Le manuel de la photographie argentique
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Le manuel de la photographie argentique
Introduction Place de l’argentique dans le monde de la photographie aujourd’hui Révolue, dispendieuse, complexe et limitée. Tels sont les qualificatifs utilisés massivement à propos de la photographie argentique. Cependant, bon nombre de ces critiques négatives ont pour base une perception faussée de la réalité. Un retour de quelques années en arrière nous donne un aperçu du décalage entre la photographie argentique et la réalité commerciale actuelle. Revenons simplement dans les années 1990 et imaginons une famille qui désire faire réaliser un reportage de mariage chez le photographe du quartier. Une fois les prises de vues effectuées, un délai d’environ une semaine était de mise et le photographe apportait les photos dans un album luxueux. De nos jours, le photographe n’apporte plus nécessairement un album, mais de plus en plus souvent un CD ou DVD, muni d’un petit logiciel de diaporama, compatible avec un lecteur DVD de salon. Les articles proposés en supplément sont des plus variés : photographie sur une toile, service d’assiettes à l’effigie des mariés, mais aussi livres photo, romans photo du mariage, etc. La raison de cette diversité des produits proposés ainsi que du déclin du traditionnel album sur papier est un bouleversement qui a frappé la majorité des ménages durant ces dernières années : la révolution numérique. © 2013 Pearson France – Le manuel de la photographie argentique – Danny Dulieu 2 LE MANUEL DE LA PHOTOGRAPHIE ARGENTIQUE Contrairement à une croyance répandue, la photographie numérique n’est pas apparue dans les années 1990, mais au tout début des années 1980. Le premier Mavica de 1981 n’a pas rencontré un vif succès et l’on comprend pourquoi : une résolution d’image digne des plus mauvais téléphones portables et un prix exorbitant furent les freins de sa popularité. Ajoutons à cela le fait qu’en 1981, peu de familles disposaient d’un ordinateur domestique et les rares ordinateurs personnels de cette époque auraient été incapables de faire fonctionner un logiciel de retouche photo. C’est à la fin des années 1980 que la photographie numérique commence à se développer. Les ordinateurs personnels, bien que peu répandus, sont désormais capables d’afficher des graphismes en couleurs réelles et des logiciels de traitement des images sont disponibles sur le marché. La toute première version du logiciel Adobe Photoshop existe depuis 1980. Toutefois, acquérir ce genre de matériel demande un investissement colossal, si bien que seules les entreprises et professionnels du domaine décident de s’équiper. Info En 1992, un ordinateur personnel équipé pour traiter la photo représente environ cinq fois le salaire mensuel d’un professeur de l’époque. La fin des années 1990 marque un bouleversement de cet état de fait. L’arrivée d’Internet et des ordinateurs personnels de plus en plus puissants et désormais capables de traiter des photographies change radicalement la donne et offre désormais une voie royale à la photo numérique. C’est ainsi que la photographie commerciale (mariages, reportages de presse, etc.) abandonne définitivement la photographie argentique pour des raisons de commodité et d’adéquation avec les techniques modernes (impression, rapidité, intégration au Word Wide Web), tandis que la photographie argentique trouve sa voie dans des domaines plus esthétiques, à l’image du disque vinyle, remplacé par le CD et le MP3 dans le cadre de la musique de grande diffusion, mais toujours utilisé (et apprécié) par les mélomanes. Bien entendu, la photographie argentique peut être utilisée dans des créations réalistes telles des photos de vacances ou autres, mais cette pratique tend à disparaître petit à petit. En effet, devant la facilité de la photo numérique, il n’est désormais pas rare de voir cohabiter au sein d’un même sac photo un appareil argentique destiné aux images artistiques et un appareil numérique destiné pour sa part aux photos plus « passe-partout ». La nouvelle génération a saisi la balle au bond en popularisant la photographie Lo-Fi ou lomographie, le Polaroid ou le classique noir et blanc. Ces photographes ont utilisé les défauts de conception d’appareils jadis réputés pour leur mauvaise qualité au profit de la création d’images surréalistes, un