De la notification du droit de se taire lors de l

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De la notification du droit de se taire lors de l
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De la notification du droit de se taire lors de l’audience
correctionnelle
le 29 juillet 2015
PÉNAL | Jugement
Le droit de se taire doit être notifié au prévenu à l’ouverture des débats tant devant le tribunal
correctionnel que devant la chambre des appels correctionnels. L’absence de notification du droit
de se taire fait nécessairement grief à l’intéressé.
Crim. 8 juill. 2015, FS-P+B+I, n° 14-85.699
Une femme a comparu, en qualité de prévenu, devant la chambre correctionnelle de la cour d’appel
de Cayenne, le 3 juillet 2014, pour tentative de vol aggravé. Le 15 juillet 2014, la cour d’appel est
entrée en voie de condamnation. Auteur du pourvoi, la prévenue invoquait l’absence de notification
de son droit au silence par le président de la cour d’appel lors de l’audience et le grief que cela lui
causait dans la mesure où ses déclarations à l’audience avaient été prises en compte pour écarter
l’irresponsabilité pénale et retenir sa culpabilité.
Au visa des articles 406 et 512 du code de procédure pénale, la Cour de cassation fait droit au
moyen soulevé par la prévenue. Elle relève, en effet, que l’article 406 dans sa rédaction issue de la
loi n° 2014-535 du 27 mai 2014 impose au président du tribunal correctionnel d’informer le
prévenu de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui
lui sont posées ou de se taire. Elle précise que la méconnaissance de l’obligation d’informer le
prévenu du droit de se taire lui fait nécessairement grief. Enfin, la Cour relève que ces dispositions
sont applicables devant la chambre des appels correctionnels en application de l’article 512 du
même code. Aussi, la Cour de cassation, constatant qu’il ne résulte pas de l’arrêt attaqué que la
prévenue a été informée du droit de se taire au cours des débats, casse l’arrêt critiqué.
À titre liminaire, il convient de rappeler que la loi du 24 mai 2014, a transposé en droit interne la
directive 2012/13/UE du Parlement européen et du conseil du 20 mai 2012 relative aux droits à
l’information dans le cadre des procédures pénales. Le rapport du parlementaire Jean-Pierre Michel,
relatif au projet de loi, précise, en effet, que « […] l’article 3 de la directive 2012/13/UE du 22 mai
2012, que le présent projet de loi a pour objet de transposer, prévoit que les suspects ou les
personnes poursuivies reçoivent rapidement des informations concernant le droit de garder le
silence. Ces dispositions ont conduit le gouvernement à proposer, au sein du présent projet de loi,
une série de dispositions relatives à la notification du droit de faire des déclarations, de répondre
aux questions qui lui sont posées ou de se taire afin de compléter les mentions de notification au
sein du code de procédure pénale » et ce, notamment devant le tribunal correctionnel (V., sur ce
texte, E. Allain, Les nouveaux droits de la défense, AJ pénal 2014. 261 ).
Le droit de se taire et de ne pas s’auto-incriminer est garanti par l’article 14.3, g), du pacte
international relatif aux droits civils et politiques. Il est également au cœur de la notion de procès
équitable consacrée par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. C’est
d’abord au stade de l’enquête que le droit de ne pas s’auto-incriminer, dont le droit de se taire est
une composante, s’est affirmé (V. CEDH 27 nov. 2008, n° 36391/02, Salduz c. Turquie, AJDA 2009.
872, chron. J.-F. Flauss ; 14 oct. 2010, n° 1466/07, Brusco c. France, Dalloz actualité, 22 oct. 2010,
obs. M. Léna ; D. 2010. 2950 , note J.-F. Renucci ; ibid. 2425, édito. F. Rome ; ibid. 2696,
entretien Y. Mayaud ; ibid. 2783, chron. J. Pradel ; ibid. 2850, point de vue D. Guérin ; RSC 2011.
211, obs. D. Roets ). Au stade de l’audience, le droit de se taire existait mais ne faisait l’objet
d’aucune notification. Cette absence de notification, en ne permettant pas à l’intéressé de
connaître l’étendue de ses droits, nuisait à son efficience. C’est dans cet esprit que la notification
du droit de se taire a été introduite lors de l’audience devant le tribunal correctionnel (C. pr. pén.,
art. 406), devant la chambre des appels correctionnels (C. pr. pén., art. 512) comme devant la cour
d’assises (C. pr. pén., art. 328).
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Néanmoins, en introduisant l’exigence de notification de ce droit au stade de l’audience, la loi a
omis de préciser la sanction de sa violation. La Cour de cassation fait, en l’espèce, produire à ce
droit des effets énergiques puisque « la méconnaissance de l’obligation d’informer le prévenu du
droit de se taire lui fait nécessairement grief ». Le droit de se taire s’invite, ce faisant, au sein des
nullités substantielles et sa méconnaissance n’exige pas, au stade de l’audience, de rapporter la
preuve d’un grief. Il s’agit ici d’une nouvelle nullité d’audience (V., sur les nullités d’audience, Rep.
pén., v° Nullités de procédure, par M. Guerrin, nos 200 s. ; M. Guerrin, Les principales causes de
nullité de l’audience pénale, AJ pénal 2008. 181).
Cette nullité ne saurait néanmoins être invoquée pour les audiences qui se sont tenues avant le 2
juin 2014, date d’entrée en vigueur de la loi précitée du 27 mai 2014.
On se souvient, en effet, que la Cour de cassation a pu juger que même avant l’entrée en vigueur,
le 1er juin 2011, de la loi du 14 avril 2011, toute personne placée en garde à vue devait être
informée de son droit de se taire et, sauf exceptions justifiées par des raisons impérieuses, pouvoir
bénéficier de l’assistance d’un avocat (V. Crim. 10 sept. 2014, n° 13-82.507, D. 2014. 1881 ; AJ
pénal 2015. 99, obs. J. Lasserre Capdeville ; Rev. sociétés 2015. 327, note B. Bouloc ; RTD com.
2014. 882, obs. B. Bouloc ). Cette solution a néanmoins été rendue au visa de l’article 6, § 3, de la
Convention européenne des droits de l’homme, la jurisprudence européenne relative au droit de se
taire et au droit d’être assisté par un avocat au stade de la garde à vue, étant extrêmement claire
et précise (V. CEDH arrêts Salduz c. Turquie et Brusco c. France, préc.). Tel n’est pas le cas, à notre
sens, s’agissant de la notification du droit de se taire au stade de l’audience. Seules les audiences
postérieures au 2 juin 2014 seront donc concernées par cette nullité. C’est d’ailleurs la solution
retenue par la Cour de cassation s’agissant de la remise de la déclaration des droits prévue par
l’article 803-6 du code de procédure pénale (V. Crim. 14 oct. 2014, n° 14-85.555, AJ pénal 2015. 95,
obs. D. Brach-Thiel ).
Site de la Cour de cassation
par Lucile Priou-Alibert
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