Actualités sur herpès génital et grossesse : quelles conséquences

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Actualités sur herpès génital et grossesse : quelles conséquences
M
I S E
A U
P O I N T
V i r o l o g i e
Actualités sur herpès génital et grossesse :
quelles conséquences pour la prise en charge ?
! S. Braig*, B. Chanzy**
RÉSUMÉ. L’herpès néonatal représente la complication majeure de l’herpès génital. Cette infection reste heureusement rare et concerne probablement moins d’un cas pour 10 000 grossesses. De nombreuses études récentes ont permis de mieux appréhender l’histoire naturelle de la
maladie, et sont maintenant tout particulièrement bien établis l’importance de l’excrétion virale asymptomatique et son rôle dans la transmission . Néanmoins, la mise en place d’une prise en charge efficace de l’herpès génital avec comme but d’éviter (complètement) tout risque
de transmission de la mère à l’enfant passe d’abord par le diagnostic positif de toute situation à risque (surtout la primo-infection en fin de
grossesse), en s’appuyant largement sur les examens virologiques. Ensuite, une réflexion doit être conduite sur les moyens disponibles pour
diminuer le risque, en particulier les moyens thérapeutiques. Différentes stratégies adaptées à chaque situation de risque seront abordées.
Elles ont plus vocation à interpeller le lecteur qu’à imposer une démarche incomplètement validée.
Mots-clés : Herpès génital - Grossesse - Excrétion asymptomatique.
L
a grossesse représente une situation tout à fait paradoxale dans l’histoire naturelle de l’herpès génital. En
effet, au caractère généralement bénin mais fréquent
de l’herpès génital dans la population générale, s’oppose l’extrême gravité des rares cas d'herpès néonatal acquis au moment
de l’accouchement. La prise en charge de l’herpès génital pendant la grossesse a fait l’objet, en France, de recommandations
publiées sous forme d’une conférence de consensus en 1993
(1), reprises dans le tableau I. Depuis, les connaissances concernant l’épidémiologie et l’histoire naturelle de la maladie ont
évolué, de nouveaux outils diagnostiques ont été développés
et, l’expérience aidant, de nouvelles approches thérapeutiques
ont été évaluées, à défaut d’être validées. Ces nouveautés doivent-elles pour autant nous inciter à envisager de nouvelles stratégies pour diminuer (encore) la transmission materno-fœtale
du virus Herpes simplex (HSV) ?
HERPÈS GÉNITAL : UNE ÉPIDÉMIE EN PROGRESSION...
Les données séro-épidémiologiques sur l’herpès génital ont
souffert par le passé d’un manque de standardisation des techniques de détection des anticorps dirigés spécifiquement contre
HSV1 et HSV2. Les derniers travaux publiés sont le fait
*Maternité, centre hospitalier de la région annecienne, BP 2333, 74011 Annecy
Cedex.
**Laboratoire de virologie et Fédération de microbiologie clinique, centre hospitalier de la région annecienne, BP 2333, 74011 Annecy Cedex.
192
d’équipes américaines qui ont montré que la séroprévalence
HSV2 avait augmenté de 30 % au cours des vingt dernières
années, pour atteindre à l’heure actuelle 20 % dans la population générale adulte aux États-Unis (2), voire près de 50 % dans
certaines populations. La commercialisation de tests sérologiques spécifiques de type permet de mettre en place de grandes
études séro-épidémiologiques dans chaque pays et de comparer les données entre elles à l’aide de tests standardisables et
reproductibles. En France, les chiffres ont ainsi été actualisés
à partir d’un échantillon de 5 000 volontaires représentatifs de
la population générale. Dans cette cohorte, la séroprévalence
HSV2 est de 16,5 % (3). Chez la femme enceinte, on a pu
constater une grande hétérogénéité dans la répartition de la séroprévalence HSV2 – entre 7 % et 33 % selon les séries. Cette
hétérogénéité a été également observée en France avec une séroprévalence HSV2 de 8 % en région grenobloise à 20 % en
région parisienne (Chanzy B., Paris, RICAI 98, abstract 43C8),
alors que la séroprévalence HSV1 est sensiblement la même
(65 %).
La plupart des herpès récurrents génitaux sont le fait d’une
infection à HSV2. Cependant, la proportion de premières infections génitales liées à HSV1 est en augmentation dans de nombreuses régions, tout particulièrement en Europe et au Japon.
