Chez Boo - Collège au cinema 77

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Chez Boo - Collège au cinema 77
Chez Boo
Première visite chez Boo
L’annonce de la défense de Tom arrive à 16 mn. Le juge arrive de nuit, comme
s’il venait faire une proposition honteuse. Le montage relie ces deux hommes : les
deux sont au ban de la société. Ils sont intrinsèquement liés : on a peur d’eux, on les a
jugés avant même de les écouter, on ne les voit pas. Ils cristallisent les peurs.
Commenter la musique. Cf Bernstein : « Boo Radley est deux choses pour ces
enfants, mais ce qui est drôle c’est que les enfants adorent avoir peur. Je l’ai vraiment
exprimé à leur première intrusion chez les Radley. La musique est un peu exagérée,
presque gothique. Elle est démesurée. Mais elle illustre ce que les enfants ressentent
vis-à-vis de lui. Une autre chose que les enfants adorent –et j’ai beaucoup joué làdessus-, c’est le mystère de tout cela. Qui était Boo Radley et que se passait-il dans
cette maison ? J’ai fait quelque chose comme ça [il tape d’un doigt sur son piano]. Ce
qui est une sorte de mystère infantile qui en dit peu mais qui pose une question ».
1ère image : c’est Jem qui prend la place de son père devant la maison.
L’allusion au « fantôme gris » et à « Tom Swift » pas innocente : elle rappelle le
jeu perpétuel des enfants, bien sûr, mais leur donne une image de justiciers, d’êtres
éclairés (comme la suite du film va le montrer).
- The Phantom : personnage de fiction et série de comics américains. Créé en
1936 (léger anachronisme ?) par Lee Falk (créateur de Mandrake), et
racontant les histoires d’un justicier costumé et masqué
- Tom Swift : nom du personnage central de cinq séries américaines pour
enfants représentant un total de 100 volumes : de la science-fiction pour
enfants, de romans d’aventure centrés sur la science, l’invention et la
technologie.
Scout se place dans une roue, et apparaît à la fois forte et fragile. Elle est
comme prise au piège de la roue (voir le rôle de la musique qui s’accélère et crée une
certaine tension, c’est aussi une musique joyeuse : on est dans le jeu enfantin). Le
danger se lit dans le regard hors-champ des enfants (il est intéressant de travailler
avec les élèves sur comment le hors-champ participe à créer la peur).
Il y a une métaphore de l’enfance insouciante. Les enfants adorent se faire
peur.
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On peut y voir une autre métaphore : c’est la roue du destin qui amène Scout
là-bas. Elle est inconsciente du danger et s’amuse. On peut raconter aux élèves cette
anecdote : Phillip Alford, -Jem- a failli tuer Mary Badham –Scout- en poussant
volontairement la roue contre le poteau. Nous on voit un danger : le poteau. Mais
pas la maison de Boo.
On peut étudier avec les élèves le changement de musique une fois que Scout
est au pied des marches : la musique souligne la peur des enfants.
Faire attention au cadrage : un arbre bouche la vue, la maison est imposante :
Scout ne peut pas s’échapper. Des ombres dessinent une menace au sol.
Jem reprend le rôle du père : il vient sauver Scout.
Insister sur l’angle de prise de vue :
- plongée sur les enfants qui semblent tout petits
- c’est comme si les enfants étaient vus par quelqu’un. La plongée fait
paraître ce quelqu’un immense (on a vraiment l’impression d’un regard
menaçant, souligné par les yeux fixes et apeurés des enfants qui cherchent
à fuir.
En même temps, on voit que cette peur relève du jeu.
Puis, la maison est vue par un autre angle, comme si la présence s’était
déplacée. Cet autre angle nous révèle aussi d’autres éléments :
- la maison semble immense (les enfants encore une fois semblent bien
petits), prête à renfermer tous les dangers.
- le danger est souligné par le regard qu’on sent derrière la barrière : comme
si ce danger était contenu derrière la barrière.
- les nombreux obstacles, les enchevêtrements peuvent donner un aspect
inquiétant.
- Le fauteuil vide insinue qu’il y a une présence invisible. Preuve que les
enfants adorent se faire peur, et cherchent eux-mêmes le danger.
Le travelling accompagne la course des enfants. Le mouvement s’accélère. Il
est important que les enfants soient vus de dos, comme si une présence les
surveillait.
Encore une fois les enfants adorent se faire peur : ils viennent d’échapper à un
danger et en recherchent un autre.
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Deuxième intrusion chez Boo (22’46)
On peut souligner l’art du montage : après le vrai monstre (Ewell), le faux
monstre (Boo).
La scène se passe la nuit (nuit noire). A première vue, cela ne semble pas très
crédible : que font les enfants seuls à cette heure-là ? A la fin de la séquence on voit
qu’il n’est pas si tard que cela puisque les parents appellent les enfants : est-ce la
vision des enfants qui noircit l’obscurité, ou est-ce un artifice de mise en scène ? Le
côté dramatique et fantastique s’en trouve renforcé.
