Planète Océan

Transcription

Planète Océan
Bulletin UICN
Numéro
1
2004
Planète
Conservation
REDÉCOUVRIR LA
Planète Océan
25e anniversaire de la CMS
SOMMAIRE
Redécouvrir la
Planète Ocean
Qu’il est mal à propos d’appeler «Terre» cette planète qui est clairement «Océan»
– Arthur C. Clarke
JOSE ANTONIO MOYA
C’est en 1985 qu’un programme marin embryonnaire a fait ses premières armes
au Siège de l’UICN. Vingt ans se sont écoulés, vingt ans de collaboration avec les
groupes marins de la Commission mondiale des aires protégées (CMAP) et de
la Commission de la sauvegarde des espèces (CSE) de l’UICN. Aujourd’hui, le
programme a 12 employés, 15 comités et un grand nombre de partenaires actifs.
Le présent numéro de Planète Conservation présente quelques aspects
des travaux du Programme de l’UICN pour le milieu marin appliqués, main
dans la main, par le Secrétariat, les membres et les Commissions de l’Union,
les partenaires internationaux et les «bergers» des ressources marines.
SOMMAIRE
3
Planète Conservation
INTRODUCTION Améliorer la gouvernance de l’océan
William Jackson
(anciennement Bulletin de l’UICN)
Une publication de
l’UICN-Union mondiale pour la nature
rue Mauverney, 28
CH-1196 Gland, Suisse
Tél.: +41(22) 999 0001
Téléc.: +41(22) 999 0002
Site Web: www.iucn.org
Des eaux troublées
4
La conservation de la haute mer : au-delà de toute juridiction nationale
Kristina M. Gjerde et Graeme Kelleher
6
Extinction dans les grands fonds Matthew Gianni
8
S’enflammer pour les coraux d’eau froide Kirsten Martin et Alex Rogers
10 Récifs tropicaux : la réalité en face Kristin Sherwood
12 Les grands écosystèmes marins - Gérer Benguela : un partenariat
africain Mick O’Toole et Claire Attwood
14 Les petites îles : une question de survie Pedro Rosabal Gonzales
Rédactrice en chef
Nikki Meith
Rédacteur adjoint
Peter Hulm
Chef du Programme pour le milieu marin
Carl Gustaf Lundin
Tracer la voie
Rédactrice adjointe,
Programme pour le milieu marin
Kirsten Martin
16 Construire un réseau mondial d’APM, parc après parc Charles N. Ehler et
Arthur Paterson
Responsable photos,
Programme pour le milieu marin
James Oliver
Encart spécial : 25e anniversaire de la CMS
18
18
19
20
21
22
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Les extinctions marines au grand jour Roger McManus et Amie Bräutigam
Mérous et labres – la conservation en action Yvonne Sadovy
Requins : le point de non-retour? Rachel Cavanagh
La fièvre de l’or biologique Imène Meliane
Aquariums marins : de la connaissance au respect François Simard
Sus aux envahisseurs! Imène Meliane et Chad Hewitt
Tanzanie : trois chemins qui mènent de la pauvreté à la prospérité
Andrew K. Hurd et Melita A. Samoilys
Chef du service de la communication
Corli Pretorius
Chef du service des publications
Elaine Shaughnessy
Responsable des publications
Deborah Murith
Édition française
Danièle Devitre
© 2004 Union internationale pour
la conservation de la nature
et de ses ressources
Les rivages futurs
26 Droit international de la mer : de la rétrospective à la prévoyance
Lee A. Kimball
28 Le prix à payer pour les changements climatiques Herman Cesar
29 La mort des coraux dans l’océan Indien Olof Lindén
30 Le Programme de l’UICN pour le milieu marin : de la nécessité à l’action
Carl Gustaf Lundin
31 Nouveau groupe sur le droit de l’océan David VanderZwaag
Volume 35, N°1, 2004
ISSN : 1027-0973
Maquette couverture: L’IV COM Sàrl
Maquette/Mise en page: Maximedia Ltd.
Produit par :
la Division des publications de l’UICN,
Gland, Suisse et Cambridge, R.-U.
Imprimé par: Sadag Imprimerie
32 Publications
2
Souscription annuelle:
(3 numéros par an) USD 45 (non-membres)
envoi par avion compris
JOSE ANTONIO MOYA
Couverture : cette photo d’hétérocongers de
Gorgasia sillneri a été prise par Laurent Ballesta
(Andromede Environment Ltd) durant une mission
d’étude et de renforcement des valeurs naturelles
des récifs coralliens du Parc marin de la paix
d’Aqaba, en Jordanie.
Andromede Environment Ltd offre, aux organes
de gestion, toute une gamme de services pour
l’étude et la promotion/communication des aires
protégées marines.
Adresse : [email protected]
Les opinions exprimées dans cette
publication ne reflètent pas nécessairement
celles de l’UICN ou de ses membres.
Pour tout renseignement
sur la souscription, contactez :
[email protected]
Veuillez adresser toutes les autres
demandes de renseignements
concernant cette publication à :
[email protected]
Planète Conservation 1/2004
UICN/CARL GUSTAF LUNDIN
INTRODUCTION
Les cultivateurs de varech de la province de Fujian, en Chine, ont appris à gérer durablement cette ressource,
mais l’exploitation des écosystèmes naturels cède peu à peu la place à l’aquaculture.
LE PROGRAMME DE L’UICN POUR LE MILIEU MARIN
Améliorer la gouvernance de l’océan
William Jackson
Dans le secteur marin, la force de l’Union réside dans les
efforts persistants qu’elle fait pour améliorer la gouvernance mondiale de l’océan par l’intermédiaire des Nations
Unies et d’autres processus internationaux. Efforts repris
en écho par le Programme pour aider les nations à trouver
un terrain d’entente afin d’élaborer des régimes de gestion
universellement acceptables et jouissant de bonnes connaissances scientifiques. Ils se traduisent par l’élaboration
de bonnes pratiques de gestion et par leur mise à l’essai,
en particulier pour les aires protégées marines (APM). La
nouvelle publication How is your MPA doing? (Comment
va votre APM?) en est un exemple.
L’UICN soutient des activités marines pratiques dans
le monde entier, et en particulier en Afrique de l’Est, dans
les Caraïbes et en Asie du Sud. Les programmes de développement d’APM ont été particulièrement couronnés de
succès en Afrique de l’Ouest, en Tanzanie, au Viet Nam et
au Samoa. Parmi les principales réalisations, on peut citer
le recueil de connaissances et d’avis experts qui ont servi à
publier l’atlas Coral Reefs of the World en 1988 et en 2002; à
préparer A Global Representative System of MPAs en 1995;
Guidelines for Marine Protected Areas en 1999; MCPAs:
A guide for planners and managers (3e édition) en 2000;
International Ocean Governance et Towards a Strategy for
High Seas Marine Protected Areas en 2003.
L’évolution rapide de la technologie et son application
dans le domaine marin nous permet aujourd’hui de gérer
des zones qui étaient autrefois hors de nos possibilités
d’intervention courantes. Désormais, il n’existe plus de
Planète Conservation 1/2004
lieux sur la carte où des activités illicites seraient acceptables ou passeraient inaperçues. La lutte contre la pêche
illicite, non déclarée et non réglementée est capitale.
Notre connaissance scientifique de certaines ressources
augmente de manière exponentielle mais il faut encore,
dans bien des cas, appliquer le principe de précaution
lorsque le manque de connaissances limite notre capacité
de prévoir le résultat de nos actions.
Depuis 2002, l’UICN est le témoin de l’expansion rapide des efforts de conservation marine (ce n’est d’ailleurs
peut-être pas une coïncidence, 30 ans après la Conférence
des Nations Unies sur l’environnement), et nous nous
réjouissons de l’avènement d’une gouvernance améliorée
de l’océan. Le regain d’intérêt pour la conservation marine
peut être observé dans de nombreux pays et de nombreuses
organisations internationales mais aussi dans l’engagement
pris, au niveau international, à travers les objectifs fixés par
le Sommet mondial pour le développement durable.
Ce nouvel engagement est l’expression d’un consensus : nous vivons une crise de la gestion des ressources
marines. Mais il reflète aussi une prise de conscience :
nous avons de grandes possibilités de rectifier certaines
des erreurs. L’UICN s’efforcera de faciliter ce travail et de
faire en sorte que tous les acteurs, y compris les générations futures, puissent profiter d’un écosystème marin
en bon état.
William Jackson est Directeur du Programme
mondial de l’UICN
3
JEREMY STAFFORD-DEITSCH
NATIONAL OCEANS OFFICE/VANCE WALLIN
DES EAUX TROUBLÉES
En déclin à cause de la surpêche et de la grande valeur de ses ailerons et autres produits, y compris l’huile hépatique,
le requin pèlerin se trouve sur la Liste rouge de l’UICN des espèces menacées (Vulnérable au plan mondial, En danger
dans l’Atlantique nord-est et le Pacifique nord) et il est également inscrit à l’Annexe II de la CITES. Il fait partie des
nombreux requins victimes de captures accidentelles par les navires de pêche hauturiers (encart).
conservation de la haute mer :
L aau-delà
de toute juridiction nationale
Kristina M. Gjerde et Graeme Kelleher
De vastes étendues océaniques échappent à la juridiction
des pays riverains. La haute mer recouvre 64% de la superficie des océans et comprend les grands fonds marins
– le ‘patrimoine commun de l’humanité’ défini dans la
Convention des Nations Unies sur le droit de la mer – et la
colonne d’eau se trouvant au-delà de toute juridiction nationale. Avec une profondeur moyenne de près de 4000 m,
la haute mer est le plus vaste des habitats de la planète,
constituant plus de 80% de la biosphère mondiale.
Ces 30 dernières années, les scientifiques ont découvert que les grands fonds marins contiennent quelque 100
millions d’espèces, plus de coraux que les eaux tropicales
et des écosystèmes exotiques tels que des bouches hydrothermales, des suintements d’eau froide et des hydrates
de méthane dissociés de l’énergie solaire.
Et cependant, malgré les efforts déployés pour connaître l’océan et ses habitants, nous n’avons fait qu’écumer
la surface. Selon une étude récente publiée dans Science,
quelques gorgées d’eau de la mer des Sargasses – dont on
estime que la diversité spécifique est comparativement
faible – contiennent au moins 1800 nouvelles espèces de
microbes marins et plus d’un million de gènes autrefois
inconnus de la science. Forts de ces découvertes, les
scientifiques pensent que plus de 99% des espèces vivant
en haute mer n’ont pas encore été découvertes.
4
Il est difficile de croire que l’activité humaine puisse
menacer cette immensité, ce réservoir mondial de diversité et de productivité biologiques mais les preuves sont
là et déjà concluantes.
Il n’y a plus de refuge
Il est une menace plus grave que les autres : la pêche. La
pêche industrielle a déjà réduit de plus de 90% les populations d’espadons, de marlins, de thons, de requins
et d’autres grands prédateurs marins. Les captures accidentelles d’albatros et d’autres animaux marins menacent
certaines espèces d’extinction. Le matériel électronique
perfectionné de détection du poisson et les équipements
de pêche de fond modernes ouvrent de nouvelles zones de
pêche et donnent accès à d’anciens refuges, de sorte que
des habitats des fonds marins riches en espèces, tels que
les mont sous-marins et les récifs coralliens d’eau froide
risquent désormais d’être détruits (voir page 8).
D’autres activités anthropiques sont aussi menaçantes,
par exemple les déversements terrestres de plastiques et de
polluants; la navigation; le rejet de déchets; les émissions des
centrales électriques; les activités militaires; l’exploitation
minière des grands fonds marins et les constructions; la
production d’énergie et le piégeage mécanique du CO2 et,
enfin, la bioprospection et la recherche scientifique. Tous ces
Planète Conservation 1/2004
DES EAUX TROUBLÉES
facteurs se conjuguent pour mettre en danger les espèces,
les écosystèmes et les processus des grands fonds et de la
haute mer. Et pour couronner le tout, on peut déjà observer
les incidences des changements climatiques.
Tous ces efforts, entrepris avec différents partenaires
commencent à porter leurs fruits. L’UICN se réjouit de
collaborer avec une gamme toujours plus vaste de partenaires en vue de protéger et de gérer rationnellement les
64% de la superficie des océans qui se trouvent en dehors
de toute juridiction nationale.
Améliorer la conservation et la gestion
Il est essentiel, pour faire face à ces menaces, de mieux
appliquer les accords en vigueur pour le milieu marin. Et
pour pouvoir conserver la diversité et la productivité biologiques de la haute mer en adoptant une approche intégrée
et prudente, à l’échelle de l’écosystème, nous devons aussi
mettre à jour et renforcer ces accords (voir page 27).
Les dispositions de la Convention sur le droit de la mer
relatives à la protection du milieu marin et à la conservation
des ressources marines biologiques ont été appliquées sans
grande logique en haute mer, même aux activités les mieux
réglementées telles que la pêche pélagique et la navigation
hauturière. En outre, la plupart des activités qui touchent les
grands fonds marins s’effectuent encore sans surveillance
ni contrôle au niveau mondial; c’est le cas notamment de
la plupart des pêcheries hauturières de poissons pélagiques
et de nouvelles activités autres que l’exploitation minière
qui pourraient affecter le lit marin, par exemple les projets
de production commerciale d’énergie, d’aquaculture, de
stockage du CO2, de bioprospection et de recherche.
Kristina M. Gjerde est Conseillère, politiques
de la haute mer, pour le Programme de l’UICN
pour le milieu marin. Elle est basée en Pologne.
Courriel : [email protected]
Graeme Kelleher est Conseiller principal auprès
de la Commission mondiale des aires protégées (CMAP)
de l’UICN et Président du Groupe de travail
de la CMAP sur la haute mer.
Il est basé en Australie.
Courriel : [email protected]
En février 2004, les décisions des Parties à la Convention
sur la diversité biologique (CDB) ont mis en place une
action rapide de lutte contre les menaces pesant sur la
diversité biologique marine au-delà de toute juridiction
nationale. La Conférence des Parties (COP) à la CDB a
appelé l’Assemblée générale des Nations Unies et d’autres
organisations internationales et régionales compétentes «…à prendre d’urgence toutes les mesures à court,
moyen et long terme nécessaires pour éliminer/éviter les
pratiques destructrices», y compris en instaurant une «interdiction temporaire» des pratiques destructrices dans
les zones où il y a des monts sous-marins, des bouches
hydrothermales, des communautés coralliennes d’eau
froide et d’autres écosystèmes vulnérables.
La COP a également engagé un processus participatif
international en vue d’établir et de gérer efficacement des
aires protégées marines (APM) en haute mer. Un groupe
de travail sur les aires protégées a été chargé d’étudier les
possibilités de création d’APM au-delà de toute juridiction
nationale, dans le respect du droit international et en
prenant appui sur les connaissances scientifiques.
Le nouvel horizon de l’Union
Afin d’encourager l’étude de nouveaux outils de conservation de la haute mer, en particulier les APM, la Commission mondiale des aires protégées (CMAP) de l’UICN
a lancé un vaste projet pour la haute mer et un groupe de
travail sur la haute mer a été établi en partenariat avec le
WWF. Le groupe parraine des ateliers et des publications
sur les APM de la haute mer (voir encadré), les monts
sous-marins, les communautés coralliennes d’eau froide
et les activités de pêche en haute mer. Il participe à des
conférences internationales telles que le récent Ve Congrès mondial sur les parcs de l’UICN et il a organisé des
activités pédagogiques dans le cadre de grandes réunions
internationales, par exemple à l’occasion de la COP de la
CDB en février 2004.
Planète Conservation 1/2004
NOAA FISHERIES/A LINDNER
La haute mer à la CDB
Forêt corallienne près des îles Aléoutiennes, au large de l’Alaska. Bien qu’ils
soient habituellement associés aux îles tropicales, certains coraux durs et mous
prospèrent dans les eaux froides et profondes de l’Alaska et de l’Antarctique,
parfois jusqu’à 3000 m de profondeur. Ces communautés coralliennes complexes
offrent un habitat important à une grande diversité d’espèces, y compris des
poissons d’importance commerciale tels que l’hoplostète orange et la scorpène.
Une stratégie pour la haute mer
Le Programme de l’UICN pour le milieu marin, la Commission mondiale
des aires protégées (CMAP) de l’UICN et le Programme du WWF sur les
mers en danger ont élaboré une stratégie en vue de mettre sur pied un
réseau mondial représentatif d’APM de haute mer et de protéger des zones
particulièrement vulnérables tels que les monts sous-marins, les coraux
d’eau froide et autres écosystèmes qui subissent les effets de la pêche
hauturière. En s’appuyant sur des instruments juridiques internationaux
et régionaux existants, la stratégie se concentre sur la constitution d’une
coalition, la reconnaissance mondiale du concept d’APM de haute mer et
la désignation des premières «zones-tests».
