Grinde-2011-Darwinia..
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Grinde-2011-Darwinia..
RÉSUMÉ DE « DARWINIAN HAPPINESS », BJORN GRINDE, 2002 Résumé – Une bonne humeur par défaut, des plaisirs si la Discorde Darwinienne n’est pas trop forte Pour Grinde, chercheur en biologie, l’homme est déterminé à 40% par les gènes communs à son espèce. En conformité avec la pensée Darwinienne de l’évolution, ceuxci ont été triés via la sélection naturelle et la sélection sexuelle. Si l’homme est doué de libre arbitre, celui-ci est relatif car ses gènes ont pour rôle d’induire certains comportements favorables au « succès biologique », c’est à dire à la survie et la reproduction. Grinde avance que notre état naturel est la « bonne humeur par défaut », les gènes ayant intérêt à être véhiculés dans un porteur sain. Notre humeur par défaut n’est cependant pas joyeuse de manière exubérante pour éviter la déperdition d’énergie correspondante. En revanche, les gènes ont été sélectionnés dans un environnement de l’âge de pierre, d’il y a 50 000 ans. Notre environnement d’aujourd’hui n’étant plus le même, il en résulte une « discorde Dawinienne ». La clé du bonheur consiste à d’une part faire la récolte des affects positifs auxquels nos gènes nous prédisposent, tout en évitant en miroir les affects négatifs, et d’autre part, d’adapter notre environnement pour diminuer cette « Discorde Darwinienne ». Orientations de société ouvertes par le livre de Grinde Le livre de Grinde ouvre des perspectives en termes d’évolution de société, en termes d’éducation, d’entreprises, de la ville, de l’enfance, du vivre-ensemble ou des institutions. La diminution de la « Discorde Darwinienne » suggèrerait par exemple dans l’enseignement de laisser une plus grande part au jeu, y compris aux jeux physiques entres élèves, et aux activités qui ne sont pas dirigées vers un but. Un enseignement sur les incidences de la biologie sur notre bonheur pourrait être imaginé. Dans l’entreprise, les pistes seraient de diminuer le poids du contrôle, les temps de travail nocturnes, d’être vigilant vis à vis de la division scientifique des taches, et de reconnaître la véritable valeur de la culture de la convivialité. Pour autoriser le bonheur darwinien, les villes devraient permettre l’émergence d’ilots d’habitants d’une centaine d’individus où la convivialité régnerait, laisser une part belle à la nature, et permettre une exposition au soleil suffisante. Le corps devrait retrouver sa juste place, s’adonnant suffisamment à l’exercice, goutant aux forts plaisirs évolutionnistes du sexe (sur lequel le regard ne devrait pas être culpabilisant), cherchant une exposition suffisante à la lumière du jour, et inhibant moins ses émotions. Un vivre ensemble de moindre Discorde Darwinienne requerrait de réorganiser les cellules sociales (y compris en entreprise éventuellement) en groupes d’une centaine d’individus, de soulager la pression du temps et d’adoucir, là où cela est possible, les comportements compétitifs (notamment dans le système éducatif). Des médiations locales pourraient être imaginées pour éviter les conflits installés, délétères et anxiogènes. Enfin, la parentalité devrait être éduquée aux enjeux Darwiniens des premiers jours de la vie, accompagnée pour les familles les plus dépourvues autour de la naissance. Les crèches pourraient être réinventées. 1. Un homme partiellement déterminé donc libre … partiellement Comme socle de son ouvrage, Bjorn Grinde, chercheur en biologie, nous offre sa vision de l’homme : un individu est déterminé par 3 grandes composantes, pour lesquelles il attribue des poids respectifs : un socle génétique lié à l’espèce, pour 2/5 (il ne peut déroger à certains fondamentaux comme une taille maximale par exemple), les spécificités de son génome individuel (pour 1/5) et son développement propre (pour 2/5). L’auteur nous propose d’examiner notre socle d’espèce et d’en tirer des conséquences sur notre capacité et nos chemins de bonheur en tant qu’individu de cette espèce. Le libre-arbitre nous rend partiellement – selon les limites de notre conscience – aptes à faire des choix par delà ces 3 composantes. 