La musique de Romitelli

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La musique de Romitelli
 La musique de Fausto Romitelli Influences, techniques et style _____________________________________________________________________________________________________ Pierre Slinckx Promoteur : Jean‐Luc Fafchamps Section : Ecriture et théorie musicale Option : Composition Année académique 2012‐2013
2 La musique de Fausto Romitelli Influences, techniques et style 3 Remerciements Je tiens à remercier Jean‐Luc Fafchamps, mon promoteur, qui a mis sa vaste culture et son temps à ma disposition. Je remercie également Geoffrey François pour ses informations sur les instruments‐jouets ainsi que mes parents pour les relectures. 5 Introduction Si j'ai décidé d'écrire mon mémoire sur la musique de Romitelli, c'est parce qu'il est un des rares compositeurs (sans distinction entre savant et populaire) à m'avoir retourné les tripes. Son art de la forme et du son est parvenu à produire en moi la même exaltation ressentie à la découverte de Pet Sounds des Beach Boys; le même bouleversement qu'à produit Drukqs d'Aphex Twin sur mon écoute; le même émerveillement qu'avec les madrigaux de Gesualdo; la même extase qu'avec The Dark Side of the Moon de Pink Floyd... Pour moi, il a réussi à digérer et à synthétiser une bonne part de la culture musicale occidentale, sans frontières stylistiques, et à la renouveler sans pédanterie ni sectarisme. Ainsi, en tant que jeune compositeur, il m'a paru qu'un enseignement pouvait être tiré de son écriture. J'ai essayé de structurer ce mémoire de manière à entrer progressivement dans l'atelier de Romitelli : j'y parle d'abord de ses racines esthétiques, des instruments qui lui sont chers et de l'usage qu'il en fait, de son approche de l'harmonie, de ses techniques de développement et enfin de certaines constantes dans ses formes. Je n'ai sans doute pas pu éviter de déborder d'un sujet à l'autre, ce qui est probablement inévitable dans une fragmentation thématique aussi artificielle qui ne rend pas compte de la grande cohérence du style de ce compositeur trop tôt disparu. Les observations faites au long de cette étude consacrée à la musique de Romitelli sont à considérer, par nature, comme incomplètes, car elles ne portent délibérément que sur la dernière période de production et plus particulièrement sur Professor Bad Trip (1998‐2000), Blood on the Floor (2000), Amok Koma (2001), Trash TV Trance (2002) et Audiodrome (2003) que j'ai analysés plus en profondeur. 6 I. Fausto Romitelli (1963­2004)1 Compositeur des plus prometteurs de la jeune génération italienne, Fausto Romitelli, né à Gorizia (Italie) en 1963, disparut prématurément en 2004 des suites d'une longue maladie. Il étudia tout d'abord avec Franco Donatoni à l'Accademia Chigiana de Sienne et à la Scuola Civica de Milan. Outre Donatoni, ses premiers grands modèles furent György Ligeti, Giacinto Scelsi, puis Stockhausen, Boulez et Grisey. Les œuvres des années quatre‐vingt témoignent déjà de l'importance du son comme « matière à forger », selon l'expression du compositeur : Ganimede (1986), pour alto, Kû (1989), pour quatorze musiciens. Dans les années quatre‐vingt dix, il poursuivit son investigation du sonore à Paris, à l'Ircam et avec les musiciens de l'Itinéraire – Murail, Grisey, Lévinas, Dufourt. Il suivit le Cursus de composition de l'Ircam et collabora de 1993 à 1995, avec l'équipe Représentations musicales en qualité de compositeur de recherche. Ces expériences sur la synthèse sonore et l'analyse spectrale irriguent les pièces composées à partir de cette période : Sabbia del Tempo (1991) pour six interprètes, Natura morta con fiamme (1991) pour quatuor et électronique. Compositeur non formaliste, Romitelli ne craignait pas l'hybridation, décloisonnant la frontière entre musique savante et populaire. Distorsion, saturation, inspiration du rock psychédélique, harmonie « sale » font partie de son univers musical : Acid Dreams & Spanish Queens (1994), pour ensemble amplifié, EnTrance (1995), Cupio Dissolvi (1996). Le cycle Professor Bad Trip I, II et III (1998‐2000), associant des couleurs instrumentales acoustiques distordues, électriques ainsi que d'accessoires comme le mirliton et l'harmonica, s'inspire des œuvres d'Henri Michaux écrites sous l’effet de drogues et recrée une atmosphère hallucinatoire. An Index of Metals (2003), video‐opéra pour soprano et ensemble avec vidéo de Paulo Pachini est l'œuvre testament de Fausto Romitelli, synthèse et sommet de son langage musical. 1 Cette notice biographique est issue de http://brahms.ircam.fr/composers/composer/2755/#bio 7 II. Racines La musique de Fausto Romitelli est nourrie de nombreuses racines déployées comme un rhizome à travers un vaste horizon culturel, sans égard pour les frontières traditionnellement établies entre "savant" et "populaire", "pur "et "impur". Ce terreau culturel est bien sûr musical mais aussi extra‐musical, l'imaginaire du compositeur étant largement nourri par la littérature, le cinéma, la peinture... Il suffit de parcourir les titres de ses œuvres, pour s'en convaincre. En vrac : Professor Bad Trip, Amok Koma (2001), Audiodrome ­ Dead City Radio (2003), Poppy in The Cloud (1999) ... Souvent mystérieux, ils cachent généralement un réseau de références qui définissent une sorte de cadre psychologique et esthétique, un "lieu" où va se dérouler le rituel musical. A. Influences musicales «(...) je rentrais le soir (...) et il était en train d'écouter les Blonde Redhead au volume 16 et je dois dire que c'était toujours un choc pour moi!»2 Ce témoignage de Luisa Vinci, sa dernière compagne, manifestement plus "classique" que lui, résume bien l'attitude du personnage : rien à voir avec l'image habituelle du compositeur studieux... Qu'il le veuille ou non, Romitelli est probablement devenu l'un de ces «compositeurs cultivés»3 en passant par le conservatoire de Milan puis par l'IRCAM, ces «Club Méditerranée pour intellectuels »4. Malgré son scepticisme affiché face à certains comportements «qui mène(nt) à un académisme insupportable»5, il revendique son appartenance au milieu de la musique contemporaine et se situe lui‐
même dans une lignée esthétique claire : «[...] Gyorgy Ligeti avec les œuvres des années soixante, Atmosphères et Lontano. Cette volonté de transformer les sons s'est développée avec Claude Debussy et l'Ecole spectrale, avec Grisey, Dufourt, Levinas, Murail... C'est une musique qui m'intéresse; même si c'est une musique dépassée comme le dodécaphonisme. »6 Mais ses propos restent assez durs concernant la musique contemporaine et ses dogmes; ce qu'il cherche à créer dépasse les clivages réducteurs : «Le son dans la musique contemporaine est "castré" par le formalisme et par les dogmes sur la pureté du matériau musical : un son cérébral, sans corps, sans chair ni sang. Moi, j'aime le son sale, distordu, violent, visionnaire, que les 2 Luisa Vinci in Maria Mauti (édité par), Andrea Locatelli (réalisation), "Incontri Contemporanei : Fausto Romitelli", Classica (chaîne télévisée italienne), 2009. Traduction : Pierre Slinckx. 3 "Il compositore come virus", dans Milano musica. Percorsi di musica d'oggi ­il pensiero e l'espressione. Aspetti del secondo Novecento musicale in Italia, Milan, Milano Musica, 2001, p.148‐
149 in Alessandro Arbo (textes réunis par), Le corps électrique; voyage dans le son de Fausto Romitelli. L’Harmattan, 2005, p. 133 4 Entretien avec Omer Corlaix, dans Musica Falsa, 11, 2000, p. 84‐85 in idem, p. 153 5 idem 6 idem, p.154 8 musiques populaires ont parfois su exprimer et que je cherche à intégrer dans mon écriture.»7 C'est donc un son, «visionnaire», qui est son Saint‐Graal et il n'a aucun mal à reconnaître que les expérimentations sonores de certains musiciens "populaires" sont aussi riches esthétiquement, voire résolument plus modernes, qu'une bonne part de la musique réputée moderne. La liste de ses mentors s'élargit : «J'aime le rock psychédélique des années soixante et du début des années soixante‐dix. J'adore le son de Jimmy Hendrix, des Pink Floyds ou du Velvet Underground qui étaient à l'avant‐garde de l'époque. J'aime Nirvana, mais aussi les musiques d'ambiance de Brian Eno.»8 Cette grande liberté et inventivité sonore également typique d'une partie de la techno et de l'électro (avec des musiciens tels qu'Aphex Twin et Tricky) représente une autre grande source d'inspiration pour Romitelli. Il est notamment fasciné par l'absence totale de hauteurs définies dans certains morceaux d'électro où le focus est totalement mis sur l'aspect timbral du son. Il reste cependant assez critique face à une certaine forme de conservatisme dans ces milieux, notamment dans le rock «qui n'a jamais su s'affranchir de certains clichés tonals ou modaux»9. B. Influences extra­musicales «Fausto était une personne cultivée, très cultivée : il était capable de lire peut‐