La stratégie a été rédigée par des experts juridiques, scientifiques et administratifs à l’occasion d’un atelier international sur les AMP de haute mer
qui a eu lieu en janvier 2003 à Malaga, Espagne, puis elle a été discutée et
adoptée au Ve Congrès mondial sur les parcs de l’UICN, à Durban. La mise
en œuvre se fera sous l’égide du Groupe de travail sur la haute mer de la
CMAP, récemment ouvert à des experts des gouvernements, de l’industrie,
de l’université, d’ONG de la conservation et autres partenaires.
L’atelier d’experts a été organisé par l’UICN, la CMAP et le WWF en
coopération avec le Centre UICN de coopération pour la Méditerranée à
Malaga. Le Centre du droit de l’environnement de l’UICN a fourni l’étude
juridique de base.
Pour d’autres informations, consultez www.iucn.org/themes/marine/ et
en particulier http://www.iucn.org/themes/marine/pubs/pubs.htm.
5
DES EAUX TROUBLÉES
E xtinction dans les grands fonds
Depuis toujours, les profondeurs océaniques inspirent
crainte et émerveillement à l’humanité et ont été tour
à tour considérées comme des lieux sombres et mystérieux, hostiles à la vie, le sanctuaire de monstres marins
légendaires ou l’origine de la vie elle-même. Les récents
travaux scientifiques ont permis de confirmer et de révéler
l’étendue remarquable du mystère et de la diversité de la
vie dans les fonds océaniques.
Selon les estimations actuelles, il y aurait entre 500 000
et 100 millions d’espèces vivant dans les fonds marins.
On y trouve plus d’espèces de coraux que dans les mers
tropicales peu profondes.
Sur les pentes supérieures et les pics des monts sousmarins – des montagnes et chaînes de montagnes sousmarines que l’on trouve dans les océans Atlantique, Pacifique et Indien – on a découvert des espèces qui semblent
n’exister nulle part ailleurs. En une seule expédition dans
les mers de Corail et de Tasman, dans le sud Pacifique, les
scientifiques ont signalé que 16 à 36% des 921 espèces de
poissons et autres espèces de la macrofaune benthique
prélevées sur 24 monts sous-marins étaient nouvelles
pour la science. On estime qu’il y a au moins 100 000
monts sous-marins océaniques et beaucoup, si ce n’est
la plupart, pourraient être des îlots uniques de diversité
biologique des profondeurs marines. Leur destruction
pourrait entraîner l’extinction de groupes d’organismes
entiers sans que nous n’en sachions rien.
La technologie a le bras long
Anémone attrape-mouche (Hormatiidae) sur le versant du mont
sous-marin de Davidson (1874 m).
2000 m ou plus. Les pêcheries côtières et les écosystèmes
pélagiques étant surexploités, les grands navires de pêche
et les usines flottantes des pays industrialisés se tournent
vers de nouvelles pêcheries et de nouveaux marchés pour
les espèces des profondeurs.
En conséquence, les chalutiers de fonds qui traînent
de lourdes chaînes, des filets, des câbles et des plaques
d’acier sur les fonds marins ciblent de nouvelles espèces
pour satisfaire la demande de poissons et de fruits de
mer en augmentation en Europe, en Amérique du Nord
et au Japon. La destruction d’écosystèmes uniques qui
en résulte est une source d’inquiétude notamment pour
les biologistes des fonds marins et les spécialistes de la
conservation.
AUSTRALIAN FISHERIES MANAGEMENT AUTHORITY
Malheureusement, la capacité d’atteindre les profondeurs
de l’océan n’est pas limitée à la seule science. L’industrie
de la pêche est équipée pour exploiter le lit marin jusqu’à
NOAA/MBARI/ERICA BURTON
Matthew Gianni
Le chalutage de fond pour pêcher l’hoplostète orange Hoplostethus atlanticus ne laisse que dévastation dans son sillage.
6
Planète Conservation 1/2004
DES EAUX TROUBLÉES
Il est presque certain que l’expertise, la technologie et
les marchés nécessaires à ces nouvelles pêches prendront
de l’expansion dans les années à venir. En l’absence de
surveillance et de contrôle, il faut s’attendre à des extinctions irrémédiables et sans précédent.
La responsabilité internationale
CSIRO/KEITH SAINSBURY
Au regard du droit international, chaque pays est essentiellement responsable de la gestion de la pêche dans
ses eaux. En haute mer – les deux tiers des océans qui
échappent au contrôle de tout pays – chacun fait ce qu’il
veut. Protéger la diversité biologique des profondeurs
océaniques est une responsabilité qui doit incomber à la
communauté internationale.
L’UICN, le Fonds mondial pour la nature – WWF, Conservation International et le Natural Resources Defense
Council (États-Unis) ont demandé à l’auteur d’évaluer
l’ampleur de la pêche au chalut de fond en haute mer et
la marge d’action de la communauté internationale dans
le cadre du droit international.
J’ai pu constater, entre autres, que la valeur économique
de la pêche au chalut de fond en haute mer est aujourd’hui
relativement faible par rapport à la pêche mondiale – pas
plus de USD 300 à 400 millions par an pour USD 75 milliards par an pour l’ensemble des pêcheries marines.
En outre, les prises au chalut de fond en haute mer
constituent environ 0,2% de la capture totale de poissons et n’apportent pratiquement aucune contribution
à la sécurité alimentaire mondiale. Aux taux actuels de
capture, la pêche de fond pour des espèces telles que
l’hoplostète orange, le béryx et le grenadier pourrait bien
être non durable, du point de vue de ses incidences sur
les espèces ciblées.
En 2001, 13 pays au maximum obtenaient environ
95% des prises au chalut de fond en haute mer. Les pays
de l’Union européenne capturaient entre la moitié et les
deux tiers des prises. Le nombre total de navires de pêche
qui participent à la pêche au chalut de fond en haute mer
ne dépasse pas quelques centaines. Par comparaison, 3,1
millions de navires de pêche sont aujourd’hui opérationnels selon les estimations de l’Organisation des Nations
Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).
Cela signifie qu’une poignée de pays met en péril un
réservoir mondial de diversité biologique qui appartient
au patrimoine commun de l’humanité.
Il faut agir
Comme il est probable que le chalutage de fond hauturier
prendra de l’expansion dans les années à venir, la communauté internationale a clairement l’obligation de prendre
des mesures légales (voir pages 26 et 27).
La bonne nouvelle, c’est qu’en octobre 2003, puis
en février 2004, un groupe important de biologistes
éminents, spécialistes de la haute mer et d’autres scientifiques concernés a appelé l’Assemblée générale des
Nations Unies à déclarer un moratoire temporaire sur
la pêche au chalut de fond en haute mer. De leur côté,
les Parties à la Convention sur la diversité biologique
ont demandé de prendre des mesures à court terme, de
toute urgence, et d’instaurer, notamment, une «interdiction intérimaire» des pratiques destructrices dans
les grands fonds.
Planète Conservation 1/2004
CSIRO/KEITH SAINSBURY
Un coût élevé pour un gain dérisoire
Les grands fonds intacts au large du nord-ouest de l’Australie présentent
des populations denses de coraux et d’éponges que le chalutage
élimine. Photos : les fonds intacts (en haut) et après le passage
du chalut.
Le décor est ainsi planté pour l’action internationale. Il
est maintenant du ressort des gouvernements, individuellement et collectivement, par l’intermédiaire de l’Assemblée générale des Nations Unies, de prendre les mesures
nécessaires pour enrayer la perte peut-être irréversible de
la diversité biologique dans les profondeurs.
Il est de plus en plus évident que la Terre fait face à
une autre grande extinction et que le taux d’érosion des
espèces s’accélère.
Les activités humaines ont aujourd’hui atteint les
fonds marins et il semble que sur notre planète, il n’y
ait plus aucun lieu à l’abri de nos mains. Toutefois, par
comparaison avec la prévention de la destruction des
forêts pluviales et des récifs coralliens, empêcher la
perte de biodiversité due à la pêche au chalut de fond
hauturier est relativement facile. Il faut agir tant qu’il est
encore temps.
Matthew Gianni est un consultant
indépendant qui travaille pour le Programme
de l’UICN pour le milieu marin.
Voir High Seas Bottom Fisheries and their Impact on the Biodiversity of Vulnerable Deep-Sea Ecosystems: Summary Findings
par Matthew Gianni, 2004, dans la rubrique Publications (www.
iucn.org/themes/marine).
7
DES EAUX TROUBLÉES
S ’enflammer pour les coraux d’eau froide
Kirsten Martin et Alex Rogers
Des jardins sous-marins
Depuis quelques décennies, grâce à la mise au point d’instruments de recherche très perfectionnés, les scientifiques
ont beaucoup enrichi leur connaissance des milieux des
grands fonds marins. Ils découvrent une pléthore de nouveaux écosystèmes, y compris des jardins de coraux mous
et des récifs coralliens d’eau froide extraordinairement
divers et colorés. Les connaissances acquises à ce jour ne
sont que la pointe de l’iceberg – il faudra rassembler et
analyser beaucoup plus de données avant de pouvoir comprendre ces habitats riches en biodiversité et les moyens
de les protéger contre tout ce qui les menace.
Les coraux des grands fonds sont fréquemment associés à
des agrégations d’éponges et d’autres invertébrés sessiles.
Grâce à leur structure tridimensionnelle, ils hébergent et
abritent des communautés d’animaux associés, distinctes
et extrêmement diverses. Avec les écosystèmes des monts
sous-marins, ils sont les jardins féconds de la diversité et de
l’endémisme des espèces. Du fait de la densité des grands
animaux que l’on y trouve, le contraste est frappant avec le
lit marin environnant où il n’y a que de rares détritivores.
Dans les eaux du nord-est de l’Atlantique par exemple,
la densité de la grande faune, dans les récifs de Lophelia, est
trois fois plus élevée que dans les sédiments alentours, avec
des éponges, des anémones, des bryozoaires, des gorgones,
des vers, des mollusques, des crustacés, ainsi que des espèces
de poissons de grand fond d’importance commerciale.
Certains l’aiment froide
Les coraux d’eau froide ne fonctionnent pas comme les
coraux tropicaux bâtisseurs de récifs. Entre 10 et 3000 m
de profondeur, ils peuvent vivre sans lumière et ne possèdent donc pas les algues symbiotiques qui assurent, pour
les autres coraux, la photosynthèse libérant l’oxygène.
Mais les coraux d’eau froide disposent quand même de
beaucoup de nourriture sous forme de matière organique
particulaire en suspension – essentiellement du zooplancton – apportée par les courants océaniques.
Les coraux des grands fonds sont formés de grandes
accumulations de madrépores. Ils sont généralement
présents sur des reliefs géologiques sous-marins et sur
les bancs marins tels que les talus continentaux, les
dorsales et les monts sous-marins. Comme ils poussent
très lentement, la construction d’un récif peut durer des
milliers d’années et, en cas de dégâts graves, il leur faut
autant de temps pour se remettre.
Bulldozers des profondeurs
Il semblerait que les dommages causés par la pêche soient
la principale menace pour les récifs coralliens d’eau froide.
On a observé des traces de chalut tout le long de la lisière
du talus continental du nord-est de l’Atlantique, entre 200
et 1400 m et l’on estime que 30 à 50% des récifs de Lophelia
ont été endommagés dans les eaux norvégiennes uniquement. En conséquence, certains récifs ont été interdits
au chalutage en 2003, notamment le récif de Sula – un
énorme récif de 13 km de long, 35 m de haut et 300 m de
profondeur. Les dommages mécaniques ne se contentent
pas de tuer les coraux et de casser la structure du récif,
ils altèrent les processus aquatiques et sédimentaires et
éliminent des zones qui servent d’abri et d’habitat à une
vie marine prospère. Le chalutage peut aussi aplanir le lit
marin – comme si l’on passait le lit marin au bulldozer – ce
qui détruit le substrat dur nécessaire aux coraux pour se
reconstituer et croître (voir page 7).
Prendre la mesure de notre ignorance
NOAA FISHERIES/ROBERT STONE
Nous exploitons les ressources des récifs coralliens d’eau
froide et des monts sous-marins dans l’ignorance la plus
totale des limites de l’exploitation durable, des incidences
sur l’habitat et des conditions requises pour que les espèces et les écosystèmes se reconstituent. Cependant, pour
étudier les écosystèmes des profondeurs, il faut disposer
de la dernière technologie et avoir des «poches profondes»
pour la payer. Dans les pays «développés», les projets de
recherche et d’étude se multiplient (voir encadré) mais la
nécessité de cartographier et de surveiller la répartition
des coraux des grands fonds et l’impact des activités humaines sur ces coraux reste cruciale.
Scientifiques avec du corail des grands fonds dans les îles Aléoutiennes,
Alaska. Certains coraux des grands fonds mesurent 10 m de haut.
8
Appel à l’action au niveau mondial
Les initiatives collectives prises par les scientifiques et les
spécialistes de la conservation commencent à influer sur
les processus décisionnels au niveau mondial. En février
2004, par exemple, plus de 1100 experts des sciences
marines et de la biologie de la conservation, parmi les
plus éminents du monde, ont exprimé leur inquiétude en
Planète Conservation 1/2004
DES EAUX TROUBLÉES
rédigeant une déclaration consensuelle qui appelait les
gouvernements et les Nations Unies à protéger les coraux
des grands fonds et les écosystèmes d’éponges en péril
(voir http://www.mcbi.org/). Le WCMC-PNUE a compilé
une publication complète sur l’état des connaissances
et la gestion des récifs coralliens des eaux profondes et
froides. L’UICN collabore étroitement avec des scientifiques éminents dans ce domaine afin d’apporter des
informations vitales dans les forums internationaux tels
que la Convention sur la diversité biologique et l’Assemblée générale des Nations Unies (voir publications du
Programme pour le milieu marin, page 32).
ANDRÉ FREIWALD
Régimes de gestion à développer
À mesure que nos connaissances sur les écosystèmes coralliens d’eau froide s’enrichissent, il devient clair qu’il faut
adopter des mesures de précaution pour les protéger.
La Norvège, les États-Unis, le Canada, l’Australie et
la Nouvelle-Zélande ont déjà accordé une protection
aux récifs coralliens d’eau froide au large de leurs côtes.
L’Union européenne a interdit définitivement le chalutage sur les habitats coralliens d’eau froide des Darwin
Mounds, au large de l’Écosse, en mars 2004. D’autres
négociations sont en cours dans certaines régions d’Europe (par exemple, au large de la côte ouest de l’Irlande,
aux Açores, à Madère et dans les îles Canaries) suite à un
changement récent de la politique commune de la pêche
dans l’Union européenne.
La Commission OSPAR a inscrit les récifs de Lophelia
sur sa liste préliminaire d’espèces menacées et en déclin et
a décidé de protéger des habitats coralliens du large dans
le cadre de son programme d’aires protégées marines. Le
but est de les intégrer dans un réseau européen de zones
Un mur de Lophelia pertusa, corail bâtisseur de récif que l’on trouve dans
tous les océans du monde, entre 55°S et 70°N. Le récif de Sula photographié
ici serait vieux de 8000 à 8500 ans.
ANDRÉ FREIWALD
de conservation spéciales, dans le contexte de la Directive
Habitat de la Commission européenne, le principal mécanisme européen de conservation de la nature. L’Union
européenne cherche actuellement des moyens d’intégrer
la conservation de l’environnement dans sa politique
commune de la pêche et l’on espère que cela permettra
de résoudre les conflits entre l’application de la Directive
Habitat et la pêche au chalut dans les eaux de l’UE.
Lorsque les mesures de protection seront en place, la
conservation des récifs dépendra encore d’une application
réelle par les organes de gestion régionaux (voir pages 26 et
27). Plusieurs progrès récents peuvent faciliter leur travail,
par exemple le repérage et le suivi des navires par satellite et
la modification des équipements de pêche pour réduire les
incidences sur l’habitat. Il sera également essentiel d’appliquer des accords internationaux et régionaux d’inspection
des navires au port et d’exercer le suivi des captures.
Enfin, la volonté et l’engagement nécessaires doivent
être ancrés dans la prise de conscience du public de la
nécessité de protéger ces écosystèmes remarquables.
Rien n’arrivera tant qu’ils resteront «loin des yeux, loin du
cœur». Telle est la tâche des scientifiques et des spécialistes de la conservation concernés : ils doivent extraire les
problèmes des profondeurs pour les planter fermement
dans la conscience du public.
Kirsten Martin est responsable de programme marin,
Programme de l’UICN pour le milieu marin.
Alex Rogers est chercheur principal, Biodiversity
Research, Natural Environment Research Council, British
Antarctic Survey, Cambridge, Royaume-Uni. Courriel :
[email protected]
WWF-CANON / JÜRGEN FREUND
La science des profondeurs
En raison de leur structure tridimensionnelle, les récifs coralliens
d’eau froide fournissent une multitude d’habitats à d’autres animaux.
Photos : polyplacophores Hanleya sp. (mollusques) broutant sur une
éponge (en haut); comatule Lamprometra sp. dans l’Indo-Pacifique.
Planète Conservation 1/2004
Deux grands projets de recherche sont en cours dans les écosystèmes des
grands fonds de l’Atlantique nord :
Le projet OASIS (OceAnic Seamounts: an Integrated Study) est une
étude scientifique européenne qui intègre la recherche physique, biogéochimique et biologique afin d’améliorer la connaissance des monts sousmarins de la région (www.rrz.uni-hamburg.de/OASIS).