2. Un bonheur Darwinien contingent Grinde définit le « Bonheur Darwinien » comme celui que l’on peut le saisir sur la base de notre génome commun à l’espèce. Il consiste à d’une part saisir les opportunités de plaisirs ou sensations positives en tirant parti de notre fonctionnement biologique et d’autre part à éviter les tensions ou sensations négatives résultant de notre environnement auquel notre génome d’espèce n’est plus parfaitement adapté, ce que l’auteur nomme la « Discorde Darwinienne ». Viser le bonheur Darwinien exige donc une compréhension de notre biologie et du chemin de l’évolution pour y aboutir. D’après Darwin, nos gènes, en tant qu’espèce, ont été sélectionnés car ils conféraient un avantage de survie (sélection naturelle) et de reproduction (sélection sexuelle) à celle-ci. Le succès biologique d’une espèce se mesure à la biomasse totale de celle-ci. De ce point de vue, l’espèce humaine connaît donc un succès écrasant. Toutefois, bonheur Darwinien et succès biologique de l’espèce ne sont pas nécessairement alignés. Ils n’ont pas de raison de l’être hors le constat que le bonheur Darwinien participe au succès de l’espèce puisqu’il signale et contribue au bon fonctionnement des individus et augmente donc leurs chances de succès et reproduction. En revanche, succès biologique n’implique pas nécessairement bonheur Darwinien (qui importe peu à l’espèce, ou à ses gènes). Il en résulte que la dynamique des gènes qui visent, via l’évolution, au succès de l’espèce ne n’encourage pas nécessairement notre bonheur en tant qu’espèce. Il est donc important de comprendre les mécanismes biologiques et évolutionnistes qui déterminent partiellement nos comportements et notre bonheur. 3. Des plaisirs multiples sur un fond d’humeur joyeuse Les plaisirs nous indiquent que ce qui nous arrive est bon pour nous. On peut classer les plaisirs en utilisant 2 dimensions : besoins / chemins (ou « liking » / « wanting ») et l’autre homéostasie / reproduction. En utilisant le premier axe, les plaisirs biologiques peuvent résulter de plusieurs sources : le « liking » c’est à dire l’atteinte d’un but biologique lié à des besoins ou à la procréation, ou bien – plus en amont – le « wanting » c’est à dire l’engagement sur un chemin visant à l’atteinte de ces buts biologiques (désir, etc.). Le « wanting » se traduit par une augmentation de la présence de neurotransmetteurs comme la dopamine dans le cerveau. Le « liking » est moins compris aujourd’hui mais passe notamment par une présence accrue des endorphines. En utilisant le 2e axe, le premier grand type de plaisirs est donc lié à l’utilité biologique : ce sont les stimuli qui promeuvent l’homéostasie – maintien des paramètres physiologiques de l’individu – au sens où ils font revenir à un niveau optimal de fonctionnement, comme la suppression de la faim, le retour à une température adéquate, l’étanchement de la soif. Ils encouragent la survie de l’individu. Le second grand type de plaisirs concerne la procréation et comprend donc par extension ce qui a un rapport avec l’amour, le sexe, et le soin apporté à la progéniture. On peut noter 3 mécanismes fondamentaux du plaisir : l’accoutumance, le caractère différentiel et l’atténuation. Tout d’abord, de trop fortes stimulations érodent l’intensité du plaisir, notamment dans le cas des addictions. Ensuite, les mécanismes du plaisir sont ainsi faits que nous sommes plus sensibles aux variations qu’aux valeurs absolues. Enfin, les sensations tendent à se lisser avec l’âge tant dans les gammes positives que négatives. Si les plaisirs contribuent à déterminer l’humeur, ils ne la constituent pas à eux seuls, ni par leur présence ou leur absence. En dehors de ces sensations, l’auteur définit un état mental positif, le « default good mood » qui résulterait d’un « tonus joyeux » déterminés par plusieurs zones, modules et neurotransmetteurs du cerveau. Notre connaissance du cerveau est aujourd’hui suffisante pour donner du plaisir en envoyant des stimulations électriques dans le cerveau directement dans les centres du système de la récompense. Pourtant, l’auteur recommande plutôt d’engager son corps et son esprit dans des taches pour lesquels ils ont été conçus et d’apprendre à profiter de toutes les récompenses que le cerveau offre alors. Il encourage néanmoins à ne pas recourir aux drogues, arguant que, à cause de l’accoutumance, ces stimulations surpasseront difficilement sur la durée notre propension naturelle au bonheur, notre « default good mood ». La possibilité d’une drogue induisant une bonne humeur, sans effets indésirables autres, semble faible vu la complexité et l’interconnexion des différents modules du cerveau. Certains individus naissent ou se développent mal adaptés en termes de bonheur. La nature de l’humeur joyeuse par défaut peut varier d’un individu à l’autre et certains peuvent requérir un traitement pharmaceutique pour compenser une prédisposition défavorable électrique, chimique ou hormonale. 