massaï - LYCÉE RAYMOND QUENEAU

Transcription

massaï - LYCÉE RAYMOND QUENEAU
MASSAÏ
Article écrit par Jacques MAQUET
Prise de vue
Le pays massaï, allongé du nord au sud, chevauche la frontière Kenya-Tanzanie. Région montagneuse
creusée par la Great Rift Valley, l'altitude y varie de 1 500 à 3 000 mètres environ. Elle est dominée par les
monts Elgon, Kenya, Kilimandjaro et Meru. L'eau est rare, les pluies peu abondantes. Les Massaï, qui étaient
environ 800 000 à la fin des années 1990, comportent plusieurs tribus : les Samburu, les Arusha, les
Baraguyn ou Kwavi et les Ilmaasaï, et se répartissent à peu près pour moitié entre les deux États.
La majorité des Massaï tirent leur subsistance d'une forme de pastoralisme nomade. Méprisant les
étrangers – leurs voisins bantous et les Européens –, ils ont résisté longtemps à toute acculturation. Leur
histoire n'est pas connue : on suppose qu'ils viennent du Nord parce qu'ils parlent le maa, une langue
nilo-hamitique.
I-Une économie d'élevage
Les Massaï possèdent environ une dizaine de bovidés par individu, et autant de chèvres et de moutons.
Lait, sang et viande constituent la base de l'alimentation, et sont les seules nourritures permises aux
guerriers. Les enfants et les personnes mariées consomment aussi des haricots, du millet, du maïs, obtenus,
par échange, des populations voisines. La traite des vaches est faite par les femmes ; le bétail est saigné au
moyen d'une flèche à tranchant transversal, tirée dans la veine jugulaire. Il est interdit d'absorber lait et
viande le même jour ; le lait peut être bu mélangé à du sang, mais il ne doit pas être bouilli.
Comme un grand nombre d'animaux sont abattus pour la boucherie, le taux naturel de reproduction ne
suffit pas à la demande. Les Massaï croient que Dieu leur ayant donné tout le bétail de la terre, ils ont seuls
le droit d'en posséder. Aussi la principale occupation des hommes jeunes était-elle, jadis, la guerre afin de se
procurer le bétail supplémentaire. Les troupeaux sont marqués au fer rouge d'un signe qui indique le clan du
propriétaire. Leur soin est confié aux jeunes garçons et aux vieillards.
Les femmes ramassent le bois et puisent l'eau, construisent les huttes de terre, chargent les ânes et les
conduisent lors des déplacements, font les vêtements de peau. Elles commercent avec les tribus voisines, les
hommes n'ayant avec ces dernières que des contacts belliqueux.
La chasse, peu prisée, est pratiquée occasionnellement. Seuls, le buffle et l'élan, une grande antilope,
considérés comme du bétail, sont propres à la consommation. Les lions et autres prédateurs sont tués pour
défendre le bétail.
Les seuls artisans spécialistes sont les forgerons, caste méprisée.
Les Arusha de Tanzanie sont des Massaï devenus agriculteurs, depuis 1830 environ. Fermiers prospères,
ils n'en ont pas pour autant rejeté les valeurs des Massaï et comme eux, ils ont résisté à l'occidentalisation.
Les Massaï les tolèrent mieux que les Bantous et font beaucoup d'échanges avec eux.
Les campements massaï forment des groupes d'une cinquantaine de huttes : les guerriers habitent des
camps spéciaux manyata, où ils vivent avec leurs mères et leurs sœurs célibataires. Les « kraals » (mot
d'origine sud-africaine désignant des ensembles d'habitations groupées autour d'un parc à bétail) des
personnes mariées sont entourés d'une palissade qui protège, la nuit, le bétail. L'usage de chaque entrée est
réservé à une famille.
II-Clans et classes d'âge
Les clans patrilinéaires, au nombre de six ou de sept, divisés en sous-clans, sont dispersés dans tout le
pays massaï. Pour certains auteurs, l'unité exogamique est le clan ; pour d'autres, c'est le sous-clan.
Les classes d'âge sont un élément important de l'organisation sociale massaï. À la circoncision, le garçon
entre dans la première classe, celle des jeunes guerriers. L'intervalle entre les classes n'est pas régulier : à la
demande des aînés, lorsque le besoin s'en fait sentir, une classe est créée au cours d'un rassemblement
général ; ces aînés sont les parrains des nouveaux circoncis. Tout homme appartient pour la vie à une classe
qui traverse chacun des stades marquant les grandes étapes de l'existence humaine. Les classes ont des
noms qui paraissent avoir été repris de façon cyclique.
