Invisibles - Cie Nasser Djemaï

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Invisibles - Cie Nasser Djemaï
Invisibles
Revue de presse
blogs
septembre 2013
Revue de presse - blogs - Invisibles
Texte et mise en scène : Nasser Djemaï - Dramaturgie : Natacha Diet
Invisibles
Texte et mise en scène : Nasser Djemaï
Dramaturgie : Natacha Diet
Assistante à la mise en scène : Clotilde Sandri
Avec :
David Arribe, Martin
Angelo Aybar, Majid
Azzedine Bouayad, El Hadj
Kader Kada, Shériff
Mostefa Stiti, Hamid
Lounès Tazaïrt, Driss
Et la participation de Chantal Mutel, Louise
Musiciens : Alexandre Meyer et Frédéric Minière, Scénographie : Michel Gueldry, Lumière : Renaud Lagier, Création Vidéo : Quentin Descourtis, Costumes : Marion Mercier, Régie générale :
François Dupont, Maquillage : Sylvie Giudicelli, Stagiaire Costumes : Olivia Ledoux
Spectacle créé du 22 novembre au 3 décembre 2011 à la MC2: Grenoble
Production déléguée : MC2: Grenoble
Coproduction : Maison de la Culture de Bourges, Le Granit / scène nationale de Belfort, Repères /
groupe de création artistique, Théâtre Liberté / Toulon, Théâtre Vidy-Lausanne, Le domaine d’Ô /
domaine départemental d’art et de culture de l’Hérault pour l’accueil en résidence
Recueil de la parole en collaboration avec : L’association Fraternité - Teisseire (Grenoble), Le foyer
Adoma de Grenoble, D’cap (Echirolles)
Accueil résidence d’écriture : Le Sémaphore à Cébazat
Avec le soutien de : Le CENTQUATRE
La Cie Nasser Djemaï est subventionnée par la DRAC Rhône Alpes, la région Rhône Alpes, le conseil
général de l’Isère et la ville de Grenoble.
Le texte Invisibles, la tragédie des Chibanis a reçu l’aide à la création du Centre national du théâtre, le
soutien de la SACD à l’auteur, l’association Beaumarchais. Il est publié aux éditions Actes Sud-Papiers. Ce projet a bénéficié du dispositif SACD et SYNDEAC
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Texte et mise en scène : Nasser Djemaï - Dramaturgie : Natacha Diet
Une mémoire apaisée
Parler de ces Chibanis* venus d’Afrique du Nord, après la seconde guerre mondiale, c’est remonter
soixante années d’histoire, et devant un tel chantier il fallait faire un choix. Tout le monde connaît
la souffrance de ces hommes et l’exploitation industrielle dont ils ont fait l’objet. Tout le monde a
entendu parler, de près ou de loin, de cette génération qui a dû baisser la tête pour survivre, intériorisant ainsi la honte, l’humiliation et la haine.
Maintenant qu’est-ce qu’on fait avec ça ? Comment rire et s’amuser de ça par exemple ? Comment
tordre le cou aux clichés ? Le danger était de se retrouver face à une myriade de témoignages à la
fois beaux et touchants, c’est exactement ce que je souhaitais éviter. Pour ce genre d’exercice, un fi
lm documentaire aurait été bien plus efficace. Alors quelle place pour le théâtre ? La poésie ? Quelle
place pour le vertige ? Devant ma page blanche, un puits sans fond. Des ombres m’attendaient les
bras ouverts : la colonisation, les deux guerres mondiales, la guerre d’Indochine, la guerre d’Algérie, les trente glorieuses, les conditions de travail en France, le regroupement familial, l’arrivée des
femmes, des enfants, la vie dans les bidonvilles, le mythe éternel du retour au pays, les répressions
sanglantes, le racisme, le début de la crise économique, la naissance des cités etc ... Pour cela, il me
fallait une entrée, une petite entrée, une fenêtre.
J’ai donc fait le choix de parler uniquement des hommes venus en France sans leur famille, car la vie
de ces Chibanis est une double tragédie. D’abord l’arrachement de ces hommes à la terre natale, à la
famille, à l’épouse, aux enfants, pensant fuir une misère pour finalement en trouver une autre plus
froide encore. Ensuite, à l’image des tonneaux des danaïdes ou comme Sisyphe et Tantale condamnés aux supplices éternels, le temps a fait de ces hommes, des vieux célibataires, sans famille, sans
patrie, bien souvent isolés, malades et aussi pauvres que lorsqu’ils sont arrivés.
J’avais besoin d’une mémoire apaisée pour débarrasser ces hommes de leur image de victime. Voilà
peut-être le début de ma démarche, avancer par petites touches, avec délicatesse et distance. Je
ne pouvais parler de cette histoire sans inclure les récits de mon père, mes différentes enquêtes
menées à travers les foyers de vieux immigrés, les cafés, les mosquées, les montées d’immeubles
et différents ouvrages traitant de ce sujet ... Un long travail d’investigation était nécessaire pour
tenter une esquisse de cette mémoire.
Cette écriture est le fruit d’une collaboration très étroite avec Natacha Diet qui, depuis ma première création en 2005, joue un rôle central dans la dramaturgie et la structure de mes récits.
Je tiens à remercier, Michel Orier, directeur de la MC2 : Grenoble, pour son accompagnement et
son soutien tout au long de cette écriture.
Nasser Djemaï
* cheveux blancs en arabe
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Texte et mise en scène : Nasser Djemaï - Dramaturgie : Natacha Diet
Blogs
page 9
Ligne A - 08/11/11
Rencontre d’artistes
de Léa Marquis
http://lignea.fr/?p=1023
page 10
Le Blog d’Olivier Noblecourt - 24/11/11
« Invisibles » de Nasser Djemaï à la MC2 : quand la création culturelle donne en
partage la réalité sociale»
de Olivier Noblecourt
http://www.oliviernoblecourt.fr/article-invisibles-quand-la-creation-culturelle-donne-en-partagela-realite-sociale-89689894.html
page 11
Entre Alpes et Aurès - 25/11/11
Invisibles
de fethiok
http://entre-alpes-et-aures.over-blog.com/article-invisibles-89798359.html
pages 12-13
Le blog de l’association des Arts du Spectacle - 04/12/11
Compte-rendu du Midi-Deux avec Nasser Djemai
http://lesartsduspectacle.unblog.fr/2011/12/04/25/
page 14
Bloguy - 06/12/11
Les Invisibles. Nasser Djemaï
de Guy Chassigneux
http://blogs.mediapart.fr/blog/guy-chassigneux/061211/les-invisibles-nasser-djemai
page 14
La critique Evene - 13/12/11
Invisibles
de Patrick Sourd
http://www.evene.fr/culture/agenda/invisibles-672839.php?critiques
page 15
théâtres.com - 16/12/11
Invisibles
de Laurent Schteiner
http://www.xn--thatres-cya.com/editions-theatrales/invisibles/
page 16
lepays.fr - 06/01/12
Le drame des travailleurs invisibles
www.lepays.fr/territoire-de-belfort/2012/01/06/le-drame-des-travailleurs-invisibles
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Texte et mise en scène : Nasser Djemaï - Dramaturgie : Natacha Diet
page 16
Flavien Paget - le blog - 07/01/12
Invisibles «la tragédie des chibanis»
de Flavien Paget
http://flavienpaget-blog.blogspot.fr/2012/01/invisibles-la-tragedie-des-chibanis.html
page 17
ALLEGRO THÉÂTRE - 11/02/12
Invisibles de Nasser Djemai
de Joshka Schidlow
http://allegrotheatre.blogspot.fr/2012/02/invisibles-de-nasser-djemai.html
page 17
LE BLOG A EMILE (Lansman) - 11/02/12
J’ai beaucoup aimé le spectacle «INVISIBLES» (Nasser Djemaï)
http://emile08.blogspot.fr/2012/02/jai-beaucoup-aime-le-spectacle.html
page 18
Théâtre du blog - 12/02/12
Invisibles
de Evelyne Loew
http://theatredublog.unblog.fr/2012/02/12/invisibles/
page 19
froggydelight.com - 15/02/12
Invisibles
http://www.froggydelight.com/article-11532-Invisibles
pages 20-21
Slate Afrique - 23/02/12
Ces vieux Algériens qui ont bâti la France avant d’être rejetés
de Stéphanie Trouillard
http://www.slateafrique.com/82971/invisibles-solitude-des-chibanis-vieux-emigres-algerie
pages 22-23
Le souffleur.net - 02/12
Invisibles
de Sébastien Thevenet
http://www.lesouffleur.net/1557/invisibles/
page 24
Champs de culture - 27/03/12
Invisibles
http://champsdeculture.wordpress.com/tag/nasser-djemai/
page 25
evene.fr - 21/06/12
Festival d’Avignon : le best-OFF (extrait)
de Cécile Auguste, Josian Bonnouvrier, Maud Denarié, Pauline Le Gall, Soline Pillet, Etienne Sorin
et Patrick Sourd
http://www.evene.fr/theatre/actualite/festival-d-avignon-le-best-off-1035973.php
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Texte et mise en scène : Nasser Djemaï - Dramaturgie : Natacha Diet
page 26
agoravox.fr - 14/07/12
Les Invisibles
de Aurélien Péréol
http://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/les-invisibles-119952
page 27
Gladscope.fr - 18/07/12
Festival d’Avignon : « Invisibles » au théâtre du Chêne Noir
de Gladys
http://gladscope.fr/festival-davignon-invisibles-au-theatre-du-chene-noir/
page 28
Citylocalnews - 19/07/12
Coup de coeur: INVISIBLES
de Noëlle Réal
http://www.citylocalnews.com/avignon/2012/07/19/invisbles
page 29
Lestroiscoups.com - 20/07/12
L’enfer des Chibanis
de Laura Plas
lestroiscoups.com/article-invisibles-de-nasser-djemai-critique-de-laura-plas-off-d-avignon2012-theatre-du-chene-noir-a-avigno-108351962.html
page 30
planches courbes et planches à clous - 20/07/12
Invisibles, de Nasser Djemai par Natacha Diet
http://planchescourbesetplanchesaclous-liens.over-blog.com/article-invisibles-de-nasser-djemaipar-natacha-diet-108347328.html
page 30
Le blog de gazou - 22/07/12
Nasser Djemaï :Les invisibles
de Gazou
gazou.over-blog.fr/article-nasser-djemai-les-invisibles-108397037.html
page 31
Le rideau - 11/08/12
Et soudain...les invisibles apparaissent
de J­R Leloup
www.lerideau.fr/interview-on-se-tutoie/et-soudainles-invisibles-apparaissent/
pages 32-34
littexpress - 13/10/12
Nasser DJEMAÏ, Invisibles - La tragédie des Chibanis
http://littexpress.over-blog.net/article-nasser-djemai-invisibles-la-tragedie-des-chibanis-111155453.html
page 34
Besoin de Lire et d’Ecrire - 21/10/12
Les Invisibles
de Paulin Hassika
http://paulinhassika.over-blog.com/article-les-invisibles-111501821.html
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Revue de presse - blogs - Invisibles
Texte et mise en scène : Nasser Djemaï - Dramaturgie : Natacha Diet
page 35
Inferno magazine - 22/10/12
« INVISIBLES » DE NASSER DJEMAÏ, AU TNBA DE BORDEAUX
de Yves Kafka
http://inferno-magazine.com/2012/10/22/invisibles-de-nasser-djemai-au-tnba-de-bordeaux/
pages 36-28
littexpress - 01/11/12
Invisibles
de Nico
http://littexpress.over-blog.net/article-invisibles-111934047.html
page 39
danslateteduspectateur.fr - 26/12/12
Invisibles
de Saad
http://www.danslateteduspectateur.fr/invisibles
page 40
Lecloudanslaplanche.com - 12/01/13
Théâtre et racines
de Julien Botella
http://www.lecloudanslaplanche.com/critique-1460-invisibles-theatre.et.racines.html
page 41
Nadine Chaudier - 15/01/13
Les invisibles – Nasser Djemaï
de Nadine Chaudier
www.nadine-chaudier.net/theatre/les-invisibles-nasser-djemai
page 42
entrefilets - 18/03/13
Invisibles de Nasser Djemai
http://entrefilets.over-blog.com/article-invisibles-de-nasser-djemai-116307630.html
page 43
Algeriades.com - 08/04/13
Invisibles de Nasser Djemai
http://algeriades.com/nasser-djemai-%D9%86%D8%A7%D8%B5%D8%B1%D8%AC%D9%85%D8%B9%D9%8A/article/invisibles-de-nasser-djemai
page 44
Melissa on the road - 20/04/13
«Invisibles» à l’institut des cultures d’Islam
de Melissa Chemam
http://melissa-on-the-road.blogspot.fr/2013/04/invisibles-de-et-mis-en-scene-par.html
page 45
Snes.edu - 23/04/13
«Invisibles»
de Micheline Rousselet
www.snes.edu/Invisibles,24957.html
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Texte et mise en scène : Nasser Djemaï - Dramaturgie : Natacha Diet
pages 46-47
lebilletdesauteursdetheatre.com - 24/04/13
Invisibles de Nasser Djemai
de Jean­Pierre Thiercelin
www.lebilletdesauteursdetheatre.com/fr/Sortir-46-34.html
page 47
LE BLOG DE CAMILLE BOURDIOL - 18/05/13
Invisibles
de Camille Bourdiol
http://camille34.canalblog.com/archives/2013/05/18/27187828.html
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Texte et mise en scène : Nasser Djemaï - Dramaturgie : Natacha Diet
Ligne A - 08/11/11
Rencontre d’artistes
Publié le 08/11/2011
La troupe du théâtre Prémol a assisté à une répétition du spectacle Les Invisibles, en création à la MC2, consacré aux
chibanis, immigrés isolés de la première génération. L’occasion pour les adolescents d’échanger avec Nasser Djemaï,
auteur et metteur en scène, et les acteurs de la pièce.
Ils sont douze à attendre devant l’entrée de la MC2. En ce début d’après-midi, la troupe du théâtre Prémol a exceptionnellement abandonné ses répétitions. Ils rigolent, se moquent gentiment des uns des autres. Ils déchargent un peu la
pression. Dans quelques minutes, ils se retrouveront en face de Nasser Djemaï, acteur, mais aussi auteur et metteur
en scène, qui crée à la MC2 depuis plus de cinq semaines son spectacle Les Invisibles. « C’est intéressant de pouvoir
voir comment il fonctionne, puisque nous sommes nous aussi en période de création », résume une jeune fille. On les
invite à entrer. Clothilde, l’assistante de Nasser Djemaï, leur explique rapidement. « Vous allez assister à un morceau
de la répétition. Nous travaillons en ce moment les transitions de scènes. Cela peut paraître long et répétitif mais c’est
comme ça que ça marche. » Les adolescents s’installent sans bruit dans le fond de la salle.
Sur scène, un décor dépouillé. Quelques meubles bas bleutés, une table carrée entourée de quatre chaises et un fauteuil où un homme immobile est installé, recouvert d’un drap rose. Les cinq acteurs déclament leur texte, répètent
leurs entrées et sorties de scène. Nasser Djemaï est assis au quatrième rang, les bras croisés. D’une voix claire et forte
il donne ses indications. « Bien. On enchaîne sur la suite. » « On se remet en place, s’il-vous-plaît. » Une sortie de scène
pose problème. Nasser Djemaï est déjà sur le plateau. Il montre les déplacements, rappelle les repères pour que tout
s’enchaîne parfaitement. « Une dernière fois les gars. » Cela fait plus de trois-quarts d’heures que les adolescents sont
dans la salle. Aucun bruit, les respirations semblent suspendues.
Echange d’expérience
« Rapprochez-vous, nous allons discuter un peu, » lance Nasser Djemaï. Il reste sur scène avec trois autres acteurs, assis
en ligne sur des chaises au bord du plateau. La première question émane de Nasser Djemaï lui-même : « qu’est-ce que
vous créez comme spectacle ? » Les adolescents répondent rapidement et lui retourne la demande. « Je voulais donner
la parole aux chibanis, ces vieux travailleurs immigrés, qui ont traversé nos vies de manière invisible. C’est une matière
théâtrale très forte qui n’a pas été suffisamment explorée, » commence-t-il. Il explique alors tous les problèmes que
rencontrent ces « chibanis », littéralement « cheveux gris » en arabe. Un terme qui désigne les immigrés, arrivés dans
les années 50-60 en France pour travailler et qui n’en sont jamais repartis. Aujourd’hui à la retraite, ils souffrent de leur
situation : pension ridicule, vie dans des foyers de travailleurs, obligation de séjour d’au moins huit mois en France… «
Leur vie, c’est santé, mosquée, papiers, » résume Nasser Djemaï.
Arrivent des questions sur l’écriture, sur le jeu. Les adolescents sont particulièrement impressionnés par la performance de l’acteur immobile. « Et il va rester comme ça durant toute la pièce ? Nous, on ne peut pas s’empêcher de
bouger » lance une demoiselle. La troupe de Prémol semble également bluffée par la rapidité de mise en place du spectacle. Deux mois, alors qu’eux vont quasiment passer un an à le travailler. « Il ne faut pas oublier que nous sommes des
professionnels. Et l’écriture du texte a été faite en amont, contrairement à vous » rappelle Nasser Djemaï. « Continuez
comme ça ! » conclue-t-il. En sortant de la MC2 les avis sont unanimes : « c’était trop bien ! Et on a appris des trucs ! On
se met dès ce soir à apprendre notre texte pour être plus libre dans le jeu. »
Léa Marquis
http://lignea.fr/?p=1023
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Revue de presse - blogs - Invisibles
Texte et mise en scène : Nasser Djemaï - Dramaturgie : Natacha Diet
Le Blog d’Olivier Noblecourt - 24/11/11
Jeudi 24 novembre 2011
« Invisibles » de Nasser Djemaï à la MC2 : quand la création culturelle donne en partage la réalité
sociale
A l’issue d’un processus d’écriture qui s’est largement appuyé sur le recueil de la parole des chibanis (« cheveux blancs
»), ces vieux migrants d’aujourd’hui, venus en France dans les années 60 porter par leur travail la croissance des « 30
glorieuses » et délaissés depuis tant d’années, Nasser Djemaï a écrit et mis en scène « Invisibles », une formidable pièce
de théâtre coproduite par la MC2 et à voir absolument, jusqu’au 3 décembre (c’est ici pour plus d’infos).
Avec une tendresse infinie, un humour tout en dérision de soi et des autres, un recul sur l’histoire et une émotion
toujours sensible, comme un fil tendu tout au long de la pièce, Nasser Djemaï raconte la quête d’un père par un jeune
homme plongé au cœur de la vie quotidienne d’un foyer Adoma (ex Sonacotra), et qui va trouver plus qu’un père :
une famille de destin, unie par la conscience collective de ces vies broyées par un colonialisme économique qui a toujours déconsidéré cette main d’œuvre immigrée assignée aux tâches les plus pénibles, aux cadences les plus fortes, aux
risques d’accidents les plus élevés. Chaque itinéraire que nous retrouvons au travers des cinq résidents du foyer (tous
interprétés par des acteurs superbes) éclaire mieux que tous les discours les choix et les souffrances intimes de ces
hommes qui ont renoncé à leur vie de famille, les révoltes de citoyens qui ont vécu et soutenu l’indépendance, et ont eu
le sentiment d’avoir été trahi de partout, notamment par la France, et au final, quand les rêves se révèlent des illusions,
cette forme de sagesse dans le renoncement, dans l’effacement, que certains ont trouvé. Comme si l’invisibilité était
une condition de l’apaisement, du repli sur une fraternité de semblables, pour continuer à vivre, tout simplement. Audelà de la mise en lumière émouvante de la réalité de vie des chibanis, la pièce propose ainsi une subtile mise en abyme
des choix, des modes et des rythmes de vie de chacun qui constitue une belle invitation à la réflexion.
