Concurrences - Microeconomix

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Concurrences - Microeconomix
Concurrences
Revue des droits de la concurrence
Competition Law Journal
Remèdes et contrôle
des concentrations
Conférence 20 avril 2012
Colloque l Concurrences N° 3-2012
www.concurrences.com
Gildas de
Muizon
[email protected]
l Économiste et Directeur associé, Microeconomix
Justin Menezes
[email protected]
l Directeur, CompetitionRx
Emmanuel Frot
[email protected]
l Économètre senior, Microeconomix
Matthew Gaved
[email protected]
l Associé fondateur, CompetitionRx
@ Colloque
@ The papers of this conference appear in the online version of the Journal
www.concurrences.com
Vendredi 20 avril 2012
8h30-13h00 (GMT+0100)
Paris, France
Remèdes et contrôle des
concentrations : Efficacité,
suivi et respect des engagements
Concurrences
Revue des droits de la concurrence
Session 1
Évolutions récentes en matière de remèdes
Modérateur l Thomas Hoehn
Director, IP Research Centre, Imperial College, London et fondateur de CompetitionRx
Les lignes directrices américaines en matière de remèdes
Programme
Howard Shelanski l Professeur de droit, Georgetown University
Quelles évolutions depuis l’étude des mesures correctives
de 2005 ?
Sophie Moonen
l Chef d’unité f.f., C5, DG COMP
Les remèdes en Europe : Une analyse statistique sur la période 2005-2011
Emmanuel Frot
Justin Menezes
l Economètre senior, Microeconomix
l Directeur, CompetitionRx
Session 2
Suivi et respect des engagements
Modérateur l François Lévêque Professeur d’économie à Mines ParisTech, associé fondateur de Microeconomix
Respect des engagements : Un casse-tête pour les entreprises ?
Pascal Wilhelm
l Avocat, associé - managing partner de Wilhelm & associés
Bonnes pratiques dans le suivi des engagements
Matthew Gaved
l Fondateur de CompetitionRx
Le respect des engagements : Activité récente
de l’Autorité de la concurrence
Fabien Zivy
Concurrences N° 3-2012 I Colloque
l Chef du service juridique de l’Autorité de la concurrence
1
Remèdes et contrôle des concentrations
Remèdes et contrôle des concentrations
@ Colloque
Gildas de Muizon
[email protected]
Économiste et Directeur associé, Microeconomix
Justin Menezes
[email protected]
Directeur, CompetitionRx
Propos Introductifs
Gildas de Muizon
Économiste et Directeur associé, Microeconomix
Emmanuel Frot
[email protected]
Économètre senior, Microeconomix
Matthew Gaved
[email protected]
Associé fondateur, CompetitionRx
1. Quoi de neuf depuis l’étude sur les remèdes publiée par la Commission
européenne en octobre 2005 ? Rappelons que cette étude a montré que les
engagements comportementaux étaient fréquemment utilisés malgré les réserves
formulées à leur égard, notamment en termes d’efficacité. Elle mettait également
en évidence que l’efficacité ex post des remèdes s’avérait médiocre, voire mauvaise.
Le choix critiquable et le suivi approximatif des mandataires est une des raisons
pointées par l’étude à l’origine de cette situation.
2. Sans aucun doute d’importants progrès ont été réalisés au cours des sept dernières
années. Selon de nombreux praticiens, les cessions d’actifs sont de mieux en mieux
effectuées ; les mandataires se sont professionnalisés et sont mieux sélectionnés ; enfin,
les remèdes sont mis en œuvre plus rapidement et plus efficacement. Ces tendances
sont-elles confirmées par les statistiques ?
Abstract
The question of remedies, their design, their effectiveness,
their implementation and their monitoring is a challenging
issue for both the competition authorities and merging
companies. The articles in this issue transcribe some
interventions made at the recent conference organized
by CompetitionRx and Microeconomix
La question des remèdes, de leur conception, de leur efficacité,
de leur mise en œuvre et de leur contrôle est un enjeu-clé tant
du côté des autorités de concurrence que du côté des entreprises
qui les proposent. Les articles de ce dossier transcrivent
certaines interventions de la conférence récemment organisée
par les cabinets CompetitionRx et Microeconomix
3. On observe également plus d’innovations en matière de remèdes. Lorsque les
spécificités du cas l’exigent, les autorités de concurrence (et notamment l’autorité
française) n’hésitent pas à sortir des sentiers battus et à participer à la conception de
remèdes originaux. Mais le recours à des remèdes innovants et inédits n’augmente-il
pas l’incertitude sur l’efficacité et les difficultés de suivi d’exécution ?
4. En outre, dans certains cas, les remèdes peuvent être très nombreux, plus
complexes et courir sur une plus longue période. L’incertitude sur leur efficacité
à résoudre correctement les problèmes de concurrence identifiés s’accroît alors.
L’allongement de la durée de vie des remèdes augmente le risque qu’en raison de
changements observés sur les marchés, les remèdes initiaux ne soient plus appropriés
ni utiles. Doit-on alors forcer les entreprises à respecter des engagements qui ne sont
plus efficaces ?
5. Enfin, les remèdes sont parfois seulement partiellement mis en œuvre par les
entreprises. Une fois l’autorisation de fusion obtenue, certaines peuvent croire que
l’Autorité de la concurrence se montrera conciliante ou que le risque de sanction
pécuniaire est inférieur aux coûts de respect total des engagements. Comment
améliorer la compliance dans ce domaine ?
6. Les cabinets CompetitionRx et Microeconomix ont uni leurs forces pour
organiser cette matinée de débat et réunir, parmi les meilleurs praticiens du droit
de la concurrence et personnalités du monde académique, des intervenants de hautniveau. La question des remèdes suscite un grand intérêt. Nous avons tous en tête
la décision prise par l’Autorité de la concurrence en septembre dernier. Au‑delà de
son caractère spectaculaire, elle invite à la réflexion. Elle n’est que la pointe visible de
l’iceberg, la conception des remèdes, leur mise en œuvre, leur suivi et leur efficacité
constituant autant d’enjeux-clés des opérations de concentration soulevant des
préoccupations de concurrence. La question des remèdes ne se limite en outre pas
au seul contrôle des concentrations : en témoignent les nombreuses procédures
contentieuses se concluant par la négociation d’engagements ainsi que la piste de
réflexion ouverte par l’Autorité de la concurrence sur la question des injonctions
structurelles.
Concurrences N° 3-2012 I Colloque
2
Remèdes et contrôle des concentrations
Ce document est protégé au titre du droit d'auteur par les conventions internationales en vigueur et le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992. Toute utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende
(art. L. 335-2 CPI). L’utilisation personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’article L. 122 5 CPI et des mesures techniques de protection pouvant accompagner ce document. This document is protected by copyright laws and international copyright treaties. Non-authorised use of this document
constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment and up to a € 300 000 fine (Art. L. 335-2 Code de la Propriété Intellectuelle). Personal use of this document is authorised within the limits of Art. L 122-5 Code de la Propriété Intellectuelle and DRM protection.
Conférence 20 avril 2012
1
Voir également la contribution de P. Wilhelm, “Le respect des engagements : le point
de vue des entreprises dans le contrôle des concentrations”, Concurrences n° 1-2012,
Tendances, p. 10.