peu à l’instar des musiciens qui ont misé sur le défaut de leurs amplis (la distorsion) pour créer les sonorités du rock and roll. Il est désormais fréquent de voir des adolescents utiliser un appareil photographique plus âgé qu’eux, voire de l’âge de leurs parents. © 2013 Pearson France – Le manuel de la photographie argentique – Danny Dulieu INTRODUCTION Kodak Plus-x 125, Nikon FTn, Nikkor 105 mm Portrait en noir et blanc. Fuji Neopan Acros, Diana F Lomographie en noir et blanc. Les défauts de l’appareil sont exploités à des fins esthétiques. © 2013 Pearson France – Le manuel de la photographie argentique – Danny Dulieu 3 4 LE MANUEL DE LA PHOTOGRAPHIE ARGENTIQUE Polaroid Pack 100, Fuji FP100 Timetub – Images au Polaroid. Disponibilité des consommables Les questions les plus fréquemment posées à propos de la pratique de la photographie argentique concernent la disponibilité des consommables et leur prix. Fabrique-t-on toujours du film et des produits chimiques ? Ai-je besoin d’un énorme investissement ? La réponse à ces questions est rassurante dans la majorité des cas. Certes, les films argentiques ont une place de plus en plus restreinte dans les rayons des supermarchés, mais un coup d’œil avisé lors de votre prochain passage dans ces rayons vous fera remarquer leur présence, certes confidentielle, mais réelle. De plus, de nombreux magasins spécialisés dans le domaine ont ouvert leurs portes et leur site web, facilitant l’achat en ligne de consommables argentiques. Rollei, Fujifilm, Ilford ou encore Kentmere produisent toujours des films photo argentique. © 2013 Pearson France – Le manuel de la photographie argentique – Danny Dulieu INTRODUCTION On trouve très facilement et en quelques clics de souris des magasins en ligne qui proposent un assortiment important et de qualité. Si une marque a abandonné tel ou tel film (comme Kodak, qui ne fabrique plus les films spéciaux tels que la TP ou la HIE infrarouge), une autre société produit toujours des films similaires. Enfin, et la chose mérite d’être signalée, quand je compare le prix auquel je payais mes consommables argentiques en 1995 et le prix actuel, ce dernier n’est pas forcément plus élevé. Le papier photographique noir et blanc est même moins cher à l’heure actuelle. Idées reçues sur la photographie argentique C’est trop cher On peut trouver un appareil photo argentique d’occasion, en état quasiment neuf, pour le dixième de sa valeur initiale. Il en va de même pour le matériel de laboratoire. La photographie argentique ne nécessite pas d’ordinateur ni d’imprimante au coût global relativement élevé. De plus, le matériel acquis ne souffre pas de l’obsolescence propre au matériel électronique. Que vous utilisiez un appareil ancien ou un appareil moderne, la qualité de vos photographies sera équivalente. Manipulé avec soin, un appareil de qualité peut durer des décennies sans que vous ayez à vous soucier des batteries ou de la compatibilité des supports d’enregistrement. Enfin, sachez que vous pouvez acquérir un appareil et des objectifs de qualité professionnelle pour le prix d’un appareil numérique de base. Dès lors, la pratique de la photographie argentique se révèle souvent moins dispendieuse et surtout moins frustrante que la pratique de la photo numérique, car votre matériel n’est pour ainsi dire jamais dépassé. On ne fabrique plus d’appareils C’est une remarque très fréquente chez les vendeurs de matériel photo. Ils ont tout simplement tort. Premièrement, il existe toujours des fabricants d’appareils argentiques destinés au débutant et au professionnel. De grandes marques, comme Nikon et Canon, proposent un ou plusieurs modèles dans leur gamme. © 2013 Pearson France – Le manuel de la photographie argentique – Danny Dulieu 5 6 LE MANUEL DE LA PHOTOGRAPHIE ARGENTIQUE Capture du site Internet de Nikon (www.nikon.com) en date du 11 décembre 2011. Deux appareils argentiques, l’un destiné aux professionnels et l’autre spécialement étudié pour l’apprentissage. Ajoutons à ces grandes marques les constructeurs moins connus, comme Kenko ou Vivitar, qui proposent également de tels appareils. Malheureusement, ces appareils sont souvent peu distribués en Europe et l’achat à l’étranger via des sites comme celui d’Amazon peut s’avérer nécessaire. Capture du site Internet de Kenko. Quatre modèles d’appareils argentiques neufs équipés pour utiliser des