Optimiser le feu ouvert - Tondeur Editions

Transcription

Optimiser le feu ouvert - Tondeur Editions
TECHNIQUE
Optimiser le feu ouvert
La vision idyllique des
flammes qui dansent sur les
bûches, l’odeur incomparable
qui se dégage du feu, son
crépitement caractéristique
et la sensation de chaleur
proche et directe font en
sorte que le feu ouvert au
bois exerce sur nous une
éternelle fascination. Mais
côté rendement, c’est la
Bérézina. Comment faire dès
lors pour optimiser tout de
même le feu d’agrément et le
rendre plus conforme aux
nécessités d’économies
d’énergie ?
Autant le dire d’emblée, le feu ouvert
au bois ne sera jamais un moyen de
chauffage efficace et propre. Il est et
restera quoi qu’il advienne un
créateur d’ambiance car son
rendement beaucoup trop faible (à
peine 10 %) ne lui permet pas de
prétendre à un autre statut que celui
de pur agrément. En effet, la
combustion du bois dans un foyer
ouvert n’est pas efficace pour le
chauffage de la maison car la plus
grande partie de l’énergie calorifique
produite s’échappe à l’extérieur par
le conduit de la cheminée. Des essais
ont même démontré que les feux
ouverts peuvent engendrer une
importante perte de chaleur en
extrayant de la maison une forte
quantité d’air chaud tout en
restituant peu de chaleur à la pièce.
Dans les cas extrêmes, le rendement
peut ainsi s’avérer négatif. En outre,
ce problème se traduit par une
impression de courant d’air
traversant la maison.
Ces piètres performances tiennent au
fait que ces appareils ne comportent
pas les éléments nécessaires à la
conversion du combustible en
chaleur utile, c’est-à-dire à une
combustion optimale, comme des
portes munies de joints parfaitement
étanches, une chambre de
combustion conçue avec soin et un
échangeur de chaleur approprié.
Les foyers ouverts ne sont pas
seulement inefficaces et vecteurs de
courants d’air, ils sont à l’origine de
deux autres problèmes. Tout
d’abord, le bois ne se consume pas
totalement dans la chambre de
combustion ce qui donne lieu à une
importante pollution de l’air. En
outre, la grande consommation
d’air, la mauvaise combustion et les
courants d’air très variables qu’ils
provoquent les rendent plus
susceptibles que les autres
appareils de chauffage au bois
d’exhaler de la fumée dans la pièce.
Vous l’avez compris, le feu ouvert ne
peut être considéré
raisonnablement comme un moyen
de chauffage sauf si l’on opte pour
la solution extrême qui consiste à
Intégré dans une grande cheminée
classique en pierre de Noyant fine
et tuilots bruns, ce feu ouvert est
optimisé par un foyer qui conjugue
les avantages d’un feu ouvert à
ceux d’un poêle à feu continu.
Une trappe s’ouvrant sur un foyer
inférieur dissimulé dans le socle
permet en effet de conserver les
braises en toute sécurité pour une
combustion lente. On peut aussi
l’utiliser comme un foyer à
intégrer un insert dans l’âtre. Mais
les inconditionnels de la flamme libre
qui souhaitent malgré tout conserver
intacte cette intarissable source
d’agrément ou ceux qui ne peuvent
faire autrement pour des raisons
techniques, comme les propriétaires
de cheminées anciennes, peuvent
néanmoins "limiter les dégâts" en
adoptant certaines règles ou en
installant certains matériels
spécifiques destinés à optimiser le
feu d’agrément. Passons-les
ensemble en revue.
1. Les récupérateurs de chaleur
Offrant l’avantage de préserver
l’esthétique du feu, le récupérateur
permet d’en augmenter sensiblement
combustion inversée. Il suffit pour
cela de faire flamber les bûches sur
le dessus des plaques en fontes
mais en laissant la trappe
entrouverte. Une partie des
flammes est alors aspirée vers le
bas et passe dans l’échangeur.
