exploitation des trains aux compagnies
déjà existantes, et délègue aux contribuables le soin de
1
2
J.Y. Limantour, « Informe... », op. cit., p.414.
Voir J. Bouvier, Initiation aux mécanismes..., p.71.
140 / L’autre dictature
payer le coût de l'opération 1. Il reste que cette présence de
l'Etat dans le réseau de communication, dont dépend en
grande partie les exportations du pays, est devenue un
facteur indispensable au fonctionnement de l'économie
nationale.
Soulignons, enfin, que l'ensemble de ce processus
n'aurait pas été possible sans les investissements européens
indirects, les uns canalisés par les banques, les autres par la
dette publique, dans laquelle le capital français est devenu
prépondérant. Limantour réussit ici une opération
d'envergure. En 1905, il obtient, en effet, après de longues
négociations avec les porteurs de titres des emprunts
Maximilien (les « Petis-Bleus »), l'ouverture de la Bourse
de Paris aux titres d'Etat mexicains. Les grandes banques
françaises (Paribas, Crédit Lyonnais, Union Parisienne,
Société Générale) participent alors au placement des
emprunts et aux conversions de la dette publique. Le crédit
du Mexique est à son apogée : les titres mexicains sont
côtés au-dessus du pair et les actions des entreprises voient
leur prix nominal doubler, tandis que les épargnants
français souscrivent en masse aux émissions mexicaines (en
1911, plus de 60 % des titres de la dette mexicaine circulent
dans le marché français 2). De cette manière, Limantour
obtient, non seulement de l'argent frais pour mettre sur pied
la société des Chemins de fer nationaux, mais aussi la
caution politique d'une grande puissance qui lui permet de
1
Les sociétés liées au commerce extérieur, ainsi que les actionnaires et les
créanciers des « Ferrocarriles Nacionales », sont donc les premiers bénéficiaires
(2 % de dividendes pour l'exercice 1908-1909). Après avoir couvert les intérêts de
la dette consolidée et des dettes sur équipement et sur garanties collatérales, il
reste un solde de 1 267 143 pesos -passé au compte des profits et pertes-, dont une
partie (63 357 pesos) est transférée au fonds de réserve, et l'autre utilisée pour le
paiement des dividendes. Voir Premier rapport annuel des Chemins de fer
nationaux du Mexique, op. cit., p.16.
2 Voir « Tableau sur les valeurs mexicaines circulant en France », AMF/B31.312,
pièce 65, et L.N. D'Olwer, « Las inversiones... », op. cit., tableau LXV.
Mutation et crise du régime / 141
modérer l'influence des capitaux nord-américains. Cette
situation n'échappe pas au chargé de mission représentant
les intérêts français en Amérique centrale, qui, après avoir
rappelé divers points de dissensions entre le Mexique et les
Etats-Unis, écrit en 1911 :
« Mais ce qui a peut-être le plus irrité le voisin du Nord,
c'est la façon dont Limantour a réussi peu à peu à
nationaliser la presque totalité des chemins de fer
mexicains, qui avait été jusqu'alors la propriété de
syndicats nord-américains. » 1
Il n'est pas surprenant, dans ces conditions, que la politique
de Limantour et de l'oligarchie, qui contrôle déjà les options
économiques de l'Etat et presque tous les rouages des
finances du pays, devienne la cible des intérêts ainsi écartés.
2. De la crise financière à la Révolution (1907 - 1911)
En octobre 1907, une crise financière éclate à « Wall
Street » et s'étend rapidement au monde capitaliste.
L'économie du Mexique est durement frappée : les valeurs
mexicaines subissent une baisse très sensible dans les
places boursières internationales, les investissements sont
stoppés, les banques d'émission augmentent leur taux
d'intérêt (il passe de 8 % à 10 %) 2 et réduisent les prêts de
façon drastique, tandis que la clientèle court aux guichets
retirer ses dépôts. Puis la monnaie métallique devient rare,
1
Comte M. de Périgny, « La situation politique au Mexique », France-Amérique,
juillet 1911, p.32. Rappelons que cette revue est l'organe du « Comité FranceAmérique », oeuvrant pour l'expansionnisme français dans cette partie du monde.
2 Les taux d'intérêts passent de 8 % à 9 % en janvier 1907, à 9,5 % en avril et à
10 % en juin. Ils tombent à 9 % un an plus tard, puis à 8 % en août 1909 (E.
Canudas, Crises de l'argent au Mexique, 1870-1919, tabl. 57).
142 / L’autre dictature
les affaires s'arrêtent, les exportations ralentissent, des
usines ferment et le chômage apparaît. Enfin, la stagnation
s'étend à toute l'économie, les capitaux fuient à l'étranger et
la pénurie s'installe. Dans un rapport confidentiel,
l'ambassadeur de France, Alfred Dumaine, brosse le tableau
suivant de la crise au Mexique :
« Toute activité s'est arrêtée net ; non seulement les
spéculateurs se trouvent réduits au chômage, mais les trop
nombreuses entreprises, dont la crédulité du public
constituait le principal élément de succès, disparaissent les
unes après les autres. Tel que des annonces de décès en
temps d'épidémie, les avis se multiplient dans les journaux
par lesquels il est fait part de cessation de paiement dans
les banques, de liquidation de compagnies industrielles, de
la cession à bas prix d'exploitations qui semblaient
fructueuses, de l'arrêt des travaux dans des mines, dont les
actionnaires n'auront à se partager que le prix des
machines mises en vente. Quelques sociétés, afin de
retarder l'heure de la catastrophe, fusionnent ensemble,
dans l'espoir que deux mauvaises affaires réunies en
produiront une bonne. Le commerce d'importation ne se
trouve pas moins rudement atteint, les consommateurs
sont tenus de modérer leurs dépenses. » 1
Cette crise grave révèle les problèmes de fond ; c'est-à-dire
les faiblesses de la structure économique, sur laquelle
repose la politique suivie par Limantour, et les vices des
mécanismes financiers. Sont ici en cause la concentration
de l'activité minière et métallurgique, les oligopoles
industriels, le déséquilibre de la production agricole, la
dépendance du pays envers l'étranger (notamment en ce qui
concerne les importations de produits de première nécessité
1
A. Dumaine à MAE, 9 décembre 1907, AMF/B31.312, pièces 2 à 7.
Mutation et crise du régime / 143
et les capitaux), la mainmise, enfin, de l'oligarchie bancaire
sur les institutions de crédit, oligarchie dont les pratiques
donnent à la crise sa forme et sa longue durée.
La crise est vécue au Mexique en deux temps. Avant de
s'étendre à tout le pays, elle commence dans le Yucatán, à la
suite d'une baisse très sensible du prix du henequen et de la
prévision d'une mauvaise récolte de cette fibre.
« L'imprudence de certains spéculateurs » (les grandes
maisons d'exportation font leurs affaires en Bourse et à
terme) entraîne des pertes considérables et provoque la
crise 1. Plusieurs maisons font alors faillite. En
conséquence, les banques d'émission « Yucateco » et
« Mercantil de Yucatán », qui ont accepté des hypothèques
pour un montant de 9 millions de pesos (plus de la moitié
de leur capital social), se trouvent dans une situation très
précaire. Sur la proposition de Limantour (désireux d'éviter
l'extension de la crise), les banques Nationale et Centrale,
garantes des capitaux français investis dans la
« Yucateco » , prennent le contrôle de ces deux banques,
qui fusionnent pour créer la Banque Péninsulaire
Mexicaine. L'intervention du ministre des Finances, dont les
journaux de la capitale chante les louanges, est présentée
comme un geste de « solidarité des grandes banques envers
leurs confrères en détresse » 2. Mais ce tapage médiatique
voile les véritables mobiles de Limantour : la volonté de
mettre un terme à la concurrence acharnée entre groupes
régionaux et de faciliter l'expansion de l'oligarchie bancaire.
Depuis les années 1870, en effet, deux groupes se
partagent la production et la vente du henequen dans le
1
Voir « Crise financière du Yucatán », dans le rapport du Chargé d'affaires
français à Mexico, 17 juin 1907, AMF/B31.312, pièce 462.
2 Voir rapport de Dumaine à MAE, 22 janvier 1908, AMF/B.31.312, pp.3-4, et C.
Díaz Dufóo, Les finances..., op. cit., p.190.
144 / L’autre dictature
Yucatán 1. D'une part, le groupe d'Escalante, associé à la
maison nord-américaine Thebaud Brothers, contrôle la
production et la vente de henequen jusque dans les années
1890. Il construit, de plus, la ligne de chemin de fer MeridaValladolid et fonde la Banque Mercantile du Yucatán
(1889). D'autre part, le groupe d'Olegario Molina, allié à
l'International Harvester (maison new-yorkaise), fait
construire la voie ferrée Merida-Progreso 2 et fonde la
Banque Yucatèque (1890). Molina, qui est aussi gouverneur
de l'Etat (1890-1906), cherche à se défaire de son
concurrent. Dans ce but, il établit des conventions et obtient
le monopole des ventes de henequen sur le marché nordaméricain. Il tente encore d'affaiblir son rival en
encourageant la fusion des chemins de fer; ce qui est chose
faite avec la création de la « Compagnie des chemins de fer
unis du Yucatán » (1902), dont la direction est confiée au
groupe d'Escalante. Nommé ministre de « Fomento » en
1906, Molina est en bien meilleure posture pour faire face à
la crise de 1907. Dans l'étude minutieuse qu'il consacre à la
naissance des banques dans le Yucatán, Barceló Quintal
précise :
« Le poste permit à Molina de contrôler les prix du
henequen [...], et de faire voter une loi au Congrès pour
subventionner les Chambres agricoles. Les producteurs du
henequen alliés à Molina se sont alors rassemblés dans la
Chambre agricole nationale et se sont mis sous l'égide de
cette loi. Cette Chambre devint ainsi une force
indépendante de la Chambre agricole du Yucatán, qui
1
Sur ce sujet, voir R.O. Barceló Quintal, « El desarrollo de la banca en Yucatán »,
in Banca y poder en México, op. cit., pp.165-207.
2 Olegario Molina dirige en personne les travaux entre 1877 et 1881. De 1881 à
1887, il est surintendant de la compagnie, puis membre du Conseil
d'administration.
Mutation et crise du régime / 145
avait en fait été créée contre le monopole de l'International
Harvester et la maison Molina. » 1
Tandis que la Chambre agricole du Yucatán échoue dans
ses tentatives auprès de Limantour pour obtenir une aide
financière, les alliés de Molina empochent les subventions
du gouvernement fédéral. La crise se solde par la chute de
la maison Escalante qui dépose le bilan et accuse des pertes
énormes, estimées à plus de 4,2 millions de pesos 2. En ce
qui concerne le contrôle des banques du Yucatán par
l'oligarchie bancaire, on remarquera que la toute nouvelle
Banque Péninsulaire Mexicaine (troisième banque
d'émission du pays 3) est désormais dirigée par deux
Comités : l'un, local, confié à José Castellot, et l'autre,
siégeant à Mexico, présidé par Fernando Pimentel y
Fagoaga. La crise du Yucatán illustre ainsi les rapports
entre les élites locales, l'oligarchie bancaire et le pouvoir
fédéral. On imagine assez le ressentiment des laissés-pourcompte, qui s'en vont grossir les rangs des mécontents.
Cependant, le cas du Yucatán n'est que le signe avantcoureur de la « bourrasque » qui s'abat sur le pays 4.
Nous avons vu que le Mexique exporte surtout, outre le
henequen
(10 %),
des
produits
miniers (55 %),
principalement vers les Etats-Unis. Ces affaires se règlent
sur le marché de New York, tandis que les exportations vers
l'Europe sont minimes. Il est, par conséquent, difficile de se
procurer des ressources en achetant des traites payables à
Londres ou à Paris. Or, les grandes entreprises financières et
1
2
R.O. Barceló Quintal, « El desarrollo... », op. cit., pp.201-202.