Partant de ces éléments, l'ethnologue H. A. Fosbrooke a essayé de reconstituer l'histoire tribale.
Autrefois, les jeunes guerriers, organisés en compagnies sur une base territoriale, étaient astreints à un
entraînement rude et soumis à une discipline sévère. Ils n'avaient pas le droit de se marier, mais celui de
pratiquer l'amour libre avec des filles de leur âge, sœurs de leurs camarades. Les naissances n'étaient pas
souhaitées à ce stade, et les filles enceintes devaient se faire avorter, semble-t-il. Avant le mariage, les filles
subissaient la clitoridectomie. Lorsque sa classe d'âge passait au stade suivant, celui de guerrier pleinement
adulte, le jeune homme avait le droit de se marier. Habituellement, il choisissait lui-même sa fiancée, bien
que les unions aient été parfois arrangées par les pères. La dot consistait en quelques têtes de bovidés. La
polygynie n'était limitée que par la richesse : s'il arrivait souvent qu'un homme ait deux épouses, il était rare
qu'il en possédât cinq. La morale sexuelle était large, chaque homme ayant accès aux femmes de ses
compagnons de classe d'âge.
Après une période de quatorze à vingt et un ans, le « guerrier » devenait un « aîné » ; désormais, il se
rasait la tête et ne portait plus la coiffure nattée.
III-Structure et politique
La structure politique massaï est fondée sur l'unité de base : la compagnie de guerriers. Chaque
compagnie a son chef, responsable des affaires militaires et civiles, qui représente l'autorité politique la plus
efficace. Jadis, ce chef était responsable des expéditions, de la répartition du butin, des liaisons avec les
autres compagnies et avec les prêtres ; il pouvait être démis par ses hommes, ou démissionner. La
compagnie était indépendante du conseil des aînés qui dirigeait le « kraal » voisin. Ce dernier était constitué
soit d'anciens guerriers ayant appartenu à une même compagnie, soit de personnes de provenances
diverses qui pouvaient se séparer. Plusieurs compagnies de guerriers s'associaient en unités plus larges
formant soit des « tribus », soit des confédérations plus lâches, dirigées par un conseil d'anciens.
Actuellement, les chefs de compagnie s'emploient à régler les différends et à empêcher les vols de
bétail, avec l'aide d'un conseil d'anciens, réalisant ainsi une collaboration entre guerriers et aînés qui ne
semble pas avoir existé dans le passé.
IV-Religion
La religion des Massaï a été très peu étudiée. Ils invoquent Enk-ai, le dieu créateur, qui est aussi la pluie
et le ciel. Son épouse Ol-apa est la lune. Le culte des ancêtres paraît inexistant, bien que quelques faits
indiquent la croyance à la survie. Ainsi les morts ordinaires, exposés aux hyènes, sont pourvus d'une paire
de sandales, d'un bâton et d'un peu d'herbe, comme s'ils partaient en voyage ; les riches et les prêtres sont
enterrés sous un tas de pierre, et leur âme se transforme en serpent.
Les laibon, anglicisation de ol-oiboni, sont devins, faiseurs de pluie, guérisseurs. Ils appartiennent tous au
même clan, ne sont pas guerriers et n'ont pas d'autorité politique. Les expéditions militaires étaient
soumises à leur approbation, ainsi que les rites de passage. Ils étaient responsables de la fécondité et du
bien-être de tous les Massaï.
Jacques MAQUET
Bibliographie
•
B. BERNARDI, « The Âge-System of the Masaï », in Annali lateranensi, no_18, 1955_/ H.\'83A._FOSBROOKE, « An Administrative Survey
of the Masai Social System », in Tanganyika Notes and Records, no 26, 1948 ; « The Masaï Age-Group System as a Guide to Tribal
Chronology », in African Studies, vol. XV, 1956
•
P. H. GULLIVER, Social Control in an African Society. A Study of the Arusha : Agricultural Masaï of Northern Tanganyika, Londres, 1963
•
A. C. HOLLIS, The Masaï, Their Language and Folklore, Clarendon Press, Oxford, 1905, réimpr. 1970 ; « A Note on the Masaï System of
Relationship and Other Matters Connected therewith », in Journ. royal anthrop. Inst., vol. XL, 1910
•
G. W. B. HUNTINGFORD, The Southern Nilo-Hamites, Londres, 1953
•
T. OLE SAITOTI, Les Masaï, trad. de l'angl., \'e9d. du Ch\'eane, Paris, 1980 ; The Worlds of a Maasai Warrior, Univ. California Press,
Berkeley, 1988
•
X. PÉRON, L'Occidentalisation des Massaï du Kenya, 2 vol., L'Harmattan, Paris, 1995.