ESPAGNE – Scénario macroéconomique 2016
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ESPAGNE – Scénario macroéconomique 2016
Apériodique – n°16/126 – 29 avril 2016 ESPAGNE – Scénario macroéconomique 2016-2017 Une croissance résiliente, mais jusqu’à quand ? En dépit du blocage politique du pays depuis les élections de décembre 2015, la croissance espagnole résiste au premier trimestre 2016. Nous maintenons notre prévision d’un ralentissement graduel de l’activité à +2,7% en 2016 et +2,2% en 2017, après le pic de +3,2% en 2015. La croissance continuera de s’appuyer sur une demande intérieure dynamique, en particulier grâce aux créations d’emplois et au maintien de prix bas de l’énergie au premier semestre qui favorisent les gains de pouvoir d’achat des ménages espagnols. Si l’impact de ces éléments sur la croissance s’estompera graduellement, la politique monétaire accommodante de la BCE devrait contribuer à soutenir l’activité ces deux prochaines années. Les exportations espagnoles devraient être moins dynamiques en raison d’une baisse de la demande des pays émergents et de gains de compétitivité moindres, du fait de l’arrêt de la modération salariale et la fin de la dépréciation de l’euro fin 2015. La bonne tenue de la demande européenne devrait permettre de limiter l’impact négatif des exportations nettes sur la croissance. Notre scénario s’appuie sur un déblocage de la situation politique au second semestre, mais le risque politique reste latent et pourrait peser sur nos prévisions, d’autant que le gouvernement a largement manqué sa cible budgétaire en 2015. pp a/a Contributions à la croissance - a/a 4 2 0 -2 -4 -6 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 2012 2013 2014 2015 Conso privée Investissement Exports nets Source : Eurostat, Crédit Agricole S.A. 2016p 2017p Conso publique Var. stocks PIB p : prévision La croissance trimestrielle est restée stable à 0,8% au second semestre 2015 Avec 3,2% en 2015, l’Espagne a connu une croissance annuelle record depuis 2007, largement portée par le rebond de la demande intérieure, dont la contribution à la croissance s’est élevée à +3,6 points en 2015. Représentant 2,2 points de PIB, la dépense de consommation finale a été le principal facteur de rebond de la demande intérieure. Tirée par la consommation privée, elle a également été soutenue par la hausse marquée de la consommation publique, dont la croissance est positive pour la première fois depuis 2010. Se creusant à -0,4 point de PIB en 2015, la contribution à la croissance des exportations nettes a atteint un plus bas depuis 2007. La forte augmentation, de 7,5%, des importations, induite par la reprise intérieure, n’a été compensée qu’en partie par la hausse de la demande extérieure. En variation sur un an, la croissance espagnole a continué d’accélérer, atteignant 3,5% au T4 2015, après 3,4% au T3 et 2,7% au T1 2015. Études Économiques Groupe http://etudes-economiques.credit-agricole.com ESPAGNE : Une croissance résiliente, mais jusqu’à quand ? Léopold JOUVEN [email protected] Toutefois, le profil sur l’année 2015 fait ressortir une stabilisation de la croissance trimestrielle à 0,8% au T4 2015 comme au T3, en ralentissement par rapport au premier semestre. La croissance au T4 2015 a été soutenue par la bonne tenue de l’investissement en fin d’année 2015 (+1,1% au T4 par rapport au T3) et par une consommation publique toujours en hausse (+0,4%). Ce, en dépit du moindre dynamisme de sa principale composante, la consommation privée, qui enregistre une croissance trimestrielle plus faible, à 0,7% au T4 2015 après 1,1% au T3. Parallèlement, l’économie espagnole a bénéficié d’une décélération de ses exportations de biens et services inférieure à celle de ses importations, permettant d’afficher une contribution positive à la croissance du PIB des exportations nettes de 0,2 point au dernier trimestre 2015, un plus haut depuis 2013. Celle-ci a néanmoins été compensée par une contribution négative équivalente des variations de stocks. Créations d’emplois, assouplissement monétaire et pétrole bon marché sont à l’origine de la reprise en 2014-2015 La croissance de la consommation privée est redevenue positive début 2014 et n’a eu de cesse d’accélérer jusqu’à