Le groupe Escalante (E. Escalante e hijos, Pedro Peón Contreras et E. Escalante
Peón) laissent 4 249 257 pesos de dettes, une somme qui n'est toujours pas
amortie en 1911. Voir le rapport de l'Assemblée générale de la Banque
Péninsulaire Mexicaine, 30 mars 1912 (publié dans la presse française),
AMF/B31.314, pièce 10.
3 Son capital est de 16 millions de pesos (dont 6 millions sont français).
4 Le mot est de Dumaine (lettre à MAE, 20 janvier 1908, AMAE/NS T.29).
146 / L’autre dictature
industrielles ayant placé leurs actions sur le marché de Paris
et de Londres, « les Mexicains sont obligés de se servir de
l'intermédiaire du marché de New York pour se procurer les
fonds dont ils ont besoin en Europe » 1. Mais, si les causes
externes de la crise sont générales et communes aux pays
exportateurs de matières premières trop liés aux Etats-Unis,
le fonctionnement particulier des institutions de crédit de
chaque pays joue aussi un rôle important. La panique
bancaire trouve sa source dans le grand nombre de débiteurs
insolvables, dont les emprunts à long terme ou à six mois
renouvelables vident pratiquement les caisses des banques
d'émission. Par le renouvellement continuel de leurs
emprunts, ces débiteurs conservent leurs affaires productives ou non- et sauvent la face. Mais, lorsque la
crise les surprend et conduit les banques à demander le
recouvrement de leurs dettes, les débiteurs, ne pouvant
payer, mettent dans l'embarras toutes les institutions de
crédit. Celles-ci remboursent de justesse le public qui se
presse aux guichets mais épuisent leur métallique.
Cependant, les débiteurs ne sont pas les seuls responsables
de la réduction du crédit et de l'aggravation de la pénurie et
de la crise. En effet, les banques d'émission se sont
dangereusement exposées en immobilisant leurs capitaux et
les dépôts de leur clientèle dans des affaires à long terme, et
en garnissant leurs portefeuilles de valeurs difficilement
réalisables. De plus, les banques ont réservé les crédits à
une clientèle choisie, très réduite, ayant toujours droit au
renouvellement et qui, lorsque la crise éclate, se révèle
insolvable. La responsabilité retombe donc sur les
banquiers qui ne se sont guère préoccupés d'exiger de
sérieuses garanties. C'est pourquoi Limantour les rappelle à
1
« Etat actuel du marché », rapport du Chargé d'affaires à Mexico, 17 juin 1907,
AMF/B31.312, pièce 462.
Mutation et crise du régime / 147
l'ordre et publie une circulaire (10 février 1908)
condamnant en termes très sévères « ces procédés devenus
d'usage courant dans les banques ». Le ministre dénonce les
« crédits d'amitié », ayant pour seules garanties des
« signatures de famille ou de complaisance ». Ces
errements, dit-il, sont imputables « en bonne partie à
certains directeurs de banques qui, pour donner un emploi
aux fonds en excès, aux époques de grande abondance, ou
encore alléchés par la perspective d'un gros bénéfice, ont
pris l'initiative de s'intéresser dans certaines affaires qui par
leur nature n'entrent pas cependant dans le cadre des
opérations d'une banque d'émission et de dépôts » 1.
Limantour montre ainsi du doigt les banquiers, auxquels il
reproche de spéculer avec les dépôts du public, et leur
clientèle avide de crédit bien qu'insolvable.
Limantour ne se contente pas de sermonner les
banquiers. Il leur recommande, en effet, de disposer de
valeurs en quantité supérieure aux valeurs exigibiles,
d'utiliser dans ce but des valeurs aisément convertibles en
numéraire et de limiter l'octroi des prêts. Enfin, il les
convoque en assemblée nationale afin de débattre des
mesures nécessaires pour uniformiser les pratiques de tous
les établissements du pays. En fait, le ministre est dépassé
par les pratiques financières et n'est pas satisfait du système
bancaire, qui assure à l'administration interne des banques
une indépendance quasi-absolue à l'égard des pouvoirs
publics. En conséquence, il souhaite renforcer la
surveillance de l'Etat. Certes, les lois bancaires prévoient
des mesures de contrôle, plusieurs fois renforcées. Ainsi, en
1903, une réforme donne le droit aux inspecteurs du
ministère, accompagnés d'un administrateur du Timbre, de
vérifier l'encaisse tant dans les maisons mères que dans
1
Coupure de L'information du 10 mars 1908, AMF/B31.314, pièce 84.
: Courrier du Mexique et de l’Europe, 1912, Numéro spéciale
14 juillet.
SOURCE
Mutation et crise du régime / 149
leurs agences et leurs succursales 1. L'année suivante voit
encore la création de l'Inspection générale des institutions
de crédit, organisme du ministère des Finances chargé
d'organiser et de contrôler l'activité des inspecteurs 2.
Cependant,
le
système
connaît
de
nombreux
dysfonctionnements et manque d'efficacité. Outre un certain
laxisme, les contrôles sont par trop sélectifs (ils dépendent
bien souvent des rapports que les directeurs des banques ont
avec le pouvoir) ; autant de failles que la crise s'est chargée
de rappeler.
Le cas de la Banque de Campeche, maintes fois cité par
Luis Cabrera, est exemplaire. Après avoir obtenu une
concession, José Castellot, célèbre financier et Científico
notoire, fonde cette banque en 1900. En 1903, elle devient
banque d'émission, un changement de statuts réalisé par le
cabinet de maître Casasús. Le capital passe alors de 600 000
à 1 000 000 de pesos, et la banque émet des bons pour une
valeur de 200 000 pesos. Lorsque la crise éclate, la banque
a deux grands débiteurs : José Castellot (853 000 pesos) et
Luis Galera de Lanz (376 000 pesos), dont l'emprunt est en
fait destiné au paiement d'une dette à Castellot. L'ensemble
des créances de la banque représente donc la totalité de son
capital social et de ses bons. De plus, lorsque, sur les appels
pressants des actionnaires minoritaires de la banque, le
ministère des Finances nomme un nouvel inspecteur, celuici est aussitôt révoqué, à la demande de José Castellot, et
remplacé par le précédent, Felipe Castellot, frère du
financier... 3. La faillite de la banque est spectaculaire et,
une fois encore, Limantour intervient : les banques
Nationale et Centrale se chargent des liquidations. A la fin
1
2
3
Voir « Circular sobre intervención de los Bancos », MH 1903-1904, pp.319-322.
La direction de cet organisme est confiée à Luis Manero y Escalante.
Le ministère des Finances compte également dans ses rangs Juan B. Castellot,
inspecteur de la Banque de Londres et Mexico (1896-1906).
150 / L’autre dictature
de 1908, la Banque de Campeche devient « refaccionario » 1. Les péripéties de la Banque de Campeche ou
encore de la Banque Péninsulaire n'ont rien d'anecdotique et
illustrent parfaitement les abus que commettent financiers et
gouvernement fédéral. Tout comme Olegario Molina, José
Castellot appartient à l'oligarchie. Non seulement ce dernier
est président du Sénat, gouverneur du Chiapas (1902-1904)
et de Campeche (1903), et fait partie des Commissions
parlementaires, mais il est aussi membre de plusieurs
Conseils d'administration de grandes banques (Banque
Centrale, Crédit Foncier, Société Foncière...), directeur de
la Compagnie Anglo-américaine et détenteur de plusieurs
concessions bancaires (banques Agricole, de Guanajuato, de
Michoacán, de Hidalgo, de Campeche, et même Banque
Centrale).
Certes, Limantour a des raisons de se plaindre. Mais ses
remontrances, qui heurtent tant d'intérêts et mettent en péril
tant d'affaires qui ne survivent que grâce à des pratiques
douteuses, font l'effet d'une douche froide. De plus, la crise
de confiance vis-à-vis des privilégiés du régime s'accentue,
tandis que se multiplient les reproches virulents contre le
ministre des Finances et les Científicos. Les premiers à
protester, écrit Díaz Dufóo, sont « les socialistes du crédit,
qui soutenaient le droit de chaque individu de disposer des
fonds que les banques gardent dans leurs caisses pour les
besoins, disaient-ils, du public... » Dufóo ajoute :
« Puis ce furent ceux qui recouraient à ces établissements
pour obtenir des prêts renouvelables dont il était presque
sous-entendu que l'échéance n'arriverait jamais ; enfin tous
ceux qui, usant des mille procédés et des innombrables
expédients trop souvent employés par les personnes qui
1
Sur cette banque, voir F. Rosenzweig, « Moneda y bancos », HMM-PVE,
pp.853-854.
Mutation et crise du régime / 151
n'ont pas la ferme volonté de payer leurs dettes, virent
dans la circulaire l'annonce d'une liquidation
nécessaire. » 1
En réponse aux propos de Limantour, le public soutient que,
puisque les banques « refaccionarios » ne se sont pas
développées, il faut permettre aux banques d'émission de
consentir des prêts à long terme à l'agriculture et à
l'industrie. On dit également que l'invitation à procéder au
règlement des dettes renouvelables, alors que le pays ressent
les effets de la restriction monétaire, risque d'entraîner de
graves difficultés pour les entrepreneurs, pour la plupart
agricoles, miniers ou industriels, au moment où il convient,
au contraire, de consentir de nouveaux prêts. Enfin, insiste
Dufóo, « la circulaire était alarmiste et inopportune, car on
n'aurait pas dû choisir une période de crise pour faire
connaître, encore bien moins pour tenter d'y remédier, les
services défectueux et les pratiques périlleuses de nos
établissements de crédit » 2.
Le mécontentement devient, en effet, général dans le
monde des affaires et tend à creuser un fossé entre les
autorités et l'oligarchie, et le reste des financiers. Dumaine
écrit ainsi :
« Depuis lors, les reproches, les attaques, les accusations
se sont multipliés. Faudrait-il croire que bientôt la
diversité tutélaire du crédit mexicain ne conservera plus
d'autres dévôts que les principaux participants aux profits
du culte ? « Passato la festa, abasso il santo »... Sans
doute, ceux qui avaient pris l'habitude de bénéfices
toujours croissants, ne pardonnent pas qu'un arrêt se
produise dans leur prospérité. Mais le mécontentement et
1
2
C. Díaz Dufóo, Les finances..., op. cit., p.195.
Ibid., p.196.
152 / L’autre dictature
la méfiance gagnent aussi presque tout le reste du monde
des affaires. » 1
Non seulement la crise financière ralentit les profits faciles,
mais elle désespère aussi la clientèle qui n'a pas accès au
crédit alors que ses affaires languissent. Le pessimisme
gagne les esprits, et l'on cherche des responsables à la
catastrophe plutôt que des solutions au problème. Le journal
de Guadalajara, La Libertad, critique ainsi vivement
Limantour et lui demande de prendre ses responsabilités en
ayant le courage de donner les noms des banques et des
clients fautifs :
« Mieux que personne, le ministre devait savoir quels abus
se commettent au profit d'un petit nombre de spéculateurs
influents qui accaparent la plus grande partie des fonds des
banques pour les employer dans des affaires d'une
liquidation difficile. Ces choses, on peut les ignorer dans
les Etats ; mais, à Mexico, c'est sous les yeux de M.
Limantour qu'elles se passent, c'est de la capitale que nous
parviennent les noms de Pimentel, Barroso, Scherer, et de
deux ou trois autres qu'on désigne comme les favoris de la
fortune, comme les grands, lesquels disposent de l'argent
des banques comme s'il était le leur et, à coup sûr, ne
pourront pas le restituer au moment voulu. » 2
Réunir les banquiers dans une sorte de « conclave » national
est la seule réponse de Limantour, qui préfère régler la
question « en famille » plutôt que de heurter les intérêts de
l'oligarchie.
1
2
Lettre de Dumaine à MAE, 25 mars 1908, AMAE/NS T.29.
Coupure du journal La Libertad, annexe à la lettre de Dumaine à MAE du 25
mars 1908 (Id).