4. Le sexe, activité de plaisir entre toutes, dans un contexte psychologique complexe Le sexe est l’activité humaine pour laquelle la nature a prévu de plus de récompenses, en termes de plaisirs. C’est néanmoins une activité psychologiquement complexe. Pour l’auteur, le regard social sur cette activité peut être une source importante de discorde darwinienne si elle empêche le développement d’une sexualité saine et épanouie. Pour lui, les discours de morale traditionnelle, selon leur ton, peuvent faire prendre le risque de générer une approche non naturelle de ce plaisir fondamental qu’est le sexe. Il recommande que la première pierre pour améliorer les relations sexuelles dans notre société soit la construction d’une attitude de compréhension et d’ouverture d’esprit vis à vis du sexe. En second lieu, il s’agit de prévenir le développement de sentiments de honte dès le plus jeune âge à l’égard du sexe. 5. Moissonner les plaisirs pour lesquels la tête a été faite Les individus dépensent 15% de leur énergie à jouer, contre 2 à 3% chez les animaux. En effet, les jeux sont associés à une récompense en termes de plaisir car notre participation à ceux-ci est avantageuse pour les gènes. Le jeu permet de terminer le développement de l’individu en termes neurologiques, d’assimiler des règles sociales, d’apprendre à gérer des émotions et de créer des liens sociaux durables. Les chatouillements semblent programmés génétiquement comme un moyen de fabriquer de l’attachement entre des individus. Parmi les autres plaisirs pour lesquels notre tête a été faite, on compte : - Le sourire et le rire : ils seraient récompensés par des plaisirs car ils servent la fonction de formation de liens sociaux. - L’exploration intellectuelle, l’entrainement et l’éducation : ils seraient favorisés par la nécessité de comprendre son environnement et y acquérir des compétences pour survivre - L’acquisition de talents sportifs : ils permettent d’augmenter son habilité donc ses chances de survie ; l’entrainement à haut-régime du sportif professionnel n’est en revanche pas nécessaire - La compétition : comme moyen de monter dans l’échelle sociale, est elle aussi favorisée darwiniennement donc génératrice de récompenses - L’imagination ou le rêve éveillé : ils sont efficaces pour donner du plaisir, que ce soit via un livre, un film ou par pure imagination. Les gènes sont alors floués et ne font pas la pleine différence entre expérience réelle et virtuelle Ces plaisirs sont caractérisés par le fait que notre cerveau soit déjà câblé pour les livrer mais aussi qu’ils ne dépendent pas de stimuli répétés : ils sont générés par l’individu, et donc pas soumis à l’habituation. 6. L’Amour, source de plaisir, pour lutter contre la fragilité des petits L’attachement amoureux peut apparaître surprenant dans un cadre de pensée évolutionniste. Il semble que la capacité à s’attacher soit présente chez quelques espèces où la progéniture est fragile et nécessite un temps important pour gagner son autonomie. Généralement, la femelle a besoin d’une protection pour s’occuper des petits ce temps-là et le mâle a intérêt à rester proche pour s’assurer que sa descendance survivra. Le mécanisme sélectionné par la nature pour déclencher ce comportement est de générer un attachement réciproque du mâle et de la femelle, l’amour. On attribue cet attachement à différents neurotransmetteurs notamment l’ocytocyne. Il est probable que l’attachement male-femelle ait été fabriqué à partir de – c’est à dire ait dérivé de – l’attachement mère-petits, où il semble le plus puissant. Cet attachement est si fondamental qu’un petit qui ne reçoit pas assez d’attention de ses géniteurs pourra connaître des troubles du développement important. 7. Une moisson possible de plaisirs autres et dérivés Pour l’auteur, les plaisirs sont accessibles en satisfaisant ses besoins primaires mais l’individu doit également s’éduquer pour faire la moisson d’autres plaisirs plus indirectement sélectionnés par l’évolution : la compassion et la solidarité, la religion, les arts visuels, et la musique. Pour chacun de ces plaisirs, Bjorn Grinde décrit les mécanismes évolutionnistes qui les ont fait émerger et en font des éléments à considérer dans la quête du bonheur Darwinien. 