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Les Acteurs de l’Immobilier Les Acteurs de l’Immobilier Les marathons de l’architecture par Patrick Blaser Marathon de Marrakech: entre les orangers et les palmiers, le charme mauresque Après les «américaines» (New York, Chicago et Boston), et les marathons de Barcelone, Berlin et Pékin, notre chroniqueur Patrick Blaser met le cap plein sud en direction de Marrakech dont le marathon, qui a lieu en janvier (mais au chaud), permet de commencer l’année sportivo-culturelle sous les meilleurs auspices. A vec le marathon de Marrakech, le dépaysement, entre l’architecture mauresque, les orangers et les palmiers est garanti. Le départ du marathon est donné à quelques enjambées de la célèbre Koutoubia. Ensuite, le plaisir se partage entre les vues imprenables sur les monts enneigés du Haut-Atlas, le parcours le long des remparts ocres de la ville, le coup d’œil sur les minarets de la Médina, la traversée de la grandiose palmeraie et le retour sur la Ménara avec en point de mire... la Koutoubia. Une architecture du passé historique Le passé est tellement présent à Marrakech qu’il serait illusoire d’en comprendre son architecture sans le replacer dans son contexte historique. Au début étaient les Berbères. Ces tribus, nomades, occupaient tout 72 N u m é r o le nord de l’Afrique où elles se sont définitivement ancrées. Au fil des siècles, les tribus berbères se sont adaptées tant bien que mal aux diverses influences venues de la Méditerranée (parmi les classiques: les Phéniciens, les Carthaginois, les Romains, les Byzantins). Mais finalement (au VIIe siècle) c’est l’islam qui emporte définitivement le morceau avec la conquête arabe de toute l’Afrique du Nord sous l’égide des califes de Damas, puis de ceux de Bagdad. L’esprit conquérant du monde arabe n’a d’ailleurs pas épargné l’Europe, puisque leurs hordes guerrières sont montées jusqu’à Poitiers (732) avant de refluer en Espagne où elles sont restées jusqu’en 1492 (dernière villa à être occupée: Grenade). Cela afin de rappeler que l’architecture berbère allait largement s’imprégner de l’art musulman avec un zeste (et même plus) d’art andalou. Pour Marrakech, les choses sérieuses commencent avec la dynastie 1 6 berbère des Almoravides, qui ont fondé la ville et en ont fait leur capitale (XIe siècle). C’est de cette époque que remontent les palmeraies qui font actuellement la fierté de Marrakech. Les Almoravides ne se sont toutefois pas reposés sur leur feuilles de palmiers (enfin pas tout de suite) puisqu’ils sont derechef partis à la conquête de tout le Maroc, débarquant même en Espagne. Haut fait d’armes des Berbères: la prise de Valence (en 1103). Victimes de leur succès, les Almoravides se font éjecter en 1147 de Marrakech par des Berbères radicaux qui prônent un islam plus rigoureux (décidément chaque religion a eu son Calvin!) et instaurent une nouvelle dynastie: celle des Almohades. Cette dynastie a été conquérante: en Espagne jusqu’à Castille et en Afrique du Nord jusqu’à Tripoli. Toutefois, l’heure du déclin des Almohades a assez rapidement sonné La Médina. et cette dynastie a été supplantée par celle des Mérinides, qui les ont délogés de Marrakech en 1269. Les Européens débarquent La chute de Grenade (en 1492) met fin aux ambitions berbères de constituer un empire ibéro-marocain. Pire: c’est au tour des Portugais et des Espagnols de commencer à prendre leurs aises dans différentes villes côtières du Maroc. Par la suite, le sursaut marocain vient des princes Chérifiens, Saâdiens puis Alaonites, tous d’origine arabe qui, pendant trois siècles, redonnent leurs lettres de noblesse au Maroc en reprenant plusieurs villes aux Européens. Toutefois, dès 1830, les choses se gâtent sérieusement puisque le Maroc, de colonisateur qu’il avait été, commence à être lui-même colonisé par les Français et, dans une moindre mesure, les Espagnols. Placé sous protectorats français et espagnol, le Maroc finit néanmoins par retrouver sa véritable indépendance en 1956. l’intérieur de ses remparts. Cellesci, très férues d’art, ont construit palais, mosquées et demeures privées en s’inspirant directement de l’art hispano-mauresque qui s’était imposé en Andalousie. C’est à cette influence que l’on doit en particulier les riads de Marrakech, qui font actuellement tout le charme de cette ville. Autant de riads, autant de paradis! L’art hispano-mauresque s’impose Le minaret de la Koutoubia: la fierté de Marrakech L’architecture de Marrakech garde de nombreux vestiges des dynasties almoravide, almohade, saâdienne et alaonite qui se sont succédé à S’il est un emblème de Marrakech, c’est bien le minaret de la Koutoubia. Visible, avec ses 70 m de hauteur, des quatre points cardinaux f é v r i e r – ma r s 2 0 0 9 • 73 Les Acteurs de l’Immobilier Les Acteurs de l’Immobilier La Ménara. de la ville, il constitue un point de repère efficace. C’est d’ailleurs à quelques pas de chameau de ce haut lieu religieux, et touristique, que se situent le départ et l’arrivée du marathon. Véritable joyau de l’art hispano-mauresque, on doit sa construction du XIIe siècle aux souverains almohades. Sa construction robuste tranche avec la délicatesse des décorations ornant les façades supérieures de l’édifice, toutes d’aspect différent. Il a servi de modèle à la Giralda de Séville, puis à la tour Hassan à Rabat (ce n’est pas peu dire…!). La place Jemaa-el-Fna: inscrite au patrimoine oral de l’humanité de l’Unesco On ne saurait citer le minaret de la Koutoubia sans mentionner