Mutation et crise du régime / 153
L'assemblée des banquiers approuve certaines mesures et
crée une commission chargée de rédiger un projet de loi 1.
Les réformes à la loi sur les institutions de crédit et sur la
surveillance des banques ne sont qu'un rappel à l'ordre en
direction de l'oligarchie, mais entravent le crédit et
exaspèrent les emprunteurs 2. Parmi les mesures retenues,
soulignons les normes générales : uniformisation des
conditions permettant l'ouverture de crédits, limitation des
opérations des banques locales à leur propre région, plafond
des prêts consentis par une seule banque à une même
personne ou société, défense faite aux banques d'émission
de renouveler les prêts de plus de six mois, droit pour les
banques hypothécaires de garantir leurs diponibilités avec
des bons considérés de premier ordre 3. En outre, des
mesures sont prises pour régler les problèmes plus épineux.
Par exemple, afin de garantir les dépôts des clients, les
banques doivent avoir un tiers du montant des dépôts en
espèces, un autre tiers en valeurs de premier ordre et le reste
en valeurs réalisables dans un délai maximum de six mois 4.
De plus, afin d'empêcher la spéculation, défense est faite
aux banques d'émission d'exploiter à leur propre compte des
mines, des usines ou des fabriques, et de s'associer dans une
quelconque affaire industrielle ou agricole. Enfin, pour
éviter les abus, il est interdit aux administrateurs, directeurs
1
La commission est composée de Bibiano Villareal (BNL), José M. Pardo (BTA),
Praxedis de la Vega, Aurelio González Hermosillo (BJ), Guillermo Obregón (BT)
et Fernando Pimentel y Fagoaga (BCM) ; AMF/B31.314, pièce 88.
2 F. Bulnes remarque : « les grands propriétaires fermiers souhaitaient se venger
des Científicos, car, avec la promulgation des lois bancaires de 1908, leur pillage
virtuel des banques était entravé » (La verdad acerca de la Revolución, p.136).
3 Voir Ibid.
4 Sont considérées valeurs de premier ordre : les titres émis par le gouvernement
mexicain ou par toute société placée sous la garantie de ce dernier, les bons émis
par des gouvernements étrangers et portant au plus 5 % d'intérêts, les bons émis
par des Etats ou des municipalités du Mexique portant au plus 6 %, les bons émis
par des banques hypothécaires, les titres de compagnies mexicaines cotés sur les
marchés mexicains ou étrangers ayant servi des divivendes durant les cinq années
précédentes (voir Ibid.)
154 / L’autre dictature
et gérants de banques et de sociétés anonymes d'être
impliqués dans des opérations les conduisant à devenir
personnellement débiteurs des banques dans lesquelles ils
exercent leurs fonctions 1. Si ces réformes sont louables et
dignes des meilleures théories financières, la mentalité des
financiers, les intérêts en jeu et les pratiques ne peuvent se
transformer du jour au lendemain. En fait, au lieu de freiner
la crise et d'améliorer la disponibilité des banques, les
mesures adoptées accélèrent la raréfaction du numéraire.
C'est ainsi que les débiteurs, ayant besoin de liquide,
refusent de payer et exigent le renouvellement des crédits.
De leur côté, les financiers corrompus occupent toujours
des postes importants de l'administration et continuent de
tirer avantage de leur position. Enfin, en prévision des
rétorsions, les profiteurs prennent leurs précautions :
l'annonce même des réformes, écrit l'ambassadeur
Dumaine, « a aussitôt inspiré à certains spéculateurs, que
l'on favorise de crédits illimités, l'idée de se faire livrer les
dernières disponibilités des banques amies ou complices,
afin de parer d'avance aux refus qu'il se verraient opposer
dans l'avenir » 2. En conséquence, les banques d'émission se
trouvent dans une très mauvaise posture, la crise demeure
au lieu de s'estomper, tandis qu'un krach bancaire menace.
Limantour tente alors de rétablir la situation en créant une
nouvelle institution chargée de liquider et de garantir les
crédits à longue échéance.
Le système de crédit, qui privilégie les prêts à court
terme (moins de six mois), ne répond pas aux besoins de
l'agriculture, de l'industrie, des mines et même du
commerce, qui demandent de plus longues échéances.
L'agriculture est, sans conteste, la question la plus grave. En
1
2
Voir Ibid.
Lettre de Dumaine à MAE, 25 mars 1908, AMAE/NS t..29.
Mutation et crise du régime / 155
effet, ce secteur n'a pas accès aux crédits, tandis que les
déséquilibres de la structure productive (priorité des
produits pour l'exportation et insuffisance des produits de
première nécessité) posent au Mexique d'importants
problèmes de subsistance. De plus, la crise financière
coïncide avec une période de sécheresse particulièrement
aiguë, qui aggrave la pénurie et provoque la flambée des
prix. Tandis que le gouvernement, nous l'avons vu, tente de
compenser cette crise par l'importation massive de produits
de base et le contrôle des prix, Limantour lance un nouveau
programme économique, censé améliorer le sort de
l'agriculture. Ce programme prévoit, d'une part la réalisation
de vastes travaux d'irrigation et de canalisation des eaux, et,
d'autre part, la création d'une institution destinée au crédit
agricole. La pensée de Limantour dans cette affaire est
simple :
« Le crédit agricole est intimement lié à l'irrigation, car,
tant que les rentrées des agriculteurs dépendront des
caprices de la pluie, il leur sera difficile d'obtenir les
capitaux que seule peut leur procurer une quasi-certitude
de remboursement ; et rien n'est plus aventureux que de
soumettre le crédit au hasard d'une nuée qui passe ou que
l'on attend en vain. » 1
En juin 1908, le Congrès autorise le gouvernement à
investir 25 millions de pesos dans les travaux d'irrigation et
à garantir l'émission de bons, pour une valeur de
50 millions de pesos, afin de fonder une banque agricole 2.
Dans ce dernier but, Limantour signe une convention avec
les grandes banques (BNM, BLM, BCM, Commerciale et
Industrielle) permettant de constituer une société anonyme
1
2
Cité par Díaz Dufóo, Les finances..., op. cit., p.203.
Voir le décret du 17 juin 1908, in MH 1907-1908.
156 / L’autre dictature
pour le crédit agricole, appelée « Caisse de prêts pour les
travaux d'irrigation et l'encouragement à l'agriculture ».
Selon les termes de la convention, le capital, d'un montant
de 10 millions de pesos, est divisé en trois types d'actions :
le premier, formé des trois quarts du capital social, auquel
le public pourra souscrire, le second, comprenant un quart
du capital, destiné aux banques signataires de la convention,
le troisième, enfin, composé d'une seule action réservée au
gouvernement, autorisant ce dernier à désigner trois
membres du Conseil d'administration 1. Cette convention,
déclare Limantour, a « le triple avantage d'assurer, sous la
responsabilité des banques, l'organisation de la nouvelle
société, d'admettre tout le monde en qualité d'actionnaire
sur un pied de complète égalité avec les banques et de créer
une institution vraiment nationale. » 2
La durée des prêts consentis par la nouvelle Caisse ne
doit pas excéder quinze ans pour les prêts hypothécaires et
trois ans pour les autres, tandis que le taux d'intérêt, autorisé
directement par le ministère des Finances, est compris entre
5 % et 7 %. Ces conditions ont pour objet, dit Limantour,
de « conserver en tout temps à la Caisse son caractère
d'intermédiaire entre les capitalistes, d'une part, et les
agriculteurs ou les industriels, de l'autre, tout en faisant
profiter le public de l'aide efficace apportée par la garantie
de l'Etat » 3. Les fonds de la Caisse ont pour bénéficiaires
les compagnies des travaux d'irrigation, autorisées par le
ministère de « Fomento » et garanties par les banques
concessionnaires ; mais ils pourront aussi être employés temporairement- « pour alléger le portefeuille des banques
de certains titres de prêts à long terme non conformes avec
1
Voir « Informe... sobre el uso que el Ejecutivo a hecho de las autorizaciones que
le confiere el art. 2o de la ley de 17 junio de 1908 », MH 1908-1909, pp.317-324.
2 Ibid., pp.318-319.
3 Ibid., p.320.
Mutation et crise du régime / 157
la nature de ces banques » 1. En d'autres termes, la Caisse a
pour but d'aider les travaux d'irrigation, mais, en attendant
la fin de la crise et le rétablissement du crédit, précise le
chargé d'affaires français, il lui sera possible de « distribuer
le produit des 50 millions de bons, récemment émis avec la
garantie de l'Etat, aux grandes banques du Mexique en
échange des reconnaissances que détiennent ces dernières ».
« Dès lors -ajoute le diplomate- celles-ci, rentrant de
nouveau en possession d'une partie de leurs capitaux,
pourront renouveler leurs opérations à court terme et aider
le commerce et l'industrie » 2. De cette manière, Limantour
détourne -momentanément- les subventions destinées à
résoudre le problème agricole pour rétablir le crédit des
banques, en particulier des signataires de la convention,
auxquelles il fournit de l'argent frais. Pour mener à bien son
plan, le ministre, fait appel, comme à son habitude, à
l'épargne étrangère. Les bons sont ainsi négociés par la
maison new-yorkaise Speyer & Cie et souscrits dans les
marchés de Londres, Francfort, Berlin et Amsterdam, au
taux d'intérêt de 4,5 % et à environ 90 % de leur valeur
nominale. L'agent du gouvernement dans cette opération est
Hugo Scherer Jr, administrateur de la BNM et ami personnel
de Limantour 3. De plus, les Científicos et les dirigeants de
l'oligarchie dominent le Conseil d'administration de la
Caisse , où l'on retrouve Luis Elguero (futur leader des
Científicos), José Sánchez Ramos, Fernando Pimentel y
Fagoaga, Pablo Macedo, Hugo Scherer Jr, Roberto Nuñez,
Antonio Pliego Pérez, Gabriel Icaza, G. Braniff... Enfin, la
gérance de la Caisse est confiée à Manuel de Zamacona e
Inclan 4.
1
2
3
4
Id.
Lettre de Greigueil à MAE, 17 octobre 1908, AMAE/NS T.29.
Hugo Scherer possède avec le frère de Limantour, Julio, une société bancaire.
Voir Ibid AMAE/NS T.29.
C’est au début du XXème siècle que le régime de Porfirio Díaz acquiert
son plus grand prestige au niveau international. Il possède un solide crédit
et, pour faire face aux effets de la crise financière de 1907-1908,
Limantour va chercher de l’argent frais auprès des banques parisiennes et,
en 1910, c’est en France qu’il reconvertit la dette publique externe. On le
voit de retour de Paris avec deux sacs d’argent, qui annonce « il y en aura
pour tout le monde » et ajoute aussitôt « mais pas touche ! ». Certaines
personnalités du groupe des Científicos – Pablo Macedo, Fernando
Pimentel et Fagoaga, Díaz Dufóo- se moquent du ministre…
La Sátira, 25 décembre 1910.
Mutation et crise du régime / 159
Au bout du compte, les bonnes intentions de Limantour
pour résoudre le grave problème agricole restent lettre
morte. En effet, durant les deux premières années, seuls 8
des 25 millions de pesos prévus pour les travaux d'irrigation
sont débloqués 1, tandis que les 50 millions de pesos
théoriquement attribués à la Caisse servent d'« exutoire des
valeurs sans marché, des affaires sans garantie » 2. Bulnes
n'hésite pas, d'ailleurs, à traiter le ministre de lâche, pour
avoir détourné sa politique de son objectif et aggravé la
pénurie alimentaire (facteur de troubles) : la Caisse a servi
-déplore-t-il- « à sauver du désastre les banques d'émission
menacées de faillite par la crise financière » 3. Il est vrai que
le gouvernement recule en choisissant de venir au secours
de l'oligarchie bancaire, plutôt qu'en décidant de réformes
radicales. Il ne fait en réalité qu'approfondir le déséquilibre
structurel de l'économie, les contribuables, faisant, de plus,
les frais d'une opération hasardeuse. Il en résulte un coût
social et politique très élevé.