8. Une conscience limitée, aux commandes Les émotions sont des éléments ayant fait surface parmi des processus invisibles qui déterminent l’humeur. En d’autres termes, ce qui détermine notre humeur ne nous est pas nécessairement connu. Notre conscience ne couvre pas la totalité des profondeurs des déterminants de notre humeur. Par ailleurs, l’esprit conscient n’a pas la pleine possibilité d’agir directement sur son humeur par la simple volonté, ceci ayant été conçu pour maintenir une certaine stabilité et robustesse de l’humeur chez l’individu. La prise de contrôle par la conscience de certains modules fondamentaux conduit à des fonctionnements sub-optimaux alors que le pilotage automatique aurait été meilleur : les individus dorment moins que leur nature ne l’exige, et respirent de manière imparfaite. De manière générale, notre civilisation souffre d’un manque de confiance envers l’inconscient alors qu’il devrait parfois être écouté. L’autopilote doit être suivi pour certaines fonctions, telles que le sport, le sommeil, etc. Soulignons que le libre arbitre est restreint à l’esprit conscient et qu’à ce titre, l’expression « libre-arbitre » interroge le degré de cette même liberté. 9. Des émotions faites pour être communiquées Les émotions sont sociales par nature et à ce titre sont faites pour être communiquées. Si elles peuvent être ressenties de manière solitaire, elles sont ainsi plus marquées ou soulagées en présence d’individus amis. La norme sociale, dans certaines cultures, de pudeur vis-à-vis de ses émotions est source de discorde émotionnelle. Les émotions négatives semblent plus puissantes que les positives car elles sont potentiellement corrélées des événements plus graves, un danger de mort par exemple. Pour l’auteur, la tendance naturelle à retourner à un état naturel joyeux suggère de donner une certaine latitude à ses émotions pour se déployer en attendant le retour au mode joyeyx de croisière. Ainsi, le refoulement de la tristesse constituerait une discorde Darwinienne. 10. La vulnérabilité du système émotionnel Le système émotionnel a deux grandes caractéristiques : il est complexe au sens où son architecture est dirigé vers un but délicat à définir qui est de déterminer notre comportement ; également, il nécessite l’apport de l’environnement pour murir. Pour exemple, l’absence de soins maternels ou paternels dans les 10 premiers jours de la vie d’un nourrisson semble causer une plus grande vulnérabilité au stress chez l’adulte. De manière plus générale, l’absence de présence parentale dans les stades initiaux de la vie de l’enfant, peut causer une augmentation du risque de dépression, voire des retards de développement physiques ou mentaux chez les orphelins. Grandir sans présence parentale est l’une des pires formes de discorde darwinienne. Pour l’auteur, les autres formes de discordes darwiniennes liées aux émotions sont : - la nécessité de faire face à des conflits irrésolus et dans la durée (avec un voisin ou un collègue) alors que nous avons été préparés pour réagir à des conflits courts - le manque de contrôle dans notre travail, ni sur les horaires, le contenu des taches ou la sécurité de celui-ci. - La non atteinte de certains buts : la réaction prévue par la nature est l’humeur triste. Suractivée dans notre société où les points de comparaison sont inatteignables, la dépression peut s’installer - Le manque généralisé de soins et d’attention donnés et reçus par les individus : il est également source de dysfonctionnements, qui tendent à s’installer durablement via la robuste mémoire émotionnelle, c’est à dire via l’impression durable de circuits neuronaux pour des émotions négatives telles que l’anxiété Pour l’auteur, le bonheur Darwinien réside en partie dans la capacité à accéder ou retourner vers notre bonne humeur par défaut et à avoir un système émotionnel bien fonctionnel. Comme vu précédemment, l’expérience de la joie plus intense devra elle passer par la moisson des plaisirs. Ils sont nécessaires car la nature n’avait pas intérêt à nous doter d’un état par défaut fortement joyeux, qui aurait été consommateur de trop d’énergie. 