mi-2015. Le revenu disponible brut (RDB) des ménages est fortement reparti à la hausse, suite à l’accélération en 2015 de la reprise observée sur le marché du travail l’année précédente. Après avoir enregistré environ 3,7 millions de destructions nettes d’emplois de 2008 à 2013, dont la moitié dans le secteur construction-immobilier et le tiers dans l’industrie, la tendance s’est inversée avec près de 700 000 créations nettes d’emplois depuis 2014, principalement dans les secteurs des services nonfinanciers et non-immobiliers. du contexte déflationniste (cf. infra), dû dans un premier temps au maintien de la modération salariale, et renforcé par la chute des cours du pétrole ensuite. Les ménages espagnols ont également bénéficié, dès 2015, de mesures de baisse de l’impôt sur le revenu, initialement prévues en 2016 par le gouvernement sortant. Apportant une plus grande flexibilité salariale et interne aux entreprises, les réformes du marché du travail entre 2010 et 2012 ont facilité les créations d’emplois lors de la reprise de l’activité à partir de 2014, tout en maintenant la modération salariale. Elles ont donc permis à l’emploi de bénéficier plus largement du redémarrage cyclique amorcé en 2014. Ainsi, après avoir cumulé une baisse de 17% entre 2008 et 2013 et quasiment stagné en 2014, la masse salariale a crû de 4% en 2015. Ayant augmenté plus vite que l’emploi salarié tout au long de l’année, 2015 aura été la première année de hausse continue des salaires en situation de création d’emplois depuis 2008. La hausse des coûts salariaux dans le secteur privé en début d’année 2015 a cependant été compensée par une forte accélération de la productivité en fin d’année, permettant ainsi aux entreprises espagnoles de maintenir un taux de marge autour de 45% depuis 2014, et de conserver un rythme soutenu d’investissement en fin d’année. L’assouplissement quantitatif de la BCE a également bénéficié au secteur privé espagnol via des taux d’intérêt historiquement bas et au secteur exportateur via la dépréciation du taux de change qui, cumulé à l’ajustement des coûts salariaux, lui permet de gagner des parts de marché à l’exportation et ainsi de profiter de la demande des pays émergents et de la reprise européenne. % a/a Ménages: consommation et emploi % a/a 600 4 300 2 0 0 Entreprises : coûts, productivité et investissement dans l'économie 6 3 0 -3 -300 -2 -600 -4 -900 -6 123412341234123412341234 2010 2011 2012 2013 2014 2015 Créations annuelles d'emplois (milliers) Revenu disponible brut réel* (éch. dte) Consommation réelle* (éch. dte) Source : INE, Crédit Agricole S.A. *annualisé Les gains de pouvoir d’achat liés à la hausse du revenu disponible brut ont été importants, du fait N°16/126 – 29 avril 2016 -6 -9 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 2010 2011 2012 2013 2014 2015 Coût salarial unitaire Coût salarial par tête Productivité par tête FBCF réelle totale Source : Eurostat, Crédit Agricole S.A. Contribuant à hauteur de 1,3 point à la croissance en 2015, l’investissement a été l’autre pilier de la croissance espagnole. Il a été principalement tiré par la dépense en machines-équipements 2 ESPAGNE : Une croissance résiliente, mais jusqu’à quand ? Léopold JOUVEN [email protected] (0,7 point) et en construction hors-logement (0,4 point). En effet, l’investissement des ménages n’a que très peu rebondi en 2015 : leur taux d’épargne étant resté stable autour de 9,5% du RDB depuis 2013, ils favorisent ainsi consommation et désendettement. Néanmoins, on observe en 2015 une première hausse depuis 2007 de l’investissement en construction, laissant augurer une reprise de l’activité dans le secteur en 2016. C’est donc principalement le dynamisme affiché du secteur des services non-financiers et du secteur public, dont les salariés ont bénéficié du versement anticipé d’une prime, qui ont tiré la reprise de la consommation et de l’emploi, tandis que les secteurs les plus touchés par la crise, comme la construction et l’industrie, semblent être encore en phase d’ajustement. De ce point de vue, la situation du secteur exportateur, qui enregistre toujours des coûts salariaux unitaires (CSU) en baisse, est assez hétérogène : la baisse des CSU étant dominée par la