aire jeu rn4

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aire jeu rn4
N°8
Oct. 2008
Green logistics : les expériences se multiplient !
En France, dans le vent du Grenelle de l’Environnement, et ailleurs en Europe, les
initiatives pour une logistique plus « verte » se multiplient. Les « grands de la grande
distribution » ont récemment signé un protocole d’engagement afin de développer le
transport fluvial sur l’axe Rhône-Saône, des expérimentations de transport palettisé par le
fleuve sont menées en Belgique. Au salon Innotrans 2008 à Berlin, notre expert ferroviaire a
pu observer les innovations du monde ferroviaire en matière de transport de marchandises.
Encore en projet ou en expérimentation, ces initiatives laissent augurer un bel avenir au
transport de fret plus respectueux de l’environnement.
Enfin, accompagnés par des agents du Cete de l'Est, nous avons visité un site de pesage en
marche des véhicules lourds sur la RN4. Si l’environnement est aujourd’hui une priorité
majeure du Ministère, la sécurité, le respect de la concurrence et la pérennité des
infrastructures ne doivent pas être négligées. Vous trouverez dans cet article des éléments
factuels sur les perspectives offertes par cette nouvelle technologie.
Edito par Matthieu DESIDERIO - Chargé d’études Fluvial et Maritime
matthieu.desiderio@ developpement-durable.gouv.fr
Logistique
2
Développement du transport fluvial sur l'axe Rhône-Saône & secteur de la
grande distribution............................................................................................................................... 2
Contrôle du transport routier de marchandises
4
Retour d'expérience suite à la visite d'un site de pesage dynamique des
véhicules .............................................................................................................................................. 4
Logistique
7
Retours sur une expérience flamande de transport de palettes combinant
le fleuve et la route............................................................................................................................... 7
Ferroviaire
10
InnoTrans Berlin 2008....................................................................................................................... 10
Développement du transport fluvial sur l'axe RhôneSaône & secteur de la grande distribution
Logistique
Rédigé par : Hervé HUARD & Damien ORSINI
[email protected]
[email protected]
Chargés d'études transport & logistique
(1) Malgré un recul de l'activité en 2007 imputable à
une chute importante du trafic de combustibles et
produits pétroliers ainsi qu'à de faibles récoltes
céréalières, 6,4 millions de tonnes de marchandises
ont été transportées en 2007 sur le bassin RhôneSaône (-12 % par rapport à 2006) pour 1,4 milliard de
tonnes kilomètres (-16 %).
Le graphique ci-après présente l'évolution du trafic
de marchandises sur le bassin Rhône-Saône
(Source : VNF).
Composé de 650 kilomètres de voies navigables à grand gabarit, l'axe
fluvial Rhône-Saône(1) a connu un doublement de son trafic total depuis
1998. Notamment, le trafic conteneurisé est passé de 6 500 EVP
(Equivalent Vingt Pieds) en 1996 à 61 200 EVP en 2006(2). Outre les
investissements importants dans l'infrastructure, ce dynamisme traduit
également l'intérêt de plus en plus fort que les chargeurs portent au mode
fluvial sur cet axe. En 2008, le fluvial a franchi un nouveau pas important
avec la signature d'un protocole d'utilisation du mode fluvial par des
enseignes majeures de la grande distribution, et par le lancement d'un
programme de recherche sur les chaînes multimodales.
Six grandes enseignes s'engagent vers le fluvial
Les faits : six chargeurs de la grande distribution – Casino, Carrefour,
Auchan, Conforama, Ikea et Leroy Merlin – ont signé, le 1er juillet 2008,
un protocole général relatif au transport fluvial pour leurs flux imports. Ce
protocole réunit les engagements des sus-mentionnés distributeurs, de Voies
Navigables de France (VNF), de la Compagnie Nationale du Rhône et de
l'Etat. Au total, les signataires se sont engagés à transférer 11 700 EVP du
mode routier au fluvial. Le protocole spécifie la proportion des flux
maritimes d'importations passant par le port de Fos sur Mer que chaque
enseigne souhaite acheminer par barge « dès 2008 », et ce, sous réserve que
les infrastructures portuaires (maritimes et fluviales) soient opérationnelles.
Les chiffres indiqués ici sont directement extraits des protocoles d'accord ;
on les prendra donc avec précaution, dans la mesure où les périmètres
concernés et les échéances sont évoqués avec peu de précision.
•
Casino : Le groupe annonce que depuis début 2008, 15% de son
trafic conteneurisé import qui passe par le port de Fos sur Mer est
d'ores et déjà transporté par voie navigable. Le groupe stéphanois
entend transférer autant que possible les 85% restants sur le mode
fluvial. Les quantités en jeu équivalent, pour chaque année, à 350
poids lourds (PL) et 4 900 tonnes de marchandises, à destination
de ses entrepôts de la région de Saint Etienne.