MAR-ECO est un projet de recherche multinational et décennal qui
vise à identifier les processus écologiques des écosystèmes des grands
fonds médio-océaniques de l’Atlantique nord (www.mar-eco.no). Le projet
fait partie de l’Initiative Census of Marine Life.
9
DES EAUX TROUBLÉES
R écifs tropicaux : la réalité en face
Kristin Sherwood
objectifs de subsistance
des communautés locales,
d’autre part. Des facteurs
tels que la dispersion des
larves, le recrutement et
la connectivité sont des Corail mou, Fidji
principes écologiques essentiels de la conception efficace des APM, tandis que les
valeurs culturelles et le déplacement de communautés de
pêcheurs sont des exemples de facteurs socio-économiques importants dont on commence à tenir compte.
La construction de réseaux représentatifs d’aires protégées marines interconnectées, qui se réapprovisionnent
mutuellement, est une stratégie qui a retenu l’attention
mondiale. Le Sommet mondial pour le développement durable (SMDD), en 2002, a appelé à la mise en place de réseaux
représentatifs d’APM avant 2012, et le Ve Congrès mondial sur
les parcs de l’UICN en 2003 a approuvé cet objectif.
En Australie, le Parc marin du récif de la GrandeBarrière – la plus grande aire protégée marine du monde
– a récemment fait un grand pas en avant en vue de garantir la conservation des habitats nombreux et de la diversité
biologique incroyable de la Grande-Barrière. En décembre
2003, les autorités ont annoncé que le pourcentage de
zones «interdites à la pêche» dans le parc passait de 4,5%
à 33% et que tous ces sanctuaires constituaient un réseau
représentatif de chaque biorégion et habitat du parc.
La République des Palaos a également entrepris un
plan ambitieux de création d’un réseau national d’APM.
En novembre 2003, le gouvernement a adopté la Loi sur le
réseau d’aires protégées qui prévoit la mise en place d’un
réseau d’APM intégrant spécifiquement les principes de
la résilience des récifs coralliens face aux changements
climatiques mondiaux.
CHUCK SAVALL
Il y a 10 ans, le débat faisait rage sur le déclin réel ou non
des récifs coralliens tropicaux. Aujourd’hui, ce débat est
dépassé. Plus de 10% des récifs coralliens du monde ont
succombé à la maladie, au blanchissement, à la pollution
et à la surpêche et plus de 58% sont considérés comme
«menacés» par des activités humaines (Status of Coral
Reefs of the World, 2002).
Comme il est généralement reconnu que les récifs
coralliens continuent de disparaître, des efforts de conservation novateurs continuent d’être lancés dans le monde
entier, dans l’espoir de mettre un terme au déclin de la
santé des récifs. Aires protégées marines (APM) gérées
par des communautés aux Philippines ou gigantesques
programmes de suivi des récifs coralliens aux ramifications mondiales, les nouvelles initiatives de conservation
tracent la voie de la reconstitution des récifs coralliens.
Les APM de récifs coralliens : le bon équilibre
À l’échelle mondiale, il y a plus de 400 parcs, réserves et
sanctuaires marins qui possèdent des récifs coralliens.
La création d’aires protégées marines est encore, bien
souvent, circonstancielle et beaucoup d’APM n’existent
que sur le papier mais il est de plus en plus admis que
la mise en place d’APM efficaces est tributaire d’un bon
équilibre entre les principes écologiques fondamentaux, d’une part et le développement économique et les
«Un seul mot peut expliquer ce que Darwin et nous tous
avons ressenti en présence du récif : ‘émerveillement’.
Face au récif, il est sans doute normal de s’émerveiller.
C’est probablement dans notre nature. Comme c’est aussi,
apparemment, dans notre nature de détruire ce
qui nous émerveille.»
Évolution positive de la gestion
– Osha Gray Davidson, The Enchanted Braid
Différentes techniques de gestion des récifs coralliens,
appliquées dans le monde entier, ont donné des résultats
intéressants et fournissent aussi la possibilité d’appliquer
les solutions trouvées dans un pays aux problèmes d’un
autre pays.
GCRMN : trouver les réponses
GBRMPA/PAUL MARSHALL
Dans le monde entier, les dommages causés aux récifs
coralliens et la destruction se poursuivent à un rythme
alarmant. Il faut donc obtenir des informations précises
sur leur état.
Le suivi des récifs coralliens est un outil de gestion essentiel de
l’écosystème récifal.
10
Le Global Coral Reef Monitoring Network (GCRMN) est
une unité opérationnelle de l’Initiative internationale pour
les récifs coralliens (ICRI) et vise à fournir des informations
sur l’état mondial des récifs coralliens, puis à utiliser cette
information pour sensibiliser à la nécessité d’appliquer des
mesures de conservation.
Voir http://www.gcrmn.org/
– Carl Gustaf Lundin, Chef du Programme de l’UICN
pour le milieu marin et Président du GCRMN
Planète Conservation 1/2004
Il est de plus en plus admis que la gestion collective
de l’environnement par les communautés joue un rôle
vital dans la gestion des récifs coralliens. L’île d’Apo, aux
Philippines, est l’un des exemples les plus anciens et les
plus intéressants de gestion communautaire. En 1985, la
communauté de l’île et le conseil local décidèrent, d’un
commun accord, de créer une réserve marine autour
de l’ensemble du récif frangeant de l’île. En 1992, les
pêcheurs locaux confirmèrent que la réserve marine
améliorait de manière significative les prises de poissons
en dehors de la réserve.
Le succès d’Apo a été contagieux aux Philippines et
ailleurs dans le monde et il existe aujourd’hui de nombreux exemples d’engagements locaux envers la conservation des récifs coralliens.
JAN POST
Le prélèvement
excessif
d’organismes
marins peut
entraîner
l’appauvrissement
et même
l’extinction de
populations
locales.
Renforcer la résilience des récifs
Les gestionnaires des récifs et les communautés locales sont de plus
en plus alarmés par les incidences des changements climatiques sur
les récifs coralliens qui s’expriment, par exemple, par des phénomènes
massifs de blanchissement des coraux (voir page 29).
Un partenariat mondial entre l’UICN, The Nature Conservancy, NOAA
et la Wildlife Conservation Society aide à transformer la conservation
des récifs coralliens en fournissant des outils et une formation sur les
moyens d’intégrer la résilience dans la gestion des récifs coralliens.
Deux nouveaux outils, The Reef Resilience (R2) Toolkit et The Reef
Manager’s Guide to Coral Bleaching ont été élaborés pour aider les
gestionnaires des AMP et des récifs coralliens, les formateurs et les
décideurs à renforcer la planification et la gestion stratégiques.
Pour obtenir des copies gratuites, contactez Kristin Sherwood :
[email protected].
Le suivi commence à gagner du terrain
Les récifs coralliens tropicaux ont déjà fait l’objet de milliers de projets de recherche depuis quelques décennies
mais le suivi systématique et général de la santé des récifs coralliens est relativement récent. Or, il est essentiel
d’avoir une connaissance claire de l’ampleur mondiale du
déclin – et de la reconstitution – des récifs coralliens.
Le suivi à long terme est la première étape pouvant
révéler ces tendances. Il existe de nombreuses méthodes
de suivi – efforts purement bénévoles ou programmes
gouvernementaux et universitaires bien financés.
La pierre angulaire du suivi international des récifs
coralliens est le Global Coral Reef Monitoring Network
(GCRMN) et son partenariat avec Reef Check, ReefBase
et CORDIO (voir page 29). Cette coalition de groupes de
suivi met un accent égal, dans sa cueillette de données, sur
les aspects écologiques et les facteurs socio-économiques
et a produit des manuels et des protocoles où les deux
domaines sont associés. Les groupes reconnaissent qu’il y
a plusieurs niveaux de suivi qui se recouvrent, des approches communautaires larges au suivi scientifique à haute
résolution. Différents niveaux de suivi sont essentiels, à la
Planète Conservation 1/2004
fois pour fournir des données et des informations sur l’état
et les tendances des récifs coralliens et pour améliorer la
sensibilisation de tous les acteurs à la nécessité de gérer
ces ressources précieuses pour la conservation.
Les ressources des récifs coralliens subissent de plus
en plus de dommages mais il est également clair que les
efforts de conservation des récifs se multiplient. L’expansion des réseaux d’APM, l’amélioration des stratégies de
gestion et l’enrichissement des données de suivi économiques et sociales nous permettront de ralentir le déclin
des récifs. Cependant, il existe d’autres menaces fondamentales qu’il faut freiner : les changements climatiques,
la surpêche, les sources telluriques de pollution, la pêche
destructrice et la nécessité d’améliorer l’application des
règlements. Une volonté et un appui politique forts sont
essentiels pour éliminer les principales menaces et leurs
causes profondes.
Kristin Sherwood est responsable
de programme marin, UICN-États-Unis,
Bureau multilatéral, Washington.
11
CLAIRE ATTWOOD
Environ 20 000 petits pêcheurs angolais capturent suffisamment de poissons pour fournir un revenu direct à 100 000 personnes,
y compris les femmes qui sèchent et transforment le poisson mis sur le marché.
LES GRANDS ÉCOSYSTÈMES MARINS
G érer Benguela : un partenariat africain
Mick O’Toole et Claire Attwood
Malgré une histoire mouvementée, les trois pays frontaliers du grand écosystème marin du courant de Benguela (GEMCB) collaborent pour gérer leurs ressources
marines communes de manière intégrée et durable en
associant une approche par écosystème à la coopération
transfrontière.
L’Afrique du Sud, l’Angola et la Namibie se partagent
l’un des écosystèmes les plus productifs de la Terre. Le
courant de Benguela est un système étroit, sorte de ruban qui s’étend de la province de Cabinda en Angola, au
nord, jusqu’à l’est de Port Elizabeth en Afrique du Sud.
C’est l’un des quatre grands écosystèmes de remontée
d’eau, en zone côtière, au monde. Il se singularise par le
fait qu’il est limité au nord et au sud par des eaux chaudes
d’origine tropicale.
Qu’est-ce qu’un grand écosystème marin?
Les grands écosystèmes marins (GEM) sont des régions de l’océan qui
englobent les zones côtières depuis les bassins fluviaux et les estuaires
jusqu’aux limites maritimes des plateaux continentaux et aux marges extérieures des principaux systèmes de courants. Ils mesurent en général
de l’ordre de 200 000 km2 ou plus et sont caractérisés par des conditions
géographiques, physiques et biologiques et des populations distinctes qui
sont reliées à travers une chaîne alimentaire commune. À l’échelle mondiale,
le nombre total de 64 GEM actuellement décrits produit 95% de la biomasse
halieutique marine annuelle mondiale, entre autres ressources.
12
Une récolte abondante
L’écosystème entretient plusieurs populations de poissons
d’importance commerciale tels que le merlu, l’anchois, la
sardine, le chinchard et le thon. On pêche des langoustes au
sud du courant de Benguela tandis qu’au nord les crevettes et
les crabes des profondeurs sont une source importante d’alimentation et de rémunération pour les pêcheurs artisanaux.
Dans la région de Benguela, la pêche est la principale activité économique et compte pour 10% du produit intérieur
brut (PIB) de la Namibie, 4% de l’Angola et 0,37% de l’Afrique
du Sud. Il y a aussi de riches réserves de pétrole, de gaz et
de minerais dans les sédiments du courant de Benguela. En
Namibie et en Afrique du Sud, l’industrie d’exploitation du
diamant marin fournit un rendement de près d’un million
de carats chaque année et l’Angola est le deuxième producteur de pétrole de l’Afrique subsaharienne. La Namibie
et l’Afrique du Sud sont en train de développer activement
leurs propres industries pétrolière et gazière.
Menaces et obstacles
L’intégrité du courant de Benguela est encore essentiellement intacte mais l’écosystème fait face à des menaces
croissantes qui, si elles ne sont pas maîtrisées, mettront
en péril des valeurs économiques et écologiques vitales.
La perte d’habitat et la pollution – en particulier dans les
zones proches des centres urbains – ainsi que l’exploitation
croissante des stocks de poissons chevauchants sont les
principales menaces. Les industries pétrolière, gazière et
Planète Conservation 1/2004
DES EAUX TROUBLÉES
minière pourraient polluer des milieux marins fragiles si
elles ne s’exercent pas dans le respect de l’environnement.
Tous ces problèmes environnementaux sont exacerbés par le fait que le colonialisme, l’apartheid et la guerre
civile ont laissé à la région de Benguela un héritage de
ressources appauvries, d’infrastructures déficientes et,
surtout, de faibles capacités humaines de tenir compte de
la complexité et de la variabilité de l’écosystème.
Malgré ces difficultés, les gouvernements de l’Afrique
du Sud, de l’Angola et de la Namibie collaborent pour résoudre les problèmes environnementaux présents de part
et d’autre des frontières nationales de façon que l’écosystème de Benguela puisse être géré dans son entier. Leurs
efforts sont soutenus par le Fonds pour l’environnement
mondial (FEM) qui a investi USD 15 millions dans le Programme pour le grand écosystème marin du courant de
Benguela, par l’intermédiaire du Programme des Nations
Unies pour le développement (PNUD). Le financement
du FEM complète un investissement d’environ USD 16
millions par les trois pays et de plus USD 7 millions versés
par la Norvège (NORAD) et l’Allemagne (GTZ).
le bras consultatif de la Commission intérimaire du courant
de Benguela pour les aspects de la gestion des pêcheries,
de la recherche scientifique et de la formation.
Des débuts prometteurs
Grâce au ferme engagement des trois gouvernements
et de leurs partenaires internationaux, le Programme du
GEMCB est en train de devenir rapidement une initiative
concrète et constructive qui traite et soutient clairement
certains des objectifs généraux du Nouveau Partenariat
pour le développement de l’Afrique (NEPAD). Il s’agit
d’une initiative pilotée par les pays pour résoudre certains
des problèmes environnementaux les plus pressants dans
la région de Benguela et contribuer de façon matérielle au
développement durable et responsable des riches ressources océaniques de l’Afrique australe.
Mick O’Toole est Conseiller technique en chef
du Programme du GEMCB basé à Windhoek, Namibie.
Claire Attwood est consultante du GEMCB pour la presse,
basée à Cape Town, Afrique du Sud.
Consultez http://www.bclme.org
Durant les trois prochaines années, quelque 80 projets seront financés par le Programme du GEMCB dans le but de
constituer des informations scientifiques et économiques
de référence sur le grand écosystème marin du courant
de Benguela, son évolution avec le temps et les meilleurs
moyens de résoudre les problèmes de gestion transfrontière
associés à la pêche, à l’exploitation minière, à la prospection
pétrolière, au développement côtier, à la diversité biologique
et à la pollution dans toute la région de Benguela.
La moitié des projets sont déjà entamés et quelquesuns sont presque terminés. La plupart ont été conçus
principalement pour traiter des questions de gestion
transfrontière essentielles telles que :
➤ Quels sont les effets cumulatifs de l’exploitation minière du milieu marin sur l’environnement?
➤ Est-il possible d’établir un système d’alerte rapide afin
que les trois pays soient prêts à lutter contre des proliférations dangereuses d’algues et des phénomènes d’appauvrissement de l’eau en oxygène, deux des phénomènes
marins les plus graves qui se produisent dans la région?
➤ Comment la Namibie et l’Afrique du Sud peuvent-elles
dériver le maximum d’avantages socio-économiques
de leurs ressources communes de merlus tout en garantissant, en même temps, la durabilité à long terme
des stocks dans le GEMCB?
La Commission du courant de Benguela
Un des principaux objectifs du Programme est d’établir
une Commission du courant de Benguela qui permettra
aux trois pays de résoudre de manière constructive et
pacifique les questions transfrontières qui menacent
l’intégrité du GEMCB.
Une Commission intérimaire du courant de Benguela
sera mise en place dans quelques années et complétera les
travaux des deux organisations régionales des pêches qui
réglementent les pêcheries en haute mer et les pêcheries au
thon dans la région de Benguela, l’Organisation des pêches
de l’Atlantique sud-est (SEAFO) et la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l’Atlantique.
Il est prévu que les programmes actuels de formation et de
recherche des pêcheries régionales (BENEFIT) deviennent
Planète Conservation 1/2004
MARINE AND COASTAL MANAGEMENT, SOUTH AFRICA
Comment fonctionne le Programme?
Une marée rouge a changé la couleur de l’eau au large de la péninsule du Cap,
en Afrique du Sud. Le Programme du GEMCB finance des projets visant à établir
un système d’alerte rapide dans le cas de phénomènes aussi destructeurs.
Le rôle de l’UICN
Par l’intermédiaire de son Programme pour le milieu marin, l’UICN a soutenu
le Programme du GEMCB afin de démontrer qu’il est possible d’appliquer
une approche par écosystème et inter-États à la conservation marine. Le
Programme pour le milieu marin contribue à l’application du GEMCB sur
le plan technique, notamment en apportant des avis sur le développement
d’APM et en fournissant un appui financier au portefeuille de programmes
GEM en collaboration avec ses partenaires internationaux tels que la US
National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA).
