Appréciation générale sur les conditions d`accès au marché

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Appréciation générale sur les conditions d`accès au marché
AMBASSADE DE FRANCE EN THAÏLANDE
SERVICE ÉCONOMIQUE
Bangkok, 6 mars 2015
Le Chef du Service Economique
Dossier suivi par : François PETIT et Chloé MOULINS
RAPPORT SUR L’ACCÈS AU MARCHÉ THAÏLANDAIS
Appréciation générale sur les conditions d’accès au marché thaïlandais
Malgré son ouverture internationale (taux d’ouverture supérieur à 60% en 2014) et une implication
forte dans les différentes enceintes de négociations multilatérales (la Thaïlande est membre de l'OMC
depuis le 1er janvier 19951), un certain nombre de contraintes tarifaires et non tarifaires subsistent.
Si le nouveau gouvernement, issu du coup d’Etat de mai dernier, affiche un discours rassurant à
l’égard de la communauté d’affaires étrangère, force est de constater qu’un certain nombre
d’initiatives en vue d’amender certains textes de loi (Foreign Business Act, Drug Bill, Excise Tax,
Graphic Health Warning Labelling) sont de nature à aller à l’encontre des intérêts des entreprises
étrangères. La plupart de ces initiatives ont cependant été gelées suite aux interventions concertées de
la communauté d’affaires étrangères et des représentations diplomatiques.
A la suite des troubles politiques et du coup d’Etat de mai 2014, les négociations dans la perspective
de la signature d’un accord de libre-échange avec l’Union Européenne ont été suspendues. Les
derniers développements bruxellois (06/03/2015) retardent davantage encore la reprise de ces
négociations et vont à l’encontre de nos intérêts offensifs. La levée des pratiques discriminatoires
auxquelles sont confrontés nos exportateurs de vins (pour mémoire, et en vertu d’un ALE signé il y a
près de 15 ans, les droits de douane supportés par les vins australiens s’élèvent aujourd’hui à 0%
contre 56% pour les vins européens) et la possibilité donnée à nos entreprises de services de détenir la
majorité du capital de leurs filiales thaïlandaises constituent deux de nos principaux points de
revendication.
Une reprise des négociations avec la Thaïlande, à un niveau technique, permettrait également de faire
évoluer le dispositif réglementaire thaïlandais dans une direction moins contraignante pour nos
exportateurs (SPS, Propriété Intellectuelle, Trade Facilitation).
I - LES OBSTACLES TARIFAIRES
La Thaïlande est membre de ces groupes dans les négociations: Membres asiatiques en développement, APEC,
ASEAN, Groupe de Cairns, G-20, Amis des négociations antidumping, auteurs du “W52”.
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A - Profil tarifaire de la Thaïlande
Selon le rapport « Profils tarifaires dans le monde 2014 » publié par l’OMC, les droits consolidés
finaux en Thaïlande sont de 27,8% en moyenne (38,9% pour les produits agricoles et 25,4% pour les
produits non agricoles). En vertu de la clause de la nation la plus favorisée (NPF), la Thaïlande
applique un taux réduit pour les marchandises en provenance des pays membres de l’OMC, avec une
moyenne des droits NPF appliqués de 11,4%. Les produits agricoles (définition de l'OMC) sont
généralement soumis aux droits les plus élevés (pics tarifaires notamment pour les fruits, légumes,
plantes, boissons et tabac), avec des droits NPF appliqués de 29,9%, tandis que les produits non
agricoles sont assujettis à un taux de 8,3%. Les droits sont plus élevés pour les vêtements et le matériel
de transport.
B - Les droits d’accises
Des droits d’accises très élevés s’appliquent aux boissons sans alcool, parfums, secteur automobile,
carburants, équipements électriques, cigarettes et cigares, vins et spiritueux, ainsi qu’aux produits dits
« de luxe ».
Entrée en vigueur le 4 septembre 2013, la réforme du mode de calcul des droits d’accises sur les vins
et spiritueux avait pour première ambition de mettre un terme à la sous-facturation endémique des vins
à leur entrée dans le Royaume. Cette réforme se traduit, pour la plupart des vins importés, par une
diminution de ces droits d’accises. Il n’en reste pas moins qu’un certain nombre de discriminations
subsiste, notamment à l’égard des vins de fruits (produits localement) dont les droits d’accises ont été
significativement réduits (de 25% à 5%).
Devant la vive croissance des importations parallèles, et de la diminution des recettes fiscales qui en
résultent, le ministère des Finances envisage une nouvelle réforme de ces droits sur les vins et
spiritueux. Les droits ne seraient plus calculés sur le prix de gros mais sur le prix de détail.
II - LES OBSTACLES NON-TARIFAIRES
A- Les licences d’importation
Elles sont obligatoires pour un certain nombre de produits (agro-alimentaire, cosmétiques,
médicaments, etc…).