baisse des coûts salariaux par tête dans l’industrie, tandis qu’elle est dominée par la hausse de la productivité dans le secteur commercial et touristique. Une décélération graduelle de l’activité en 2016 Nous anticipons un ralentissement de la consommation privée en raison de la remontée de l’inflation, en lien avec la reprise à la hausse des cours du pétrole. Très dépendant des importations d’hydrocarbures, le prix de l’énergie est l’unique composante tirant l’inflation en territoire négatif depuis fin 2014 (-1% en février 2016), tandis que l’inflation sous-jacente est positive (+0,8% en février 2016) et en hausse continue depuis un an. pp a/a 3 Inflation annuelle 2 1 0 -1 -2 2013 2014 2015 2016 IPCH - énergie IPCH - hors-énergie IPCH - % a/a Sous-jacent - % a/a Source : Eurostat, Crédit Agricole S.A. Les premières données « dures » disponibles sur les deux premiers mois de l’année 2016 indiquent un prolongement de la tendance observée en fin d’année dernière, avec un ralentissement contenu N°16/126 – 29 avril 2016 de la croissance trimestrielle à 0,7% au premier trimestre de 2016. Au vu de l’acquis de croissance négatif pour le T1 de la production industrielle en février, le ralentissement s’accentuerait dans le secteur industriel, après une très forte accélération au cours de l’année dernière. La bonne tenue des ventes au détail (acquis de croissance de +0,5% sur le T1) indique que les services devraient continuer à tirer la croissance en début d’année 2016, toujours soutenue par les gains de pouvoir d’achat des salariés espagnols. % t/t Indicateurs d'activité et d'emploi 1,8 1,2 0,6 0,0 -0,6 -1,2 -1,8 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 2013 2014 PIB en volume Ventes au détail Source : INE, Crédit Agricole S.A. 2015 2016* Production industrielle Emploi *acquis / prévision PIB En effet, la hausse de 0,5% par rapport au trimestre précédent du nombre de travailleurs affiliés à la Sécurité sociale au T1 2016 montre que les créations d’emplois se sont poursuivies et pourraient même légèrement s’accélérer dans le secteur manufacturier au deuxième trimestre, d’après la hausse des composantes emplois des indicateurs avancés que sont les enquêtes auprès des directeurs d’achat (PMI) et de confiance économique (ESI). PMI (>50= ESI (100= Enquêtes PMI et ESI expansion) lg terme) 60 120 58 116 56 112 54 108 52 104 50 100 48 96 46 92 44 88 42 84 40 80 2012 2013 2014 2015 2016 PMI composite Economic sentiment index Source : Markit, CE, Crédit Agricole S.A. Confortées par la stabilisation de leurs carnets de commande, les entreprises espagnoles n’anticipent pas de baisse marquée de leur activité et semblent maintenir leurs projets d’embauches, mais leur 3 ESPAGNE : Une croissance résiliente, mais jusqu’à quand ? Léopold JOUVEN [email protected] investissement devrait ralentir avec la stabilisation au T1 2016 de leur taux d’utilisation des capacités productives en-deçà de son pic de mi-2015. Du côté du secteur externe, le moindre dynamisme des échanges espagnols observé en fin d’année devraient se maintenir en raison d’une demande moins vigoureuse tant en provenance des économies émergentes que du secteur privé domestique. Cependant, l’indicateur IEP des nouvelles commandes industrielles montre que la demande en provenance de l’Union européenne, qui représente environ deux tiers des exportations de biens espagnoles, reste robuste et devrait permettre de compenser en partie la baisse de la demande des pays émergents, dans un contexte de stabilisation du taux de change effectif réel depuis le second semestre 2015, après avoir reculé de 8% entre décembre 2013 et mars 2015. Par ailleurs, la bonne tenue des principaux indicateurs du tourisme international nous suggère que la croissance des exportations de services devrait légèrement reculer mais se maintenir à un rythme toujours soutenu, après avoir fortement accéléré fin 2015. Plus généralement, la contribution à la croissance des exportations nettes de biens et services devrait ainsi rester légèrement négative tout au long de 2016, mais nous nous attendons à ce qu’elles pèsent moins sur la croissance espagnole qu’en 2015, en raison du ralentissement de la demande intérieure. >50 = Exportations et commandes