Evidemment, l’incontestable qualité littéraire de la pièce et les réflexions intimes qu’elle ouvre ne doivent pas faire
oublier son objet premier, qui a valeur de témoignage sur les conditions de vie des chibanis mais aussi d’interpellation
de la conscience de chacun comme de la responsabilité politique. Né à Grenoble et ayant grandi à Teisseire, Nasser
Djemaï connaît les associations qui accompagnent depuis des années les chibanis, tant pour les aider dans les dossiers
administratifs (ah, ces impossibles dossiers de retraites !) que pour faciliter leur vie sociale. Il a d’ailleurs travaillé avec
Fraternité – Teisseire et Pays’age pour la création des « Invisibles », associations qui réfléchissent actuellement avec la
Ville et le CCAS pour étendre la création de café sociaux à d’autres quartiers, par exemple à Mistral et à la Villeneuve.
Nous essayons aussi, avec la mise en place d’équipes gérontologiques territorialisées, d’inclure les vieux migrants dans
toutes les initiatives d’animation et d’amélioration de la vie sociale, avec quelques succès, mais aussi des échecs tant
il est difficile de dépasser les logiques d’entre-soi, quelles que soient les origines. Enfin, pour avoir visité l’ensemble
des foyers Sonacotra il y a quelques années, parfois avec une terrible consternation tant les conditions de vie étaient
indignes malgré les efforts des salariés, je ne peux que me réjouir que les démarches de reconstruction des foyers
Adoma soient très engagées à Grenoble, offrant à ces vieux migrants qui ont construit notre ville une qualité de vie bien
meilleure. C’est ainsi que la toute nouvelle résidence Beauvert sera inaugurée le 5 décembre prochain.
Comme un symbole que ces « invisibles » de la République ont en partie gagné, bien que trop tardivement, le respect et
la reconnaissance qui leur sont dus.
http://www.oliviernoblecourt.fr/article-invisibles-quand-la-creation-culturelle-donne-en-partage-la-realite-sociale-89689894.html
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Revue de presse - blogs - Invisibles
Texte et mise en scène : Nasser Djemaï - Dramaturgie : Natacha Diet
Entre Alpes et Aurès - 25/11/11
Vendredi 25 novembre 2011
Invisibles
Une très belle pièce écrite et mise en scène par Nasser Djemaï que j’ai eu le plaisir d’aller voir hier soir.
«Ils sont devenus des « invisibles », des travailleurs immigrés, écartelés entre les deux rives de la Méditerranée, qui ont
vieilli ici. « Ils sont restés seuls, nous raconte Nasser Djemaï, pour des raisons diverses, ils ne sont pas rentrés au pays.
La France est devenue leur pays, ils y ont apporté leurs rêves, mais ils sont devenus des fantômes. Ils ont asphalté les
routes, construit les HLM et sorti des chaînes des quantités de pièces détachées. » Ainsi ont-ils puissamment contribué, à la force des bras, aux fameuses Trente Glorieuses, qui virent la reconstruction accélérée de l’économie. Nasser
Djemaï, après un travail de collecte de la parole dans des foyers, des cafés sociaux, au seuil des mosquées et devant des
montées d’immeubles, a engrangé un substantiel matériau d’ordre sociologique, de la part de ces « chibanis » (cheveux
blancs en arabe). Ces témoignages, qui lui ont permis de définir des personnages et de chercher la trame d’une histoire
à partir de thèmes récurrents, ont préludé au début de l’écriture, aussitôt soumise aux six acteurs aux fins de vérification, y compris au moyen d’improvisations. L’étape finale étant la finalisation du texte à l’épreuve de la scène. Dans
un cheminement qui emprunte autant au songe qu’à la réalité, le spectacle met en scène des pères qui n’ont jamais pu
l’être face à un fils qui cherche le sien. Œuvre en même temps réaliste et lyrique, Invisibles marque un tournant dans
l’œuvre de Nasser Djemaï qui fut révélé au public à travers deux monologues. « Pour moi, déclare-t-il, la nécessité de
ce projet se trouve à un endroit très particulier : un endroit où je pourrais être un petit enfant assis sur les genoux d’un
de ces vieux hommes qui me raconte des histoires, et qu’on puisse rire ensemble. Il faut respecter la pudeur, la fierté et
la noblesse de ces ancêtres et aussi, avec délicatesse, brancher le détonateur et faire exploser des moments de vérité,
avec toute la violence, la cruauté et la drôlerie qui s’imposent. »
Tournée «Invisibles» 2011-2012
MC2 : Grenoble, du 22 novembre au 3 décembre 2011
Le Volcan, scène nationale du Havre, du 6 au 8 décembre 2011
Le Granit, scène nationale de Belfort, les 5 et 6 janvier 2012
Théâtre Liberté - Toulon, le 14 janvier 2012
Espace des Arts - Chalon sur Saône, les 17 et 18 janvier 2012
Domaine d’Ô - Montpellier, du 1er au 3 février 2012
Le Tarmac - Paris, du 7 au 18 février 2012
Maison de la culture de Bourges, les 22 et 23 février 2012
Théâtre d’Aurillac, le 13 mars 2012
L’Apostrophe, scène nationale de Cergy Pontoise, du 20 au 22 mars 2012
Le Fanal, scène nationale de St Nazaire, les 29 et 30 mars 2012
http://entre-alpes-et-aures.over-blog.com/article-invisibles-89798359.html
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Revue de presse - blogs - Invisibles
Texte et mise en scène : Nasser Djemaï - Dramaturgie : Natacha Diet
Le blog de l’association des Arts du Spectacle - 04/12/11
Compte-rendu du Midi-Deux avec Nasser Djemaï
4 décembre, 2011 - Rencontre du 1 décembre avec Nasser Djema, metteur en scène et auteur d’Invisibles
Écriture :
Le travail d’écriture a débuter par des interviews des «Chibanis » qu’il mettra plus tard en scène. Mais il n’a pas sut
comment parler de ces hommes de manière universelle. Il a alors créé le personnage de Martin. Un personnage prétexte plus exactement parce qu’il justifie l’emploie du français. Si l’on voyait que les vieux travailleurs, ils ne parlerait
qu’arabe. Ensuite, il a créé les cinq autres personnages.
Les témoignages ne l’ont donc pas aider à écrire mais ils lui ont apporter une vérité dans la gestuelle, dans la posture, et
dans la création de ces protagonistes. Mais eux-ci reste entièrement fictifs .
Il a déjà écrit deux autres pièces qu’il a ensuite monté et joué. Mais il était seul sur scène. C’est donc la première fois
qu’il écrit pour les autres et qu’il monte un des ses textes sans le jouer. Écrire pour les autre est déstabilisant. Il se sent
étranger à son texte en étant par exemple obligé d’expliquer des choses qui étaient logiques pour lui.
La pièce n’a pas beaucoup changé entre le moment ou il l’a écrit et aujourd’hui. Certains passages ont été coupés et
d’autres légèrement modifiés mais globalement il ne s’agit de que de changements mineurs. Il s’attendait à plus d’évolution. Et finalement même si l’on à toujours envie d’améliorer un texte, il na pas spécialement envie de le réécrire
aujourd’hui.
Le texte alternes des dialogues avec les monologues de Majid. Ces moment s pensés à hautes voie témoignent de la solitude de ses personnages seuls qui se parlent à eux-mêmes. Majid reste en marge et en décalage par rapport au autres.
L’édition :
c’est le troisième texte qu’il publie chez Acte Sud. Mais il n’en pas fait la demande. La maison d’édition lui a proposé
d’édité sa pièce.
Le projet :
Ce projet vieux de deux ans à débuter en septembre 2009. Le texte était écrit avant que les répétion et que ne commence les répétions. C’était une obligation pour convaincre les acteurs, leurs agents et les producteurs.
Les personnages :
Martin : pour lui, il s’agit d’un parcours initiatique puisque lorsqu’il arrive dans ce foyer, il est complètement détruit. Il
se reconstruit au contacte de ces vieux immigrés.
El Hadj, Driss, Majid, Hamid et Shériff vivent dans le foyer dans lequel Martin arrive. On retrouve chez eux des grandes
figures tel que le mentor, le messager, le gardien du seuil, etc…
Au départ, Nasser Djemaï s’est inspiré des quatre éléments pour créer les équilibres des forces. Il touve à ses protagonistes une motivation et une énergie qui les caractérisent les uns des autres et leur donne une consistance.
Le Casting :
Il a mit un an et demi avant de trouver tous ses comédiens. Il est difficile de trouver des acteurs qui soient à la fois âgés,
qui parlent arabe et capables de s’engager sur une création à long terme Il espère au moins faire tourner son spectacle
pendant deux ans.
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Texte et mise en scène : Nasser Djemaï - Dramaturgie : Natacha Diet
La question de mettre sur le plateau de « vrais » Chibanis, s’est évidement posée. Sa création aurait gagner en authenticité mais le théâtre est l’art de la répétions et pour cela il faut des professionnels qui soient capables de refaire la même
chose tout les soirs.
Le personnage du père ne bouge pas pendant deux heures. Il a été difficile de trouver un acteur qui accepte de rester
sans bouger pendant 1h45 de spectacle. Il s’agit d’une marque d’humilité de sa part, un comédien hors-norme. D’ailleurs, son rôle est une véritable performance.
Un théâtre au masculin :
la présence de ses six hommes sur scène est dû au sujet de la pièce, il a choisir de traité uniquement la tranche des
hommes partis sans leur famille. Il a été obliger de faire des choix car parler de ces Cinquante ans d’histoire avec finesse
reste impossible en 1h45 de spectacle.
Les femmes sont a la fois très présentes et très absentes dans sa mise en scène : elles sont des fantômes qui peuplent
la solitude de cet univers d’hommes. Les femmes sont entouré d’une certaine pudeur. Elle sont associé a tout un questionnement sur la vie en couple pour ces expatriés qui vivent loin de leur famille. Leur représentation par vidéo est un
choix du metteur en scène et donne un dimension onirique à la création.
Traitement du sujet :
Le sujet reste difficile à traiter de manière subtile et sans tomber dans les clichés ou dans une quelconque revendication. Ce thème est plein de pièges. Nasser Djemaï s’est donc attaché à la poésie plus qu’au reste. Il y a toujours une
dimension politique dans ce type de projet mais Nasser Djemaï s’attache d’avantage aux faits et a une volonté de simplement montrer les choses en plaçant le spectateur dans une position d’observateur.
L’actualité rejoint le sujet avec la médiatisation des enquêtes menées auprès de ces populations sur la fraude des retraites.
Le langage :
La présence de l’arabe fait gagner en authenticité au spectacle. Certains passages étaient d’ailleurs improvisés.
Le titre :
Il tente de rendre visible ces gens qui reste dans l’ombre le reste du temps.
Rendre visible l’invisible est l’essence de son métier et sa raison de le faire.
La fin :
Cette histoire met en parallèle Martin à la recherche de son père et des hommes qui ne connaissent pas leur propres
enfants. Et à la fin, martin trouve chez eux une famille et eux trouvent avec chez Martin un fils. C’est ce que nous montre
cette image finale ou le jeune homme passe de bras en bras.
Son départ à la fin est indispensable car il doit maintenant construire une vie avec les valeurs que lui on transmit les
vieux.
Le réveil du père suite à la voix de Louise nous fait rentrer dans un partie onirique et presque subliminale du spectacle.
La notion de réveil est ici très importante.
Référence : Vol au dessus d’un nid de coucou, il y a pensé en écrivant certains passages de son texte.
http://lesartsduspectacle.unblog.fr/2011/12/04/25/
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Texte et mise en scène : Nasser Djemaï - Dramaturgie : Natacha Diet
Bloguy - 06/12/11
Les invisibles. Nasser Djemaï.
Ce n’est pas tous les soirs que les plateaux de théâtre de la MC2 à Grenoble portent à la lumière ceux qui n’habitent pas
loin de là : les chibanis (« les cheveux blancs ») aussi silencieux que leurs petits enfants sont bruyants. Ceux qui apparaissent souvent comme des fantômes sont traités avec justesse dans leurs opinions différentes par l’auteur originaire
de Saint Martin le Vinoux.
Depuis le banc où ils sont assis, ils portent un regard vif sur leur condition et la société.
Ils sont moins anachroniques que les paysans ardéchois dessouchés auxquels Depardon avait donné la parole à une
époque.
Mais ce n’est pas parce que tant d’autres prolétaires n’apparaissent pas sur les écrans que notre regard doit être détourné par exemple des pauvres conditions de logement de ceux qui étaient essentiellement des travailleurs du bâtiment.
Quand l’un des vieux envisage sa sépulture sur la terre de sa naissance pour retrouver le silence et les arbres secs, qu’il
avait voulu quitter, j’ai mieux compris cette dernière volonté dont je ne saisissais pas toute la profondeur.
J’ai trouvé moins convaincant le personnage du fils, agent immobilier qui va trop vite devenir honnête, il ne fait que
passer et n’infléchira pas le destin de ces hommes seuls, cassés, remarquablement interprétés.
« J’écris pour les gens dont la table est vide, mais ce sont des gens dont la table est pleine qui me lisent. » J.M. Le Clézio
http://blogs.mediapart.fr/blog/guy-chassigneux/061211/les-invisibles-nasser-djemai
La critique Evene - 13/12/11
Invisibles
LA CRITIQUE EVENE
par Patrick Sourd
Dans Invisibles, Nasser Djemaï, à qui l’on doit le très beau et autobiographique Une étoile pour Noël, raconte le destin de ces éternels exclus que sont les travailleurs immigrés venus d’Afrique du Nord il y a un demi-siècle. Après une
vie passée sur le sol de France, les voici pris en otage par un règlement inique qui les empêche d’aller finir leurs vieux
jours au pays, au risque de perdre le modeste pécule d’une retraite pourtant chèrement gagnée à l’issue d’une vie de
dur labeur dans l’hexagone. Ouvriers spécialisés, manœuvres dans le bâtiment… Ceux qui ont coulé l’asphalte sur nos
routes et ont monté nos voitures sur les chaînes d’assemblage se retrouvent à vivre entassés dans des foyers où ils
ont déjà passé le plus clair de leur existence. On les nomme les Chibanis (les vieux en arabe), et c’est au cœur d’une de
ces petites communautés logée dans un foyer proche de la ruine que le théâtre de Nasser Djemaï, l’auteur et metteur
en scène, nous fait pénétrer – le texte est publié chez Actes Sud. Entre les jeux de cartes, les parties de dominos et les
discussions passionnées auxquels se livrent les pensionnaires, un jeune homme, Martin, arrive comme un cheveu sur la
soupe pour tenter de retrouver parmi eux un père qu’il n’a jamais connu. Tendre et chaleureux, le spectacle réunit une
troupe magnifique d’acteurs d’origine maghrébine : Kader Kada (Sherif), Mostafa Stiti (Hamed), Azzedine Bouayad (El
Hadj), Lounes Tazaïrt (Driss), Angelo Aybar (Majid). Ils sont cinq sur scène, tous extraordinaires, et prêtent leur humanité débordante à ces portraits de Chibanis plus vrais que nature. David Arribe (Martin) joue avec délicatesse ce fils en
mal de paternité qui doit vite se rendre à l’évidence qu’il ne pourra jamais comprendre leur monde et devra se contenter du rôle de témoin impuissant dans l’incapacité d’infléchir la tragédie de leur destin de sacrifiés.
http://www.evene.fr/culture/agenda/invisibles-672839.php?critiques
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Texte et mise en scène : Nasser Djemaï - Dramaturgie : Natacha Diet
théâtres.com - 16/12/11
INVISIBLES
Publié le 16 décembre 2011 | Par Laurent Schteiner
Martin, jeune agent immobilier dont la mère vient de mourir se retrouve seul avec pour unique héritage une étrange
boîte, léguée par sa mère au seuil de la mort. Commence alors une quête d’identité qui conduira le jeune homme dans
un foyer d’anciens travailleurs immigrés. Ces Chibanis, « cheveux blancs » en arabe dialectal, vont l’accueillir d’abord
avec méfiance puis s’habituer petit à petit à cet étranger à la recherche de son père.
Ces Invisibles, que personne ne regarde, vivent en circuit fermé dans ce foyer où la débrouille et l’entraide les aident à
survivre. Loin du Bled, comme ils l’appellent, ils rêvent d’un retour triomphal au pays, après toute une vie passée loin
des leurs. Au milieu de ces hommes, Martin trouvera sa place et découvrira ses origines, face à un homme qui a perdu
la parole.
Nasser Djemaï aborde ici les thèmes de l’identité et de l’immigration d’Afrique du nord dans notre pays avec justesse et
poésie. Il raconte ces hommes, écartelés entre deux nations, qui ont voué leur vie au travail et qui ne sont jamais rentrés
chez eux. Assis sur leur banc comme s’ils étaient au spectacle, ils s’interrogent et se moquent avec humour de la société
qui les entoure. Est ce qu’il vaut mieux n’avoir droit à rien dans un pays qui a tout ou avoir droit à tout dans un pays qui
n’a plus rien ?
Ce sont ceux qu’on ne voit pas, qu’on frôle sans saluer, qu’on n’entend pas. Comme l’auteur le dit lui-même: « Dans l’inconscient collectif ces travailleurs étrangers sont immortels, parce que continuellement interchangeables. » Comme
un devoir de mémoire, Nasser Djemaï s’est inspiré notamment de l’histoire de sa famille en s’attachant à éviter les
clichés et à retranscrire une vérité dont on ne parle jamais.
Le défi est réussi car l’ouvrage n’est ni moralisateur ni facile mais nous offre avec émotion un voyage au cœur de ce
monde caché qui pourtant est si proche de nous.
Invisibles
La tragédie des Chibanis
Nasser Djemaï
Editions Acte Sud
60 p
13 €
ISBN : 978-2-330-00177-3
http://www.xn--thatres-cya.com/editions-theatrales/invisibles/
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Texte et mise en scène : Nasser Djemaï - Dramaturgie : Natacha Diet
lepays.fr - 06/01/12
Le drame des travailleurs invisibles
La scène du théâtre Granit accueille ce soir la pièce de Nasser Djemaï sur la « tragédie des chibanis ».
Récit personnel et conte universel, Invisibles, la Tragédie des Chibanis suit l’histoire d’un jeune homme qui, à la suite
d’une bagarre de rue, trouve refuge dans un foyer accueillant les travailleurs immigrés en retraite. Par la parole, en
partageant le quotidien, les doutes, les rires et les parties de cartes interminables de ces chibanis ( « les cheveux blancs
» ou « les vieux » en arabe), le personnage revient sur son passé oublié.