La crise financière fait ainsi apparaître un mariage
indissoluble entre l'oligarchie et les institutions de l'Etat,
une union qui bloque la vie économique, véritable
« dictature financière » (comme la qualifie Bulnes)
régissant, depuis l'arrivée de Limantour au ministère, tous
les secteurs des finances publiques et privées. Un grand
nombre d'hommes d'affaires et de financiers, qui ne peuvent
bénéficier de crédits et doivent faire face à la crise avec
leurs propres moyens ou, à l'image des Escalante, se plier au
bon vouloir de l'oligarchie, vont grossir les rangs des
mécontents. Tout comme les nouvelles générations qui
1
Ils sont débloqués le 31 mai 1909. Voir « Decreto que autorisa el Ejecutivo...
para disponer de la suma... », MH 1908-1909, pp.151-152.
2 Lettre de Lefaivre, ambassadeur à MAE, 16 novembre 1911, AMF/B31.314,
pièce 61.
3 F. Bulnes, El verdadero Díaz y la Revolución, p.240.
160 / L’autre dictature
aspirent aux postes politiques, ces hommes d'affaires sont
exclus du festin porfiriste. En plein coeur de la Révolution,
l'attaché militaire français à Washington écrira ainsi :
« Les 50 financiers qui opéraient aux côtés de Limantour
avaient accaparé toutes les situations rémunératrices dans
l'administration des grandes compagnies et sociétés
mexicaines. Il ne restait plus de places à donner aux
nouvelles ambitions. » 1
La crise exacerbe les pratiques propres au capitalisme, dans
un pays encore en transition, et provoque une rupture entre
le régime et nombre d'hommes d'affaires, sans aucun doute
prêts à financer tout retournement de situation. Cette
fracture se produit dans un contexte de crise économique
grave et de conflits politiques, marqués par la question de la
succession présidentielle, qui mènent à la Révolution.
Observateur privilégié, le directeur de la Banque Nationale,
Joseph Simon, écrit en juin 1911 au ministre français des
Finances :
« Les dernières années du gouvernement du général Díaz
avaient abouti à un état d'arbitraire politique, de corruption
gouvernementale, et surtout à un accaparement scandaleux
de toutes les opérations et affaires financières, de tous les
fils de la vie économique, entre les mains d'une poignée
d'individus ; il en était résulté un mécontentement
tellement général, que tous ceux que leur intérêt personnel
n'aveuglait pas prévoyaient la nécessité de l'imminence
d'un revirement complet. Ce qui a fait la force de la
révolution, c'est que dans ces derniers mois, en dehors de
cette poignée de gens qui profitaient du régime, dans
toutes les couches de la société, aussi bien chez les gens
1
Lettre du capitaine de Chambrun au ministre de la Guerre français, 25 février
1912, AMAE/NS V.3.
Mutation et crise du régime / 161
instruits et éclairés et chez les familles aisées, que dans le
peuple, tout le monde appelait un changement de régime,
et chacun était disposé à suivre le premier venu qui aurait
le courage de se lever contre le régime. Ce fut Madero,
comme c'eût été le général Reyes s'il avait été alors au
Mexique. » 1
Certes, entre 1906 et 1909, le mécontentement contre le
régime devient général. Et chacun de se plaindre : les
exploitants miniers (réforme des lois de propriété et
promulgation du nouveau Code des mines), les
commerçants (loi de redressement fiscal et imposition de
l'officielle Chambre de commerce), les banquiers (réformes
sur les institutions de crédit), les ouvriers et les bas revenus
(hausse des prix consécutive à la réforme monétaire, grèves
violemment réprimées), les grandes compagnies nordaméricaines (nationalisation des chemins de fer et
concessions pétrolières accordées aux Anglais). Madero,
cependant, n'est pas précisément le « premier venu ».
Sans dérouler ici le fil des luttes politiques qui précèdent
et accompagnent la Révolution 2, il convient de rappeler
brièvement le rôle de Francisco I. Madero, qui, après des
années d'échec pour créer un espace politique d'opposition
(d'abord à la mairie de sa ville, puis au gouvernement de
son Etat), se porte candidat à la présidence de la Fédération.
1
Lettre de Joseph Simon, inspecteur des Finances à MF, 9 juin 1911,
AMF/B31.312, pièce 64. Le même écrit un mois plus tard : « La révolution dont
ce pays vient d'être le théâtre, n'a pas été, comme on a pu le faire croire en Europe,
l'oeuvre d'une fraction isolée, de meneurs avides du pouvoir, servis par un hasard
heureux, mais bien le résultat d'un mécontentement universel contre un pouvoir
absolu qui eut dans son temps sa raison d'être, et la réaction générale contre un
régime de corruption politique et financière, dont il est difficile de se faire idée »
(lettre du 11 juillet 1911, AMF/B31.312, pièce 57).
2 Sur ce sujet, voir, notamment, A. Cordova, La ideología de la Revolución
mexicana, F.X. Guerra, De l'Ancien Régime à la Révolution, A. Gilly, La
revolución interrumpida, F. Katz, La guerra secreta en México et A. Knigth, The
mexican Revolution.
162 / L’autre dictature
C'est en pleine crise financière, à la fin de 1908, qu'il publie
son programme, La Sucesión presidencial en 1910, qui
devient un best-seller 1 et dans lequel il fait un bilan des
trente ans de ce qu'il appelle une « dictature militaire », un
« pouvoir central absolu », dont il dénonce les pratiques : la
servilité des Chambres, des gouverneurs et de la presse, le
blocage politique, l'absence de liberté et de démocratie 2. Si
les hommes qui guident cette dictature et qui se sont
éloignés de l'intérêt général se maintiennent au pouvoir,
annonce Madero, une révolution ne fait aucun doute 3. Afin
d'éviter le pire, il propose une transition pacifique vers la
démocratie et accepte la réélection de Díaz, à condition qu'il
permette l'élection libre par le peuple du vice-président, des
membres des Chambres et des gouverneurs des Etats.
Durant l'année 1909, Madero colporte ces idées et crée des
clubs « antiréélectionnistes » dans tout le pays. On connaît
la suite : l'emprisonnement de Madero, la réélection de
Díaz, le Plan de San Luis Potosí, que Madero lance depuis
sa prison, les soulèvements au Nord et au Sud, les troupes
nord-américaines qui se massent à la frontière, la démission
du général Díaz et l'élection de Madero à la présidence en
1911.
Madero appartient à l'une des plus riches familles du
nord du pays. Lui-même financier, il est membre de
plusieurs Conseils d'administration de sociétés industrielles.
Son père, Francisco Madero, siège aux côtés de l'oligarchie
au Conseil d'administration de la Banque Centrale. Cinq
jours à peine après la démission de Porfirio Díaz, alors que
1
La seconde édition de La Sucesión presidencial en 1910, date de février 1909.
Nous utilisons ici l'édition de l'Editora Nacional, s.d.
2 Voir Ibid., p.192.
3 Un avertissement que Madero lance à plusieurs reprises. Voir Ibid., pp.195-197
et 257-267.
Mutation et crise du régime / 163
celui-ci part en exil en France, l'ambassadeur français fait le
rapport suivant :
« C'est sur la demande de M. Limantour lui-même que M.
Ernesto Madero a accepté le portefeuille des Finances et,
depuis son installation, son prédécesseur travaille avec lui
chaque jour pour le mettre au courant des détails de
l'administration [...]. M. Ernesto Madero, oncle de M.
Francisco Madero, gère depuis longtemps toutes les
affaires de la famille [...]. L'administration de cette fortune
lui a donné une expérience meilleure que n'importe quel
capitaliste ordinaire. » 1
Puis le diplomate énumère les différentes affaires de la
famille Madero :
- Cia Carbonifera de Sabinas
- Banco de Nuevo León
- Cia metalúrgica de Torreón
- Cia Industrial del Parral
- Cia de Exploración Coahuilense
- Salvador Madero y Cia
- Cia Harinera del Golfo
- Ernesto Madero y Cia
Total
5 500 000 pesos
2 500 000
5 000 000
2 500 000
1 000 000
2 000 000
4 000 000
8 000 000
30 500 000 pesos
Cette liste, impressionnante, ne révèle pas toutes les affaires
dans lesquelles les Madero sont impliqués. Les récentes
recherches de Mario Cerutti offrent un panorama plus large
et plus complexe de l'empire bâti par Don Evaristo, grandpère de Francisco I. Madero 2. Dans les années 1850-1860,
Don Evaristo amasse une fortune considérable en faisant du
1
2
Lettre du baron de Vaux à MAE, 1er juin 1911, AMAE/NS T.29.
Voir M. Cerutti, Burguesía, Capitales et Industria en el norte de México,
« Evaristo Madero y Monterrey », pp.217-251.
164 / L’autre dictature
commerce de contrebande dans l'Etat de Tamaulipas, puis
s'installe à Parras (Etat de Coahuila) en 1875. Après avoir
investi (agriculture, usines textiles, mines) durant la
décennie 1870-1880, Don Evaristo est nommé gouverneur
du Coahuila (1880-1884), poste dont il démissionne pour
cause de « désaccord avec le retour du général Porfirio
Díaz » 1. La grande affaire de l'empire familial est sans
aucun doute la création de la Banque de Nuevo León
(1892), qui permet de canaliser les investissements et de
gérer l'épargne. Les Madero s'allient alors avec les plus
puissantes familles du Nord (Adolfo Zambrano, Francisco
Armendais, Rodolfo Berardi, Marcelino Garza...),
affermissent leurs liens familiaux avec les Treviño, les
Hernández ou les García, et entretiennent des liens amicaux
avec le général Bernardo Reyes. L'empire se développe et
s'étend à divers secteurs entre 1892 et 1910. Dans le secteur
minier, les Madero sont présents dans plus de trente
compagnies, dont les deux principales entreprises
métallurgiques de Monterrey (« Fundidora y Afinadora de
Fierro Monterrey » et « Compañia Fundidora de Fierro y
Acero de Monterrey »). Elu directeur adjoint de la
« Compañia Fundidora », la plus grande d'Amérique latine,
Ernesto Madero côtoie au Conseil d'administration les
Zambrano, Basagoiti, Braniff et Signoret... Dans le secteur
industriel, la famille participe à plus de vingt sociétés
(fonderies, textiles, construction, machines-outils). En
outre, elle est aussi actionnaire de la Banque Mercantile de
Monterrey et de la Banque Centrale. L'activité économique
des Madero, implantée dans les Etats de Coahuila et du
Nuevo Léon, rayonne dans les Etats de Chihuahua, Sonora,
Durango, Tamaulipas, San Luis Potosí, Zacatecas et
Guanajuato. Enfin, fait remarquable, les Madero possèdent
1
Cerutti cite le biographe de Madero, Vasconcelos, Ibid., note 16, p.223.
Mutation et crise du régime / 165
des intérêts dans plusieurs sociétés d'exploitation agricole et
comptent parmi « les plus grands latifondistes du pays » 1.
Cette vue d'ensemble du pouvoir économique de la
famille Madero permet de mieux comprendre la place
qu'occupe Francisco I. Madero sur l'échiquier politique et
les raisons pour lesquelles les hommes d'affaires exclus du
régime se rallient à sa cause. Sans aucun doute, ces derniers
sont séduits par La Sucesión presidencial en 1910, livre
programme du candidat à la présidence. De nombreuses
fois, en effet, Madero approuve les efforts du régime pour le
progrès, mais déplore que celui-ci ne profite qu'« au nombre
réduit des favoris du gouvernement » 2. Il démythifie les
causes de l'élan économique, qui n'est pas, remarque-t-il,
l'oeuvre du général Díaz mais le fruit de « la vague du
progrès matériel qui a envahi tout le monde civilisé » 3. En
outre, il dénonce les carences de la politique agricole,
concernant la distribution des eaux, et juge excessif le
protectionnisme en faveur de certaines industries. Les
Madero subissent, eux aussi, la « dictature financière » de
l'oligarchie. Les activités politiques de « Panchito » (nom
que Díaz donne à son futur successeur) valent, de plus, de
sérieux déboires à la famille. Le baron de Vaux raconte :
« Plusieurs tentatives, faites au début de la révolution par le
gouvernement porfiriste, pour ruiner les Madero ou du
moins pour leur nuire –par l'intermédiaire de diverses
banques vis-à-vis desquelles ils se trouvaient
momentanément
à
découvert–
sont
demeurées
4
infructueuses » . L'« Apôtre de la démocratie », qui prêche
la poursuite du progrès et affronte, même en prison, les
1
2
Ibid., p.244.