Le thème de la porte est important (à faire relever aux élèves tout au long de
la séquence) : passage d’un lieu à un autre. La porte est ce qui protège dans un lieu
sûr (la maison d’Atticus), mais aussi ce qui permet de s’échapper, d’aller à la
découverte d’autre chose.
Faire relever la manière dont Jem dit « Boo » : comme s’il imitait le cri qui fait
peur. Ce nom n’est pas innocent !
Tout est filmé à hauteur d’enfant. Les grillages et les palissades sont vraiment
plus hauts que les enfants.
Le côté dangereux de l’expédition est exprimé par Scout qui a peur : comme
un pressentiment. Procédé assez classique, qui donne un peu de sel à l’action. On a le
trio assez classique avec petite fille qui a peur et grand frère qui donne des ordres.
Petit à petit on quitte l’univers rassurant de la ville : les arbres se font plus
nombreux, on entre dans l’univers menaçant de la forêt.
Le travelling accompagne la course des enfants. Puis la caméra les précède,
comme si la présence invisible était là. Quand les enfants sont arrêtés et filmés de
dos, un travelling s’approche lentement et tout près d’eux, comme si une présence
les menaçait. But : provoquer l’inquiétude du spectateur.
Faire relever aux élèves tous les obstacles qui se mettent en travers du chemin
des enfants :
- Végétation dense
- Les différents portails
- Les bruits venus d’on ne sait où.
On suit les enfants en plongée, mais la plongée se fait plus impressionnante,
comme si un monstre immense et effrayant les surveillait.
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Faire relever aussi tout ce qui relève de l’enfance :
- Les enfants crachent sur la porte pour empêcher qu’elle grince et pour
conjurer le sort
- Les garçons critiquent Scout parce qu’elle est une fille
- Les enfants restent tous les trois groupés parce qu’ils ont peur (on peut
imaginer avec les élèves comment la scène serait filmée si des adultes
s’introduisaient dans une maison)
- Les enfants crient quand ils ont peur.
- Ils marchent à 4 pattes
Le plan sur la maison la fait redécouvrir : elle est mal entretenue, puisque les
feuilles et les arbres sortent de la palissade. La maison associée à la forêt. La maison
qui abrite un monstre.
La caméra s’approche petit à petit de la maison, mais pas trop. On reste
d’abord à bonne distance, comme s’il était trop dangereux de s’en approcher.
On abandonne complètement l’univers réaliste : on n’est plus en ville mais en pleine
nature, alors que la maison est voisine de celle d’Atticus.
Le plan sur la balançoire est filmé avec un cadrage resserré. L’angoisse croît :
- quelqu’un vient de s’y balancer ? La présence est d’autant plus nette
qu’elle appartient à un hors-champ.
- le son du balancement est amplifié. Ce son précède et suit la vision des
enfants (le montage le met sur 3 plans différents). Auparavant, on a
entendu un craquement. Un coup de feu ? C’est le son de la balançoire qui
permet de voir l’image (art du montage encore une fois). L’image est là
pour nous rassurer et nous angoisser à la fois :
o ouf ! Ce n’est que le bruit d’une balançoire qui grince
o ce n’est pas normal que la balançoire vouge toute seule, en pleine
nuit. Thème du fantastique vraiment illustré par ce plan : doute sur
la réalité.
La scène est angoissante également parce qu’à aucun moment il n’y a la
présence rassurante d’un adulte. L’adulte qu’on attend, c’est Boo.
Maison vue de nuit, donc beaucoup plus angoissante. Apparition de la
musique à commenter :
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Musique à la fois douce et angoissante. Le rythme ralentit, comme un
préparatif à un drame à suivre. On laisse à l’angoisse le temps de monter.
Jeu avec le spectateur : la musique est un peu cliché (Bernstein l’avoue)
Art assez subtil : on a l’impression derrière la musique d’entendre des voix
terribles, des voix de fantômes. Faire remarquer aux élèves que la musique
peut aussi raconter une histoire. Du coup, on s’imagine un hors-champ.
Propre au fantastique aussi.
La musique s’arrête au moment du passage du 2° portail pour laisser la
place au bruit des craquements et des crachats.
Surimpression des deux images : plan sur la maison et enfants rampant dans
l’herbe : comme si la maison allait avaler les enfants. Côté monstrueux de la maison.
Portail beaucoup plus angoissant que le 1er :
- semble plus grand
- bruits angoissants
- il faut cracher pour le franchir, comme un mauvais sort à conjurer.
On a presque un champ-contre-champ maison-enfants, comme si la maison
devenait un personnage.
Nouveau plan sur la maison : un pantalon sèche à l’envers (pieds en haut),
comme si quelqu’un avait été pendu ; jeu sur une présence absente.
Attention portée sur chacun des enfants. On peut parler aux élèves de l’effet
Koulechov 1 : c’est surtout le montage qui indique au spectateur quels sentiments
éprouvent les enfants.