être vingt livres par mois.»10 Ces paroles de Luisa Vinci témoignent du grand appétit culturel de Romitelli et notamment de sa passion pour la littérature. De nombreuses œuvres sont directement inspirées de ses lectures. Le cycle Professor Bad Trip, par exemple, est influencé par les récits d'Henri Michaux sur les effets de la mescaline dans Misérable Miracle (1956) ou Connaissance par le gouffre (1961). Romitelli y a puisé un "champ lexical" qu'il a métaphoriquement transposé en sensations sonores dans une esthétique de l'hallucination, de la perte de contrôle : «Un infime permanent séisme y règne, qui fait songer à un processus ruiniforme, sans que rien, malgré les lézardes incessantes ne tombe en ruine.», «La Mescaline est un trouble de la composition. Elle développe niaisement.», «L'inharmonieuse mescaline (...)», «La mescaline donne des envies frénétiques qui paraissent et disparaissent dans l'instant.», «Plus tard encore elle fait onduler toute chose, d'une presque imperceptible et microscopique houle.», 7 Entretien avec Danielle Cohen‐Levinas, dans La création après la musique contemporaine, Paris, L'itinéraire/L'Harmattan, 1999, p. 87‐90 in Alessandro Arbo (textes réunis par), Le corps électrique; voyage dans le son de Fausto Romitelli. L’Harmattan, 2005, p. 143 8 Entretien avec Omer Corlaix, dans Musica Falsa, 11, 2000, p. 84‐85 in idem, p. 155 9 Programme du festival international des musiques d'aujourd'hui Musica, Strasbourg, Musica, 2000, p.154‐155 in idem, p. 136 10 Luisa Vinci in Maria Mauti (édité par), Andrea Locatelli (réalisation), "Incontri Contemporanei : Fausto Romitelli", Classica (chaîne télévisée italienne), 2009. Traduction : Pierre Slinckx. 9 «L'allongement fantastique des images dans la vision mescalinienne (...)», «La Mescaline répète, énumère.»...11 Ces extraits tirés de Misérable Miracle sont l'essence des procédés formels employés dans Professor Bad Trip (et certainement dans toute la dernière production du compositeur). La référence à Michaux n'est connue que par la note d'intention que le compositeur a rédigée mais elle infiltre poétiquement sa musique. Le rapport à la littérature est parfois plus évident et traditionnel, notamment dans Lost où Romitelli utilise des textes de Jim Morrison (Chanteur des Doors...) ou dans The Poppy in the Cloud où il met en musique trois poésies d'Emily Dickinson. Mais Romitelli aime par dessus tout croiser les références et créer un réseau de symboles qui donnent naissance à une imagerie; c'est ce "lieu" dont je parlais plus haut qu'il cherche à élaborer pour libérer son imagination et influer sur celle des auditeurs. Ainsi, pour revenir à Professor Bad Trip, Romitelli ajoute à la référence mescalinienne celle de l'univers pictural de Francis Bacon et plus particulièrement à ses Three Studies for Self­Portrait des années 70 où son autoportrait apparaît trois fois à divers degrés de déformation : Figure 1 : Francis Bacon, Three Studies for Self­Portrait, 1976, huile sur toile en trois parties, 35.5 x 101cm, collection privée12 Dans ces trois peintures, on reste dans un univers qui est déjà assez familier : la répétition obsessive, la distorsion des images, une certaine violence, un sentiment de vitesse... Le titre du cycle pour ensemble instrumental, enfin, achève de planter un décor irréel; il fait référence à l'univers du graphiste/dessinateur italien Gianluca Lerici (dont le nom d'artiste était "Professor Bad Trip"...) connu dès les années 80 comme illustrateur pour divers fanzine punk, "mail artist" et créateur de t‐shirts artistiques, dont l'esthétique provient des subcultures punk et underground internationales13. Voici un exemple représentatif du style de l'artiste : 11 Henri Michaux, Misérable Miracle, Gallimard, nrf, 1991 12 Source : site web de Christie's http://www.christies.com/lotfinder/paintings/francis‐bacon‐
three‐studies‐for‐self‐portrait‐5074047‐details.aspx 13 Source : http://www.gomma.tv/index.php?id=85 10 Figure 2 : Pochette du CD Anamorphosis, de l'Ensemble Talea14 L'imagerie cyber‐punk se superpose à des représentations humaines aux visages déformés par un effroi à la fois figé et frénétique. Finalement, ces moyens esthétiques ne sont qu'une manière de parler du monde dans lequel il vit : «Depuis que je suis né, je baigne dans les images digitalisées, les sons synthétiques, les artefacts. L’artificiel, le distordu, le filtré ‐ voilà ce qu’est la Nature des hommes d’aujourd’hui»15 Le cas d'Audiodrome s'inscrit dans la même démarche. Le titre, déjà, nous renvoie très certainement16 au film de Cronenberg, Videodrome, où le protagoniste, Max Renn, producteur d'une chaîne télévisée spécialisée dans le trash, est pris d'hallucinations après avoir regardé une émission soi‐disant pirate qu'il rêve de programmer sur son canal, où des supposés comédiens sont torturés et tués lors de mises en scène hyperréalistes. L'homme ‐ et les spectateurs du film même ‐ finissent par perdre pied avec la réalité : la confusion devient telle que le personnage ne voit plus d'autre solution que le suicide. Ce film est une critique de la place des media dans la société et, à plusieurs égards, se réfère aux théories de Marshall McLuhan («The medium is the message»). Romitelli résume : «La perception du monde est créée par les canaux de transmission : ce que nous voyons et écoutons n'est pas simplement reproduit, mais élaboré et recréé par un medium électronique qui se superpose et se substitue à l'expérience réelle.»17 C'est bien ce qu'exprime le «You are lost» susurré au mégaphone en guise de conclusion à Audiodrome : nous sommes perdus au milieu d'un flux anarchique d'informations (tout comme Max Renn qui s'exclame «I don't know where I am now» à la fin du film). Le sous‐titre Dead City Radio fait directement allusion au CD18 homonyme qui consiste en une lecture de textes de William S. Burroughs par lui‐même, mis en musique 14 Source : http://www.tzadik.com/ 15 Romitelli cité par Jean‐Luc Plouvier dans le livret du disque Professor Bad Trip de l'ensemble Ictus 16 Dans le documentaire cité plus haut, le compositeur Pietro Borradori explique que lui et Romitelli avaient un goût commun pour le cinéma et surtout pour le cinéma engagé (il cite d'ailleurs Cronenberg comme exemple). 17 Cité par Roberta Milanaccio dans http://www.cirm‐manca.org/fiche‐oeuvre.php?oe=6. Traduction : Pierre Slinckx. 11 par différents artistes (Sonic Youth, John Cale, NBC Symphony Orchestra...). Comme par hasard, Le Festin nu (1959) de l'auteur phare de la Beat Generation a été adapté au cinéma par... Cronenberg en 1991! Enfin, en analysant la musique de Romitelli, je ne peux m'empêcher de penser à sa maladie. Le développement cellulaire cancéreux, anarchique et infini, qui a eu lieu à l'intérieur de son corps les dix dernières années de sa vie a‐t‐il influencé sa composition? N'y a‐t‐il pas quelque chose de la métastase dans les accords qui se mettent à pulluler tout au long d'Amok Koma? Dans le motif mib‐la‐lab. qui envahit progressivement tout l'orchestre d'Audiodrome dans un tournoiement vertigineux? Dans les attaques de plus en plus violentes que subit le matériau de Professor Bad Trip? Dans la prolifération claustrophobique des gestes dans Trash TV Trance (2002) ?... 18 Hal Wilner (produit par) ‐oeuvre collective, Dead Radio City, Island Records, 1990 12 III. Instrumentarium et écriture instrumentale «C'est précisément l'art du timbre qui affranchit (libère) le son de l'aseptique maniérisme du pur jeu combinatoire pour le revaloriser dans toute sa potentialité matérielle.»19 « (...) les dogmes sur la "pureté" et la neutralité du matériau musical, indispensables dans une optique combinatoire, dans une mythologie de l'abstraction et du formalisme, se sont écroulés.»20 L'instrumentarium hybride et détourné de Romitelli est l'incursion la plus évidente d'une "impureté" revendiquée au sein de la tradition classique. Il n'est pas question d'employer un son "brun‐neutre" (comme Picasso ou Braque dans leur premiers tableaux cubistes) pour faire apparaître une structure; le son est au cœur de cette structure, du projet musical et doit être le reflet de «l'ensemble du champ musical contemporain»21 qu'il soit raffiné ou vulgaire, doux ou violent. Le rôle du compositeur devient donc «d'intégrer dans l'écriture des matériaux différents, souvent hétérogènes, sans renoncer à la rigueur conceptuelle et à la définition d'un "style" capable de "métaboliser" les différentes influences et de créer de nouvelles images sonores»22. Romitelli ne renonce donc à aucun moyen, ni dans ses choix d'instrumentation ni dans son écriture, pourvu qu'il excite l'imaginaire de ses contemporains. Chez lui, l'orchestre à corde peut devenir orchestre à kazoo ou à pitch‐pipe23 (Nameless City (1997)); les pianistes se font siffleurs (Professor Bad Trip III (2000)); les guitares électriques rugissent aux côtés de l'orchestre symphonique (Audiodrome); les synthétiseurs se fondent dans les clarinettes et les flûtes (Amok Koma); les archets sont détournés et frottent les cordes des guitares électriques (Trash TV Trance); les cloches tubulaires se mettent à glisser (Audiodrome)... Je ne ferai pas un inventaire exhaustif des instruments et de leur emploi dans la musique de Romitelli, mais simplement un aperçu des caractéristiques les plus idiosyncratiques. 19 Fausto Romitelli dans L'idée musicale, éd. par Christine Buci Glucksmann et Michael Levinas, Vincennes‐Saint‐Denis, Presses Universitaires de Vincennes (Collection "La Philosophie hors de soi"), 1993, p.43‐45 in Alessandro Arbo (textes réunis par), Le corps électrique; voyage dans le son de Fausto Romitelli. L’Harmattan, 2005 20 Fausto Romitelli, Il compositore come virus, dans Milano musica. Percorsi di musica d'oggi ­il pensiero e l'espressione. Aspetti del secondo Novecento musicale in Italia, Milan, Milano Musica, 2001, p.148‐149 in Idem 21 "Un compositeur doit réagir à l'ensemble du champ musical contemporain; un compositeur qui ne le ferait pas serait pour moi parfaitement inutile.", Accents, Le Journal de l'Ensemble Intercontemporain, n°15, septembre‐décembre 2001, p. 6‐7 in Idem 22 L'idée musicale, éd. par Christine Buci Glucksmann et Michael Levinas, Vincennes‐Saint‐Denis, Presses Universitaires de Vincennes (Collection "La Philosophie hors de soi"), 1993, p.43‐45 in Idem 23 Accordeur pour guitare 13 A. Instruments­jouets et autres gadgets Les kazoos, pitch‐pipes et harmonicas24 sont monnaie courante dans la musique de Romitelli. Ce n'est pas la première fois que des instruments‐jouets ou d'autres objets sonores inhabituels sont exploités dans un contexte de musique savante : Cage dans Suite for Toy Piano (1948); Ligeti dans Le Grand Macabre (1974‐1977) qui s'ouvre par une sonnerie absurde de klaxons; du même compositeur : le Poème Symphonique pour 100 Métronomes (1962); Mauricio Kagel notamment dans Staatstheater (1967‐1970), ensemble de scènes de théâtre musical où les interprètes produisent des sons avec des objets incongrus comme des plaques de plexiglas, posées contre leur bouche et frappées avec des baguettes ou du papier journal froissé mais aussi avec des instruments plus habituels comme l'harmonica ou le piano‐jouet; plus loin de nous, la Symphonie des Jouets (dont la paternité est incertaine) qui mêle un orchestre à cordes à divers instruments‐jouets comme des pipeaux, des crécelles, des appeaux...; dans une recherche moins théâtrale : Luigi Russolo et ses orchestres "intonarumori" dans les années 1910 et ‐20; plus récemment, Mauro Lanza25 qui semble avoir totalement intégré les instruments‐jouets dans sa démarche de composition avec des pièces comme Barocco (1998‐2003) ou Vesperbield (2007)... Ces instruments de pacotille ont un intérêt théâtral évident : quoi de plus surprenant que de voir des musiciens "classiques", probablement un peu guindés, troquant leur nobles pianos, flûtes ou clarinettes contre un équivalent miniature en plastique, à peine accordé, au timbre "cheap" et nasillard. Je pense toutefois que cet aspect n'est pas une réelle préoccupation chez Romitelli. Outre l'élargissement de sa palette orchestrale, c'est plutôt une théâtralité du son qu'il vise. A vrai dire, les interventions de ces instruments‐jouets ne sont pratiquement pas audibles en tant que telles; on ne les identifie pas comme des évènements particuliers. Leur fonction est presque d'ordre hallucinatoire : notre oreille confond l'harmonica avec des flûtes lointaines et distordues; les pitch‐pipes deviennent des larsens imaginaires qui par hasard seraient "accordés"; lorsqu'un kazoo entonne une cellule mélodique, on entend une trompette parasitée, un cri plaintif, déformé, mal enregistré : Figure 3 : Professor Bad Trip, Lesson II, mes 1‐3, p. 1, extrait : partie de piano. 