Cheminée : modèle "Vieux Moulin"
dans la gamme "Cheminée du
Valois" et foyer : modèle "Eole Sta
405" de Polyflam System chez CDK
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le rendement tout en réduisant
parallèlement la consommation de
bois. Sous ce terme se cache un
dispositif destiné à récupérer une
partie de la chaleur émise par la
combustion du bois. Ce dispositif se
base sur le principe relativement
simple de l’échange de chaleur selon
lequel quand deux fluides dont l’un
est chaud et l’autre froid sont séparés
par une plaque métallique, le fluide
chaud a tendance à céder une partie
de la chaleur qu’il contient au fluide
froid. En somme, la température la
plus froide absorbe les calories de la
plus chaude. La récupération s’opère
en utilisant des matériaux capables
d’absorber et de restituer rapidement
les calories (la fonte par exemple).
On crée alors une surface de chauffe
la plus étendue possible et l’on fait
circuler au contact de ce matériau un
important volume d’air qui récupérera
les calories emmagasinées pour les
restituer dans la pièce. Il n’y a
aucune communication entre le
circuit des fumées et celui de
distribution de l’air chaud.
Concrètement, ce dispositif peut être
conçu de différentes manières. Il peut
s’agir d’une série d’éléments placés à
l’intérieur de la cheminée lors de sa
construction ou d’un appareillage
s’adaptant à une cheminée existante.
La partie technique se trouve
généralement placée à l’arrière d’une
plaque décorative. Le fond de l’âtre
ou contrecœur est alors doublé d’un
caisson creux alimenté en air frais
par une prise extérieure. Cet air se
réchauffe au contact des parois
métalliques du caisson avant d’être
renvoyé dans la pièce par des grilles
de sortie situées sur le côté ou dans
le haut de la hotte. Ce fonctionnement
peut être renforcé par un ventilateur
électrique qui active la circulation
d’air (convection forcée).
Les récupérateurs de chaleur tels que
nous venons de les décrire améliorent
sensiblement le rendement de la
cheminée à feu ouvert mais
néanmoins pas au-delà de 30 à 40 %.
Leur seul avantage sur les inserts est
de laisser à la cheminée son aspect
d’origine. Mais une cheminée munie
d’un récupérateur ne peut toutefois
pas être considérée comme un
moyen de chauffage efficace.
2. Le système de combustion
inversée
Plus performants encore, les
récupérateurs à combustion inversée
(Polyflam par exemple) partent du
même principe mais ils sont équipés
en outre d’une chambre de
combustion basse, située sous la
sole foyère et fermée par une trappe
où le bois se consume plus
lentement en atteignant de hautes
températures, lesquelles réchauffent
un conduit d’air qui est redistribué
dans la pièce. Lorsque les bûches se
consument dans la chambre basse
qui est hermétiquement fermée, elles
assurent un feu continu pendant
plusieurs heures. Véritable double
Ce qui fait l’originalité de cette
cheminée à foyer ouvert, ce n’est
pas uniquement sa facture en bois
ou son contour de foyer en briques
rouges anciennes disposées en
trompe-l’œil, ni même son style
Louis XIV aux courbes gracieuses.
foyer, la chambre de combustion
inférieure est encastrée dans le socle
de la cheminée. Pendant la
combustion en continu, une
dépression se crée dans la chambre
en raison de son isolement. Cette
dépression attise les flammes qui
viennent lécher un échangeur. Celuici réchauffe immédiatement de l’air
frais puisé dans la pièce avant de le
rejeter chaud au travers de bouches
de sortie.
On parle ici de combustion inversée
parce que l’entrée d’air se fait par le
dessus des bûches et l’évacuation
des gaz de combustion par endessous. C’est exactement le
contraire de la combustion dite
ascendante où l’admission d’air agit
par le bas et l’évacuation par le haut.
La combustion inversée est plus
efficace que la combustion
ascendante.
Le trait principal qui la distingue
est sans conteste le décor en forme
de panier central sur le linteau de
la cheminée, lequel est réalisé au
moyen d’une incrustation de bois
blanc dans le vieux chêne massif.