Madero fait plusieurs fois ce constat, tant au sujet des mines et de l'industrie qu'à
celui de l'agriculture. Voir La Sucesión presidencial en 1910, pp.233-238.
3 Ibid., pp.235-236.
4 Lettre du baron de Vaux à MAE, 1er juin 1911, AMAE/NS T.29.
166 / L’autre dictature
foudres du régime, se révèle un leader crédible. Elu
président, Madero devient le « liquidateur » de la dictature
tant politique que financière 1.
Les critiques -prudentes- de Madero ne l'empêchent pas,
toutefois, de reconnaître l'oeuvre de Limantour. Il écrit
ainsi, à propos du ministre des Finances :
« Il faut faire justice à l'administration qui a réussi à
équilibrer le budget et même à accumuler des surplus dans
la Trésorerie, malgré les services très élevés de la dette
[...]. L'énorme dette contractée par l'administration a
cependant servi à développer notre richesse et nous ne
croyons pas qu'elle soit une lourde charge pour la nation
[...]. Nous considérons comme un grand bien pour le pays
le contrôle du gouvernement sur les chemins de fer ; nous
nous protégeons ainsi d'un trust étranger qui voudrait les
exploiter à son profit. De plus, le gouvernement se
chargera mieux que personne de garantir les intérêts
nationaux. » 2
C'est avec une certaine déférence que Madero décharge
Limantour de toute responsabilité dans la crise financière
(« résultat d'une loi économique cyclique que vivent les
pays prospères ») et dans ses conséquences (« le mal fut
évité par l'Assemblée des banquiers ») 3. En fait, le
programme financier de Madero ne rompt pas avec celui du
régime qu'il combat. S'il projette d'intensifier l'effort de
l'Etat pour résoudre les questions agricoles, de la spoliation
1
L'ambassadeur de France écrit : « Il semble bien qu'au Mexique la dictature ait
fait son temps et que ce pays se croie mûr pour la liberté. Il est donc possible que
nous assistions aujourd'hui au commencement de la liquidation du régime qui,
pendant plus de trente années, a fait la prospérité matérielle du Mexique. Ce rôle
de liquidateur, Madero paraît bien décidé à se le réserver » (Lettre de Lefaivre à
MAE, 29 mars 1911, AMAE/NS V.2).
2 La Sucesión presidencial en 1910, pp.238-242.
3 Voir Ibid., p.240.
Mutation et crise du régime / 167
des indiens et du travail, il y a bien continuité. D'ailleurs,
nous l'avons dit, immédiatement après le départ du général
Díaz, Limantour appelle Ernesto Madero -oncle de
Francisco- aux Finances. La chute de Díaz n'entraîne pas un
changement de structures économiques, de la propriété
agraire ou de la production agricole. Les problèmes
profonds demeurent, qui sont à l'origine des conflits entre
Madero et les chefs des mouvements agraires (Zapata et
Villa). En 1912, des experts français notent :
« Ce mouvement de Chihuahua qui aboutit à la Présidence
actuelle de Madero ne pouvait réussir, ni même se
produire sans déchaîner dans tout le Mexique l'espèce de
révolution agraire et ouvrière qui était latente au Mexique.
La présidence provisoire de M. de la Barra fut
relativement calme. Mais, après l'arrivée au pouvoir du
président Madero (novembre 1911), l'inévitable se
produisit. Seules, avec le temps, de grandes réformes
agraires et sociales pourraient, à défaut d'une tyrannie
comme celle de Díaz, pacifier le Mexique. » 1
Pas davantage que Limantour, Madero ne parvient à
imposer les « grandes réformes », ni à abattre tout à fait le
régime. Pris entre les revendications paysannes et les
exigences des hommes d'affaires, le nouveau président ne
satisfait personne. La position est d'autant plus difficile à
tenir que la concurrence impérialiste se mêle à la bataille.
Ainsi, le général Huerta, qui « dépose » et fait assassiner
Madero, est soutenu par les Européens et les Etats-Unis (ces
derniers le rejettent par la suite), et financé par le groupe de
Scherer Jr 2. A partir de 1913, la « guerre secrète », à
1
Note pour le ministre français des Affaires étrangères, 8 mars 1912, AMAE/NS
V.3.
2 Le Chargé d'affaires français à Mexico parle ainsi, à propos du ministre de la
Guerre de Huerta, de « la dette de reconnaissance qu'il a contractée vis-à-vis de la
168 / L’autre dictature
laquelle participent les grandes puissances, fait rage au
Mexique. En tentant -en vain- de restaurer le régime (et en
dépit de l'aide financière de banques françaises), Huerta ne
parvient qu'à déchaîner la réaction révolutionnaire.
En septembre 1910, le régime se décide à fêter avec faste et
triomphalisme, le premier Centenaire de l’Indépendance. Pendant ce
temps, la crise économique, qui débute en 1907-08, laisse déjà entrevoir
les déséquilibres du modèle de développement. Dans la caricature de
Posadas, une femme qui porte la valise de la crise descend du train de la
Claque – représentation du progrès qui applaudit les succès du
gouvernement – ; le cacique, le prêteur et le tavernier la tirent par les
vêtements. Le vautour de la misère vole au-dessus de l’industrie et du
commerce, anéantis…
El Diablito Rojo, septembre 1910.
Banque Hugo Scherer, laquelle lui aurait fourni les fonds pour la révolution du 9
février » (lettre d'Ayguesparse à MAE, 6 mars 1913, AMAE/NS T.29).
C O N C L U S IO N
La gestion de Limantour et des Científicos est, certes, une
réussite. La croissance accélérée de l'économie leur fait
gagner l'estime de Díaz et un prestige certain auprès des
entrepreneurs et du monde international des affaires. Les
causes de cette croissance ne sont pas cependant dues à leur
seule gestion, comme le font remarquer à l'époque Bulnes
ou Francisco Madero, mais à l'influence d'une conjoncture
internationale très favorable (la « Belle époque »). De plus,
cette croissance n'est pas exceptionnelle ou miraculeuse,
comme ne cessent de le clamer les porfiristes. Elle est
semblable à celle d'autres pays latino-américains (Brésil,
Argentine, Chili, Uruguay) et moins accélérée que celle du
voisin du Nord ou des pays européens. En fait, dans la
course au développement, l'économie mexicaine ne
rattrapera pas celui des puissances : elle restera sousdéveloppée, dépendante et très fragile.
Les projets de Romero et de Limantour sont au centre de
ce bilan. Si les grandes lignes politiques sont les mêmes,
leur champ d'action est différent. La pratique du pouvoir de
Romero est républicaine –car soumise au Législatif–,
fédérale –car soucieuse de l'autonomie financière des Etats–
et très limitée –car contrariée par les besoins économiques
170 / L’autre dictature
du fisc et par une conjoncture de crise. Quant à Limantour,
il s'inscrit dans la dictature, avec un Exécutif fort, un
Législatif docile et une autorité centrale implantée dans les
Etats. Le libéralisme de Romero est modéré (les propriétés
doivent être morcelées et exploitées), face à celui des
Científicos, plus débridé (régime des grands domaines et de
la spéculation minière). Le libéralisme douanier de Romero
est limité par le déficit fiscal, tandis que Limantour favorise
les industries en ayant recours au protectionnisme. Mais les
deux hommes divergent essentiellement dans le domaine de
la politique agricole. En 1892, au beau milieu de la crise
économique, Romero -à la politique plus globale- plaide
encore pour le morcellement de la terre, pour les grands
travaux d'irrigation, pour la hausse des salaires agricoles et,
surtout, pour l'éducation des masses indiennes, afin
d'intégrer Indiens et paysans à la vie économique nationale,
d'en faire des consommateurs : il veut élargir le marché
intérieur. De son côté, Limantour -dont le but est d'attirer
des capitaux- donne la priorité à la modernisation du
système financier, à la création des banques locales, à
l'instauration de l'oligarchie bancaire et à la stabilité des
changes. Sa politique tend vers l'industrialisation et la
modernisation des entreprises, en leur accordant des aides
fiscales et des avantages qui les rendent plus compétitives et
qui leur permettent de contrôler le marché. Cette politique a
pour conséquence la consolidation de la puissance des
oligopoles —où sont présents les Científicos— que l'Etat
sert de plus en plus.
Vers le tournant du siècle, sous l'impulsion des
Científicos et des oligopoles, l'Etat dirige de plus en plus
l'économie, d'abord dans le domaine des communications
(loi ferroviaire) et dans celui de la banque et de la monnaie
(Réforme monétaire et création de la Commission de
Changes). Puis, lorsque la concurrence entre les oligopoles
Conclusion / 171
s’accroît, l'Etat passe de la direction à l'intervention directe
sur l'économie. Celle-ci se traduit dans l'industrie du
bâtiment par des grands travaux publics, dans les banques
par la création de la Caisse de prêts, banque publique, ou
dans les communications par le rachat des chemins de fer et
la création de la compagnie des « Ferrocarriles
Nacionales ». Entre la République restaurée et la fin du
porfiriat, l'Etat évolue radicalement : libéral et républicain
avec Romero, il devient interventionniste et centraliste. La
tendance –précoce pour l'époque– est sans aucun doute au
capitalisme d'Etat, qui a un grand avenir devant lui.
Cette pratique conduit à la croissance et à l'équilibre des
grands intérêts, mais elle engendre aussi des entraves et des
limites à l'industrialisation du pays. Ainsi les industries, qui
se sont installées à l'ombre du protectionnisme –qui leur
offre un marché captif–, ne bénéficient pas de la
concurrence extérieure. Certes, elles maintiennent leurs
profits et leurs prix élevés, mais la production, de plus en
plus importante, finit par saturer le marché 1. Le problème
n'est pas la surproduction, ni le manque de demande
potentielle, mais la faible capacité de consommation. Les
masses paysannes et indiennes (70 % de la population) sont
en effet exclues de la modernité : si elles ont besoin de
produits manufacturés, elles ne peuvent se les procurer, du
fait de leur maigre pouvoir d'achat. De même, les
populations urbaines, qui forment le marché naturel des
oligopoles, voient, avec la dévaluation de 1905, leur
pouvoir d'achat très affaibli. Cette situation bloque, tant
l'accroissement de la demande que le développement
industriel 2.
1
On verra sur ce sujet H. Haber, Industria y subdesarrollo, J.H. Coatsworth, Los
orígenes del atraso.
2 A ce propos, voir J. Bouvier, Initiation au vocabulaire et aux mécanismes
économiques contemporains (XIXe-XXe siècles).
172 / L’autre dictature
A ces déficiences structurelles s'ajoute le manque
d'autonomie de l'économie. Le pays ne produit pas sa propre
technologie, et celle provenant de l'extérieur est inadaptée
aux besoins du marché local. De plus, les investisseurs
étrangers, indispensables à l'économie mexicaine, cherchent
des profits énormes et rapides, qui ne sont pas réinvestis
mais exportés. Enfin, la production agricole est de plus en
plus insuffisante pour satisfaire les besoins alimentaires
intérieurs : l'Etat doit importer et subventionner la vente des
produits de première nécessité (maïs et blé). Ce sont autant
de lacunes qui s'avèrent dramatiques dans les périodes de
crise. Les chiffres annoncent pourtant une croissance
satisfaisante : les oligopoles, les sociétés anonymes et les
banques distribuent aux actionnaires des dividendes
dépassant en moyenne les 15 % annuels, tandis que la
Trésorerie accorde 30 % des recettes fiscales au service de
la dette. La machine économique du pays tourne, mais les
déséquilibres et les blocages au développement demeurent.