À l’issue d’un processus d’écriture qui s’est largement appuyé sur le recueil de la parole des chibanis venus en France
dans les années 60, Nasser Djemaï a écrit et mis en scène Invisibles.
« Ces travailleurs immigrés sont restés seuls, raconte Nasser Djemaï. Pour des raisons diverses, ils ne sont pas rentrés
au pays. La France est devenue leur pays, ils y ont apporté leurs rêves mais sont devenus de fantômes ». Par leur travail,
les Invisibles ont contribué à la belle époque des Trente Glorieuses qui virent la reconstruction accélérée de l’économie. Nasser Djemaï, après avoir collecté de nombreux témoignages, a pu élaborer la trame de cette histoire, mise en
scène avec justesse, émotion et humour. Une création signée Granit.
http://www.lepays.fr/territoire-de-belfort/2012/01/06/le-drame-des-travailleurs-invisibles
flavien paget - le blog - 07/01/12
Invisibles «la tragédie des chibanis»
Théâtre Granit à Belfort. Texte et mise en scène de Nasser Djemaï.
«Tout le monde sait que ces hommes ont souffert, tout le monde connaît l’exploitation industrielle dont ils ont été victimes. Tout le monde a entendu parler, de près ou de loin, de cette génération qui a dû baisser la tête pour survivre,
intériorisant ainsi la honte, l’humiliation et la haine.» Tel est le propos de la pièce.
Ces vieux travailleurs immigrés, devenus invisibles et qui sont au devant de la scène pour un moment de théâtre exceptionnel.
Extrêmement bien joués par des comédiens fondus dans leur rôle, les personnages vivent l’histoire complexe d’une
famille au sens large : LA famille. Une partie au pays, l’autre en France pour pouvoir continuer à toucher le complément
retraite.
Le jeune Martin doit retrouver son père inconnu à la mort de sa mère. Il rencontrera alors un groupe de ces chibanis,
dans leur quartier, en train de mourir lentement. Rendus socialement invisibles par une France qui les a rejetés après
les avoir fait travailler dur.
Ils survivent, tout en envoyant l’argent au bled, en espérant pouvoir y retourner un jour.
«C’est Allah i’ décide. C’est comme ça y’a rien à dire.»
Nasser Djemaï signe ici une œuvre théâtrale magnifique, traitant d’un sujet très actuel, dans une société économique
qui a viré de bord. C’est ce genre de pièce qui redonne au théâtre un vrai pouvoir d’expression et un rôle politique. Plus
fort que le cinéma, car c’est vivant.
Tout est bien réglé : scénographie, mise en scène, texte, comédiens,...
A voir absolument, c’est en tournée nationale !
http://flavienpaget-blog.blogspot.fr/2012/01/invisibles-la-tragedie-des-chibanis.html
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Texte et mise en scène : Nasser Djemaï - Dramaturgie : Natacha Diet
ALLEGRO THÉÂTRE - 11/02/12
SAMEDI 11 FÉVRIER 2012
Invisibles de Nasser Djemaï
En choisissant cette pièce écrite et mise en scène par Nasser Djemaï Le Tarmac ( Scène internationale Francophone)
démarre en force dans les nouveaux murs qui lui ont été attribués. La représentation est, en effet, de celles qui ne
s’oublient pas. Martin, un homme d’une vingtaine d’année dont la mère vient de décéder, tente de découvrir le secret
de la vie de cette femme peu disserte. Le début fait songer à un écrit du dramaturge libano-canadien Wasni Mouhawad
dont les personnages déambulent dans les vestiges sordides d’un passé qu’ils n’ont pas connus. Mais la pièce très vite
prend une tournure bien différente.
A la recherche d’un homme dont la défunte lui a cité le nom, le jeune parisien débarque dans une ville de province et
arrive dans un foyer où vivotent cinq Chibanis (hommes à cheveux gris en arabe dialectal). S’il est malvenu par l’un des
vieillards, trois autres, en particulier Driss (Lounès Tazaïrt, acteur discrètement majeur) qui ne tarde pas à le considérer
comme un fils d’élection, lui font bon accueil. Le cinquième habitant de l’immeuble insalubre, où ces hommes passent
leur temps à jouer aux dominos et à prier, est depuis quelque temps aphasique. Martin aimerait voir ces hommes qui
l’ont reçus à la fortune du pot emménager dans une maison de retraite où ils jouiraient de plus de confort.Mais ses
hôtes, qui n’ont d’autres projets que d’être inhumés dans leur terre natale, refusent tout net de changer leurs habitudes.
Chacun d’entre eux a connu des vicissitudes mais n’effeuille qu’avec parcimonie ses souvenirs et alors qu’ils ont trimés
leur vie durant cavalent après une retraite de misère. Cela sans jamais se lamenter. Comme leur visiteur on est étreint
par la délicatesse de leurs gestes et de leurs mots. La puissance de vérité de ce spectacle doit beaucoup à la finesse de
jeu des acteurs retenus notamment David Arribe qui incarne Martin
En cette période de racisme d’Etat cette production accessible à tous public est à notre grande satisfaction applaudie
avec ferveur.
Jusqu’au 18 février Le tarmac tel 01 43 64 80 80
PUBLIÉ PAR JOSHKA SCHIDLOW
http://allegrotheatre.blogspot.fr/2012/02/invisibles-de-nasser-djemai.html
LE BLOG A EMILE (Lansman) - 11/02/12
J’ai beaucoup aimé le spectacle «INVISIBLES» (Nasser Djemaï)
J’ai été très ému par cette nouvelle pièce de Nasser Djemaï mise en scène par l’auteur. Je le connaissais à travers sa
pièce UNE ETOILE POUR NOEL, prix Sony Labou Tansi des Lycéens. Ici, il aborde l’entre-deux, ces «chibanis» (les vieux
aux cheveux blancs) qui ne sont ni tout à fait d’ici (même si la machine industrielle européenne a pompé leur énergie
contre un traitement de misère), ni plus vraiment de là-bas. Ils tuent le temps au sein d’une petite communauté de pairs
qu’ils se sont constituée pour survivre et continuer à envoyer un peu d’argent au pays.
C’est sobre, efficace, touchant... Je recommande vivement.
http://emile08.blogspot.fr/2012/02/jai-beaucoup-aime-le-spectacle.html
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Revue de presse - blogs - Invisibles
Texte et mise en scène : Nasser Djemaï - Dramaturgie : Natacha Diet
Théâtre du blog - 12/02/12
Invisibles
Invisibles, texte et mise en scène de Nasser Djemaï
Martin et ses cinq pères.
Un spectacle formidable, nécessaire et pertinent, qui nous porte de bout en bout vers un moment d’émotion inoubliable.
Nasser Djémaï, poursuivant un travail sur la mémoire et l’identité, a réussi à rendre compte d’un angle invisible de l’histoire de France. A travers le prisme des vies de cinq travailleurs immigrés maghrébins à la retraite restés ensemble
dans un foyer, se soutenant les uns les autres, il fait renaître un microcosme, un univers uniquement masculin où les
ombres des femmes, inaccessibles, passent et repassent au loin, comme des esprits bienveillants et absents (une belle
création d’images de Quentin Descourtis). Les hommes laissent deviner des parcours durs, courageux et silencieux. Il
y a l’enfermé en lui-même, le tendre, le sévère, le méfiant, le complice, l’admirateur inconditionnel de Charles Bronson,
celui qui est solide et généreux comme un arbre … chacun unique, bien sûr, mais réunis en bout de course dans ce foyer.
Arrivée en France pour un travail sur un chantier ou en usine, impossibilité de rentrer au pays pour des raisons diverses,
et maintenant c’est la retraite tant attendue, dans une chambre de cinq mètres carrés, avec le manque d’argent et l’invisibilité sociale, tant ici que là-bas, au « bled » où, parfois, une famille a grandi. Double « invisibilité » : celle des ouvriers et
celle des immigrés. Nasser pense à juste titre qu’il ne faut pas s’asseoir sur « la chaise de l’oubli », il a entrepris de mettre
au jour et magnifier ces vies. C’est difficile. Oui ce sont des sujets difficiles, c’est pourquoi il s’est donné le temps. Il a
commencé l’écriture il y a deux ans.
Objectif atteint, et au-delà, car il a su intégrer librement tout ce qu’il a écouté, recueilli, lu, vu, pour composer une
œuvre originale, une pièce en forme de récit initiatique, qui assume sa responsabilité mais ne se laisse pas écraser par
l’envergure de la tâche. Nasser est passé par l’école anglaise, il a travaillé dans les théâtres anglais, c’est peut-être pour
cela qu’il sait si bien composer un récit théâtral, avec rebondissements et suspens, qui témoigne simplement et fortement sans être naturaliste. L’imaginaire, l’histoire, les rêves, les mythes sont mis à contribution sans alourdir le récit qui
reste palpitant. Pour cristalliser son propos, il propulse au milieu des « chibanis » (« cheveux blancs ») un personnage
qui est en quelque sorte son alter ego, Martin, la trentaine. Un homme amené par un événement grave à faire retour
sur lui-même.
Après deux spectacles très réussis, écrits et interprétés en solo, Une étoile pour Noël et Les vipères se parfument au
jasmin, deux pièces publiées par Actes Sud-Papiers, Nasser Djémaï s’est, cette fois-ci, concentré sur l’écriture et la mise
en scène, toujours épaulé pour la dramaturgie par sa fidèle complice Natacha Diet. Il n’est resté hors scène que pour
mieux y être par une parole (et un silence !) confiés à des comédiens formidables. La distribution est d’une absolue justesse. Angelo Aybar, Azzedine Bouayad, Kader Kada, Mostefa Stiti et Lounès Tazaïrt nous font pénétrer dans ce foyer
confiné, ces discussions, ces parties de domino, cette dignité et cette pudeur d’une amitié forte qui ne se dit pas, ce
train-train qui va s’ouvrir, avec l’accueil « forcé » du jeune homme, sur l’imaginaire, l’ailleurs, le rappel de l’amour et de
l’histoire. Les paroles portent, les silences et les gestes ont du poids. Rien n’est lourd car l’humour est très présent aussi,
comme dans cette scène, souvent observée dans la rue mais jamais représentée dans un théâtre, où la bande de retraités, assis sur un banc, regarde les passants en faisant des commentaires, condensé désopilant du décalage des cultures
et des références entre les années 60 et les années 2000. Ce sont tous de grands comédiens qui savent amener immédiatement force et vérité, une belle humanité. Face aux chibanis, David Arribe nous fait partager sa transformation, la
compréhension de ses origines qui va lui permettre d’avancer. Dans le cadre de ce foyer miteux – rien d’un univers de
conte ! -, il trouvera au final cinq sages, cinq sagesses, une bénédiction et un héritage.
C’est un spectacle rare, tant par le propos que par la qualité, un spectacle qui parle à tous, à voir en famille, au nouveau
Tarmac qui a pris le relais du TEP. La pièce est éditée par Actes Sud-Papiers.
Evelyne Loew
Au Tarmac jusqu’au 18 février, puis Vidy-Lausanne, et tournée en France.
http://theatredublog.unblog.fr/2012/02/12/invisibles/
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Texte et mise en scène : Nasser Djemaï - Dramaturgie : Natacha Diet
froggydelight.com - 15/02/12
Invisibles - Théâtre le Tarmac (Paris) février 2012
Comédie dramatique écrite et mise en scène par Nasser Djemaï, avec David Arribe, Angelo Aybar, Azzedine Bouayad,
Kader Kada, Mostefa Stiti et Lounès Tazaïrt.
Avec «Invisibles», le jeune auteur et metteur en scène Nasser Djemaï a choisi d’évoquer le destin des «Chibanis» qui
vivent dans les anciens foyers Sonacotra recyclés en foyers du 3ème âge, et qui, dans l’histoire ethnographique de
l’émigration, sont les émigrés magrhébins des années 60.
Après une vie de labeur comme ouvriers, pour la plupart sans qualification et notamment dans le secteur éprouvant du
bâtiment et de l’industrie lourde, ces travailleurs immigrés de la première génération, les aieuls des «minorités visibles»
d’aujourd’hui, vivent une double tragédie : non seulement celle de la vieillesse misérable liée à une retraite dérisoire
mais celle de l’impossibilité de retourner dans leur pays où demeure leur famille en raison de la condition de résidence
attachée au versement de l’allocation de solidarité aux personnes âgées.
Nasser Djemaï a choisi de traiter ce sujet à partir d’une intrigue mélodramatique à la thématique classique de la quête
des origines, celle d’un fils à la recherche de son père naturel, qui ressortit au théâtre de l’émotion, dont l’indispensabilité n’est pas patente.
Sur le sujet de fond, à partir d’un abondant travail documentaire de recherche et de témoignages, il a écrit une vraie
partition théâtrale qui s’inscrit non dans le registre du théâtre documentaire mais dans celui du réalisme social, une
partition intelligente et sensible, sans pathos manichéen ni misérabilisme, qui, à partir du beau portrait de cinq hommes
dont le sens de la dignité et de l’honneur ont permis leur survie, explore leurs fêlures et leur souffrance.
Dans la pièce commune, une cuisine en formica, rien n’a changé. Le temps s’est écoulé trop vite et maintenant il semble
s’être arrêté, jusqu’à la maladie, celle qui vient de s’abattre sur El Hadj (Azzedine Bouayad) qui n’a pu se résoudre à avoir
deux familles et en attente de la mort, seul moyen pour les autres de repartir définitivement chez eux.
Ce qui leur reste, «la santé, les papiers, la mosquée» comme ils le disent avec humour et la partie de dominos ou de
cartes qui précède la promenade et la halte sur un banc, assis en rang d’oignons, à regarder passer la vie des autres.
Un quotidien ritualisé, placé sous le signe de la fraternité et de la solidarité et partagé par tous, qui est troublé par
l’arrivée du jeune homme (David Arribe) qui réactive les épreuves traversées, les regrets et les amertumes éprouvées
que chacun garde pour soi : les mirages de l’Eldorado français, le déracinement, l’écartèlement entre le pays d’origine
et la France avec des liens familiaux distendus limités à la présence d’un mois par an, une famille restée au pays faute
d’argent pour lui permettre de vivre en France ou retournée au pays faute de s’être acclimatée dans un pays souvent
hostile, les conditions de vie précaire avec ce qui reste du salaire largement amputé de l’argent envoyé au pays, face au
racisme, aux humiliations et aussi à la solitude.
Nasser Djemaï signe une mise en scène sobre qui laisse la part belle aux comédiens dont la finesse de jeu est exceptionnelle tant ils ne versent jamais dans le naturalisme, le surjeu ou l’effet, et qui portent la voix des oubliés et des laissés
pour compte qui dérangent.
A savoir : Mostefa Stiti, le chef du groupe, car en toute chose il faut une autorité pour ne pas tomber dans l’anarchie,
c’est Hamid, le désenchanté qui ne croit plus en personne et n’espère rien, le bourru au bon coeur mais fort en gueule
s’est imposé pour assurer l’intendance, Angelo Aybar, le célibataire taiseux qui ne s’est pas remis des exactions de la
Guerre d’Algérie, Lounès Tazaïrt, le coeur tendre rempli de compassion voudrait retourner vivre dans son pays mais
sait bien que là-bas on s’est habitué à son absence et que pour eux, la famille c’est ici et Kader Kada qui revient toujours
déçu d’un pays qui s’enfonçant dans le marasme économique ne voit pas tarir l’émigration.
http://www.froggydelight.com/article-11532-Invisibles
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Texte et mise en scène : Nasser Djemaï - Dramaturgie : Natacha Diet
Slate Afrique - 23/02/12
Ces vieux Algériens qui ont bâti la France avant d’être rejetés
Avec cette pièce, les Chibanis sortent de l’ombre. Entre la France et l’Algérie, ces vieux immigrés sont tiraillés...
Ecrite par Nasser Dejmaï, un auteur français d’origine algérienne, la pièce Invisibles donne la parole aux vieux travailleurs maghrébins qui vivent leurs dernières années dans des foyers Sonacotra. Pour toucher leur faible retraite, ils sont
condamnés à rester seuls en France, loin de leur famille.
Le rituel est immuable. L’après-midi se passe autour de la table. Les dominos ou les cartes passent de main en main. Cinq
«chibanis», des hommes aux cheveux blancs en arabe, attendent juste que le temps défile.
«On parle des papiers, de la mosquée, c’est tout. Les métiers à nous, y a rien à dire. C’est pas intéressant», s’exclame
l’un des personnages. Mais dans ce quotidien où tout se répète, un jeune homme, en quête d’un père inconnu, va tout
bouleverser. A la recherche de réponse sur ses origines, Martin nous sert de guide dans le petit monde de Driss, Hamid,
Majid, El Hadj et Shériff. «Là, t’es dans ma chambre, 5m2, c’est mon cercueil», lui explique l’un de ces retraités.
Cet univers, c’est celui des anciens travailleurs immigrés, de ces hommes venus des colonies pour reconstruire la
France, de ces forçats des Trente glorieuses. Arrivés dans les années 60, ils ont péniblement gagné leur croûte en
rêvant de construire une maison au bled ou de simplement faire vivre toute leur famille restée au pays. «Toute l’année,
je ne remplis pas mon estomac pour remplir les valises avec les cadeaux», décrit Driss. Leur vie sur les chantiers est
terminée depuis longtemps, mais le calvaire continue. Pour toucher leur maigre pension, ils doivent en effet résider en
France au minimum six mois par an. Coincés dans des foyers Sonacotra, des habitats collectifs spécialement conçus à
l’époque pour la main d’œuvre migrante, ils sont oubliés de tous.
Redonner la parole
En consacrant une pièce à ces hommes déracinés, Nasser Djemaï a voulu les rendre visible et leur redonner leur dignité.
Après avoir monté deux spectacles en solo, Une étoile pour Noël et Les vipères se parfument au jasmin, cet auteur
de 41 ans a abandonné le one man show pour écrire sur un sujet qui le touche personnellement. Son père, un maçon
algérien, a lui-même débarqué à Marseille en 1968 pour rejoindre la cohorte de travailleurs maghrébins. Après avoir
trouvé un emploi dans une mine de ciment en Isère, il a fait venir sa femme et ses deux enfants en 1970. Nasser est né
en France, un an plus tard.
Pour construire l’histoire d’Invisibles, le metteur en scène s’est inspiré de ces souvenirs familiaux, mais il a également
été recueillir la parole de ces anciens ouvriers. «Je suis allé dans des foyers Sonacotra à Grenoble, dans des cafés, et j’ai
rencontré des chibanis aussi sur des bancs», raconte-t-il. Touché par ces témoignages, le dramaturge a surtout été marqué par leur force de caractère: «Prendre la vie comme elle est, sans amertume. Ce ne sont jamais des plaintes. C’est
surtout des gens à la fois humble, silencieux et digne». Reclus dans leurs modestes chambres, ces «chibanis» vivent
pourtant une tragédie moderne. Abandonnés par la société, ils souffrent de solitude.
«Cela me fait penser au Tonneau des Danaïdes, cet espèce de travail sans fin, de ces hommes qui se sont sacrifiés pour
le travail, pour survivre, pour faire vivre des familles ou des villages entiers. A quel prix ? Celui de l’isolement», constate
Nasser Djemaï.