manufacturières expansion % a/a 60 12 55 7 2 50 -3 -8 45 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2 3 4 1 2013 2014 2015 2016 Services Biens Source : INE, Markit, Exports de B&S en volume Crédit Agricole S.A. IEP - commandes étrangères PMI manuf - commandes export (éch. dte) Mais de nombreuses incertitudes font peser un risque sur la croissance Podemos (gauche radicale) de soutenir l’alliance entre le Parti socialiste (PSOE, centre-gauche) et le nouveau Parti de centre-droit Ciudadanos, le roi a dû renoncer à nommer un nouveau Premier ministre et a été amené à prononcer la dissolution du Congrès. De nouvelles élections se tiendront donc le 26 juin. S’il semble acquis, au vu des derniers sondages, que la composition du Congrès n’en restera pas moins fragmentée, nous considérons que ces élections devraient toutefois déboucher sur la formation d’un gouvernement, même minoritaire. Tout d’abord, parce que les sondages ont montré une hausse de l’opinion positive envers les partis qui tentaient de négocier, ce qui limite, à nos yeux, le gain politique lié à des stratégies de négociations dures de Podemos ou attentistes du Parti populaire (PP). Enfin, les équilibres politiques de décembre 2015 pourraient être tout de même modifiés à la marge autour des trois principales lignes de fracture : droite / gauche = 51% / 49% (déc. 2015) ; partis traditionnels / nouveaux / régionalistes = 62% / 31% / 7% (décembre 2015) ; unionisme / droit à l’auto-détermination = 72% / 28% (décembre 2015). Grâce à la très bonne dynamique de Podemos dans la dernière semaine des élections du 20 décembre, la gauche (PSOE, Podemos, IU et les partis régionaux ERC et EH Bildu) s’est retrouvée majoritaire de manière inattendue. L’opposition du PSOE face aux autres formations de gauche sur la question régionaliste a cependant rendu impossible la formation d’un gouvernement. La remontée de Ciudadanos, qui a montré sa volonté de collaborer avec les partis traditionnels, dans une certaine mesure, et la résilience du PP dans les sondages pourraient ainsi permettre à ces deux partis d’être en position de former un gouvernement de droite, quand bien même elle ne puisse plus compter sur l’appui de la droite catalane en raison de son virage indépendantiste. 20-déc Projection de sièges Moy. Avril 350 300 71 64 200 90 89 150 40 47 123 127 250 100 En raison d’un paysage politique fragmenté, le prochain gouvernement restera fragile… L’incertitude politique qui dure depuis les élections générales du 20 décembre 2015 (cf. Europe L'actualité de la semaine) semble ne pas avoir entravé en ce début d’année la reprise de l’économie espagnole. Suite au récent refus des militants de N°16/126 – 29 avril 2016 50 0 déc.-15 janv.-16 févr.-16 mars-16 avr.-16 mai-16 PP Ciudadanos PSOE Podemos et IU-UP Indépendantisme catalan Autres régionalistes Source : El Mundo, Crédit Agricole S.A. 4 ESPAGNE : Une croissance résiliente, mais jusqu’à quand ? Léopold JOUVEN [email protected] Si le projet sécessionniste catalan a bel et bien été relancé avec la mise en place de la feuille de route de la majorité d’union indépendantiste en ce début d’année, une déclaration unilatérale nous semble toujours très peu probable à moyen terme (cf. Espagne : L'indépendance catalane est encore loin), d’après les dernières déclarations du président de la Généralité et du fait de l’opposition du PSOE et de la droite. Au vu des dernières négociations au niveau national, seule une percée significative, et inattendue, des partis de la gauche radicale, Podemos et Union Populaire, pousserait le PSOE à reconsidérer sa position. La formation d’un gouvernement dirigé par le PP au cours de l’été apparaît ainsi comme le résultat le plus probable mais il est encore difficile de dire s’il sera majoritaire et qui en sera le président. … et sera sous la pression de Bruxelles pour relancer l’effort budgétaire structurel. Dans tous les cas, le nouvel exécutif aura peu de marges de manœuvre budgétaire. Le déficit public n’a en effet été réduit « que » de 0,8 point en 2015 et a atteint 5,1% du PIB, alors que la cible était de 4,2% dans le Programme de stabilité et de croissance 2015 (PSC) et avait été reprise dans le Projet de loi de finance 2016 (PLF). Comme l’avait exprimé