Un nouveau projet du FEM permettra à l’UICN d’ajouter un élément
d’apprentissage structuré à l’ensemble de 17 programmes GEM actuellement en cours, y compris le GEMCB. Cela facilitera l’échange d’expériences entre programmes et renforcera l’applicabilité du concept de grand
écosystème marin.
Récemment, l’UICN a soutenu des initiatives en vue d’inclure une mise à
jour de l’état et des efforts de gestion des 64 GEM existants. Consultez www.
edc.uri.edu/lme/ pour des informations sur les GEM, ainsi que des cartes,
des programmes en cours et le concept global.
Le Programme de l’UICN pour le milieu marin, en collaboration avec la
Commission de gestion des écosystèmes de l’UICN prévoit de promouvoir
l’application pratique du concept de GEM à l’occasion du 3e Congrès mondial
de la nature de l’UICN à Bangkok (17 au 25 novembre 2004).
– Kirsten Martin ([email protected])
13
DES EAUX TROUBLÉES
L es petites îles : une question de survie
Pedro Rosabal Gonzales
Les petites îles posent un défi écologique et socio-économique. Elles sont dotées d’une diversité biologique exceptionnelle et de très hauts niveaux d’endémisme, résultat
de leur isolement géographique. Cette richesse est pourtant extrêmement fragile. Et les cultures humaines qu’elles
abritent, également importantes – et extrêmement fragiles
– dépendent de manière vitale des écosystèmes insulaires
uniques pour leur développement.
Pour les petits États insulaires, trouver l’équilibre
entre conservation et développement n’est pas simple
rhétorique mais une question de survie. Leur tâche est
fortement compliquée par les incidences écologiques et
économiques des changements climatiques qui poussent
des écosystèmes insulaires vulnérables à leurs extrémités
et mettent en péril l’avenir de leurs populations.
Pour la communauté de la conservation et du développement, il est une question clé : les petites îles peuvent-elles
trouver leur voie vers le développement durable? La difficulté
est d’utiliser ce qui a été appris au fil des ans sur l’équilibre
entre conservation et développement tout en reconnaissant
à sa juste valeur le savoir traditionnel des insulaires.
Protéger les centres de biodiversité
BAHAMAS NATIONAL TRUST
Les habitats fragiles et souvent uniques des îles se trouvent aussi bien sur terre que sous la mer. Leurs récifs
coralliens rivalisent en diversité spécifique et productivité
avec les forêts ombrophiles et jouent un rôle essentiel
pour le maintien de pêcheries durables. Il n’est donc guère
surprenant que bien des centres de biodiversité mondiale
se trouvent dans des îles.
Et pourtant, beaucoup d’îles ont déjà connu des
extinctions d’espèces en raison de la surexploitation, de
l’introduction d’espèces envahissantes et de la fragmentation de l’habitat. Et l’escalade des pressions se poursuit.
La croissance démographique, le tourisme en expansion,
la transformation des littoraux pour le développement
des infrastructures, la pêche non durable et les changements climatiques sont source de nouvelles menaces et
exacerbent les anciennes. Les ressources des îles et leur
développement économique sont en péril.
Un plongeur observant les coraux columnaires d’Exuma Cays, aux Bahamas.
14
Programme d’action
Les petits États insulaires en développement ont capté
l’attention de la communauté internationale au début des
années 1990. Aujourd’hui, le principal modèle d’action en
leur nom est le Programme d’action de la Barbade pour
le développement durable des petits États insulaires en
développement, adopté en 1994 à la Conférence mondiale
sur le développement durable des petits États insulaires
en développement sous les auspices de la Commission
du développement durable de l’ONU.
En août 2004, la communauté internationale se réunira à l’île Maurice afin de discuter de recommandations
pour l’application future du Programme d’action de la
Barbade (Barbade +10). Cet examen décennal offre l’occasion de faire correspondre l’approche du Programme
aux stratégies de développement durable, en particulier
pour les politiques océaniques et marines.
Les îles et l’UICN
L’Union a placé les questions relatives aux petites îles tout
en haut de son agenda pour le milieu marin et beaucoup de
ses activités ont directement trait à leurs préoccupations. La
Commission mondiale des aires protégées (CMAP) de l’UICN
et le Programme de l’UICN pour le milieu marin collaborent à
la promotion de la création d’aires protégées marines (APM)
pour les petites îles. Un projet conjoint avec la Fondation des
Nations Unies s’efforcera sd’évaluer les possibilités d’étendre
la couverture du système du patrimoine mondial aux sites
tropicaux marins et côtiers. D’autres efforts conjoints portent
sur des problèmes connexes tels que le blanchissement des
coraux et le renforcement des capacités des APM. Le Bureau
régional de l’UICN pour l’Afrique de l’Est participe à un projet
financé par le Fonds pour l’environnement mondial (FEM)
afin d’établir le premier parc marin des Comores.
Un exemple de cette collaboration au sein de l’UICN est
notre travail avec le FEM et ses partenaires afin de concevoir des projets qui feront naître des approches originales
de la conservation de la diversité biologique marine et du
développement communautaire. Des projets sont en train
d’être appliqués au Samoa (voir page 15), en Tanzanie (voir
page 24) et au Viet Nam (voir page 17), qui ont tous pour objectif d’instaurer une gestion communautaire de la diversité
biologique marine et une utilisation durable des ressources
marines. Le but ultime est de démontrer que le renforcement des capacités des communautés locales d’établir et
de gérer des APM aura des avantages pour les insulaires et
pour la communauté mondiale dans son ensemble.
Les exemples qui suivent illustrent quelques approches de promotion du développement durable des
écosystèmes insulaires. C’est une petite contribution à
l’expérience pratique et aux connaissances que l’Union,
ses membres et partenaires devraient diffuser largement
s’ils veulent résoudre avec succès les nombreuses difficultés que rencontrent les petites îles.
Pedro Rosabal Gonzales est responsable principal
de Programme, Programme de l’UICN
pour les aires protégées.
Planète Conservation 1/2004
DES EAUX TROUBLÉES
Dans l’île de Samoa, dans le Pacifique, la récolte de fruits
de mer, dans les zones côtières, les lagons et les récifs
côtiers a diminué depuis 10 ans. La surexploitation et l’utilisation de techniques de pêche destructrices telles que les
explosifs, les produits chimiques et les poisons traditionnels extraits de plantes en sont les raisons principales.
En 1995, le Département des pêches du Samoa a lancé
un projet communautaire dans 65 villages. Trente-huit d’entre
eux ont choisi de créer de petites réserves de poissons dans
certains secteurs de leurs zones de pêche traditionnelles
et ont décidé de soutenir et d’appliquer les lois gouvernementales interdisant le recours aux explosifs et aux produits
chimiques pour la pêche. Certains ont même établi des
limites de taille minimale pour le poisson capturé.
Quelques années plus tard, les stocks de poissons
avaient augmenté de 30 à 40% et l’on pouvait observer des
signes de reconstitution des récifs affectés par la pêche
destructrice. Les réserves de poissons étant gérées par
les communautés qui ont directement intérêt à leur succès, les perspectives de durabilité à long terme de cette
initiative sont élevées.
UICN/PEDRO ROSABAL GONZALEZ
SAMOA
Ces représentants du Comité de district d’Aleipata ont travaillé au projet dès le
début. Ils sont photographiés lors d’une séance de planification des APM de
leur district.
CRAIG DAHLGREN
BAHAMAS
Réserve interdite à la pêche à Exuma Cays, Bahamas : elle a permis
la reconstitution de nombreuses espèces exploitées. En photo :
badèche bonaci.
L’archipel des Bahamas, aux Antilles, possède des récifs bien développés et 500 espèces de poissons. Le
Parc terrestre et marin d’Exuma Cays, établi en 1958,
est devenu une réserve interdite à la pêche en 1986,
la première de ce genre dans la région des Grandes
Antilles et l’une des premières du monde.
La recherche a prouvé que la concentration de
strombes dans le parc est 31 fois plus élevée qu’a
l’extérieur et fournit chaque année plusieurs millions
de strombes pour la pêche au-delà des limites du parc.
Des mérous bagués dans le Parc d’Exuma Cays ont
été capturés à 240 km de là et des langoustes baguées
ont été récupérées à Cat Island, à 110 km de là.
Le succès de la reconstitution de la ressource
halieutique dans le Parc d’Exuma Cays a conduit
le gouvernement à décider, en 2000, de protéger
20% de l’écosystème marin des Bahamas, doublant
ainsi les dimensions du réseau national d’aires
protégées.
PALAOS
PATRICIA DAVIS
La Réserve de nature sauvage des îles Ngerukewid aux
Palaos, créée en 1956, protège un échantillon représentatif des écosystèmes de lagons et d’îles calcaires, ainsi
que leur diversité biologique marine exceptionnelle.
Des études réalisées dans la Réserve montrent qu’elle
contient 200 à 300 espèces de poissons – soit 15 à 20%
des quelque 1400 espèces – et 22% des espèces de
coraux durs signalés dans ces eaux.
Après environ un demi-siècle de protection associée à une absence relative d’espèces introduites
telles que des rats ou des nuisibles marins, les îles sont
intactes. La région est un laboratoire naturel unique
pour l’étude de la biodiversité terrestre et marine et des
processus écologiques, ainsi qu’une zone de référence
importante pour la recherche et l’évaluation des effets
des changements climatiques sur les écosystèmes
insulaires du Pacifique.
L’environnement intact des Palaos est le résultat d’un demi-siècle de protection.
Planète Conservation 1/2004
15
TRACER LA VOIE
un réseau mondial d’APM,
C onstruire
parc après parc
Charles N. Ehler et Arthur Paterson
VERENA TUNNICLIFFE
Les pays côtiers reconnaissent généralement que les aires
protégées marines (APM) couvrant toute la gamme des
catégories de l’UICN, sont des outils souples et utiles pour
la gestion scientifique et intégrée des sites. Réserves marines
intégralement protégées ou zones gérées dans un but multifonctionnel, elles permettent de conserver des habitats
d’importance critique, favorisent la reconstitution d’espèces en danger et surexploitées, maintiennent des communautés marines et encouragent l’utilisation durable.
Riches de leur expérience en conservation marine, les
planificateurs et gestionnaires des APM ont saisi l’occasion de plusieurs événements internationaux importants,
ces dernières années, pour apprendre différentes méthodes d’élaboration et de gestion d’APM et pour concevoir
des stratégies garantissant la pérennité et le renforcement
des acquis de la conservation marine. Le résultat est la
création d’un réseau mondial d’APM, une APM à la fois.
Un réseau mondial…
Les efforts vont bon train pour remplir l’objectif fixé par le
Sommet mondial pour le développement durable (SMDD)
en 2002, à savoir établir un réseau représentatif d’APM basé
sur des informations scientifiques et compatible avec le
droit international. Les participants au Ve Congrès mondial
sur les parcs de l’UICN (Durban, 8 au 17 septembre 2003)
et les gouvernements, par l’intermédiaire de la Convention
sur la diversité biologique (CDB), ont pris de nouveaux
engagements en vue d’établir et de maintenir des réseaux
d’APM nationaux et régionaux complets, efficacement
gérés et écologiquement représentatifs avant 2012.
Tous les parcs marins ne se trouvent pas dans des eaux peu
profondes. Cette pieuvre a été photographiée près d’une
bouche hydrothermale dans l’APM Endeavour (Canada) à plus
de 2000 m de profondeur
Cette décision intervient 16 ans après la Résolution
de l’UICN qui, en 1988, demandait la création d’un «réseau mondial représentatif» d’APM. Elle s’appuie sur des
réalisations solides : l’établissement d’APM ainsi que de
réseaux nationaux et régionaux représentatifs dans de
nombreux pays.
GREAT BARRIER REEF MARINE PARK AUTHORITY
… s’appuyant sur l’expérience
locale
La gestion des APM exige que l’on collabore avec tous les acteurs pour garantir le respect
du parc marin.
16
Un réseau n’est pas meilleur que chacun des éléments qui le composent et si
les stratégies s’efforçant de garantir la
conservation d’un réseau mondial représentatif d’APM sont importantes, la création et
la gestion pratique des APM sont la ligne de
front réelle de la conservation marine.
Aujourd’hui, les APM sont confrontées
à des myriades de difficultés, en particulier dans les pays en développement où
la pauvreté endémique peut gravement
limiter la capacité des communautés et
des gouvernements de profiter réellement
de la valeur de la conservation marine et
de la gestion côtière.
Afin de résoudre ces problèmes, parmi
d’autres, et d’améliorer l’efficacité de chaque APM, plusieurs outils spécifiques sont
en train d’être mis au point.
Planète Conservation 1/2004
TRACER LA VOIE
Une gestion plus efficace
Le programme marin de la CMAP/UICN, le WWF et la
US National Oceanic and Atmospheric Administration
(NOAA) ont conçu un manuel destiné aux gestionnaires
d’APM pour les aider à évaluer l’efficacité de leurs APM
et, d’après cette évaluation, à procéder aux changements
nécessaires pour améliorer la gestion.
How is your MPA doing? A Guidebook of Natural and
Social Indicators for Evaluating Marine Protected Area Management Effectiveness permet au personnel des APM de
réaliser une évaluation à l’aide d’indicateurs qui mesurent
l’efficacité des activités de gestion pour la réalisation des
buts et objectifs particuliers de chaque APM, du milieu
marin et des communautés côtières. Il propose une méthode souple, applicable à de nombreux types d’APM,
telles que les zones multifonctionnelles ou les zones interdites à la pêche qui peuvent avoir des buts et objectifs
très différents. Il propose aussi une diversité d’indicateurs
reflétant la diversité des buts et objectifs des APM. Le
manuel est disponible en ligne (http://effectivempa.noaa.
gov/) et sous forme imprimée (voir page 32).
Une gestion adaptée à l’évolution des
besoins et des circonstances
Les écosystèmes marins sont complexes et évoluent constamment. Il en ressort que la gestion des APM doit aussi être
suffisamment souple pour que l’on puisse détecter les changements d’ordre juridique, politique, économique, culturel ou
climatique et y réagir de manière opportune et pertinente.
La gestion adaptative est un processus cyclique de mise
à l’essai des hypothèses, qui permet de tirer des enseignements en évaluant les résultats des essais, puis de réviser
et d’améliorer les pratiques de gestion. Les résultats de la
gestion adaptative dans le contexte des aires protégées
marines sont : une plus grande efficacité et des progrès plus
marqués vers la réalisation des buts et objectifs.
Gestion adaptative des APM,
façon vietnamienne
L’APM de Hon Mun, dans le centre-sud du Viet Nam, près de Nha
Trang est composée d’habitats côtiers et marins divers autour de
neuf îles, dans une zone relativement réduite (160 km2). Il s’agit
d’une APM multifonctionnelle qui protège d’importants exemples
des meilleurs écosystèmes restants de récifs coralliens, de mangroves et d’herbiers marins du Viet Nam.
Le projet d’APM de Hon Mun, financé par le Fonds pour l’environnement mondial (par l’intermédiaire de la Banque mondiale),
le Gouvernement royal danois (par l’intermédiaire de DANIDA), le
Gouvernement vietnamien et l’UICN permet à des communautés
insulaires locales d’améliorer leurs moyens d’existence et, en
partenariat avec d’autres acteurs, de protéger efficacement et de
gérer durablement la biodiversité marine de Hon Mun en tant que
modèle de gestion adaptative d’APM au Viet Nam.
Le projet s’est montré particulièrement original en assurant
la promotion d’activités rémunératrices de substitution pour les
communautés locales, en particulier les pêcheurs, qui ont été
ou seront affectées par le classement de l’APM de Hon Mun. Le
projet a aussi établi l’accès au crédit pour les résidents locaux qui
ne sont peut-être pas admissibles à l’attribution de prêts par des
institutions traditionnelles. Son approche originale de la protection
de la diversité biologique par le zonage tout en améliorant les
moyens d’existence des populations locales servira de modèle
de gestion participative non seulement au Viet Nam mais dans
le monde entier.
Garantir l’intégration dans le contexte local
Arthur Paterson est spécialiste des affaires internationales,
The National Ocean Service, NOAA.
Planète Conservation 1/2004
UICN VIET NAM
Charles N. Ehler est Vice-président pour le milieu marin,
Commission mondiale des aires protégées de l’UICN
et Directeur du Bureau du Programme international,
The National Ocean Service, US National Oceanic and
Atmospheric Administration (NOAA).
BERNARD O’CALLAGHAN
Nul n’ignore aujourd’hui qu’une APM incorporée dans
une stratégie générale de développement durable a de
plus grandes chances de remplir ses objectifs de conservation qu’une APM planifiée et créée en dehors du contexte local. Il est impératif que les communautés locales
soient considérées comme des participants actifs de la
planification et de la gestion des APM et non comme des
récepteurs passifs d’un régime de conservation conçu et
appliqué depuis l’extérieur.
Nous avons aussi besoin de l’engagement et de la collaboration des agences municipales et provinciales ainsi
que des institutions nationales telles que les services des
parcs et de la pêche.
