INCONNU À CETTE ADRESSE

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INCONNU À CETTE ADRESSE
Éditeur : Hachette
Collection : Le Livre de Poche Jeunesse
Genre : Histoires de vies
Nombre de pages : 93
Niveau conseillé : A partir de 13 ans
Difficulté de lecture : 3
INCONNU À CETTE ADRESSE
Kressmann Taylor (Traduit de l’américain par Michèle Lévy-Bruhl)
Illustration de couverture de François Roca
RÉSUMÉ
A San Francisco, Max, un Américain, possède, avec son ami Martin, une galerie d’art. Martin qui est Allemand
rentre dans son pays natal. Une correspondance s’établit entre eux.
12 nov. 1932 : Max, nostalgique des instants heureux vécus avec Martin et sa famille, écrit à son ami que les
affaires sont bonnes même si Martin parvenait davantage à vendre aux clients juifs que lui, qui pourtant est juif. La
sœur de Max, Griselle, qui a eu une liaison amoureuse avec Martin, demande l’adresse de la famille car elle joue au
théâtre à Vienne. 10 déc. 1932 : Martin fait part à son ami de la misère qu’il voit en Allemagne. A Munich où il
vient d’acheter une demeure de trente pièces, il envisage de participer à la gestion municipale. Griselle peut trouver
chez lui un foyer. 21 janv. 1933 : Max demande à Martin qui est cet Adolf Hitler sur le point d’accéder au pouvoir.
25 mars 1933 : Martin s’interroge sur l’arrivée du nouveau chancelier. Il est à présent un personnage officiel au
service du régime. Les persécutions des Juifs ne seraient peut-être, d’après lui, que des incidents mineurs. 18 mai
1933 : Max s’en remet à Martin pour connaître la vérité sur les reportages faisant état d’un terrible pogrom. Il a
conseillé à sa sœur, qui joue sous un autre nom que le leur (Eisenstein), de ne pas s’aventurer à Berlin. 9 juill.
1933 : Martin demande à Max de ne plus lui écrire, car il ne veut plus correspondre avec un Juif. Il estime
nécessaires les mesures antisémites. 1er août 1933 : Max attribue le contenu de la dernière missive de Martin à sa
peur de la censure. Que celui-ci lui confirme cette hypothèse en écrivant simplement “oui”. 18 août 1933 : Martin
répond “non”. 5 sept. 1933 : Max conjure Martin de protéger Griselle qui joue à Berlin. 5 nov. 1933 : Max
s’inquiète auprès de Martin qu’une lettre, envoyée à Griselle au théâtre, soit revenue avec la mention “Inconnu à
cette adresse”. 23 nov. 1933 : Max a appris que Griselle, obligée de se cacher, projetait d’aller se réfugier chez des
amis à Munich. Est-elle déjà arrivée chez Martin ? 8 déc. 1933 : Martin commence sa lettre par : “Heil Hitler !”
puis annonce la mort de Griselle. La trouvant devant sa porte, épuisée, il ne l’a pas cachée d’une patrouille de SA
qui la suivait. Elle n’a donc pu leur échapper. Martin rappelle qu’il ne veut plus rien avoir à faire avec les Juifs. 2
janv. 1934 : Max commence à envoyer des messages à Martin pour le compromettre. Il ne signe plus de son
prénom mais de son patronyme. 3 janv. 1934 : Il demande à son “Très cher Martin” de lui envoyer des
reproductions de Picasso en assortissant sa demande d’indications chiffrées. 17 janv. 1934 : Max écrit à Martin
que l’oncle Salomon sera content de le voir. 29 janv. 1934 : Max signale à Martin que sa lettre est arrivée par
erreur au 457 Geary Street. 12 fév. 1934 : Martin écrit à Max en l’appelant “Mon vieil ami”. On l’a convoqué en le
sommant de s’expliquer sur les lettres reçues, puis révoqué de son poste de fonctionnaire. Il implore Max de cesser
d’écrire. 15 fév.1934 : Ce dernier lui répond que des mécènes américains l’aideront en vue du grand événement. 3
mars 1934 : Max termine sa lettre par : “Que le Dieu de Moïse soit à ta droite”.
Cette lettre revient à Max avec la mention : “Inconnu à cette adresse”.
PISTES D’EXPLOITATION PÉDAGOGIQUE
I. Premières lectures / Découverte du texte / Sensibilisation aux thèmes
En cours de lecture : On notera les adresses auxquelles sont envoyées les lettres et les dates correspondantes :
Max écrit à Schloss Rantzenburg les 12 novembre 1932, les 21 janvier et 18 mai 1933. Le 1er août, la lettre est
apportée directement au domicile de Martin par J. Lederer. Les suivantes des 5 septembre, 5 et 23 novembre 1933
sont adressées à la banque Deutsch-Voelkische, les dernières des 2, 3, 17, 29 janvier, 15 février et 3 mars 1934 au
domicile de Martin.
Les lettres de Martin du 10 décembre 1932, du 25 mars, des 9 juillet, 18 août 1933 sont quant à elles envoyées à la
Galerie Schulse-Eisenstein, celles des 8 décembre 1933 et 12 février 1934 à la Galerie Eisenstein. On notera
également d’où chacun écrit : Max écrit de la Galerie Schulse-Eisenstein jusqu’au 8 décembre 1933 date à laquelle
le mot Schulse disparaît. Martin écrit de la Schloss Rantzenburg, puis à partir du 9 juillet 1933 de la banque
Deutsch-Voelkische et enfin, le 12 février 1934, à nouveau de son domicile.