la Commission européenne (CE) dans ses prévisions d’hiver, le gouvernement sortant s’est largement reposé sur le cycle pour réduire le déficit, interrompant son effort d’augmentation de l’excédent structurel primaire, qui se stabiliserait autour de 0,3% du PIB en 2016, contre 1,7% en 2014. % PIB Finances publiques 1 -1 +0,3 +0,3 +1,7 +1,5 +0,2 -0,4 Alors que l’Etat central et les collectivités locales ont dépassé leurs objectifs en enregistrant un excédent primaire, l’aggravation du déficit de la Sécurité sociale à 1,3% du PIB, contre une cible de 0,6%, est donc l’un des principaux facteurs de déviation du déficit en 2015. L’autre facteur a été l’incapacité des Communautés autonomes (CCAA) à réduire leurs dépenses. Le déficit régional s’est ainsi stabilisé à 1,7% du PIB en 2015, tandis qu’un objectif de réduction d’un point avait été assigné aux CCAA. % PIB 1 Solde public par administration +0,4 +0,6 +0,6 -1 -2,6 -3,7 -4,8 -2,2 -0,7 -3 -1,7 -1,7 -5 -1,6 -1,3 -1,0 -7 -9 0,0 -1,1 -0,7 -3,6 -5,1 -5,9 -6,9 2013 2014 2015 2016* Central - primaire Central - intérêts Régions - primaire Régions - intérêts Coll. Locales Sécu. Sociale Solde budgétaire Source : IGAE, Crédit Agricole S.A. *cible de solde total -2,6 -3 -3,6 -5 -5,1 -7 -6,9 -5,9 -9 -11 avait été suspendue depuis 2012. Outre la baisse anticipée de l’impôt sur le revenu, la contreperformance des recettes en pleine reprise économique provient en grande partie du recul des cotisations sociales, principalement lié aux abattements fiscaux accordés pour les embauches en CDI, alors que l’emploi reste toujours bien inférieur à son niveau d’avant-crise. Par ailleurs, le contexte déflationniste renchérit mécaniquement le paiement des prestations sociales. -10,4 2012 2013 2014 2015 2016 2017 Composante cyclique Intérêts Mesures temporaires Solde structurel primaire Solde budgétaire Cible PSC 2016 Cible PLF 2016 Source : AMECO (prév. actualisées), Crédit Agricole S.A. Au niveau agrégé, cette déviation par rapport à la cible est due à une réduction insuffisante de la dépense par rapport à l’objectif de baisse annuelle de 1,5 point de PIB et, surtout, au recul des recettes de 0,4 point de PIB, alors qu’elles avaient été anticipées comme stables dans le PLF 2016 et les dernières estimations de la CE. Côté dépense, ce résultat s’explique par la reprise du versement d’une prime aux fonctionnaires de l’Etat central qui N°16/126 – 29 avril 2016 Ces signaux contradictoires provenant des soussecteurs de l’administration publique espagnole font émerger quelques doutes quant à la capacité de pilotage des finances publiques par l’Etat central au vu du non-respect tant à la hausse qu’à la baisse des objectifs fixés, en dépit de l’adoption en 2012 de la loi de stabilité budgétaire (cf. Espagne : des risques politiques contenus). A l’instar du PSC européen, celle-ci permet à l’Etat central d’adopter des mesures coercitives à l’encontre des régions ne respectant pas leur objectif budgétaire, ce que la CE a recommandé au gouvernement intérimaire. L’Etat central n’y a eu jusqu’à présent qu’un recours très limité. Dans le cadre du PSC 2016, qu’il doit soumettre à la Commission d’ici fin avril, le gouvernement a finalement revu à la baisse son objectif de déficit en s’alignant sur les prévisions de la Commission et repoussant sa sortie de procédure de déficit excessif (PDE) en 2017, avec un retour sous la 5 ESPAGNE : Une croissance résiliente, mais jusqu’à quand ? Léopold JOUVEN [email protected] barre des 3%. D’après la presse espagnole, la CE accepterait ce report mais il est très probable qu’elle demande un effort structurel accru pour assurer la consolidation budgétaire. Si l’alignement des prévisions de croissance du gouvernement sur celles du consensus et les nouveaux objectifs rendent plus crédible la trajectoire budgétaire, l’exécutif continue à faire porter le gros de l’effort budgétaire sur les régions, qui ont majoritairement basculé dans l’opposition depuis l’année dernière. En cas de maintien du PP au pouvoir, la tâche ne sera donc pas simple pour le nouveau gouvernement, qui pourrait ainsi se retrouver pris en tenaille entre Bruxelles et les régions, en particulier, Barcelone, la Catalogne présentant le déficit régional le plus