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Cette expérience met en relation un seul et unique plan, celui d’un homme, défini comme un plan neutre
avec trois autres plans bien spécifiques (un enfant dans un cercueil, une assiette de soupe, une femme étendue
sur un canapé). Par le biais de champ / contrechamp, Koulechov distille la notion de sentiment dégagé par un
montage simple. Ainsi dans le premier cas, il exprime le deuil. Le second est la notion de faim alors que le
troisième représente le désir. Cette expérience avait pour but de dénoncer la force du cinéma et l’immense
importance de la maîtrise du montage.
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Les enfants sont filmés à leur hauteur (comme si on était l’un d’eux, comme si
on était avec eux), mais aussi en plongée, comme si une présence les surveillait. on
insiste sur leur petitesse.
Plus que Boo, c’est la maison qui est angoissante : on peut noter un jeu sur les
disproportions.
Le bruit du craquement décuple l’angoisse ; le craquement est répété un peu
plus tard.
Jeu aussi avec le spectateur : le contre-champ nous permet de voir que tout
est petit, finalement.
Jeu sur les silences. Comme si le réalisateur lui-même avait peur pour ces
enfants.
L’angoisse vient aussi de ce que les enfants ne sont jamais debout.
L’angle de la caméra dévoile non pas la vision d’un des enfants (comme on en
a l’habitude depuis le début du film), mais la vision d’une autre personne.
Il n’est pas étonnant que cette présence vienne du côté le plus obscur du
cadre.
Jeu sur le champ contre-champ : Jem (qui ne regarde pas les autres) et Scout
et Dill qui observent la scène affolés. Scout et Dill pourraient représenter le
spectateur. Plan sur Scout affolée d’autant plus effrayant que Jem ne voit rien.
Empathie du spectateur qui a envie de prévenir Jem.
On retrouve la scène du tribunal : on regarde par une fenêtre ce qu’il est
interdit de voir. Mais les proportions ont changé. Jem semble presque trop grand
(rappelle les maisons des contes, aux proportions inquiétantes : soit trop grandes,
soit trop petites).
Arrivée de l’ombre menaçante.
- Elle est d’autant plus menaçante qu’on ne va jamais voir le vrai Boo.
- elle est menaçante aussi parce qu’elle est gigantesque. elle sort du cadre,
et semble même plus grande que la maison
- l’ombre est tellement immense qu’elle semble avaler Jem. Il disparaît
complètement sous cette ombre.
- gros plan sur la main et ses doigts crochus, comme s’ils allaient étrangler
Jem. on peut se demander aussi si ce n’est pas une main tendue ?
- l’ombre disparaît comme elle était apparue : sans qu’on sache pourquoi, ni
où elle va (et d’où elle vient)
- la musique change, et devient de plus en plus gothique.
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La musique accélère quand les enfants fuient : on est avec eux. Donne un côté
angoissant à leur fuite. La caméra les attend, comme si elle les protégeait. On est de
leur côté.
Des obstacles se remettent sur la route : grillage, aboiement des chiens.
Au bout de leur course, les enfants se retrouvent comme dans un nid. La voix
de la tante Stéphanie ramène à la réalité… même si on reste dans le fantastique : la
voix sonne comme celle d’une sorcière.
Reste une dernière « porte » à franchir : elle apparaît comme le battant d’une
horloge. Cela n’est pas innocent : c’est comme si on traversait le temps, comme si on
passait dans un autre monde.
Il n’est pas innocent non plus que cette « porte » cache l’autre monde. L’audelà, c’est ce qu’on ne voit pas, et donc ce qui est dangereux. Tout comme Boo qu’on
ne voit pas et qui semble dangereux.
Encore une fois jeu il y a un jeu sur le hors-champ. Le spectateur reste avec
Scout : on imagine avec elle ce qui va arriver à Jem. Ce refus d’un point de vue
omniscient, ce véritable parti pris pour le point de vue des enfants participe aussi à
créer l’angoisse. Attente insupportable, soulignée par le décompte de Scout. On
attend évidemment le « 10 » qui doit célébrer l’arrivée de Jem. L’attente et l’angoisse
sont renforcées par le fait que Scout ralentit volontairement son décompte, comme si
elle voulait laisser le temps et la possibilité à son frère d’être sauvé.
La voix d’Atticus est à la fois rassurante (elle renvoie à un monde normal,
rassurant) et angoissante : le pantalon doit être ramené avant la fin du compte, avant
que le père arrive (angoisse redoublée).
Gros plan sur Scout complètement angoissée, les yeux fermés comme si elle
pressentait un drame. Avec le bruit du coup de feu, on imagine Jem mort. Le
spectateur s’identifie à Scout.
Mais on est vite rassuré avec le retour de Jem. L’angoisse des adultes ne
sachant pas où sont les enfants reprend le dessus. On peut aussi se demander si ce
n’est pas Jem qui a tiré (il répète depuis le début du film qu’il veut un fusil ;
interrogation à relier à la fin du film quand on se demande si ce n’est pas Jem qui a
tué Ewell).
La séquence se termine sur la maison noire : le monstre angoissant est
toujours là.
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