Concurrences N° 3-2012 I Colloque
Ce document est protégé au titre du droit d'auteur par les conventions internationales en vigueur et le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992. Toute utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende
(art. L. 335-2 CPI). L’utilisation personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’article L. 122 5 CPI et des mesures techniques de protection pouvant accompagner ce document. This document is protected by copyright laws and international copyright treaties. Non-authorised use of this document
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7. Les articles qui suivent transcrivent les présentations
de quatre intervenants1. Justin Menezes (directeur chez
CompetitionRx) et Emmanuel Frot (économètre de
Microeconomix) présentent les résultats d’une analyse
statistique comparée des remèdes pris au niveau français
et européen. Matthew Gaved (associé fondateur de
CompetitionRx) récapitule les principales bonnes pratiques à
adopter lors de la conception des remèdes. Enfin, Fabien Zivy
(Chef du service juridique de l’Autorité de la concurrence)
expose les enjeux et enseignements de l’activité récente de
l’Autorité de la concurrence en matière de suivi et de contrôle
des engagements.
n
3
Remèdes et contrôle des concentrations
Remèdes et contrôle des concentrations
Les remèdes en France et en Europe:
Une analyse statistique sur la periode 2000-2010
Justin Menezes*
Directeur, CompetitionRx
Emmanuel Frot*
Économètre senior, Microeconomix
I. Introduction
de marchés concernés, etc. Ces informations serviraient
non seulement les entreprises envisageant une opération
de concentration, mais aussi les praticiens du droit de la
concurrence. Elle permettrait de confronter différentes
opérations de concentration et les remèdes retenus par
les autorités de concurrence, ainsi que de croiser les
caractéristiques des marchés concernés pour anticiper les
problèmes de concurrence potentiels et, le cas échéant, les
remèdes appropriés. Elle ouvrirait aussi la voie à une analyse
comparée des autorités de concurrence en termes de remèdes,
pour nourrir le débat sur des convergences de pratique.
1. Cet article propose une analyse comparée des remèdes
présents dans les opérations de concentration notifiées à la
Commission européenne et à l’Autorité de la concurrence
française. Il exploite une nouvelle base de données, intitulée
CRxInsight, recensant, pour chaque décision de concentration
émanant des principales autorités de concurrence, les
caractéristiques des engagements proposés par les entreprises.
La motivation de ce travail est double. Tout d’abord, et de
manière générale, les remèdes constituent un champ d’études
relativement récent et peu exploré, malgré l’importance qu’ils
revêtent dans de nombreux cas de concentration. Ce constat
a mené à la création d’une base de données afin de faciliter
ce travail de recherche. La présentation de ces données et des
premières tendances qu’elles mettent en évidence constitue
notre seconde motivation.
III. CRxInsight, un outil d’analyse
4. De telles études requièrent la centralisation des
informations caractérisant les remèdes afin d’en permettre
un accès aisé. Les remèdes en concurrence doivent non
seulement être accessibles et faciles à rechercher, ils doivent
être analysés, analysables, et présenter leurs caractéristiques
de manière constante, régulière et claire, de manière à offrir
à la fois la matière d’une analyse au cas par cas, et l’outil
de cette analyse. Nous avons effectué ce travail de collecte,
qui a abouti à la création d’une base de données intitulée
CRxInsight. Le principe en est simple : l’extraction de toutes
les informations susceptibles de renseigner les professionnels
du droit et de l’économie de la concurrence, pour chaque
décision rendue par l’Autorité de la concurrence, la
Commission européenne et les autres autorités nationales
de la concurrence à travers le monde. Les informations
contenues dans cet outil d’analyse sont ensuite intégrées
à un moteur de recherche conçu spécialement pour les
professionnels de la concurrence et des fusions, à la recherche
de solutions à des problèmes complexes. La construction de
la base de données n’est pas achevée, mais son état actuel
permet déjà d’effectuer de premières analyses, centrées dans
cet article sur la Commission européenne et la France durant
la période 2000-2010.
II. Les remèdes : Une information
sous-exploitée
2. Les remèdes accompagnant une décision de concentration
représentent une information riche, multidimensionnelle,
souvent délicate à appréhender. Cette complexité explique
la difficulté pour les chercheurs et les praticiens de la
concurrence d’étudier les remèdes dans leur ensemble et de
réaliser des études comparatives des pratiques non seulement
entre autorités de concurrence mais aussi en leur sein au
fil du temps. À cette complexité s’ajoute la dispersion de
l’information parmi les textes des très nombreuses décisions
de concentration. Cet éparpillement implique que même
une simple recherche des remèdes par secteur ou type de
concurrence devient rapidement une gageure.
3. Une étude systématique des remèdes, malgré ces
difficultés, garde cependant tout son intérêt. Les remèdes
en concurrence représentent en effet un enjeu considérable,
derrière lequel la solidité d’opérations complexes se dessine.
La viabilité de nouvelles entités repose souvent sur la phase
critique de leur conception, de leur délimitation, y compris à
travers les remèdes et les engagements en concurrence. Leur
étude permettrait de mieux appréhender les types de remèdes
imposés dans différent cas, selon le type de concurrence, le
secteur d’activité, les parts de marché des parties, le nombre
*
IV. Évolution des remèdes devant
la Commission européenne
5. Une première question sur l’évolution des remèdes porte
sur le taux d’intervention de la Commission, c’est-à-dire
le nombre de décisions comportant des remèdes, ramené
au nombre total de notifications. Un taux d’intervention
Les auteurs tiennent à remercier Gildas de Muizon et Knut Fournier
pour leur aide précieuse apportée à la rédaction de cet article.
Concurrences N° 3-2012 I Colloque
4
Remèdes et contrôle des concentrations
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(art. L. 335-2 CPI). L’utilisation personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’article L. 122 5 CPI et des mesures techniques de protection pouvant accompagner ce document. This document is protected by copyright laws and international copyright treaties. Non-authorised use of this document
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Conférence 20 avril 2012
Figure 3 : Proportion moyenne de remèdes comportementaux,
au sein de chaque décision (Commission européenne)
Figure 1 : Taux d’intervention (Commission européenne)
1
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.8
.4
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.3
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Phases 1 et 2, axe de gauche
2008
.4
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.2
.2
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.1
2010
2000
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2006
2008
2010
Phase 1, axe de gauche
Phase 2, axe de droite
6. La stabilité de taux d’intervention peut cependant masquer
un interventionnisme plus marqué si la Commission ne requiert
pas de remèdes dans plus de décisions, mais plus de remèdes dans
les décisions où elle intervient. Cette possibilité est démentie par
la figure 2 qui représente le nombre de moyen de remèdes par
décision. Aussi bien en phase 1 qu’en phase 2, le nombre de
remèdes est relativement stable. Il est aussi intéressant de noter
que les décisions ne comportent pas nécessairement plus de
remèdes que celles de phase 1.
8. La durée des remèdes comportementaux est un sujet
au cœur des interrogations sur la surveillance des remèdes
et les difficultés de leur mise en œuvre. Malheureusement
les données dont nous disposons sur cette variable sont
incomplètes. Seuls 31 remèdes comportent une durée
explicite, ce qui rend toute analyse relativement hasardeuse.
Cependant, lorsque ces données sont disponibles, elles
indiquent une faible tendance à la baisse. Ce pourrait être
un signe que la Commission européenne est plus inquiète de
sa capacité à surveiller le respect d’engagements de longue
durée.