Ce n’est qu’en améliorant l’efficacité des APM existantes et futures par des techniques de gestion adaptative et
par des synergies avec des stratégies de développement
générales que nous pourront atteindre l’objectif de mise
en place d’un réseau mondial fonctionnel d’APM.
La population locale de Hon Mun a entrepris de protéger et de gérer
durablement la biodiversité marine. En haut : élimination de couronnes
d’épines; en bas : culture d’algues marines dans l’Aire protégée marine
de la baie de Nha Trang.
17
TRACER LA VOIE
L es extinctions marines au grand jour
Roger McManus et Amie Bräutigam
Dans la Liste rouge de l’UICN des espèces menacées, les
espèces terrestres et d’eau douce se taillent la part du lion
tandis que les espèces marines font figure de parent pauvre.
Les efforts d’évaluation des espèces marines sont à la traîne,
en partie parce qu’on sait fort peu de choses sur ces espèces
mais surtout à cause de la croyance, répandue et erronée, qui
veut que les espèces marines résistent mieux à l’extinction.
Les évaluations réalisées par les experts de la Commission de la sauvegarde des espèces (CSE) de l’UICN, entre
autres, ont prouvé que le risque d’extinction et le danger
existent bel et bien pour les espèces marines et pourraient
même être beaucoup plus communs que la Liste rouge et
d’autres listes d’espèces menacées ne le laissent supposer.
Durant les cinq dernières années uniquement, l’UICN,
entre autres, a déclaré des centaines d’espèces marines
en danger d’extinction au niveau local ou mondial. Il
est donc impératif de multiplier les évaluations pour la
Liste rouge, d’identifier les espèces menacées, de mettre
en évidence les facteurs responsables et d’en tirer des
conclusions pour le milieu marin.
Augmenter le nombre d’évaluations des espèces marines pour la Liste rouge est un des axes de travail de la
nouvelle initiative de la CSE intitulée «Détruire le mythe».
Il s’agit de détruire l’idée erronée selon laquelle les espèces
marines ne peuvent s’éteindre et de renforcer la sensibilisation aux problèmes du milieu marin. Le but général
est d’aider les décideurs et les gestionnaires de la pêche
à améliorer la gestion des ressources marines.
La CSE participe depuis plusieurs décennies aux
efforts d’évaluation de l’état des espèces marines et à
l’étude des facteurs responsables de leur déclin. Cependant, jusqu’à l’adoption des Catégories et Critères
révisés pour la Liste rouge, en 1994, la CSE ne s’était pas
particulièrement intéressée au risque d’extinction des
BAHAMAS NATIONAL TRUST
Mérous et labres – la conservation en action
UICN/CHRISTIAN LAUFENBERG
Mérou rayé.
Le napoléon est une espèce emblématique de l’action et de
l’éducation pour la conservation.
18
Les mérous et les labres (Serranidae et Labridae) sont
deux familles de poissons de récif qui comprennent des
espèces à la fois recherchées sur le plan commercial et
naturellement vulnérables à la surexploitation.
Comme ce sont des espèces à vie longue, à
maturité sexuelle tardive, hermaphrodites, qui se rassemblent en bancs de reproducteurs et qui ont un taux
de mortalité naturellement faible, elles sont, dans bien
des cas, en déclin et menacées selon les critères de la
Liste rouge de l’UICN.
Le Groupe CSE/UICN de spécialistes des mérous et
des labres s’intéresse aux évaluations d’espèces et aux
espèces particulièrement vulnérables ainsi qu’à leurs
caractéristiques biologiques. Le commerce alimentaire
des poissons de récif vivants qui cible de nombreuses
espèces du groupe, a fait l’objet de nombreux débats et
de mesures de suivi. Le napoléon, Cheilinus undulatus
(photo du bas) fait l’objet d’une campagne de sensibilisation et d’éducation dans le but d’attirer l’attention
sur les menaces que constituent la pêche au harpon de
nuit et la pêche des juvéniles pour alimenter le marché
d’exportation mondial en expansion des poissons de
luxe vivants (www.humpheadwrasse.info).
Beaucoup d’espèces de grande taille peuvent être
perturbées, en particulier lorsqu’elles se rassemblent
pour se reproduire. Nous travaillons en étroite collaboration avec la Society for the Conservation of Reef Fish
Aggregations (SCRFA) afin d’encourager l’amélioration
des mesures de gestion et de conservation des bancs
de reproducteurs.
La SCRFA encourage aussi la science de la conservation et est en train de créer une base de données mondiale
sur les bancs de reproducteurs (www.scrfa.org).
– Yvonne Sadovy, Présidente du Groupe CSE/
UICN de spécialistes des mérous et des labres.
http://www.hku.hk/ecology/GroupersWrasses/
iucnsg/index.html
Planète Conservation 1/2004
GALAPAGOS NATIONAL PARK AUTHORITIES
TRACER LA VOIE
Quelques espèces de requins sont menacées par
la pêche industrielle pour les ailerons.
JEREMY STAFFORD-DEITSCH
Requins : le point de non-retour?
Le grand requin blanc Carcharodon carcharias est considéré
Vulnérable sur la Liste rouge de l’UICN.
animaux marins, sauf pour les mammifères, les oiseaux
et quelques autres espèces. Avant 1994, les paramètres
sur lesquels s’appuyait essentiellement l’évaluation des
risques d’extinction, tels que l’aire de répartition réduite
ou les effectifs limités, n’étaient pas considérés applicables aux espèces marines.
L’introduction d’un nouveau critère d’évaluation du risque d’extinction – le déclin des populations – dans le système
de la Liste rouge de l’UICN reflète les progrès importants
accomplis depuis 20 ans dans la connaissance scientifique
de l’extinction. Ce critère a également fourni une base pour
évaluer l’état des espèces qui, bien qu’elles aient des effectifs
nombreux ou qu’elles soient largement répandues, peuvent
néanmoins être sur la voie de l’extinction.
À l’aide du système révisé pour la Liste rouge, l’UICN
a inscrit plus de 100 poissons marins, beaucoup d’entre
eux d’importance commerciale, dans la Liste rouge de
l’UICN des animaux menacés, 1996.
Cette publication a marqué la première grande expansion des évaluations des espèces marines pour la Liste
rouge. Elle a également déclenché un débat international
sur le risque d’extinction des organismes marins qui n’est
toujours pas conclu et qui a, lui-même, encouragé les
efforts d’expansion des évaluations des espèces marines
pour la Liste rouge.
À l’avant-garde de ce mouvement, on trouve le
Groupe CSE/UICN de spécialistes des requins pour les
poissons chondrichtyens (cartilagineux), le Groupe de
spécialistes des mérous et les labres (voir encadrés) et le
Planète Conservation 1/2004
Les requins et espèces apparentées vivent sur la
Terre depuis plus de 400 millions d’années. Il y a plus
de 1000 espèces de ces poissons chondrichtyens
– requins, poissons-scies, raies et chimères – et malgré leur évolution réussie, beaucoup d’espèces sont
aujourd’hui menacées d’extinction.
Le Groupe CSE/UICN de spécialistes des requins
(GSR) a pris la tête des efforts mondiaux d’évaluation
de l’état de tous les poissons chondrichtyens pour la
Liste rouge. Des scientifiques du monde entier participent au processus dans le cadre d’ateliers régionaux
et de consultations, dans le but d’éclaircir l’état de
conservation, les menaces, les mesures de gestion
nécessaires et les priorités en matière de recherche
et de conservation.
À ce jour, 262 espèces ont été évaluées au niveau
mondial et 65 évaluations ont eu lieu au niveau régional
ou au niveau des sous-populations. Cinquante-six espèces (plus de 20%)
sont menacées à l’échelon mondial (En danger critique d’extinction, En
danger et Vulnérable), et 26 sous-populations évaluées sont menacées au
niveau régional. Les taxons qui présentent le risque d’extinction le plus élevé
comprennent des espèces d’intérêt commercial de requins des profondeurs
qui sont capturés dans les pêcheries multi-espèces, les espèces inféodées
aux eaux douces et aux eaux saumâtres, les espèces endémiques côtières
dont toute l’aire de répartition fait l’objet d’une pêche intensive et quelques
espèces affectées par les activités de pêche au requin pour les ailerons.
– Rachel Cavanagh, responsable de programme,
Groupe CSE/UICN de spécialistes des requins.
Consultez : www.flmnh.ufl.edu/fish/organizations/ssg/ssgchond.htm
Le Plan d’action pour les requins actualisé sera publié
à la fin de l’année.
Projet Hippocampe pour les poissons syngnathidés. Les
évaluations réalisées par le Groupe de spécialistes des
tortues marines, le Groupe de spécialistes des Cétacés et
BirdLife International, le partenaire de la Liste rouge de
l’UICN pour les oiseaux, ont également porté au grand
jour de nouvelles espèces, tendances et menaces qui
appellent une action de toute urgence.
Dans le cadre de son nouveau projet quinquennal d’évaluation de l’état des espèces marines, la CSE déterminera la
distribution, la biologie et d’autres paramètres clés des espèces évaluées. Ces données serviront à diverses initiatives de
conservation et fourniront des informations vitales sur l’état
et les tendances de la biodiversité marine en général.
La mise en place d’une plate-forme SIG et de protocoles pour la cartographie des aires de répartition, en
particulier de la «zone d’occupation» (habitat minimal
19
TRACER LA VOIE
critique) est tout particulièrement importante. Le Service
d’information sur les espèces (SIS) de l’UICN joue un rôle
fondamental en matière d’acquisition et de gestion des
données en vue d’autres applications.
L’expansion du processus de la Liste rouge a une importance stratégique phénoménale pour la conservation
et la gestion des espèces marines et de leurs habitats.
Le Programme marin de la CSE cherche, d’une part à
trouver un financement pour cet effort et, d’autre part à
collaborer avec des institutions et particuliers intéressés
pour pouvoir aller plus loin dans l’expansion.
Roger McManus
est Directeur, Division des programmes marins,
Conservation International.
http://www.conservation.org.
Amie Bräutigam
est Directrice pour les espèces menacées,
Perry Institute for Marine Science,
et responsable exécutive, CSE/UICN.
http://www.iucn.org/themes/ssc/marine/resource.htm
L a fièvre de l’or biologique
Imène Meliane
Il y a environ 20 ans que l’on prospecte les ressources
marines pour la production de substances médicales et
pour la biotechnologie. Pour l’instant, un nombre relativement restreint de plantes, d’animaux et de microbes
marins sont à l’origine d’un chiffre impressionnant de
plus de 12 000 nouveaux produits chimiques. L’océan
qui contient 34 des 37 phyla taxonomiques (par rapport
à 17 en milieu terrestre) est une source quasi inexploitée
de composés à découvrir pouvant avoir des applications
utiles pour l’homme.
Les produits dérivés d’organismes marins sont faciles à
utiliser et à commercialiser en technologie et dans l’industrie, par exemple en tant que composés technologiques,
outils de laboratoire ou ingrédients pour cosmétiques.
Dans le domaine pharmaceutique, malgré de lourds investissements et des travaux de recherche intensifs, aucun
composé n’est encore parvenu sur le marché
mais plusieurs produits sont en phase finale de
leurs essais cliniques (voir encadré).
JOSE ANTONIO MOYA
Armes chimiques
La plupart des expériences de bioprospection
ont eu lieu dans les mers tropicales. Les écosystèmes de récifs coralliens qui se caractérisent
par une biodiversité élevée et une compétition
intense pour l’espace, à l’origine d’une guerre
chimique entre organismes sessiles, ont été des
cibles privilégiées.
Les écosystèmes des grands fonds, tels
que les monts sous-marins, les communautés
coralliennes des profondeurs et les bouches
hydrothermales offrent un potentiel de bioprospection supplémentaire parce qu’ils
accueillent des communautés d’organismes
Les anémones sont parmi les cnidaires qui utilisent un arsenal chimique pour se défendre.
Le yondelis, un biocomposé ayant des propriétés antitumorales a été découvert dans
l’ascidie Ecteinascidia turbinata (à droite). Originaire des Antilles, ce tunicier marin est
aujourd’hui cultivé dans les eaux peu profondes de la mer Méditerranée. C’est en 1969
que l’activité antitumorale a été observée pour la première fois, dans des extraits bruts
de ces organismes, mais il a fallu attendre 1990 pour découvrir, purifier et élucider la
structure chimique de ET-743, la molécule à l’origine de cette activité. Une entreprise
privée espagnole a développé la substance et commencé des études cliniques qui sont
actuellement en cours en Europe et aux États-Unis en collaboration avec un détenteur
de licence basé aux États-Unis.
La molécule, décrite comme «un nouvel agent antitumoral très prometteur et extrêmement puissant» n’a pas encore reçu l’autorisation de mise en marché. On continue de la
tester pour le traitement de plusieurs cancers tels que le carcinome ovarien et le sarcome
des tissus mous. La bioprospection des ressources marines à des fins médicinales peut
prendre beaucoup de temps et être une entreprise économiquement risquée.
20
© PHARMAMAR
Lutter contre le cancer grâce aux tuniciers
Planète Conservation 1/2004
TRACER LA VOIE
essentiellement non identifiés mais extrêmement
spécialisés. Certains d’entre eux (en particulier les micro-organismes) dépendent, pour vivre, d’interactions
chimiosynthétiques.
Les invertébrés sessiles à corps mou en particulier,
tels que les éponges, les coraux mous, les gorgones et les
ascidies sont célèbres pour le raffinement de leur arsenal chimique de composés bioactifs parce qu’ils n’ont
aucun moyen de défense mécanique. Ils sont parmi les
organismes marins les moins étudiés et l’on découvre de
nouvelles espèces pratiquement chaque jour.
La biotransformation : quelques contraintes
Lorsqu’on a réussi à déterminer, dans une espèce, des
propriétés chimiques intéressantes et prometteuses, le
processus d’utilisation commerciale se met en branle.
Bien des produits pharmaceutiques marins bioactifs
issus de sources naturelles ont une structure extrêmement
complexe et leur synthèse nécessite des processus multiétapes intensifs qui ne se prêtent pas à une production
économiquement viable, à grande échelle.
Obtenir des quantités suffisantes de l’organisme source
est une contrainte majeure pour le développement de produits biologiques marins. Dans la phase de développement,
s’il est impossible de synthétiser le composé ou si l’on ne
peut l’obtenir par une technique de fermentation, la seule
solution consiste à le prélever dans la nature. Comme les
produits bioactifs sont habituellement présents en quantités
très faibles dans les organismes sources, obtenir les quantités
requises peut poser de graves problèmes, notamment pour
les invertébrés encore peu étudiés.
Lorsque ce sont des espèces rares et endémiques qui
sont concernées, il faut pouvoir appliquer des procédures
garantissant la durabilité de l’utilisation. Avant de procéder
à la récolte dans la nature, il serait bon que des études de
faisabilité déterminent les facteurs tels que les peuplements
de l’organisme ciblé, son taux de croissance, le niveau approprié de prélèvement et la reconstitution après-récolte.
Pour citer E.O. Wilson, «on ne peut récolter de produits
utiles sur des espèces éteintes». Il y va aussi de l’intérêt de
l’industrie de conserver le biote mondial afin que des espèces toujours plus nombreuses puissent être étudiées en
quête de nouvelles molécules. Nous devrions aussi faire en
sorte que les composés intéressants soient produits par des
procédés qui n’ont pas recours à un prélèvement, non durable et écologiquement préjudiciable, de la vie marine.
Ces questions, parmi d’autres, seront examinées lors
de l’atelier intitulé Les médicaments de l’avenir, qui aura
lieu lors du prochain Forum mondial de la nature (18 et 19
novembre 2004). L’objectif sera de tirer des enseignements
fondamentaux, de bonnes pratiques et des moyens d’encourager la conservation et l’utilisation durable d’espèces
animales et végétales sauvages qui sont les sources de
bien des médicaments d’aujourd’hui et dont l’humanité
continuera d’avoir besoin à l’avenir.
Imène Meliane est responsable de programme marin,
Bureau régional de l’UICN pour l’Amérique du Sud,
Quito, Équateur.
marins : de la connaissance
A quariums
au respect
François Simard
Planète Conservation 1/2004
des outils importants qui permettent de générer une prise
de conscience du public de la nécessité de protéger les
habitats naturels, marins et côtiers, de la planète.
François Simard est Coordonnateur de programme marin,
Centre UICN de coopération pour la Méditerranée,
Malaga, Espagne.
Y ABE
Les aquariums sont globalement des « zoos marins », c’està-dire des endroits où des organismes vivants sont gardés
en captivité dans le but d’être montrés au public. De même
que leurs homologues terrestres, ils provoquent la controverse. De nombreuses personnes se posent la question du
droit de maintenir ainsi des animaux hors de leur milieu
naturel. C’est effectivement un défi qui mérite d’être revu
régulièrement à la lumière de l’évolution de l’attitude du
public, des progrès technologiques et scientifiques.
Les aquariums ont plusieurs fonctions dans la société :
loisirs, business, recherche scientifique, éducation. En tant
qu’institutions détentrices de connaissances, ils étaient, à
l’origine, orientés vers les questions de classification dans
le cadre de l’exposition des espèces aquatiques. De nos
jours, l’accent est mis sur les communautés écologiques
dans lesquelles ces espèces vivent.