•
Carrefour : Le distributeur entend transférer au mode fluvial la
majeure partie de son trafic à destination de son entrepôt de
Cuisery (Chalon sur Saône) et une partie de son trafic à destination
de l'entrepôt de Laudun (Nîmes) dont la construction s'achèvera en
2009-2010. Finalement, ce seront entre 800 PL, soit 11 200 tonnes
de marchandises, en moins sur les routes.
•
Auchan : La part global du mode fluvial à l'import du groupe s'est
montée à 64% en 2007. Le groupe souhaite transférer la majeure
partie de son trafic à destination de ses entrepôts de Meyzieu et
Saint Quentin Fallavier sur la voie d'eau et le rail (Lyon). Ce
transfert représente 1 000 PL en moins sur les routes, équivalant à
une diminution de 14 000 tonnes de marchandises.
•
Conforama : La part du mode fluvial à l'import du groupe était de
70% en 2007. L'enseigne se donne pour ambition de confier la
quasi totalité de son trafic, pour l'approvisionnement de ses
(2) Le port Edouard Herriot, plate-forme multimodale
lyonnaise, conserve d'ailleurs sa position de premier
port intérieur français pour le trafic de conteneurs
tous modes confondus, avec une croissance de 11%
en 2007 par rapport à l'année précédente. Sur les
337 000 EVP tous modes confondus traités au Port
en 2007, 59 529 EVP ont été transportés sur le fleuve,
soit 5% de plus par rapport à 2006.
Le trafic total de marchandises au Port de Lyon
poursuit sa progression avec 11,32 millions de
tonnes (+ 6%) dont 1,4 million de tonnes transportées
par voie d’eau (+0,8%) et 0,3 million de tonnes
acheminées par le fer (en hausse de 46% par rapport
à 2006).
Revue Transports OTI – Numero 8 – Octobre 2008
Page 2
entrepôts de Corbas et Satolas (Lyon) à la voie d'eau. Ce report se
traduira par 1 300 PL en moins sur les routes représentant 18 200
tonnes de marchandises.
•
Ikea : Lorsqu'en 2009 l'entrepôt de l'enseigne au sein du port de Fos
sur Mer sera opérationnel, le distributeur s'engage à remettre à la
voie d'eau 600 à 800 conteneurs par an (i.e. 400 PL représentant
5 600 tonnes de fret). Ces flux concerneront les liaisons au départ
de Fos vers les magasins de Lyon, Grenoble, Saint Etienne et
Dijon, et du dépôt de Saint Quentin Fallavier vers les magasins de
Vitrolles et la Valentine (13).
•
Leroy Merlin : Avec l'implantation de son entrepôt à Valence
prévue pour mi-2009, l'enseigne souhaite confier aux transporteurs
fluviaux la quasi totalité de ses flux d'importation depuis Fos. Cela
représente une économie substantielle de 2 000 PL sur les routes
représentant près de 28 000 tonnes de marchandises.
Somme toute, les 11 700 conteneurs EVP permettront une économie de près
de 5 850 poids lourds (81 600 tonnes de marchandises) sur les routes, soit
une moyenne de 21 PL par jour retirés de la route. Si cette économie peut
paraître dérisoire au regard du trafic PL total dans la vallée du Rhône
(TMJA d'environ 15 000 PL), ces accords représentent potentiellement la
non-émission de 1 469 tonnes de CO2. En outre, ils signifient un
engagement fort en faveur d'un développement durable de la part d'acteurs
importants de la grande distribution.
(3) PREDIT : Programme national de recherche
d’expérimentation et d’innovation dans les transports
terrestres
ENTPE : Ecole Nationale des Travaux Publics de
l'Etat
DRSM : Direction Rhône Saône Méditerranée
LET : Laboratoire d'Economie des Transports
Inrets : Institut National de Recherche sur les
Transports et leur Sécurité
SPLOT : Systèmes Productifs, Logistique et
Organisation des Transports
Sources et liens pour aller plus loin :
La grande distribution joue le transport sur le Rhône,
Aujourd'hui, 02/07/2008
Six enseignes de la grande distribution se sont
engagées à accroître la part du fret fluvial pour
acheminer les marchandises importées, Les Echos
transport-logistique, 03/07/2008
Essor sans précédent du transport de marchandises
sur le Rhône, Communiqué AFP, 03/07/2008
Le développement durable fait l'essor de l'axe Rhône
Saône, Le journal de Saône-et-Loire, 05/07/2008
Développement du fret fluvial sur l'axe Rhône Saône,
Communiqué de presse, VNF, CNR, Préfecture de
région Rhône Alpes, Préfecture du Rhône, 01/07/2008
Un bilan mitigé pour le transport en Rhône-Alpes en
2007, L’année économique et sociale 2007 - Dossier
n° 153, DRE Rhône-Alpes
La croissance du trafic conteneur sur le Rhône en
2007 atteste de la complémentarité du fluvial et du fer
dans l’offre de transport massifié, Communiqué de
presse, CNR, avril 2008
Lancement du programme de recherche UTILE : vers des chaînes de transport
multimodales…
Dans le cadre du PREDIT(3), VNF (DRSM(3)), l'ENTPE(3) (LET(3)) et
l'Inrets(3) (SPLOT(3)) se sont associés pour le lancement du programme de
recherche intitulé UTILE (Unité de Transport Intermodal pour une
Logistique Européenne). Les objectifs de ces travaux qui débutent dès
septembre 2008 sont multiples.