24 Plus ponctuellement : flûte de pan (Lost) et bouteille vide (Amok Koma) 25 Qui d'ailleurs, comme Romitelli, a collaboré avec Paolo Pachini sur Descrizione del Diluvio en 2008. Source : http://brahms.ircam.fr/mauro‐lanza#bio 14 Dans ce même extrait on voit clairement comment Romitelli procède pour obtenir cet effet de fusion et confusion timbrale : les interventions des instruments‐
jouets à hauteur déterminée sont systématiquement des doublures. Leurs timbres ne sont jamais entendus pour eux‐mêmes, comme s'ils étaient des effets électroniques appliqués sur les instruments et brouillant leurs caractéristiques. Dans l'extrait suivant, Romitelli emploie cette technique, mais cette fois en demandant au pianiste de siffler tout en jouant : Figure 4 : Professor Bad Trip, Lesson III, mes 23‐24, p. 5, extrait : partie de piano. La relative pureté du son sifflé favorise la fusion avec le timbre du piano, et son imprécision inévitable superposée aux notes exactes et figées du piano crée de légères perturbations, une sorte de flanger naturel. Le piano "fond", un peu comme si on voyait son timbre à travers une source de chaleur... Le sifflement perd ainsi toute connotation et devient constituant d'un timbre complexe. On retrouve toutes sortes d'autres artifices qui s'inscrivent dans cette recherche d'un son dénaturé. Dans l'extrait suivant, le percussionniste doit placer sa bouche à proximité de la lame qu'il joue et former alternativement les syllabes "ou" et "a", sans les prononcer, dans le but d'appliquer au son du vibraphone les formants correspondants. Le glissement d'une syllabe à l'autre produit un balayage fréquentiel : c'est le principe de l'effet wah‐wah ("u"‐"a"), typiquement utilisé par les guitaristes électriques. Figure 5 : Amok Koma, mes. 3‐5, p.11, extrait : partie de vibraphone Il faut bien avouer que cet effet, assez discret, n'est pas le plus efficace... Il demanderait une amplification particulièrement précise pour être audible mais il participe à un son global, infesté "d'hallucinations" de ce genre. Autre hallucination : dans Professor Bad Trip III et Audiodrome, le percussionniste produit des glissandi de cloche tubulaire en la plongeant dans une bassine remplie d'eau. Cette fois l'effet est 15 nettement plus sonore et s'intègre remarquablement bien dans l'univers sonore de Romitelli : Figure 6 : Audiodrome, mes. 139‐143, p. 29, extrait : trombones, tuba, percussions, guitare électrique Le principe de doublure intervient encore : les glissandi de cloche sont tout de suite repris par le trombone (lui‐même altéré par la sourdine plunger) et par la guitare (altérée elle aussi par l'effet électronique analogue au plunger : la wahwah), avant d'infiltrer tout l'orchestre dans les mesures suivantes. Ces imitations perturbent nos points de repères : le trombone peut effectuer des glissandi grâce à sa coulisse, nous y sommes habitués, mais une cloche n'est pas censée glisser... finalement qui imite qui? La cloche glisse‐t‐elle vraiment, où sommes‐nous en plein "bad trip"? Les dernières mesures d'Audiodrome nous en offrent un autre exemple lorsque le You are lost prononcé au mégaphone (qui distord déjà significativement le timbre de la voix) par les percussionnistes est superposé à sa propre imitation jouée aux trombones. A la première écoute de ce passage, je me souviens avoir sursauté... j'ai d'abord cru que c'était la combinaison des sons instrumentaux qui produisait par hasard un effet de synthèse vocale et que mon imagination faisait le reste... Figure 7 : Audiodrome, mes. 197, p. 42, extrait : trombones et percussions 16 Dans un tout autre registre, Romitelli emploie le métronome dans La Sabbia del Tempo (1991) et Audiodrome. Bien qu'il précise le tempo et l'entrée du ou des métronomes (dans Audiodrome, il crée une véritable polyphonie de métronomes, ce qui n'est pas sans rappeler le Poème Symphonique pour 100 métronomes de Ligeti dont je parlais plus haut), ce n'est pas vraiment leur qualité rythmique qui l'intéresse mais plutôt leur potentiel poétique d'évocation du temps qui passe. B. Guitare/Basse électrique Impossible d'entrer dans la musique de Romitelli sans parler de la guitare/basse électrique. On le sait, ces instruments sont depuis longtemps incontournables dans une bonne partie des musiques populaires et pourtant, les compositeurs de musique savante ont mis un certain temps avant d'y porter attention (par exemple Tristan Murail avec le solo Vampyr! en 1984 ou, dans un contexte d'ensemble, Hugues Dufourt avec Saturne en 1979). Aujourd'hui, de plus en plus, les Fender et autres Gibson commencent à s'installer dans le paysage de la musique contemporaine et certains jeunes ensembles comme Nikel26 ou Le Balcon27 les ont totalement intégrées à leur effectif. Chez Romitelli, la guitare et la basse électrique sont vite devenues une marque de fabrique. Ces instruments directement hérités du rock sont employés dès 1994 dans Acid Dreams & Spanish Queens, en 1996 dans Cupio Dissolvi et presque systématiquement dans la dernière production du compositeur : Lost (1997), Professor Bad Trip (1998‐2000), Blood on the Floor (2000), Audiodrome (2003), Green, Yellow and Blue (2003), An Index of Metals (2003) et bien sûr Trash TV Trance (2002) ou l'écriture pour guitare électrique est portée à un haut degré de complexité. Son emploi de la guitare fait souvent référence au rock : effet de feedback (Prof. Bad Trip), fondamentale "bêtement" plaquée (Audiodrome), bends (Trash TV Trance)... autant de techniques sur‐employées depuis Jimi Hendrix jusqu'à Nirvana. Romitelli s'en est largement nourri mais s'est aussi développé une série de techniques qui lui sont très caractéristiques. La technique la plus récurrente est certainement la combinaison de l'e‐bow, du bottleneck et de la pédale de volume qui permet à la guitare de produire des lignes "mélodiques" de durée potentiellement infinie. Ce mode de jeu est central dans Blood On The Floor où la guitare déploie une longue ligne (qui ne s'interrompra vraiment qu'à la fin de la pièce) ponctuée de sauts rapides suivis de longues chutes, sorte de cri interminable : Figure 8 : Blood On The Floor, mes. 11‐15, p. 3, extrait : guitare électrique. Dans Audiodrome notamment, cette technique est employée comme doublure d'un trait mélodique : 26 http://www.ensemblenikel.com/ 27 http://www.lebalcon.com/ 17 Figure 9 : Audiodrome, mes. 14‐17, p. 3, extrait : guitare, trombones, basson et clarinette basse. La guitare, renforcée par les trombones, double la descente mélodique (dérivée de la citation de l'Alpensinfonie op. 64 (1915) de Strauss, exposée plus tôt) jouée par les cordes (que l'on ne voit pas sur cet extrait) et le basson (mais transposée d'un ton). Cette doublure fait "couler" le trait mélodique, comme une ligne de peinture fraîche sur un mur qui perd petit à petit la précision de son contour. L'effet produit participe au parasitage progressif de la citation initiale qui, bientôt, sera totalement méconnaissable. D'un point de vue purement pratique, le défaut de cette technique est de mobiliser les deux mains et éventuellement un pied pour ne produire qu'un résultat monodique. Dans certains passages, pour obtenir un effet assez similaire, Romitelli fait appel à une variante qui a l'avantage de libérer une main et qui permet donc une plus grande densité polyphonique, notamment par le tapping : il demande à l'interprète de frotter la sixième corde (pour obtenir un son précis, le manche de la guitare étant plat) avec un archet et col legno. Ainsi, les notes sont définies et à la fois entretenues par le bois (E­bow signifie "archet électronique" après tout...). Voici un extrait de Trash TV Trance où l'interprète est comme démultiplié grâce à cette technique (l'archet tenu dans la main droite joue la portée du bas et la main gauche joue les deux portées du haut en tapping) : 18 Figure 10 : Trash TV Trance, mes. 75‐79, p. 3. Dans la même pièce, Romitelli exploite un autre versant de la guitare, une dimension plus bruitiste. Par exemple, lorsqu'il frotte les cordes avec la partie rugueuse d'une éponge tout en filtrant le son grâce à une pédale wah‐wah, ou encore quand il approche un rasoir électrique des micro de la guitare pour en faire sortir un buzz électrique. Toujours dans ce solo d'une redoutable difficulté, il demande au guitariste de débrancher le jack de la guitare et de le mettre en contact avec les cordes pour produire un autre type de buzz, plus bref, comme un son d'appareil court‐circuité. C'est avec ce même effet qu'il "débranche" Audiodrome en un mystérieux grésillement électrique final, évoquant le monde sonore des radios et télévisions. C. Synthétiseurs et électronique A quelques exceptions près, toutes les œuvres du catalogue de Romitelli sont mixtes (les 3/4 environ) : bandes, samplers mais surtout synthétiseurs infiltrent l'espace sonore, mais toujours avec grande discrétion. Dans la notice de La Sabbia dell Tempo, Romitelli décrit le son à assigner au synthétiseur : «En général, il est préférable d'utiliser un son sinusoïdal pur (...)». Je pense que cette recommandation est très révélatrice quant au rôle du synthétiseur dans sa musique. Son écriture confirme mon sentiment. Voici deux exemples archétypaux tirés de deux pièces composées à huit ans d'intervalles, La Sabbia dell Tempo (1991) et Professor Bad Trip, Lesson II. Dans le premier exemple (Figure 11), le synthétiseur tapisse l'espace d'un accord de 9 sons et les autres instruments tissent une texture polyphonique assez complexe et fouillée. Malgré le raffinement de chaque partie, les notes jouées sont exclusivement celles contenues dans l'accord de 9 sons. En empruntant abusivement le langage de la musique classique, on pourrait dire qu'il n'y a ni notes de passage, ni appogiatures dans ce passage : uniquement des notes "d'accord". Le synthétiseur définit donc un champ harmonique mais n'est pas entendu consciemment par l'auditeur. Sa recommandation d'utiliser un son sinusoïdal pur montre bien son intention de créer un accord­timbre qui fusionne le plus possible avec les autres instruments (j'aborderai les questions harmoniques de manière plus détaillée dans le chapitre suivant.). 