Dans ces régions, HSV1 est le virus le plus fréquemment isolé
lors d'une primo-manifestation d’herpès génital (4), alors que
HSV1 ne représente que 20 % des isolements lors d'une récurrence. Les études épidémiologiques sur l’herpès génital basées
sur la séroprévalence HSV2 sous-estiment très vraisemblablement l’importance des infections herpétiques génitales.
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XV - n° 5 - mai 2000
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Situation maternelle
Fréquence chez les mères
d’enfants infectés
Risque d’herpès
pour l’enfant
Rare
++++ ≈ 75 %
+
++ ≈ 2 à 5 %
++
+ ≈ 1/1 000
1. Primo-infection en pré-partum
(ou dans le mois précédent)
2. Récurrence en pré-partum
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Conduite proposée
!
!
Césarienne
Discuter l’aciclovir
!
Césarienne
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Tableau I. Herpès génital
et grossesse. Conduite obstétricale à tenir d’après les
recommandations de la
Conférence de consensus (1).
(ou dans les jours précédents)
3. Antécédents seuls d’herpès
! Voie basse après bétadine
! Culture pour isolement
génital (chez la mère
ou son partenaire)
viral à terme
+ : discuter l’aciclovir
pour l’enfant
! Si
4. Aucune manifestation
± ≈ 1/10 000
+++
2/3 des cas
d’herpès génital
! Ne rien faire
! Éviter toute MST
MST : maladie sexuellement transmissible.
Culture au moment de l’accouchement
Excrétion asymptomatique
0,35 %
Premier épisode d’herpès génital
35 %
Herpès génital primaire
10 %
Réactivation
65 %
Herpès génital non primaire
25 %
Antécédents connus
40%
Antécédents inconnus
25 %
Enfants infectés
40 %
31 %
HERPÈS GÉNITAL :
UNE HISTOIRE NATURELLE EN MUTATION...
L'herpès génital est avant tout une infection asymptomatique.
De nombreuses études ont montré que la plupart des infections
herpétiques génitales ne sont pas diagnostiquées, en raison des
symptômes atypiques ou d’une excrétion virale asymptomatique. Cela est particulièrement vrai lors des primo-infections
par HSV2. Dans une étude prospective récente, 63 % des primoinfections liées à HSV2 sont asymptomatiques (4). À l’inverse,
les primo-infections génitales à HSV1 sont symptomatiques
dans deux tiers des cas, fréquence identique à celle rencontrée
dans les primo-infections orolabiales. On estime que 20 % des
patients avec des anticorps anti-HSV2 sont totalement asymptomatiques. Les épisodes d'excrétion asymptomatique surviennent en moyenne entre 6 et 60 jours par an selon que l'on
recherche l'excrétion virale en culture ou par PCR. L'excrétion
peut coexister en différents sites de la région pelvienne. On
retiendra surtout l'importance de l'excrétion dans la région périanale par rapport aux autres sites plus “classiques” que représentent le col et la région vulvaire (5). Cette particularité est à
prendre en considération en matière de prévention, et tout particulièrement dans le contexte obstétrical.
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XV - n° 5 - mai 2000
3%
Aucun
Figure 1. Excrétion asymptomatique et risque de transmission selon le statut de la
mère (7).
L’excrétion asymptomatique est favorisée par différents facteurs. Elle est maximale dans les mois qui suivent la primoinfection et dans les périodes périlésionnelles. Le type du virus
présent dans les voies génitales est également un élément à
prendre en compte. L’excrétion dans les voies génitales est en
effet plus fréquent pour HSV2 (7 à 15 jours/an) que pour HSV1
(2 à 4 jours/an) (5). Il est clair que l’impact de ces épisodes
d’excrétion asymptomatique est un élément important dans la
transmission de l’infection. On estime à 10 % le taux annuel
de transmission en l’absence de lésions au sein de couples où
un seul des partenaires est porteur d’un herpès génital, alors
qu’il est de 1 à 3 % dans la population générale.