Il s'agit d'analyser les conditions de mise en oeuvre de chaînes logistiques
multimodales continentales regroupant tous les modes de transport (fleuve,
rail, route) et utilisant l'U.T.I PW45' (Unité de Transport Intermodales –
Pallet Wise 45 Feet). A l'issue de cette expérimentation, le recours à l'U.T.I.
PW45' pour la mise en place d'autoroutes multimodales terrestres sera (ou
ne sera pas) validée.
Pour ce faire, le programme de recherche prévoit une étude opérationnelle
et économique de montage de ces chaînes de transport multimodal au cours
de laquelle les conditions opérationnelles de compatibilité et de faisabilité
seront étudiées. Enfin, une évaluation globale de l'intérêt de ces solutions
multimodales sera menée, elle portera sur les enjeux économiques, sociaux
et environnementaux de la mise en œuvre de ces chaînes.
Le champ de la recherche portera sur les produits de la grande distribution
et de l'industrie métallurgique. En revanche, les vracs ne seront pas
considérés dans le cadre de cette recherche.
Revue Transports OTI – Numero 8 – Octobre 2008
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Contrôle du transport
routier de marchandises
Retour d'expérience suite à la visite d'un site de
pesage dynamique des véhicules
Rédigé par : Floriane TORCHIN (directrice d'études
OTI) et Matthieu BERENI (chargé d'études transport
routier et intermodalité)
Le Cete de l'Est nous a fait visiter le dispositif de pesage dit « en marche »
(ou dynamique) déployé à titre expérimental sur la RN4 sur le site de
Maulan (55). L'occasion pour nous d'évoquer les perspectives offertes par
cette technologie.
[email protected]
Pourquoi lutter contre la surcharge des véhicules ?
[email protected]
Trois raisons principales motivent le contrôle des charges des véhicules
routiers :
Contacts pour aller plus loin :
Yves Marchadour (DGITM/DST/TR chargé de mission
pour la coopération européenne dans le contrôle).
Daniel Stanczyk
exploitation)
(Cete
de
l'Est,
•
la sécurité : les surcharges peuvent modifier le comportement des
véhicules et sont un facteur aggravant en cas d'accident ;
•
la concurrence : la circulation de véhicules en surcharge introduit
des distorsions importantes de concurrence(1) ;
•
les infrastructures : l'agressivité d'un essieu vis-à-vis de la chaussée
étant une fonction exponentielle de la charge qu'il supporte, le
respect des charges maximales autorisées conditionne la durée de
vie des infrastructures.
métrologie
Gilles Ferry (DRE Champagne Ardenne, contrôleur
principal des transports terrestres)
Bernard Jacob (LCPC)
(1) On considère généralement que la charge utile
d'un ensemble articulé tracteur + semi-remorque de
PTRA 40t est de 25t. Une surcharge d'une tonne
représente donc un gain de productivité de l'ordre de
4%, ce qui représente un gain important pour un
secteur dont la profitabilité est structurellement faible
(à titre d'exemple, le taux de résultat net des
entreprises de TRM longue distance de six salariés et
plus est en moyenne compris entre 0,5 et 2%, voir
http://intra.sesp.daei.i2/IMG/pdf/NS_162_1522_cle7d9321.pdf).
Les différentes méthodes de pesée
Les matériels utilisés par les services de contrôle permettaient jusqu'à
présent deux types de pesée :
•
la pesée statique : les essieux du véhicules sont pesés un à un, le
véhicule étant à l'arrêt ;
•
la pesée à basse vitesse : les véhicules roulent à basse vitesse (entre
2 et 5 km/h) sur des pesons encastrés dans la chaussée. Cette
technique permet d'accélérer le rythme des pesées de manière
significative.