Déséquilibres et blocages, fruits du régime porfiriste, se
retrouvent à divers niveaux, que l'étude de la fiscalité
permet de révéler. Au centre de la problématique : les
acteurs de la modernité. Ils sont une poignée d'hommes
d'affaires, qui contrôlent et dirigent les oligopoles, de
nombreuses entreprises minières et financières, les banques.
Le pouvoir économique est concentré entre les mains de
cette petite élite —au sein de laquelle agissent les
Científicos—, qui influence directement la politique
économique du pays. Les Científicos centralisent, en fait, un
pouvoir considérable, tant dans le privé que dans le public.
Les Macedo, Casasús, Pimentel y Fagoaga, le frère du
ministre, Julio Limantour, et bien d'autres, participent aux
commandes des banques publiques, aux conseils
d'administration des entreprises de l'Etat, et agissent en
fonction de leurs intérêts propres et des élites économiques
Conclusion / 173
qui leur sont liées. Formant un pont entre la machine
économique et le pouvoir politique, omniprésents, les
Científicos deviennent la cible privilégiée des attaques
contre le régime car ils sont perçus comme un obstacle à
l'ascension d'autres et comme une entrave à la démocratisation de la vie économique et des pratiques politiques 1.
La crise de 1907-1909 et la stagnation du marché
viennent exacerber les déséquilibres économiques et les
contradictions sociales. Au lieu d'apaiser les conséquences
générales de la crise, la réponse de Limantour ne fait
qu'irriter les laissés-pour-compte du régime. Dans le
domaine de l'activité minière, il veut arrêter la spéculation
et l'expansion des grandes compagnies nord-américaines. Sa
solution consiste à remettre la propriété minière sous la
tutelle de l'Etat ; ce qui stoppe les investissements,
provoque la fermeture des métallurgies et les grèves
ouvrières. Supprimant en partie le statut privé du sous-sol,
le nouveau Code des mines de 1909 abat un pilier de la
politique pratiquée depuis 1892 et remet en cause l'alliance
scellée avec les exploitants miniers. Dans l'industrie, les
problèmes sont tout aussi graves. Les petits ateliers et les
fabriques se heurtent à la concurrence des oligopoles, qui
finit par éroder leurs maigres profits et par transformer le
poids des impôts en lourde pression fiscale. Des centaines
d'ateliers ferment, coup mortel tant pour les petites et
moyennes entreprises que pour des milliers de travailleurs.
La crise est alors synonyme de faillites et de chômage.
Face à la stagnation du marché intérieur, la réponse de
Limantour est aussi malheureuse. Il rend les commerçants
responsables de la baisse des recettes du Timbre, cherche à
réprimer la fraude et à accentuer la surveillance des sociétés
1
Voir, à ce propos, F. Bulnes, La verdad acerca de la Revolución mexicana, et J.
López Portillo y Rojas, Elevación y caída de Porfirio Díaz, op. cit.
174 / L’autre dictature
mercantiles, et décrète la loi de redressement fiscal la plus
draconienne de la période. Les Chambres de commerce
protestent, mais l'autoritarisme l'emporte et le
gouvernement instaure, en 1908, des Chambres de
commerce officielles, dépendant du ministère des Finances.
Ce corporatisme complète la tendance dirigiste de l'Etat,
mais détériore les relations entre fisc et commerçants, ces
derniers accumulant craintes et rancunes.
Enfin, la crise de liquidité dans le secteur bancaire est
stoppée au seul profit des protégés du pouvoir. Ici encore,
Limantour rend responsables de la crise les banquiers et
impose une réforme de la loi des Institutions de crédit qui
renforce la surveillance des banques. Dans le même temps,
grâce à la Caisse des prêts (devant normalement financer
l'agriculture), le ministre débloque des crédits en faveur des
grandes banques, afin de leur permettre de traverser la crise.
Cette utilisation abusive des deniers publics est une
nouvelle source de mécontentement.
La crise de 1907-1909 coïncide avec la crise de la
succession présidentielle, inaugurée par le souhait de Díaz
de laisser le pouvoir 1. Celle-ci donne aux mécontents
l'occasion de s'exprimer. Les élites économiques heurtées
par la politique de Limantour se rallient alors à Madero et à
son parti qui semblent représenter le mieux leurs intérêts.
Elles souhaitent se défaire, pacifiquement et sans
révolution, des deux dictatures, celle des Científicos et celle
de la vieille classe politique dirigée par Díaz, et s'ouvrir
ainsi un espace d'ascension économique et politique. La
decision des Científicos de réélire Ramón Corral à la viceprésidence, a fini par bloquer toute entente entre Díaz et les
partisans de Madero : la voie de la révolution est ainsi
ouverte...
1 Voir
F.-X. Guerra, Le Mexique. De l'ancien régime à la Révolution, op. cit.
Les Científicos contrôlent non seulement les affaires et la politique
économique du régime, mais ils veulent aussi garantir la continuité du
modèle du progrès. Face à l’âge avancé de Porfirio Díaz, ils créent en
1904 le poste de Vice-président, ils étendent la durée du mandat de 4 à 6
ans et installent Ramon Corral à la tête du gouvernement. Pour les
élections de 1910, les madéristes sont disposés à laisser le général au
pouvoir en échange de la vice-présidence. On peut observer ci-dessus une
parodie de la statue de Rodin exposée au Palais Royal, à Paris. Victor
Hugo, le fœtus de Corral entre les bras, montre du doigt le buste de Díaz
qui a atteint 30 ans de paix et de progrès. A droite, Limantour se moque
du pronostic : « Ceci tuera cela ».
México Nuevo, 8 mai 1911.
SOURCES
ET
BIBLIOGRAPHIE
ARCHIVES
AGN : l’Archivo General de la Nación, au Mexique, (« Sección 6 »,
Finances publiques) nous a éclairé sur l'histoire institutionnelle des
appareils financiers (ministère, douanes, Trésorerie, etc.), recherche qui
a abouti à la réalisation d'un recueil de lois (Materiales para la historia
de las finanzas públicas, dactyl., AGN, 1987, 7 vol.).
AMF : le Ministère français de l'Economie et des Finances conserve à
Fontainebleau l'ancienne série F30 des Archives nationales. Ce matériau,
classé en nouvelles séries (B.31.098 à B.31.464), compte plusieurs
cartons de documents consacrés au Mexique. Les cartons concernant la
période 1867-1914 portent les références B31.312 à B31.317. Précisons
que nous avons réalisé un catalogue raisonné des cartons B31.312 et
B31.313 (Les Relations financières franco-mexicaines, 1862-1920,
dactylographié, Archives du ministère).
AMAE : Les Archives du Ministère des Affaires Étrangères proposent
l'ensemble de l'information diplomatique concernant le Mexique,
notamment trois séries de grand intérêt : 1) Correspondance politique :
Volumes 70 – 79; 2) Nouvelle série : Vols 14 – 39; et 3)
Correspondance consulaire et commerciale : Vols 1 – 20.
Sources et bibliographie / 177
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: elles comprennent les publications
officielles, dont les rapports des Pouvoirs Exécutif et Législatif, ainsi
que la législation générale.
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podido disponer la Secretaría de Fomento, colonización e
industria y comercio en el ejercicio fiscal de 1881-1882.
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hacendaria actual de la República y sobre la manera de
mejorarla, México, Impr. del Gobierno en Palacio a cargo de
José Ma. Sandoval, 1869. (BNM).
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constitucional da a sus compatriotas el Presidente de los
Estados Unidos Mexicanos, Manuel González, informando
acerca de los actos de su administración, México, Tip. de
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Crédito público de la República mexicana dirige al cuarto
Congreso constitucional, al abrir el último período de sus
sesiones, México, Impr. del Gobierno en Palacio a cargo de
José Ma Sandoval, 1869. (BNM).
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Federación para la contabilidad de las pagadurías del
Ejército y armada nacional, en cumplimiento del art.36
capítulo II del Reglamento respectivo decretado en 31 de
mayo de 1885, México, 1887. (BNF).
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Crédito público : 1870-1871 à 1914-1915.
Memoria presentada al Congreso de la Unión por el secretario de
Estado y del despacho de Fomento, colonización, industria y
comercio de
la República mexicana., México, Oficina
Tipográfica de la Secretaría de Fomento, 1877-1882, éd.
1885, 3 vol., 1883-1885, éd. 1887, 5 vol., 1892-1896, éd. 1897
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Memoria que el secretario de Estado y del despacho de Gobernación
presentó al Congreso de la Unión el día 14 de diciembre de
1877 (signé T. García), México, Impr. del Gobierno, 1877.
Memoria de la Secretaría de Gobernación correspondiente al período
transcurrido del 1°de diciembre de 1880 al 30 de noviembre
de 1884. Presentada al Congreso de la Unión por el
secretario del Ramo C. General Carlos Díez Gutiérrez,
México, Impr. del Gobierno, 1884.
Memoria que el secretario de Estado y del despacho de Guerra y
Marina presenta al Congreso de la Unión, México, Impr. del
Gobierno, 1869.
Memoria que presenta al Congreso el Lic. Manuel Romero Rubio,
secretario de Estado y del despacho de Gobernación.
Correspondiente al período transcurrido del 1°dic. de 1884 al
30 de junio 1886, México, Impr. del Gobierno, 1887.