Des étrangers en France et dans leur pays
Ecartelés entre les deux rives de la Méditerranée, le retour de ces retraités n’est pas non plus si simple. «On m’attend
moi ou mon argent?», s’interroge l’un des personnages d’Invisibles. Après avoir passés plus de 40 ans loin des leurs, à
n’envoyer que des billets ou des cadeaux durant l’été, l’absence a fait des dégâts.
«Ils ne connaissent pas leur famille, leurs enfants. Ce sont des étrangers pour leur propre famille. Cette absence les a
complètement grignoté, les a fait disparaître, les a rendu étranger», estime l’auteur.
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Texte et mise en scène : Nasser Djemaï - Dramaturgie : Natacha Diet
Ces chibanis ne sont finalement ni à leur place sur leur terre natale si sur celle d’adoption. Partis à une époque désormais révolue, ils ont gardé en tête les images d’un Maghreb d’antan: «Cette sorte d’horloge brisée, de carte postale du
pays d’origine qui n’est plus la réalité, qui a complètement évolué. Le retour au pays est aussi source d’incompréhension, de malentendus et de tensions. Cela provoque une espèce d’éternel aller-retour entre les deux pays».
Reniés en tant que travailleurs et immigrés, ces vieux messieurs n’intéressent personne. Selon Nasser Djemaï, cette
indifférence est le fruit de notre histoire:
«Ces hommes n’ont pas été considérés comme des hommes pendant très longtemps. La preuve, on a oublié qu’ils allaient
vieillir un jour. Il y a encore cette dimension de sous-hommes, de bêtes de somme, qui ne sont bons qu’à travailler. C’est
comme des mulets. (…) Ce sont ces mêmes bêtes qu’on a envoyé en première ligne dans la guerre contre les Allemands
et qu’on a torturé pendant la guerre d’Algérie parce qu’on ne torture pas des hommes, on torture des sous-hommes».
Le cœur est là-bas
Bouleversé par le destin de ces émigrés usés, le personnage du jeune Martin voudrait transformer leur quotidien, les
forcer à quitter ces logements insalubres ou encore les pousser à revendiquer leurs droits. Mais cette génération d’anciens n’a plus la force de se battre pour récolter de maigres compensations. Dans le foyer Sonacotra qui tient lieu de décor, Driss, Hamid, Majid, El Hadj et Shériff n’ont qu’une chose en tête: retrouver leur terre. «Le cœur, il est là-bas, mourir
ici, c’est pas possible». Le propos de la pièce est grave, mais ces hommes ne se départissent jamais de leur humour: «Je
suis partie là bas avec la valise, et je reviendrai dans la boîte ». A la fois émouvants et piquants, ces Invisibles pointent du
doigt les travers de notre société. Un monde, où on laisse de côté ceux qui ont pourtant tant donné.
Jusqu’au 18 février sur la scène du Tarmac, à Paris.
Les 22 et 23 février 2012
MC Bourges
Le 13 mars 2012
Théâtre d’Aurillac
Du 20 au 22 mars 2012
Théâtre de Cergy Pontoise Scène Nationale
Le 29 mars 2012
Le Fanal Scène Nationale St Nazaire
Du 25 avril au 6 mai 2012
Théâtre Vidy-Lausanne
Stéphanie Trouillard
http://www.slateafrique.com/82971/invisibles-solitude-des-chibanis-vieux-emigres-algerie
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Revue de presse - blogs - Invisibles
Texte et mise en scène : Nasser Djemaï - Dramaturgie : Natacha Diet
Le souffleur.net - 02/12
INVISIBLES
Le Tarmac
Date Du 7 au 18 février 2012
Texte et mise en scène Nasser Djemaï
Avec David Arribe, Angelo Aybar, Azzedine Bouayad, Kader Kada, Mostefa Stiti, Lounès Tazaïrt
A voir absolument !
(Chibanis signifie « vieux » en arabe et par extension désigne les vieux immigrés maghrébins à la retraite en France)
Invisibles
Commence par une descente aux enfers. Martin Lorient n’a jamais connu son père et vient de perdre sa mère. Celle-ci
avant de mourir lui confie un coffret et la mission d’aller le donner à un certain El Hadj. Martin part à sa rencontre dans
un foyer de « vieux chibanis » et trouve un homme vivant mais végétatif qui s’obtine au silence. Trouvera-t-il d’autres
langues ? D’autres langues pour une réponse ?
Récits et récifs
La pièce entière se construit par la parole ; la parole et surtout le récit. A commencer par celui fondateur d’une terrible
visite chez le dentiste, puis la mort d’une mère, puis une bagarre qu’un homme essuie. Cet homme c’est Martin. Ce récit
est fondateur puisque, dans sa droite ligne, Martin va partir à la rencontre de ce El Hadj et rencontrer ces chibanis.
Le récit c’est aussi et surtout celui de ces « chibanis », terme péjoratif dont eux-mêmes s’affligent. Ces invisibles que la
société refuse de considérer, ces “invisibles” comment les représenter ? La parole, la parole, le récit est ce qui permet
de faire jaillir ce qui n’est pas ou ce qui n’est plus. La feule saçon d’exister.
Ce qui n’est plus c’est leur pays; leur pays qu’ils font revivre par cette parole. Un pays qu’ils ont fui pour sa pauvreté et
qu’ils regrettent maintenant, El Dorado d’oliviers et de soleil au regard de la misère à laquelle la France les réduit. Ce
qui n’est plus c’est aussi leur enfance que chacun fait remonter à sa façon.
On le voit donc ces récits pour eux sont récifs. Des récifs auxquels on s’accroche pour ne pas sombrer dans la rue de
l’oubli et de la solitude.
Mais les récifs ont cette double particularité d’être aussi tranchants ; et le souvenir dans la gorge ne remonte jamais
sans quelques larmes. Il faut voir et entendre les deux monologues de Majid (Angelo Aybar), le personnage totem.
Totem collectif de la société, il garde en tout temps le silence. Sauf à deux reprises quand le silence entre les autres,
dont il est le muet paratonnerre, se fait trop pesant. Et là, ces deux récits à pierre de larmes qu’il faut voir.
Ces récits sont crucifixions : cru de questions et de doutes. L’arrivée soudaine de Martin au sein réglé du foyer chibani
provoque un désordre qui pousse à tour de rôle chaque personnage à protester, se pencher sur sa façon de vivre, à se
remettre en question ou s’alléger d’un poids ; mais il y a la toujours quelque chose de salvateur ; Martin, par sa différence les soulage, les aère. D’où l’importance de la parole, de ces récits aussi coupants soient-ils. C’est ce que sait Martin quand il incite les chibanis à parler à El Hadj malgré son absence apparente.
D’autres langues
Entendre d’autres langues voilà le remède ! D’autres que prévues pour Martin ; et d’autres pour le spectateur. L’usage
récurent de l’arabe, notamment dans les tableaux du quotidien (partie de domino, de cartes), crée un exotisme divertissant voire amusant. De même, les vieux chibanis parlent un français approximatif où l’économie du verbe devient
émouvante. Ces hommes disent la complexité de leur ressenti à l’égard de la France, de leur pays, de leur propre vie
avec les mots les plus simples qui sont aussi les plus efficaces.
Cette logique de l’économie se retrouve d’ailleurs dans toute la pièce qui évite tout pathos misérabiliste malencon22
Revue de presse - blogs - Invisibles
Texte et mise en scène : Nasser Djemaï - Dramaturgie : Natacha Diet
treux en nous présentant des personnages et des décors sobres et simples dans ce qu’ils expriment.
La musique abonde en ce sens avec ses légères teintes orientales qui traînent dans les angles et escortent le passage de
quelques femmes (la mère de Martin ? son fantasme de l’Orient ?…) vidéoprojetées sur une toile de fond. Cette femme
qui ne viendra pas, qui ne viendra plus.
Un monde sans femme
La pièce ne comporte que des acteurs masculins mais la femme en est pourtant le centre. Cette femme c’est la mère de
Martin qui, à travers ses dernières paroles, sa dernière requête ; tire le fil d’Ariane qui le dirigera lui et toute la pièce. Et
ce fil d’Ariane est représenté à merveille par le passage de ces chants orientaux et ces silhouettes de femmes.
Mais si la femme est absente, la douceur ne l’est pas. Et c’est une famille que retrouve Martin au fond de sa solitude, au
terme de sa quête.
D’autres langues, un même père.
par Sébastien Thevenet
http://www.lesouffleur.net/1557/invisibles/
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Texte et mise en scène : Nasser Djemaï - Dramaturgie : Natacha Diet
Champs de culture - 27/03/12
Invisibles
C’est l’histoire de Martin qui va chez le dentiste. Son téléphone a sonné mais il ne l’a pas entendu. Il a un message sur
son répondeur, quelque chose est arrivé.
C’est l’histoire de Louise qui est morte seule à l’hôpital d’un cancer détecté il y a trois mois seulement, pendant que son
fils était chez le dentiste.
Martin croit qu’il n’avait qu’elle, une mère qui a tout sacrifié pour l’élever seule. Elle lui a laissé une lettre et une boîte.
Chercher un homme qui s’appelle El Hadj et le docteur Raphaël, tout deviendra ensuite très clair sur l’identité de son
père.
Martin l’orphelin se retrouve dans un foyer de vieux Chibanis. Qui sont-ils? Ceux qui ont donné à la France des années
de travail et qui aujourd’hui peinent à vivre normalement après tant de labeur. Venus du Maghreb, ils sont des anciens
ouvriers qui à l’image de l’un des personnages, doit prouver qu’il a bien travaillé pendant tout ce temps afin d’avoir sa
retraite.
Martin y découvre le quotidien de cinq hommes entre les difficultés financières, les petites rivalités, les secrets enfouis
et paradoxalement une grande solidarité. Des hommes qui l’accueillent à bras ouverts alors qu’ils ne le connaissent pas.
Il est encore sous le choc de la perte de sa mère, et tente malgré tout d’interroger ce qui peut l’être. La connaissaientils? Comment? Savent-ils qui peut être son père?
C’est l’histoire d’une quête d’identité: savoir d’où je viens pour savoir où je vais.
C’est l’histoire du devoir de mémoire envers tous ceux qui ont aidé la France à un moment de notre histoire. Ceux qui
sont invisibles dans notre société.
C’est une histoire qui touche grâce à la mise en scène de Nasser Djemaï qui se concentre essentiellement sur les personnages et qui nous fait nous interroger sur leur devenir. En ces temps d’élections, n’est -il pas nécessaire de se demander comment nous pouvons agir autrement?
Le problème qui est posé est principalement le fait que ces hommes soient obligés de rester sur le sol français afin de
toucher leur pension. D’un côté, on serait tenté de se dire que cela est normal car pour «profiter» des avantages d’un
pays il faut logiquement y vivre. D’un autre côté, après quarante ans passés à travailler en pensant à ce moment de la
retraite, ne méritent-ils pas de retrouver leurs racines?
Autant de rêves non exaucés mais à quel prix?
Pour mieux comprendre leur situation, le site de l’association des chibanis propose des tranches de vie, cet article sur
un projet de loi abandonné et celui-ci sur les retraites précaires.
Cette pièce s’inscrit donc une vraie réalité, actuelle mais méconnue.
Invisibles, une création 2011-2012 sur le site de Nasser Djemaï
http://champsdeculture.wordpress.com/tag/nasser-djemai/
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Revue de presse - blogs - Invisibles
Texte et mise en scène : Nasser Djemaï - Dramaturgie : Natacha Diet
evene.fr - 21/06/12
Festival d’Avignon : le best-OFF (extrait)
Par Cécile Auguste, Josian Bonnouvrier, Maud Denarié, Pauline Le Gall, Soline Pillet, Etienne Sorin et Patrick Sourd
1161 spectacles, 975 compagnies venues de 25 pays, 104 lieux... Difficile de s’y retrouver dans l’offre touffue du festival Off d’Avignon, du 7 au 28 juillet prochain. En attendant de découvrir de nouvelles pépites grâce au bouche-à-oreille,
Evene vous livre sa sélection des meilleures pièces déjà vues avant leur passage par la cité des Papes.
Invisibles ****
‘Invisibles’
Dans Invisibles, Nasser Djemaï raconte le destin de ces éternels exclus que sont les travailleurs immigrés venus
d’Afrique du Nord il y a un demi-siècle. On les nomme les Chibanis (les vieux en arabe), et c’est au cœur d’une de ces
petites communautés logée dans un foyer proche de la ruine que l’auteur et metteur en scène, nous fait pénétrer. Entre
les jeux de cartes et les discussions passionnées auxquels se livrent les pensionnaires, un jeune homme, Martin, arrive
pour tenter de retrouver parmi eux un père qu’il n’a jamais connu. Tendre et chaleureux, le spectacle réunit une troupe
magnifique d’acteurs d’origine maghrébine : Kader Kada (Sherif), Mostafa Stiti (Hamed), Azzedine Bouayad (El Hadj),
Lounes Tazaïrt (Driss), Angelo Aybar (Majid). Ils sont cinq sur scène, tous extraordinaires, et prêtent leur humanité
débordante à ces portraits de Chibanis plus vrais que nature. David Arribe (Martin) joue avec délicatesse ce fils en mal
de paternité qui doit vite se rendre à l’évidence qu’il ne pourra jamais comprendre leur monde et devra se contenter du
rôle de témoin impuissant dans l’incapacité d’infléchir la tragédie de leur destin de sacrifiés.
À 16h, Théâtre du Chêne noir, salle Léo Ferré, 8 bis rue Sainte Catherine, 84000 Avignon (0)4 90 86 74 87
http://www.evene.fr/theatre/actualite/festival-d-avignon-le-best-off-1035973.php (extrait)
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Texte et mise en scène : Nasser Djemaï - Dramaturgie : Natacha Diet
agoravox.fr - 14/07/12
Les invisibles
Allez voir Les invisibles, texte et mise en scène de Nasser Djemaï, au théâtre du Chêne noir à Avignon à 16H00 tous les
jours.
Ces « invisibles » portent un problème collectif, social et politique, inconnu de nous tous. Et la pièce qui leur est consacrée rend simple et visible leur situation morale et matérielle. Ils sont dans une situation faible, mais pas fragile : ils la
connaissent bien et elle est assez immuable. Ils en souffrent et l’acceptent comme un destin. Ils ne se rebellent pas. Ils
n’en ont plus la force. Ils n’en ont jamais eu la force. Ils n’ont jamais été pris dans un collectif, leur problème n’a jamais
été pris comme un problème collectif. Une somme de cas individuels. Ils n’ont jamais bénéficié de la force collective qui
permet de poser publiquement les problèmes. Ils n’ont jamais été définis comme une classe sociale, un groupe suffisamment unifié et compact pour qu’on établisse des politiques publiques plus ou moins compassionnelles (et plus ou moins
efficaces). Ils ne se plaignent pas vraiment, ils disent comment c’est pour eux. Fatigués, ils endurent mille complications
: les fuites d’eau, le dossier de la retraite toujours incomplet... et mille souffrances : impossible de payer la robe de
mariée de la fille, qui dit « ça ne fait rien papa, viens sans cadeaux » mais impossible de se déplacer aussi loin, impossible
d’être à son mariage, même téléphoner est hors de prix. L’un d’eux ne s’est pas rempli l’estomac pour remplir sa valise
de cadeaux pour ses proches au pays ; les deux sont restés vides. L’État français, les Français, ont menti sur le travail, sur
les conditions de travail, sur le salaire, sur le logement, et finalement sur les retraites. Les « Chibanis » (têtes blanches
en arabe) ont bâti les demeures de Français plus riches qu’eux et, eux, vivent dans un confort minimal. Ils vivent un exil
permanent, insoluble, sans fin. Ils doivent rester en France pour toucher la retraite complémentaire. Une chicane de
plus. N’importe quel salarié français peut aller dépenser sa retraite à Marrakech. Eux non ! L’État veille au retour sur
« investissement », que leurs petites retraites servent à faire travailler les Français sur le sol de France. Pourquoi leur
faire ça ? Ils ne sont rien ou si peu de chose, pas place dans la conscience politique, pas de porte-parole... Ils sont de nulle
part et voient la France sur le pas de leur porte, comme un spectacle.
La pièce est d’une convergence parfaite pour nous mener à une grande empathie envers ces Chibanis. Le fond et la
forme nous tracent le chemin. La mère d’un jeune homme qui ne craint pas la bagarre lui donne un chemin vers son père
inconnu : « Va voir El Hadj, il te mènera à ton père » (en substance). Et le jeune — amoché au passage par sa propre violence, il a déclenché une bagarre à quatre contre lui — débarquera dans le foyer de vieux travailleurs. L’on saura bientôt
tout, de leur vie quotidienne, de leur histoire. Des apartés nous font un peu plus participer à la détresse de ces hommes.
Le « taiseux » s’est sauvé d’une grotte, enfant, pendant la guerre d’Algérie, poussé et encouragé par son père qui y est
mort avec d’autres, donné aux chiens. En son jeune âge, il était assez petit pour passer par un étroit boyau vers le ciel
libre. Un tel « événement », quand il vous arrive, vous pourrit la vie pour toujours. Ça revient tout seul dans la mémoire
et encombre toute la disponibilité à jamais. Un trauma formidable. Mortel.
Le vieux El Hadj vit comme un légume, indifférent à tout. Il se « contente » de respirer. Tous les autres le soignent, le
lavent, s’occupent de lui au plus intime. Leur vie est faite de cette communauté, comme une famille. Entraide entre
proches. Quand le jeune voudra à la fin faire le dossier pour qu’ils aient des chambres de 18m² au lieu des 5 qu’ils ont
dans leur foyer, ils ne veulent pas. C’est leur vie, ils n’en ont qu’une, c’est la leur, et leur solidarité en est le sel. Ils ne sont
pas pauvres de ça. Il est là le collectif de leur destin, quasi à sa fin : une chambre pour dormir, le reste ensemble, avec des
passés tissés des mêmes événements, des mêmes situations. Ils ne veulent pas vivre dans un logement individualiste,
où l’on peut tout faire sans voir les autres.
Les invisibles nous fait voir à quel point cette façon d’être au monde est respectable. Le texte construit cette découverte pas à pas, sans effet de manche. Un texte juste. Les acteurs sont impeccables. Un décor réaliste. Comme si on y
était. On y est. De la belle ouvrage pour une meilleure conscience de notre temps, d’où il vient et de quoi il est fait, aussi.
http://www.agoravox.fr/culture-loisirs/culture/article/les-invisibles-119952
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Texte et mise en scène : Nasser Djemaï - Dramaturgie : Natacha Diet
Gladscope.fr - 18/07/12
Festival d’Avignon : Invisibles au Théâtre du Chêne Noir
Une pièce de : Nasser Djemaï
Metteur en scène : Nasser Djemaï
Avec : David Arribe, Angelo Aybar, Azzedine Bouayad, Kader Kada, Stiti, Lounès Tazaïrt
Théâtre du Chêne Noir
Jusqu’au 28 juillet 2012 à 16h
Martin, 35 ans, vient de perdre sa mère. Celle-ci lui a laissé un coffret à remettre à son père qu’il n’a jamais connu…
Il va alors partir à sa recherche et se retrouver dans un foyer de vieux travailleurs immigrés d’origine algérienne.