19 Figure 11 : La Sabbia dell Tempo, mes. 66‐70, p. 7 On retrouve exactement le même emploi du synthétiseur dans la coda de Professor Bad Trip, Lesson II en 1999 : Figure 12 : Professor Bad Trip, Lesson II, mes. 1‐5, p. 39, extrait : synthétiseur Il est évident que ce genre de succession harmonique ne découle pas d'une pensée polyphonique traditionnelle. En effet, la densité "polyphonique" de ces accords est instable (elle varie de 4 à 8 dans ce passage...) et les soufflets, systématiquement da niente, annulent toute possibilité de percevoir une superposition de "voix". Il s'agit bien d'une sorte de synthèse additive28 rudimentaire à laquelle se joignent les autres instruments (non visibles sur cet extrait, mais bien présents) qui ajoutent plus ou moins de granulation. 28 Toujours dans la notice de La Sabbia dell Tempo, Romitelli précise que "Le choix du timbre doit être effectué avec l'avis du compositeur, en fonction du clavier utilisé"; C'est bien ce qu'a fait Ictus dans l'enregistrement des Professor Bad Trip où les sons choisis sont bien plus riches que de simples sinusoïdes. Ceci ne change rien à la fonction de ces accords. 20 Dans Amok Koma et Flowing Down Too Slow notamment, Romitelli utilise un sampler. J'ai peu d'information concernant la nature des samples employés. Ce qui me frappe en tous cas, encore une fois, c'est leur discrétion : il ne sont jamais entendus pour eux‐mêmes mais participent à un complexe sonore. Les bandes préenregistrées sont plus rares mais toujours aussi intégrées au matériau acoustique. Dans la coda de Professor Bad Trip, Lesson III, par exemple, la bande laisse entendre un son à très basse résolution qui semble achever le travail de destruction du matériau entamé dans l'écriture. La guitare et la basse préparent ce son lo‐fi en frottant leurs cordes avec un objet métallique tout en modulant le son à l'aide d'une pédale de volume et d'une wah‐
wah, et constituent ainsi l'intermédiaire qui permet à l'électronique d'émerger de l'acoustique : Figure 13 : Professor Bad Trip, Lesson III, mes. 226‐228, p. 46, extrait : guitare et basse. Ici encore, grâce au jeu de l'imitation, l'effet produit est de l'ordre de l'hallucination sonore. Le cas d'An Index of Metals est assez unique et laissait sans doute présager une direction légèrement différente dans la production de Romitelli. A part la vidéo qui apparaît pour la première fois dans son œuvre, l'électronique est plus assumée et mise à l'avant‐plan. Je pense aux deux premiers Intermezzi qui ponctuent l'opéra‐video (et qui sont en fait des morceaux de Pan Sonic) ou à la citation de Shine On You Crazy Diamond de Pink Floyd dans l'introduction. D. Cordes Les cordes chez Romitelli sont à la fois omniprésentes et "inaudibles". Omniprésentes car elles figurent dans toutes ses pièces et que leur écriture est extrêmement dense. C'est d'ailleurs paradoxalement cette écriture fouillée qui les rend "inaudibles" et qui leur confère parfois une fonction "d'effet électronique". L'écriture pour cordes est bien éloignée du son romantique qui leur colle à la peau. On dirait même que Romitelli cherche à éviter un son trop référencé et à en tirer 21 des sonorités déroutantes, dans la même optique ‐ mais moins radicale ‐ que Lachenmann. Cet extrait de The Nameless City est une véritable synthèse de ses techniques de prédilection : Figure 14 : The Nameless City, p.6, extrait : troisième groupe de cordes Jetés, écrasés devenant pression normale et vice‐versa, harmoniques naturels et artificiels, glissandi d'harmoniques, sons da niente et a niente, effets de delay écrit... Tout va dans le sens d'un foisonnement sonore. A d'autres moments, les cordes sonnent presque comme des guitares électriques en simulant un effet de distorsion... Figure 15 : Professor Bad Trip, Lesson I, mes. 1, p. 1, extrait : violon. ...ou en évoquant le pickslide29 : 29 Raclement longitudinal des cordes à l'aide de la tranche de l'onglet, qui produit un son à mi‐
chemin entre le déchirement de papier et l'ouverture d'une fermeture éclair. 22 Figure 16 : Professor Bad Trip, Lesson I, mes. 33, p. 7, extrait : violon. Parfois, amputées systématiquement de leur attaque, elles sont inidentifiables... Figure 17 : Professor Bad Trip, Lesson I, p. 40, extrait : cordes ... et semblent être des samples inversés : Figure 18 : Professor Bad Trip, Lesson I, mes 216‐217, p. 44, extrait : violoncelle L'écriture pour cordes s'éloigne donc la plupart du temps d'une conception traditionnelle, en puisant notamment dans l'expérience électronique. Ce constat est valable pour l'écriture de Romitelli en général30. 30 Depuis Varèse, il l'est d'ailleurs pour beaucoup de compositeurs (Stockhausen, Ligeti, Grisey...) 23 IV. Harmonie A. Continuo? L'harmonie chez Romitelli est toujours exprimée avec une grande clarté. Comme je le montrais dans le chapitre Synthétiseurs et électronique, il ne lésine pas sur les redoublements de notes pour "imprimer" l'harmonie dans la mémoire (j'y reviendrai plus tard). Outre les parties de synthétiseur, il suffit de lire les parties de piano31 d'à peu près toutes ses pièces pour se rendre compte qu'elles consistent la plupart du temps en une réduction harmonique du reste de l'ensemble. Voici une réécriture schématique représentant la situation harmonique à l'attaque du premier temps d'une mesure caractéristique d'Amok Koma : Figure 19 : Amok Koma, mes. 128 (première croche), p. 26 A part le violoncelle qui redouble le sol grave ‐ sorte de basse ‐ joué par le synthétiseur (qui dans cette partition est employé de manière monophonique), tous les autres instruments doublent une ou deux notes de la partie de piano. Ce dernier complète l'harmonie avec le ré et le fa aigus. Plus généralement, cet emploi assez traditionnel du piano se retrouve dans l'écriture pour guitare électrique et autres instruments polyphoniques. Il rappelle la fonction des clavecins, des orgues et des luths dans la musique baroque... Selon les mots de Jean‐Luc Plouvier, Romitelli les utilise comme un «groupe continuo d'un nouveau genre»32. B. Aspects mélodiques Comme le remarque Pierre Michel dans son analyse du cycle Professor Bad Trip33, «L'unité de la musique de Romitelli est assez frappante du point de vue des relations entre la dimension verticale et l'horizontale.». En reprenant l'extrait précédemment étudié d'Amok Koma, c'est bien ce que l'on constate : à elles seules, la flûte et la clarinette 31 C'est d'ailleurs presque toujours le même interprète qui assure ces deux parties 32 Note de programme du concert du jeudi 8 mars 2012 à la Raffinerie (Bruxelles) de l'ensemble "Le Balcon" dans le cadre du Festival Ars Musica. 33Alessandro Arbo (textes réunis par), Le corps électrique; voyage dans le son de Fausto Romitelli. L’Harmattan, 2005, p. 73 24 "balaient" presque l'ensemble des notes de chaque harmonie par des mouvements montants et descendants, souvent disjoints : Figure 20 : Amok Koma, mes. 128, p. 26, extrait : flûte et clarinette (en sib). En regroupant les notes de chaque accord et en comparant avec le piano (qui ici encore joue un rôle de "continuo"), on voit clairement que ces traits mélodiques ont une fonction d'arpège au sens classique : Figure 21 : Amok Koma, mes. 128, p. 26, réduction harmonique : piano, flûte et clarinette (en ut). Les notes avec hampe sont les seules à n'être jouées par aucun autre instrument. L'exemple donné par Pierre Michel dans la même analyse est encore plus éloquent; il y compare les parties de flûte et de clarinette à l'accord exprimé par le reste de l'ensemble: 25 Figure 22 : Professor Bad Trip, Lesson III, mes. 203‐205, p. 41, réduction harmonique34 Ces observations sur la construction des traits mélodiques confirment donc que Romitelli conçoit les accords comme des champs harmoniques successifs où les hauteurs sont comme "figées", non octaviables. C. Caractéristiques de l'harmonie La nature des accords employés par Romitelli est assez mystérieuse. La présentation de la partie électronique de EnTrance par Laurent Pottier35 nous montre qu'il s'est servi des ressources informatiques de L'IRCAM pour générer systématiquement des accords basés sur des spectres harmoniques distordus à différents degrés. Dans un documentaire télévisé consacré au compositeur36, son grand ami et compositeur Ricardo Nova explique que Romitelli passait du temps à analyser l'orchestre d'un point de vue acoustique pour essayer d'en tirer des sonorités distordues par la simple orchestration. Ces recherches ont certainement eu un impact sur son écriture harmonique qui, dans les dernières années, a probablement été de plus en plus intuitive. Voici quelques caractéristiques que j'ai pu observer. 