Memoria que presenta a la secretaría de Gobernación el presidente del
Consejo Superior de Salubridad (E. Liceaga) correspondiente
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A
Abaroa y Uribarren, J.L., 34
Adam, Achille, 106
Adams, Edward D., 76
Adorno, Juan N., 34
Alatorre, Ignacio, 16
Albaitero, Pedro, 101
Albert, Julio, 77
Alcazar, Ramón, 109, 128
Allemagne, 23, 70, 106
Almacenes Generales de Depósito,
112
Alvarez, Diego, 16
American Hawaïan Steamship
Company, 131
Amsterdam, 157
Angleterre, 63, 68, 84
Any, H., 44
Arena, Benito, 84
Argentine, 75
Arillaga, Francisco de, 32
Arkansas, 37
Armendais, Francisco, 164
Aynard, Joseph, 106
B
Balard de Pouquerille, 98
Banque :
Agricole et Hypothécaire, 106
Aguascalientes, 112
Bank für Handel und Industrie,
137
Baring Brothers, 79
Berliner Handelsgesellschaft,
137
Blechroëder, 108, 130
Banque :
Caisse de prêts pour les travaux
d'irrigation et
l'encouragement à
l'agriculture, 156, 157, 159
Centrale Mexicaine, 107, 108,
111, 123, 125, 127, 128, 143,
149, 155, 162, 164
Comercial Refaccionario de
Chihuahua, 107
Commerciale et Industrielle, 155
Comptoire d'Escompte, 76, 78
Crédit Foncier Mexicain
(Hipotecario de Crédito
Territorial Mexicano), 106,
111
Crédit Lyonnais, 94, 140
d'Allemagne, 71
de Campeche, 149, 150
de Coahuila, 96
de Crédit et de Dépôt des PaysBas, 75
de Durango, 96, 97
de Guanajuato, 110
de Hidalgo, 150
de Jalisco, 96, 97
de l'Etat du Mexique, 96
de Londres et Mexico, 59, 74,
93, 96, 99, 100, 101, 102,
103, 111, 123, 149, 155
de l'Union Parisienne, 109, 125,
140
de Michoacán, 150
de Nuevo León, 96, 97, 163, 164
de Paris, 75
de Paris et des Pays-Bas, 75,
102, 140
198 / L’autre dictature
Banque :
de San Luis Potosí, 96, 97
de Santa Eulalia, 59
de Sonora, 96, 97
de Zacatecas, 96, 97
des Employés, 100
Deutsche Bank, 78, 107, 108
Deutsche öberseeische Bank,
107
Espagnole Refaccionario, 107
Etat de Mexico, 112
Française du Commerce et de
l'Industrie, 75
Franco-Egyptienne, 59, 75, 76,
77, 79
Guanajuato, 112
Hallgarten & Co, 137
Heinne, 76
Hellènique du Crédit, 76
Hypothécaire, 61, 111
Internationale de Paris, 75
Internationale et Hypothécaire
du Mexique, 93, 106, 107
J.P. Morgan, de New-York, 108,
135
Kuhn Loeb & Co, 137
Ladembourg, 137
Mercantil de Monterrey, 96, 164
Mercantil de Yucatán, 143
Mercantil de Veracruz, 96, 97
Mercantile Mexicaine, 59, 60,
61, 74, 76, 79, 81, 82
Mexicaine Commerciale et
Industrielle, 128
Mexicaine de Chihuahua, 59
Mexicaine de Commerce et
d'Industrie, 107
Mexicanische Bank für Handel
und Industrie, 107
Minero de Chihuahua, 59, 82,
96, 112
Mont-de-Piété, 59, 60, 61, 72,
73, 74, 82, 83, 91, 93
Morelos, 112
Banque :
Nationale du Mexique, 54, 55,
57, 62, 75, 84, 86, 88, 90, 91,
92, 93, 95, 96, 98, 99, 110,
111, 123, 128, 143, 149, 155,
157, 160
Nationale Mexicaine, 59, 60, 61,
74, 76, 78, 79, 81, 82, 83, 84
Occidentale du Mexique, 96, 97
Orientale du Mexique, 96, 97
Péninsulaire Mexicaine, 96, 97,
112, 143, 145
Refaccionario de Campeche, 107
Refaccionario de Michoacán,
107
San Luis Potosí, 97, 112
Société Centrale des banques de
province (France), 106
Société de Crédit Commerical et
Industriel, 77
Société foncière du Mexique,
127
Société Générale, 77, 128, 140
Société Générale du Crédit
Industriel et Commercial, 76
Speyer & Co, de New York,
133, 137, 157
Speyer Brothers de Londres, 137
Thalmann & Co, 137
Yucateco, 143, 144
Zacatecas, 112
Baranda, Joaquín, 101
Barceló Quintal, Raquel, 144
Barcelonnettes, 9, 99, 100, 101,
102, 106, 107, 108, 111, 112
Barra, León de la, 167
Barrón y Forbes, 38, 76, 81
Barrón, Eustaquio, 34
Barroso Arias, Luis, 101, 128, 137
Basagoiti, Antonio, 102, 119
Bass, L.K., 44
Belgique, 106
Benecke, Esteban, 38, 76, 77, 81
Beneke, Esteban, 38
Index / 199
Ch
Benítez, Justo, 69, 72
Berardi, Rodolfo, 164
Berlin, 136, 157
Bermejillo, José Ma., 76, 78, 81,
84, 119
Bernejillo, Andres, 101, 126
Bertier-Marriot, C., 45
Bigot, Rauol, 29
Bismark, Otto, 71
Blechröeder, 71, 78
Body, John B., 131
Boston, 44
Bourse de Paris, 9, 68, 78, 102, 128
Bourse de Wall Street, 141
Bouvier, Jean, 13, 139, 171
Braniff, Thomas, 74, 119
Brittingham, Juan M., 119
Bulnes, Francisco, 20, 24, 27, 41,
43, 119, 135, 153, 159, 169, 173
C
Caballero, Manuel, 80
Cabrera, Luis, 149
Calderón, Francisco, 30, 33, 34, 35,
36, 38, 43
Camacho, Sebastián, 38, 43, 76,
113, 119, 137
Campeche, 101
Cancino, Salvador M., 137
Cano, Manuel G., 102
Canudas, Enrique, 141
Casasús, Carlos, 106, 109
Casasús, Joaquín D., 62, 93, 108,
109, 119, 137, 149, 172
Castellot, Felipe, 149
Castellot, José, 106, 119, 128, 145,
149, 150
Castillo y Cos, Martín del, 69
Ceballos, Rafael, 19
Cepeda Dobala, Jose Luis, 62, 96,
105
Cerutti, Mario, 163
Chambre de commerce et
d'industrie, 76
Chambre des députés, 10, 15, 33,
34, 37, 38, 39, 44, 92, 97
Champan, J., 43
Chapeaurouge, Donato de, 106,
109, 128
Chapman, J.G., 30, 33, 34, 35, 43
Charles Quint, 129
Charlotte, 69
Chiapas, 96
Chihuahua, 50, 90, 97
C
CIDOSA.
Véase Compagnie
Indutrielle d'Orizaba, S.A.
Científicos, 8, 9, 10, 28, 32, 57, 87,
88, 91, 98, 99, 102, 106, 107,
109, 111-113, 116, 117, 127,
129, 149, 153, 157, 158, 169,
170, 172, 175
CIVSA. Véase Compagnie
Industrielle Veracruzana, S.A.
Cloetta, Jean Armand, 107
Coahuila, 19, 27, 90, 164
Coatsworth, John H., 30, 47-48,
134
Coatzacoalcos, 44, 126, 129
Colonia de la Condesa, 128
Colonia del Paseo, 128
Compagnie
Fundidora de Monterrey
(métallurgie), 164
Compagnie Anglo-américaine, 150
Compagnie de chemins de fer :
Centrale, 43, 44, 133, 135
de Celaya-León, 43
de Sonora, 59, 76
de Tehuantepec, 129
Ferrocarriles Nacionales. Véase
Nationaux
200 / L’autre dictature
Compagnie de chemins de fer :
Ferrocarriles Unidos de
Yucatán, 133
Guaymas-Nogales, 43, 50
Imperiale mexicaine, 33-34
International Railroad du Texas,
44
Internationale, 133, 138
Internationale du Texas, 37
Interocéanique, 133, 136
Merida-Peto, 43
Mexicaine, 68
mexicaine des "Catorce", 35, 3840
Mexicano, 133
México-Ciudad Juárez, 50
Nationale, 34, 44, 133, 134, 136
Nationaux du Mexique, 119,
136, 138, 140, 171
Omeotusco-Tulancingo, 43
Puebla-Izúcar, 43
San Luis-Tampico, 50
San Luis Potosí, 43
Santa Fé, 43
Sonora, 43
South-pacific, 133
Tehuantepec, 43, 130, 131
Union Contract de Pennsylvanie,
35, 44
Unis du Yucatán, 144
Veracruz Pacific, 133, 136
Zacatecas-Guadalupe, 43
Compagnie de travaux
d'urbanisation, 128
Compagnie générale de pavage, 127
Compagnie Industrielle :
d’Orizaba, S.A., 103
El Boleo (mines), 103
El Buen Tono (tabac), 103
Fundidora de Monterrey
(métallurgie), 103
La Moderna (tabac), 103
La Preciosa (mines), 103
Moctezuma (brasserie), 103
Nationale de Poudre, 103
Compagnie Industrielle :
San Ildefonso, 103
San Rafael (papier), 103
Veracruzana, S.A., 103
Compagnie manufacturière
nationale d'armement de SaintEtienne, 78
Compagnie mexicaine de ciment
Portland, 128
Compañia Bancaria de Fomento y
Bienes Raíces de México. Véase
Banque : Société foncière du
Mexique
Congrès. Véase Chambre des
députés
Cordero, F., 30
Córdova, Arnaldo, 161
Corona, Ramón, 16
Corral, Ramón, 174, 175
Cosío Villegas, Daniel, 46
Coutouly, G. de, 25, 51, 61, 82, 83
Creel, Enrique C., 109, 119
Crémeux, Levy, 76
Cuevas, Felix, 76, 78, 84
D
Dana, Thomas, 44
Dehesa, Teodoro, 81
Delille, Armand, 106
Díaz Dufóo, Carlos, 62, 91, 118,
119, 122, 150, 151, 155, 158
Diaz, Porfirio, 71
Díaz, Porfirio, 8, 10, 14, 16, 18, 19,
20, 23, 24, 26, 27, 29, 31, 32,
35, 41, 43, 44, 50, 53, 66, 68,
69, 76, 87, 113, 129, 130, 131,
132, 158, 162, 165, 167, 169,
174, 175
Díaz, Porfirio Jr., 112, 137
Dodge, D.C., 44
Dondé, Rafael, 74, 100, 101, 102
Doumain, A, 137, 142, 145, 151,
154
Index / 201
Dublán, Manuel, 90, 100, 121
Durango, 27, 37, 50, 73, 91
Duret, 128
Duret, Fernando, 106, 109
Durrieu, Henri, 77
E
Ebrard y Cia, J.B., 81 102
El Palacio de Hierro S.A, 102
El Paso, 44
Elcoro, Valentin, 101, 102
Elguero, Luis, 137, 157
Escalante, E., 145
Escandón, 128
Escandón y Estrada, Antonio, 84
Escandón, Antonio, 33, 34, 76, 81
Escandón, frères, 32
Escandón, Pablo, 137
Escobedo, Mariano, 16
Escudero y Echanove, Pedro, 69, 81
Espinoza, Francisco, 74, 101, 102
Etats-Unis, 23, 25, 35, 38, 39, 41,
45, 48, 50, 63, 69, 121, 131,
132, 134, 135, 141, 145
Europe, 37
F
Fariello Guerra, José, 81
Ferguson, David, 38
Fernández Leal, Manuel, 119
Fernández, Justino, 76
Fernández, Ramón, 81
Fontana, J., 8
Français, 9
France, 23, 25, 41, 68, 70, 106, 111
Francfort, 157
G
Galera de Lanz, Luis, 149
Gamboa, José Ma., 93
García Cubas, Antonio, 81
García Granados, Ricardo, 119
García, Alejandro, 16
García, Telésforo, 119
García, Trinidad, 72, 73, 83
Gargollo, José, 84
Gargollo, Manuel, 81
Garza, Ernesto de la Jr., 119
Gassier, 81
Gayol, Roberto, 137
Général Díaz. Véase Díaz, Porfirio
Gilluly, J.W., 44
Gilly, Adolfo, 161
Gloner, Prospère, 60
González Cosío, Manuel, 101-102
González Gómez, Marco Antonio,
72
González Hermosillo, Aurelio, 153
González y González, Luis, 25, 27,
35
González, Manuel, générale 19, 21,
22, 23, 27, 28, 31, 32, 44, 50,
54, 60, 66, 76, 81, 82, 90, 129
Goytia, Manuel, 81
Grande-Bretagne. Véase Angleterre
Grands Magasin :
El Centro Mercantil, 103
El Palacio de Hierro, 103
El Puerto de Veracruz, 103
La Valenciana, 103
Las Fabricas Universales, 103
Paris Londres, 103
Grant, Ulises S., 38
Guadalajara, 152
Guanajuato, 27, 42, 73, 81, 91
Guerra, F.-X., 20, 27, 119, 161
Guieu, André, 109
Guillow, Eulogio. Véase Gilow,
Eulogio
Guinchard, Gratien, 101
Gurza, Jaime, 119, 137
Gutiérrez, Bonifacio, 69
Guzmán, Ramón G., 39, 76, 78
202 / L’autre dictature
H
Harriman, W.E., 133
Hauser, Josep, 101
Hegewish, Adolf, 76
Hernández, A., 27
Hernández, Rafael L., 109
Hichman, Walter, 44
Hobsbawm, E., 7
Honey, Ricardo, 137
Honnorat, Léon, 101
Huard, Emile, 77
Hubbe, Antonio, 106
Huerta, Victoriano, 167
Hugo, Victor, 175