La pesée dynamique : principes et fonctionnement
Afin de poursuivre l'amélioration du contrôle des charges, le contrôle des
véhicules roulant à "pleine vitesse" est expérimenté. Dans l'attente d'une
amélioration de la précision du dispositif et de son homologation pour une
utilisation directe en contrôle-sanction, la pesée dynamique est utilisée à des
fins de pré-sélection des véhicules en surcharge.
Concrètement, la masse reposant sur chacun des essieux est mesurée lors de
son passage sur des barreaux de mesure à propriétés piezo-électriques tandis
que la reconnaissance de la silhouette du véhicule est permise par son
passage au-dessus d'une boucle électromagnétique.
Revue Transports OTI – Numero 8 – Octobre 2008
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Figure 1 - Barreaux piézo-électriques au premier plan (en jaune) et boucle
électromagnétique adjacente aux barreaux (en noir) sur la RN4 au niveau de Maulan
(55). Crédits : Sétra.
Actuellement, trois technologies piezo-électriques, basées sur trois types de
matériaux différents, sont disponibles ou en cours de mise au point : piezocéramiques, piezo-quartz et polymères. Sur le site de Maulan, ces trois
techniques ont été installées afin de rechercher la solution optimale.
L'expérience a permis de constater qu'avec deux capteurs couplés, on
parvient à une précision de l'ordre de 15% sur la mesure des charges.
Figure 2 - système de photographie des poids lourds
présumés en surcharge sur la RN4 au niveau de
Maulan (55). Crédits : Sétra.
Si le passage d'un véhicule en surcharge est observé, l'équipement de pesée
en marche (EPM) signale à l'opérateur son passage et affiche sur l'écran du
moniteur la photographie du véhicule et les poids relevés au niveau de
chaque essieu. A titre informatif, la vitesse du véhicule est également
affichée.
Figure 2 - Exemple de représentation d'une infraction mesurée par le système de
pesée dynamique des charges. Montage : Sétra.
La présomption d'infraction est ensuite communiquée à une équipe mixte
(gendarmes et contrôleurs des transports terrestres) située en aval. Les forces
Revue Transports OTI – Numero 8 – Octobre 2008
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de l'ordre interceptent les véhicules et les dirigent vers une aire de pesée
"traditionnelle" (à basse vitesse par ex.) qui permettra de confirmer ou
d'infirmer l'infraction présumée.
Déploiement des stations de pesée dynamique
Actuellement, 12 stations de pesée dynamique ont été installées ou sont en
cours de réalisation, principalement sur des autoroutes. L'objectif du
MEEDDAT est d'en installer une quarantaine d'ici cinq ans. Le coût
d'installation d'une station, hors raccordements, est d'environ 90 000 euros.
(2) Voir à ce sujet le rapport du scanning tour réalisé
en Europe en 2007 par le Ministère fédéral américain :
http://international.fhwa.dot.gov/pubs/pl07002/vsw_e
u07.pdf
Des systèmes comparables sont en cours de déploiement dans de nombreux
pays européens(2).
Critique du système et propositions pour son amélioration
Cette visite nous conduit à formuler deux observations sur le dispositif de
pesée des véhicules routiers :
Figure 4 - Pesée à basse vitesse du véhicule présumé
en infraction. Site de Rupt aux Nonains (55). Crédits :
Sétra.
•
Tant que le système ne sera pas entièrement automatisé, le recours à
des équipes mixtes restera nécessaire. Les contrôleurs des transports
terrestres français ne détenant pas le pouvoir d'interpeller les
véhicules (contrairement à certains de leurs collègues européens), la
participation des forces de l'ordre conditionne le bon déroulement
du pesage des véhicules. La création d'unités mixtes de contrôle
(comportant des engagements en termes de volumes horaires de
contrôle conjoint) pourrait contribuer à renforcer l'efficacité du
contrôle des masses des véhicules routiers.
•
Le système de pré-sélection constitue une avancée majeure dans le
contrôle des masses, en augmentant de manière significative le ratio
Infraction s constatées
Nombre de véhicules interpellé s
Le déploiement généralisé de ce dispositif sur les axes routiers
principaux (et les axes secondaires concurrents lorsque la situation
se présente) semble donc tout à fait pertinent. Durant les périodes
sans contrôleurs, sous réserve du respect des prescriptions légales, il
pourrait être envisagé de constituer un fichier des véhicules en
infraction, sur la base des infractions enregistrées. Mise en relation
avec l'identité des entreprises exploitant ces véhicules, des
indicateurs pourraient être créés qui guideraient de manière efficace
les contrôles en entreprise opérés par les contrôleurs des transports
terrestres.
