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42 43 RECHERCHE RECHERCHE Sarah Bourhis Journaliste scientifique De nouvelles techniques et une mise en commun des données pour un meilleur diagnostic lièrement confondus avec un lipome ou un autre sarcome, et de mutations diverses. des sarcomes A/ Classification CINSARC : Probabilité de survie sans métastase (MFS ; axe Y) au cours du temps (axe X) dans les deux groupes de sarcomes selon la classification CINSARC. Les patients avec une faible expression de la signature CINSARC sont en bleu et ceux avec une forte expression sont en rouge. B/ Grade de la FNCLCC : Probabilité de survie sans métastase dans les deux groupes de sarcomes selon le Grade de la FNCLCC. Les patients avec un sarcome de grade 1 et 2 sont en bleu, ceux avec un sarcome de grade 3 sont en rouge. supérieure à 5 cm, puis si elle n’est pas adipeuse faire une microbiopsie qui permettra de poser un diagnostic histologique précis. La connaissance de ce diagnostic et de l’aspect de la tumeur en imagerie permettront de décider du meilleur traitement à réaliser. © inserm, Delapierre Patrick Dans le cadre du Plan cancer 2009-2013, 8 SIRIC ont vu le jour en France. Ces structures ont pour ambition d’offrir de nouvelles conditions opérationnelles à la recherche en cancérologie. Le BRIO (Bordeaux Recherche Intégrée Oncologie) fait partie des sites labellisés et travaille en autre sur le programme « sarcome ». Interview du Professeur J-M. Coindre et du Docteur F. Chibon à l’Institut Bergonié de Bordeaux. > Pourquoi travailler sur les sarcomes ? Professeur J-M. Coindre : Les sarDans la salle de coupe du laboratoire d’anatomo-cytopathologie de l’institut Bergonié à Bordeaux, ces racks contiennent des morceaux de tumeurs comes sont des tumeurs rares qui se fixés et inclus dans de la paraffine. déclinent en plus de 50 histotypes différents et plus de 150 sous-types moléculaires. Le diagnostic est donc souvent difficile à établir. Très nutrition, liaison, réparation, mouvement, réponse immunitaire, complexes et hétérogènes, ces tumeurs touchent près de 4 000 percroissance et stockage. Ce sont donc des cancers compliqués à sonnes par an en France et représentent 1 à 2 % de l’ensemble des identifier. cancers. Dans 50 % des cas, les sarcomes présentent une anomalie moléculaire spécifique probablement causale. Ce qui permet > Quelle est la particularité de l’Institut Bergonié ? d’envisager la mise en place de thérapeutiques ciblées. Ces tumeurs Professeur J-M. Coindre : En France, près de 1 700 pathologistes sont ubiquitaires et touchent les peuvent être confrontés à un sarcome. Cependant, au vu de la diffitissus conjonctifs, musculaires culté à diagnostiquer ces cancers, il est facile de les confondre avec ou osseux qui constituent les d’autres tumeurs, en particulier bénignes. Ce problème de diagnostic deux tiers du volume du corps histologique est actuellement bien résolu en France grâce à la mise humain. L’ensemble de ces tisen place d’un réseau de pathologistes spécialisés dans les sarcomes sus possède de nombreuses avec 22 centres de référence répartis sur tout le territoire. L’Institut fonctions : soutien, protection, Bergonié est le centre coordonnateur de ce réseau et examine environ 2 500 cas de tumeurs conjonctives par an dont 1 500 sarcomes. Le problème majeur actuel est en fait une mauvaise prise en charge Jean-Michel Coindre : Anatomo-pathologiste à chirurgicale car une résection non programmée de la tumeur est l’institut Bergonié de Bordeaux et membre du Réseau de référence en Pathologie des sarcomes souvent réalisée avant la connaissance du diagnostic exact de la des tissus mous et des viscères (RRePS). Coortumeur. Il faut en réalité commencer par réaliser une imagerie par donnateur du programme Sarcome SIRIC BRIO. échographie