Figure 2 : Nombre moyen de remèdes par décision
(Commission européenne)
Figure 4 : Durée des remèdes comportementaux (Commission
européenne)
10
9
8
8
6
7
4
6
2
2000
2002
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Phase 1
2006
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5
Phase 2
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5
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2004
Remèdes et contrôle des concentrations
2006
2008
2010
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(art. L. 335-2 CPI). L’utilisation personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’article L. 122 5 CPI et des mesures techniques de protection pouvant accompagner ce document. This document is protected by copyright laws and international copyright treaties. Non-authorised use of this document
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7. Une autre évolution notable concerne la proportion
de remèdes comportementaux au sein de chaque décision.
Les remèdes peuvent être de deux natures : structurels ou
comportementaux. Les autorités de concurrence tendent
à préférer les remèdes structurels qui ne requièrent pas de
surveillance active, parfois pendant de longues années.
La figure 3 révèle que cette préférence n’a cependant
pas empêché une inflation du nombre de remèdes
comportementaux entre 2000 et 2005, année durant laquelle
une concentration entraînant des remèdes comportaient
autant de remèdes structurels que comportementaux.
Cette tendance s’est brutalement inversée en 2007 avec
un retour marqué à une proportion plus faible de remèdes
comportementaux.
croissant pourrait être interprété comme un interventionnisme
renforcé de la Commission. La figure 1 montre que ce n’est
pas le cas. Le taux d’intervention, toutes phases comprises,
est relativement stable entre 2000 et 2010. Environ 7 % des
notifications aboutissent à des décisions accompagnées
de remèdes. La distinction entre décisions de phases 1 et 2
révèle au contraire quelques évolutions. En premier lieu, le
taux d’intervention en phase 1 fut en légère hausse durant la
dernière décennie, passant de 3,7 % en 2001 à 5,5 % en 2010.
Cette évolution s’est accompagnée d’une tendance inverse
en phase 2 : le taux d’intervention était supérieur à 70 % en
2002-2003 mais n’était plus que de 33 % en 2010. Il semble
donc que la Commission européenne soit plus encline que
par le passé à inclure des remèdes en phase 1. Cette évolution
peut aussi être le fait des entreprises qui ont appris à travailler
avec la Commission et proposent plus facilement des remèdes
en phase 1 qu’elles ne le faisaient dix ans auparavant.
tient à la pratique : une habitude de la Commission, une
répétition d’un modèle rodé et, nécessairement, un effet
d’imitation de la part des entreprises qui se basent sur les
affaires similaires lorsqu’elles proposent et négocient des
engagements.
Proportion de remèdes comportementaux
Figure 6 : Proportion de remèdes comportementaux par
décision et par secteur (Commission européenne)
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Proportion de remèdes comportementaux
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Figure 7 : Proportion moyenne de remèdes comportementaux,
par type de concurrence et par décision (Commission
européenne)
10
M
an
13.La répartition du type de remèdes suit, à la Commission
européenne, une logique déterminée par le type de
concurrence. Si le problème soulevé est de nature vertical,
la solution adoptée par la Commission a deux fois plus de
chances d’être comportementale. À l’inverse, les cessions et
autres remèdes structuraux sont préconisés pour résoudre les
problèmes horizontaux de concurrence 5.
Figure 5 : Nombre moyen de remèdes par décision et par
secteur (Commission européenne)
Nombre de remèdes
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um
an
11.La figure 5 indique que le nombre moyen de remèdes
par décision varie considérablement d’un secteur d’activité
à un autre. Ainsi, les concentrations dans les industries
pharmaceutiques, chimiques, de base et agro-alimentaires
comportent deux fois plus de remèdes que celles dans les
secteurs du textile ou de l’environnement.
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.2
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10.L’affaire GE/Instrumentarium4 en 2003 pourrait
apparaître comme un contre exemple de ces éléments récents,
avec des engagements comportementaux d’une durée
illimitée. Toutefois le texte de la décision suggère que cette
durée exceptionnelle est justifiée par une fusion précédente
et par une conception de l’impact des fusions sur le marché
concerné qui ne se limite pas à l’affaire en cours mais
s’intéresse également aux opérations récentes.
.6
12.De même, la proportion de remèdes comportementaux,
présentée figure 6, est très différente selon les secteurs.
Certains secteurs sont caractérisés par une absence totale
de remèdes comportementaux, tandis que dans d’autres les
remèdes se partagent exactement entre les remèdes structurels
et comportementaux. Ces différences suggèrent que certains
secteurs se prêtent mieux aux remèdes comportementaux ou
que la difficulté de recourir à des remèdes structurels dans
certains secteurs y impose l’utilisation plus fréquente de
remèdes comportementaux. Une autre explication possible
.3
.2
.1
0
Horizontal
Mixed
Vertical
14.En conclusion, cette analyse a montré une certaine
stabilité dans la pratique des engagements au sein de la
Commission européenne, avec un taux d’intervention et
un nombre de remèdes par décision relativement constants
ces dix dernières années. L’analyse sectorielle ébauchée ici
5
Cette préférence est par ailleurs confirmée par la communication de la Commission
sur les remèdes, paragraphe 69 : “des types de mesures correctives à caractère
non structurel tels qu’un engagement de la part des parties à ne pas
adopter certains comportements commerciaux (groupage des produits,
par exemple), ne feront généralement pas disparaître les problèmes de
concurrence résultant de chevauchements comportementaux”.
2
Commission européenne, Intel/Mcafee, affaire n° M.5984 , 2011.
3
Commission européenne, CISCO/Tandberg, affaire n° M.5669, 2010.
4
Commission européenne, GE/Instrumentarium, affaire n° M.3083, 2003.
Concurrences N° 3-2012 I Colloque
.4
6
Remèdes et contrôle des concentrations
Ce document est protégé au titre du droit d'auteur par les conventions internationales en vigueur et le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992. Toute utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende
(art. L. 335-2 CPI). L’utilisation personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’article L. 122 5 CPI et des mesures techniques de protection pouvant accompagner ce document. This document is protected by copyright laws and international copyright treaties. Non-authorised use of this document
constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment and up to a € 300 000 fine (Art. L. 335-2 Code de la Propriété Intellectuelle). Personal use of this document is authorised within the limits of Art. L 122-5 Code de la Propriété Intellectuelle and DRM protection.
9. D’autres
éléments
viennent
corroborer
cette
interprétation. Des affaires récentes comme Intel/Mcafee2, en
2011, laissent penser que la Commission considère désormais
une période de trois à cinq ans comme une référence, à tout
le moins dans le secteur des nouvelles technologies, où la
dynamique des marchés et de l’innovation doit être prise
en compte. Quelques mois plus tôt, la Commission avait
déjà clairement défini la fourchette de 3 à 5 ans comme
un standard dans le secteur des nouvelles technologies,
dans l’affaire CISCO/Tandberg3, en laissant aux parties la
possibilité de réduire la durée des engagements sous réserve
d’une interopérabilité technique.
17.Enfin, le nombre moyen de remèdes par décision est,
depuis 2005, légèrement plus élevé en France qu’en Europe.
Il est aussi en hausse constante depuis 2004. Si cette tendance
peut s’interpréter comme un interventionnisme croissant en
France, la différence de nature des concentrations d’une
année sur l’autre peut aussi l’expliquer.