Remerciements
La Direction d’études OTI tient à remercier le Cete de l'Est (Daniel
Stanczyk) pour l'organisation de cette visite.
Revue Transports OTI – Numero 8 – Octobre 2008
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Retours sur une expérience flamande de transport de
palettes combinant le fleuve et la route
Logistique
Rédigé par : Hervé HUARD & Damien ORSINI
[email protected]
[email protected]
Chargés d'études transport & logistique
(1) cf. article "Le transport fluvial de palettes à Paris :
une activité peu ordinaire", revue Transports n°5, mai
2008, Sétra
(2) cf. article "Palettes : nouveau projet pilote",
Navigation Ports & Industries, Juin/Juillet 2008
Il y a quelques mois, nous vous parlions du transport de palettes par bateau
fluvial équipé d'une grue pour le déchargement(1). Reportant les propos du
propriétaire du navire « Madagascar », nous évoquions l'éventualité de
recourir à des chariots élévateurs en fond de cale. Cette alternative à la grue
permet une manutention plus fine, qui se justifie notamment dans le cas de
palettes de produits manufacturés plus sensibles et qu'il convient de
manipuler avec soin (électronique et boissons par exemple).
Une expérimentation similaire est actuellement en phase de test en Belgique.
Alertés par un article de Navigation Ports & Industries(2), nous avons
rencontré M. Filip Verbeke, consultant, qui a coordonné l'expérimentation.
Nous souhaitons vous transmettre les grandes lignes de cette expérience
belge qui semble avoir déjà prouvé son efficacité, et en la contrastant avec
celle du « Madagascar ».
L’approche du ministère flamand des transports
Filip Verbeke est consultant en « conception de supply chain » et travaille
depuis deux ans pour le compte du Ministère flamand des transports. Plus
précisément, il a pour objectif de développer le transport fluvial de
marchandises. Dans cette optique, il assure la fonction d'émulateur du
secteur fluvial belge, en mettant en place et en coordonnant des
expérimentations de transport fleuve-route de palettes. Il accompagne ainsi
les entreprises dans leurs projets de transfert modal.
(3) La DEOTI tient toutefois à votre disposition une
note descriptive de l'ensemble des expérimentations.
Si vous êtes intéressés par la lecture de ce
document, merci de contacter H.Huard ou D.Orsini.
Plusieurs expérimentations ont déjà eu lieu. Leur finalité est de thésauriser
pour déterminer les conditions opérationnelles et économiques de faisabilité
de telles solutions fleuve-route en démontrant aux chargeurs la pertinence de
la voie d'eau. Actuellement, les expériences ont été conduites avec des
palettes constituées de matériaux de construction. Il convient de souligner
que le gouvernement belge ne fournit aucun support financier. Ce sont les
industriels qui ont financé ces expérimentations et ont assumé les surcoûts
générés par le transport fluvial (par rapport au mode routier usuellement
utilisé). Ainsi ces expérimentations étaient basées sur des flux réels. Elles
étaient à chaque fois ponctuelles et n'ont pas débouché (pour l'instant) sur la
mise en place de flux pérennes.
Chacune des expérimentations était différente en termes de distance de
transport, de type de bateau (péniche ou ponton) ou encore de matériel de
manutention (grue fixe ou mobile ou chariots élévateurs). Nous reprenons
dans cette article uniquement l'expérimentation la plus récente(3) baptisée
StoneExpress 2.
StoneExpres 2 : une expérimentation prometteuse !
Photo 1 : Bateau le « Freedom »
(Crédits : F.Verbeke)
De toutes les expérimentations effectuées, StoneExpress 2 est certainement la
plus prometteuse. Il s'agissait de transporter les marchandises (matériaux de
construction : blocs de plâtre, carreaux de plâtre, autres…) de cinq chargeurs
dont les usines étaient réparties en Flandre et en Wallonie : Engis, Lanaken,
Harelbeke, Wielsbeke, Warneton, Roucourt, Mons, Strépy. Le bateau faisait
la rotation entre l'Est et l'Ouest de la Belgique sur une distance de 250 km en
Revue Transports OTI – Numero 8 – Octobre 2008
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s'arrêtant à plusieurs endroits pour charger des matériaux et les amener
jusqu'au point de déchargement (dépôt créé pour l'occasion bord à quai), qui
aurait vocation à remplacer les plates-formes de stockage des industriels. Les
pré-acheminements routiers des usines vers le fleuve ne dépassaient pas les
15 km.
Le bateau utilisé avait une capacité de 1 600 tonnes (dont seulement 75% ont
été utilisés). Lorsque le bateau était à quai, une plate-forme intermédiaire
était alors apposée sur le rebord du bateau de manière à faire le lien avec le
quai (cf. photo 2). Les palettes étaient alors déchargées sur ce promontoire
par le chariot élévateur situé en fond de cale. Ensuite, les engins de
manutentions positionnés sur le quai récupéraient les palettes.
