Du patient « cobaye » au patient « chercheur »

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Du patient « cobaye » au patient « chercheur »
JOURNÉE LILLY ASSOCIATIONS DE PATIENTS
LES ACTES
17 NOV. 2015
Du patient « cobaye »
au patient « chercheur »
Quels rôles pour le patient en recherche
clinique en 2015 et au-delà ?
ÉDITO
Les membres du board Associations de patients
• Anne Buisson, Responsable de la
Communication et Coordination recherche,
AFA
• Laura Phirmis, Responsable service
Information Diabète, Fédération Française
des Diabétiques
• Anne-Sophie Lapointe, Membre du Conseil
national, Alliance Maladies Rares
• Ghislaine Lasseron, Secrétaire générale,
Europa Donna France
• Claude Finkelstein, Présidente, FNAPSY
• Mélanie Aubin, Chargée de mission et de
communication, France Psoriasis
• Béatrice Demaret, Présidente, GRANDIR
• Marie Lanta, Chargée de mission, La Ligue
contre le Cancer
• Selly Sickout, Chargée de mission et
d’animation du réseau, SOS hépatites
Fédération
Pour la quatrième année consécutive, la Journée Lilly Associations de Patients nous a permis
de réfléchir ensemble sur le rôle des patients en recherche clinique. Une implication indispensable pour mieux connaître, comprendre et surtout répondre aux besoins des malades, grâce,
notamment, aux actions concrètes nées de nos échanges.
Les précédentes éditions ont, ainsi, permis de formuler des recommandations entendues par
la filiale France, et à l’international : meilleure accessibilité de nos protocoles cliniques, nouvelle mouture du consentement éclairé, renforcement de l’information patient pendant et après
les essais… Autant d’évolutions qui soulignent la volonté des professionnels de santé de dépasser le champ traditionnel de leurs pratiques pour adapter la recherche clinique aux attentes de
la société. Tout en portant l’attention sur tout ce qui contribue à la qualité de vie des patients.
Marcel Lechanteur, Président de Lilly France
Le titre de cette journée est l’illustration du chemin entamé et parcouru depuis 2012 avec les
JLAP. Les associations de patients contribuent aujourd’hui à changer sensiblement la place du
malade, particulièrement, dans le domaine de la recherche clinique. Petit à petit, nous estompons l’image du patient « cobaye » passif pour la remplacer par celle du patient « chercheur »,
informé, proactif et écouté. Mais ne nous reposons pas sur ces lauriers : il reste des obstacles,
des résistances qui nous enjoignent d’être toujours attentifs et combatifs pour ne pas régresser. Ce n’est qu’ensemble, chercheurs, promoteurs, investigateurs et, bien sûr, patients, que
nous pourrons former une chaîne solide de parties prenantes des essais cliniques, comme
nous le faisons grâce à ces journées et à leurs groupes de travail.
Marie Castro, Webmestre, Europa Donna France
EN PRATIQUE
• Mes contacts réunit les adresses et numéros de téléphone utiles et d’urgence.
« Le carnet patient sera proposé à tous les
participants à des études cliniques, complète
Naïma Mahi, médecin de recherche clinique
chez Lilly France, précisant que la version
digitale sera sécurisée et synchronisable
sur le calendrier électronique personnel du
patient.»
Groupes de travail : quelles
avancées ?
Depuis 2012, les Journées Lilly Associations de Patients sont le
terreau de groupes de travail collaboratifs œuvrant tout au long
de l’année à transformer les idées en applications concrètes.
Point sur les projets en cours.
Partager l’information sur l’étude clinique
avec les associations de patients
Chargée de mission à la Ligue contre le
Cancer, Maria Lanta incite les professionnels
de santé à développer leur communication sur
les études par le biais des associations de patients : « Il est, par exemple, possible de diffuser
par leur intermédiaire un texte d’information
sur une étude donnée. Avec en parallèle, la
formation d’un référent capable de renseigner sur les principaux points de l’étude. » Se
pose alors la question de la compréhension.
Tous les patients ne sont pas experts scientifiques et le contenu de la note d’information
et du consentement éclairé peuvent paraître
compliqués. Là encore, les associations de
patients ont un rôle à jouer, tout comme les
entreprises en améliorant l’information. « Lilly
a ainsi lancé une vidéo pilote complémentaire
de la notice d’information, pour clarifier les
tenants et aboutissants d’un essai clinique
dans l’ostéoporose » révèle Antoine Chevrette.