V. Évolution des remèdes devant
l’Autorité de la concurrence
Figure 10 : Nombre moyen de remèdes par décision, en
Europe et en France
15.La base de données permet de réaliser facilement des
analyses comparées entre autorités de concurrence. Cellesci permettent de mieux cerner les différences de pratiques
entre pays. La figure 8 compare les taux d’intervention au
sein de la Commission européenne et de l’Autorité de la
concurrence. Il apparaît que ce taux est, comme en Europe,
relativement stable en France. Il est légèrement inférieur à
celui de la Commission européenne, ce qui peut s’expliquer
par l’ampleur des opérations de concentration notifiées, a
priori plus vaste en Europe.
12
10
8
6
4
2
Figure 8 : Taux d’intervention, Europe et France
2000
2002
2004
EC
2006
2008
2010
France
.15
18.Si les nombres de remèdes par décision sont semblables
au sein des deux autorités de concurrence, leurs natures
diffèrent, comme le montre la figure 11. L’Autorité de la
concurrence a ainsi tendance à avoir recours en moyenne,
dans chaque décision, à 70 % de remèdes comportementaux,
là où la Commission n’en utilise que 30 %. Cette importante
différence s’observe chaque année sauf en 2009. L’Autorité de
la concurrence a donc tendance à accompagner les remèdes
structurels de nombreux remèdes comportementaux, ce que
la Commission fait moins, et beaucoup moins depuis 2007.
.1
.05
0
2000
2002
2004
EC
2006
2008
2010
France
Figure 11 : Proportion moyenne de remèdes comportementaux,
au sein de chaque décision, en Europe et France
16.La figure 9 montre par ailleurs que, chaque année, le
nombre d’engagements en France est plus faible qu’en
Europe, conséquence directe du nombre plus faible de
concentrations notifiées. La seule exception a eu lieu en
2006, la fusion Canal Plus/TPS, avec plus de cinquante
engagements, gonflant le nombre de remèdes en France.
1
.8
.6
Figure 9 : Nombre de remèdes en Europe et en France
.4
150
.2
0
100
2000
2002
2004
EC
2006
2008
2010
France
50
19.Cette observation se retrouve si l’on considère les types
de concurrences, comme sur la figure 12. L’Autorité de la
concurrence, comme la Commission européenne, a plus
recours aux remèdes structurels dans les cas de fusion
horizontale que verticale. Cependant, dans tous les cas, ces
remèdes structurels s’accompagnent de plus de remèdes
0
2000
2002
2004
EC
2006
2008
2010
France
Concurrences N° 3-2012 I Colloque
7
Remèdes et contrôle des concentrations
Ce document est protégé au titre du droit d'auteur par les conventions internationales en vigueur et le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992. Toute utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende
(art. L. 335-2 CPI). L’utilisation personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’article L. 122 5 CPI et des mesures techniques de protection pouvant accompagner ce document. This document is protected by copyright laws and international copyright treaties. Non-authorised use of this document
constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment and up to a € 300 000 fine (Art. L. 335-2 Code de la Propriété Intellectuelle). Personal use of this document is authorised within the limits of Art. L 122-5 Code de la Propriété Intellectuelle and DRM protection.
montre que la pratique de la Commission dépend fortement
du secteur concerné. Si cette observation n’est pas surprenante,
elle n’en révèle pas moins l’intérêt de mener une analyse de fond
qui consisterait à comprendre ces différences de pratique entre
secteurs et à les relier à des concepts juridiques et économiques.
21.Cette analyse des pratiques de deux autorités de
concurrence en termes de remèdes est préliminaire. Elle s’est
contentée d’examiner quelques tendances et de distinguer
le recours à différents types de remèdes et selon les secteurs
d’activité concernés. Elle n’a pas, en particulier, étudié plus en
détail l’impact des parts de marché des parties, du nombre de
marchés, de la taille des entreprises, des barrières à l’entrée,
etc., caractéristiques qui pourtant sont cruciales dans le
choix du type et du nombres de remèdes. Cependant, malgré
ces limites, elle a pu dégager quelques résultats intéressants.
L’analyse comparée de la Commission européenne et de
l’Autorité de la concurrence a révélé certaines différences
de pratiques, en particulier dans le recours aux remèdes
comportementaux.
Proportion de remèdes comportementaux
Figure 12 : Proportion moyenne de remèdes comportementaux,
par type de concurrence et par décision, Europe et France
.8
.6
.4
.2
0
Horizontal
Mixed
EC
22.Ces premiers résultats demandent à être affinés, examinés,
expliqués, et leurs causes doivent être identifiées. Ils ouvrent
la voie à un champ de recherche largement inexploré mais
rendu possible par la base de données présentée dans cet
article et dont les implications pour les praticiens du droit de
la concurrence, les entreprises et les autorités de concurrence
sont concrètes. n
Vertical
France
20.L’analyse sectorielle révèle de nouveau le biais en faveur
des remèdes comportementaux en France. Nous avons déjà
souligné que la proportion de ces remèdes par décision et par
secteur était très différente selon les secteurs dans les décisions
de la Commission. C’est beaucoup moins le cas en France
où, comme l’indique la figure 13, la proportion de remèdes
comportementaux est relativement élevée dans tous les
secteurs. Le recours plus fréquent à ce type d’engagements en
France qu’en Europe est donc marqué dans tous les secteurs.
.8
.6
.4
.2
0
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Proportion de remèdes comportementaux
Figure 13 : Proportion de remèdes comportementaux
par décision et par secteur, Europe et France
EC
France
Concurrences N° 3-2012 I Colloque
8
Remèdes et contrôle des concentrations
Ce document est protégé au titre du droit d'auteur par les conventions internationales en vigueur et le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992. Toute utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende
(art. L. 335-2 CPI). L’utilisation personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’article L. 122 5 CPI et des mesures techniques de protection pouvant accompagner ce document. This document is protected by copyright laws and international copyright treaties. Non-authorised use of this document
constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment and up to a € 300 000 fine (Art. L. 335-2 Code de la Propriété Intellectuelle). Personal use of this document is authorised within the limits of Art. L 122-5 Code de la Propriété Intellectuelle and DRM protection.
VI. Conclusion
comportementaux qu’en Europe. Cette préférence relative
pour les remèdes comportementaux en France peut rendre le
suivi des engagements plus complexes qu’en Europe.
Remèdes et contrôle des concentrations
Bonnes pratiques dans le suivi des engagements
Matthew Gaved*
Associé fondateur de CompetitionRx
La négociation des engagements dans le contrôle des
concentrations constitue une phase délicate pendant laquelle
la mise en œuvre des remèdes n’est pas suffisamment prise
en compte. Cet article, tiré des expériences d’un mandataire
de surveillance, tente de récapituler les risques d’une
rédaction des engagements en dehors de toute considération
de conformité ; il fournit également quelques clés pour
minimiser les risques financiers pour l’entreprise et déconseille
de mettre en œuvre une stratégie fondée sur l’asymétrie
d’information avec l’autorité de concurrence.
En France, le rôle du mandataire a été récemment mis
particulièrement en avant à la suite de l’affaire TPS-Canal+/
CanalSatellite, dans laquelle le respect des engagements est
au cœur des problèmes juridiques soulevés7.
4. Les mandataires, encore peu nombreux en France, se
professionnalisent enfin. Outre leur rôle d’acteur indépendant
dans la surveillance et la mise en œuvre des remèdes, ils
prennent la parole pour partager leur expertise et participer
aux réflexions sur les moyens d’améliorer le suivi et le respect
des engagements8.