Au cours de l'expérimentation, 4 800 tonnes de marchandises auront
finalement été transportées.
Principaux enseignements opérationnels
Photo 2 : plate-forme intermédiaire reliant le bateau
au quai
(Crédits : F.Verbeke)
Le rythme de transbordement atteint est de 150 tonnes par heure et peut être
porté à 190 t/h, nécessitant toutefois des emballages solides. Les dommages
subis lors de la manutention s'élèvent à 0,8% du nombre de palettes dans les
situations les plus défavorables, et à 0,3% en moyenne. Le coût de
transbordement est ramené à 0,60 € par tonne. Sur une rotation, le coût total
du transport se décompose de la manière suivante : 12% de manutention,
36% pour les pré-acheminements routiers et 52% pour le transport fluvial.
Le coût de la partie fluviale est visiblement très important pour la rentabilité
du projet. F.Verbeke souligne d'ailleurs que les tarifs des bateliers sont
relativement élevés (selon lui, ces derniers augmenteraient trop leur prix sur
ce type de transport) et que les tarifs peuvent fluctuer de manière
substantielle au gré de la conjoncture. Il convient donc à chaque
expérimentation de reprendre l'évaluation du projet.
Photo 3 : Chariot élévateur en fond de cale
(Crédits : F.Verbeke)
Le transport de 1 200 tonnes sur une distance de 250 km avec un préacheminement de 15 km génère, selon F.Verbeke, 35 tonnes de CO2 par voie
routière contre 10 tonnes par la solution multimodale (8 tonnes pour la partie
fluviale et 2 tonnes pour le pré-acheminement routier).
Conclusion des participants sur la compétitivité du transport fluvial de palettes
Le transport fluvial de palettes regroupant des envois de plusieurs chargeurs
doit concerner les transports de l'usine à l'entrepôt, sur une distance comprise
entre 100 et 150 km, avec des pré- et post-acheminements routiers limités à
5-10 km. Le remplissage du bateau doit se faire avec quelques chargeurs
uniquement, les lots de chacun représentant à chaque fois une part
significative de la cale du bateau. Le volume transporté doit être d'au moins
1 000 tonnes au total.
Photo 4 : Illustration du processus de déchargement
(Crédits photo : F.Verbeke)
Les participants ont aussi étudié la possibilité d'utiliser le fluvial pour
transporter les palettes de l'usine aux chantiers. Il s'est avéré que les pré- et
post-acheminement et la faiblesse des volumes ne permettaient pas
d'atteindre un seuil de rentabilité suffisant.
Au-delà de la pertinence économique du transport fluvial de palettes…
… les participants ont relevé d'autres gains qui ne sont pas monétarisés dans
le coût de la solution fluviale. En effet le fait de charger ou décharger des
lots massifiés permet de gagner en efficacité (financière et temporelle), de
Revue Transports OTI – Numero 8 – Octobre 2008
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planifier les chargements et les déchargements (fiabilité du fluvial) et de
réduire significativement les frais liés à la facturation (comme les envois sont
de plus grande taille, ils sont moins nombreux).
Comparaison avec le Madagascar sur les modalités de manutention des palettes
Alors que le bateau Madagascar utilise une grue fixée sur le bateau pour le
déchargement, l'expérimentation StoneExpress 2 emploie des chariots
élévateurs. Quels sont les avantages et inconvénients de chacune des
solutions?
Au regard du rythme de déchargement, la technique utilisant les chariotsélévateurs propose un meilleur rendement. Le gain de temps est de l'ordre de
20%. Selon F.Verbeke, les industriels sont assez sensibles à cette dimension.
En termes de coût, le prix d'un chariot élévateur varie entre 50 000 et
80 000€, auquel il faut ajouter le prix de la plate-forme de l'ordre de 5 000€.
La grue coûte quant à elle 300 000€. Outre ce surcoût important, la présence
de la grue a pour conséquence de spécialiser le bateau à certains types de
trafic.
En revanche, la technique des chariots élévateurs soulève la question de la
flexibilité de la plate-forme. Est-elle adaptable à tous les quais? F.Verbeke
mentionnait notamment des problèmes de manutention liés au manque de
profondeur d'eau à certaines périodes (phénomènes de marées par exemple).
Autre inconvénient, la présence d'un chariot en fond de cale restreint
légèrement la capacité de la cale (place du chariot) et impose un ordre de
chargement et de déchargement.