élevé (2,7% de son PIB). De nouveau dégradée en début d’année, la région reste dépendante des financements de l’Etat central et est le principal bénéficiaire du Fonds de financement des CCAA (FFCA). Ce qui pourrait compliquer les relations entre la Généralité et la capitale espagnole. L’Espagne devra donc probablement faire évoluer son mode de financement. Si l’incertitude politique devrait diminuer avec la formation d’un gouvernement, elle ne devrait pas complètement disparaître au vu des défis qui l’attendent. plus fortement encore les créations d’emplois et l’investissement. Bien que le taux de chômage espagnol ait reculé de près de 6 points ces trois dernières années, à 20,4% en février 2016, il reste le plus élevé des pays de la zone euro après la Grèce. Un ralentissement de la résorption du chômage pourrait avoir un fort impact sur la consommation, dans un contexte de faible croissance des salaires, mais également sur le contexte politique à moyen terme. De plus, la moitié des créations d’emplois depuis 2014 sont des contrats temporaires, majoritairement dans les services, ce qui ne résout pas les problèmes de précarité et de pauvreté apparus pendant la crise. milliers de Créations personnes 1 000 annuelles d'emplois 500 0 -500 -1 000 -1 500 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 Une chute de confiance pourrait aggraver le ralentissement de l’activité, dans un contexte d’exposition accrue aux chocs externes Les rendements des obligations espagnoles restent relativement stables, en particulier grâce à la politique monétaire de la BCE, mais un nouveau blocage politique sur fond de dérive budgétaire et de rivalité régionale pourrait provoquer de nouvelles tensions et ainsi durablement déprimer la confiance des agents économiques, ralentissant Indépendants Salarié - temporaire Source : INE, Crédit Agricole S.A. 2014 2015 2016 2017 Emplois De plus, quand bien même l’endettement public semble se stabiliser autour de 100% du PIB en 2015 et le désendettement privé être toujours à l’œuvre (baisse de 10 points environ à 176% du PIB en 2015), leur niveau toujours élevé continue à rendre l’Espagne vulnérable aux chocs externes. Moyenne annuelle (% a/a) Espagne Salarié - Permanent Variation trimestrielle (% t/t) 1 2015 2 3 4 1 2016 2 3 4 1 2017 2 3 4 PIB Consommation privée Consommation publique Investissement Demande intérieure* Exportations nettes* Variation de stocks* 1,4 3,2 1,2 3,1 -0,0 2,7 3,5 6,4 1,3 3,6 -0,1 -0,4 0,1 -0,0 2,7 2,2 3,5 2,5 -0,0 0,2 4,7 3,3 3,0 2,2 -0,1 -0,0 -0,1 0,0 0,9 1,0 0,8 0,8 0,7 0,6 0,5 0,5 0,5 0,6 0,6 0,6 0,8 0,8 1,1 0,7 1,0 0,9 0,7 0,6 0,6 0,6 0,6 0,6 1,9 0,7 0,5 0,4 -0,5 -0,3 -0,1 0,0 0,1 0,2 0,2 0,1 1,6 2,3 1,3 1,1 1,2 1,0 0,8 0,8 0,8 0,8 0,8 0,7 1,1 1,1 1,0 0,7 0,7 0,7 0,5 0,5 0,5 0,5 0,5 0,5 -0,4 0,0 -0,3 0,2 -0,0 -0,1 -0,1 -0,1 0,0 0,0 0,1 0,1 0,2 -0,1 0,1 -0,2 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 0,0 Taux de chômage Inflation annuelle Solde public (% PIB) 24,5 22,2 20,5 19,7 -0,2 -0,6 -0,6 1,1 -5,9 -5,1 -4,4 -3,4 23,1 22,5 21,7 20,9 20,5 20,2 20,0 19,8 19,6 19,4 19,2 19,0 -1,1 -0,3 -0,6 -0,5 -0,8 -1,1 -0,7 0,1 1,2 1,1 1,1 1,0 * Contribution à la croissance du PIB Source : Crédit Agricole SA, prévisions N°16/126 – 29 avril 2016 6 ESPAGNE : Une croissance résiliente, mais jusqu’à quand ? Léopold JOUVEN [email protected] Crédit Agricole S.A. — Études Économiques Groupe 12 place des Etats-Unis – 92127 Montrouge Cedex Directeur de la Publication : Isabelle Job-Bazille - Rédacteur en chef : Armelle Sarda Documentation : Dominique Petit - Statistiques : Robin Mourier Secrétariat de rédaction : Véronique Champion Contact: [email protected] Consultez les Etudes Economiques et abonnez-vous gratuitement à nos publications sur : Internet : http://etudes-economiques.credit-agricole.com iPad : application Etudes ECO disponible sur l’App store Androïd : application Etudes ECO disponible sur Google Play Cette publication reflète l’opinion de Crédit Agricole S.A. à la date de sa publication, sauf mention contraire (contributeurs extérieurs). Cette opinion est susceptible d’être modifiée à tout moment sans notification. Elle est réalisée à titre purement informatif. 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