1. Spectres distordus La musique de Romitelli est très marquée par la conception spectrale de l'harmonie. Comme je l'ai déjà dit dans le chapitre sur l'emploi du synthétiseur, il vise une écriture du timbre, dans la lignée de l'école spectrale (Grisey, Murail, Levinas, Dufourt...). Ses préoccupations ne sont cependant pas les mêmes que celles de ses prédécesseurs. Par exemple, chez Romitelli, la dialectique entre harmonicité et inharmonicité n'est pas centrale et il n'est donc pas rare que l'harmonie n'ait rien d'harmonique du début à la fin d'une pièce. Cette suite d'accords (qui est en fait un cycle) tirée de la première section de Professor Bad Trip, Lesson II est un bon exemple de cet inharmonicité ambiante : 34 Exemple tiré de idem 35 http://www.grame.fr/jim97/proc/Pottier/romitell.html 36 Maria Mauti (édité par), Andrea Locatelli (réalisation), "Incontri Contemporanei : Fausto Romitelli", Classica (chaîne télévisée italienne), 2009 26 Figure 23 : Cycle harmonique de la section I de Professor Bad Trip, Lesson II L'accord 1 évoque fortement un spectre harmonique de fondamentale mi, mais le supposé 5ème harmonique est grossièrement approximé par un sol bécarre, conférant à cet accord une couleur très mineure, extrêmement typique chez Romitelli. On peut trouver le même genre de déformations internes, dans le deuxième accord : le rapport de 12ème entre le do et le sol semblent établir la base d'un spectre de do, mais le fa et le réb viennent contredire ce sentiment. Le mib est la seule tierce potentielle (5ème harmonique octavié dans ce cas), mais encore une fois, elle est minorisée, comme si Romitelli gravait sa signature à l'intérieur du son. L'accord 3 pourrait correspondre à un spectre de réb, mais cette fondamentale n'est jamais exprimée au cours de la pièce. L'accord 4, quant à lui, peut être vu comme un spectre de mi, basse initiale du cycle, bien que la première note au‐dessus de la fondamentale ne soit que la 7ème harmonique : il n'y a donc que peu d'indices qui pourraient confirmer cette supposition. Par ailleurs, avec le sol bécarre on continue à en avoir un sentiment mineur... Il y a donc manifestement chez Romitelli une exploitation latente du spectre harmonique mais il est évident que les basses, bien qu'elles en aient le caractère, ne sont pas à prendre comme des fondamentales génératrices d'harmoniques au sens strict. Je vois plutôt dans ces "fausses" fondamentales une autre forme d'hallucination sonore. 2. Intervalles dominants En observant la constitution des accords, intervalle par intervalle, on remarque qu'ils sont très souvent formés par une combinaison d'empilements de tierces et d'empilements de quartes (souvent triton) et de quintes. Les sons sont rarement doublés à l'octave dans le même accord, par contre, les intervalles d'octave diminuée abondent autant harmoniquement que mélodiquement (comme le motif récurrent dans Professor Bad Trip II ou dans Audiodrome). Ces récurrences me mènent à penser que l'harmonie romitellienne n'est pas strictement tirée d'analyses spectrales mais découle aussi d'une pensée intervallique voire d'une approche plus intuitive. C'est en tous cas l'avis de Jean‐Luc Plouvier à qui Romitelli décrivait son harmonie, non sans ironie, comme "une harmonie à la Spectral". La coda de Professor Bad Trip, Lesson II consiste en un lent enchaînement d'accords de ce type : 27 Figure 24 : Professor Bad Trip, Lesson II, réduction harmonique de la section III (p. 39‐41) Dans Trash TV Trance, Romitelli profite de l'accordage en quartes de la guitare pour générer des accords où dominent les tierces et les quartes avec très peu d'empreintes différentes. 3. "Epaisseur" du son Les intervalles harmoniques de seconde sont peu courants. Par contre, on les retrouve souvent comme moyen de grossir le son, d'épaissir une note, exactement comme dans les "psalmodies" orchestrale de Scelsi. Voici la réduction d'un passage d'Audiodrome : Figure 25 : Audiodrome, mes. 43 (3ème temps), p. 8, réduction Cette accumulation d'intervalles allant du quart de ton à la seconde majeure autour du ré est évidemment à voir comme une densification énergétique de cette note, une technique d'orchestration, un pur accord‐timbre, et non comme un accord résultant d'une pensée intervallique. En termes plus technologiques, on pourrait assimiler cet effet à du chorus. Ce genre de configuration harmonique est d'ailleurs toujours amené progressivement pour que l'auditeur sente le son se métamorphoser. Voici un autre emploi courant de cette technique où la note "épaissie" est cette fois intégrée à un accord (sol mineur!) : Figure 26 : Professor Bad Trip, Lesson II, mes. 6 (2ème temps), p. 15, réduction 28 Un autre cas, bien connu et assez fréquent chez Romitelli fait intervenir des accords‐timbres encore plus denses : Figure 27 : Professor Bad Trip, Lesson II, mes. 10, p. 15, extrait : piano. C'est le cluster chromatique qui n'est autre que la modélisation instrumentale d'une bande de fréquence de bruit blanc. Romitelli utilise des accords aussi denses presque exclusivement pour marquer un instant important, baliser l'écoute, donner un signal... 29 V. Développement La musique de Romitelli est une musique répétitive. A partir de la fin des années ‐
90 jusqu'à sa mort, le principe de répétition devient même systématique. Je n'emploie pas cette notion au sens de la musique minimaliste américaine où la répétition textuelle de petites cellules rythmico‐mélodiques transforme par elle même la perception qu'a l'auditeur du temps qui s'écoule et même de ce qu'il entend (par exemple, les mélodies "cachées" de Steve Reich, d'inspiration africaine37). Chez Romitelli, cette transformation de l'écoute se fait par l'écriture : il écrit l'hallucination sonore, dès lors les répétitions n'en sont pas au sens strict. On perçoit qu'il y a répétition, mais la musique répétée évolue. Les techniques d'écritures qu'il met en œuvre pour transformer le matériau sont donc au centre de son artisanat. Il y fait d'ailleurs allusion dans ses écrits, par exemple : [En parlant de Professor Bad Trip] «(...) des répétitions obsessionnelles, des accélérations continues et insistantes de matériaux et de temps soumis à des torsions et des distorsions jusqu'à la saturation, au bruit blanc, à la catastrophe, une constante dérive vers le chaos, des objets nommés et déjà liquéfiés; une vitesse et une densité insoutenables; des parcours avortés ou bien interrompus, obstinément interrompus, ou bien brutalement prévisibles, comme la trajectoire d'un missile; »38 Dans les paragraphes suivants, j'aborderai la méthode de répétition utilisée par Romitelli puis présenterai un certain nombre de techniques de développement que j'ai pu observer. A. Boucles 1. Une grille de référence Si le projet musical de Romitelli est de déformer un matériau, il doit établir un point de référence qui permette à l'auditeur de comparer régulièrement l'état actuel ‐ altéré ‐ à un état initial, afin qu'il puisse percevoir la nature et l'ampleur du changement opéré. A cette fin, Romitelli établit une "grille de référence" sous la forme d'un enchaînement d'accords liés à des gestes récurrents, sorte de signaux pour l'écoute (le cluster au piano évoqué au chapitre précédent est l'un d'eux). On pourrait appeler cette unité de base de la répétition une boucle. Ici encore l'influence spectrale est prégnante. Je pense notamment à Partiels (1975), où Gérard Grisey déforme progressivement la modélisation d'un spectre (harmonique) de mi de trombone vers un spectre inharmonique, en ponctuant chaque étape du processus par un rappel de la note fondamentale jouée à la contrebasse, faisant appel à la mémoire de l'auditeur. Plus proche de Romitelli, on trouve exactement le même genre d'agencement de gestes caractéristiques (samples dans ce cas) dans le trip‐hop de Tricky. Leur fonction 37 Procédé que, par ailleurs, Romitelli exploite dans Audiodrome... 38 Programme du festival international des musiques d'aujourd'hui Musica, Strasbourg, Musica, 2000, p.154‐155 in Alessandro Arbo (textes réunis par), Le corps électrique; voyage dans le son de Fausto Romitelli. L’Harmattan, 2005, p. 135 30 est cependant différente puisque, si Romitelli trouve un intérêt dans la "torsion" de cet entrelacs de gestes, un artiste comme Tricky porte son attention sur l'apparition ou la disparition d'un geste ou d'un autre. L'exemple de la techno est analogue. La répétition obsessionnelle du kick sur chaque temps produit à la longue un phénomène de prévisibilité extrême : si le DJ interrompt le kick, cela devient un évènement majeur. Le même phénomène intervient sur les beats de hip‐hop. Romitelli est conscient de ce principe et en joue également. Par exemple, dans Professor Bad Trip, Lesson I, à partir de la mesure 7 (p. 2), la clarinette installe un double slap en sf au début de chaque boucle qui leur insuffle une énergie initiale. A la mesure 19 (p. 4), ce slap est soudainement effacé et remplacé par une pâle copie : un pizz de violoncelle en mf. Ce substitut ne peut pas rivaliser avec la puissance du geste originel (surtout dans la version très post‐
produite d'Ictus).... pourtant, par le phénomène décrit plus haut, l'énergie est tout de même dégagée, comme si notre mémoire interpolait le slap qu'elle sentait venir «comme la trajectoire d'un missile»39. 2. Morphologie En parcourant les partitions de Romitelli, on se rend compte que ces boucles sont toutes structurées de façon assez semblable. L'exemple reproduit sur la page suivante (Figure 28) est tiré de Professor Bad Trip, Lesson II et fait apparaître assez clairement cette structure récurrente. Le grand encadré délimite la boucle (le trait de piano continue en fait jusqu'à la première mesure de la page suivante). Elle commence par un enchaînement de deux accords, dominés par la guitare électrique, puis, dans la continuité du deuxième accord, la trompette se détache et lance un trait mélodique montant qui aboutit sur un sf; le reste de l'ensemble réagit à ce geste par des traits rapides et montants presque tout de suite interrompus par le piano, qui entame une descente tonitruante s'achevant dans l'extrême grave (p.7). J'y vois une construction et une répartition de l'énergie assez classique : préparation (P) ‐ accent (A) ‐ désinence (D). Au début d'Audiodrome, j'observe la même construction. Une préparation : le trait mélodique da niente, rapide et montant, joué principalement par les vents; un accent : l'accord sff joué par tout l'orchestre excepté les cordes et, enfin, une longue désinence : la citation de Strauss aux cordes et au basson qui s'achève par un "parasitage" des cordes, de plus en plus bruiteux. Cette analyse n'a rien d'universel mais a pour objet de montrer que Romitelli cherche à rendre son discours le plus intelligible possible. 