La réalité de la transmission lors d’épisodes d’excrétion asymptomatique est un élément important à prendre en compte dans
la prise en charge de la prévention de l’herpès néonatal, que ce
soit pour éviter l’infection maternelle ou la transmission au nouveau-né. Le taux de séroconversion HSV2 chez la femme
enceinte a été évalué entre 0,2 et 2,5 % (6). La plupart de ces
séroconversions sont asymptomatiques (7). Cette infection peut
survenir à n’importe quel stade de la grossesse. En revanche,
le taux de transmission est différent selon que la femme a déjà
ou non des anticorps dirigés contre HSV1 (figure 1). La trans193
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mission au nouveau-né se fait presque exclusivement en période
périnatale et peut survenir aussi bien lors de lésions qu’au cours
d’une période d’excrétion asymptomatique. La fréquence de
l’excrétion asymptomatique au moment de l’accouchement
varie entre 0,35 et 1,4 % (8). Dans un tiers des cas, ces épisodes
ont clairement pu être associés à une infection récente. La plupart des cas de transmission néonatale surviennent à partir de
mères asymptomatiques – la situation la plus à risque étant celle
d’une mère qui a une primo-infection et dont la séroconversion
se produit après l’accouchement (6).
DIAGNOSTIC VIROLOGIQUE : DE NOUVEAUX OUTILS
De nouveaux tests sérologiques ont été développés récemment,
basés sur la spécificité de la glycoprotéine gG, et certains ont
obtenu leur enregistrement à l’Agence du Médicament. Ces
tests sont capables de déterminer le sérotype viral, avec une
spécificité comprise entre 97 % et 100 %. Les tests gG spécifiques présentent néanmoins certaines limites. Il a notamment
pu être observé que les anticorps dirigés contre la protéine gG
apparaissaient tardivement (un à trois mois après l’infection),
ce qui limite, dans une certaine mesure, l’utilisation de ces tests
pour dépister une primo-infection (9), bien que, pour certaines
trousses, la sensibilité soit au moins aussi bonne que les tests
de confirmation (10). Ce défaut peut être partiellement levé par
la détection des IgM spécifiquement dirigées contre la protéine
gG. Enfin, les tests sérologiques spécifiques de type ne permettent pas de définir l’origine orale ou génitale de l’infection,
et la recherche d’anticorps dirigés contre la seule protéine
gG-2 peut ne pas être suffisante pour établir le statut sérologique définitif, ce qui pourrait conduire à l’utilisation de tests
de confirmation (11).
Le développement de tests sérologiques spécifiques de type fait
entrevoir la possibilité de dépister des sujets à risque de transmettre l’infection – les sujets asymptomatiques – ou, au
contraire, les sujets réceptifs chez lesquels la primo-infection
présente une situation à risque. Dans ce dernier cas, le but est
de pouvoir dépister les femmes enceintes séronégatives et d’entreprendre des mesures de prévention pour diminuer la transmission de l’herpès génital en fin de grossesse, situation où le
risque pour le nouveau-né est maximal. La mise en œuvre d’un
tel dépistage doit néanmoins être validée par des études
coût/efficacité.
La place du diagnostic moléculaire dans l’herpès génital reste
à évaluer. On a déjà entrevu son intérêt dans les études sur l’excrétion asymptomatique. Mais face à l’extrême sensibilité des
techniques d’amplification génique, quelle est la signification
clinique exacte d’un résultat positif ?
Un élément de réponse a pu être apporté par une étude qui a
mis en évidence la transmission néonatale de HSV à partir de
femmes dont la culture HSV était négative à l’accouchement
alors que la PCR était positive (12). Dans cette étude, il semble
également y avoir une corrélation entre la charge virale mesurée par PCR quantitative et le risque de transmission.
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PLACE DES ANTIVIRAUX REVISITÉE
Différentes études ont montré l’efficacité d’un traitement par
aciclovir pour réduire l’excrétion asymptomatique, avec un taux
de réduction de 75 à 100 % selon la technique de détection utilisée (PCR ou culture respectivement) (13, 14). Chez l’animal,
aucun effet tératogène de l’aciclovir n’a été mis en évidence.
Chez l’homme, aucun effet malformatif particulier n’a été
observé sur un effectif de plusieurs centaines de patientes exposées à l’aciclovir au premier trimestre de la grossesse. En l’état
actuel des connaissances, la prise d’aciclovir par mégarde au
début de la grossesse ne justifie pas l’interruption de celle-ci.