Désemparé et à bout de nerf, Martin va être recueilli par quatre d’entre eux. Il va découvrir le rude quotidien de ces
hommes, ces « chibanis* », qui tentent de s’en sortir en France tout en gardant une dignité et une image de réussite pour
leur famille restée en Algérie…
Cette pièce est un vrai bijou. C’est sûr, les actions ne fusent pas. Mais là n’est pas la force de l’auteur. Son grand talent
est de nous faire vivre pendant 1h40 au rythme de ces retraités algériens. Il réussit à retranscrire une ambiance qui ne
nous est pas forcément familière et à nous la faire adopter. On est dans ce foyer, on vit avec Driss, Hamid, Majid, Shériff
et El-Hadj.
Et surtout on vit avec eux l’intrusion de Martin, « le jeune » comme ils l’appellent. Son désespoir mais aussi l’angoisse
des secrets qu’il remue dans ce foyer sont plus que palpables. Et le silence dans la salle tout le long de la représentation
en témoigne.
Nasser Djemaï, auteur et metteur en scène de cette pièce, réussit avec Invisibles un pari d’une grande qualité. Celui de
nous ouvrir les yeux sur un monde qu’on connaît peu.
Les Echos ont d’ailleurs dit à ce propos: « Quand le théâtre dit le monde mieux qu’un documentaire c’est qu’il rime avec
art. Bravo Nasser Djemaï ».
Je dois avouer que je partais avec une émotion d’avance. Ce monde, je le connais un peu puisque ces retraités algériens
m’ont fortement fait penser à mon papa… Ils paraissent tellement authentiques, c’est troublant. Tout y est: la gestuelle,
l’humour et même les fautes de français…
Quand la pièce s’est terminée, j’ai bien observé la salle et tout le monde semblait très ému. Les applaudissements étaient
d’ailleurs très contenus au début. Puis au bout de quelques minutes, le temps que l’émotion laisse place à l’admiration
sûrement, les gens se sont levés et ont crié des « bravos » sincères qui m’ont pris au cœur.
Vraiment, Invisibles est une très belle pièce que je vous recommande. Et si vous l’avez vue, je serais ravie d’échanger un
peu plus sur nos ressentis.
Amis parisiens, je ne manquerai pas de vous prévenir si cette pièce se joue sur la capitale !
En attendant, je peux vous prêter le texte si cela vous intéresse.
* «Chibanis» veut dire «cheveux blancs» en arabe, ce terme est utilisé pour désigner les vieux immigrés maghrébins.
Ecrit par Gladys
http://gladscope.fr/festival-davignon-invisibles-au-theatre-du-chene-noir/
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Revue de presse - blogs - Invisibles
Texte et mise en scène : Nasser Djemaï - Dramaturgie : Natacha Diet
Citylocalnews - 19/07/12
THÉÂTRE DU CHÊNE NOIR
Coup de coeur: INVISIBLES
Tout en pudeur et sans jamais tomber dans la culpabilisation du public, Invisibles nous rappelle aussi que nous sommes
tous des enfants d’immigrés.
Invisibles, ce sont ces cinq travailleurs immigrés venus du bled apporter leur force et leur sueur à une France d’aprèsguerre en pleine reconstruction.
LE PITCH
Après le décès de sa mère, Martin cherche son père dans un foyer pour vieux travailleurs venus d’Afrique du Nord. Il y
découvre cinq Chibanis usés par le temps et les mensonges. Ainsi qu’un pan de son histoire personnelle qui se confond
avec l’Histoire de France.
L’AVIS DU FESTIVAL
Nasser Djemaï est un jeune auteur Grenoblois qui, avec Invisibles, nous emmène avec pudeur et sans pathos à la rencontre de notre histoire. Invisibles, ce sont ces cinq travailleurs immigrés venus du bled apporter leur force et leur sueur
à une France d’après-guerre en pleine reconstruction. Ils sont arrivés avec leurs rêves de réussite, laissant souvent «
au pays » une femme et des enfants qu’ils ne revoient que l’été lorsqu’ils deviennent « les milliardaires de juillet-août ».
Les années sont passées, ils sont vieux, usés, leurs bras ne servent plus ce pays d’accueil dans lequel ils sont devenus des
prisonniers volontaires. Invisibles pour une administration française qui tarde voire même refuse de reconnaitre leurs
droits à la retraite. Invisibles enfin de l’autre côté de la Méditerranée dans ce pays qui n’est plus le leur, auprès d’enfants
qui ne les reconnaissent plus…
Nasser Djemaï a eu la belle idée de leur redonner une voix, un visage, une histoire à travers la quête d’un fils trentenaire, né d’un couple mixte (magnifique David Arribe) qui part à la recherche de ce père inconnu. Martin, c’est un peu
la France d’aujourd’hui, celle qui a oublié ce qu’elle doit à ces vieillards aux cheveux blancs qui ont fatigué leur carcasse
sur les chantiers de l’hexagone. Tout en pudeur et sans jamais tomber dans la culpabilisation du public, Invisibles nous
rappelle aussi que nous sommes tous des enfants d’immigrés.
La mise en scène nous plonge dans un univers qui tourne au ralenti, comme les heures longues et monotones qui
égrènent la vie de ces hommes sans âge. Le sens du détail vestimentaire, la précision dans le décor apportent un réalisme touchant. Et que dire des comédiens, Angelo Aybar, Azzedine Bouayad, Kader Kada, Stiti et Lounès Tazaïrt, sinon
que leur interprétation, subtile et drôle touche en plein cœur ?
Invisibles, assurément, ils ne le sont pas tant ils occupent l’espace scénique et le remplissent d’une émotion qui étreint
le spectateur. Et lorsque le public se lève pour applaudir à tout rompre ces cinq majestueux comédiens, c’est autant
pour saluer leur interprétation que pour témoigner le respect dû aux Hommes qu’ils sont.
par Noëlle Réal le 19/07/2012
http://www.citylocalnews.com/avignon/2012/07/19/invisbles
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Texte et mise en scène : Nasser Djemaï - Dramaturgie : Natacha Diet
Lestroiscoups.com - 20/07/12
« Invisibles », de Nasser Djemaï
(critique de Laura Plas), Off d’Avignon 2012, Théâtre du Chêne-Noir à Avignon
En direct du Festival et du Off d’Avignon 2012
L’enfer des chibanis
Ils sont au spectacle sur leur banc, mais nul ne les voit. Ce sont les « chibanis », ces vieux travailleurs émigrés aux cheveux blancs. Nasser Djemaï offre la lumière des projecteurs à ces invisibles dans une pièce étrange, romanesque et
cinématographique. Des éclats d’humanité qui touchent les spectateurs, même si on a personnellement l’impression
qu’« Invisibles » n’a pas totalement trouvé sa forme.
Abdelkader Djemaï leur a consacré un beau petit roman, Gare du Nord. Nasser Djemaï, à son tour, écrit et met en scène
les chibanis. Pour mener à bien son projet, il a récolté des témoignages. C’est ce qui donne à Invisibles sa force. Car on
sait que les personnages incarnent de nombreuses personnes réelles. On retrouve ainsi de petites notations justes
comme les démêlés avec les feuilles de paye, les petits plaisirs des jeux de cartes. Par ailleurs, on perçoit la rumeur d’une
histoire franco-africaine qui n’a cessé de broyer les uns au bénéfice des autres. Guerre là‑bas, répression, exploitation
ou mépris ici. Des scènes fortes se gravent donc dans les cœurs. Mais peut‑on faire rentrer l’histoire d’un demi‑siècle
dans une pièce ? Peut‑on dire tant d’histoires individuelles grâce à quelques personnages ?
Pour affronter cette difficulté et lier les histoires, Nasser Djemaï a créé un intrus, Martin, qui peu à peu dénoue les
langues, fait sortir les secrets des placards. Fils sans père, il en trouve plusieurs. Petit agent immobilier intégré, il est le
double du spectateur. Il soutient la narration, comme son interprète, David Arribe, porte la pièce grâce à la qualité de
son jeu et à sa belle voix. En outre, de nombreux moyens (prières, songes, monologues) sont employés pour que chacun
des chibanis raconte des bribes de son histoire. Il le fait presque toujours isolé dans un face au public, comme face à une
caméra. C’est un peu artificiel, mais pas dénué de sens. En effet, on perçoit ainsi la solitude de ces hommes, solidaires
mais enfermés chacun avec leurs secrets. Par ailleurs, ce système de solos permet à chaque comédien de faire preuve
de son talent.
Comme un polar
Nasser Djemaï fait d’autres choix aussi étonnants, tant au point de vue de l’écriture que de la mise en scène. En effet,
là où on attendrait une facture documentaire, il opte pour le romanesque, voire la mythologie. Les paroles des chibanis
se révèlent en effet dans une sorte d’enquête à suspense. Martin débarque au foyer avec la mission de retrouver son
père, de parler à un certain El Hadj et de lui remettre un coffret. Mystère sur le contenu du coffret, sur le fameux El
Hadj, sur le père. Toute la pièce est construite sur la tension de cette enquête identitaire classique (de Sophocle à Wajdi
Mouawad). Même si on peut sourciller au dénouement étrange ou très romanesque, on est tenu en haleine.
Mais la quête de Martin est même mythique. Quand il arrive au foyer, il est comme mort. Une métaphore filée, un peu
lourde, assimile son séjour chez les chibanis à une descente aux enfers, épreuve que tout héros de la mythologie (Énée,
Ulysse, Héraclès…) doit subir, et en particulier s’il est héros de l’errance. Le jeu des lumières, très travaillé, nous plonge
sans cesse dans une obscurité d’outre‑tombe. Le dépouillement de la scénographie, s’il permet de se concentrer sur les
hommes, peut évoquer la désolation infernale. Par ailleurs, au centre de la scène se trouve un lit, dans lequel Martin
délire. Ainsi, rien n’interdit de croire que certaines scènes sont de l’étoffe du songe. Enfin, en fond de scène, des images
se forment, des ombres se meuvent conformément à la représentation antique des Enfers. Artifice ou plongée onirique
? À chacun de voir…
Invisibles offre en tout cas une belle partition, étrange, décalée, à une équipe de comédiens émouvants.
Laura Plas
http://www.lestroiscoups.com/article-invisibles-de-nasser-djemai-critique-de-laura-plas-off-d-avignon-2012-theatre-du-chene-noir-a-avigno-108351962.html
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Revue de presse - blogs - Invisibles
Texte et mise en scène : Nasser Djemaï - Dramaturgie : Natacha Diet
planches courbes et planches à clous - 20/07/12
Invisibles, de Nasser Djemai par Natacha Diet
Hommage à ces « Chibanis », venus d’Afrique du Nord et regroupés dans des foyers de vieux immigrés. Invisibles, de
Nasser Djemai, nous relate la vie des hommes ayant quitté leur pays, leur pauvreté, pour se retrouver dans un nouvel
enfer, en France, toujours autant démunis. C’est une dénonciation d’une réalité bien trop tue. A travers la quête de
Martin qui recherche son père, les comédiens nous racontent leur histoire, mais aussi l’Histoire de leur Pays, celle d’une
réalité politique et sociale qui les exploite et les laisse de côté. Nul sentiment de pitié ou de misérabilisme n’émane,
pourtant, de la scène ; aucune plainte n’est exprimée. Seule, la douleur du cœur est visible, celle qui les tient éloignés
de leur famille et leur tord le ventre. Dans sa mise en scène où se mêlent réalité et figures spectrales des femmes de
leur vie, Natacha Diet, avec l’aide des brillants comédiens pleins d’émotions et de couleurs, est parvenue à trouver un
rythme, un équilibre, qui éloigne du témoignage historique cliché et pathétique. Il y a une véritable réflexion sur la
question de la transmission et de l’héritage filial, mais aussi sur l’importance de ses racines et de ses droits. La valeur de
l’homme est abordée de plein fouet, sur une tonalité d’humour épicé et de solidarité. C’est sûrement ce soutien entre
eux qui est le plus touchant ; une entraide, presque une nouvelle famille, qui leur permet de se souvenir de la terre
sèche et humide de leur Pays et de continuer à espérer.
http://planchescourbesetplanchesaclous-liens.over-blog.com/article-invisibles-de-nasser-djemai-par-natachadiet-108347328.html
Le blog de gazou - 22/07/12
Nasser Djemaï :Les invisibles
http://gazou.over-blog.fr/article-nasser-djemai-106882056.html
Je vous ai déjà parlé de lui...C’était le 14 juin (voir le lien ci-dessus)
Nous avions vu un spectacle écrit et joué par lui-même...
Nous avions ri, médité sur nos travers, découvert des vies différentes.
Aussi, quand allant à Avignon, nous avons vu son nom, nous n’avons pas hésité...
et, même si nous avons moins ri, et même s’il ne jouait pas, Nasser Djemaï, nous n’avons pas regretté notre choix
La pièce s’appelle LES INVISIBLES
L’auteur nous parle de ces «chibanis» (cheveux blancs en arabe).
Venus en France, sans leur famille, pour travailler,pour fuir la misère...ils se retrouvent vieux célibataires, sans famille,
sans patrie, souvent isolés et malades, aussi pauvres que lorsqu’ils sont arrivés.
L’auteur s’est bien sûr servi des récits que lui faisait son père, il a fait des enquêtes dans les foyers de vieux immigrés, les
cafés, les mosquées, différents ouvrages parlant de ce sujet...Il a travaillé, en étroite collaboration avec Natacha Diet
qui, depuis sa première création en 2005, travaille avec lui.
Son théâtre nous dit, mieux qu’un documentaire peut-être, la vie de ces pauvres gens, leur déchirement , leur combat
pour garder le peu qu’ilrest de leur rêve et de leur dignité...Et nous sommes touchés, émus...Nous comprenons de l’intérieur ce qu’ont été ces vies et nous nous sentons très proches d’eux
http://gazou.over-blog.fr/article-nasser-djemai-les-invisibles-108397037.html
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Revue de presse - blogs - Invisibles
Texte et mise en scène : Nasser Djemaï - Dramaturgie : Natacha Diet
Le rideau - 11/08/12
Et soudain…les invisibles apparaissent
Depuis longtemps, nous savons bien que nous sommes plutôt souvent absents ou carrément mauvais en France dans
la création de films ou de pièces dénonçant des abus d’état ou des événements honteux historiques ( les Britanniques
prennent bien plus de risques dans ce domaine),mais nous avons là un chef d’oeuvre du genre, d’une sobriété et une
dimension rare dans l’histoire du théâtre.
Un jeune homme perdu, chargé de douleurs et de stratégies peu honnêtes débarque dans un espace inconnu (sorte
de confrérie d’hommes âgés qu’on nomme les « chibanis ») pour rencontrer son père…inconnu. Il a dans ses mains un
coffret. Dans sa tête ? Les derniers mots de sa mère. Il découvre alors le quotidien difficile de ces hommes invisibles
non seulement en France mais également dans leur pays d’origine. Dans leur univers à la fois drôle et poétique, leur
imagination foisonne… Une quête initiatique commence alors…Après Tahar Ben Jelloun dans son roman Au pays et
Rachid Bouchareb au cinéma avec Indigènes, Nasser Djemaï aborde cette dure réalité des « Chibanis » (« anciens » en
arabe), venus travailler dans le bâtiment et les travaux publics dans les années soixante. Une fois la retraite venue, ils
se trouvent confrontés à des difficultés particulières qui s’ajoutent au désarroi quant à choisir entre leur famille restée
au pays et la vie en France. Cette dernière s’impose souvent à eux comme la seule possibilité de survie. Nasser Djemaï
nous donne à voir leur humble organisation avec pudeur. Toute la dignité de cette confrérie se trouve rehaussée par
l’humour peignant incessamment leur quotidien monotone et où l’imagination, les souvenirs et les rêves sont encore
perceptibles.
Du grand art…
Toute la puissance de cette œuvre réside dans son traitement des valeurs essentielles : rapports mère-fils, père-fils,
la vie et le sens qu’on veut et peut bien lui donner. Bref, une œuvre magistrale où la théâtralité est reine et où le verbe
prend une valeur symbolique et une dimension universelle. La précision et la rigueur du jeu des comédiens, chacun bien
campé dans leur rôle, leur présence généreuse et claire, donnent un tableau unique et harmonieux. Parmi les moments
marquants, l’épisode où le fils lit cette touchante recommandation écrite par sa mère juste avant de mourir (recommandation basique, mais essentielle d’un père à son fils) : « donne lui le meilleur : ton regard et tes bras ». Les bras nous
en tombent. D’émerveillement.
J-R Leloup
http://www.lerideau.fr/et-soudainles-invisibles-apparaissent/504
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Revue de presse - blogs - Invisibles
Texte et mise en scène : Nasser Djemaï - Dramaturgie : Natacha Diet
littexpress - 13/10/12
Nasser DJEMAÏ, Invisibles - La tragédie des Chibanis
Nasser DJEMAÏ
Invisibles - La tragédie des Chibanis
Actes Sud-Papiers, 2011
Le comédien et metteur en scène Nasser Djemaï écrit sa troisième pièce et la première mise en scène où il n’incarne
pas tous les personnages. Sa première création publiée en 2006, Une étoile pour Noël ou l’Ignominie de la bonté, avait
un aspect autobiographique: Nabil, un jeune garçon d’origine maghrébine, tentait de construire son identité entre un
père aimant qui ne voulait que le voir différent de lui, et la famille d’un ami bourgeois, qui souhaitait « l’occidentaliser
». En 2008, dans Les vipères se parfument au jasmin, une jeune bouchère, Shérazade, poussée par une élite « blanche
», tente de changer de vie après la révélation de sa voix, abandonnant alors les siens et se heurtant aux mensonges et à
l’hypocrisie de ce nouveau cercle.
Pour cette troisième pièce, fruit d’un projet de dix ans, Nasser Djemaï a décidé d’interroger son père, ses oncles et de
mener un travail documentaire plus poussé, à la rencontre des Chibanis (cheveux blancs en arabe dialectal) au sein de
foyers d’anciens ouvriers, de cafés, de mosquées... Son premier postulat : nous connaissons le sort de ces personnes,
leur exploitation sur les chantiers de travaux publics à partir des années 1960. Le second : le documentaire est le plus
à même de transcrire leur expérience. Un défi se présente alors à l’auteur : médiatiser le propos de ces hommes, sans
tomber dans les clichés ou les discours démagogiques, et répondre aux questions : « [...] quelle place pour le théâtre ? La
poésie ? Quelle place pour le vertige ? » (p. 6).
Comme dans ses deux précédents travaux, il expose des « tableaux » qui sont des scènes courtes (de deux à trois pages),
monologues et dialogues. Ces flashs soulignent des moments structurants du parcours du jeune héros qui intègre le
foyer ou éclairent la personnalité et l’histoire des quatre Chibanis (le cinquième, El-Hadj, a perdu la parole et est immobilisé sur un lit).
La première scène plante le décor : Martin vient de perdre sa mère et n’a pu être à ses côtés pour ses derniers moments.