B – Les dossiers SPS
Le marché des viandes en Thaïlande est dominé par une production locale de volaille et de porc
importante et excédentaire, ainsi que par une industrie de transformation très développée. Le groupe
Charoen Pokphand Foods (CP) est le premier groupe privé thaïlandais (40 Mds de US$ de CA en
2014), dont le lobbying auprès des décideurs thaïlandais est particulièrement efficace.
Dans ce contexte difficile, les négociations menées par notre pays pour améliorer le cadre
réglementaire de nature à faciliter nos exportations de viandes de bœuf et de foie gras ont néanmoins
été couronnées de succès. Il n’en a malheureusement pas été ainsi pour les viandes crues de volaille
maigre et de porc (à l’exception des salaisons qui font l’objet d’une dérogation provisoire en attendant
qu’une mission d’inspection soit planifiée). Sous la pression des lobbys, la Thaïlande protège ses
producteurs de viande de porc et de volaille.
Pour ce qui est des produits végétaux, un protocole alternatif à celui actuellement utilisé pour le
transport de pommes et kiwis, très contraignant pour nos exportateurs, va être proposé aux autorités
thaïlandaises. Contrairement à nos exportateurs, ceux des Etats-Unis et de la Nouvelle Zélande ne sont
en effet pas dans l’obligation de placer des sondes à cœur dans les containers.
Lors des cycles de négociation en vue de la signature d’un ALE avec l’UE, des avancées
significatives, mais insuffisantes, avaient été réalisées par le groupe de travail en charge des aspects
Sanitaires et Phytosanitaires (SPS).
C- Projet de règlementation de l’étiquetage des boissons alcoolisées (voir fiche MADB)
En décembre 2014, le National Alcoholic Beverage Policy Committee a approuvé plusieurs
notifications restrictives relatives à l’étiquetage, la vente et la consommation de boissons alcoolisées
en Thaïlande.
L’une de ces notifications réglemente les critères, procédures et conditions régissant l’étiquetage des
boissons alcoolisées. Ce texte avait fait l’objet d’une notification auprès des Comités SPS et OTC en
2014 et plusieurs Etats membres avaient soumis des commentaires sur la nature problématique de ses
dispositions. Malheureusement, le gouvernement Thaïlandais n’a pas tenu compte de ces
commentaires.
Le texte a finalement été publié dans la Gazette du Gouvernement le 22 janvier et devrait entrer en
vigueur le 22 avril prochain, avec un délai de mise en conformité fixé au 19 octobre 2015. Plusieurs
dispositions se révèlent préoccupantes : la nouvelle réglementation en vigueur applique un certain
nombre de restrictions d’étiquetage en ce qui concerne les contenants (ex. : bouteilles) mais aussi
l’emballage (ex. : étuis) et les éléments accessoires (ex. : collerettes). En vertu de ce texte, est
désormais prohibée l’utilisation de tout message ou image pouvant conduire un consommateur à
acheter une boisson alcoolisée.
Enfin, le projet notifié ne comportait pas de dispositions relatives aux GHWLs (graphic health
warning labels) mais les autorités thaïlandaises ont cependant réintégré cette thématique dans un projet
publié (mais non notifié à l’OMC) en septembre. Un message de mise en garde, accompagné d’une
image (telle qu’un accident de moto) informant des dangers de la consommation d’alcool, en accord
avec les prototypes fournis par le ministère, pourrait couvrir au moins un quart de la surface la plus
étendue de l’étiquette. Le projet est soumis à consultation publique jusqu’au 12 mars 2015. Le sujet est
passé au Market Access Advisory Committee du 23 février 2015 et la Commission a annoncé qu’il
serait abordé lors de la prochaine réunion du Comité TBT des 18 et 19 mars prochains à Genève et
lors des rencontres bilatérales précédant le comité. Après une série d’entretiens avec l’administration
thaïlandaise, le directeur général de Pernod Ricard estimait jeudi dernier (05/03/2015) que le dossier
évoluait favorablement, seule une femme enceinte pourrait ainsi être imposée.
D - Les revendications des industriels européens de la filière pharmaceutique ne se limitent pas à la
seule défense des droits de propriété intellectuelle.
Les laboratoires pharmaceutiques européens, contrairement à leurs confrères thaïlandais, sont soumis à
des exigences de qualité internationales et ont l’obligation de tester les produits commercialisés avant,
mais aussi après, leur entrée sur le marché. Les coûts liés à cette procédure, pour le moins
discriminatoire, sont, de plus, supportés par les laboratoires européens.