39 Présentation de Professor Bad Trip par Fausto Romitelli dans le programme du festival international des musiques d'aujourd'hui Musica, Strasbourg, Musica, 2000, p.154‐155 in Alessandro Arbo (textes réunis par), Le corps électrique; voyage dans le son de Fausto Romitelli. L’Harmattan, 2005, p. 135 31 Figure 28 : Professor Bad Trip, Lesson II, p. 6 32 B. Techniques de développement 1. Variation La variation est le premier procédé ‐ le plus simple techniquement ‐ à entrer en jeux dans la déformation du matériau. Il s'agit en fait de "fausses" répétitions textuelles. Rien ne semble changer, et pourtant, les choses ont été légèrement déplacées : un rythme, une durée, une doublure... Ce procédé intervient souvent au début des sections, lorsque le matériau est exposé pour la première fois, pour le fixer dans la mémoire. En réalité, la métamorphose du matériau est déjà amorcée... Voici les premières mesures d'Amok Koma : Figure 29 : Amok Koma, mes. 1‐4, p. 1, extrait : vents, perc, pno et synthé. Le cycle de trois accords plaqués au piano et aux crotales est répété deux fois à l'identique puis une troisième fois, mais avec un léger rapprochement des deux premiers accords. A la deuxième répétition, les vents et les cordes (invisibles sur cet extrait) ajoutent une imperceptible résonnance au troisième accord, tandis que le synthétiseur double le mi grave du piano. A la troisième répétition, la troisième note du synthétiseur (do#) est octaviée. Chaque répétition de la boucle a donc subi des variations, mais du point de vue de la mémoire, on a entendu trois fois la même chose : le geste des trois accords plaqués. 33 2. Ornementation J'utilise ici le concept d'ornementation dans une acception assez large : j'y inclus toutes les notes qui entourent les notes constitutives de l'harmonie et des gestes caractéristiques, sans en faire explicitement partie. L'ornementation débouche très souvent sur une forme de saturation du rythme à la manière baroque. Cependant, contrairement aux Baroques qui y voient un aboutissement formel (péroraison), Romitelli n'y voit qu'un nouveau commencement. J'y reviendrai dans le chapitre sur la forme. Voici deux extraits tirés de PBT240. Ils correspondent à deux versions de la boucle précédemment évoquée (Figure 28) : le premier se situe à la page 6 et le deuxième à la page 12. Durant les 6 pages qui séparent ces deux instants, la boucle est répétée inlassablement et un processus d'ajout progressif de notes "de passage" et de remplissage entre les notes d'harmonie est mis en œuvre. Dans ce cas, il est mené à son paroxysme : l'espace est saturé de gammes chromatiques montantes (le même procédé est appliqué aux cordes). Malgré ce qui est en fin de compte une banalisation du matériau, les repères harmoniques et gestuels ‐ la grille de référence ‐ restent bien présents comme l'indiquent dans l'exemple ci‐dessous les marqueurs colorés. Figure 30 : Professor Bad Trip, Lesson II, mes. 23‐25, p.6, extrait : flûte, clarinette et trompette 40 Professor Bad Trip, Lesson II 34 Figure 31 : Professor Bad Trip, Lesson II, mes. 58‐61, p. 12, extrait : flûte, clarinette et trompette Ce type de processus n'aboutit pas nécessairement à des gammes chromatiques. La plupart du temps, ces notes "ornementales" constituent des modes non‐octaviants qui ne sont par ailleurs pas systématiquement les mêmes d'une version à l'autre de la boucle. Voici un extrait d'Amok Koma où j'ai identifié les modes dans lesquels sont inscrites les notes de passages liées à chaque accord. Les notes appartenant aux accords sont colorées : Figure 32 : Amok Koma, mes. 111‐113, p. 23, extrait : fl, cl, clB, perc et pno. 35 En regroupant les notes d'harmonie et les notes d'ornementation pour chaque accord, on obtient ces modes : Figure 33 : modes non‐octaviants L'empilement de tierces majeures et mineures est très courant dans ce genre de modes et rappelle d'ailleurs la morphologie des accords employés par Romitelli. Je soupçonne qu'une forme se symétrie se cache dans ces modes; les notes de passage seraient par exemple des projections des notes d'accords par un centre de symétrie. Mais, dans l'état actuel de mes recherches, je ne suis pas en mesure de l'affirmer ni d'expliquer la structure ou le mécanisme de construction précis qui génère ces modes, à supposer que Romitelli lui‐même les conçoive explicitement comme tels. 3. Accumulation Le principe d'accumulation comme technique de développement est présent dans pratiquement toutes les pièces de Romitelli. L'exemple d'Amok Koma est éloquent : cette pièce commence par un cycle de trois accords autour desquels vont fleurir toute une série de nouveaux accords, tous différents mais toujours enchaînés dans le même ordre, élargissant la boucle initiale à chaque répétition et nous plongeant dans un labyrinthe harmonique. Ce cycle qui finit par compter 17 accords n'est pas toujours joué linéairement du début à la fin; des sous‐cycles se mettent à tourner fou et à être développés indépendamment. Dans Audiodrome c'est le motif énoncé par le piano à partir de la mes. 45 (déjà présent en filigrane dans les "parasitages" de la citation de Strauss) qui se duplique, se transpose et envahit tout l'orchestre dans un cycle quasi dodécaphonique : Figure 34 : transpositions du motif de piano dans Audiodrome Dans PBT, ce sont les gestes qui s'accumulent anarchiquement. La figure suivante synthétise la partie de basse (écriture simplifiée) de toute la première vague de 36 développement de PBT241. Chaque portée présente une nouvelle itération de la boucle (présentée Figure 28) : Figure 35 : Professor Bad Trip, Lesson II, p. 6‐13, partie de basse. On voit bien comme la cellule initiale mi‐fa#‐do est de plus en plus infestée de petits motifs secondaires qui sont répétés ou non, modifiés ou non, d'une itération à l'autre. Même si, à ma connaissance, Romitelli n'en parle jamais, un illustre prédécesseur et compatriote avait déjà exploité ce genre de procédés de prolifération : Luciano Berio. Par ailleurs, comme je le disais plus haut, ces techniques font penser au mécanisme de la métastase, cette «croissance d'un organisme pathogène ou d'une cellule tumorale à distance du site initialement atteint par voie sanguine ou lymphatique»42. 4. Corrosion Parfois, le matériau semble être attaqué par un acide qui le déforme, le "tord", le "plie" ou pervertit son harmonie. L'introduction d'An Index of Metals en est la plus pure illustration. Le sample de Shine On You Crazy Diamond étale un long accord de sol mineur qui est "attaqué" par des vagues successives et de plus en plus violentes jouées par l'ensemble. En voici une réduction harmonique (qui ne comporte que les notes différentes de l'accord initial pour clarifier la lecture) : 41 de la mesure 23 jusqu'à la première cadence de violoncelle 42 http://fr.wikipedia.org/wiki/Métastase_(médecine) 37 Figure 36 : An Index of Metals, mes. 1‐49, p. 1‐10, réduction harmonique Dans PBT II, le même genre de procédé est appliqué à une texture plus complexe. Voici la réduction d'une de ces attaques corrosives : Figure 37 : Professor Bad Trip, Lesson II, mes. 53‐54, p. 24, réduction L'accord joué sur le deuxième temps de la mesure 53 est un des trois accords de la boucle qui est en train d'être travaillée; il est déjà bien ancré dans la mémoire de l'auditeur. On voit clairement que le synthé prend le relai sur le reste de l'ensemble pour exprimer l'harmonie et que les autres instruments construisent un accord qui entre violemment en conflit avec elle, produisant une forte sensation de torsion. Pour rejoindre une pensée plus électronique ‐ qui me semble être celle de Romitelli ‐, on pourrait voir l'ensemble comme un effet de distorsion assez sale (crunch par exemple) appliqué sur le son du synthétiseur. 5. Lessivement Parfois, au lieu rendre le matériau plus rugueux, l'acide aplanit les angles, aplatit les reliefs, diminue la définition. Dans l'extrait suivant, ce procédé très typique de "lessivement" du matériau est appliqué aux traits mélodiques montants des vents et des cordes : 38 Figure 38 : Professor Bad Trip II, mes. 61‐65, p. 13, extrait : fl, cl, trb et guit. Dès la page précédente, la guitare double ces gammes chromatiques par des glissandi réalisés à l'aide d'un bottleneck. On ne l'entend pas clairement; elle ajoute du liant à la masse. A la mesure 62, tous les instruments se taisent brusquement ne laissant plus entendre que leur propre "ombre". 6. Compression/Dilatation Le temps et le matériau sont soumis à d'incessantes compressions et dilatations. Sur cet extrait d'Amok Koma, on voit bien les zones harmoniques s'étirer et se contracter; un accord d'une croche peut soudainement s'étendre sur 7 temps et vice‐