Le consultant en développement clinique chez
Lilly France insiste également sur les efforts
de révision du consentement éclairé, pour le
rendre moins juridique et plus informatif. Une
démarche de simplification renforcée par la
mise au point du e-consent.
« Plus centré sur le patient, plus lisible, plus
court, plus facilement partageable, le consen-
tement électronique devrait être proposé en
alternative à la version papier dès 2016. »
Carnet patient, la synthèse pratique
Le carnet patient a pour vocation de résumer
et regrouper les informations indispensables
au malade. Un outil simple et fonctionnel,
en cours de développement chez Lilly en
deux versions, numérique et papier. « Une à
conserver avec soi, l’autre à conserver chez
soi » propose Mélanie Aubin, chargée de
projets et de communication chez France
Psoriasis, qui rappelle que « le carnet patient
est individuel, mais commun à toutes les
pathologies, pour proposer une base homogène, adaptable à chaque situation. »
Le carnet se compose de cinq onglets :
•M
on essai reprend les principales informations à retenir (date de consentement,
résumé simplifié, effets indésirables…)
•M
on traitement détaille les prises de médicaments et propose des pop-up de rappel
pour la version numérique.
•M
es rendez-vous facilite le suivi et propose
une option de rappel pour la version
numérique.
•M
on pense-bête permet de noter toutes
les informations (questions, événements…)
à évoquer lors d’un prochain rendez-vous.
Après l’essai, quelle transformation ?
« Sorti d’un essai clinique, le patient a peu de
retour sur les résultats de l’étude et, lorsqu’il
les obtient, il se heurte souvent à un langage
complexe » regrette Laura Phirmis, responsable du service information Diabète à la
Fédérarion Française des Diabétiques. Une
frustration qui a poussé Lilly à renforcer sa politique de communication autour des essais,
via notamment la mise en place de newsletters à destination des participants. « Il s’agit
pour l’heure d’un projet pilote dans l’ostéoporose, avec quatre newsletters donnant des
informations sur la maladie, l’environnement
de l’essai, les différentes étapes, le calendrier,
… Deux envois ont déjà été réalisés et les
retours positifs devraient inciter à pérenniser
et généraliser ce type d’initiative » annonce
Karim Hamidi, médecin de recherche clinique
en urologie pour Lilly France.
Autres actions en cours : l’envoi généralisé
de cartes de remerciements et la communication « résumée et compréhensible » des
résultats de l’étude. Prochaines étapes ?
Renforcer l’accompagnement post-essai et
l’information sur le devenir de la molécule
étudiée (disponibilité, AMM, développement,
abandon…).
ESSAIS CLINIQUES DISPONIBLES :
OÙ SE RENSEIGNER ?
Sites internationaux :
Clinicaltrials.gov, TrialReach.com,
Trials4me.com, en anglais
Sources nationales :
ANSM, InCa…
Sources régionales :
réseaux de recherche, CHU, CLCC…
Contacts individuels :
associations (ex AF3M (www.af3m.
org), promoteurs d’études ; http://www.
lillytrialguide.comglossaire...
REGARDS CROISÉS
Du patient « cobaye » au patient « chercheur »
Quelle place pour le patient dans la recherche clinique ?
Désormais acteur central de
sa prise en charge médicale,
le patient doit-il maintenant
franchir une nouvelle étape et se
proposer comme co-chercheur en
recherche clinique ? Une question
qui fait débat et amène à mettre
en exergue les avantages et les
inconvénients d’un positionnement
qui implique de profonds
changements comportementaux,
politiques et sociétaux.