Perspectives pour les solutions multimodales…
Dans le cas du Madagascar, la compétitivité du transport fluvial tient
essentiellement au fait qu'il n'y a pas de pré-et post-acheminements puisque
les installations sont bord à quai. En revanche, l'expérimentation flamande se
veut plus intégrée. Même si elle concerne le même type de produits, le test
sur les voies d'eau belges entend étudier la pertinence du mode fluvial au
sein de chaînes de transport sollicitant également le mode routier. Ainsi
empiriquement, les expérimentations ont montré que pour que le transport
fluvial de palettes soit économiquement pertinent, les pré- et postacheminement devaient être courts (de l'ordre de 5 à 10 km).
Au-delà de l'aspect économique, F.Verbeke souligne que c'est tout un mode
de pensée et des habitudes qu'il faut faire évoluer pour convaincre les
industriels d'utiliser la voie navigable. Il souligne ainsi que ce type de
transport « peut paraître à la fois simple dans les plans mais souvent
compliqué dans la mise en œuvre ».
Fort de ce constat, il semble que les expériences flamandes continuent
d'avancer sur ce modèle. Aujourd'hui, certains responsables logistique dans
le domaine des matériaux de construction sont très sensibles aux aspects
environnementaux du transport et devraient donc continuer à porter des
expérimentations. Même si pour l'heure, l'absence d'un avantage financier –
ne serait-ce que mince – dans ces solutions multimodales empêche la
transformation de ces expérimentations en flux pérennes. Espérons qu'une
des prochaines expérimentations le permette !
Revue Transports OTI – Numero 8 – Octobre 2008
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InnoTrans Berlin 2008
Ferroviaire
Rédigé par : Dominique GRILLY
[email protected]
Chargé d'études transport de marchandises et
expertise ferroviaire
Sources et liens pour aller plus loin :
InnoTrans Berlin 2008 :
http://www1.messeberlin.de/vip8_1/website/MesseBerlin/htdocs/www.in
notrans.de/index_e.html
Le site Cargobeamer (en allemand) :
Organisé tous les deux ans à Berlin depuis 1996, InnoTrans est le plus
important salon professionnel international de l'ingénierie des transports sur
rails existant à ce jour. L'édition 2008 de ce salon ferroviaire, qui s'est tenue
du 23 au 26 septembre 2008, semble avoir battu des records à la fois par le
nombre d'exposants (plus de 1 900 exposants venus de 41 pays dont la Chine
et la Russie) et par la fréquentation qui a dépassé les 70 000 visiteurs. Ce
rendez-vous mondial de l'industrie ferroviaire a rassemblé sur plus de
150 000 m2 des transporteurs (Deutsche Bahn, SNCF,..), des constructeurs
de matériels ferroviaires (tramway, trains régionaux, trains à grande vitesse,
wagons de fret, locomotives, matériels de maintenance pour les
infrastructures et les équipements électriques,..), des sociétés d'ingénierie
ainsi qu'un grand nombre d'entreprises spécialisées dans le domaine des
infrastructures ferroviaires.
http://www.cargobeamer.com/?o=22805
Les liens vers les animations qui présentent les
fonctionnalités du système CargoBeamer :
http://www.pfefferkornundfriends.de/cargobeamer/re
daxo/animationen/cargo_animation_3.html
http://www.pfefferkornundfriends.de/cargobeamer/re
daxo/animationen/cargo_animation_3.html
http://www.pfefferkornundfriends.de/cargobeamer/re
daxo/animationen/cargo_animation_1.html
Une certaine euphorie semblait palpable chez les professionnels du transport
de voyageurs autour des matériels innovants et des nouvelles technologies
dont le nouveau train à grande vitesse AGV présenté par Alstom. Le
transport de marchandises n'était cependant pas oublié et parmi les
nombreuses présentations de ce salon, trois exemples peuvent illustrer les
nouvelles orientations et innovations du mode ferroviaire.
Vers une automatisation des chantiers du transport combiné
Le site de Kögel constructeur :
http://www.koegel.com/index.php?id=7&L=1
Le lien semi-remorque transport combiné:
http://www.koegel.com/index.php?id=33&L=1&tx_ttne
ws[tt_news]=32&tx_ttnews[backPid]=144&cHash=7d6
9f7385f
Cargotram Dresden/le site de la DVB transports
urbain de Dresde :
http://dvb.de/untnehm/gbahn.htm
Présentation du CarGoTram:
http://www.dvbag.de/untnehm/Bilder/pdf/CarGoTram_
070426.pdf
Le site de Schalker constructeur du CarGoTram:
http://www.schalkereisenhuette.de/index.php?tp=371&lang=2&origin=300
La prise de conscience des Etats en matière d'environnement et d'énergie
tend à favoriser les initiatives pour développer le transport des camions sur
des parcours de longue distance.