versa : 39 Figure 39 : Amok Koma, p. 26‐27 Les instruments expriment aussi cette torsion temporelle par leur manière de déployer les sons : l'accord A, plaqué en une croche au piano à la mesures 128, devient un lent égrainement de notes à la mesure 130. Les cordes renforcent cette sensation par des glissandi qui semblent être un "étalement" horizontal d'un intervalle harmonique. Aux mesures 132‐133, les soufflets da niente qui amènent un sf aux clarinettes donnent un effet de timestretch alors que les vents aux mesures 128‐129 jouent des arpèges rapides, compressés dans de minuscules espaces. A la mesure 132, les pizz des cordes produisent sur le piano (si‐do#‐sol) un effet de delay qui, paradoxalement, s'accélère au lieu de rester constant... C'est donc toute l'écriture qui participe à faire sentir cette oscillation du temps et de l'espace. Dans PBT2, de la page 30 à 33, le piano entame une lente et régulière descente mélodique qui est rendue artificiellement plus longue qu'en réalité par des procédés similaires à la courbe de Shepard‐Risset. En voici un exemple : 40 Figure 40 : Professor Bad Trip, Lesson II, mes. 86‐89, p. 31, extrait : violon et alto. En se relayant, le violon et l'alto produisent l'illusion auditive que le trait descendant n'arrive jamais à destination. Le temps psychologique s'étire : encore une hallucination... A une échelle plus large, les tempi subissent aussi des vagues d'accélérations par des séries d'incréments de quelques BPM ou simplement par des accelerandi, souvent suivis d'un brutal retour à la lenteur. 41 VI. Forme On commence à le comprendre, la musique de Romitelli est très organique et se laisse difficilement segmenter en parties bien distinctes. Cette fluidité dans la forme est clairement héritée de la tradition spectrale dont le processus ‐ transformation liminale du matériau ‐, plus encore que l'idée de spectre, est le principe fondateur43. L'influence de Xenakis ou de Ligeti est aussi présente dans ce souci de créer un résultat sonore global par le contrôle du détail. Pour Romitelli, la forme n'est pas une fin en soi; elle doit parler à notre expérience du réel, nous atteindre d'une manière viscérale : «(...) la confection (réalisation) d'une organisation formelle impeccable, ne garantit pas, par elle‐même, la possibilité de créer une forte tension communicative; celle‐ci s'engendre (se produit) lorsqu'une parabole formelle est vécue comme réalité virtuelle. L'objet musical doit résonner. Il doit être saisi en qualité d'énigme, d'allusion; il doit tisser (tramer) un réseau de correspondances secrètes avec notre vécu.»44 En ce sens, il n'est pas un compositeur de partitions «didactiques»45, destinées à une analyse exhaustive; il cultive un goût du mystère, de l'ellipse, mais toujours en visant une «efficacité perceptive»46, qui selon lui n'était pas au centre de l'attention de nombreux compositeurs de l'avant‐garde d'après‐guerre. Il reste cependant un compositeur "lettré", soucieux de systèmes et de cohérence conceptuelle (comme le montre par exemple l'atteinte progressive d'un total chromatisme dans Audiodrome). J'ai essayé de synthétiser un certain nombre de tournures formelles qui traversent son œuvre. La fréquence de ces constantes formelles montre que Romitelli a procédé par essai/erreur en n'hésitant pas à garder dans sa boîte à outils, au fil des années, les formules les plus efficaces. A. Introductions Avant de lancer les mécanismes de développement décrits plus haut, Romitelli aménage souvent une zone introductive où l'auditeur est plongé dans l'univers sonore de la pièce mais d'une manière figée, comme si le temps n'avait pas encore commencé à s'écouler ou comme si la machine peinait à démarrer. On sent bien cette immersion dans 43 Gérard, Grisey, La musique : le devenir des sons, in Darmstäter Beiträger Neven Musik, XIX, 1982, p. 16‐23. Conférence de Darmstadt résumant les premiers résultats des recherches sur le son et leur application dans la musique. 44 L'idée musicale, éd. par Christine Buci Glucksmann et Michael Levinas, Vincennes‐Saint‐Denis, Presses Universitaires de Vincennes (Collection "La Philosophie hors de soi"), 1993, p.43‐45 in Alessandro Arbo (textes réunis par), Le corps électrique; voyage dans le son de Fausto Romitelli. L’Harmattan, 2005, p. 128 45 John Goldman, Analyse de, par, et selon Pierre Boulez : un parcours à travers les écrits et les œuvres in Sophie Stévance (dir.), Composer au XXIe siècle : Pratiques, philosophies langages et analyses, Vrin, «MusicologieS», 2010, p. 161‐164 46 "Il compositore come virus", dans Milano musica. Percorsi di musica d'oggi ­il pensiero e l'espressione. Aspetti del secondo Novecento musicale in Italia, Milan, Milano Musica, 2001, p.148‐
149 in Idem, p. 131 42 les premières mesures de PBT2. La couleur mineure est donnée d'emblée par le drone sur mi joué à la basse (avec e‐bow) et le sol ambiant. Le piano doublé par le kazoo et, plus tard, par la flûte font entendre une prémonition du motif principal qui entrera à la mesure 24, à la trompette : Figure 41 : Professor Bad Trip, Lesson II, extraits : piano mes. 3 et trompette mes 24 L'intervalle descendant du motif de la mesure 3 est renversé et devient le saut d'octave diminuée que j'avais qualifié plus haut d'accent. Ainsi transformé, le motif peut dégager l'énergie nécessaire pour lancer le développement. Les six premières pages d'Audiodrome font aussi office d'antichambre musicale. Dans les parasitages de la citation de Strauss se trouvent déjà les germes du motif qui apparaîtra au piano à la mesure 31 et encore plus clairement à la mesure 45, et qui se répandra tel un virus dans la texture orchestrale. Par exemple : Figure 42 : Audiodrome, extraits : vln 1 mes. 16 et piano mes. 45 Amok Koma et Trash TV Trance, par exemple, font partie d'une toute autre catégorie, plus violente. On y est propulsé sans transition dans la boucle de base qui, après avoir été répétée et variée un certain nombre de fois, est ensuite travaillée. Dans ces cas, l'introduction se mêle au développement. Autant dire qu'il n'y en a pas : on est plongé dans une musique qui n'a ni début ni fin. B. Directionnalité mélodique Les mouvements mélodiques ou de masse orchestrale sont souvent très directionnels et il existe une dialectique entre ces mouvements ascendants et descendants. Ainsi, la dominance d'un type de mouvement dans une section est souvent contrebalancée par l'autre dans une section suivante. Dans Audiodrome par exemple, la citation de l'Alpensinfonie est une stricte descente mélodique; le motif qui apparaît à la mesure 45 (cfr. Figure 42) est dans la continuité de ce mouvement. L'omniprésence de mouvements descendants atteint son paroxysme aux pages 25 et 26 où le motif principal et ses transpositions engendrent des dégringolades de sextolets (encore un exemple, d'ailleurs, de procédé de courbe de Shepard et de dilatation du matériau) : 43 Figure 43 : Audiodrome, p. 25, extrait : fl, ob et cl L'orchestre tout entier réagit aux pages suivantes en inversant la tendance, comme s'il se tirait lui‐même vers le haut : Figure 44 : Audiodrome, p. 28, extrait : fl, ob et cl Ces directions très claires, presque caricaturales, sont employées par Romitelli comme des figures : efficaces pour le perception et simples à mémoriser, elles fournissent à l'auditeur des repères formels sans ambiguïté. C. Climax Les compositions de Romitelli sont souvent un aller simple vers la catastrophe, une sorte de rituel de destruction du son... Il part presque toujours d'une situation stable, limpide, et la fait s'embraser dans un chaos qui rappelle l'énergie du free jazz. La saturation47, autant rythmique qu'harmonique, mais aussi, dans une moindre mesure, 47 Romitelli est souvent cité comme l'un des inspirateurs du mouvement récent de "saturationnistes" français tels que Franck Bedrossian, Rafael Cendo ou Yann Robin, plus focalisés, en ce qui les concerne, par les modes de jeux permettant une distorsion du timbre même des instruments (sons fendus, émission de la voix dans les instruments à vent, toute une 44 du point de vue du timbre des instruments, est souvent le point d'aboutissement de plusieurs vagues successives de développement du matériau. D. Décrochages Les climax sont toujours suivis de redoux soudains, des "décrochages"; ils mettent l'auditeur dans un état second, une sensation de K.O. après un coup de poing... Voici le seul décrochage d'Amok Koma : Figure 45 : Amok Koma, mes. 98‐104, p. 20‐21, extrait : vents et perc. Le soudain passage à un tissu plus polyphonique, plus doux, déployé très horizontalement après une longue série d'accords violemment scandés semble nous emmener ailleurs... mais cette impression est illusoire puisqu'un enchaînement d'accords issu du cycle harmonique maintes fois entendu depuis le début de la pièce se dessine en filigranes : on n'est en fait jamais sorti de la sempiternelle boucle et ce n'est qu'une question de temps avant de s'en rendre compte... En effet, dès la mesure 111, les accords plaqués sont de retour, toujours sur le même sous‐cycle harmonique qui semble tourner fou. E. Non­fins Les fins romitelliennes ne sont pas de grands climax héroïques; elles sont mystérieuses, évanescentes, elliptiques... Elles ne sont pas davantage des conclusions. Elles menacent de s'embraser à nouveau mais au contraire, s'effritent et disparaissent au loin (PBT 1 et 2 ou Amok Koma). Par contraste, Romitelli aime aussi interrompre brutalement ses compositions, comme on éteint une télévision. Il met clairement en scène cette métaphore à la fin de Trash TV Trance où il demande à l'interprète de finir par un «silence subit, sans réverbération, comme interrompu»48. L'image est encore plus évidente dans Audiodrome où le guitariste coupe la parole aux percussionnistes («You are lost») avec un buzz électrique. Dernier exemple : l'indication «STOP» inscrite à la fin de PBT3 indiquant qu'il faut interrompre subitement la bande. variété d'écrasés...). Par exemple : Pierre‐Albert Castanet dans Sophie Stévance (dir.), Composer au XXIe siècle : Pratiques, philosophies langages et analyses, Vrin, «MusicologieS», 2010, p. 19 48 Certains interprètes enlèvent carrément le jack (Gilbert Impérial, Lucia d'Errico, Giacomo Baldelli...). De nombreuses interprétations sont disponibles sur www.youtube.com 45 Quand on y pense, ces deux types de "non‐fins" (Fade out et Cut) à l'impact poétique très efficace sont à peu près les seules manières d'achever une forme qui ‐ très généralement ‐ consiste à présenter diverses configurations spacio‐temporelles d'un matériau musical et à en faire varier le degré de torsion. Elles constituent l'extrémité de la fenêtre temporelle dans laquelle la musique a existé mais au delà de laquelle elle aurait pu continuer49. En d'autres termes le retour, progressif ou brutal, à la réalité après un rêve (ou un cauchemar) éveillé. 49 Sans oublier que, comme on l'a vu, cette transformation permanente du matériau semble avoir déjà commencé avant le début de la pièce... 