Combat pour la Paix n°489 - France : Proche

Transcription

Combat pour la Paix n°489 - France : Proche
Combat pour la Paix n°489 – France : Proche-Orient
: Le choix de la Paix
France
Proche-Orient : Le choix de la Paix
Combat : L’initiative de Genève n’est pas la première
tentative pour avancer vers la paix, la Feuille de route, les
propositions saoudiennes, sans compter celles issues des
sociétés civiles… Alors, qu’est-ce que ça change ?
Arielle Denis : Incontestablement, il s’est produit une
maturation. En Israël, comme le montre les études et les
sondages, la politique de Sharon semble perdre de son crédit
dans les mêmes proportions où la crise économique s’aggrave,
où la peur devient un mode de vie et où grandit la conscience
qu’il n’y a pas de solution militaire au problème de la
sécurité et de la paix. Même des militaires, de hauts gradés
s’interrogent publiquement et contestent les choix du Premier
ministre. Dans ce contexte, un nombre croissant d’initiatives
sont prises pour chercher ailleurs des solutions, comme
celles d’Ayalon-Nusseibeh qui avaient fondé la coalition
Israélo-palestinienne pour la paix et lancé la Voix des
peuples.
Une évolution s’est produite aussi du côté palestinien. Dans
une situation dramatique, d’injustices et de provocations,
des personnalités courageuses ont appelé au dialogue et lancé
des pétitions dénonçant aussi les actions terroristes. Elles
ont recommencé à travailler avec des pacifistes Israéliens.
Une certaine confiance est en train de se reconstruire et
l’initiative de Genève couronne cette maturation : un vrai
plan de paix, débattu depuis des mois avec de vrais
partenaires qui affronte avec de vraies propositions les
questions les plus difficiles pour aboutir à un accord entre
les deux peuples.
Combat : Mais quel poids cela peut-il avoir, puisque ses
négociations n’ont rien d’officiel ?
AD : Repartons du contexte : un nombre croissant d’Israéliens
et de Palestiniens aspirent à trouver une solution pour
sortir de l’impasse, et voilà qu’une vraie solution est
proposée. Elle n’est pas «officielle», mais négociée et
soutenue par des personnalités qui comptent. Elle est
publique, transparente et peut devenir objet de débat dans
les deux sociétés. En Israël, la plupart des foyers ont reçu
les « accords de Genève » par la poste. En Palestine, la
presse en publie chaque semaine un chapitre. « Notre but »
dit Qadoura Fares, Ministre de l’Autorité palestinienne,
« est de permettre au plus grand nombre de se saisir de cette
initiative. Yasser Arafat la soutient, mais nous avons besoin
d’un partenaire officiel du côté israélien ». Sharon combat
l’initiative de Genève, et traite ses auteurs de criminels,
en Palestine, il y a aussi des forces qui rejettent cette
solution et qui rêvent toujours de détruire Israël.
La partie qui s’engage avec l’initiative de Genève est le
moment de vérité : on ne peut plus ignorer qu’une paix est
possible, alors on est pour ou on est contre. C’est ce à quoi
on assiste aujourd’hui. Ce sont les peuples qui font la paix,
les débats qui animent les deux sociétés aujourd’hui se font
autour de la paix. C’est déjà une grande avancée.
Combat : Mais le contenu de ce plan de paix pose des
problèmes, je pense notamment à la question des réfugiés…
AD : On pourrait simplement répondre que le contenu de la
paix et les compromis qui devront être passés sont l’affaire
des deux peuples et à la limite ne nous regardent pas. C’est
juste. Cependant, ce conflit est si proche de nous, nous en
connaissons si bien tant de détails qu’il faut, je crois,
expliquer : Il n’y aura pas de paix sans évacuation des
colonies et intégrité du territoire du futur Etat de
Palestine jusqu’aux frontières de 1967.
Il n’y aura pas de paix si la caractéristique démographique
d’Israël doit changer à savoir devenir un Etat
majoritairement musulman, ce qui serait le cas si la totalité
des réfugiés rentraient en Israël. Voici deux lignes rouges
qui semblent infranchissables. Alors, il faut trouver des
compromis et le plan de Genève s’y emploie. Il y a prix à
payer à la paix, mais n’est-il pas infiniment moins lourd que
la situation actuelle ?
Combat : Travailler à la paix, c’est en quelque sorte
travailler sur le long terme, sur la solution, mais les
problèmes quotidiens demeurent comme le mur qui est en
construction dans les Territoires.
AD : Le gouvernement d’Ariel Sharon a commencé la
construction de ce qu’il appelle « une clôture de
séparation » et que les Palestiniens qualifient de Mur de
l’apartheid. Cette analogie avec l’Afrique du Sud a même été
reprise par le Ministre de la Justice d’Israël qui a demandé
au gouvernement d’en reconsidéré le tracé. Selon le quotidien
Haret’z, ce Ministre M. Lapid a déclaré qu’ « une
condamnation par la cour de La Haye pourrait constituer un
premier pas vers une sud-africanisation d’Israël, boycotté et
isolé, devenant un paria parmi les nations. »
En effet, ce mur empiète largement sur les Territoires, des
villages, accapare des sources et rend non viable tout futur
Etat palestinien. Tant la réalité est dramatique et le
symbole fort que la réaction internationale a été puissante
et l’Onu a assigné le gouvernement israélien devant la Cour
Internationale de Justice à la demande de l’Autorité
Palestinienne. Le Mouvement de la paix s’est joint à la
campagne internationale contre ce Mur
(http://plateforme-palestine.netliberte.org).
Combat : Face aux souffrances de la vie quotidienne, ne
craignez-vous pas que l’initiative de Genève soit balayée par
la prochaine vague de répression et d’attentats ?
A.D : Ne soyons pas naïfs, si la paix n’avait pas d’ennemis,
elle serait déjà là. Au fond, il s’agit de marginaliser ceux
qui sont contre une paix qui prend en compte les intérêts des
deux peuples et qui font trop aujourd’hui la pluie et le beau
temps. C’est un long chemin semé d’embûches, mais ce chemin
s’ouvre aujourd’hui et il me semble du devoir de tous les
pacifistes et de tous ceux qui rêvent à la paix pour les deux
peuples d’être aux côtés de ceux qui l’ont ouvert. C’est le
sens de la création en France du collectif « 2 peuples, 2
Etats » (ndlr. Voir page 20). Nous souhaitons avec les
associations qui l’ont créé ouvrir un espace d’expression
très large à tous ceux qui en France veulent une paix
d’équité au Proche Orient.
Il me semble que l’objectif central du Mouvement de la paix
doit continuer d’autant plus à être le soutien aux
initiatives israélo-palestiniennes pour la paix ainsi que
l’interpellation des autorités françaises pour qu’elles
agissent en faveur de la paix. Avec l’initiative de Genève,
ce soutien peut prendre une très grande ampleur, la paix est
possible, les partenaires existent, à nous de valoriser cette
avancée et de la rendre incontournable.
Nos concitoyens doivent en être informés, oui il y a une
issue politique n’en déplaise à ceux qui instrumentalisent ce
conflit sur fond d’intégrisme des deux bords. L’initiative de
Genève est une pédagogie de la paix, réapprendre la
confiance, réapprendre le dialogue et la négociation,
réapprendre l’Autre.