5. Mon intervention synthétise les grands enseignements que
je tire de mon expérience couvrant des types d’engagements
très variés, conçus et mis en œuvre dans des secteurs très
différents, et répondant à des préoccupations concurrentielles
spécifiques.
I. Introduction
1. Mon intervention traite des bonnes pratiques à adopter
dans la conception, la négociation et le suivi des engagements
pris par les entreprises afin d’obtenir l’autorisation de leurs
opérations de concentration.
II. Bien anticiper les détails
pratiques de mise en œuvre est
souvent plus important que de
gagner sur des points juridiques
2. En tant que cabinet de mandataires professionnels,
chargés de surveiller la mise en œuvre des engagements
structurels et comportementaux, nous avons acquis une
vaste expérience, ayant été impliqués dans plus de vingt cinq
affaires devant la Commission européenne au cours des dix
dernières années tant pour de grandes entreprises françaises
(par exemple Air Liquide, Pernod Ricard et Rexel) que pour
de grandes multinationales (par exemple BASF, British
Airways, Dexia, Syngenta, General Electric et CISCO).
6. Le premier conseil pratique est qu’il est préférable
d’aborder le plus en amont possible les détails pratiques de
la mise en œuvre des engagements et ne pas se contenter de
négocier avec l’autorité de concurrence la nature générale des
engagements présentés. L’entreprise et ses conseils ont tout
intérêt à anticiper les questions techniques soulevées par la
mise en œuvre des engagements au moment même où ils sont
négociés avec l’autorité de concurrence.
3. Le rôle du mandataire est évidemment central dans le
suivi et le respect des engagements. A l’origine, il a été dit
que le mandataire était les yeux et les oreilles de l’autorité de
concurrence, mais en pratique son rôle s’étend bien au-delà
de la stricte surveillance de la mise en œuvre des engagements
et bien souvent le mandataire joue un rôle central dans la
résolution des difficultés et des problèmes qui surgissent
au cours de sa mission6. Il bénéficie d’informations de
première main sur les conditions de l’opération, agit en toute
indépendance vis-à-vis de la nouvelle entité et a le devoir, en
vertu du mandat qui définit son rôle, de rapporter à l’autorité
de concurrence tout manquement aux engagements.
*
7. En effet, des points qui paraissent mineurs et insignifiants
au moment de la conception des engagements peuvent se
révéler déterminants au moment de leur mise en œuvre une
fois l’autorisation obtenue. Et cela peut avoir un impact
totalement inattendu et considérable sur l’efficacité et les
coûts de leur mise en œuvre, donc sur la valeur de l’entreprise
et de l’opération qu’elle réalise.
7
Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des
Fraudes, C-2006-34, Canal+, TPS/CanalSatellite, Affaire n° ECOC0600258Y, 30
août 2006.
’auteur tient à remercier Gildas de Muizon et Knut Fournier pour leur aide précieuse
L
apportée à la rédaction de cet article.
6
J. S. Brueckner et T. Hoehn, “Monitoring Compliance with Merger Remedies – The Role
of the Monitoring Trustee”, Competition Law International (septembre 2010), 75.
Concurrences N° 3-2012 I Colloque
8
9
Voir
par exemple, P. de Bonnières, “Mandataire dans le respect des engagements”,
Concurrences n° 1-2012, Le respect des engagements pris devant les autorités de
concurrence, pp. 18 et s.
Remèdes et contrôle des concentrations
Ce document est protégé au titre du droit d'auteur par les conventions internationales en vigueur et le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992. Toute utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende
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Conférence 20 avril 2012
12.Le deuxième conseil pratique est qu’il vaut mieux ne pas
jouer au chat et à la souris avec l’autorité de concurrence
pendant la négociation des engagements. En anglais :
“to game on the commitments”.
13.L’entreprise peut en effet être tentée de profiter des
informations dont elle dispose, sans les partager avec l’autorité
de concurrence, en croyant naïvement qu’une telle stratégie
lui donnera un avantage une fois les engagements acceptés.
Bien évidemment l’entreprise a tout intérêt à proposer des
engagements qu’elle juge les moins contraignants pour elle
tout en répondant aux préoccupations de concurrence de
l’autorité. Mais c’est un très mauvais calcul que de proposer
des engagements dont on anticipe qu’ils ne pourront être
correctement mis en œuvre et de parier ainsi sur l’asymétrie
d’information à laquelle fait face l’autorité de concurrence.
Une telle stratégie peut se révéler extrêmement préjudiciable
à l’entreprise a posteriori lorsque l’autorité de concurrence
se rendra compte qu’elle a été dupée. Parallèlement, si
l’entreprise souhaite, c’est compréhensible, conserver un
pouvoir de négociation en ne jouant pas immédiatement
toutes ses cartes dès le début de la négociation, elle doit garder
à l’esprit qu’à la fin de la phase de négociation, il est dans
son intérêt que tous les éléments pertinents liés à l’opération
soient révélés à l’autorité.
9. Ainsi la première bonne pratique que je recommanderais
consiste à aborder la question de la mise en œuvre des
engagements en même temps que leur conception.
En pratique, il est important d’élaborer un programme de
mise en œuvre, sous la forme d’un plan stratégique très précis
sur la manière dont les engagements seront mis en œuvre, sur
les difficultés qu’il est possible d’anticiper et les moyens de
les surmonter. Ce plan doit être conçu comme un outil de
minimisation du risque que la mise en œuvre des engagements
se traduise par des coûts importants pour la nouvelle entité.
Le parallèle entre des engagements pris devant une autorité
de concurrence et les contrats que les entreprises concluent
tous les jours dans leur activité professionnelle est évident :
on ne négocie pas un contrat en faisant abstraction de son
exécution. On ne négocie pas des engagements sans avoir
réfléchi à leur mise en œuvre car la nouvelle entité s’engage
sur des actions contraignantes pour le futur et elle ne peut
se prévaloir a posteriori de l’impossibilité de les mettre en
œuvre9.
14.L’entreprise a ainsi intérêt à révéler toutes les informations
pertinentes relatives à la mise en œuvre effective des
engagements et aux difficultés qu’elle anticipe, quand bien
même elle ne le ferait pas immédiatement. Cela concerne
souvent certains éléments factuels dont l’autorité de
concurrence n’aurait pas connaissance, mais également
les sources d’incertitude identifiées par l’entreprise. Il faut
ainsi distinguer les faits et les situations bien compris par
l’entreprise mais pas par l’autorité et ceux qu’il est impossible
de connaitre à l’avance et qui sont sources d’incertitude.
10.En outre, il faut aborder ces questions avec l’autorité
de concurrence au moment des premières discussions sur
les engagements. La négociation ne doit pas uniquement
porter sur la nature des engagements remédiant aux effets
anticoncurrentiels identifiés, mais également sur les détails
pratiques et concrets de leur mise en œuvre. Le plus important
n’est pas de remporter une victoire de principe ou d’honneur,
mais de conclure un accord avec l’autorité de concurrence,
couvrant également la stratégie pratique de mise en œuvre
des engagements. Bien souvent l’entreprise qui a l’impression
de s’en être bien sortie et d’avoir limité l’ampleur de ses
engagements s’expose à d’importants risques de pertes
de valeur si les détails pratiques de la mise en œuvre des
engagements négociés n’ont pas été abordés avec l’autorité
de concurrence.