La société allemande CargoBeamer développe depuis quelques années un
concept
qui
consiste
principalement
à
automatiser
le
chargement/déchargement de remorques routières sur des wagons du
transport combiné. Le système devrait dans un premier temps être testé sur
un axe ferroviaire où la différence d'écartement des voies nécessite le
transbordement d'un train à l'autre. L'objectif premier de cette
expérimentation est de démontrer l'efficacité et la rapidité du transbordement
des remorques routières par rapport à la situation actuelle rencontrée aux
frontières pour les échanges ferroviaires avec la Russie. La Deutsche Bahn
est associée à cette expérimentation.
Selon les concepteurs de Cargobeamer, le système pourrait largement
concurrencer les technologies utilisées aujourd'hui pour les autoroutes
ferroviaires (le système Modalohr en particulier!).
Revue Transports OTI – Numero 8 – Octobre 2008
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Illustration du chargement/déchargement automatisé de remorques routières sur des
wagons spécialisés
Source: CargoBeamer
Les dimensions de la remorque Big-MAXX ne sont
pas compatibles avec le Code de la Route français,
qui indique (art.312-11) :
"La longueur des véhicules et ensembles de
véhicules mesurée en comprenant les
superstructures amovibles et les pièces de cargaison
normalisées telles que les conteneurs et caisses
mobiles, et toutes saillies comprises dans une
section longitudinale quelconque, ne doit pas
dépasser les valeurs suivantes, sauf dans les cas et
conditions où des saillies excédant ce gabarit sont
explicitement autorisées par arrêté du ministre
chargé des transports :
[...]
4° Semi-remorque, 12 mètres entre le pivot d'attela ge
et l'arrière de la semi-remorque, et 2,04 mètres entre
l'axe du pivot d'attelage et un point quelconque de
l'avant de la semi-remorque ;"
Des remorques routières du transport combiné plus capacitaires
Les caisses mobiles les plus couramment utilisées pour le transport combiné
rail/route ne dépassent pas une longueur de 13,6 m pour un emport
maximum de 33 palettes (80x120). Avec la nouvelle semi-remorque routière
Big-MAXX rail de 14,9 m de long, le constructeur KÖGEL offre aujourd'hui
la possibilité de transporter 37 palettes tout en restant dans la limite des 40
tonnes autorisées. Cette innovation dans le domaine du transport combiné
devrait certainement à court terme inciter de nouveaux transporteurs routiers
à faire le choix du transport rail/route. Toutefois, il convient de noter que
cette semi-remorque n'est pas compatible avec la réglementation française
(voir en marge).
La nouvelle semi-remorque routière Big-MAXX rail du constructeur KÖGEL
Photo: D. Grilly, Sétra
Revue Transports OTI – Numero 8 – Octobre 2008
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L'utilisation du tramway pour le transport de marchandises en zone urbaine
Construit par Schalker Eisenhütte Maschinenfabrik GmbH, le CarGoTram de
Dresde circule depuis 2001 entre deux sites industriels des usines
Volkswagen en utilisant le réseau de tramway urbain de Dresde. Deux rames
exploitées par la Société des transports publics de Dresde (DVB Ag)
circulent une fois par heure tout au long de la journée pour alimenter en
continu les chaînes de production d'automobiles. Chaque rame peut
transporter l'équivalent de trois camions. Cette solution technique innovante
a pu prendre forme principalement en raison du maillage du réseau de
tramway qui offre au CarGoTram plusieurs itinéraires alternatifs en cas
d'encombrement aux heures les plus chargées sur l'itinéraire le plus direct.
Une rame Cargo tram de Dresde
Source: DVB Dresden
Photo: D. Grilly, Sétra
Revue Transports OTI – Numero 8 – Octobre 2008
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La Revue Transport est une publication bimestrielle de la Direction
d’études « Organisation des transports et intermodalité » du Service
d’Etudes Techniques des Routes et Autoroute. Elle rassemble des
articles traitant des sujets relatifs aux transports de marchandises et
est alimentée par la veille économique réalisée par les différents
Chargés d’études :
•
Dominique Grilly, transport ferroviaire ;
•
Damien Orsini, logistique ;
•
Matthieu Bereni, analyse du transport routier de
marchandises ;
•
Hervé Huard, transport routier de marchandises ;
•
Matthieu Desiderio, transport fluvial et maritime ;
•
Floriane Torchin, Directrice d’études, transversal.
Contact
Matthieu DESIDERIO : [email protected]
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- I 2 (réseau intranet du ministère de l'Equipement) : http://intra.setra.i2
Directeu r de la publication : Philippe Redoulez – Directeur du Sétra
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