Le permis de conduire perd sa puce : retour sur un échec

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Le permis de conduire perd sa puce : retour sur un échec
Dans le platane 06/11/2014 à 13h15
Le permis de conduire perd sa puce : retour
sur un échec
Camille Polloni | Journaliste
Le permis de conduire à puce, à Bordeaux (Gironde), le 14 octobre 2013 (SERGE
POUZET/SIPA)
L’opération, censée diminuer les risques de fraude, n’aura duré qu’un an. Depuis septembre
2013, les Français qui obtiennent le permis de conduire reçoivent une carte petit format
(toujours rose) équipée d’une puce électronique qui reprend les informations inscrites sur le
permis :
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état-civil du titulaire,
photographie,
numéro du titre,
date de délivrance et autorité de délivrance,
catégories obtenues,
date d’obtention et de fin de validité éventuelle des catégories,
numéro de dossier du titulaire,
éventuelles restrictions de conduite (lunettes, aménagement de véhicule…).
C’est terminé.
Trop cher, a décidé le ministère de l’Intérieur, sans en préciser le coût. A partir de janvier, la
carte sera mise en circulation au même format carte bancaire mais sans sa puce, révèle Le
Figaro.
« “En ces périodes de contraintes budgétaires très fortes, il est impératif de se concentrer sur
les priorités les plus urgentes”, indique le porte-parole de Beauvau, Pierre-Henry Brandet.
Avec ou sans puce, “le titre reste hautement sécurisé et donc très difficilement falsifiable
grâce aux très nombreux autres paramètres de sécurité introduits par l’Imprimerie nationale”,
garantit Pierre-Henry Brandet. »
Bref, tout ira bien.
Du coup, il est amusant de se replonger dans les déclarations de 2013, qui mettaient en avant
l’urgence de « sécuriser » les permis de conduire pour les rendre quasiment infalsifiables (et
non la simple mode de mettre des puces partout), en s’appuyant sur les exemples mexicain et
irlandais.
5% à 10% de contrefaçons
A l’époque, l’Imprimerie nationale se félicite de la modernisation du permis. La technologie
« permet statistiquement de réduire la fraude d’environ 50% », dit-elle, tandis que les chiffres
convaincants pleuvent :
« En France, selon Guy de Felcourt, auteur de “L’Usurpation d’identité”, CNRS édition, entre
5% et 10% des permis de conduire en circulation sur le territoire national sont en fait de
vulgaires contrefaçons. Quelque 2,7 millions d’automobilistes prennent donc le risque de
présenter un faux permis aux forces de l’ordre en cas d’infraction. »
C’est « le document le plus falsifié », avance Frédéric Péchenard, le délégué interministériel à
la sécurité routière.
Depuis une directive de 2006, les Etats européens devaient harmoniser leur permis de
conduire, grâce à un format commun et des conditions de délivrance partagées. Mais la
France fait un pas de plus, en profitant d’un règlement qui permet aux Etats volontaires
d’insérer des microprocesseurs dans le document.
Le marché, qui devait être pluriannuel, a été confié à l’entreprise française Gemalto, leader
sur le marché des cartes à puce. Celle-ci fabrique aussi les puces des cartes Vitale, des passe
Navigo (RATP), des passeports biométriques, de cartes bancaires et de cartes SIM.
Espoirs déçus d’une carte multi-usages
Gemalto envisageait une utilisation plus avancée du permis de conduire :
« A terme, le permis de conduire français se transformerait en carte intelligente multi-usages,
offrant toute une série de services supplémentaires, tels que les différents types de permis,
l’assurance, les taxes et le certificat du véhicule.
En outre, il pourrait permettre un accès sécurisé à des véhicules de location ou de fonction,
grâce à des terminaux complètement automatisés. »
S’il a été question d’inclure aussi dans la puce les empreintes digitales du conducteur, voire le
nombre de points restant sur son permis et l’historique des PV, ces idées ont rapidement été
abandonnées.
Trente fois plus cher que l’ancien en papier
Le coût de la fabrication du nouveau permis, ainsi que la refonte totale du système
informatique gérant les « droits à conduire », appelé « FAETON », était estimé dans le projet
de loi de finances 2014 :
« Au total, sur les deux années 2013-2014, l’investissement initial serait
légèrement inférieur à 80 millions d’euros. Ce montant n’inclut pas les dépenses de gestion du
nouveau dispositif en “ régime de croisière ”.
Le coût unitaire de production du nouveau permis de conduire s’élève à 14 euros TTC, soit
environ trente fois plus que celui de l’ancien permis papier à trois volets.
En moyenne, environ 2,5 millions de titres sont délivrés chaque année, ce qui représente un
total d’environ 35 millions d’euros par an [...] »
Une usine à gaz en moins.

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