Elle lui a laissé un coffret, un nom, une adresse et donc une mission : retrouver son père. Il va alors à la rencontre des
habitants algériens d’un foyer Sonacotra : Driss, qui attend sa retraite pour rentrer marier sa fille, père aimant déchiré
depuis l’abandon de sa famille restée au pays; Hamid qui se rêve en poule plumée par les siens qu’il souhaite pourtant
rejoindre là-bas ; Majid, traumatisé par les représailles des Français en 1945, invisible regardant le monde de son banc
; Shériff, ancien « beau gosse » qui raconte au bled qu’il fréquente l’élite intellectuelle française. Tous restent en France
au moins six mois et un jour (durée obligatoire depuis 2007), pour bénéficier de leur complément de retraite versé par
l’État, un privilège non exportable au Maghreb. Ils envoient de l’argent à leur famille et reviennent de temps à autre en
Algérie, en attendant d’y faire rapatrier leur corps.
Réalisme, humour et tragédie
Le temps de l’action est court, comme l’indiquent les didascalies : à peine «quelques jours» où le lecteur peut déceler le
quotidien des anciens ouvriers : jeux de cartes, sorties, tracasseries du quotidien à propos de leurs retraites ou de leurs
familles... La pudeur et la dignité des personnages prévalent sur l’épanchement de critiques ou de plaintes.
L’écriture transcrit au mieux le parler des hommes, en particulier les Chibanis, qui expriment parfois directement leur
pensée arabe en français (par exemple, l’absence de pronom réfléchi : « je protège toi », (tableau IV, p. 18), ou du pronom relatif : « moi, c’était obligé j’envoie l’argent à la famille » (tableau V, p. 20)). Les phrases sont en général courtes, la
négation majoritairement absente. Ces particularités d’écriture immergent le lecteur d’autant plus rapidement dans
les échanges, souvent très fins, entre les personnages.
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Revue de presse - blogs - Invisibles
Texte et mise en scène : Nasser Djemaï - Dramaturgie : Natacha Diet
En outre, quel que soit son propos, Nasser Djemaï manie avec subtilité humour et moments extrêmement touchants.
Comme il s’évertue à le répéter dans ses entretiens, l’auteur a cherché à éviter tout misérabilisme. Aucun larmoiement
pour les Chibanis, seulement des réalités, certes difficiles, et un humour parfois grinçant. La part belle est également
faite à l’autodérision : ils n’hésitent pas à se moquer de leur confrère qui se prétend moudjahidin : « Il a lancé deux
pierres sur l’armée, ça y est c’est un moudjahidin » (tableau XV, p. 39), ou d’une femme voilée : « Elle est vieille, elle
est bête, elle est moche. [...] Heureusement, elle porte le voile, ça cache un peu... » (tableau XV, p. 40). En outre, ils ont
pour certains une opinion tranchée sur les petits caïds, Français dits issus de l’immigration : « Regarde-les avec leur
casquette, leurs baskets, le pantalon descendu [...]. Sale race ! [...] Un homme, il commence par remonter son pantalon ».
Les thèmes de l’islam et de l’hypocrisie qui peut lui être associée, de l’Algérie et de son rapport à la France, des jeunes,
de la famille sont ainsi abordés. Le dernier monologue de Hamid illustre la déception de ces hommes qui ont tant donné
à leur pays d’accueil et qui ont perdu toute confiance à force de désillusions. Effectivement : « Toute la vie ils ont menti
» (tableau XXI, p. 57). De plus, tous les personnages vivent dans une profonde solitude résultant d’un déchirement avec
les leurs (sa mère pour Martin, leurs parents, femmes et enfants pour les Chibanis).
En effet, si Martin est à la recherche de ses racines, ces hommes ont vu disparaître les leurs : ils ne sont chez eux ni en
France, ni en Algérie. Entre deux feux, ils peinent à trouver leur place entre une société qui ne les considère plus depuis
leur retraite et un pays d’origine fantasmé où l’on respecte les vieux mais où la jeunesse se jette à la mer pour partir.
C’est la quête de l’identité qui est ici mise en lumière. Les touches d’humour servent une réalité plus terrible. Néanmoins, la rencontre de Martin avec les hommes crée une synergie : lorsque le jeune homme quitte le foyer où il n’était
pourtant pas désiré, en particulier par Hamid qui lui reproche d’apporter le mauvais oeil et de s’inviter sans vergogne
dans le foyer, il sait qu’il sera désormais le bienvenu : « Tu pourras venir quand tu veux, ça te fera plaisir et à lui aussi, et à
nous. Maintenant on s’est trouvés, tu peux partir en paix mon fils » (tableau XXI, p. 58). Cet orphelin a trouvé plus qu’un
père, les Chibanis étant eux-même en mal d’enfants. La dernière didascalie illustre ce changement de relation puisque
Martin passe sur les genoux de chacun des hommes au moment de partir.
Les Enfers et les fantômes
La métaphore de l’enfer est filée tout au long de l’ouvrage. Dès l’avant-propos, l’auteur évoque la figure d’« Hadès (épithète signifiant « l’invisible ») ». Le foyer est comparé aux enfers, au « royaume invisible des ombres » (tableau III, p.
15) alors que la chambre de Driss est son « cercueil » (tableau IV, p. 16). Tout comme Énée descend dans le monde
des morts pour voir son père, légende que s’approprie Martin, appréciant le texte de Virgile avec une impression de
déjà-vu, le jeune homme franchit les portes de l’enfer à la recherche d’un père qui a toujours été absent. Il s’identifie à
El-Hadj : comme lui, il est « en enfer, tous les deux plongés yeux ouverts dans ce gouffre, ce silence » (tableau VI, p. 22).
L’enfer, c’est aussi la France pour le père de Driss, au moment où ce dernier quitte l’Algérie pour travailler, abandonnant
ainsi sa femme et ses deux enfants. L’enfer est associé à l’invisible, épithète qui renvoie aussi aux Chibanis, marginaux,
invisibles depuis qu’ils ne servent plus sur les chantiers.
La femme est l’élément fantôme de la pièce. La voix de Louise, la mère de Martin, guide son fils dans son errance. Les
femmes des Chibanis sont aussi présentes en pointillé. Ainsi, Nasser Djemaï a choisi de présenter les hommes qui n’ont
pas bénéficié du regroupement familial, toutes les épouses sont donc restées au pays. La question de la relation amoureuse pour ces hommes, engagés et mariés mais étrangers à leur compagne, est soulevée, à travers un monologue de
Driss qui dit ne voir sa femme qu’en juillet et août. Cette dernière se dérobe à ses devoirs d’épouse en remplissant la
maison d’invités, ce qui fatigue le vieil homme, habitué en France au calme et à l’isolement.
Une issue impossible ?
Malgré leur situation très pénible, les anciens ouvriers sont résignés. « Allah il décide, y a rien à faire » (tableau IV, p.
17). « De toute façon Allah, c’est toi qui décides, moi j’ai rien à dire » (tableau XI, p. 32). Lorsque Martin quitte le foyer, il
propose aux retraités d’entreprendre des démarches juridiques pour les reloger. Les quatre hommes refusent catégori33
Revue de presse - blogs - Invisibles
Texte et mise en scène : Nasser Djemaï - Dramaturgie : Natacha Diet
quement : « Il veut nous mettre en prison ? » (tableau XXI, p. 55). « Non, on veut pas changer [...] nos habitudes. Tout est
bien réglé, faut pas déranger ». Comme pour la prière, « [f]aut rien déranger » (tableau V, p. 21). Comme devant Allah,
« [y] a rien à dire » (tableau XXI, p. 56). Devant les objections et critiques du jeune homme, une réponse : « Oui mais
c’est chez nous, ça fait quarante ans on vit ici, c’est comme ça » (tableau XXI, p. 57). Le foyer est en effet leur territoire,
puisqu’ils ne sont plus d’ici ni de là-bas. Leur territoire et leur prison.
En une soixantaine de pages, Nasser Djemaï parvient donc avec humour et poésie à ouvrir les yeux du lecteur sur des
thèmes variés du rapport France/Algérie et l’invite à s’interroger, au delà du sort des Chibanis, sur la question essentielle de l’identité.
Maude, AS bibliothèques 2012-2013
Pour en savoir plus :
http://nasserdjemai.com
À lire :
Nasser DJEMAÏ
Une étoile pour Noël ou l’ignominie de la bonté
Actes Sud-Papiers, 2006
Nasser DJEMAÏ
Les vipères se parfument au jasmin
Actes Sud-Papiers, 2008
À voir :
Invisibles - La tragédie des Chibanis au Théâtre National de Bordeaux en Aquitaine du 16 au 20 octobre 2012
http://littexpress.over-blog.net/article-nasser-djemai-invisibles-la-tragedie-des-chibanis-111155453.html
Besoin de Lire et d’Ecrire - 21/10/12
Les invisibles
Voilà une pièce qui donne à réfléchir, théâtre ou documentaire Nasser Djemaï a su déclencher la fibre sensible de
l’émoi, de l’identification et en définitive du questionnement. Sa pièce les «invisibles» raconte les chibanis, les cheveux
blancs en arabe, qui sont à la «retraite». Le mot retraite entre guillemet car cette retraite n’est pas l’action de se retirer
du monde, de la cour, des affaires, des emplois, du théâtre, non c’est plutôt un lieu où l’on se cache, où l’on se dérobe. Les
«chibanis» d’Algérie, du Maghreb ou encore de l’Afrique de l’ouest se ressemblent tous. Ces vieux sont venus travailler
en France dans les années 60 et ne sont jamais repartis. Alors, ils restent assis sur les bancs à regarder le chantier d’à
côté ou la vie des passants. En fait il faut un rectificatif, ils ne peuvent plus vraiment repartir, déracinés, plus aucun code,
il ne leur reste plus que les 5 m² de leur foyer d’anciens travailleurs immigrés. Ils restent en France pour toucher une
retraite complémentaire. Car il faut vivre plus de 6 mois et 1 jour sur le territoire pour prétendre à la retraite et autres
pensions d’invalidités. Cette loi économique a été mise en place pour permettre le maintien de la consommation en
France et par ce processus, elle enferme à jamais ces «chibanis» dans leurs souvenirs, leurs problèmes administratifs et
leur obligation de rester. Il faut rester en France pour ne pas perdre la récompense de toutes ces années où ils étaient
les travailleurs «invisibles» des «trente glorieuses». Félicitations Monsieur Nasser Djemaï pour avoir donné la parole à
ces retraités «invisibles» !
http://paulinhassika.over-blog.com/article-les-invisibles-111501821.html
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Revue de presse - blogs - Invisibles
Texte et mise en scène : Nasser Djemaï - Dramaturgie : Natacha Diet
Inferno magazine - 22/10/12
«INVISIBLES» DE NASSER DJEMAÏ, AU TNBA DE BORDEAUX
«Invisibles» / texte et mise en scène de Nasser Djemaï / au Théâtre National de Bordeaux en Aquitaine – TNBA / s’est
joué du 16 au 20 octobre 2012.
Invisibles ou la face cachée de La Vie des Autres, remake au-delà des rives de la Méditerranée d’une histoire qui se
répète au gré de l’Histoire. Les Bordelais les côtoient régulièrement, lorsqu’ils font « leur marché » ou encore lors des
brocantes du dimanche matin dans le quartier à forte concentration maghrébine de St Michel, ces «chibanis » aux cheveux blanchis qui contrastent avec leur teint basané, buriné, portant les stigmates de blessures inconnues. Ce sont eux
les personnages de la pièce de Nasser Djemaï, un jeune auteur metteur en scène prometteur.
Ils sont là, assis sur les bancs, attendant que la vie passe devant eux, leurs paupières refermées sur des pans d’existences qu’on ignore superbement ; ils sont là comme un décor exotique qui procure, à quelques encablures du Triangle
d’Or (haut lieu prisé par la bourgeoisie locale avec comme point d’orgue, la Place de la Comédie et le Grand Théâtre),
une forme de dépaysement dans un paysage urbain lénifié. Le temps de « s’encanailler », on se reverrait presque en
vacances à Marrakech ou dans la casbah d’Alger car, Marocains ou Algériens, c’est tout comme … Ont-ils d’ailleurs une
individualité, ces Arabes, pour qu’on fasse l’effort de les distinguer les uns des autres, en reconnaissant en eux des
peuples différents composés de « personnes » singulières ? … Non, on n’en est certes plus au temps de La controverse
de Valladolid qui déniait aux noirs une âme … Quoique … on pourrait en douter parfois, en écoutant les propos cyniques
de certain édile ou autre quidam, soudain privé de retenue et libérant, à la moindre occasion, l’insoutenable contenu
de leur glacial mépris (échos de la polémique de ces jours-ci concernant le massacre d’une centaine d’Algériens, jetés à
la Seine le 17 Octobre 1961 par des policiers français, et retrouvés noyés, dérivant au fil de l’eau comme de vulgaires
bêtes venues là crever).
Et c’est là qu’intervient Nasser Djemaï qui, comme son patronyme l’indique, à quelque chose à faire entendre sur l’origine de ce «malentendu» qui gangrène nos sociétés, les pourrissant au point de donner la nausée. Après un long travail
de recueil de paroles, dans des assemblées mais aussi dans les lieux vivants que sont les cafés et les mosquées, entouré
de comédiens professionnels au jeu plus vrai que nature, il a entrepris de mettre en scène ces voix traversées par ce
qui fait une existence : des petits bonheurs quotidiens, des insignifiances mais aussi des rites qui structurent ce temps
immobile qui n’en finit pas de passer. Inscrits dans l’Histoire qui les marque de manière indélébile, eux qui sont venus
en France participer grandement à l’essor économique des « Trente Glorieuses » en créant de leurs bras les richesses
auxquelles ils n’auront personnellement jamais eu accès, eux qui après avoir construit les logements des Français n’ont
jamais quitté les « Foyers » où ils sont encore hébergés dans des chambres de cinq mètres carré à peine, eux qui ne
peuvent retourner s’établir « au pays » sous peine de se voir privés de leur maigre pension, se retrouvent aujourd’hui
effacés, invisibles ; seule leur apparence retient le regard.
Or, en les voyant « vivre » sur la scène dressée devant nous, avec leur humour, leurs tics, leurs petites mesquineries,
ils prennent corps, recouvrent l’humanité qui leur a été ravie, et redeviennent tout simplement des hommes dotés
d’une existence particulière. Ce ne sont plus des « Arabes », mais un homme méticuleux qui sous des dehors de rudesse
s’occupe généreusement des papiers des autres, un bellâtre vieillissant qui se souvient non sans humour avoir fait «
tomber les filles », ou encore un colosse pétrifié par un épisode horrible de la guerre d’Algérie qu’il a vécue petit et qui
le réveille encore certaines nuits d’angoisse.
Par le détour de l’artifice, par le jeu théâtral des acteurs, ces échantillons d’humanité vont rendre sensible la vie qui
avait été dérobée à ces vieux migrants et, en les faisant advenir à l’état de sujets distincts, repositionnent notre regard
: nous les voyons comme nos semblables, ils sont ce que nous sommes avec leurs grandeurs et leurs manques. Aussi,
lorsque, en sortant de la représentation, le spectateur découvre, au 47 rue Bouquière, apposée sur la vitrine de l’«
Espace Migrants Ages Hom’age », une affichette invitant les vieux migrants à participer au bord de scène animé par
Nasser Djemaï lui-même, il n’en est pas surpris : le théâtre et la vie entretiennent des rapports si étroits qu’on ne peut
les distinguer l’un de l’autre.
Ce théâtre en action qui transcende nos vies pour en présenter l’essence est en accord avec ce que Jean Villar (dont on
fête cette année le centenaire de la naissance) revendiquait : un théâtre populaire au sens noble du terme.
Le théâtre ou la vie, non pas un « ou » exclusif mais bel et bien inclusif, Dominique Pitoiset, le Directeur metteur en
scène des lieux, s’entend à faire perdurer cet idéal.
Yves Kafka
http://inferno-magazine.com/2012/10/22/invisibles-de-nasser-djemai-au-tnba-de-bordeaux/
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Revue de presse - blogs - Invisibles
Texte et mise en scène : Nasser Djemaï - Dramaturgie : Natacha Diet
littexpress - 01/11/12
INVISIBLES
Représentation de la pièce au Tnba, le 19 octobre 2012
Texte et mise en scène : Nasser Djemaï
Durée : 1h40
Comédiens et distribution des rôles : David Arribe (Martin), Angelo Aybar (Majid), Azzedine Bouayad (El Hadj), Kader
Kada (Sheriff), Stiti (Hamid), Lounès Tazaïrt (Driss), participation de Chantal Mutel (Louise).
Équipe technique : Natacha Driet (dramaturgie), Clotilde Sandri (assistante à la mise en scène), Alexandre Meyer et
Frédéric Minière (musique), Michel Gueldry (scénographie), Renaud Lagier (lumière), Quentin Descourtis (création vidéo), Marion Mercier (costumes), Olivia Ledoux (assistante costumes), François Dupont (régie générale du son), Frantz
Parry (régie vidéo), François Thouzet (régie lumière).
Le 19 octobre 2012 je suis allé au Théâtre national de Bordeaux en Aquitaine (TnBA). Une éternité que je n’avais pas
mis les pieds dans un théâtre, ou du moins dans un lieu identifié comme tel, et pour la première fois je poussais la porte
d’un Théâtre national !
Sans me tromper, je crois pouvoir affirmer que ma « dernière fois » remontait à une quinzaine d’années, tant j’ai été
depuis plus attiré par les formes populaires du théâtre qui ont la rue pour cadre.
Je suis donc allé voir Invisibles, une pièce écrite et mise en scène par Nasser Djemaï, pour la quatrième de ses cinq
représentations bordelaises. Ma motivation était grande !
Le thème de la pièce d’abord. Celui des Chibanis et de leur situation inacceptable dans un pays qu’ils ont contribué à
(re)construire et à qui ils ont bien souvent donné leur vie, sacrifié leur existence sociale et leur famille restée au « bled ».
Deux jours après le 51ème anniversaire du massacre du 17 octobre 1961, la date était presque parfaite et se présentait
comme un petit devoir de mémoire.
Ma situation personnelle ensuite. Ayant vécu à Toulouse durant une dizaine d’années, j’ai pu côtoyer dans les milieux
militants ceux et celles qui se battent au quotidien pour que cesse l’injustice dont sont victimes ces Chibanis.
Et puis, il faut bien l’avouer, j’en ai profité pour faire ce travail de compte-rendu. Autant allier l’utile à l’agréable dans
une année de formation plus que chargée…
Motivé donc, mais aussi plein d’a priori sur ce monde du théâtre institutionnel et sur sa bourgeoisie culturelle, élitiste
et bien-pensante. Allais-je me retrouver entouré d’un public qui applaudirait à tout rompre une belle pièce « humaniste
», les mêmes qui ferment les yeux au quotidien, au sein d’une société qui a toujours du mal à assumer son passé colonial
et colonialiste ?
Rempli des ces interrogations j’arrive au TnBA sous la pluie… Je rejoins la masse des spectateurs dans un hall moite et
surchauffé et, arrivé dans la salle, mes premières appréhensions tombent quant au public. Beaucoup de jeunes et d’adolescents, et surtout une bonne vingtaine de vieux maghrébins, tous des hommes. Peut-être des Chibanis ? Quelquesuns sont accompagnés de jeunes qui semblent être de leur famille. Intéressant.
