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des sanctions (financières entre autres) pour la troupe et pour
la structure de représentation.
Ceci n’est pas une recommandation, mais une obligation, y
compris pour les troupes amateurs.
Merci de respecter les droits des auteurs afin que les troupes
et le public puissent toujours profiter de nouveaux textes.
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
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NOS PETITES HISTOIRES ...
de Rosapristina
durée: 90 minutes environ
décor : très simple,il doit pouvoir être changé rapidement. Table, chaises, canapé, lit ...
costumes: contemporains
Tout public
Distribution évolutive: 33 rôles + danseurs, mimes. Les comédiens peuvent jouer
plusieurs personnages.
14 rôles féminins, 15 rôles masculins, 1 enfant, 2 adolescents
un(e) récitant(e)
les couples:
– Anne et Thibault (la trentaine)
– Céline et Bertrand (la trentaine)
– Francine et Xavier (la trentaine)
– Margaux et Charles (la trentaine)
– Marine et Pierre (la quarantaine)
– Sabrina et Gautier (22-26 ans)
– Sophie et Cédric (la trentaine)
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Salomé (6-9 ans)
Priscilla ( 15-17 ans)
Romain ( 15-17 ans)
La maman de Salomé (35- 45 ans)
Marie-Hélène (40-50 ans)
Fabienne (40-50 ans)
Michel (40-50 ans)
Patrick (40-50 ans)
Christian (40-50 ans)
la mère de Sophie (50-60 ans)
le père de Priscilla ( 45-50 ans)
Daniel, le médecin (50-60 ans)
le vieil homme (75-80 ans)
3 doubles femme: Fbis, Mbis, Sbis
2 doubles homme: Pbis, Xbis
Nota: les citations en début de scène peuvent être dites en voix off, ou par un
récitant qui s'adresserait directement au public; quand il y a des textes introductifs,
ceux-ci doivent être dits (scandés) par 2 personnes minimum.
Dans tous les cas, laissez libre cours à votre imagination! Et bougez !
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
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Synopsis:
En plusieurs tableaux (monologues, dialogues ...) suivre des réflexions autour des
petits mensonges du quotidien, avec un récitant qui nous entraîne dans les fictions
et qui nous laisse toujours un pied dans la réalité; sans chercher à justifier quoi que
ce soit, ce sont surtout les relations humaines qui sont décortiquées , et ceci de
manière non exhaustive ...
TABLEAUX
Prologue"et si je vous racontais une petite histoire?"
I."c'est pas moi, je te jure!"
II."ça va?
III."Le coup de fil"
IV."Tu m'aimes ?
V."Pause terrasse"
VI.petit papa Noël
VII."Petite histoire de la vie quotidienne"
VIII"Le groupe"
1er intermède : tableau dansé
IX"L'enfer"
X."Que dire?"
XI.T'es toi quand tu mens : l'enfer, 2ème partie
XII."La surprise d'anniversaire"
XIII.Théorie de comptoir
XIV.Laissez-nous croire !
XV"La vraie vie est ailleurs"
XVI."Petits arrangements avec la réalité"
XVII. Je sors/ Tu pars
XVIII."Mens-moi"
2ème intermède: tableau dansé
XIX."La promesse"
tableau dansé
Epilogue: "raconte-moi une histoire"
Ce texte est déposé à la SACD. Merci d'en faire la déclaration avant toute
exploitation totale ou partielle . www.sacd.fr
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
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PROLOGUE
Une scène vide. Le récitant entre en scène, investit l'espace scénique et s'adresse
dirctement au public .
Le récitant: Et si je vous racontais une petite histoire ? Une belle journée comme la vie
nous en offre souvent, avec de généreux rayons de soleil qui découpent les feuilles en
ombres... Des passants, une discussion de voisinage. J'observe....
– bonjour, ça va?
– ça va, et toi ?
– ça va, oui.
Une petite histoire de la vie quotidienne.
Et c'est là que sous ce beau soleil d'automne je m'exclame, je m'interroge et je m'insurge:
Voilà un bel exemple de parler pour ne rien dire. Pas sympa, vous allez penser. Ces gens
ne disaient rien de mal, non? Ils faisaient seulement un petit tour de manège "ça va? Oui,
et toi, ça va? Oui. Et la santé?"
un temps
Convenances! Automatismes ! Toutes ces questions qui n'attendent pas de réponse,
parce que dans 90 % des cas on n'a pas envie d'entendre les problèmes des autres . Il en
a sincèrement rien à faire de savoir si l’autre va bien puisqu’il est déjà parti trois km plus
loin !Alors on le laisse avec notre question, et surtout avec sa réponse, chacun parti de
son côté poursuivre son petit bout de chemin.
un temps
Le mensonge, première forme de politesse !
Un temps.
Tant d’expressions pour enrober d’une grosse couche de politesse une vérité cachée au
fond de nous.
Il illustre son affirmation:
« Je vous prie de recevoir mes considérations distinguées. »
« Mon cher ami, ça fait plaisir de vous revoir ici ! »
« Merci pour cette soirée où nous nous sommes follement amusés. »
On s’enferme dans ces répliques. A écouter tout le monde, c’est l’euphorie, la joie et la
santé perpétuelles. Et le pire c'est que nous condamnons le mensonge. Ahlala j’entends
maintes fois autour de moi que ce n’est pas bien de mentir ! Comme si celui qui disait cela
ne mentait jamais ! Ah non, ne me dites pas que vous ne mentez jamais, je ne vous
croierai pas. On ment tous, un jour ou l’autre ! Et on ne s'en rend même plus compte !
Oui ! Oui, madame, oui monsieur, vous mentez comme vous respirez !
Un temps.
Comme ça, je suis gonflé ?
