le piercing a l`adolescence

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le piercing a l`adolescence
LE PIERCING A L’ADOLESCENCE
La peau masque et révèle. Barrière naturelle entre l’extérieur et notre corps, elle fait face
au regard et au toucher de l’autre. Alors, que signifie une pratique qui consiste à la
percer ? Quels en sont les risques ?
Dans nos sociétés occidentales, les oreilles percées des fillettes des pays latins et les boucles
d’oreille de marin sont pratique courante. Phénomène de mode, la boucle de nez, souvenir de
Katmandou, rapporté par les hippies des années 60, puis portée par les punks anglais des
années 75, fleurit à nouveau dans la publicité et les vidéo-clips, sur les rock-stars et les fashion
victims. Aujourd’hui, le piercing – opération qui consiste à introduire une sorte de bijou de métal
dans la peau- concerne presque toutes les parties du corps. Quel adolescent ne subirait pas la
tentation de suivre cet engouement ?
Nathalie, 18 ans, s’est laissée tentée (voir encadré). A 17 ans, elle a poussé la porte d’une
boutique spécialisée, accompagnée de sa mère, pour se faire piercer la langue. Que signifie
cette pratique que le nombre croissant d’adeptes a fait sortir des milieux marginaux ?
Le pierceur, tout de noir vêtu, entièrement couvert de tatouages, la peau constellée de multiples
piercings n’est en général pas l’idéal de ces adolescents pour lesquels il s’agit plutôt du port un
bijou qu’une véritable modification corporelle, le signe de reconnaissance d’une génération.
«Effectivement, explique Aline Fauveau, psychologue attachée au service de dermatologie de
l’Hôpital St Louis, il ne faut pas faire l’amalgame entre grands piercés et ados. Les premiers,
que j’ai étudié dans mon mémoire Piercing à l’adolescence (Université Paris VII, UFR de
psychologie) sont marginaux et vivent en autarcie entre leur boutique et leurs sorties entre eux.
Le piercing dans leur cas est un mode de vie. « Le bonheur, m’a d’ailleurs confié un pierceur,
c’est le moment où je me fais piercer. »
Besoin de se démarquer
Chez les ados, c’est tout autre chose. Les parents à l’heure actuelle portent, comme leurs
enfants, jeans et baskets et se comportent avec eux en copains. Tout ado a besoin de se
démarquer. Il doit donc aller de plus en plus loin pour affirmer sa différence. Nombril et arcades
sourcilières sont ainsi les régions les plus fréquemment piercées : des endroits faits pour être
vus. Ensuite, l’adolescence est une période de crise où la sexualité se réveille. Le corps peut
alors être ressenti comme n’étant pas sa propriété mais encore celle de ses parents. Se faire
piercer est un acte qui vise à s’approprier le corps sexué. Les ados disent souvent de leur
piercing « c’est quelque chose qui m’appartient, et pas à mes parents, c’est mon domaine
privé. »
Alors que conseiller aux parents ? Interdire, ne pas interdire ? «Tout dépend des cas, affirme Aline
Fauveau. Mais quand un ado a décidé de se faire un piercing, la plupart du temps, il le fait. On peut bien
sûr essayer de le raisonner et s’il s’avère déterminé, s’assurer que l’opération va se pratiquer avec
l’hygiène et la sécurité indispensables, afin d’éviter les risques de maladies infectieuses et de transmission
des virus. J’ai vu des mères un peu désorientées suivre leur enfant jusque dans les boutiques de piercing,
cependant je déconseillerai de jouer les complices, puisqu’il s’agit pour l’ado de se démarquer. Donc s’il
doit le faire, plutôt de le laisser aller seul.»
Aimée-Catherine Deloche
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Nathalie : un premier piercing à 14 ans
«Mon premier piercing date de mes 14 ans. Avant un tournoi de hand féminin, toute l’équipe
avait décidé de se faire piercer le haut de l’oreille chez un bijoutier. Je ne l’ai gardé qu’un mois
car, fait au pistolet, il s’était infecté.