11. Des émotions négatives de 3 sortes En contrepoint des sensations ou affects agréables, notre environnement peut déclencher des états d’urgence d’agressivité, de peur ou d’inhibition, les trois comportements / émotions négatifs fondamentaux, ancrés dans notre espèce et qui nous permettaient de nous battre, de fuir ou de garder un profil bas en cas de danger (et éviter un conflit potentiellement mortel). 12. Des sensations et émotions programmées pour être fortes De manière générale, les sensations et émotions de l’espèce humaines sont, d’après l’auteur, les plus fortes de toutes les espèces, en partie lié à l’émergence de la conscience (et donc de la capacité d’auto-examen de celle-ci), et partie lié à la nécessité pour les gènes de garder le contrôle malgré le libre-arbitre. Les êtres humains recherchent les plaisirs et évitent les peines et douleurs. Ces affects doivent être suffisamment forts pour permettre de maintenir les comportements programmés par l’évolution, malgré la liberté de choix qui pourrait aller à leur encontre. Il est ainsi probable que les taux de fécondité se maintiennent tant bien que mal au seuil de renouvellement de l’espèce dans les pays occidentaux grâces aux désirs et plaisirs induits par le sexe, et ce malgré le libre-arbitre rendu effectif par les contraceptifs par exemple. Les comportements biologiques, c’est à dire les mécanismes sélectionnés par l’évolution nous faisant rechercher les plaisirs et éviter les peines, sont donc puissants, malgré notre libre- arbitre, et doivent être compris et pris en compte dans la recherche du bonheur Darwinien. 13. Un environnement qui n’est plus adapté à nos gènes Comme indiqué plus haut, en l’absence de sensations particulières, Bjorn Grinde affirme que nous serions dans « une bonne humeur par défaut » (« default good mood »), car c’est dans l’intérêt des gênes de résider dans un « porteur » content. Les conséquences sont importantes car en résolvant les tensions entre notre environnement et nos gènes, et en satisfaisant nos besoins primaires, nous serions par défaut de bonne humeur. Il poursuit donc en affirmant que l’art de vivre consiste alors à ressentir des sensations agréables sans avoir nécessairement recours à des stimuli spécifiques. La première tache à accomplir est donc d’adapter notre environnement à nos gènes. Plus précisément, pour l’auteur, la première cause des émotions négatives est la « Discorde Darwinienne » liée au décalage entre notre environnement actuel et l’Environnement Adapté à l’Evolution (EAE), c’est à dire celui de l’âge de pierre, il y a 50,000 ans, pour lequel nos gènes ont été sélectionnés. Il est important de noter qu’il est probablement impossible de concilier un environnement adapté à l’évolution et un environnement évolué (avec médecine, communication, culture, progrès technique, etc.). En revanche, tout en retenant les progrès accomplis par notre espèce, il semble pertinent de chercher à atténuer dans notre environnement actuel les sources identifiées de Discorde Darwinienne. 14. Des groupes sociaux trop étendus A l’époque de l’Environnement Adapté à l’Evolution, il y a 50 000 ans, les hommes vivaient en clans, dont la taille variable était de (bien) moins de 100 membres. Ces tribus ont commencé à disparaître il y a 10 000 ans. Le changement d’échelle des unités sociales a plusieurs conséquences. Tout d’abord, les phénomènes de comparaison, ancrés dans nos gènes, pour nous encourager à faire mieux afin de survivre – c’est à dire dans le contexte social de la tribu, à nous faire obtenir plus de nourriture et de partenaires sexuels – sont aujourd’hui sources de malheur. En effet, si dans un groupe d’une centaine d’individus, il était possible pour un grand nombre d’être bien classés parmi une des compétences valorisées, a contrario, dans notre société actuelle, étendue et connectée, cet accomplissement est rendu délicat. En présentant des images d’individus hors-normes, les médias participent au processus de comparaison défavorable pour les individus. Il semblerait de surcroit que nous soyons sensibles non pas à notre classement relatif (le percentile) mais au classement absolu (combien d’individus sont devant nous). En résumé, la compétition est programmée dans nos gènes mais nous pouvons difficilement avoir le sentiment de gagner dans une société vaste et globalisée. C’est une première source majeure de Discorde Darwinienne. Ensuite, le changement de taille de l’unité sociale a une autre conséquence. Historiquement, les comportements agressifs étaient réservés lors de combat