Avec l’augmentation de la concentration des populations humaines en milieu urbain, les hommes se trouvent
de plus en plus déconnectés de la nature. Les aquariums
marins offrent donc aux citadins une chance de se « reconnecter »avec l’environnement marin. Ce n’est que
par ce contact direct avec des créatures vivantes que
les hommes peuvent apprécier pleinement la beauté, la
diversité et la fragilité de la vie marine.
Une meilleure connaissance de la nature inspire un
plus grand respect. C’est pour cela que les aquariums sont
Aquarium de Fukushima, Japon.
21
TRACER LA VOIE
S us aux envahisseurs!
Imène Meliane et Chad Hewitt
Les invasions d’espèces exotiques aquatiques sont parmi
les plus graves menaces pour le milieu marin. Les exemples ne manquent pas, dans le monde entier, pour illustrer
comme il est facile à certaines espèces introduites de
s’établir dans de nouveaux habitats. Sans ennemis naturels, elles sont en mesure de transformer des écosystèmes,
de menacer d’importantes pêcheries commerciales et de
causer d’énormes préjudices aux économies. Les espèces
envahissantes peuvent déclencher des floraisons d’algues
dangereuses, souiller les jetées et les marinas, proliférer sur
les plages et perturber des pêcheries déjà menacées. Dans
certains écosystèmes, elles peuvent devenir si dominantes
qu’il devient difficile de repérer les espèces indigènes.
Les écosystèmes aquatiques et marins sont particulièrement vulnérables aux invasions. Souvent, les
nouveaux envahisseurs marins échappent à la détection,
se répandent rapidement et, une fois établis, se révèlent
difficiles à éradiquer et même à contenir. Tandis que
d’autres menaces écologiques telles que les marées
noires ne résistent pas aux efforts de nettoyage ou à la
reconstitution naturelle, les effets des espèces marines
introduites sont généralement persistants et irréversibles. C’est la raison pour laquelle les instruments qui
traitent des espèces aquatiques envahissantes devraient
se concentrer sur la prévention et la détection rapide des
espèces introduites.
Les données quantitatives montrent que le taux de
bio-invasions continue de croître de manière alarmante
– dans bien des cas, exponentielle – et que de nouvelles
régions sont envahies à tout moment. Il est fort possible
que le problème n’ait pas encore atteint son apogée. De
nouvelles introductions ont lieu régulièrement sur les
côtes de tous les bassins océaniques et provoquent des
dommages immédiats ainsi que la nécessité de consacrer des millions de dollars à la recherche, à la lutte et à
la gestion. Et le problème pourrait bien s’aggraver avec
l’expansion du commerce maritime et la plus grande
vélocité des moyens de transport qui raccourcit le temps
écoulé entre la source et le port d’arrivée.
JOSE ANTONIO MOYA
Le facteur humain
Les effets catastrophiques de l’invasion de Caulerpa en Méditerranée ont
conduit les pays riverains à adopter un plan d’action régional pour faire
face aux introductions d’espèces.
Le groupe de travail sur les espèces
marines envahissantes
Le Groupe de spécialistes des espèces envahissantes (GSEI) de la Commission de la sauvegarde des espèces de l’UICN compte 146 membres, experts
scientifiques et politiques du domaine des espèces envahissantes. Plus de
20 membres ont formé un nouveau groupe de travail exclusivement consacré
aux espèces exotiques envahissantes dans les milieux marin et saumâtre.
Le groupe servira de forum pour l’élaboration de politiques et s’attaquera
à différentes questions y compris les théories des invasions, l’évaluation des
risques, les objectifs et les lignes directrices et la conception d’études et de
systèmes de suivis. http://www.issg.org/
22
La dispersion d’espèces marines dans de nouveaux habitats procède naturellement par l’expansion de l’aire de
répartition d’une espèce au moyen de mécanismes tels
que la migration et le transport sur des courants de débris
marins. La vitesse et l’échelle de ces mouvements ont
toutefois été fortement amplifiées par les débuts de l’exploration humaine, de la colonisation et du commerce.
Beaucoup d’introductions se produisent lorsque des
humains libèrent accidentellement ou intentionnellement des espèces non indigènes – et leurs maladies – dans
des eaux libres ou dans la mer elle-même. La voie la plus
importante est le déplacement autour de la planète de
milliers d’espèces (adultes et larves) attachées à la coque
des navires et embarquées dans les eaux de ballast des
cargos. Les scientifiques estiment que plus de 7000 espèces – flore, faune et micro-organismes – sont transportées
chaque jour dans les eaux de ballast.
D’autres espèces éventuellement envahissantes sont
les poissons et invertébrés ornementaux des aquariums;
les espèces qui servent à la recherche scientifique; les
poissons utilisés pour peupler les étangs privés ou les
pêcheries récréatives (libérés par des inondations et
des barrières qui se rompent); ainsi que les poissons, les
mollusques et les crustacés d’aquaculture.
Le rôle des changements climatiques
Depuis quelques décennies, il faut tenir compte d’un
autre facteur. Alors que l’expansion naturelle d’une aire de
répartition peut se produire en réaction à des conditions
environnementales changeantes, il est clair que les changements climatiques et le réchauffement de la planète
peuvent fortement accélérer le processus.
Par exemple, l’arrivée d’espèces exotiques de l’Atlantique tropical dans la mer Méditerranée, par le détroit
de Gibraltar, est un phénomène relativement commun
depuis quelques décennies. Les scientifiques estiment
que cela reflète l’expansion d’une répartition naturelle
due au réchauffement des eaux de la mer.
Que faire?
La gestion des espèces envahissantes, y compris l’éradication et la lutte, est extrêmement coûteuse, consommatrice
de temps et difficile. Dans certains cas, il faudra peut-être
Planète Conservation 1/2004
BELLA GALIL
La méduse Rhopilema nomadica dans les filets de pêche. Les espèces envahissantes perturbent les pêcheries qui connaissent
déjà des problèmes.
Les obstacles politiques
Il est évident que des programmes de gestion des espèces
envahissantes sont nécessaires qui traitent de tous les
aspects des introductions, que ce soit à l’intérieur ou
au-delà des frontières nationales et aux niveaux local,
national, régional et mondial.
Les espèces et les écosystèmes marins ne connaissent
pas de frontières politiques. Il est donc essentiel d’élaborer
des programmes régionaux et sous-régionaux pour lutter
contre les espèces exotiques envahissantes et faciliter
l’échange d’informations et d’expertise comme c’est le
cas en Méditerranée. Après la propagation de l’algue
Caulerpa taxifolia dans tout le bassin méditerranéen, les
pays riverains ont adopté un plan d’action régional pour
faire face à cette espèce envahissante et aux introductions
d’espèces en Méditerranée.
Malheureusement, lorsque les pays ont réagi, le mal
était déjà fait. Cet exemple illustre l’importance des
systèmes d’alerte et de réaction rapide et la nécessité de
poursuivre la recherche sur les espèces envahissantes et
Planète Conservation 1/2004
la lutte contre ces espèces. Et surtout, il importe d’apprendre comment prévenir les introductions – ce qui est un
moyen beaucoup plus sûr et beaucoup moins coûteux de
gérer le problème – puis de diffuser les connaissances par
l’éducation et la sensibilisation du public.
Imène Meliane est responsable de programme marin
pour le Bureau régional de l’UICN pour l’Amérique
du Sud à Quito.
Chad Hewitt est responsable technique en chef,
Sécurité biotechnologique marine auprès du
ministère néo-zélandais de la Pêche et Coordonnateur du
Groupe de travail sur le milieu marin de l’UICN et du GSEI.
La question des espèces envahissantes dans les récifs
coralliens sera traitée dans le cadre d’un projet soutenu par
la Fondation Total aux Seychelles.
Gérer les eaux de ballast
Le transport international d’espèces
éventuellement envahissantes dans
les eaux de ballast fait l’objet de débats depuis plus de 10 ans au sein
du Comité de protection de l’environnement marin de l’Organisation
maritime internationale (OMI).
Le processus a culminé le
13 février 2004 avec l’adoption de
la Convention internationale pour Passagers clandestins du ballast :
le contrôle et la gestion des eaux zoés de crabes
et sédiments de ballast.
La Convention énonce un régime réglementaire normalisé pour la gestion
mondiale des eaux de ballast et exige de tous les navires qu’ils appliquent
le plan de gestion des sédiments et des eaux de ballast.
Les normes fixées par la Convention sont un compromis entre la rigueur
et le possible. Durant la période d’essai, le suivi sera exercé au moyen d’un
processus d’évaluation dans le but d’apporter des ajustements.
La mise en œuvre de la Convention dans les pays en développement se
fait avec l’aide du Programme Global Ballast Water Management (GloBallast)
du FEM/PNUD/OMI. http://globallast.imo.org/
GLOBALLAST/ROGER STEENE
des décennies, voire des siècles, pour que les écosystèmes
s’en remettent – éventuellement.
L’éradication d’espèces introduites, une fois qu’elles
sont répandues et abondantes, s’est jusqu’ici, soldée par
des échecs dans le milieu marin. Un des rares succès est le
cas de la moule Mytilopsis sallei dans le Territoire du Nord,
en Australie. Proche parente de la moule zébrée connue
pour ses effets catastrophiques dans les eaux douces d’Europe et d’Amérique du Nord, Mytilopsis a été découverte
dans une marina de Darwin durant une inspection de routine du port, dans le cadre d’une étude de suivi scientifique
et d’un système d’alerte rapide. Comme elle a été détectée
rapidement et qu’il y a eu un consensus immédiat entre
les gouvernements et les acteurs pour mettre en place des
mesures de réaction rapide, l’espèce a pu être éradiquée
pour un coût estimé à plus de USD 1,6 million.
Malheureusement, il y a peu d’instruments juridiques
en vigueur pour réglementer les introductions dans le
milieu marin qu’il s’agisse de prévention, de lutte ou
d’éradication.
23
TRACER LA VOIE
T
anzanie : trois chemins qui mènent de
la pauvreté à la prospérité
Andrew K. Hurd et Melita A. Samoilys
Gestion participative de la pêche à Tanga
Aire protégée marine dans la baie de Mnazi –
estuaire de la Ruvuma
La Tanzanie a créé sa deuxième aire protégée marine
en 2000. Situé au sud du pays, le Parc marin de la baie
de Mnazi – estuaire de la Ruvuma couvre une superficie
totale de 668 km2 dans laquelle vivent 30 000 personnes
réparties en 17 villages.
En raison de la grande taille et du grand nombre d’habitants du Parc marin de la baie de Mnazi – estuaire de la
Ruvuma – c’est un plan de zonage multifonctionnel qui
est appliqué pour gérer les ressources marines et côtières.
ERIC VERHEIJ
ERIC VERHEIJ
À Tanga, le déclin des prises de poissons, les méthodes
de pêche destructrices et la coupe illicite des mangroves
ont conduit à élaborer le Programme de mise en valeur
et de conservation de la zone côtière de Tanga, un projet
lancé en 1994 à partir d’une stratégie de développement
préparée par le Programme de l’UICN pour l’Afrique
de l’Est et la Coopération irlandaise au développement
(anciennement Ireland Aid).
Aujourd’hui, une méthode de gestion participative de
la pêche, pilotée par la communauté et basée sur l’utilisateur de la ressource permet aux villages de pêcheurs et aux
pouvoirs publics locaux d’améliorer la gestion des récifs
coralliens, des mangroves et autres ressources côtières au
sein de réserves multifonctionnelles qui portent le nom
de zones de gestion participative (ZGP).
Six ZGP fonctionnent maintenant et couvrent toutes
les eaux côtières de la région de Tanga, au total 1604 km2.
Les villages participants ont volontairement fermé certains récifs pour permettre la reconstitution des stocks de
poissons et des récifs en général et ont pris part au suivi
et à l’application des fermetures.
Cinq ans plus tard, les récifs fermés étaient en meilleur
état que les récifs restés ouverts et la couverture corallienne
ainsi que les densités de poissons étaient en augmentation
dans tous les récifs grâce à la disparition des méthodes de
pêche destructrices et illicites. En outre, les progrès réalisés du point de vue du renforcement des capacités et de
l’établissement d’un climat de confiance mutuelle entre les
communautés locales et le gouvernement ont créé d’excellentes conditions pour améliorer les moyens d’existence
locaux en milieu côtier et garantir la santé de l’écosystème
côtier de Tanga pour les générations futures.
Consultez http://www.iucn.org/places/earo/projs/
tanga.htm
MELITA SAMOILYS
Les pays en développement côtiers tendent à dépendre
de manière disproportionnée de leur diversité biologique
marine et des ressources côtières pour faire marcher leur
économie nationale et pour satisfaire les besoins de subsistance des communautés côtières pauvres.
En Tanzanie, trois approches différentes de la conservation marine sont appliquées. Chacune emprunte
un chemin différent vers un but commun – la gestion
durable des ressources côtières et marines. Chacune, si
elle réussit, contribuera énormément à la réduction de la
pauvreté et à la prévention de la dégradation du capital
de ressources marines.
24
Les communautés de Tanga
participent étroitement à tous les
aspects de la cogestion de leurs
écosystèmes côtiers et marins. De
haut en bas, sens des aiguilles d’une
montre : Des pêcheurs participent au
suivi; apiculteurs dans la mangrove;
application des règlements de pêche
et confiscation de seines illicites.
Planète Conservation 1/2004
Zanzibar : sous l’angle du secteur privé
La plupart des programmes de conservation marine de
Tanzanie sont dirigés par des ONG et des organismes d’aide
au développement qui collaborent avec le gouvernement.
Cependant, une réserve marine privée fête son 10e anniversaire sur une petite île au large de la côte de Zanzibar.
Le Parc corallien de l’île de Chumbe a été fondé par le
gouvernement de Zanzibar en 1994, à l’initiative de Sybille
Riedmiller, sociologue et spécialiste de la conservation,
par l’intermédiaire d’une entreprise privée créée pour
gérer le parc. Le but est de mettre sur pied un modèle de
gestion durable d’une aire de conservation où l’écotourisme soutient la conservation ainsi que l’éducation de la
population locale et des touristes.
Les objectifs ne sont pas commerciaux mais le fonctionnement du parc obéit à des principes commerciaux.
Environ les deux tiers des frais d’investissement, qui
s’élèvent à quelque USD 1 million, ont été financés à titre privé et différents donateurs fournissent le solde. Les
revenus du parc sont investis dans la conservation et la
recherche et servent aussi à enseigner aux communautés
de Chumbe les avantages de la gestion durable des récifs
coralliens. Les pêcheurs locaux sont employés comme
gardes pour surveiller les limites du parc.
Le Parc corallien de l’île de Chumbe est aujourd’hui
reconnu comme un des projets d’écotourisme les plus
avant-gardistes et les plus réussis du monde, dépendant
d’un financement privé : il a gagné différents prix décernés par des organisations internationales et l’industrie
des voyages.
Consultez http://www.chumbeisland.com/
Andrew K. Hurd est Associé de programme marin,
Programme de l’UICN pour le milieu marin.
Melita Samoilys est Coordonnatrice de l’UICN
pour les questions marines en Afrique de l’Est,
basée au Kenya.
Planète Conservation 1/2004
JAVEED JAFFERJEE
CRAIG ZENDEL
Le parc est géré par des employés de l’Unité nationale des
réserves et des parcs marins et fait l’objet d’une surveillance exercée par un conseil d’administration centralisé. Les
représentants des pouvoirs publics locaux et des villages
sont membres d’un comité consultatif du parc.
Pour les gestionnaires, outre la création et le fonctionnement du parc, une des plus grandes difficultés consiste
à empêcher les pratiques de pêche illégales et destructrices
et à trouver et mettre en place d’autres moyens d’existence
pour la population locale qui a toujours utilisé et continue
d’utiliser les ressources du parc pour sa subsistance et ses
activités économiques. Il est difficile de mettre un terme
à l’usage répandu d’engins de pêche illicites tels que les
seines lorsque la coopération et la participation active des
pêcheurs concernés est essentielle au succès du parc.
En 2002, le FEM-PNUD a financé un projet de mise en
valeur du parc et de préparation d’une stratégie pour sa
gestion avec l’aide technique du Programme de l’UICN
pour l’Afrique de l’Est. Dans le cadre du projet, on est
en train de réaliser différentes évaluations socio-économiques et études de la diversité biologique de la région,
de préparer un plan de gestion, des mesures de renforcement des capacités et de sensibilisation et de mettre au
point des activités rémunératrices supplémentaires.
Consultez http://www.iucn.org/places/earo/projs/
mnazi.htm
En haut : les bungalows écologiques de Chumbe. En bas : le garde
Omari avec des écoliers de Zanzibar.
Lutte contre la pauvreté en milieu côtier :
on demande partenaires!