Aucun effet fœtotoxique particulier n’a été observé après administration d’aciclovir aux deuxième et troisième trimestres de
la grossesse : néanmoins, aucune étude ne justifie la prescription préventive de l’aciclovir dans l’herpès récidivant de la
femme enceinte, en particulier en fin de grossesse (15).
Différentes études ont montré l’efficacité du traitement préventif par aciclovir en fin de grossesse sur la diminution significative des lésions cliniques au moment de l’accouchement
chez des femmes ayant présenté un épisode symptomatique
d’herpès génital (16). Cette diminution des éruptions entraîne
une diminution du nombre de césariennes faites pour prévenir
l’herpès néonatal.
Dans une étude prospective, une diminution très significative
des épisodes d’excrétion virale symptomatique et asymptomatique a été rapportée chez 21 patientes traitées par aciclovir
après un premier épisode herpétique survenu au cours de la
grossesse par rapport à 25 patientes non traitées. Cette étude
conclut à une diminution du nombre de césariennes faites pour
herpès dans le groupe traité (17). Ces résultats sont confirmés
à partir d’une étude prospective portant sur 500 femmes présentant une récurrence clinique au cours de la grossesse. Dans
le groupe traité par aciclovir, aucune récurrence clinique ou
asymptomatique n’a été observée au moment de l’accouchement, alors que dans le groupe non traité, 20 césariennes ont
été indiquées en raison de récurrences cliniques. Dans ce dernier groupe, 3 femmes présentaient une excrétion virale asymptomatique au moment de l’accouchement (18). Cette diminution de l’intervention chirurgicale entraîne une diminution de
la morbidité maternelle et des coûts économiques au profit des
traitements médicamenteux. Selon différentes simulations, la
stratégie “césarienne en cas de lésions cliniques” en l’absence
de traitement préventif présente un surcoût important par rapport au “traitement préventif médical” (19, 20).
Ces études ne permettent néanmoins pas de conclure sur un
effet bénéfique quant à la diminution de l’incidence de l’herpès néonatal. Compte tenu de l’incidence faible de l’herpès néonatal, il faudrait des études incluant un nombre très important
de patientes.
Cette stratégie ne s’applique qu’aux femmes aux antécédents
connus d’herpès génital. Elle ne permet qu’en partie la prévention de l’herpès néonatal – un autre groupe de femmes à
risque étant les femmes infectées, mais aux antécédents inconLa Lettre de l’Infectiologue - Tome XV - n° 5 - mai 2000
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nus d’herpès génital, et donc potentiellement excrétrices du
virus. La commercialisation récente de tests sérologiques permettant de dépister spécifiquement les anticorps dirigés contre
HSV2 pourrait trouver là une bonne indication. Ces tests offrent
en outre la possibilité de dépister les femmes séronégatives, qui
risquent d’avoir une primo-infection pendant la grossesse.
Enfin, pour les nouveau-nés exposés au virus au moment
de l’accouchement, il faudra trouver d’autres possibilités de
diagnostic précoce (PCR ?) de l’infection à herpès virus afin
de pouvoir commencer rapidement un traitement antiviral postexposition.
STRATÉGIES DE PRÉVENTION
Les stratégies à mettre en œuvre doivent s’attacher à repérer les
situations à risque de transmission au moment de l’accouchement et à proposer des mesures préventives pour diminuer (éliminer) un éventuel passage du virus de la mère à l’enfant. Les
notions abordées ci-après représentent une synthèse sous forme
de conduite pratique de ce qui vient d’être exposé précédemment. Certaines ne sont pas encore totalement validées, mais
elles s’inspirent grandement des recommandations de l’International Herpes Management Forum (Séville, Espagne, 1999).
Femmes sans antécédents
Là se pose le problème d’un dépistage sérologique systématique. Cette stratégie n’a pas encore été évaluée en termes de
rapport coût/bénéfice, d’autant plus que les schémas de dépistage impliquent de tester également le conjoint (figure 2). À ce
titre, une alternative au dépistage de masse serait de proposer
une sérologie de dépistage uniquement après un interrogatoire
abordant la notion d’herpès génital aussi bien chez la femme
enceinte que chez le conjoint. Un tel dépistage est techniquement réalisable depuis que des tests sérologiques spécifiques
de type sont disponibles. Néanmoins, cette stratégie occulte
complètement le problème de l’herpès génital à HSV1 qui tend
à devenir de plus en plus fréquent, surtout lors des épisodes de
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primomanifestation. L’autre question à débattre est celle du
moment de ce dépistage. À un stade précoce, il permet de dépister les femmes (ou les couples) à risque de développer une
primo-infection à proximité du terme et, ainsi, de pouvoir mettre
en œuvre des actions de prévention adaptées.