La salle n’est quant à elle, pas très confortable au premier abord, là encore un mythe tombe ! La pluie qui tombe sur le
toit résonne énormément et on entend passer le tramway tout proche à intervalles réguliers… Je suis loin du « luxe »
imaginé, voire fantasmé, d’une salle de « Théâtre national ».
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Revue de presse - blogs - Invisibles
Texte et mise en scène : Nasser Djemaï - Dramaturgie : Natacha Diet
Sur la scène, une table en formica, cinq chaises et un meuble de cuisine avec placards qui, une fois pivoté, laisse apparaître un lit simple. Une cuisine commune et une chambre minuscule, le décor est en place. La mise en scène dépouillée
met bien dans l’ambiance d’un foyer Sonacotra, lieu où se déroulera l’essentiel de la pièce.
Le seul ajout à ce décor sera le fauteuil où repose El Hadj, Chibani tombé dans une sorte de coma, qui restera là un coin
jusqu’au dénouement.
C’est ce El Hadj que Martin vient trouver dans ce foyer de vieux Chibanis, bloqués en France pour pouvoir toucher leur
retraite, amplement méritée après des années de labeur et d’exploitation dans la France des « Trente Glorieuses ».
Martin, c’est le personnage central de cette pièce, un jeune agent immobilier. Il vient de perdre sa mère, Louise, qui lui
a laissé comme héritage un coffret, un nom (El Hadj) et une adresse pour le retrouver. Cette rencontre est censée lui
permettre d’en savoir plus sur un père qu’il n’a jamais connu et qui lui a laissé un vide jamais comblé.
Louise, personnage disparu donc, mais qui sera présente tout au long de la pièce, en voix off et par des images projetées
en grand format au fond de la scène. Ces projections seront accompagnées d’autres images en noir et blanc, qui viendront appuyer le déroulement de la pièce en lui donnant un petit côté rétrospectif.
Arrivé dans le foyer, Martin y rencontre un groupe de Chibanis, personnages de la pièce qui vivent dans des chambres
de cinq mètres carrés, dans un dénuement bien souligné par la mise en scène de Nasser Djemaï. Driss, Majid, Sheriff,
Hamid et El Hadj sont là depuis des années, « invisibles » aux yeux du reste de la population, tout comme à ceux de leur
famille, restée ou retournée au pays depuis longtemps, et qu’ils ne revoient qu’à peine deux mois dans l’année.
Autant le dire tout de suite, ces acteurs sont bons et leurs rôles sont émouvants, à la hauteur du sujet de cette pièce.
Ces cinq anciens ouvriers du bâtiment restent là pour toucher leur complément de retraite et ont intégré le fait qu’ils
n’étaient pas vraiment chez eux dans ce pays. Il apparaîtra aussi qu’ils se sont plus ou moins résignés au fil des années à
ce que leur pays d’origine ne soit plus vraiment le leur...
Situation ubuesque donc que celle de ces cinq personnages qui montent des dossiers sans arrêt, rassemblant des pièces
administratives qui finissent toujours par ne pas suffire à ce que la justice française prenne leur cas en compte…
Et quand un des leurs, El Hadj, tombe malade et sombre dans le coma, ils s’en occupent à tour de rôle, bien à l’abri des
regards dans ce foyer qui tombe en ruines.
C’est au milieu de tout ça que déboule Martin avec son mal-être évident, déraciné et coincé qu’il est dans une vie faite
de fuites et de questions restées trop longtemps sans réponses… Ami ou fauteur de troubles pour ces cinq Chibanis ?
La personnalité de chacun va se révéler au fur et à mesure de la pièce, en faisant éclater aux yeux des spectateurs qu’ils
ne représentent évidemment pas un groupe homogène de ce point de vue.
Si Hamid lit le Figaro et ne veut pas de ce Martin « qui va faire des problèmes » dans le foyer, Driss et Sheriff seront plus
accueillants envers le fils de « la » Louise, celle qui un soir des années 1960 les aura sauvés d’une rafle policière souvent
sans retour pour les travailleurs immigrés de l’époque… Celle qui aura connu l’amour avec ce El Hadj qui est coincé dans
son fauteuil, et à qui Martin va parler pendant des jours entiers.
Car Martin va rester. Incapable qu’il est de sortir de ce foyer et d’aller affronter seul la vie qui suit son cours à l’extérieur. Et en restant il va nous permettre de mieux comprendre la vie de ces Chibanis, leur parcours, leurs ressentis, leurs
désirs, leurs frustrations et leur vision plus ou moins lucide de leur pays d’origine et de leur relation avec la famille qui
y réside.
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Revue de presse - blogs - Invisibles
Texte et mise en scène : Nasser Djemaï - Dramaturgie : Natacha Diet
La pièce de Nasser Djemaï s’organise en vingt-deux tableaux, mettant en scène un ou plusieurs de ses personnages.
Ces différentes scènes, certaines très touchantes, permettent d’en savoir plus sur le parcours individuel de chacun de
ces Chibanis, sur leur état d’esprit et sur leur rapport au « respect » dont ils se sont fait une ligne de conduite, laissant à
Allah le soin de décider de la suite de leur existence…
Que dire de cette scène magnifique où, alignés sur un banc dans la rue, ils dissertent de la façon dont se comportent
des jeunes issus de l’immigration, français mais crachant par terre et portant trop bas leurs pantalons ? Exemple parfait
d’une discrétion qui est essentielle à leurs yeux, signification éclatante de leur position au sein d’une société qui ne les
voit pas et dont ils ne font presque plus partie. Jusqu’à ce que la mort les emporte jusqu’au dernier et que se referme ce
chapitre de notre Histoire ?
Comment rapporter l’émotion immense ressentie lors du monologue de Majid racontant le massacre de sa famille par
l’armée française ? Seul sur scène, entouré de bruits d’enfants puis de la fureur des armes.
Et cette phrase terrible pleine d’amertume de Sheriff quand il parle du pays d’origine, indépendant depuis sa décolonisation : « Oui ils respectent les vieux, mais les jeunes ils sautent dans la mer. C’est un pays ça ? Un pays il pousse ses
enfants à la mer. Tiens… des fois, je rêve la France elle revient ».
Résignation, voilà en un mot résumée la vie de ces Chibanis. Et l’envolée idéaliste de Martin sur la possibilité de changer
les choses ne fera pas évoluer leur avis. D’ailleurs comment serait-ce possible ?
Martin aura retrouvé un père en la personne d’El Hadj. Et quand enfin ce dernier se réveillera et le prendra dans ses
bras, ce sera pour mieux lui signifier que la vie continue pour lui. Jeune et plein d’avenir, Martin quittera ce foyer en
laissant là ces cinq hommes, droits et lucides sur leur sort.
À la fin de la pièce, les applaudissements nourris se sont confondus avec les gouttes de pluie qui martelaient le toit, effet
inattendu d’un confort finalement pas si mauvais…
Cette pièce m’a touché et je conseille aux lecteurs et lectrices de ce billet d’aller la voir et/ou de lire son texte. On en
sort traversé par de nombreux sentiments, allant de la révolte à de l’admiration pour ces hommes et ces femmes (non
évoquées dans la pièce il faut bien le souligner) qui ont traversé l’Histoire de France tels des fantômes.
Invisibles de Nasser Djemaï participe à son échelle à faire ce travail sur notre mémoire collective, et à mettre en lumière
une situation qui peut toujours changer.
Nico, AS Bib 2012-2013
http://littexpress.over-blog.net/article-invisibles-111934047.html
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Texte et mise en scène : Nasser Djemaï - Dramaturgie : Natacha Diet
danslateteduspectateur.fr - 26/12/12
Invisibles
par Saad - 26 Décembre 2012, 00:07 - Catégories : #théâtre contemporain, #MC2
Texte et mise en scène de Nasser Djemaï
Vu à la MC2 le 11/12/12
Comment raconter un fait douloureux dans l’histoire de France tout en dépassant le pathos que les témoignages
peuvent susciter ?
C’est probablement une des questions clés qu’est parvenu à résoudre l’auteur et metteur en scène de ce spectacle,
Nasser Djemaï, auteur-comédien à la réputation désormais bien établie dans le théâtre contemporain.
D’après le documentaire Nasser & les invisibles - Paroles de Chibanis d’Yves Benitah et Patrice Pegeault, Nasser souhaitait éviter l’écueil du théâtre envahi par la plainte inhérente au témoignage pur et simple des gens qui ont souffert.
C’est en créant le personnage de Martin qu’il est parvenu à dépasser ce stade et créer une véritable pièce de théâtre,
faisant évoluer son désir de « raconter un pan de l’histoire de France » en une fiction dont la trame est un fait historique.
Sur scène
Grâce à une écriture et une mise en scène très fluides, le spectateur entre très vite dans ce qui se joue sur scène, à
savoir la quête engagée par Martin pour retrouver son père, sur fond de vie quotidienne des Chibanis dans un foyer
Adoma (anciennement foyer Sonacotra). Le motif de la venue de Martin dans ce foyer est ainsi donné dès le début de
l’histoire, permettant de consacrer le cœur de la pièce à sa quête du père parmi des personnages très distincts les uns
des autres, bien qu’ils partagent le même quotidien. Le décor est lui aussi très réaliste: des meubles de cuisine en état
de délabrement renvoient bien à la misère du lieu où vivent ces gens)
Renvoi à la mythologie grecque
La place occupée par Martin (interprété par un comédien particulièrement juste), jeune homme très torturé par le
deuil récent de sa mère et la quête qu’elle lui enjoint d’accomplir, et la projection sporadique sur fond de scène d’une
mère fantomatique et souffrante, parfois encadrée par les flammes font de Martin une sorte de double contemporain
d’Enée, descendant aux enfers pour communiquer avec son père (cf :Virgile : l’Enéide. Rassurez vous, votre serviteur
ne l’a pas lu non plus…)
Par cette production théâtrale à vocation historique, Nasser Djemaï apporte donc une belle pierre à l’édifice du spectacle vivant tout en rendant hommage à cette main d’œuvre étrangère qui a fortement contribué à construire la France
des années 50 et 60 mais que l’Etat français a oublié, sinon méprisé.
http://www.danslateteduspectateur.fr/invisibles
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Revue de presse - blogs - Invisibles
Texte et mise en scène : Nasser Djemaï - Dramaturgie : Natacha Diet
Lecloudanslaplanche.com - 12/01/13
Théâtre et racines
Un théâtre populaire qui s’ancre dans une prise de parole concrète, voilà à peu près la ligne développée par la Scène
Nationale d’Albi depuis quelques années sous l’impulsion de son directeur, Pascal Parisse. Programmation éclectique
combinant les arts visuels, effort pour accueillir les spectacles du réseau national et international (comme la dernière
création de l’Argentin Daniele Veronese), place donnée à des projets coups de cœur, aptes à s’adresser au plus grand
nombre et à questionner ce qui, au fond, nous relie. Le dernier spectacle de Nasser Djemaï est de ceux-là. Après Une
étoile pour Noël et Les vipères se parfument au jasmin, Invisibles est créé en novembre 2011 au MC2 Grenoble, avant
d’être programmé dans le cadre du festival off d’Avignon en 2012.
Un air de déjà-vu
Martin vient de perdre sa mère. Elle est morte seule à l’hôpital, après des années de silence. Elle lui laisse une mystérieuse boite, ainsi que le nom d’un certain docteur, que personne ne connaît, et celui d’un personnage énigmatique, le
« hadj ». Le jeune homme laisse sa vie, ses amours et son travail d’agent immobilier pour aller remettre la boite à son
destinataire. L’occasion pour lui de remonter à la source, de découvrir ses origines. La « descente aux enfers » esquissée
par la pièce le mène dans un foyer où vivent cinq Chibanis, ces travailleurs des Trente Glorieuses venus en France pour
travailler et faire vivre leur famille restée dans le pays natal.
La pièce exploite la trame désormais ultra-conventionnelle - osons le dire - d’un théâtre à la Wajdi Mouawad, dramaturge et metteur en scène d’origine libanaise (et artiste associé au festival d’Avignon 2009) qui a visiblement beaucoup
marqué Nasser Djemaï. Un théâtre de la narration qui fait alterner adresse frontale au public et jeu entre les acteurs ;
un théâtre qui vise à explorer des racines communes, à exhumer ce qui jusque là était enfoui ; un théâtre de l’émotion
qui n’hésite pas à projeter le sentiment sous forme de longs passages lyriques ; un théâtre de la révélation finale, qui
croit en la possibilité du sens. S’y retrouve la trajectoire personnelle des artistes : ici, un homme qui a fui la guerre du
Liban, qui est passé par la France puis par le Québec, qui a reconstitué par le théâtre ce que la guerre civile avait disloqué ; là, un homme issu des quartiers populaires grenoblois, à qui le théâtre a beaucoup apporté, et qui l’a sauvé de
l’existence qui lui était promise (Azouz Begag n’est pas loin). Mais le spectacle touche le public, constitué en partie des
Chibanis à qui il rend hommage ; il est applaudi longuement, la formule marche encore.
Questionner l’invisibilité
Que dire de ces Chibanis qui portent leur existence lourde dans le pays pour lequel ils se sont battus, ces invisibles que
l’on voit de loin lorsqu’on les croise ? C’est ici que l’on sent la sincérité du spectacle. Car l’incarnation fonctionne, les
acteurs convoquent les silhouettes de ces ouvriers écartelés entre deux pays. Nous suivons leur parcours au fil de la
pièce, nous découvrons les liens de filiation qui se créent, nous écoutons leurs récits. Il y a quelque chose de touchant
à cet endroit. D’ailleurs, c’est peut-être cette extrême précaution qui engonce le spectacle dans le déjà vu et dans
une certaine forme de mollesse ; il y a trop de respect, trop de déférence à l’égard des modèles à qui le spectacle rend
hommage.
En revanche, dès que les Chibanis s’échauffent, dès qu’ils sortent de l’image que le spectacle cherche à donner d’eux
(les victimes d’un système, les hommes au grand cœur), on retrouve des hommes vivants, drôles, possiblement d’une
délicieuse méchanceté. On aimerait prolonger ces moments, aller au plus près d’eux, les approcher par autre chose
que ce qu’ils disent d’eux-mêmes, dépasser cette parole qui peut faire écran, mieux sentir cette invisibilité tracée par
le titre, qui était pourtant riche de promesses. On rêve un spectacle qui aurait puisé dans le romanesque des marges,
des minorités, avec en particulier Invisible man, de Ralph Ellison, qui interroge l’« invisibilité » des Noirs américains ; il y
aurait eu là une voie possible pour renouveler le théâtre de la narration auquel Nasser Djemaï souscrit trop facilement.
Il y aurait une urgence plus marquée encore à dénoncer l’injustice, comme lorsque l’un des acteurs rappelle ce décret
empêchant les Chibanis de toucher leur retraite française s’ils retournent vivre dans leur pays d’origine.
Une forme et un langage propres restent à inventer. C’est tout ce que l’on souhaite à Nasser Djemaï.
Julien Botella
http://www.lecloudanslaplanche.com/critique-1460-invisibles-theatre.et.racines.html
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Texte et mise en scène : Nasser Djemaï - Dramaturgie : Natacha Diet
Nadine Chaudier - 15/01/13
Les « chibanis » : les vieux aux cheveux blancs
Martin veut retrouver son père et débarque dans ce foyer de vieux travailleurs immigrés.
On découvre alors quelle a été la vie de ces hommes « les chibanis », ceux que l’on ne voit pas ni en France, ni dans
leur pays d’origine, tiraillés en permanence entre les deux rives de la Méditerranée. Ils sont arrivés avec leurs rêves,
persuadés d’une vie meilleure, ont participé à la construction de la France, ont passé leur vie entière à travailler et
maintenant, ils attendent, invisibles, souvent seuls dans un café, une maison de retraite sans pouvoir retourner dans
leur pays d’origine sous peine de ne plus recevoir leur pension, juste retour de leurs années de travail aux conditions
souvent difficiles.
Des hommes toujours dignes
Nasser Djémai qui connaît bien l’histoire de ces immigrés livre une histoire bouleversante et ses acteurs une interprétation remarquable … tous m’ont terriblement émue. Leur visage (que l’on n’oublie pas) marqué par le temps nous
racontait tout autant leur histoire que les mots qu’ils nous servaient.
Après quelques souvenirs très en demie teinte, notre nouveau passage au Chêne Noir nous a gratifiés d’un excellent
moment théâtral.
http://www.nadine-chaudier.net/theatre/les-invisibles-nasser-djemai
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Texte et mise en scène : Nasser Djemaï - Dramaturgie : Natacha Diet
entrefilets - 18/03/13
Invisibles de Nasser Djemaï
18 Mars 2013
Au théâtre d’Arles le 15 mars 2013
ça n’est pas souvent le cas, mais quel bonheur lorsqu’une représentation nous introduit sans lourdeur ni pathos dans un
monde à la réalité palpable et pour nous tout soudain incontestable...
Avec justesse, sans effets exacerbés et non sans cette pointe d’humour qui permet d’entendre des vérités dérangeantes,
les comédiens : David Arribe, Angelo Aybar, Azzedine Bouayad, Kader Kada, Mostefa Stiti, Lounès Tazaïrt - tous parfaits dans leur rôle et bien servis par la dramaturgie de Natacha Diet à la fois simple et efficace - donnent corps et voix à
la pièce de Nasser Djemaï et nous entrainent dans ce qui est presque un huit-clos ; le huit-clos de cinq chibanis condamnés à finir leur vie loin de leurs racines parce que la société, notre société est mal faite et le retour impossible à l’exilé.
Ce pourrait être lugubre, sombre, désespérant et très ennuyeux. C’est émouvant, plein d’humour et, surtout, d’humanité. La grandeur de ces destins contrariés tissés d’insignifiance nous saisit comme nous touche la lucidité des personnages et l’immense sagesse dont, l’air de rien, ils font preuve sans grandiloquence (mais non sans véhémence parfois,
rassurez-vous). Une sagesse fondée sur des valeurs qui n’ont peut-être plus cours ou lieu ailleurs que dans ce foyer qui
les héberge si mal et dont, pourtant, ils ne peuvent se détacher. Une sagesse nourrit d’acceptation, de tolérance, mais
pas de résignation.
C’est une leçon d’humanité qui nous est donnée ; d’humanité et de respect. Respect de la vie et de la différence, respect
des petits gens, des invisibles que nous côtoyons sans les voir et dont les destins minuscules ne retiennent pas notre
attention alors même que leur vie n’est pas moins chargée de signification que celle des gens connus, ni leur courage
moins remarquable ou leur fraternité moins exemplaire.
En nous introduisant dans un foyer d’immigrés, en nous faisant partager quelques instants de la vie de cinq «anciens»
et d’un fils sans père, Nasser Djemaï nous parle d’exil et de filiation, de solitude et d’amour. Il dit la difficulté et la dignité
d’être, la fragilité du bonheur et l’importance de la mémoire. Il dit la solidarité et la compassion, le monde qui change et
l’entr’aide nécessaire. Il dit la vie dans ce qu’elle a de moins anecdotique, de plus simple mais aussi de plus profond et
de plus lourd à porter. Et il le dit bien.
Partager ces instants nous a fait chaud au coeur.