15.Cela ne signifie pas qu’il soit forcément dans l’intérêt de
l’entreprise de tout révéler à l’autorité de concurrence. Mais il
est fondamental de bien réfléchir aux conséquences lors de
l’élaboration d’une stratégie sur l’étendue des informations
révélées à l’autorité de concurrence et le moment où elle
est opérée. Du point de vue du mandataire, il vaut toujours
mieux partager en amont les informations déterminantes sur
la mise en œuvre des engagements plutôt que de parier sur
un hypothétique bénéfice qu’on espère retirer a posteriori
d’informations dont l’autorité de concurrence n’avait pas
connaissance. Le plus efficace est d’aborder tous les points
déterminants avec l’autorité de concurrence au moment des
discussions sur la nature des engagements, et non une fois
l’autorisation obtenue, lors de leur mise en œuvre.
11.Enfin il convient de modérer ici l’importance d’une
approche des engagements trop concentrée sur les détails.
En effet, comme précisé dans la partie 4 du présent article,
les détails peuvent aussi s’avérer une source de problèmes.
En particulier, des engagements trop détaillés peuvent être
très difficiles à mettre en œuvre. Tous les détails abordés
doivent l’être en gardant à l’esprit leur application concrète
dans le temps.
9
P. Wilhelm, “Le respect des engagements : Le point de vue des entreprises dans le contrôle
des concentrations”, Concurrences n° 1-2012, Le respect des engagements pris devant
les autorités de concurrence, p. 12.
Concurrences N° 3-2012 I Colloque
10
Remèdes et contrôle des concentrations
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III. Les risques et problèmes liés
à l’asymétrie d’information
8. Bien souvent, ce sont de petits événements inattendus
et des faits mal compris ou mal anticipés au moment de la
négociation des engagements avec l’autorité de concurrence
qui perturbent ou empêchent leur mise en œuvre. Il n’est
pas rare que des engagements qui devaient être à l’origine
financièrement neutres pour la nouvelle entité deviennent
une source de pertes, qui peuvent être particulièrement
importantes lorsqu’il s’agit d’engagements comportementaux
pris sur une longue durée.
concurrentielles et la conception d’engagements répondant
aux enjeux spécifiques qu’elles soulèvent12. L’innovation en
matière de remède permet de se départir des précédents, mais
peut également être un moyen pour l’entreprise de réduire
les risques.
20.Cependant, il faut garder à l’esprit qu’un engagement
innovant n’est pas nécessairement à l’abri de l’application
des précédents par l’autorité. Une expertise et une analyse
anticipée des précédents et des interprétations restent
nécessaire, de même avec des engagements innovants.
Bien qu’il puisse être tout à fait justifié de concevoir des
engagements inédits13, il peut exister une certaine inertie
des autorités de concurrence plus enclines à privilégier une
approche qui a fait ses preuves dans le passé plutôt que de
s’aventurer sur des terres inconnues14. En outre, de légitimes
préoccupations tenant d’une part à l’efficacité inconnue d’un
remède inédit15, d’autre part à la volonté d’offrir aux entreprises
une certaine prévisibilité du droit de la concurrence (notamment
par la publication de lignes directrices) expliquent que
l’innovation en matière de remède n’a des chances d’aboutir
que si un important travail d’analyse a été mené en amont afin
de convaincre l’autorité de concurrence que les spécificités du
cas exigent d’être innovantes.
16.Parier sur le manque d’informations des autorités de
concurrence constitue une stratégie risquée qui a toutes
les chances de se révéler catastrophique pour l’entreprise
qui la met en œuvre. En effet, elle expose l’entreprise à de
multiples risques, en raison principalement de trois éléments
d’incertitude.
17.Premièrement, l’asymétrie d’information entre l’entreprise
et l’autorité, qui peut-être n’existe pas. En pratique, la
situation peut simplement émerger du fait que l’entreprise et
l’autorité ont des perspectives différentes sur les mêmes faits.
Alors que l’entreprise croit que l’autorité de concurrence est
en situation d’asymétrie d’information, c’est elle qui subit
une asymétrie inversée car elle ne connaît pas l’appréciation
que porte l’autorité sur certains faits. Une telle situation
émerge en particulier lorsqu’un certain nombre de faits
sont demeurés tacites sans avoir été explicitement abordés
pendant la négociation. Il en résulte un risque d’appréciations
divergentes entre l’autorité de concurrence et l’entreprise,
source d’incompréhension qu’il vaut mieux avoir éliminée en
amont.
21.La troisième source d’incertitude tient à l’impossibilité
évidente d’anticiper l’avenir. C’est un enjeu important
de la conception des engagements (et plus largement du
contrôle des concentrations) que de se livrer à un exercice
prospectif permettant d’évaluer un risque vraisemblable
d’effet anticoncurrentiel et de concevoir un engagement
qui y remédiera vraisemblablement s’il est mis en œuvre
tel qu’on l’anticipe et produit les effets souhaités. On voit
bien la superposition d’incertitudes affectant l’efficacité
des engagements. Dans ce contexte, la gestion optimale
des risques de mise en œuvre des engagements est un enjeu
d’importance. Ce point est abordé de manière plus détaillée
dans la section suivante.
18.Deuxièmement, en situation d’asymétrie d’information,
l’autorité de concurrence se réfèrera aux précédents. Ne pas
révéler certaines informations déterminantes sur la mise en
œuvre des engagements prive l’entreprise de la possibilité
de faire valoir à l’autorité de concurrence la spécificité de sa
situation. Or, en cas de désaccord émergeant au moment de
la mise en œuvre des engagements, il sera trop tard pour faire
valoir cette spécificité et l’autorité de concurrence se réfèrera
sans aucun doute aux précédents qu’elle aura traités10. Il est
donc fondamental d’analyser en amont les précédents que
l’autorité de concurrence est susceptible d’avoir en tête,
afin d’être en mesure, le cas échéant, d’apporter toutes
les informations pertinentes expliquant en quoi de tels
précédents ne peuvent être appliqués au cas d’espèce.
V. Comment gérer les risques
de mise en œuvre les engagements ?
22.Dans les affaires que nous avons traitées, on retrouve
trois sources d’incertitude importantes pour la mise en œuvre
des engagements.
19.C’est dans de telles situations que des engagements
innovants prennent tout leur sens. Mais être innovant
ne dispense pas d’être particulièrement attentifs aux
interprétations de la portée et de la mise en œuvre
des engagements car, en l’absence de précédent, c’est
l’interprétation de l’engagement par l’autorité de concurrence
qui prévaut. L’innovation en matière de remèdes est un sujet
complexe11. Elle est poussée par la multiplicité des situations
23.La première source d’incertitude concerne des problèmes
d’asymétrie de l’information et prends toute son importance
pour un engagement de cession d’une partie de la cible.
12
Voir par exemple G. de Muizon, “Quels engagements pour remédier aux effets
anticoncurrentiels d’une fusion sur un marché d’appels d’offres ?” Revue Lamy de la
concurrence n° 29, oct.-déc. 2011.
10
Voir par exemple le rappel, en introduction de la Communication de la Commission sur les
remèdes, de l’importance de la jurisprudence de la Cour de Justice et du Tribunal de première
instance, de même que “des conclusions tirées de l’évaluation ex post systématique, par
la Commission, des mesures correctives proposées par le passé”. Communication de la
Commission concernant les mesures correctives recevables conformément au règlement
(CE) n° 139/2004 du Conseil et au règlement (CE) n° 802/2004 de la Commission, 2008,
p. 3.