Antécédents d’herpès connus
Cette situation est finalement sans doute celle qui présente le
moins de difficultés de prise en charge. En effet, ces femmes
bénéficient d’une surveillance orientée sur le risque de transmission néonatale, et les antécédents doivent être clairement
notés dans le dossier de suivi de la patiente. On doit toutefois
valider la réalité des épisodes antérieurs d’herpès génital en
s’appuyant sur la foi d’examens virologiques positifs, ou éventuellement d’une sérologie HSV2. Durant la grossesse, la
recherche systématique d’une excrétion virale par prélèvements
itératifs en l’absence de lésions est inutile. En effet, la mise en
évidence d’une excrétion à un moment donné à proximité du
terme n’est pas prédictive du risque de transmission. Par
ailleurs, les techniques de mise en évidence du virus par culture et surtout de détection d’antigène sont prises en défaut en
raison d’un titre viral significativement plus bas en cas d’excrétion asymptomatique par rapport à un épisode symptomatique. En revanche, la femme doit bénéficier d’un examen du
col sous spéculum au moment de l’accouchement, afin de
mettre en évidence d’éventuelles lésions passées inaperçues et
d’un prélèvement pour culture virale même en l’absence de
lésions (idéalement col + vulve + région périanale). Un résultat positif (entre 24 heures et 7 jours) permettra alors d’anticiper la mise sous traitement du nouveau-né.
Lésions pendant la grossesse
La primo-infection symptomatique ou asymptomatique de la
mère à proximité du terme présente un risque pour le nouveauné nettement plus élevé que lors d’une récurrence. Selon les
études, les risques d’herpès néonatal sont compris entre 0 à 3 %
seulement si la femme est en période de récurrence (symptomatique ou non) au moment de l’accouchement. Dans ce
Sérologie HSV
première visite prénatale
HSV séronégative
HSV1 séropositive
Partenaire HSV1 +
Partenaire HSV2+
Éviter rapports orogénitaux
Préservatifs
Abstinence
Traitement suppressif du partenaire
Préservatifs
Abstinence
Traitement suppressif du partenaire
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HSV2 séropositive
Traitement suppressif
Éviter mesures invasives
en fin de grossesse
Figure 2. Proposition d'utilisation de la sérologie HSV
spécifique de type dans le
suivi de la grossesse.
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Lésion herpès génital pendant la grossesse
Culture (typage)
Sérologie (± spécifique de type)
Première poussée
Culture + HSV1 ou HSV2
sérologie -
Culture + HSV2
sérologie HSV1 +, HSV2 -
Primo-infection
Primo-manifestation
Traitement antiviral/
schéma habituel
Récurrence
Culture + HSV1, sérologie +
Culture + HSV2, sérologie HSV2 +
Traitement antiviral/
symptômes maternels
Traitement préventif 36 semaines
d’aménorrhée à discuter
Précautions/accouchement
Prélèvement mère pour culture
contexte, et face à des lésions d’herpès constatées pendant la
grossesse, on s’attachera tout d’abord à faire le diagnostic d’une
primo-infection à HSV (figure 3). Bien que les manifestations
cliniques lors d’une primo-infection soient plus sévères et prolongées, le diagnostic clinique seul ne suffit pas (21). L’évaluation clinique doit absolument être étayée par une preuve
virologique incluant une recherche virale en culture et une sérologie. La sérologie non typique spécifique (HSV1+2) a dans ce
contexte une excellente valeur prédictive négative si on sait
répéter l’examen deux à trois semaines plus tard. La sérologie
HSV2 permettra de différencier une primo-infection d’une
primo-manifestation (personne déjà infectée par HSV1 dans la
région orolabiale). Après avoir distingué la primo-infection de
la récurrence, se discute l’opportunité de proposer un traitement suppressif à base d’aciclovir (800 mg/j) ou de valaciclovir (1 g/j) à partir de la 37e semaine de grossesse (22). Ce traitement est particulièrement indiqué en cas d’infection primaire
survenant entre le début de grossesse et 6 semaines avant le
terme pour prévenir les récurrences au moment de l’accouchement.