objectifs de montures diverses. © 2013 Pearson France – Le manuel de la photographie argentique – Danny Dulieu INTRODUCTION À PROPOS DE LA QUALITÉ DE CES APPAREILS PREMIER PRIX Vous lirez sur différents forums des avis relativement négatifs à propos des appareils comme les Vivitar ou les Kenko, avis émis par des gens qui ne les ont jamais possédés et qui jugent sur le papier ! Ce sont des appareils d’entrée de gamme à moins de 200 euros neufs et garantis deux ans. À ce prix-là, il est évident que vous n’aurez pas la finition ni le prestige des grandes marques mais pour un débutant qui ne veut pas prendre le risque de se faire refiler un vieux tromblon de quarante ans sans garantie, ces appareils représentent une véritable opportunité. La qualité de l’argentique est inférieure à celle du numérique On ne peut tout simplement pas comparer ce qui n’est pas comparable. C’est une autre philosophie et une autre approche. Tout d’abord, les buts des deux techniques ne sont plus les mêmes. Si autrefois, la photographie argentique, seule technologie disponible, était utilisée dans tous les domaines, le numérique s’est désormais adapté à la photographie plus objective, tandis que l’argentique s’impose comme une pratique esthétisante. Comparer la qualité des deux techniques, c’est presque comme comparer un peintre portraitiste et un photographe. De plus, sur des images d’un format inférieur ou égal à 30 × 40 cm, la différence de qualité est imperceptible pour autant que l’on utilise du bon matériel. Dans deux ans, on ne fabriquera plus de films J’ai lu cette phrase dans un magazine de 1982. Les pessimistes ont toujours existé, mais ils ont rarement raison. Si l’année 2005 fut une année noire pour la photo argentique (fin des activités photo de Minolta et Agfa, réduction des gammes argentiques des principaux constructeurs), le marché a très vite rebondi et de nouveaux fabricants ont fait surface. Le marché libéré par certains fut comblé par d’autres. Chaque année, de nouveaux films sont présentés par des fabricants comme Kodak ou Fujifilm. La fin des activités de Polaroid a donné naissance à la société Impossible et la société Maco en Allemagne propose régulièrement de nouvelles émulsions sur le marché argentique. Le film n’est donc pas près de disparaître. La qualité et la définition de cette photographie argentique n’ont rien à envier à celles des images numériques. © 2013 Pearson France – Le manuel de la photographie argentique – Danny Dulieu 7 8 LE MANUEL DE LA PHOTOGRAPHIE ARGENTIQUE La qualité et la définition de cette photographie argentique n’ont rien à envier à celles des images numériques. © 2013 Pearson France – Le manuel de la photographie argentique – Danny Dulieu INTRODUCTION Différences entre prise de vue numérique et prise de vue argentique En pratique, la grande différence entre photographie argentique et photographie numérique demeure l’absence de contrôle en direct sur l’écran de l’appareil. C’est une des premières remarques que je fais en ma qualité de professeur. Nombreux sont les élèves qui, lors des premières prises de vues, regardent le dos de l’appareil par réflexe. Cela implique avant tout l’absence de l’essai-erreur. Impossible de faire une photo et de vérifier instantanément si elle est correcte. Nous avons l’obligation de maîtriser l’ensemble des paramètres de l’appareil photographique et leur adéquation avec la scène photographiée. Si la lecture de ce paragraphe vous rebute, sachez qu’en règle générale, la majorité de mes élèves parvient à réaliser des photographies correctement exposées en quelques jours. Une autre différence consiste dans le choix définitif du film. Impossible par exemple de réaliser une photographie en couleur suivie d’une photo noir et blanc sur la même pellicule. Contrairement à la photo numérique, le choix du type de film conditionne le rendu final. Impossible d’espérer modifier une scène en supprimant un poteau, un déchet oublié ou simplement de corriger un défaut lors de la prise de vues. La pellicule étant souvent limitée en termes de nombre de vues (36 au maximum), l’usage d’un mode rafale dans l’espoir de récupérer une bonne photo parmi les dizaines de vues analogues est à proscrire. La photographie argentique est donc une pratique exigeante, dont la maîtrise doit être parfaite © 2013 Pearson France – Le manuel de la photographie argentique – Danny Dulieu 9