13
Tels que, par exemple, le fond d’animation de la concurrence, accepté par l’Autorité de la
concurrence dans le dossier Veolia Transport/Transdev.
14
On remarque que les mêmes engagements composent la majorité des solutions proposées.
Voir par exemple, dans le présent dossier : E. Frot et J. Menezes, “Les remèdes en France
et en Europe : une analyse statistique sur la période 2005-2010”, Concurrences
n° 3-2012.
11
Voir par exemple, sur les problèmes posés par les cessions dans des secteurs innovants tels
que l’information et la communication : T. Hoehn, S. Rab et G. Saggers, “Breaking up is
hard to do”, National Merger Remedies in the Information Communication Industries,
European Competition Law Review, No. 5 (2009), p. 255 et s.
Concurrences N° 3-2012 I Colloque
15
A. Mouzon, “Le Respect des engagements ‘Un point de vue de l’Autorité de la
concurrence’”, Concurrences n° 1-2012, Le respect des engagements pris devant les
autorités de concurrence, 14.
11
Remèdes et contrôle des concentrations
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IV. Les risques d’une stratégie
exploitant l’asymétrie
d’information avec les autorités
de concurrence
 Le deuxième exemple concerne les relations avec leurs
clients et fournisseurs. Ces relations commerciales avec des
tiers sont fréquemment complexes21. Par exemple, dans
beaucoup d’industries il existe des accords à long terme qui
concernent les prix et des remises progressives en fonction
des volumes achetés. Pour la partie de l’entreprise qui doit
être séparée, des difficultés émergeront s’il est mis fin à
ces prix avantageux. Cela peut rendre immédiatement les
activités moins compétitives sur le marché et donc affecter
la valeur de l’entreprise ou même être considéré comme une
violation des engagements, qui exigent typiquement que
la viabilité de l’entité cédée soit assurée. Il est important
d’aborder ces problèmes en amont avec l’autorité de
concurrence pour garantir la compréhension pratique des
marchés et les conséquences concrètes de la mise en œuvre
des engagements22.
24.En fait, quel que soit niveau de coopération de la part
de la cible, il existe toujours des asymétries d’information
susceptibles de compromettre la mise en œuvre des engagements
et d’exposer la nouvelle entité à un risque de non-conformité.
26.La troisième incertitude concerne les engagements
comportementaux et leur mise en œuvre dans les cas où,
par exemple, interviennent des changements exogènes les
rendant inapplicables ou impossibles à mettre en œuvre
comme le texte des engagements le prévoyait. Difficile de ne
pas penser à la fusion de TPS avec Canalsatellite. Annulée
par une décision de l’Autorité de la concurrence en date
du 20 septembre 201123, la décision d’autorisation sous
condition comprenait des engagements destinés à remédier
à la création d’un monopole sur certains marchés de la
chaîne verticale de la télévision payante24. Or cinq ans plus
tard, le monde a changé et il ne s’est pas passé ce qui était
anticipé en 2006 : l’émergence d’une concurrence provenant
des opérateurs télécoms a échouée tandis que de nouveaux
acteurs qui n’étaient pas anticipés sont apparus.
25.La deuxième incertitude dans les cessions résulte de
la tension entre le processus d’intégration de la cible et la
nécessité simultanée de séparer progressivement de la cession
de l’acquéreur. Cette période d’intégration et de séparation
dure typiquement un à six mois, durant lesquels émergent des
questions complexes relatives à la gestion indépendante de
la partie cédée. À ce sujet on peut citer deux exemples très
fréquents :
 La séparation de systèmes IT et de gestion de
l’information : en pratique cette séparation est très complexe
et prend beaucoup de temps (typiquement plusieurs mois).
Or cela est rarement correctement pris en compte dans le
texte des engagements qui se fonde plutôt sur l’idée fausse
qu’une séparation totale des systèmes IT est possible en un
clin d’œil20. En outre, la séparation des systèmes mobilise
l’équipe IT qui a des priorités différentes. Elle est en effet
engagée dans une tâche plus large : l’intégration de la cible.
La séparation de la partie cédée semble secondaire. Dans
ces situations, le rôle du mandataire est primordial. Lorsque
les personnes qui ont négocié les engagements ne sont pas
ceux qui les mettent en œuvre, le mandataire désigné apporte
la cohésion et la continuité qui permet, par exemple à une
équipe IT aux priorités multiples, de garder le cap et de
réduire les risques de non-conformité dans les délais.
27.Finalement, un problème pour beaucoup d’engagements
– structuraux comme comportementaux – est que les
engagements comportent des éléments qui concernent des
tiers qui ne sont pas parties aux engagements25.
28.Typiquement ces tiers sont des fournisseurs, des clients ou
des concurrents de la nouvelle entité. Mais il peut également
s’agir des acteurs susceptibles de reprendre les actifs devant
être cédés. Même s’ils ont pu durant la procédure faire valoir
leurs points de vue, en particulier lors des tests de marché
sur les engagements, une fois l’autorisation obtenue et les
engagements rendus contraignants, ils ne sont pas parties
aux engagements alors que leur comportement peut très bien
en affecter la mise en œuvre.
16
Pour une analyse des effets du manque d’information sur une cible lors de l’acquisition,
voir : E. Croci, D. Petlezas et N. Travlos, “Asymmetric information and target firm
return”, The European Journal of Finance (2011) pp. 1 à 23.
17
Voir, sur l’importance de l’intégration de l’entreprise cible et de son impact sur la valeur de
l’opération : J. Birkinshaw, H. Bresman et L. Hakanson, “Managing the post-acquisition
integration process: how the human integration and task integration procesesses interact
to foster value creation”, Journal of Management Sudies, no. 37, Vol. 3 (2000),
p. 395 et s.
21
Voir par exemple, citant les problèmes liés aux tiers soulevés par la nécessaire levée des
conditions suspensives dans les cas de cession, Patrick de Bonnières, “Mandataire dans le
respect des engagements”, précité.
22
Pour un exemple, rare, de prise en compte des coûts de fonctionnement et des contrats de
fourniture de la partie cédée : Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation
et de la Répression des Fraudes, C-2003-171, Lamberet/Chareau, Affaire
n°ECOC04000353Y, 2 septembre 2003.
18
Voir, pour une analyse de l’effet d’identification sur les retours d’une acquisition :
H. Loe Colman et R. Lunnan, “Organizational Identification and Serendipitous Value
Creation in Post-Acquisition Integration”, Journal of Management, Vol. 37, No. 3
(mai 2011), p. 839 et s.
23
Décision n° 11-D-12 du 20 septembre 2011 relative au respect des engagements figurant
dans la décision autorisant l’acquisition de TPS et CanalSatellite par Vivendi Universal et
Groupe Canal Plus
19
Sauf bien entendu dans les cas où les engagements dressent une muraille de Chine entre
l’acquéreur et la cible, comme ce fut le cas dans la très récente affaire Western Digital/
Hitachi, en mars 2012, au Ministère chinois des finances et du commerce.
24
Canal+, TPS / CanalSatellite, Affaire n°ECOC0600258Y, 30 août 2006, précitée
note 7.
20
Par exemple, pour une omission dans le texte des engagements des systèmes informatiques
et IT dans une fusions d’entreprises technologiques, avec cession d’activité : Direction
Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes,
C-2004-98, GE/InVision, Affaire n° ECOC0500094Y, 2 août 2004.