46 Conclusion Ce premier dégrossissage, ce survol technique mettant les œuvres en perspective, dans une approche méthodologique visant à tester chaque hypothèse dans plusieurs sources à la fois m'a permis d'y voir plus clair, globalement, dans la pensée musicale et l'artisanat de Fausto Romitelli, en particulier sa "dernière manière". Son écriture s'inscrit clairement dans la tradition de la musique savante occidentale et a particulièrement bien intégré les inventions du XXème siècle. On y retrouve la trace des classiques dans son écriture harmonique limpide soutenue par un continuo et une basse très présente; on entend les masses sonores de Ligeti ou de Xenakis; on reconnait les harmonies atonales de Schönberg ou de Boulez mais aussi les conceptions spectrales développées plus récemment; on retrouve Varèse dans l'inspiration de l'électronique pour renouveler l'acoustique; on pense une fois de plus aux spectraux avec les développement en processus... Son écriture est foisonnante et très plastique bien que basée sur la répétition. Malgré la noirceur de certaines pages, elle est complexe mais rarement compliquée et vise toujours des objectifs assez pragmatiques. Elle est tout simplement au service d'un projet poétique destiné à être perçu par des auditeurs. Romitelli n'a pas réinventé la musique. Bien qu'il «parle parfois comme un théoricien du structuralisme»50, il n'est pas le scientifique de la musique qui conçoit de nouveaux systèmes sur papier. Son génie tient dans son imagination sonore débordante et sa capacité à inventer le son et son devenir. Sa musique regorge de trouvailles d'orchestration peu conventionnelles mais aussi plus classiques qui la rendent extrêmement rafraîchissante. Il hérite ce goût pour la recherche de sons inouïs des musiques populaires et alternatives de ces dernières décennies, qu'il met sur un pied d'égalité avec les préoccupations similaires de la musique savante récente, ce qui ne l'empêche pas d'être critique à l'encontre d'une certaine banalité répandue par le monopole culturel des média de masse. Sa pensée musicale, cultivée et ouverte, exigeante mais généreuse, a été fauchée en plein vol. Il ne fait cependant aucun doute que sa modernité constituera une source d'inspiration pour de nombreux artistes à venir... où qu'ils soient : «La révolution musicale des prochaines années ne viendra peut‐être pas de la musique écrite et des compositeurs cultivés, mais de la foule anonyme des jeunes, qui possèdent aujourd'hui un ordinateur avec lequel ils échantillonnent et traitent des sons : justement parce qu'ils n'ont pas de prétentions artistiques, qu'ils développent un nouveau savoir artisanal, une nouvelle sensibilité et peut‐
être, demain, une nouvelle musique.»51 50 Pietro Borradori in Luisa Vinci in Maria Mauti (édité par), Andrea Locatelli (réalisation), "Incontri Contemporanei : Fausto Romitelli", Classica (chaîne télévisée italienne), 2009. Traduction : Pierre Slinckx. 51 Il compositore come virus, dans Milano musica. Percorsi di musica d'oggi ­il pensiero e l'espressione. Aspetti del secondo Novecento musicale in Italia, Milan, Milano Musica, 2001, p.148‐
149 in Alessandro Arbo (textes réunis par), Le corps électrique; voyage dans le son de Fausto Romitelli. L’Harmattan, 2005, p. 133 47 Ressources E. Denut (entretiens réunis par), Musique actuelles, musique savante : Quelles interactions? , L’Itinéraire/L’Harmattan, 2001. Alessandro Arbo (textes réunis par), Le corps électrique; voyage dans le son de Fausto Romitelli. L’Itinéraire/L’Harmattan, 2005 Jérôme Baillet, Gérard Grisey : Fondements d'une écriture, L'Itinéraire/L'Harmattan, Paris, 2000 Sophie Stévance (dir.), Composer au XXIe siècle : Pratiques, philosophies langages et analyses, Vrin, «MusicologieS», 2010 Henri Michaux, Misérable Miracle, Gallimard, nrf, 1991 Jean‐Luc Plouvier, livret du CD/DVD An Index of Metals Jean‐Luc Plouvier, livret du CD Professor Bad Trip Base de donnée de l'IRCAM sur la musique contemporaine : http://brahms.ircam.fr/composers/composer/2755/#parcours Centre National de Création Musicale : http://www.cirm‐manca.org/fiche‐
oeuvre.php?oe=6 Critique du CD Audiodrome (Stradivarius, STR 33723, 2007) sur AltreMusiche.it : http://www.altremusiche.it/sx/testi/rececd/romitelli2.htm Maria Mauti (édité par), Andrea Locatelli (réalisation), Incontri Contemporanei : Fausto Romitelli (documentaire), Classica (chaîne télévisée italienne), 2009 48 Discographie Fausto ROMITELLI, Anamorphosis, Talea Ensemble, direction : James Baker, 1 cd Tzadik, 2012. Fausto ROMITELLI, The Nameless City, ensemble Musiques Nouvelles, direction : Jean‐
Paul Dessy, 1 cd Cyprès, CYP5623, 2012. Fausto ROMITELLI, Audiodrome (œuvres orchestrales), Orchestra Sinfonica Nazionale della RAI, Donatienne Michel‐Dansac : soprano, direction : Peter Rundel, 1 cd Stradivarius, STR33723, 2005. Fausto ROMITELLI, Paolo PACHINI, An Index of Metals, ensemble Ictus, direction : Georges‐Elie Octors, Donatienne Michel‐Dansac : soprano, 1 cd et 1 dvd Cyprès, CYP5622, 2003. Fausto ROMITELLI, Professor Bad Trip, ensemble Ictus, direction : Georges‐Elie Octors, 1 cd Cyprès, CYP5620, 2003. Iannis XENAKIS, Edgard VARESE, Fausto ROMITELLI, Milano Musica Festival, ensemble Asko (dir. Stefan Asbury), 1 cd Stradivarius, STR33871, 2005. 49 Table des matières Introduction...................................................................................................................................... 6 II. Racines........................................................................................................................................... 8 A. Influences musicales............................................................................................................................8 B. Influences extra­musicales................................................................................................................9 III. Instrumentarium et écriture instrumentale ................................................................ 13 A. Instruments­jouets et autres gadgets ......................................................................................... 14 B. Guitare/Basse électrique ................................................................................................................ 17 C. Synthétiseurs et électronique........................................................................................................ 19 D. Cordes.................................................................................................................................................... 21 IV. Harmonie .................................................................................................................................. 24 A. Continuo?.............................................................................................................................................. 24 B. Aspects mélodiques .......................................................................................................................... 24 C. Caractéristiques de l'harmonie ..................................................................................................... 26 1. Spectres distordus ............................................................................................................................................26 2. Intervalles dominants .....................................................................................................................................27 3. "Epaisseur" du son............................................................................................................................................28 V. Développement ........................................................................................................................ 30 A. Boucles .................................................................................................................................................. 30 1. Une grille de référence....................................................................................................................................30 2. Morphologie.........................................................................................................................................................31 B. Techniques de développement ..................................................................................................... 33 1. Variation................................................................................................................................................................33 2. Ornementation ...................................................................................................................................................34 3. Accumulation ......................................................................................................................................................36 4. Corrosion ..............................................................................................................................................................37 5. Lessivement .........................................................................................................................................................38 6. Compression/Dilatation.................................................................................................................................39 VI. Forme ......................................................................................................................................... 42 A. Introductions....................................................................................................................................... 42 B. Directionnalité mélodique.............................................................................................................. 43 C. Climax..................................................................................................................................................... 44 D. Décrochages ........................................................................................................................................ 45 E. Non­fins ................................................................................................................................................. 45 Conclusion ...................................................................................................................................... 47 Ressources...................................................................................................................................... 48 Discographie.................................................................................................................................. 49 50 

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