Bien plus qu’une pièce engagée et alors même qu’elle nous fait découvrir et dénonce une réalité, honteuse à bien des
égards, que «la» société n’a pas voulu voir, Invisibles est une pièce humaniste qui parle à notre coeur et, sous couvert de
nous ouvrir les yeux sur le sort réservé aux chibanis, nous en apprend beaucoup sur la vie, la mort et ce qui a vraiment
de l’importance.
Un bien beau spectacle à méditer qui mérite un franc succès.
http://entrefilets.over-blog.com/article-invisibles-de-nasser-djemai-116307630.html
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Texte et mise en scène : Nasser Djemaï - Dramaturgie : Natacha Diet
Algeriades.com - 08/04/13
Invisibles de Nasser Djemaï
Majid : Quand je suis sur mon banc, je vois ce que les autres ne voient pas. [...] Souvent, je prends mon chapeau et je le
secoue, je le remets sur ma tête et je recommence à regarder comme si j’avais tourné la page d’un livre.
La nouvelle création de Nasser Djemaï nous installe face à un groupe de chibanis, littéralement «vieux aux cheveux
blancs», ces vieux Maghrébins qu’on peut voir sur les bancs des villes de France, devisant sur le sort peu enviable qui est
le leur après une vie de labeur. Avec une grande pudeur et beaucoup d’émotion, le spectacle rend justice à ces «travailleurs immigrés» anonymes et à ces «sans voix». «Aujourd’hui», fait observer l’auteur et metteur en scène, alors que «la
bataille économique s’est déplacée sur d’autres terrains», ces hommes ont été «jetés par dessus bord, en même temps
que la classe ouvrière et la lutte qui allait avec. Leur pouvoir d’achat étant nul, ils sont devenus invisibles.» Métamorphosés par leur prise de parole sous nos yeux, rendus à leur humanité par la voix, le corps et le souffle des acteurs, voilà
qu’ils nous parlent et interrogent l’homme qui est en nous.
Le spectacle s’ouvre sur l’entrée en scène de Martin, dont la mère vient de mourir d’un cancer. Regrettant de n’avoir pu
partager les derniers instants de sa mère, il hérite d’un coffret et de la promesse de le remettre à un père qu’il n’a jamais
connu et qu’il doit retrouver. Il ne dispose pour cela que de quelques mots recueillis par l’infirmière : «Mon fils, il faut
qu’il sache... Il faut qu’il retrouve son père... El Hadj... Docteur Raphaël...». Il y a aussi un nom et une adresse.
Voilà donc Martin dans un foyer de travailleurs immigrés où il fait la connaissance de Hamid et Driss puis de Majid et
Shériff qui veillent tous sur El Hadj muet et paralysé dans son fauteuil depuis plusieurs mois. Tous les cinq sont originaires d’Algérie. Ce sont d’anciens travailleurs qui n’ont pas fait venir leur famille. «Une double tragédie», souligne
Nasser Djemaï, «l’arrachement à la terre natale et à leurs familles pour retrouver une misère plus froide encore». Le
dialogue se noue, peu à peu, qui nous introduit dans le quotidien et la solitude de ces retraités solidaires mais méfiants :
Martin : D’habitude vous parlez de quoi ?
Driss : C’est chacun tout seul, chacun dans sa chambre. On s’occupe pas les affaires des autres. C’est silence.
Martin : Mais quand vous parlez entre vous ...?
Driss : On parle les papiers... la santé... la mosquée.
Martin : C’est tout ?
Driss : Oui, c’est tout. Le reste, ça brûle dans le ventre...
Au terme d’une existence marquée par ce que le sociologue Abdelmalek Sayad appelait la «double absence», absence
à la fois au pays d’origine quitté depuis bien longtemps et à «la société d’accueil qui ne se pose le problème des «immigrés» que pour autant que les immigrés lui «posent des problèmes» (Pierre Bourdieu), on leur dispute encore le droit de
choisir où finir leurs vieux jours, car il leur faut continuer à vivre en France pour toucher leur complément de retraite.
«Ils pensaient pas on pouvait avoir froid, lâche Hamid. Ils pensaient pas on pouvait avoir faim. Qu’on pouvait avoir
besoin d’une femme dans nos bras. Et ils pensaient pas qu’un jour on pourrait vieillir comme tout le monde, parce qu’ils
pensaient pas on était des hommes».
Alors, qu’ils se réunissent autour d’une partie de dominos ou qu’ils se posent sur un banc public pour bavarder sur le
temps qui passe, ils trompent la mort comme ils peuvent, avec humour mais sans illusions et toujours avec le même
espoir de rejoindre leurs proches, parce que «le cœur il est là-bas», comme l’assène Driss. «Même si je suis resté loin de
ma famille. Je veux être avec eux pour toujours. Je veux être avec ces pierres toutes dures et secs, je veux être avec ces
arbres brûlés par le soleil, je veux être avec ces chèvres qui ressemblent à des squelettes. Je veux la chaleur, je veux le
silence, je veux tout ce que j’ai pas voulu. Mourir ici, non, c’est pas possible.»
Dans sa quête du père, au contact de ces hommes fébriles à l’évocation de leur progéniture restée au pays, Martin
connaîtra une ultime et émouvante mise à l’épreuve. «Entre, dit encore la voix de Louise à Martin, entre dans les enfers
mon fils, dans le royaume invisible des ombres. Ma main sur ton épaule te guide.»
http://algeriades.com/nasser-djemai-%D9%86%D8%A7%D8%B5%D8%B1-%D8%AC%D9%85%D8%B9%D9%8A/article/invisibles-de-nasser-djemai
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Texte et mise en scène : Nasser Djemaï - Dramaturgie : Natacha Diet
Melissa on the road - 20/04/13
«INVISIBLES» À L’INSTITUT DES CULTURES D’ISLAM
Samedi 20 avril 2013 - 12h
Nasser Djemai, metteur en scène et les comédiens Azzedine Bouayad et Lounès Tazaïrt proposent une lecture d’extraits de la pièce Invisibles, suivi d’une discussion en lien avec les représentations au théâtre de la Commune (http://
www.theatredelacommune.com/cdn/saison-2012-2013/invisibles)
Invisibles, de et mis en scène par Nasser Djemaï
Martin Lorient, 27 ans, remonte les fils de son histoire, jusqu’à un père qu’il n’a pas connu. Ce récit initiatique des temps
modernes débarque notre jeune héros dans un lieu retranché, aux oubliettes de notre monde pressé : un foyer Sonacotra. Autour d’une table en formica, cinq chibanis – cinq « cheveux blancs » – jouent aux dominos… pour oublier que la
vraie vie leur a glissé entre les mains : travailleurs immigrés, ils ont quitté leur pays, leur famille, pour bâtir la France des
trente glorieuses. Devenus « inutiles », ils se voient confisquer leurs vieux jours ; retourner au pays, où les leurs ne les
attendent parfois plus, c’est renoncer à leur pension. Ni d’ici, ni plus tout à fait de là-bas. Une colère sourde les traverse
sans jamais altérer le regard sage et taquin qu’ils posent sur notre société déshumanisée. Nourri de témoignages, le
souffle du récit rattrape l’Histoire, très loin du théâtre documentaire. Ce chœur d’hommes, et la présence fantomatique des femmes, font œuvre de mémoire avec un lyrisme rare et un humour insoupçonné. On en ressort éclairés et
bouleversés.
En partenariat avec le Théâtre de la Commune.
Posted by Melissa Chemam
http://melissa-on-the-road.blogspot.fr/2013/04/invisibles-de-et-mis-en-scene-par.html
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Revue de presse - blogs - Invisibles
Texte et mise en scène : Nasser Djemaï - Dramaturgie : Natacha Diet
Snes.edu - 23/04/13
« Invisibles »
de Nasser Djemaï
23 avril 2013
Autour d’une table en formica, dans un foyer Sonacotra, cinq chibanis jouent aux dominos. Ces vieux maghrébins arrivés pendant les «trente Glorieuses» sont aujourd’hui coincés en France parce que leurs liens avec le pays se sont distendus, parce qu’ils ne toucheraient qu’une maigre pension s’ils quittaient la France et parce qu’ils ne sont plus de làbas sans être vraiment d’ici. Martin Lorient, à la recherche d’un père qu’il n’a pas connu, va les rencontrer et les écouter.
Nasser Djemaï a voulu donner la parole à ces hommes, qui ont largement contribué à la croissance dans l’après-guerre,
construisant routes et maisons, produisant acier et automobiles et qui sont restés ici seuls et invisibles parce que devenus pauvres, vieux et inutiles. Il a recueilli leurs propos, les a filmés, et à partir de ces témoignages et de ses souvenirs
d’enfance, a construit une histoire qui permet de leur donner la parole pour ne pas les oublier. Le résultat donne une
pièce belle, pudique et tendre, où l’on est parfois très ému et où souvent on rit, car ils ont un sens de l’humour très aiguisé. On y entend la dureté de l’exil, le désespoir du père qui dit à son fils « si tu veux vivre, il faut que tu oublies ta famille
». Il y a chez eux une lucidité sur la France comme sur l’Algérie, lorsque l’un d’eux se compare à une poule à laquelle tout
le monde enlève des plumes ou lorsqu’il se demande si quand il retourne au pays, c’est lui qu’on attend ou son argent.
Chez eux pas de mythification du pays « y a plus rien là-bas à part le mariage et la misère », mais une parole populaire
juste et souvent très percutante. Quant aux femmes si lointaines, elles ne sont pas sur scène, sinon comme une sorte
de fantôme flou dans une vidéo, mais elles hantent les esprits.
Pour que la pièce fonctionne bien, il fallait qu’on voie vivre ces chibanis, qu’on les voie se colleter avec les petits soucis
quotidiens, qu’on entende leur colère et leur peine mais aussi qu’on distingue des caractères différents, des petites manies, des histoires différentes, entre ici et là-bas. Et là c’est très réussi avec des acteurs formidables (Angelo Aybar, Azzedine Bouayad, Kader Kada, Mostefa Stiti et Lounès Tazaïrt, sans oublier David Arribe). Il faut les voir tourner la tête
en chœur pour suivre le rugissement d’une mobylette qui tourne en rond dans la cité, tandis que l’un d’eux s’exclame : «
Sale race ! Des fois je demande à Allah qu’ils tombent et se cassent les dents, comme ça ils arrêtent avec la mobylette ! »
Réussir à traiter un sujet de société sensible, avec lucidité, sans pathos, sans manichéisme et avec humour, c’est le pari
très réussi de Nasser Djemaï. Les rires, les nombreux rappels et les bravos enthousiastes de la salle où les jeunes et les
Maghrébins étaient très représentés en témoignent.
Micheline Rousselet
www.snes.edu/Invisibles,24957.html
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Texte et mise en scène : Nasser Djemaï - Dramaturgie : Natacha Diet
lebilletdesauteursdetheatre.com - 24/04/13
Invisibles de Nasser Djemaï
:::: Par Jean-Pierre Thiercelin | paru le 24/04/2013
Hier, j’étais au Théâtre du Châtelet à Paris. Ce soir, je suis au Théâtre de la Commune à Aubervilliers. Hier les ors d’un
grand théâtre à l’Italienne chargé d’Histoire, ce soir le rouge vif des fauteuils d’une salle historique de l’aventure de la
décentralisation théâtrale. Hier la puissance d’un orchestre symphonique, des lumières de la couleur au service d’un
grand spectacle musical. Ce soir, plutôt une petite formation qui, dans l’intimité et la tendresse des voix nous parlent
d’humanité. Et pourtant…Une même impression d’évidence et de plénitude avec la même sensation de vivre un grand
moment de création et, osons le dire, de bonheur. C’est ça aussi le Théâtre !... Certes, ces moments d’exception rachètent de longues soirées parfois difficiles et trop souvent décevantes mais justement cela en fait le prix et libre à
nous de savoir les reconnaître et en profiter…
Les lecteurs de BAT connaissent Nasser Djemaï, comme auteur, bien sûr, mais aussi pour une belle contribution, Gil et
Frantz, écrite pour la rubrique Réson(n)ances dans un numéro récent consacré aux Auteurs de Théâtre et l’Algérie où il
avait choisi de nous parler de Gil-Scott-Héron et de Frantz Fanon. Nous avions été d’autant plus sensibles à l’envoi de
ce texte qu’il était à ce moment submergé de travail et plongé dans la tournée de Invisibles, créé en novembre 2011 à
la MC2 de Grenoble, dont le succès mérité ne s’est pas démenti depuis. Et voilà que la pièce vient faire un petit séjour à
Aubervilliers pour notre plus grand bonheur…
Ce soir, il y a beaucoup de jeunes dans la salle. On le sent à un frémissement qui ne trompe pas et à quelques fous rires,
vite étouffés, quand le noir se fait… Martin, le personnage qui ouvre le spectacle pourrait-être un de leurs potes. Il
vient de se faire tabasser à la gare par trois mecs qu’il a eu la mauvaise idée de regarder… Martin vient de perdre sa
mère. Avant de mourir, elle lui a confié un petit coffret et quelques mots sur un bout de papier « Mon fils, il faut qu’il
sache… Il faut qu’il retrouve son père… » Voilà pourquoi il pénètre aujourd’hui dans ce foyer Sonacotra (aujourd’hui, on
dit Adoma mais quelle différence ?...) à la recherche d’un certain El-Hadj et qu’il se fait recevoir comme un chien dans
un jeu de quilles… Ainsi le personnage de Martin permet à Nasser Djemaï de créer un trait d’union, une sorte de « GoBetween » entre le public et le monde clos de ces « Chibanis », ces vieux immigrés, usés par le travail qui ont donné leur
vie à la France des « Trente Glorieuses » et qui ne sont pas rentrés au pays de peur de perdre leur pension de retraite. Ils
ne sont pas d’ici, on leur a fait suffisamment sentir mais, depuis tout ce temps, ils ne sont plus de là-bas, non plus… Ils se
sont usés et ruinés la santé aux travaux les plus pénibles pour un pays qui les oublie sans aucun scrupule. Ils ne sont plus
de nulle part, ils ne sont plus personne mais ils ne veulent surtout pas déranger. D’ailleurs, ils sont devenus invisibles…
Mais la réussite de Nasser Djemaï (il signe également la mise en scène) est d’éviter tout pathos et de nous montrer un
spectacle bourré de tendresse et d’humour où chaque nouveau rire du public, et il y en a beaucoup, nous rapproche
un peu plus de ces hommes qu’on est heureux de mieux connaître au fur et à mesure du spectacle et que l’on quittera,
au moment des saluts, comme de vieux amis qu’on se promet de ne plus perdre de vue… La quête du père qui obsède
Martin jusqu’à le rendre réellement malade, l’amènera à basculer et à s’immerger dans le monde clos du foyer des vieux
travailleurs. Les affrontements avec certains et les liens d’amitiés qui se tissent avec d’autres sont, pour le spectateur,
autant d’éclairages et de découvertes de la richesse des individualités. Il y a Hamid, la grande gueule, celui qui commande (ou plutôt qu’on laisse commander pour avoir la paix) et régente la vie quotidienne. C’est lui qui lit les « papiers »
et s’occupe des démarches pour ses camarades. Il ne supporte pas la venue d’un intrus dans leur petit monde au fragile
équilibre. Il y a Driss qui attend le jour rêvé ou le tribunal lui accordera enfin sa pension de retraite et rêve de rentrer au
pays pour le mariage de sa fille, les bras chargés de cadeaux mais ce jour arrivera-t-il ?... C’est lui qui accueille Martin à
bras ouverts, lui donne le lit de sa minuscule chambre et veille sur lui. Quant à Shériff, on comprend qu’il fait de petites
affaires. Il va, il vient… Habillé comme un représentant de commerce, il regrette le temps de ses cheveux gominés et de
sa banane à la Dick Rivers…Majid, lui, parle peu mais sa présence impose le respect et une étrange douceur. Il s’occupe
beaucoup de leur compagnon dans le coma : El-Hadj. Tous les quatre se relaient auprès d’El-Hadj pour le soigner et lui
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Texte et mise en scène : Nasser Djemaï - Dramaturgie : Natacha Diet
parler, espérant ainsi refaire jaillir l’étincelle de la vie chez leur vieil ami. Martin aussi s’y mettra tout en ne voyant pas
l’évidence que tous ont compris, et le spectateur avec eux…
Il se désole que cet El-Hadj qui pourrait lui donner des renseignements sur son père ne puisse plus parler mais il reste
près de lui pressentant qu’une réponse ne manquera pas de venir… Elle viendra en effet de la bouche des vieux compagnons pour expliquer à Martin, avec une infinie douceur, qu’El-Hadj est son père. Mais avec la même douceur ils
sauront trouver les mots pour raconter la belle histoire d’amour de Louise Lorient et d’El-Hadj Belkacem qui eurent un
petit garçon avant que les réalités de la vie ne les séparent… Et les mots ils savent les manier !... Dans les deux langues
qu’ils utilisent dans une telle proximité qu’ils nous donnent l’illusion, comme pour Martin, de comprendre parfaitement
l’Arabe. Quant au Français, les légères entorses faites à la syntaxe en rehaussent d’autant la couleur et la saveur. Ce
n’est pas une des moindres richesses du spectacle.
Une autre richesse est la présence/absence des femmes… Leurs femmes, leurs filles dont ils sont privés et ne sont plus
que des rêves, mais des rêves douloureux qui ne les quittent pas… Des fantômes pleins de douceur dont les ombres
bienveillantes glissent au loin au fond du théâtre… « Les femmes absentes, elles sont là. On vit avec elle…Moi aussi je
sais pas si je suis vivant ou si je suis mort… »
Au moment de repartir Martin tentera d’aider ceux qui sont devenus ses amis et ses pères. Il veut leur procurer une vie
confortable, leur trouver une résidence… Mais ils ne veulent rien entendre et refuseront tout en bloc. Ils resteront là,
invisibles mais ensemble dans leur petite vie précaire certes, mais au moins c’est leur vie ! Et ils continueront à prendre
soin d’El-Hadj jusqu’au bout. C’est bien ainsi. Qu’il ne s’inquiète pas. L’essentiel est ailleurs… « Car maintenant, on s’est
trouvé… »
Que dire de plus ?... Sinon Merci !
http://www.lebilletdesauteursdetheatre.com/fr/Sortir-46-34.html
LE BLOG DE CAMILLE BOURDIOL - 18/05/13
INVISIBLES
«Les chibanis, invisibilité de migrants devenus inutiles en partenariat avec la revue Hommes & Migrations.»
Invisibles c’est l’histoire bouleversante d’une rencontre. Martin, la trentaine hérite d’un petit coffret avec un nom et
une adresse qui vont être le point de départ d’une quête d’identité. Martin n’a jamais connu son père, et sa mère ne lui
en a jamais parlé. Cette adresse dévoilée va le mener dans un foyer ADOMA (anciennement nommé Sona Cotra) où la
rencontre des chibanis Driss, Hamid, Majid, Shériff et El Hadj va être décisive pour se reconstruire face au deuil, grandir et continuer sa vie d’homme. On découvre, par le regard bienveillant de Martin, le quotidien bien réglé, le silence,
la colère, la solidarité, la résignation de ces Invisibles dont Nasser Djemaï tient à rendre hommage et à qui il redonne la
parole dans ce spectacle
http://camille34.canalblog.com/archives/2013/05/18/27187828.html
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