la plus célèbre place de Marrakech, qui se trouve à quelques dizaines de palmiers de là. Il s’agit de la place Jemaa-el-Fna, la plus vaste de la Médina, dont elle représente le centre commercial, touristique et culinaire. Le soir, c’est l’endroit le plus animé de Marrakech (qui n’en manque pas). Entre les porteurs d’eau en grande tenue, les conteurs et diseu- 74 N u m é r o ses de bonne aventure (auxquels la place doit d’avoir été déclarée par l’Unesco «chef-d’œuvre du patrimoine oral de l’humanité» (cela ne s’invente pas!), les musiciens charmeurs de serpents et les innombrables restaurants en plein air, tout le monde y trouve son compte, y compris les pickpockets. La Ménara: le romantisme berbère Très proche du départ, à l’extérieur de l’enceinte de la Médina, se situe la magnifique oliveraie de la Ménara qui comprend, comme touche romantique, un élégant petit pavillon qui se reflète sur les bords d’un immense bassin avec, comme toile de fond, l’Atlas. Promenade de prédilection des sultans, amoureux, la tradition a été reprise par les habitants actuels de Marrakech qui ont fait de ce gigantesque parc la destination incontournable de leurs week-ends. Les remparts: témoin de mille ans d’histoire Autre point d’orgue du marathon de Marrakech: la ceinture de remparts presque millénaires. 1 6 La Palmeraie. Selon la lumière du jour, les remparts de Marrakech varient du rouge-ocre au rose pastel. Sur fond blanc des cimes enneigées de l’Atlas, l’effet est splendide. La quasi-totalité des remparts élevés successivement par les Almoravides, les Almohades et enfin les Saâdiens a résisté aux atteintes du temps. En tout, ce sont près de 20 km de murailles construites en pisé, comprenant plus de 200 tours carrées, qui ceignent l’intégralité de la vieille ville de Marrakech, la Médina. Au passage on peut admirer certaines des magnifiques portes qui s’ouvrent sur la Médina, constituant par elles-mêmes de véritables monuments. Il est vivement conseillé de visiter la Médina avant le marathon (après, rien n’est garanti!). La Médina: se perdre dans les souks La Médina de Marrakech est inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1985, comme le sont également celles de Fès, Meknès et, depuis plus récemment, celles de Tétouan et d’Essaouira. Celle de Marrakech reste la plus étendue. L’authentique y est assuré. Seul moyen de locomotion conseillé: à pied. Dans des dédales, où l’on ne peut que se perdre (et c’est tant mieux), les souks succèdent aux souks, tous gorgés de boutiques noyées d’articles artisanaux, de nourritures ou d’habits et où règne le plus grand des tumultes. Heureusement quelques échappatoires se présentent pour récupérer ses esprits dans le calme: il s’agit de cafés donnant sur des patios comprenant fontaines et orangers (difficile ensuite de s’en extirper pour replonger dans l’animation des ruelles marchandes). Parmi ces dédales se situent la médersa et la mosquée Ben-Youssef, dont les non-musulmans ne peuvent admirer que les magnifiques tuiles vertes du toit (ce qui vaut tout de même la peine d’être vu). Cette médersa est architecturalement intéressante, puisqu’elle constitue l’un des exemples les plus emblématique de l’architecture arabo-andalouse, tant à l’extérieur qu’à l’intérieur. Tout y est en même temps harmonie, raffinement et sobriété. Autres visites incontournables: celle de la mosquée d’El-Mansour qui est une construction contemporaine à celle du minaret de la Koutou- bia, ainsi que celle des tombeaux saâdiens. Tout y est raffinement et délicatesse. La palmeraie: 20 kilomètres de paix Une grande partie du marathon traverse la gigantesque palmeraie de Marrakech, véritable poumon verdoyant de la ville. En fait, il faut un peu nuancer. En effet, tous les propriétaires ne vouent manifestement pas le même soin à leur «bout» de palmeraie. Certaines paraissent être abandonnées. Un signe qui ne trompe pas: des troncs carrément «dépalmés» alors que d’autres, heureux contrastes, sont luxuriants. Par ailleurs, le boom immobilier et hôtelier est manifeste à maints endroits où hôtels et villas de luxe se côtoient à l’ombre des … palmiers, bien évidemment. En tout état, la traversée de la palmeraie laisse un souvenir inoubliable, avec pour seuls spectateurs, sur des kilomètres, quelques chameaux que le passage du marathon ne rend pas plus exubérants qu’à leur habitude ancestrale. Par ailleurs, la magie des lieux opère d’autant plus qu’à cet endroit les marathoniens ne se bousculent pas, puisqu’ils courent pratiquement en solitaire (plusieurs centaines de mètres peuvent en effet séparer les rescapés que la chaleur, même en janvier, n’aurait pas terrassés). Bref, la palmeraie vaut véritablement le détour (et c’est tant mieux, puisque ce détour comprend près d’une vingtaine de kilomètres). Après le marathon, un seul objectif: rejoindre la douce moiteur de son riad et s’y prélasser le plus longtemps possible. C’est largement mérité. n Patrick Blaser [email protected] Marathons de l’Architecture déjà parus: Pékin, de la Cité interdite à la Cité olympique, Prestige Immobilier N° 15 Berlin, la capitale européenne de l’architecture d’avant-garde, Prestige Immobilier N° 14 Boston, le charme britannique d’une ville américaine, Prestige Immobilier N° 13 Barcelone, au milieu des folies architecturales de Gaudi, Prestige Immobilier N° 12 Chicago, la ville de tous les contrastes architecturaux, Prestige Immobilier N° 11 New York, une ville et un marathon mythique, Prestige Immobilier N° 10 f é v r i e r – ma r s 2 0 0 9 75