avec d’autres espèces ou avec des clans ennemis. La fréquence de telles rencontres était relativement faible. A l’intérieur d’un clan, par sa taille plus restreinte, sa proximité génomique et son organisation sociale, les rencontres agressives étaient rares. Par comparaison, aujourd’hui, dans une société essentiellement urbaine donc dense et aux interactions très nombreuses (cf. les transports publics), l’individu est soumis à des rencontres avec des membres qui, d’un point de vue évolutionniste, sont des ennemis potentiels, ce qui génère du stress. Les métiers aux interactions très fréquentes avec des inconnus sont d’autant plus soumis à ce phénomène. C’est une source importante de Discorde Darwinienne, qui déclenche des sensations appelées d’aversion. 15. Des sources de discorde Darwinienne multiples dans notre société Parmi les éléments de différence entre notre environnement actuel et celui pour lequel nos gènes ont été sélectionnés, donc comme sources potentielles de Discorde Darwinienne, on peut noter : - le travail (ou l’activité) nocturne de certains : nous sommes faits pour travailler le jour et nous reposer la nuit - le manque d’exercice : notre biologie exige de l’exercice - l’abondance : nos mécanismes biologiques ne sont pas conçus pour un environnement où la nourriture et les plaisirs sont abondants (pour nombre d’individus de la société de consommation occidentale). Il est à noter que les plaisirs résultants ne sont pas programmés pour nous rendre la vie agréable mais pour induire des comportements. La surconsommation de nos sociétés est donc en décalage avec notre programmation biologique. - le manque de contrôle de notre existence (travail, loi, etc.) qui va à l’encontre d’une liberté biologique première - la profusion de stimulations : le stress n’est pas un mal en soi, il peut même, lorsque ponctuel provoquer des sensations agréables car nous avons été programmés pour répondre de manière fonctionnelle à une situation le déclenchant (c’est une sensation agréable qui permet de faire face : une « coping sensation »). Le stress active donc le système de récompense biologique dans une phase initiale. En revanche, c’est la répétition ou l’installation du stress qui est nocive pour l’individu. - L’absence de plantes : nous sommes programmés pour être en présence de plantes. Les recherches démontrent que les individus fonctionnent de manière optimale en leur présence. - La sous-exposition au soleil : notre métabolisme requiert de la vitamine D pour fonctionner qui ne peut être synthétisée que par une exposition suffisante au soleil. Les vies modernes, d’intérieur et de vêtements couvrants sont un obstacle à notre besoin biologique de soleil. - La division des tâches : notre existence tribale nous réservait des journées incertaines mais non linéaires, en fort décalage avec notre société actuelle, où les taches tendent à être compartimentées entre individus et uniformes pour chacun d’entre eux - - - - - La séparation physique des nourrissons des parents lorsqu’ils dorment dans des lits ou des chambres séparées est en décalage par rapport aux besoins de proximité tactile vers lesquels la nature nous a fait évoluer L’inscription des taches dans un cadre horaire rigoureux : les hommes de l’âge de pierre n’étaient pas soumis à des impératifs horaires permanents dans l’exercice de leurs activités, même si certaines requéraient d’être exécutées dans une durée définie (chasse pendant le jour, etc.) Le caractère normatif des structures de la petite enfance (crèches, jardins d’enfants) : les enfants devraient être autorisés à jouer et s’engager dans des jeux physiques ou de confrontation (sous supervision), susceptibles à la fois de leur faire faire de l’exercice et de participer à l’apprentissage La non-convivialité de certaines cultures d’entreprise : nous sommes faits pour engager des activités avec des individus que nous connaissons et en qui nous avons confiance. Le niveau de stress des animaux vivant en communauté diminue lorsque leur connaissance réciproque s’installe. La convivialité entre collègues est susceptible de diminuer la discorde Darwinienne sur le lieu de travail Le caractère non communautaire des existences citadines : comme vu plus haut, une société organisée autour de noyaux de 100 à 150 personnes (cf. les Hutterites) pourraient nous rapprocher du mode d’organisation tribale, associé à une moindre discorde Darwinienne