Mon piercing actuel de la langue est un vrai, réalisé dans une boutique de piercing à Paris. Ma
mère est d'ailleurs venue avec moi, car à 17 ans, il faut être accompagnée ou présenter une
lettre d’autorisation parentale. Dans une pièce isolée, où tout était stérilisé (bien différente d’une
boutique de Haute Savoie que j’avais visitée avant, peu propre, où l'acte est pratiqué en public),
une pierceuse m’a expliqué qu’elle allait infiltrer l’aiguille entre les muscles une fois la langue
immobilisée avec une pince. Après l’opération, elle m’a indiqué le traitement à suivre - des
bains de bouche - et des médicaments à prendre pour la douleur. Dans les 48 heures qui ont
suivi, j’ai eu de la fièvre et beaucoup de mal à avaler ma salive. J’ai zozoté pendant 1 mois et
même à présent, je ne parle pas aussi bien qu'avant. La douleur est venue avec la cicatrisation.
Chez les gens du piercing, elle fait partie du jeu : une conception pour moi proche du sadomasochisme. Ma motivation est plutôt liée à la séduction, car il y a toujours quelque chose d’un
peu érotique dans un piercing, même si de ce côté-là, j’ai été un peu déçue par rapport à ce
que j’en attendais...»
Propos recueillis par Aimée-Catherine Deloche
Le piercing est aussi une question de santé publique
La banalisation du piercing, qui touche à présent toutes les franges de la population en fait une
véritable question de santé publique, d’autant qu’il est parfois réalisé dans des conditions qui ne
sont pas idéales. Le député Bernard Accoyer en a dénoncé les risques en avril 2000 devant
l’Assemblée nationale. Le ministère de la Santé va mettre en place études et évaluations en
liaison avec l’Institut de Veille Sanitaire et pour l’an 2001 une campagne d’information au grand
public.
Au service des maladies infectieuses de l’Hôpital Rothschild, un groupe réunissant
professionnels de la santé et du piercing s’est constitué sous l’égide du Dr Jean-Baptiste
Guiard-Schmid pour rédiger un code de bonne conduite en la matière.
Les risques du piercing
Les cicatrices : si on enlève le bijou, normalement l’orifice se referme mais dans de très rares
cas des cicatrices dite chéloïdes, dures, ligneuses au toucher, gonflées par rapport à la surface
de la peau et souvent un peu inflammatoires - rosées ou rouges - peuvent apparaître autour de
celui-ci, surtout sur les peaux noires.
Les allergies : elles se signalent par des plaques d’urticaire dans la région de l’orifice. Seuls les
matériaux dont la composition réduit le risque d’allergies (titane - le meilleur ou acier chirurgical
aux normes européennes) sont à utiliser. Attention aux bijoux plaqués avec des alliages dont la
composition n’est pas précisée. L’argent s’oxyde et peut être irritant. L’or est peu allergisant
mais n’est pas très solide dans des endroits soumis à la pression et au frottement du tissu
comme le nombril, donc peu employé.
L’infection bactérienne : elle peut apparaît dans les jours ou les semaines qui suivent le
piercing, sous la forme d’une inflammation importante ou un écoulement purulent autour du
bijou. Il faut alors prendre contact sans tarder avec le pierceur ou un médecin : il n’est pas
toujours indispensable d’enlever le bijou, mais un traitement est le plus souvent nécessaire. Les
semaines qui suivent le piercing doivent être accompagnées de soins très rigoureux : ne pas le
toucher avec des mains sales, le laver à l’eau et au savon. Il faut éviter le piercing de la langue
en cas de caries non soignées.
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L’infection virale : les hépatites B, C et le HIV se transmettent notamment par voie sanguine. La
transmission d’un virus peut arriver lorsqu’un instrument piquant ou tranchant n’a pas été
convenablement stérilisé entre deux clients. Les aiguilles du pierceur doivent donc être
parfaitement stérilisées entre deux utilisations, au moyen d’un cycle complet de stérilisation
(brossage, nettoyage manuel, passage dans un bain avec des ultrasons pour détacher les
particules, puis stérilisation avec un cycle complet à l’autoclave.
Les fractures dentaires : C’est un problème relativement rare apparu dans des cas de piercing
de la langue lorsque le bijou était placé trop près de la pointe de la langue.
«En résumé, prévient le Dr Picard, consultant en santé publique, je conseillerai tout d’abord de
se méfier des piercings faits au pistolet (réservé aux lobes) pour le cartilage du haut de l’oreille
ou la langue, qui finissent généralement au bloc opératoire. D’autre part, si vous avez fait de
vilaines cicatrices, si vous êtes allergiques aux métaux, si vous avez des maladies de fond
(valvulaires cardiaques, diabète, traitées à la cortisone ou aux antibiotiques), il vaut mieux
consulter son dermatologue, son dentiste ou son médecin avant de faire pratiquer un piercing. »
A-C.D.
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