Concurrences N° 3-2012 I Colloque
25
À propos des négociations inattendues liées aux détenteurs d’intérêts minoritaires, voir
P. de Bonnière, “Mandataire dans le respect des engagements”, précité.
12
Remèdes et contrôle des concentrations
Ce document est protégé au titre du droit d'auteur par les conventions internationales en vigueur et le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992. Toute utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende
(art. L. 335-2 CPI). L’utilisation personnelle est strictement autorisée dans les limites de l’article L. 122 5 CPI et des mesures techniques de protection pouvant accompagner ce document. This document is protected by copyright laws and international copyright treaties. Non-authorised use of this document
constitutes a violation of the publisher's rights and may be punished by up to 3 years imprisonment and up to a € 300 000 fine (Art. L. 335-2 Code de la Propriété Intellectuelle). Personal use of this document is authorised within the limits of Art. L 122-5 Code de la Propriété Intellectuelle and DRM protection.
De façon classique, l’acquéreur manque d’information sur
la cible16 : il ne connaît pas parfaitement son organisation
interne, la qualité de ses équipes, etc. Or cela est trop
rarement pris en compte au moment de la négociation
des engagements et la tendance consiste à faire comme s’il
était toujours possible de mettre en œuvre les engagements
concernant la cible, c’est-à-dire de faire comme s’il s’agissant
d’une filiale de l’acquéreur17. Ce constat est confirmé par de
nombreuses études18. Il est possible de l’étendre sans difficulté
aux problématiques de concurrence : dans le débat sur la
divulgation d’informations à l’autorité de concurrence, au vu
des bénéfices d’une intégration sur les retours de l’opération,
il faut traiter la cible comme une future partie intégrante de
l’entreprise19.
37.C’est ainsi que l’entreprise est en mesure de minimiser le
risque financier auquel elle s’expose en cas de non-conformité
avec les engagements. n VI. Conclusions
30.Les problèmes que j’ai développés sont typiques dans
les négociations entre les entreprises et les autorités de la
concurrence. Les lignes directrices en matière de remèdes
n’abordent que partiellement ces problèmes. Parce que les
engagements constituent à la fois un moment crucial et
relativement rare dans la vie d’une entreprise, leur négociation
doit faire l’objet d’une attention particulière. Cette conclusion
récapitule les solutions aux problèmes évoqués plus haut, que
ces solutions soient générales ou spécifiques.
31.La première recommandation c’est que beaucoup de
problèmes potentiels sont liés au pari sur les engagements.
Cela peut se passer très mal pour les raisons expliquées.
Des conséquences inattendues peuvent toujours émerger
d’une affaire qui semble simple à la base.
32.Il convient donc de reconnaitre l’incertitude qui existe
dès le début de la notification de la fusion et de négocier les
principes qui doivent s’appliquer pour la mise en œuvre des
engagements. Fréquemment, les engagements proposés et
acceptés sont très précis et les difficultés qui émergent lors
de leur mise en œuvre font penser qu’ils sont peut-être trop
précis.
33.Bien sur, les détails sont toujours très importants, mais
ils peuvent aussi bloquer la mise en œuvre effective des
engagements. Si les détails sont trop prescriptifs et reposent
sur une appréciation d’éléments qui sont en fait inconnus
ex ante, alors le risque de non-conformité augmente.
Cela peut également se traduire par un coût démesuré et non
anticipé de mise en œuvre qui incitera l’entreprise à ne pas les
mettre en œuvre.
34.Ma deuxième recommandation concerne l’importance
de séparer très clairement les négociations sur la nature des
engagements répondant aux préoccupations de concurrence
soulevées et les questions de mise en œuvre des engagements.
35.Au vu de l’expérience de mandataire, il est évident que
la planification des engagements est généralement faite trop
tard. Il est préférable d’aborder très tôt les détails pratiques
de la mise en œuvre des engagements en tenant compte des
risques liés aux incertitudes notamment lorsque des tiers ont
un impact décisif sur le processus.
Concurrences N° 3-2012 I Colloque
13
Remèdes et contrôle des concentrations
Ce document est protégé au titre du droit d'auteur par les conventions internationales en vigueur et le Code de la propriété intellectuelle du 1er juillet 1992. Toute utilisation non autorisée constitue une contrefaçon, délit pénalement sanctionné jusqu'à 3 ans d'emprisonnement et 300 000 € d'amende
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36.La troisième et dernière recommandation est que
l’anticipation et la gestion des risques liés à la mise en
œuvre des engagements doit être explicitée dans le texte
des engagements, par l’intermédiaire de dispositions claires
permettant de définir la conduite à adopter lorsque les choses
ne se déroulent pas comme prévu.
29.Si la mise en œuvre d’un engagement dépend fortement
des actions d’un tiers, il est d’autant plus important de
l’anticiper lors de la rédaction des engagements et de prévoir
des solutions alternatives si le tiers ne se comporte pas comme
espéré. Il s’agit de mettre par écrit le maximum d’éléments
permettant d’encadre la mise en œuvre des engagements et
de prévoir des réponses à la question suivante : que fait-on si
les choses ne se déroulent pas comme prévu ?
Concurrences
Concurrences est une revue trimestrielle couvrant l’ensemble des questions de droits de
l’Union européenne et interne de la concurrence. Les analyses de fond sont effectuées sous
forme d’articles doctrinaux, de notes de synthèse ou de tableaux jurisprudentiels. L’actualité
jurisprudentielle et législative est couverte par onze chroniques thématiques.
Editorial
Jacques Attali, Elie Cohen,
Laurent Cohen‑Tanugi,
Claus‑Dieter Ehlermann, Ian Forrester,
Thierry Fossier, Eleanor Fox, Laurence Idot,
Frédéric Jenny, Jean‑Pierre Jouyet,
Hubert Legal, Claude Lucas de Leyssac,
Mario Monti, Christine Varney, Bo
Vesterdorf, Louis Vogel, Denis Waelbroeck...
Interview
Sir Christopher Bellamy, Dr. Ulf Böge,
Nadia Calvino, Thierry Dahan,
John Fingleton, Frédéric Jenny,
William Kovacic, Neelie Kroes,
Christine Lagarde, Doug Melamed,
Mario Monti, Viviane Reding,
Robert Saint‑Esteben, Sheridan Scott,
Christine Varney...
Tendances
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Murielle Chagny, Claire Chambolle,
Luc Chatel, John Connor, Dominique de
Gramont, Damien Géradin,
Christophe Lemaire, Ioannis Lianos,
Pierre Moscovici, Jorge Padilla, Emil Paulis,
Joëlle Simon, Richard Whish...
Doctrines
Guy Canivet, Emmanuel Combe,
Thierry Dahan, Luc Gyselen,
Daniel Fasquelle, Barry Hawk,
Laurence Idot, Frédéric Jenny,
Bruno Lasserre, Anne Perrot, Nicolas Petit,
Catherine Prieto, Patrick Rey,
Didier Théophile, Joseph Vogel...
Pratiques
Tableaux jurisprudentiels : Bilan de la
pratique des engagements, Droit pénal et
concurrence, Legal privilege, Cartel Profiles
in the EU...
Horizons
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Hong‑Kong, India, Japon, Luxembourg,
Suisse, Sweden, USA...
Droit et économie
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EntEntEs
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PratiquEs unilatéralEs
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PratiquEs rEstrictivEs
Et concurrEncE déloyalE
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distribution
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concEntrations
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aidEs d’état
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