Le gouvernement s’est d’autre part engagé à rembourser une gamme de produits couvrant la plupart
des pathologies du pays. Dans cette optique, une « liste essentielle », répertoriant les médicaments pris
en charge, a été élaborée. Plusieurs représentants de laboratoires européens laissent cependant
entendre que le principal, voire le seul critère retenu pour l’élaboration de cette liste est économique et
que les produits des laboratoires thaïlandais sont ainsi privilégiés.
Enfin, ces représentants appellent à une révision de la procédure d’accès aux marchés publics,
procédure qui favoriserait GPO, entreprise publique thaïlandaise créée en 1965, en faussant les
équilibres fondamentaux de l’économie de marché.
L’industrie pharmaceutique étrangère, au sein de laquelle Sanofi est actif, s’inquiète d’un projet
d’amendement de la « Drug bill » (voir fiche MADB), comportant notamment des clauses limitant
l’accès à des traitements innovants et rendant obligatoire la publication d’informations confidentielles
sur les brevets.
A l’instar de l’UE et d’autres ambassades (US, Suisse, Danemark, Japon, Allemagne), nous sommes
intervenus auprès des autorités thaïlandaises en charge de ce dossier. Aujourd’hui, alors que le projet
d’amendement a été renvoyé au ministère de la santé pour reconsidération et discussion avec les
différentes agences concernées, l’industrie pharmaceutique internationale (dont française) requiert la
formation d’un comité de travail multipartite.
E - Le régime d'investissement étranger de la Thaïlande
Bien que globalement libéral, le Foreign Business Act, qui date de novembre 1999 comprend
cependant des listes d'activités soumises à restrictions dans le but de préserver les intérêts nationaux
par le biais de limitations des participations étrangères dans des secteurs stratégiques.
Il distingue trois catégories d’activités :
- liste 1 : les activités strictement interdites aux étrangers (ex : médias, agriculture, sylviculture
et pêche), les sociétés étrangères ne peuvent détenir 50% ou davantage du capital des
entreprises ;
- liste 2 : celles où la participation des étrangers est limitée pour des raisons de sécurité
nationale ou attenant à l’identité culturelle (ex. : commerce d’armes, commerce d’artisanat
thaïlandais) ou pouvant avoir un impact sur les ressources naturelles ou l’environnement.
- liste 3 : les activités pour lesquelles les autorités considèrent que les entreprises locales ne sont
pas prêtes à affronter la concurrence étrangère (télécommunications, banque et assurance,
conseils juridiques, commerce de gros et de détail, comptabilité, publicité).
Les autres activités, à l'exception de celles qui sont régies par d'autres lois – par exemple la banque, les
assurances, l'aviation, les transports, l'exportation des produits de base et les industries extractives –
sont entièrement ouvertes à la participation étrangère.
Enfin, et en vertu d’un Traité d’amitié signé en 1966, les entreprises américaines bénéficient du
traitement national pour la majorité des secteurs d’activité (hors banques-assurances et
télécommunications). La reprise des négociations en vue de la signature d’un accord de libre-échange
serait l’occasion de lever cette discrimination et permettre ainsi à nos entreprises de services de
s’implanter en Thaïlande en prenant le contrôle du capital de leur filiale.
E - L’accès aux marchés publics
Dans le cadre des procédures d’appels d’offres pour des marchés publics, les produits locaux, pour
autant qu’ils soient conformes aux normes du Thailand Industrial Standards Institute (TISI), peuvent
bénéficier d’une préférence par rapport aux produits importés si l’appel d’offre le mentionne. Lors des
différents entretiens bilatéraux que nous pouvons avoir avec les membres du gouvernement et de
l’administration, le SE ne manque pas de rappeler que l’adhésion de la Thaïlande à l’Accord sur les
Marchés Publics (AMP) et que l’introduction d’une clause d’arbitrage dans les conditions d’attribution
de ces marchés seraient reçues comme des signaux très positifs. La partie thaïlandaise a précisé qu’une
réflexion était en cours sur les marchés publics (en particulier le VPM et le Ministre du Commerce
rencontrés récemment)
F - Protection juridique des droits de propriété intellectuelle
Membre de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI), la Thaïlande adhère aux
règles internationales de protection des droits de propriété intellectuelle contenues dans les accords
ADPIC. À ce titre, la Thaïlande a fourni au cours de ces dernières années des efforts significatifs afin
d’améliorer la protection des droits de propriété intellectuelle sur son territoire et dispose aujourd’hui
d’un cadre juridique très complet.
G - Indications géographiques :
Etat membre de l’OMPI et observateur du système de Lisbonne, la Thaïlande est fortement
sensibilisée aux enjeux liés aux indications géographiques. Elle s’est vivement engagée dans leur
reconnaissance, leur promotion et leur défense. La Thaïlande est le premier pays de la région à avoir
réellement mis en place un système de protection efficace de ses indications géographiques.