Dans les pays en développement, la conservation de l’environnement nécessite au moins une compréhension globale du contexte
de pauvreté locale, et en particulier des moteurs et manifestations
de l’absence de revenu et de biens autres que le revenu. Une
étude récente sur la pauvreté dans les zones de récifs, intitulée
Poverty and Reefs, a utilisé l’approche des moyens d’existence
pour évaluer la valeur plus générale et plus qualitative des récifs
coralliens pour des communautés côtières vulnérables.
Une des conclusions intéressantes est qu’à moins de comprendre et de résoudre la multitude de problèmes que rencontrent
les communautés côtières pauvres, par exemple l’isolement du
pouvoir politique, l’absence d’organisations locales, l’infrastructure et les services sociaux insuffisants et la vulnérabilité aux variations saisonnières, les populations côtières ne peuvent profiter
des possibilités et des incitations qu’offrent des projets conçus
pour promouvoir la conservation des ressources naturelles.
L’étude estime que la conservation des récifs coralliens ne peut
remplir ses objectifs si l’on ne comprend pas mieux les questions
relatives à la pauvreté et aux moyens d’existence durables des
populations qui dépendent des récifs.
Toutefois, l’expérience de la Tanzanie, entre autres, a montré
que l’allégement systématique de la pauvreté des communautés
locales dépasse les possibilités de la plupart des programmes,
qu’ils soient publics ou privés, conçus pour conserver les ressources marines et côtières. Pour s’attaquer à la pauvreté en
milieu côtier, il faut une approche complète, à long terme et
générale, une approche qui établit des partenariats solides entre
les organisations de conservation et les autres partenaires du
développement. Ces partenariats sont mutuellement bénéfiques
– les outils de conservation marine soutiennent les moyens
d’existence côtiers tandis que les améliorations dans d’autres
secteurs de développement tels que la gouvernance, l’éducation
et l’infrastructure créent un environnement porteur qui aide les
mêmes outils à réussir.
25
UICN/CARL GUSTAF LUNDIN
LES RIVAGES FUTURS
La gouvernance de l’océan doit être appliquée. Photo : la police de la pêche chinoise appliquant les règlements sur la pêche.
international de la mer :
D roit
de la rétrospective à la prévoyance
Lee A. Kimball
Pour mesurer le succès du droit international de la mer,
il suffit d’imaginer dans quel état seraient nos pêcheries
ou nos eaux côtières s’il n’existait pas. Mais qu’en est-il,
en réalité, de son efficacité? L’ennui c’est que, généralement, lorsqu’on adopte des règles de droit national et
international, les problèmes sont déjà là.
Avec le recul, les incidences cumulatives du développement côtier et de la pollution tellurique sur le milieu
marin ne sont pas évidentes, et peut-être même encore
peu comprises, car les premières évaluations mondiales
datent seulement des années 1980. Et il y a encore moins
de temps que l’on reconnaît l’état déplorable des pêcheries mondiales.
À ce jour, il est probable que le plus grand succès du
droit international de la mer soit d’avoir maîtrisé la pollution marine provenant des navires grâce à un ensemble
de conventions élaborées sous les auspices de l’Organisation maritime internationale (OMI). La mauvaise
nouvelle, c’est que la pollution provenant des navires ne
représente pas plus de 12% de la pollution marine, alors
que près de 80% peuvent être attribués à des sources
telluriques.
Aujourd’hui, la communauté internationale essaie au
moins de prévoir les conditions et les tendances marines
26
afin de préparer sa réaction avant que les problèmes ne
lui échappent.
Les enjeux techniques sont déconcertants. À mesure que
l’on met au point de nouvelles technologies pour réduire les
incidences écologiques (par exemple, les prises accidentelles
dans les opérations de pêche ou les déversements d’eau de
pluie dans les systèmes municipaux de gestion des eaux
usées), d’autres progrès technologiques créent de nouveaux
problèmes en augmentant la capacité humaine d’exploiter
les ressources de l’océan (par exemple, exploitation des poissons démersaux ou des minerais des grands fonds). Le droit
de la mer, pour rester à flot, subit d’énormes pressions.
Où aborderons-nous ?
Le droit international de la mer est placé devant deux
grands défis. Dans le cadre de la juridiction nationale, il
s’agit de maîtriser la pollution d’origine tellurique et de
trouver un accord sur la conservation des ressources dans
la zone économique exclusive (ZEE) des 200 milles où se
pratique environ 70% de la pêche. Pourtant, la plupart des
États rechignent à accepter des engagements internationaux précis sur l’une et l’autre questions.
Au-delà de la juridiction nationale, le rôle des accords
internationaux est encore plus vital. Peu de pays acceptent
Planète Conservation 1/2004
LES RIVAGES FUTURS
de limiter leurs propres activités à moins que d’autres États
n’en fassent autant, comme c’est le cas pour le transport
maritime international. La crise la plus immédiate est
celle de la gestion des pêcheries internationales – où les
pêcheries non réglementées se conjuguent à la pêche illicite, non réglementée et non déclarée (IUU) pour décimer
les stocks de poissons et porter préjudice à la biodiversité
marine (voir page 8).
Cependant, les impacts anthropiques croissants exposent au grand jour les liens entre les États – stocks de
poissons transfrontières ou pollution, espèces migratrices
ou écosystèmes partagés – de sorte que les avantages des
accords internationaux se font aussi plus apparents. Ces
accords encouragent la mise en commun des données de
recherche pour améliorer l’évaluation, l’échange d’informations sur ce qui fonctionne et pourquoi, les initiatives
conjointes et rentables, et les solutions équitables et harmonisées. Les engagements internationaux aident aussi
à mobiliser l’appui pour les pays qui ne disposent ni du
savoir-faire, ni des ressources financières nécessaires pour
les appliquer et les faire respecter.
La Convention sur le droit de la mer
La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer
(UNCLOS), entrée en vigueur en 1994, est le cadre universellement accepté, du droit international de la mer. Le texte
encourage d’autres accords, à tous les niveaux. Les régions
qui se trouvent à l’intérieur des ZEE nationales ou qui sont
contiguës, mettront sans doute l’accent sur les accords régionaux qui intègrent mieux la gestion des pêcheries avec
la protection des habitats et de l’environnement marins sur
la base de l’écosystème, au moyen d’accords qui reflètent la
gestion écosystémique des pêcheries et par une meilleure
coordination entre les organismes responsables des mers régionales et des pêcheries régionales. Les réseaux nationaux
et régionaux d’aires protégées marines (APM) seront une
pierre angulaire vitale de cette activité de conservation.
Pour les régions qui se trouvent au-delà de la juridiction
nationale, l’Accord de 1995 sur les stocks chevauchants et les
stocks de poissons grands migrateurs (Accord sur les stocks
de poissons-ASP), négocié sous les auspices de l’UNCLOS
couvre la majeure partie des pêcheries de la haute mer mais
ne s’applique pas aux stocks de poissons distincts qui, on
le sait maintenant, se concentrent autour de reliefs sousmarins particuliers tels que les monts sous-marins et les
dorsales, en dehors de toute juridiction nationale (ce sont
des stocks de poissons qui ne sont ni chevauchants ni grands
migrateurs).
Il est temps de procéder à une
expansion de l’ASP afin de couvrir ces
populations et d’accélérer l’élaboration
d’accords régionaux pour les conserver
et les gérer, en s’appuyant sur le cadre
de l’UNCLOS.
En outre, beaucoup d’organisations
de gestion régionale de la pêche doivent
encore intégrer le principe de précaution
et l’approche par écosystème énoncés
dans l’ASP ou ses dispositions renforçant l’application en haute mer. Il serait
bon de viser à remplir ces objectifs d’ici
à 2006 lorsque se réunira la conférence
d’évaluation de l’ASP. Celle-ci pourrait
aussi recommander que soient précisés
Planète Conservation 1/2004
le principe de précaution et l’approche par écosystème de
l’Accord pour guider la conduite de nouvelles pêcheries
ou de pêcheries exploratoires, et définir des zones où les
activités de pêche seraient soit rigoureusement gérées soit
interdites pour protéger la diversité biologique, garantir la
pérennité des pêcheries et maintenir l’intégrité, la structure et le fonctionnement des écosystèmes.
Au-delà des pêcheries internationales
Une des nouvelles «recrues» prometteuses, parmi les
accords de droit international sur la mer, est l’adoption récente d’une Convention internationale pour le contrôle et
la gestion des eaux et sédiments de ballast (13 février 2004)
qui s’attaque aux effets éventuellement dévastateurs de
la propagation d’organismes aquatiques envahissants et
nocifs transportés dans les eaux de ballast des navires.
Les dommages causés à la diversité biologique des
grands fonds par les incidences physiques de la recherche scientifique marine et de la prospection pour des
ressources génétiques marines soulèvent d’autres inquiétudes. Les forums internationaux sur les océans et
la biodiversité commencent tout juste à s’interroger sur
les moyens de répondre à ces inquiétudes dans le cadre
du droit international de la mer. La mise au point d’un
code de conduite volontaire sur l’utilisation durable des
bouches hydrothermales par les chercheurs et les agents
de tourisme est actuellement au centre des activités d’un
groupe de travail.
Le problème de l’application des règlements en haute
mer pour lutter contre les activités illicites des navires va
bien au-delà de la pêche illicite. Il faut une action concertée pour garantir que les États du pavillon contrôlent
plus efficacement leurs navires. Cela doit être renforcé
par une inspection au port et une application des règlements beaucoup plus stricte. Les technologies modernes
de l’information et de la communication doivent servir à
mettre à jour et à relayer l’information en temps réel sur
l’enregistrement des navires, le propriétaire, l’armateur,
l’assurance, la certification, l’inspection et les résultats
des systèmes de surveillance des navires.
L’exercice des libertés en haute mer ne donne pas le droit
d’agir en toute impunité; il est soumis aux obligations de
coopérer avec les autres États, de protéger et de préserver le
milieu marin et de conserver les ressources marines biologiques. Nous ne devons pas seulement améliorer notre respect
du droit international de la mer en vigueur mais aussi prévoir
l’expansion des utilisations de l’océan, en particulier au-delà
de la juridiction nationale et concevoir
de nouveaux accords pour compléter le
cadre de l’UNCLOS.
Lee A. Kimball est Conseiller auprès
du Programme de l’UICN pour le milieu
marin en matière de gouvernance des
océans et d’institutions internationales.
À lire : International ocean
governance: using international law
and organizations to manage marine
resources sustainably. 2e éd. rév.
Kimball, Lee A. UICN, 2003. Anglais
et espagnol. ISBN 2-8317-0630-3, xii
+ 123 p. £20. CD-ROM : ISBN 2-83170617-3. Bons de commande anglais :
B1121 ; espagnol : B1172
27
JOSE ANTONIO MOYA
LES RIVAGES FUTURS
Depuis 10 ans, on observe une accélération spectaculaire de la fonte des glaces polaires.
prix à payer pour les changements
L eclimatiques
Herman Cesar
La presse tend à présenter le réchauffement climatique
comme un phénomène à long terme, donnant l’impression
que nous avons tout le temps de vérifier les preuves
scientifiques et de concevoir des stratégies et technologies
pour y remédier. Mais les scientifiques et les chercheurs
qui modèlent le climat commencent à peindre un tableau
bien différent. Il faut s’attendre bientôt à des changements
spectaculaires et abrupts. Bien sûr, pour la Terre, il n’y a
rien de nouveau. Des données obtenues récemment dans
l’Arctique montrent qu’il y a déjà eu, par le passé, des
changements brusques des températures moyennes.
Le déplacement des courants océaniques
Les océans et l’atmosphère terrestre sont intimement liés.
Nous en prenons conscience périodiquement à travers les
répercussions d’El Niño sur tout le système climatique,
les écosystèmes et les communautés humaines, même
loin à l’intérieur des continents. Une des nombreuses
catastrophes associées au phénomène El Niño de 19971998 a été l’inondation de villages côtiers de Colombie,
qui a obligé à réinstaller les populations.
Les échanges océan-atmosphère ne se font pas vraiment sur un pied d’égalité. Les vents aident à diriger les
courants marins et les échanges thermiques, humides et
Gulf Stream
28
gazeux avec l’eau, toutes interactions qui sont à l’origine
de changements météorologiques à court terme. Les
océans, pour leur part, exercent une influence beaucoup
plus lente et beaucoup plus durable sur le climat.
On pensait que les fonds océaniques étaient à l’abri
des échanges de surface. Or, il y a de quoi s’inquiéter : au
début de l’année, une équipe de scientifiques japonais et
canadiens a confirmé que les eaux les plus profondes du
Pacifique nord s’étaient réchauffées à l’échelle du bassin
entier (Nature 427, 825-827; 2004).
Le Gulf Stream en partance pour le sud
Il est un scénario perturbant et de plus en plus crédible
qui concerne le Gulf Stream, cette gigantesque courroie
de transmission océanique qui apporte la chaleur de
l’Atlantique tropical aux rives de la côte est des États-Unis,
du Royaume-Uni et de l’Europe. En bref, la théorie veut que
la fonte de la calotte polaire arctique déplace la courroie
vers une route plus méridionale et entraîne un refroidissement spectaculaire de l’Europe (voir schéma ci-dessous).
Certains estiment qu’il s’agit d’un scénario du pire –
donc improbable. Pourtant, cela s’est déjà produit : une
fois, il y a environ 13 000 ans, à la fin du dernier âge glaciaire, lorsque l’arrêt de la courroie de transmission a
plongé l’Europe dans 1300 années
supplémentaires de climat glacial.
Il y a 8200 ans, un changement
brusque de la circulation océanique a refroidi et asséché la Terre
durant environ un siècle.
Le risque est réel que d’ici 2030,
les changements climatiques
provoquent un déplacement vers le
sud de la «courroie de transmission»
de l’Atlantique qui transporte la
chaleur des tropiques vers le
nord de l’océan. Flèches bleues :
aujourd’hui; flèches rouges : 2030.
Flèches claires : courants chauds
peu profonds; flèches sombres :
courants froids profonds.
Planète Conservation 1/2004
LES RIVAGES FUTURS
Blanchissement des coraux. Les récifs coralliens sont
tout particulièrement sensibles aux changements climatiques et «blanchissent » souvent (c’est-à-dire qu’ils perdent
leurs algues symbiotiques) en réaction au stress thermique
associé à d’autres facteurs. En 1998, 75% des récifs coralliens
du monde ont été affectés par le blanchissement et 16% en
sont morts. Pour la première fois dans l’histoire de l’homme,
nous avons pu assister à la destruction d’un écosystème à
l’échelle mondiale par suite de changements climatiques
(voir encadré).
La production halieutique est un des nombreux services écosystémiques qui disparaît lorsqu’un récif meurt.
Près de 500 millions de personnes vivent à moins de 100
kilomètres de récifs coralliens et beaucoup dépendent
directement des récifs pour leur subsistance quotidienne
et/ou pour leur revenu. Dans l’océan Indien central, il a
été démontré que le blanchissement avait une incidence
directe sur 90% des communautés de petits pêcheurs traditionnels. Des études initiales estiment que des récifs morts
et en désagrégation peuvent perdre 50% de leur valeur
halieutique. Dans l’océan Indien, l’épisode de blanchissement corallien de 1998 aurait coûté jusqu’à USD 8 milliards,
du point de vue de la pêche et du tourisme ainsi que de la
réduction de la protection des littoraux.
Élévation du niveau des mers. Le niveau des océans
pourrait s’élever d’un mètre dans les cent prochaines années (50 cm est l’hypothèse « la plus plausible ») mettant
en péril 200 millions de personnes.
Beaucoup de pays insulaires des océans Pacifique et
Indien ne se trouvent qu’à quelques mètres au-dessus du
niveau de la mer et dépendent donc tout particulièrement
des récifs coralliens qui forment des barrières naturelles.
Les incidences des changements climatiques seraient surtout sévères pour les îles dont l’exposition naturelle à ces
phénomènes serait renforcée par l’urbanisation croissante,
la prolifération d’établissements sauvages, la dégradation
des écosystèmes côtiers et l’expansion rapide de l’infrastructure côtière. Dans le Pacifique, Tuvalu et Kiribati sont
particulièrement en danger et n’ont que peu de possibilités
de s’adapter aux circonstances changeantes.
Sur les continents, les côtes basses courent également
un risque bien que, dans leur cas, l’image soit souvent compliquée par la subsidence côtière résultant de l’extraction
d’eau douce (par exemple, le delta du Nil, Bangkok).
Météorologie extrême. Selon les scientifiques, un réchauffement de l’atmosphère aggravera les sécheresses et
les incendies forestiers dans certaines régions et provoquera
des typhons, des ondes de tempête et des inondations
beaucoup plus dévastatrices dans d’autres.
Ces prédictions sont confirmées par les statistiques : les pertes économiques moyennes dues à des événements climatiques
extrêmes ont été multipliées par six depuis
les années 1960 et, en 2003, ont atteint USD
60 milliards. Les inondations de 2003 en
Inde, au Bangladesh et en Chine ont tué
des centaines de personnes parmi les plus
pauvres du monde et en ont marginalisé des
centaines de milliers d’autres.
Qui paie le prix?