Lésions à l’accouchement
La présence de lésions suspectes d’herpès génital à l’accouchement conduit généralement à réaliser un accouchement par
césarienne. Encore faut-il s’assurer de la réalité de l’herpès
génital en pratiquant une recherche directe (et rapide) du virus
HSV. La détection d’antigène par technique ELISA ou par
immunofluorescence est d’un apport indiscutable. Le délai de
réalisation de ces techniques est néanmoins encore un peu long
(deux heures). Il existe, surtout en ELISA, un risque de faux
196
Figure 3. Conduite à tenir
face à une lésion herpétique pendant la grossesse.
positif qui conduirait à la réalisation de césariennes en excès.
Un résultat positif doit donc être confirmé dans le même temps
par une technique de neutralisation, ce qui améliore la spécificité.
CONCLUSIONS
Cet article aborde le problème de l’herpès génital au cours de
la grossesse dans sa seule composante obstétricale. La prise en
charge de l’herpès néonatal reste avant tout une affaire pluridisciplinaire réunissant les accoucheurs, les pédiatres néonatologistes et les virologues dont le travail collaboratif doit
conduire à un dépistage précoce de toute situation à risque pour
le nouveau-né afin de proposer un traitement dans les plus brefs
délais. De fait, l’utilisation précoce de l’aciclovir chez le nouveau-né a permis de réduire de près de 50 % la mortalité et la
morbidité de l’herpès néonatal. On doit se réjouir de cette situation. Pourtant, la faiblesse de l’incidence de l’herpès néonatal
rend très difficile la réalisation d’études visant à réviser nos
pratiques actuelles. Ainsi, les données épidémiologiques restent imprécises faute de registre de déclaration adapté. L’efficacité (et l’éventuelle toxicité) d’un traitement prophylactique
n’est pas validée faute d’études randomisées avec des effectifs
suffisants. Enfin, toute stratégie de dépistage ne peut être envisagée faute d’étude coût/bénéfice bien construite. Cependant,
de nombreuses données portant sur l’histoire naturelle de la
maladie nous ont permis d’améliorer nos connaissances sur les
risques materno-fœtaux de l’herpès génital. Il serait intéressant
de pouvoir adapter ces connaissances à la pratique quotidienne
et de proposer une actualisation des consensus appliqués à
ce jour.
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F ormation M édicale C ontinue
M
C
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?
I. Concernant
l’épidémiologie
de l’herpès génital :
a.
b.
c.
d.
e.
la fréquence de HSV1 est en augmentation
en France, la séroprévalence HSV2 est de 30 % dans la population générale adulte
la transmission se fait uniquement en période d’ulcération
les primo-infections liées à HSV2 sont le plus souvent symptomatiques
les épisodes d’excrétion asymptomatiques sont plus fréquents dans les suites d’un
épisode d’ulcération
II. Concernant
a. après un épisode de récurrence herpétique pendant la grossesse, il est recommandé de
la transmission
maternofœtale
de HSV :
b. une primo-infection génitale à HSV au moment du terme est la situation où le risque
III. Le traitement
antiviral en cours
de grossesse :
pratiquer une recherche répétée de HSV par culture tout au long de la grossesse
d’herpès néonatal est le plus élevé
c. une recherche directe d’antigène est à pratiquer chez toute femme aux antécédents connus
d’herpès génital, même en l’absence de lésions
d. une recherche directe du virus par culture est à pratiquer chez toute femme aux
antécédents connus d’herpès génital, même en l’absence de lésions
e. elle ne concerne pas les infections génitales à HSV1
a. est toujours contre-indiqué au cours du premier trimestre
b. peut être prescrit à titre curatif avec les mêmes indications qu’en dehors de la grossesse
c. doit être instauré en fin de grossesse chez toutes les femmes aux antécédents
d’herpès génital
d. n’est jamais administré au nouveau-né
e. a montré son efficacité dans la suppression des épisodes d’excrétion virale symptomatiques ou asymptomatiques
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XV - n° 5 - mai 2000
Voir réponses page 213
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