Chaque changement d’adresse est significatif, entre autres, d’une transformation dans les relations des deux
associés, de la survenue d’un événement politique ou personnel ou d’une volonté d’agir ou de réagir. On verra, par
exemple, comment le fait que Martin, le 9 juillet 1933, se décide à écrire de sa banque (p. 33) et non plus de chez
lui s’explique par l’arrivée d’Hitler au gouvernement, par le fait que Martin a acquis une position officielle, qu’il
s’est mis à adhérer aux thèses antisémites, qu’il souhaite éviter une censure qui s’est mise en place. On remarquera
également que dans sa lettre précédente (du 25 mars 1933), Martin signale, que ce jour, la famille reçoit à dîner
vingt-huit personnes dont le maire (p. 26). Le lecteur peut supposer que c’est, en particulier, au cours de ce repas,
que Martin s’est vu proposer de nouvelles responsabilités. En référence à ces deux lettres (du 25 mars et du 9 juillet
1933) on pourra faire dater plus précisément la nomination d’Hitler comme chancelier par Hindenburg (le 30
janvier 1933) ou l’instauration d’une censure (le 4 février) de cette même année.
Les transformations dans les formules d’interpellation seront également observées notamment celles de Max pour
Martin à partir du 2 janvier 1934, avec le passage du possessif “Mon” à “Notre”.
Échanges / Argumentation et Débats : Ce texte remarquable suscitera bien des questions et de nombreux
développements sont à prévoir. On peut s’interroger sur la personnalité de Martin : Que montre dans sa lettre du 10
décembre (pp. 13 et 14) la façon dont il décrit sa demeure, le nombre de ses domestiques, de ses services de table,
le cadeau offert à Elsa etc. (pp. 13 et 14) ? Semble-t-il avoir proposé de l’aide aux frères d’Elsa ? Que penser de sa
remarque p. 15 sur ce que peut représenter un statut officiel ? Comment comprendre la rapidité avec laquelle il
adhère pleinement aux thèses hitlériennes ? Quels sentiments nous inspirent sa réaction à l’arrivée de Griselle et la
façon dont il annonce sa mort à son frère ? Martin éprouve-t-il à un moment ou à un autre du remords ?
Comprend-on la vengeance implacable de Max ? On relèvera tout ce qu’il utilise pour alerter la censure (référence
à des tableaux peints par Picasso, considéré par les Nazis comme faisant partie des représentants de “l’art
dégénéré”, suggestion qu’un langage codé est utilisé, mise en évidence de l’affection de Martin pour ses nombreux
amis juifs, évocation de projets mystérieux ressemblant à un complot contre l’état allemand etc.).
Le texte se termine le 3 mars 1934. La lecture de la p. 86 permettra de se rendre compte de ce qui advient par la
suite en Allemagne et de la manière dont l’antisémitisme est organisé par des lois (privation des droits politiques,
port de l’étoile jaune etc.). On échangera sur le fait que les gouvernements des pays occupés par les Nazis ont, eux
aussi, plus ou moins participé à l’élimination programmée des juifs (près de 6 millions de morts et de disparus).
Activités en relation avec la lecture : Les notes suivant le texte pp. 78 à 87 permettront de se renseigner sur la
situation de l’Allemagne de 1918 à 1939.
Entre chaque lettre se déroulent nombre d’événements. En s’appuyant sur des documents historiques et sur
l’excellent livre de Poche Jeunesse de Jean-Louis Becker, Vincent Engel et Philippe Godard intitulé Inconnu à
cette adresse, lecture entre les lettres , les élèves pourront retrouver certains de ces faits. Par exemple, on
recherchera ce qui s’est passé entre la lettre de Martin du 25 mars 1933 et celle de Max du 18 mai (voir p. 63 de
l’étude littéraire et historique citée) : 1er avril, “Début du boycott des commerçants, avocats et médecins juifs” ; 7
avril, “La loi sur la revalorisation de la fonction publique exclut les Juifs, les communistes et les sociauxdémocrates, et les remplace par des nazis…” ; 21 avril, “Dissolution des syndicats” ; 26 avril, “Création de la
Gestapo”, etc.
II. Dire / Quelques suggestions
On demandera à la classe d’imaginer des mises en scène possibles de ce texte : place des acteurs (face aux
spectateurs sur la même ligne, l’un tournant le dos, les deux se déplaçant sur scène leur lettre en main, apparition
de personnages cités comme Elsa, Jimmy ou Griselle, etc.). Les élèves réfléchiront sur l’utilité d’un décor (vues de
San Francisco, d’une enseigne de galerie de tableaux derrière Max, d’une photo agrandie d’une grande demeure
entourée d’un parc, du portrait d’Hitler, etc.). On pourra rechercher des documents sonores de l’époque. Ce travail
collectif débouchera à la fois sur l’écriture d’une mise en scène et sur la lecture-spectacle de la correspondance.
III. Écrire / Quelques propositions
On rédigera d’autres réponses possibles à la lettre de Martin du 9 juillet 1933 que Max aurait pu envoyer.
On écrira le dialogue entre la famille juive rencontrée et Griselle (voir p. 48) : comment elle parle de Martin et de
sa famille, comment elle décrit l’accueil qui lui sera certainement réservé, comment elle imagine le bonheur de son
frère quand il la saura en sécurité…
 EDDL Paris 06, 2005