Selon les modèles les plus prudents, ce sont
les communautés vivant sur des îles et des
littoraux bas qui subiront les plus graves conséquences
des changements climatiques durant les cent prochaines
années. Certes, les pays industrialisés subiront les coûts les
Planète Conservation 1/2004
plus élevés pour les dommages causés à l’infrastructure et
les préjudices financiers mais ce sont les populations des
pays en développement qui sont physiquement et économiquement les plus vulnérables.
Chacun des principaux effets environnementaux des
changements climatiques aura une incidence disproportionnée sur les communautés démunies qui dépendent
fortement et directement des ressources naturelles et qui
n’ont guère de filets de sécurité économiques. Une étude
récente a, par exemple, prévu des pertes annuelles de 13,8%
du PIB total de la région des Caraïbes.
Que pouvons-nous faire?
Lorsque des populations animales sont confrontées à des
changements environnementaux soudains, elles doivent
soit s’adapter, soit émigrer, soit mourir. L’homme est placé
devant le même choix. Sauf changement de situation miraculeux, l’adaptation et le déplacement sont les seules
options acceptables. Toutes deux sont extrêmement coûteuses, exigeantes du point de vue technique, et politiquement controversées.
Dans toute notre histoire, nous, les êtres humains,
n’avons jamais été dans une situation où il faut agir de
toute urgence, à l’échelle mondiale, pour relever un défi
environnemental qui est, pour la plupart d’entre nous,
littéralement incompréhensible.
À mesure que nous progressons dans ce que l’on appelle
aujourd’hui «l’ère de l’Anthropocène » nous pouvons au
moins commencer à étudier comment réagir à la vulnérabilité
croissante de ceux qui se trouvent sur la ligne de front – ces
communautés qui dépendent d’un accès immédiat aux ressources naturelles. Ne pas le faire reviendrait à nous cacher la
tête dans le sable tandis que les vagues nous engloutissent.
Herman Cesar est un économiste de l’environnement
qui travaille à l’Institut des études environnementales de
l’université Vrije à Amsterdam (www.vu.nl/ivm). Il possède
également sa propre firme conseil, Cesar Environmental
Economics Consulting (www.ceec.nl).
Pour un compte rendu complet sur les changements
climatiques, voir http://www.climateark.org/
La mort des coraux dans l’océan Indien
L’océan Indien a perdu entre 50 et 95% de ses récifs coralliens en deux
mois durant le phénomène de blanchissement de masse de 1998. Les récifs
soutiennent de vastes secteurs de la population et de l’économie nationales
à travers la pêche artisanale, le tourisme et les investissements à grande échelle.
CORDIO, Coral Reef Degradation in the Indian Ocean, est un
programme régional et pluridisciplinaire de suivi et d’évaluation
lancé en 1999 pour étudier les conséquences écologiques et
économiques du phénomène de 1998. Le programme est actif
dans 11 pays de l’océan Indien occidental. CORDIO a récemment signé un accord de collaboration avec le Programme de
l’UICN pour le milieu marin concernant des activités s’étendant
sur l’Afrique de l’Est et l’Asie du Sud. Soutenu par l’Autorité
suédoise pour la coopération au développement, le Fonds
néerlandais de la Banque mondiale, le gouvernement de la
Finlande, l’UICN et le WWF, CORDIO est un élément majeur
du GCRMN, le Réseau mondial de suivi des récifs coralliens
(voir page 10).
– Olof Lindén, Coordonnateur, CORDIO
http://www.cordio.org
29
LES RIVAGES FUTURS
Programme de l’UICN pour le milieu
L emarin
: de la nécessité à l’action
Carl Gustaf Lundin
Dans les pages qui précèdent, nous avons touché un
certain nombre d’aspects du travail de l’UICN et de ses
nombreux partenaires dans le domaine marin : espèces
marines, espèces exotiques envahissantes et pêcheries,
coraux d’eau froide et d’eau chaude, rôle des aquariums
marins et gouvernance mondiale de l’océan.
Nous construisons un réseau d’APM représentatives à
l’échelle mondiale, qui englobent la haute mer, c’est-à-dire
les 80% de la biosphère qui, actuellement, ne reçoivent
aucune protection, tout en renforçant la gestion d’APM
particulières telles que le Bien du patrimoine mondial
d’Aldabra, aux Seychelles. Dans le droit fil de la Mission de
l’UICN, nous avons donné plus de poids à la gestion qui
tient compte des populations côtières pauvres. Nous avons
renforcé les orientations politiques de l’UICN en contribuant à la préparation et à la négociation d’instruments
internationaux pour le milieu marin et à la conception de
leurs organes de gestion. Nous appliquons l’«approche par
écosystème» à la gestion, à différentes échelles, comme
on peut le voir dans l’élaboration et la mise en œuvre
de portefeuilles de projets pour les grands écosystèmes
marins qui comprennent actuellement plus de 15 projets
pour un budget de plus de USD 600 millions.
l’environnement. Pour les questions marines, cela comprend les conseils fournis à des conventions relatives à
la diversité biologique telles que la CITES et la CMS pour
l’inscription d’espèces marines, ou la participation aux
audiences du Comité des pêches du Parlement européen
à propos de la pêche hauturière.
Jeter des passerelles
Le statut d’observateur de l’UICN auprès de l’Assemblée
générale des Nations Unies permet à l’Union de jeter des
passerelles entre les nations et leurs ministères concernés,
d’une part, et les ONG de l’environnement qui réclament
des réformes politiques, d’autre part.
Le rôle de médiateur de l’Union, lui permet d’associer
des représentants du secteur privé à ses travaux – des petits pêcheurs aux grandes entreprises de pêche, des firmes
de bioprospection marine à l’industrie pétrolière.
Préserver les ressources
Nous nous efforçons d’appliquer l’expertise de l’Union à
l’élaboration de nouvelles approches des droits des usagers
et des droits de propriété. Nous prenons pour principe que
la santé à long terme de l’écosystème est une préoccupation
fondamentale des usagers des ressources et incite ceux-ci à
abandonner les formes d’exploitation qualifiées de «tragédie des biens communs» qui ont dégradé tant d’écosystèmes. Les travaux du Groupe européen d’utilisation durable
de la Commission de la sauvegarde des espèces (CSE) de
l’UICN concernant la pêche sont une des contributions qui
améliorent la gestion des ressources de la pêche.
Les forces de l’Union
Les forces de l’Union résident dans son aptitude à déterminer les besoins dans une perspective mondiale et à les
traduire en actions, tant au niveau mondial – par exemple
par le biais des processus relatifs à la CDB – qu’au niveau
local - par la mise en œuvre de projets.
Depuis plus d’un demi-siècle, un des rôles fondamentaux de l’UICN consiste à appliquer des connaissances
scientifiques et une compréhension technologique
dans les domaines de la conservation et de la gestion de
IFM-GEOMAR/RORY WILSON
Tempêtes à l’horizon
Les manchots papous sont équipés d’émetteurs autonomes qui
fournissent des informations sur leurs mouvements et activités
ainsi que sur l’état de l’environnement, là où ils se trouvent.
30
Deux nouvelles menaces planent sur le milieu marin. Elles
ont été décrites dans les pages précédentes et donnent à
l’UICN et à ses partenaires un nouveau sens d’urgence
et d’engagement. Dans les deux cas, notre réaction sera
fermement ancrée dans les résultats de la communauté
scientifique.
Les pratiques de pêche destructrices dévastent les
écosystèmes fragiles des grands fonds, y compris les récifs
coralliens. Heureusement, il existe des mesures immédiates que la communauté mondiale peut prendre de toute
urgence pour enrayer cette destruction et la disparition
d’écosystèmes entiers (voir pages 8 et 9). Dans les réseaux
de l’UICN, des efforts ciblés sont consacrés à ce problème
et les perspectives de le résoudre dans les années qui
viennent sont bonnes. Pour ce faire, il faudra encourager
une meilleure compréhension des décideurs.
S’attaquer aux effets des changements climatiques
dans le milieu marin est une question beaucoup plus
complexe et controversée. Compte tenu de l’intransigeance des décideurs qui mettent encore en doute les
preuves scientifiques, nous nous efforçons de défendre
notre cause avec des connaissances et des preuves, notamment dans le cadre du suivi des récifs coralliens réalisé
par CORDIO et le GCRMN (voir pages 10 et 29).
Mais il ne suffit pas de décrire les événements. Il nous
faut de meilleurs outils pour prévoir les changements et
Planète Conservation 1/2004
leurs conséquences probables sur les écosystèmes; il nous
faut des outils pour atténuer les effets des changements
climatiques dans l’écosystème marin et sur les populations côtières; il nous faut mettre au point des outils
pour la gestion à grande échelle des océans, y compris
pour réagir au déplacement éventuel de la courroie de
transmission mondiale (voir pages 28 et 29).
Le défi est immense et appelle des solutions originales
et même extrêmes. Par exemple, nous devrions envisager de
rédiger des protocoles internationaux relatifs au piégeage
de vastes quantités de CO2 dans les océans par l’utilisation
d’engrais-retard. Dans ce domaine, les travaux de la Commission du droit de l’environnement, par l’intermédiaire
de son Groupe du droit et de la gouvernance de l’océan,
seront particulièrement importants (voir encadré).
Une Union vraiment mondiale
Il est temps pour l’UICN de cesser d’être l’Union mondiale
pour la nature terrestre et de devenir un véritable réseau
mondial qui traite des besoins de conservation en tout
lieu, y compris dans les 95% de la biosphère formés par
le milieu marin.
Nous devons nous prévaloir de ce que nous avons
appris de nos échecs passés pour construire de nouvelles
structures de gestion du milieu marin et mettre équitablement en valeur le milieu océanique, dans l’intérêt de
tous les êtres vivants.
Il faudra pour cela faire des compromis et des choix difficiles. L’adoption de systèmes de gestion transparents et démocratiques est notre meilleure chance, peut-être la seule.
Carl Gustaf Lundin est Chef du Programme
de l’UICN pour le milieu marin.
Personnel du Programme
pour le milieu marin
Siège
Carl Gustaf Lundin,
Chef
James Oliver,
assistant
communication
Kirsten Martin,
responsable de
programme marin
Cherry Sword,
assistante
administrative
Andrew K. Hurd,
associé
Programme marin
Méditerranée
François Simard,
coordonnateur
Programme marin
Claudiane Chevalier,
juriste
Ameer Abdulla,
responsable de
programme marin
États-Unis
Nouveau groupe sur le droit
de l’océan
La Commission du droit de l’environnement de l’UICN vient
d’approuver la création d’un Groupe de spécialistes du droit
et de la gouvernance de l’océan dont les priorités sont :
➤ soutenir les contributions de l’UICN à la gouvernance
internationale de l’océan, y compris au Processus
consultatif informel sur les océans et le droit de la mer
des Nations Unies;
➤ traiter les questions de gouvernance des régions situées au-delà de toute juridiction nationale, y compris
l’exploitation minière des fonds marins et la biodiversité de la haute mer;
➤ renforcer les accords/arrangements mondiaux relatifs
aux pêcheries durables et au contrôle de la navigation,
des activités telluriques et des activités qui ont lieu sur
les fonds marins;
➤ faciliter l’apprentissage interrégional et l’élaboration
progressive de la coopération régionale;
➤ renforcer les arrangements juridiques et institutionnels
régionaux à la lumière des principes clés du développement durable tels que l’intégration, la précaution, la
prévention de la pollution, la gestion par écosystème
et la participation du public.
Le premier sous-groupe, le Groupe de spécialistes
du droit de la mer relatif à la Méditerranée est déjà actif et
d’autres sous-groupes devraient être créés.
– David VanderZwaag, Président du Groupe de
spécialistes du droit et de la gouvernance de l’océan et
titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur le droit
de la mer et la gestion des océans, Programme marin et
du Droit de l’environnement, Université Dalhousie
Planète Conservation 1/2004
Kristin L. Sherwood,
responsable de
programme marin
Lee A. Kimball,
conseiller en gouvernance
de l’océan et institutions
internationales
Brésil
Marcio Barroso Santa
Rosa, conseiller technique
en chef, projet TAGUBARbaie de Guanabara
Afrique de l’Est
Melita A. Samoilys,
coordonnatrice régionale,
Écosystèmes marin
et côtier
Pologne
Kristina M. Gjerde,
conseillère pour les
politiques de la haute mer
Amérique du Sud
Imène Meliane,
responsable de
programme marin
Asie du Sud
Jerker Tamelander,
coordonnateur milieu marin
31
PUBLICATIONS
Ouvrages sur la mer
How is your MPA doing? A Guidebook of
Natural and Social Indicators for Evaluating
Marine Protected Area Management
Effectiveness.
Un guide publié par la CMAP/ UICN, le WWF
et la NOAA sur les indicateurs biologiques,
socio-économiques et de gouvernance spécifiques de mesure de l’efficacité des actions de
gestion pour la réalisation des buts et objectifs
des APM.
ISBN 2-8317-0735-8, 2004; xvi + 216 p.,
ill; £16,50, USD 24,75. Bon de commande
No B2016
Towards a Strategy for High Seas Marine
Protected Areas,
Kristina Gjerde, Charlotte Breide.
Bien qu’il s’agisse du plus vaste habitat de la Terre,
la haute mer n’est toujours pas représentée dans
un réseau mondial d’aires protégées. En 2003, 38
experts mondiaux se sont réunis à Malaga, en Espagne, afin d’esquisser un ensemble de mesures
qui permettront de rectifier cette situation.
ISBN 2-8317-0732-3, 2003, ix + 181 p., ill.
Gratuit + frais d’envoi et d’emballage. Bon de
commande No B2031
De la Commission de la sauvegarde des espèces
Les publications de la Commission de la sauvegarde des
espèces de l’UICN contiennent une multitude d’informations sur les espèces marines telles que les dauphins,
les dugongs, les oiseaux d’eau, les loutres, les phoques,
les ours blancs, les esturgeons et les strombes géants.
Pour une liste complète, voir http://www.iucn.
org/themes/ssc/publications.htm ou consulter le
World Conservation Bookstore http://www.iucn.
org/bookstore/
CD-ROMs
La diversité biologique et la taxonomie
dans l’océan Indien
Ces cinq guides interactifs d’identification
des coraux, des crabes, des échinodermes,
des poissons, des mangroves et des herbiers
marins et des coraux mous de l’océan Indien peuvent être demandés au Programme
de l’UICN pour le milieu marin
Courriel : [email protected]
Prix : 10 euros le CD.
Publications en cours d’impression et en ligne sur le milieu marin
Consultez le IUCN Bookstore pour des publications sur les milieux marin et côtier.
http://www.iucn.org/bookstore/Marine-and-Coastal-index.htm
Pour les publications téléchargeables en PDF, consultez :
http://www.iucn.org/themes/marine/pubs/pubs.htm
http://www.iucn.org/themes/wcpa/pubs/biomes.htm#marine
32
Status of coral reefs of the world: 2002
Édité par Clive Wilkinson
27% des récifs coralliens de la planète ont disparu
et 14% devraient disparaître d’ici 10 à 20 ans. Ce
sont les prévisions du document qui fait le plus
autorité sur la santé des récifs coralliens et qui
est publié par le Global Coral Reef Monitoring
Network (GCRMN) en partenariat avec l’UICN,
entre autres.
ISBN 0-642-32216-3, 2002, x + 378 p., cartes. À
commander à Science Communication, Australian
Institute of Marine Science, PMB No 3, Townsville
Mail Centre, Townsville Q 4810, Australie. Courriel :
[email protected]
Guidelines for Marine Protected Areas
Édité et coordonné par Graeme Kelleher, Directeur
de collection : Adrian Phillips
Destinées aux décideurs, planificateurs et gestionnaires, ces lignes directrices présentent les
mesures à prendre pour créer des APM efficaces
depuis les tout premiers stades de la planification
jusqu’à la mise en œuvre.
ISBN 2-8317-0505-3, 1999, xxiv + 107 p., cartes
en couleur. £16,50, USD 24,75. Bon de commande
No B542
Marine and coastal protected areas: a guide for
planners and managers, 3e éd.
Rodney V. Salm; John R. Clark; Erkki Siirila
Édition mise à jour du manuel classique sur la
gestion des aires protégées marines (APM) dans
les tropiques. Il reflète de nouvelles approches
de la gestion des APM telles que des mécanismes
originaux de financement, des partenariats avec
le secteur privé et les ONG et la cogestion entre les
gouvernements et les communautés côtières.
ISBN 2-8317-0540-1, 2000, xxi + 370 p., ill.
£20,50. Bon de commande No B563
World Atlas of Seagrasses
Edmund P. Green et Frederick T. Short
Publié en association avec le WCMC-PNUE par
University of California Press.
Les herbiers marins, groupe d’environ 60 espèces
de plantes à fleurs sous-marines poussent dans les
milieux marins estuariens et peu profonds de tous
les continents à l’exception de l’Antarctique. Ils
constituent une source alimentaire primaire pour
de nombreuses espèces marines et jouent un rôle
important dans la production halieutique Cet atlas
offre une synthèse mondiale complète de la répartition et de l’état des habitats marins critiques.
ISBN 0-520-24047, 2003, xii + 298 p., ill. £39,95.
Bon de commande No 2052
Planète Conservation 1/2004