« Avoir une maladie, c’est développer un
vécu synonyme de légitimité en tant qu’acteur de la recherche clinique, assure Anne
Buisson, directrice adjointe Communication
et Recherche à l’AFA Paris. Les malades
partagent leur expérience à travers les
associations de patients, qui représentent
un véritable creuset d’expertise, source
d’échanges avec les communautés de chercheurs. » De fait, l’idée de faire du patient un
collaborateur à part entière, en matière de
recherche n’est pas nouvelle. Elle remonte
à plusieurs décennies, mais se heurte invariablement au fonctionnement du système
de soins français, qui repose sur des considérations de santé publique et non de santé
individuelle. « Il existe une grosse différence
entre pensée collective et pensée individuelle, explique Bruno Falissard, professeur
de bio-statistique, praticien hospitalier et
directeur de l’unité Inserm U669 à l’université
Paris Sud. La conduite des essais cliniques
repose sur les réponses du «sujet moyen»,
qui n’existe pas dans la vraie vie. Pour faire
avancer les choses et davantage impliquer
les patients, il faut donc changer de paradigme et passer d’une approche purement
scientifique à une approche sociale, ce qui est
plus simple à dire qu’à faire dans le contexte
politico-sanitaire français. »
envisageable que s’il réalise qu’il est dans
une démarche d’amélioration de la prise
en charge d’une pathologie, au bénéfice
d’autres malades. » Une nuance qui renvoie au besoin de formation des patients aux
enjeux de la recherche clinique, pour qu’ils
identifient précisément ce qu’ils peuvent lui
apporter. « Les associations ont un grand
rôle à jouer, pour aider les patients à décrypter le fonctionnement et le vocabulaire de la
recherche, mais aussi pour faciliter l’intégration aux études, grâce à leurs réseaux »
estime Anne-Sophie Lapointe, docteur en
éthique médicale et membre du conseil national de l’Alliance Maladies Rares, qui voit
dans la prise en compte de la qualité de vie
une véritable avancée, à condition de récolter
en amont les bonnes données. « Il existe de
nos jours beaucoup de façons de s’interroger sur l’évaluation du soin complémentaire
dans les schémas scientifiques traditionnels,
rebondit Bruno Falissard. L’approche anthropologique, au plus près des besoins humains,
se développe ainsi petit à petit à coup d’initiatives locales, mais elle n’est pas encore
entendue par les autorités de santé. »
Penser aux autres avant soi-même…
Éclaircissement important pour François
Faurisson, pharmacologue et ingénieur de
recherche à la Mission Inserm Associations :
« Il convient de différencier recherche et
soins. La participation active du patient n’est
… pour accélérer la recherche
L’implication de patients experts en dehors
du circuit traditionnel d’entrée dans un essai clinique est-elle une première forme de
réponse ? « En contactant directement les
investigateurs pour intégrer une étude, sans
passer par le médecin traitant, le patient
devient moteur de la recherche. Un mouvement amené à s’intensifier avec l’essor du big
data et de l’importance donnée au vécu des
malades » prédit Anne Buisson. Recueillir
le ressenti du patient s’inscrit de fait dans
l’évolution médicale, mais s’avère difficile
à gérer à l’échelon de la recherche. « Nous
avons l’impression que l’homme est cartésien et qu’il va répondre honnêtement aux
questionnaires, mais il n’en est rien ! En fonction de son état physique et psychologique
du jour, l’interprétation variera fortement »
avertit Bruno Falissard. Dans ce cas, comment perfectionner l’approche ? Solution
avancée par Anne-Sophie Lapointe : « une
co-construction des questionnaires entre
associations et professionnels de santé, pour
aider les personnes à se livrer objectivement
(et plus aisément), et vaincre les peurs et les
réticences. » Collaboration et confiance renforcées apparaissent donc comme la pierre
angulaire d’une participation constructive
des patients aux progrès médicaux. « Le patient n’a pas à être un cobaye, mais plus… un
« Fox Terrier » capable de se démener pour
dénicher l’information utile, renifler les bons
essais thérapeutiques et ne pas desserrer
les mâchoires sur les avancées acquises à
force d’efforts et de combats » conclut avec
humour François Faurisson.
GRAND TÉMOIN
Réflexions sur les (r)évolutions de la place du patient dans les essais
cliniques en oncologie Lionel Pourtau, chercheur en sociologie à l’Institut Gustave Roussy
Évolution des essais cliniques en oncologie
Nous assistons à une véritable mutation qui
annonce la disparition des essais de phase I
« ancien régime ». Auparavant, cette phase
des études cliniques était l’antichambre des
soins palliatifs et servait avant tout à rechercher la dose maximale tolérée, avec, à la clé,
un vrai questionnement éthique. Aujourd’hui,
avec l’essor de la médecine personnalisée, la
phase I « nouvelle génération » assure une
amélioration de la qualité de vie de 34 % à 44
% des patients (contre 10 % auparavant), de
façon rapide de surcroît.
Un patient chercheur décideur
Le patient chercheur est avant tout utile dans
les essais de phase III, dans une dimension de
prévention tertiaire. Proches de la « vraie vie »
quant aux facteurs sociaux de déploiement, ils
permettent d’accélérer la validation ou l’invalidation d’un protocole et de faciliter les boucles
de rétroaction de la recherche. Le retour
d’information des patients sur la valeur du traitement va prendre une importance croissante
et pourrait influer sur le sort d’une molécule qui
aura nécessité des investissements de développement énormes. Il sera donc pris très au
sérieux par l’industrie pharmaceutique.