et souvent par IRM si la tumeur est profonde ou bien Novembre 2014 ❘ Biologiste infos > Utilisez-vous la même méthodologie pour étudier la génétique des différents types de sarcomes ? Professeur J-M. Coindre : Pour environ 50 % des sarcomes, nous réalisons une étude de génétique moléculaire qui permet de mettre en évidence à partir du tissu tumoral prélevé les anomalies spécifiques de certains sarcomes : il s’agit de translocations (échanges entre différents chromosomes), d’amplifications de gènes (augmentation du nombre de copies d’un gène), comme le gène MDM2 dans les liposarcomes bien différenciés ou dédifférenciés, sarcomes relativement fréquents et assez régu- > Peut-on prédire le risque métastasique dans les sarcomes ? F. Chibon : L’évolution métastasique des sarcomes est un véritable enjeu car la diffusion des cellules tumorales au sein d’organes tels que les poumons, le foie ou les os, conduit souvent au décès du patient. Auparavant, l’estimation du risque métastasique des sarcomes reposait essentiellement sur des critères histologiques et cliniques et notamment sur le grade histopronostique de la FNCLCC (Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer). Ce grade s’appuie sur la prolifération des cellules, l’absence de différenciation tissulaire et la présence de nécroses. Selon la FNCLCC, ces facteurs signent un risque aggravé d’évolution métastasique de la tumeur. Cependant cette méthode présente des incertitudes non négligeables. Depuis les années 2000, nous avons donc étudié une démarche plus fiable en identifiant des Frédéric Chibon, Docteur en Biologie moléculaire à groupes de gènes dont l’expres- l’institut Bergonié. Chercheur dans le programme sion est assimilée à l’évolution Sarcome SIRIC BRIO. métastasique. On les appelle « signature moléculaire ». Nous nous sommes penchés sur les sarcomes à génomique complexe, basée sur de nombreux réarrangements chromosomiques. Nous avons ainsi déterminé une signature de 67 gènes appelée CINSARC pour Complexity Index in Sarcomas. Suite à une analyse multivariée, cette signature s’est avérée plus prédictive du devenir des patients que le grade FNCLCC. Un point important : cette signature, bien qu’identifiée dans les sarcomes, semble pouvoir s’appliquer à l’ensemble des cancers… Technicienne de l’Unité de Pathologie Moléculaire chargeant une puce sur le séquenceur haut débit nouvelle génération (NGS) > Quelles sont les nouvelles cibles thérapeutiques potentielles ? Professeur J-M. Coindre : En 1998, des chercheurs japonais ont découvert la présence de « KIT », de la famille des récepteurs de tyrosine kinase, à la surface des cellules de Cajal. « KIT » est un élément commun à la plupart des malades développant des Tumeurs Stromales Gastro Intestinales (GIST) et représente une donnée de taille. Avant 1998, la méconnaissance de cette protéine rendait le diagnostic de GIST très difficile et les analyses pathologiques concluaient fréquemment à des diagnostics erronés. C’est la mutation spontanée d’un gène « KIT » qui déclenche l’activation de la protéine. Or, une fois stimulée, cette protéine devient incontrôlable et induit les GIST. Il est donc indispensable d’identifier la présence de la protéine « KIT » à la surface des cellules tumorales afin Biologiste infos ❘ Novembre 2014 44 RECHERCHE Le SIRIC BRIO dynamise la recherche en cancérologie sur Bordeaux La recherche intégrée en cancérologie a pour finalité l’amélioration de la prise en charge des cancers. Telle est la mission du SIRIC BRIO. Pour atteindre ses objectifs, il collabore donc avec différents partenaires : les hôpitaux universitaires (Institut Bergonié et CHU de Bordeaux), l’université de Bordeaux, l’Inserm et le CNRS ainsi que les institutions de recherche (Cancéropôle Grand Sud-Ouest, Réseau de cancérologie