Le feu de bois, essentiellement
3. L’apport d’air frais extérieur
Un feu ouvert à bois nécessite une
très grande quantité d’air afin de
bien fonctionner, soit environ 250
mètres cubes par heure (quantité
variable selon les dimensions de
l’âtre). Cet air que l’on appelle
"comburant" apporte non seulement
l’oxygène nécessaire à la combustion
du bois mais sert également à
évacuer vers l’extérieur les gaz de
combustion via le conduit de
cheminée. Or les habitations
modernes sont généralement bien
isolées et parfois même très
hermétiques. En outre, elles sont
souvent équipées d’un système de
ventilation mécanique contrôlée
(VMC) qui ne convient pas à un feu
ouvert. En l’absence d’apport d’air
frais en suffisance, le feu pompe l’air
nécessaire dans la pièce, ce qui crée
une dépression à l’intérieur de celleci et tous les désagréments qui en
découlent. Rapidement, l’air
indispensable vient à manquer, la
combustion perd une grande partie
de son efficacité et l’évacuation des
gaz s’effectue mal. Pour pallier ces
défauts qui nuisent au confort et à la
sécurité des habitants, il convient de
prévoir un conduit séparé permettant
foyer et peut même entraîner des
risques d’incendie dans certaines
conditions de vent défavorable.
L’apport d’air extérieur peut en effet
inverser la direction du mouvement
de l’air et provoquer des
refoulements dangereux dans la
conduite. Pour éviter cela, il est
recommandé de puiser l’air extérieur
non pas directement au dehors mais
bien dans un espace abrité. Le vide
ventilé d’une habitation est parfait
pour cet usage. Lorsque le système
d’alimentation en air frais est
correctement conçu et installé, la
combustion est nettement améliorée
et tous les problèmes de dépression
sont passablement résolus, ce qui
entraîne une amélioration sensible
du feu ouvert.
conçu pour l’agrément, est
néanmoins alimenté en air frais
extérieur par une grille en fonte
présente dans la sole foyère. Cette
alimentation ainsi que la présence
d’une plaque de contrecoeur en
fonte a pour effet d’améliorer
quelque peu le rendement du feu.
Un fender en pierre cirée et une
grille pare-feu ont été intégrés à
l’ensemble pour préserver le
parquet des escarbilles et autres
tisons provenant du feu.
Réalisation : DELPLAN
d’amener de l’air frais extérieur vers
le feu ouvert (air primaire). Attention,
le raccordement de l’aire de
combustion à une conduite
extérieure directe n’améliorera
probablement pas le rendement du
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4. La qualité du bois
Lorsque le bois brûle, de l’eau sous
forme de vapeur s’évapore avec les
fumées. Une partie de l’énergie de
combustion est alors utilisée pour
transformer cette eau en vapeur,
c’est-à-dire pour sécher le bois et elle
ne sera dès lors pas disponible pour
le chauffage. On en déduit aisément
que plus un bois est humide, plus la
perte d’énergie due à l’évaporation
de l’eau est grande. Optimiser le feu
de bois revient donc à utiliser le bois
le plus sec possible. Le bois vert
contient environ 50 % d’eau et n’est
donc pas utilisable tel quel pour le
chauffage. Il est nécessaire
d’abaisser son contenu en eau.
Après un an de séchage, l’humidité
est déjà redescendue aux environs
de 30 %, ce qui est encore trop. Ce
n’est qu’après deux ans que la
teneur en eau se stabilise : à ce
stade elle est en effet en équilibre
avec celle de l’air et atteint environ
20 % dans le cas d’un séchage à l’air
libre. Mais la qualité du séchage
dépend fortement des conditions
climatiques et de stockage. Ainsi
sous abri, le bois sèche plus vite et
atteint une humidité d’équilibre plus
faible, de l’ordre de 15 à 20 %.
L’écorce forme un emballage qui
laisse difficilement sortir l’eau. C’est
pourquoi les bûches refendues
sècheront plus rapidement que les
bûches entières. C’est d’autant plus
important que si le bois ne sèche
pas suffisamment vite, il risque
d’être la proie des champignons
lignivores. Sachant tout cela, on
conseille de faire sécher le bois en
bûches refendues durant un
minimum de 18 mois, dans un
endroit ventilé par un courant d’air
naturel mais néanmoins à l’abri des
précipitations, c'est-à-dire protégé
par un toit ou une bâche au sommet
de l’empilement mais en laissant les
côtés découverts pour permettre à
l’air de circuler et de sécher le bois.