Huguenin, 81
I
Ibáñez, Manuel, 79, 81, 84
Iglesias, José María, 15, 19, 27
Mejía, 17
J
Jalisco, 18, 19, 27, 90
Juárez, Benito, 14, 16-19, 21, 31,
33, 34, 37, 54, 66, 67
K
Kladt, F., 109, 128, 126
Knight, Alain, 119
Knigth, Alain, 161
Kulp, Jacques, 78
L
Labastida, Luis G., 119
Lambert & Cie, 101
Lambert, Mateo, 101
Lambon, R.H., 44
Landa y Escandón, Guillermo de,
137
Landero y Cos, Francisco de, 75
Landero y Cos, José de, 118, 137
Laredo, 37, 44
Lascurain, Angel, 38
Lavie, Luis G., 76, 81, 119
Learned, Edward, 43, 129
Lee Plumb, Edward, 37
Lerdo. Véase Lerdo de Tejada,
Sebastián
Lerdo de Tejada, Angel, 76
Lerdo de Tejada, Sebastián, 18,
19, 21, 31, 32, 35, 37, 38, 40,
41, 45, 54, 66, 67, 68
Leroy-Beaulieu, Paul, 62, 134
Lévy-Crémeux, Marc, 77
Limantour, José Yves, 9, 44, 45, 87,
91, 93, 94, 97, 98, 99, 100, 112,
116, 117, 118, 119, 121, 123,
124, 125, 126, 129, 130, 132,
134, 135, 136, 137, 138, 139,
140, 142, 143, 145, 146, 149,
150, 151, 152, 155, 156, 157,
158, 159, 160, 166, 167, 169,
170
Limantour, Julio, 111, 112, 137,
157, 172
Lippmann, Auguste, 78
Londres, 34, 136, 145, 157
López Portillo y Rojas, José, 173
López Rosado, Diego G., 30
Ludlow, Leonor, 62, 79, 85
Ll
Llamedo, Juan, 74
M
Macedo, Miguel S., 93
Macedo, Pablo, 54, 62, 72, 73, 74,
78, 84, 90, 91, 108, 109, 111,
119, 126, 128, 131, 137, 158,
172
Index / 203
MacManus, F., 59
Madero, Ernesto, 119, 163, 164,
167
Madero, Evaristo, 163
Madero, Francisco I., 19, 20, 29,
49, 109, 161, 163, 165, 166, 174
Madero, Francisco, 162
Mammelsdorf, J., 78
Mancera, Gabriel, 34, 37, 43, 109,
137
Manero y Escalante, Luis, 149
Manius, Luis, 34
Manuel, 81
Manzanillo, 44, 126
Marichal, Carlos, 88
Markassuza, C., 102
Marlière, de la, 25
Martin, Pierre, 81, 84
Martínez del Río, Pablo, 119
Martínez Sobral, Enrique, 117, 121
Martínez Zorilla, J., 84
Martínez, Faustino, 101
Maryland Trust Company, 133
Maximilien, 33, 69, 74, 140
Mayas, 25
Mc Murdo, Edward, 44, 129
Mejía, Ignacio, 16
Méndez, Luis, 137
Mendoza, Tomás, 59
Messagerie Maritime de Marseille,
76
Mexican Eagle Oil Company, 132
Michel, Alphonse, 101, 106
Mier y Celis, Antonio de, 38, 69,
76, 78, 84, 87
Mier, Sebastián de, 137
Molina, Olegario, 144, 150
Mont, 73
Monterrey, 48
Moreno, Antonio, 21
Mújica, Juan, 34
Müller, Henri, 59
N
Nelson, 38
New York, 43, 117, 129, 145
Nickerson, Thomas, 44
Noetzlin, Edouard, 75, 77, 83
Noriega & Cie, 101
Noriega, Florencio, 101
Noriega, Iñigo, 101, 102
Noriega, Remigio, 101
Northern Securities Company, 135
Nuevo León, 19, 91
Nuñez, Roberto, 81, 111, 157
O
Oaxaca, 73, 81, 96
Obregón, Guillermo, 153
Olaguíbel y Arista, Carlos, 119
Ollivier, 81
Ollivier & Cie, 101
Ollivier, Léon, 101
Oncle Sam, 40, 130
Orizaba, 48
Ortiz de la Huerta, R., 84
Ortiz Lozano, S.H., 30
Otto, Ernesto, 109
P
Pain, Charles J., 44
Palmer, William J., 37, 38, 44
Panamá, canal de, 44, 129, 131
Pardo, José M., 153
Paribas. Véase Banque: de Paris et
des Pays-Bas
Paris, 137, 145, 158
Parra, Porfirio, 109
Payno, Manuel, 34
Pays-Bas, 106
Pearson & Son, 131, 133
Pearson, Weetman D., 44, 131, 132
Peel, Robert, 73
Peña, Miguel de la, 60, 61
204 / L’autre dictature
Peñafiel, Antonio, 89, 96, 105,
109
Peón Contreras, Pedro, 145
Pérez de Lara, Agustin, 100
Pérez Siller, Javier, 10, 25, 66, 67,
86
Périgny, Maurice Comte de, 141
Petit, Casimir, 106
Petit, G, 50
Philadelphie, 76
Pimentel y Fagoaga, Fernando, 102,
106, 109, 119, 128, 137, 145,
152, 153, 157, 158, 172
Pineda, Rosendo, 102
Pliego Pérez, Antonio, 137, 157
Plumb, Edward Lee, 38, 40, 41
Prida, Francisco de, 81, 84
Prieto, Guillermo, 37
Puebla, 45, 48, 73, 81, 90, 96, 97
Pugibet, Ernest, 119
Q
Querétaro, 18, 73, 81
R
Raigosa, Genaro, 119
Ramírez Bautista, Elsa, 117
Ramírez, José H., 69
Reyes, Bernardo, 15, 19, 164
Reynaud, H., 81, 106
Richemont, consul, 77
Rincón Gallardo, Francisco, 128
Rincón Gallardo, Pedro, 137
Riva Palacio, Vicente, 43
Rivaud, Georges, 107
Robert, Sebastien, 76, 78
Rockefeller, John D., 135
Romano Gavito, Manuel, 101
Romero de Terreros, Pedro, 72
Romero, Matías, 27, 37, 44, 55, 58,
59, 62, 63, 64, 65, 66, 68, 69,
72, 86, 90, 115, 118, 121, 169,
170
Rosa Silva, Moises, 117
Rosecrans, William S., 35, 37, 38,
40, 41, 44, 48
Rosenzweig, Fernando, 60, 62, 72,
117, 121
Roves y Cia sucesores, B., 102
Rubio, Cayetano, 38
Rul, Miguel, 38
S
Salina Cruz, 44, 126, 129
San Antonio, 37
San Blas, 37
San Luis Potosí, 17, 18, 37, 50, 73,
81, 91
Sánchez Gavito, Indalecio, 62, 81
Sánchez Ramos, José, 157
Sánchez, Delfín, 44, 101, 129
Say, Léon, 78
Scherer, Hugo, 78, 93, 119, 126,
128, 152
Scherer, Hugo Jr, 157, 167
Schöeder, Ernesto, 109
Seligman frères, 76
Sempé, E., 51
Signoret, Honorat & Cie, 101
Signoret, Joseph, 106, 109, 137
Signoret, Léon, 101, 102
Simon, Joseph, 160
Sinaloa, 50
Sobrino, Faustino, 81
Société :
International Harvester, 144
Pearson and Son, 129
Thebaud Brothers, 144
des bons Maximilien, 68
Financière pour l'Industrie au
Mexique, 102
Foncière du Mexique, 112
Pimentel frères, 127
Sonora, 27, 50, 91
Standard Oil Company, 132, 133,
134, 135, 138, 139
Stein, Leo, 76, 84
Index / 205
Struck, Gustave, 76-78, 84, 119,
126
Suisse, 75, 106
Sullivan, James, 44
Symon, Robert S., 43, 44
T
Tabasco, 27, 81
Tamaulipas, 24, 81, 164
Tampico, 37, 50, 51, 126
Teresa, Nicolás de, 76, 81, 84
Terrazas, Luis, 59
Terrazas, Alberto, 109
Terreros, Manuel, 34
Texas, 25, 37, 38
Tlaxcala, 19, 27, 97
Torre y Mier, Ignacio de la, 74, 101
Treviño, Gerónimo, 17
Tron, Henri, 101, 119, 126, 128
Trueba, Joaquín de, 93
U
Uhink y Cía., 77
Ullmann, Maurice, 109
V
Valadés, José C., 44, 49, 53
Valle Nacional, 25
Valle, Pedro del, 38
Vanderwood, Paul, 24, 25, 27
Varona, Carlos de, 93
Vega, Praxedis de la, 153
Velasco, Emilio, 119
Veracruz, 27, 32, 33, 35, 51, 53, 73,
81, 91, 126
Villa, Francisco (Pancho), 167
Villareal, Bibiano, 153
Villasana, José María, 18
W
Wade, Levi C., 44
Walker, James, 126
Washington, 160
Waters, H. C., 74, 93, 101, 119
Wilbur, Geroges B., 44
Wolff, S., 109
Wollheim, Mauricio, 70, 72
Y
Yucatán, 25, 91, 133
Z
Zacatecas, 17, 27, 73, 81, 91, 101
Zamacona e Inclan, Manuel de,
137, 157
Zamacona, Manuel M. de, 34
Zambrano, Adolfo, 164
Zapata, Emiliano, 167
Zarco, Francisco, 34
Zayas Enríquez, Rafael de, 23, 81
Zolly hermanos, 77
Liste des tableaux et figures
Fig. 1.
Fig. 2.
Fig. 3.
Fig. 4.
Tab. 1.
Tab. 2.
Tab. 3.
Tab. 4.
Tab. 5.
Tab. 6.
Construction du chemin de fer Mexicano (1867-1872) ....36
Evolution du réseau ferroviaire (1867-1910) ................ 46
Réseau de la Banque Nationale du Mexique (1883) ......... 85
Chronogramme des banques mexicaines (1867-1912) ..... 89
Réduction des effectifs de l’armée fédérale (1867-1869) ..16
Budget de l’armée et des ―Rurales‖ (1867-1911) ........... 28
Communications et chemins de fer (1867-1911).............. 31
Service de la dette publique (1867-1911).......................... 66
Seize principales banques d’émission (1896-1910) ......... 96
Structure du système bancaire (1900-1910) ................. 105
Liste des illustrations
1. Le Géant de la paix.............................................................
2. La Liberté menacée............................................................
3. La Paix des Ruraux............................................................
4. Trains ou baïonnettes?.......................................................
5. Le poid fiscal sur la consommation....................................
6. Monopole bancaire.............................................................
7. Le Monstre de la Dette Publique........................................
8. Emprunt et Amicalité.........................................................
9. Admistrateurs de la Banque Mercantile.............................
10. Admistrateurs de la Banque de Londres et de Mexico.....
11. 5ème. réélection:..............................................................
12. Effets de la Réforme Monétaire.......................................
13. Tehuantepec : en quête de l’équilibre..............................
14. Combat contre le Trust Américain...................................
15. Admistrateurs de la Banque hypothécaire........................
16. Les poches pleines, Limantour revient de Paris...............
17. La crise arrive..................................................................
18. ―Ceci tuera cela‖..............................................................
11
18
26
40
52
55
64
71
80
104
113
124
130
138
148
158
168
175
TABLE DES MATIERES
Abréviations.........................................................................
5
INTRODUCTION.............................................................
7
II. LES CONDITIONS DU PROGRES…………...........
11
1. Réduction et modernisation de l’armée, 1867-1884.........
2. La révolution ferroviaire et la crise de 1884....................
14
29
II. L’HEGEMONIE DES FINANCIERS.......................
55
1. La révolution financière (1884-1896)........................
2. L’ère des banquiers (1896-1905)...............................
58
87
III. MUTATIONS ET CRISE DU REGIME……...........
113
1. Du libéralisme au dirigisme (1897-1908)..................
2. De la crise financière à la Révolution (1907-1911.....
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141
CONCLUSION..................................................................
169
Sources et bibliographie.......................................................
Index....................................................................................
Liste des figures et tableaux.................................................
Liste des illustrations...........................................................
Table des matières................................................................
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