Signaler n’est pas sanctionner
Les patients jouent un rôle de pharmacovigilance majeur, une fois le médicament sur
le marché. Les produits ont été validés par
les autorités de santé après des essais cliniques qui ne permettent pas toujours de
déceler l’ensemble des effets indésirables,
surtout à long terme et à grande échelle. Le
retour des « utilisateurs » est donc indispensable, directement ou par l’intermédiaire des
professionnels de santé. Cependant, cette
culture doit encore être développée et encouragée en France, pour le bénéfice collectif.
PERSPECTIVES
3 ateliers, 3 experts, 3 partages d’expérience
Retour sur les trois ateliers de la 4ème Journée Lilly Associations de Patients
1. QUALITÉ DE VIE DURANT UN ESSAI
2. ETHIQUE EN RECHERCHE CLINIQUE
3. PATIENT CHERCHEUR
Dr Philippe Bergerot
Cancérologue, radiothérapeute, Centre
Oncologie, Saint-Nazaire, Administrateur
de la Ligue contre le Cancer
Pr Nicolas Lerolle
PUPH, Département de réanimation
médicale, CHU d’Angers
Carole Avril
Directrice générale de la Fédération
Française des Diabétiques, Paris
Mesurer la qualité de vie permet avant tout
de déterminer l’impact des médicaments sur
le quotidien du patient et, par rebond, son
adhésion au traitement. Des questionnaires
d’évaluation généralistes et/ou ciblés, qui
permettent d’évaluer cette qualité de vie, sont
proposés en début et fin de traitement, puis
six mois plus tard.
Outre les limites inhérentes à leur construction, qui répond avant tout aux attentes des
soignants, les questionnaires sont très dépendants de la façon dont ils sont présentés, du
cadre, de l’entourage et de l’état psychologique
de la personne au moment où ils sont remplis.
Le caractère éthique de la recherche clinique se situe à la rencontre de l’expertise
des scientifiques et de la naïveté des patients
et de leurs représentants. Les interrogations portent principalement sur le rôle du
CPP* dans la validation d’un protocole et du
consentement éclairé du patient.
Les avis et les connaissances des enjeux
autour d’un essai clinique sont très individudépendants, mais la chaîne de surveillance
qui se constitue renforce le suivi et la prise
de décision. Cette chaîne intègre le rédacteur
du protocole, les autorités de santé publique,
le CPP, le comité indépendant de surveillance
de l’étude…
3 PROPOSITIONS :
3 IMPÉRATIFS :
S’il n’existe pas de définition précise du patient chercheur, la discussion permet d’en
tracer un portrait type. Il doit avant tout collaborer à la recherche pour l’orienter sur
le fond et la forme après identification des
besoins, de façon à accélérer la guérison et
à améliorer les traitements. Un engagement
qui nécessite de s’éloigner de l’échelle individuelle pour penser en termes collectifs et
peut s’envisager au niveau de la recherche
translationnelle (à l’interface de la recherche
fondamentale et de la recherche clinique).
Juste retour des choses, l’implication du patient chercheur dans les études cliniques doit
être répercutée lors des publications, en intégrant le nom de l’association qu’il représente.
• Intégrer les associations de patients à la
rédaction des questionnaires et faire de la qualité de vie un critère principal et non
secondaire dans les études cliniques ;
• Renforcer l’information sur l’utilisation
effective des données de qualité de vie ;
• Ouvrir aux ARC* une formation à l’analyse
des données de qualité de vie au-delà des
statistiques brutes.
• Améliorer la compréhension des
consentements éclairés ;
• Renforcer la place des associations de
patients dans les comités indépendants de surveillance des études ;
• Construire les protocoles internationaux en
veillant à répondre aux exigences des pays
les plus pointus en matière d’éthique.
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3 INTERROGATIONS :
• Comment trouver (et convaincre) le bon
interlocuteur scientifique pour participer à
la recherche ?
• Faut-il être formé à l’univers de la
recherche, au risque de perdre sa candeur
de patient ?
• Le partage d’expérience peut-il participer
à l’évolution de la qualité d’un traitement
existant ?
La Journée Lilly Associations de patients est organisée
en collaboration avec les associations suivantes :
Association François Aupetit • Fédération Française
des Diabétiques • France Psoriasis • Alliance Maladies
Rares • Fédération nationale des associations d’usagers
en psychiatrie • GRANDIR • La Ligue contre le Cancer •
Europa Donna France • SOS hépatites Fédération