Pour ce qui est du choix de
l’essence, le sujet a été traité dans
un autre article paru dans ce même
magazine et traitant de la
combustion du bois (p. 74).
conception permet une combustion
plus rapide et plus complète.
6. L’importance du conduit
La qualité du conduit d’évacuation
de fumée est également essentielle
pour assurer une bonne
combustion. Cela est vrai quels que
soient les systèmes de chauffage
installés et donc pour un feu ouvert
comme pour un foyer fermé. Nous
ne reviendrons pas néanmoins sur
cet aspect dans le cadre de cet
article puisque la question est
traitée par ailleurs (voir chapitre sur
le conduit de cheminée p. 90).
1.
Dans une nouvelle version
au ton gris aluminium, ce
récupérateur de chaleur TIFON
adopte un style épuré qui lui
permet de mieux s'intégrer dans
les cheminées au design
contemporain. Installé au cœur de
l’âtre, son corps de chauffe
améliore sensiblement le rendement
du feu de bois par son système de
ventilation dynamique qui assure
une meilleure récupération de la
chaleur du foyer.
2.
Cette cheminée est réalisée
en briques blanches dans les
mêmes tons que les placards
adjacents. Elle est équipée d’un
récupérateur de chaleur
(JETMASTER) qui offre la
particularité de fonctionner sans
vitre. Il est constitué d’un foyer à
double paroi conçu pour retirer un
maximum de rendement de
chacune de ses composantes en
limitant la consommation
d’oxygène (donc de bois)et en
retenant la chaleur le plus
longtemps possible par le
recyclage des gaz de combustion
sans risque de refoulement.
5. Les bûches "artificielles"
Il existe une alternative qui peut
paraître anecdotique mais qui n’est
cependant pas dénuée de bon sens.
Si vous n’utilisez votre foyer que
pour le plaisir de contempler un feu
de temps en temps, pourquoi ne pas
utiliser des bûches artificielles. Il
s’agit en réalité de bûches
fabriquées à base de cire et de
sciure de bois comprimée, donc
parfaitement naturelles en fait et qui
peuvent remplacer
avantageusement le bois de
chauffage naturel. S’il est vrai que
leur efficacité en terme énergétique
n’est pas supérieure à celle des
bûches de bois de chauffage
naturel, il n’en reste pas moins vrai
que la pollution qu’elles
occasionnent est moindre car leur
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7. L’intégration d’un foyer mixte
Nous l’avons vu, les meilleures
intentions du monde ne peuvent
qu’améliorer le rendement d’un feu
ouvert, mais aucune ne permet d’en
faire un appareillage performant.
Paradoxalement, la seule technique
qui permette d’optimiser réellement
un foyer ouvert consiste à le …
fermer, c’est-à-dire à l’équiper d’un
foyer encastrable (insert ou
cassette) moderne ou d’un poêle
raccordé au foyer existant afin
d’obtenir un rendement réel d’au
moins 70 à 75 %. Cette solution
semble relever du bon sens
lorsqu’on souhaite utiliser le foyer
de façon régulière voire intensive en
recherchant une efficacité
thermique. Bien entendu, la notion
de feu ouvert perd alors tout son
sens, mais pas celle de feu
d’agrément. En effet, la plupart des
inserts et des poêles actuels sont
dotés d’une porte largement vitrée
qui permet de profiter d’une bonne
vision des flammes tout autant que
d’un rendement efficace. Le cas
échéant, la plupart des modèles
sont conçus pour fonctionner
également porte ouverte ce qui
permet de temps à autre de faire
une entorse aux principes de
rendement, juste pour le plaisir. Le
charme n’est pas tout à fait le
même, mais les nécessités
d’économie d’énergie, non
seulement à des fins pécuniaires
personnelles mais également dans
le but de préserver les ressources
naturelles et de léguer aux
générations futures un patrimoine
naturel préservé ne valent-elles pas
quelques concessions ?

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