d’Aquitaine, Groupement des Industries Pharmaceutiques et de Santé du Sud-Ouest, Conseil régional d’Aquitaine). Pour mener à bien son projet, le SIRIC possède une enveloppe de 1,5 millions d’euros par an de 2013 à 2017 et se concentre sur six programmes de recherche intégrée : cancer du sein, sarcome, cancer du foie, leucémie myéloïde, oncologie gériatrique et nouvelles cibles. L’ensemble de ces programmes s’articule autour de 7 axes stratégiques de développement : bio-informatique, recherche in vivo, surveillance et interventions de santé, bases de données, médecine personnalisée, sciences humaines et sociales et recherche fondamentale. Impulsé par l’institut national du cancer (INCa), la mise en place des SIRIC a pour but d’optimiser la production de nouvelles connaissances tout en favorisant leur diffusion et leur application dans la prise en charge des cancers. Ainsi suite à deux appels à candidatures (2011 et 2012) pour la labellisation de SIRIC, 8 sites ont été retenus : Bordeaux, Lille, Marseille, Montpellier, Lyon et trois instituts parisiens (Gustave Roussy, Curie, HEGP). Le financement de ces SIRIC est assuré sur les crédits du Plan cancer par le ministère des Affaires sociales et de la Santé, l’INCa et l’Inserm. Au total, ils bénéficient d’une dotation globale de 64 millions d’euros répartis sur cinq ans. d’établir le diagnostic de GIST. On y associe actuellement la mise en évidence d’une autre protéine d’intérêt diagnostic, la protéine DOG1. Le diagnostic de GIST est actuellement facile : tumeur de l’estomac ou de l’intestin qui est KIT et DOG1 positive en immunohistochimie (technique qui utilise des anticorps spécifiques La couleur marron indique ici la présence de KIT au niveau des cellules tumorales. Novembre 2014 ❘ Biologiste infos Équipe de l’unité de Pathologie Moléculaire de l’institut Bergonié à Bordeaux. qui se fixent sur le tissu tumoral. Si celui-ci exprime la protéine recherchée, voici ce que l’on peut observer : Depuis 2010, en France, le diagnostic de GIST est le plus souvent confirmé par un pathologiste du Réseau de Référence en Pathologie des Sarcomes (RRePS). Cette seconde lecture assure un immuno-marquage avec l’utilisation systématique des deux anti-corps « KIT » et « DOG1 », une définition du risque de rechute et une recherche des mutations du gène « KIT » et « PDGFRa ». > Comment est structurée la recherche sur les sarcomes en France ? Professeur J-M. Coindre : Un groupe national, le Groupe Sarcome Français dit GSF, regroupe l’ensemble des professionnels qui travaillent dans ce domaine avec des équipes de cliniciens, chirurgiens, radiothérapeuthes, radiologues, pathologistes et chercheurs. Trois réseaux nationaux ont été créés pour la prise en charge des patients porteurs d’un sarcome : Réseau de Référence en Pathologie des Sarcomes (RRePS) pour le diagnostic histologique et moléculaire des sarcomes des tissus mous et des viscères, ResOs pour le diagnostic histologique des sarcomes osseux et NetSarc pour le traitement des patients. Des bases de données communes et partagées sont utilisées pour la prise en charge des patients (NetSarc/ RRePS/ResOs) et pour la recherche (Conticabase et ConticaGist). Ces deux dernières bases comportent environ 15 000 patients avec environ 7 000 fragments de tumeurs congelées. Les professionnels participant à ces réseaux se rencontrent régulièrement : réunions mensuelles de relecture de cas au microscope pour les réseaux RRePS et ResOs et conférences téléphoniques mensuelles pour NetSarc. Des réunions plénières des 3 réseaux et un congrès national annuel de 3 jours sont également organisés ainsi que des réunions internationales régulières. L’ensemble de ces réseaux participe véritablement à faire avancer la recherche, le diagnostic et le traitement des patients atteints de sarcomes. ■