Je continue mes petites histoires :
Par exemple, vous avez en face de vous votre collègue Bernard concentré sur son
travail, et vous lui demandez :« Je ne te dérange pas Bernard ? », même si l’autre vous
répond « si », ce qui sera rare, convenons-en, Bernard trouvera des tournures de phrases
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
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alambiquées pour vous répondre et faire passer la pilule ! Encore un jeu de rôles pour
montrer que l'on prend des précautions. Les conventions sociales justifient le mensonge
derrière les mots « politesse » et « savoir-vivre ».
Un temps.
Autre exemple:
Vous êtes en groupe, à votre club de peinture sur soie... Vous faites bonne figure, pour
ne pas démotiver le groupe ! Alors vous vous faites violence et laissez votre petite
personne de côté.
Voilà donc les plus grands mensonges du quotidien….Vous allez me dire que ça mange
pas de pain des petites histoires comme ça. C’est fait pour faire plaisir, un point c’est tout.
La société exige de contrôler le mensonge. En gros, c’est très égoïste : le mensonge doit
faire plaisir, sinon on ne le tolère pas. L’homme et la femme sont des animaux mentant.
Et la politesse, la promesse de convenances mensongères!
Un temps.
La dernière fois que j'ai menti, c'était tout à l'heure, avec le p'tit vieux qui voulait me
montrer sa nouvelle voiture de collection; une Citroën Traction 15/6.
J'étais coincé, je voyais bien qu'il mourrait d'envie de me parler de sa voiture. Et j'ai eu le
tort de passer dans le coin.... Pris au piège!
Alors me voilà, à feindre de l’intérêt pour les voitures, en posant quelques questions, à un
petit vieux qui vous parle de cylindrées, d’injection, de soupapes, etc…. Ne m’en
demandez pas plus, c’est juste quelques mots retenus quand justement je faisais
semblant d’être intéressé par ces bagnoles…. Mais vous vouliez quoi, hein ? Que je dise à
ce pauvre monsieur, qui n’avait rien demandé à personne, sinon juste une oreille dans
laquelle épancher sa passion, que : j’en avais rien à faire de ses histoires de
bagnoles ?????
Pauvre gars! ça aurait été le priver d’un plaisir simple! Ma philanthropie me perdra !
Un temps.
Ouais, ouais… Donc un beau matin, je me retrouve à réfléchir sur ces situations
quotidiennes où nous feignons, dissimulons, modifions, améliorons, diminuons, truquons
la réalité…souvent à des fins peu avouables….justement, haha ! C’est un passage obligé,
ces petites histoires ! Le mensonge, ce sont surtout des histoires qu'on se raconte à soimême! Je vais vous dire, moi : ON EST MAL BARRES !
Noir
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
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Douce tactique, user de rhétorique,
Paroles stratégiques pour tromper le flic
Un souffle qui ressemble à un soupir
Prémisses d’un repentir ?
Une gageure cette recherche de vérité !
Petit blabla pour brouiller les pistes
Quelques mots et puis s’en va
Une comptine simpliste
Blabla c’est si facile, et puis s’en va
La vérité !
Je me joue de toi mais ne t’avise pas à faire de même
Sincère, moi, c’est comme ça que je t’aime
Je sais ce n’est ni juste, ni égal
Mais le moindre mensonge serait fatal
A la vérité !
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
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I.
C'EST PAS MOI, JE TE JURE !
La mère range son bureau qui est en grand fouillis . Elle avise un tas de cartes postales .
Prend une carte, l’examine…
Maman : Salomé, viens voir…
Salomé entre.
Maman : As-tu touché à mes affaires ?
Salomé : Non ...
Maman : Regarde : j’avais une carte, elle a été coloriée. Je ne l’ai pas achetée coloriée, il
me semble.
Salomé : Je ne sais pas.
Maman : Je te dis qu'elle n'étais pas coloriée. Y-as-tu touché?
Salomé : Non, ce n’est pas moi.
Maman : D’accord, ce n’est pas toi, mais alors elle s’est coloriée toute seule. C’est ça ?
Salomé : Je ne sais pas. Mais ce n’est pas moi, je te le jure.
Maman : D’accord, ce n’est pas toi. C’est papa, c’est ça ?
Salomé : …
Maman : C’est dingue quand même. Je laisse la carte, là, je la récupère aujourd’hui pleine
de couleurs.
La mère regarde Salomé avec insistance.
Salomé : Ce n’est pas moi, je le jure.
Maman : D’accord.
Regards.
Salomé : C’est la vérité !
Maman : Tu sais, je me fiche de cette carte, c’est juste une carte.
Silence.
Maman : Je te dis juste que c’est bizarre, tu ne trouves pas, qu’elle soit gribouillée.
Salomé : C’est pas moi, c’est vrai.
Maman : Si ce n’est pas toi, c’est papa alors ? Tu crois que papa aurait gribouillé cette
carte ?
Salomé : Je ne sais pas.
Maman : Je ne pense pas que papa aurait gribouillé la carte.
Un temps. Regards.
Maman :Alors, une dernière fois, Salomé, est-ce que c’est toi qui as gribouillé cette carte ?
Salomé : Non, je te jure.
Un temps.
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
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Maman : Ecoute Salomé, je viens de te dire que j’en avais rien à faire de cette carte, je
m’en fiche ! Par contre, le mensonge me gêne. Je veux seulement que tu me dises la
vérité ! Je ne te punirai pas pour la carte…
Un temps.Regards. Salomé enfin crache le morceau.
Salomé : C’est moi.
Un temps.
Maman : Alors pourquoi as-tu dit que ce n’était pas toi ?
Salomé : Je ne voulais pas me faire gronder.
Maman : Mais si tu mens pour des bêtises pareilles, quand ce sera plus important je ne te
croirai plus !
Un temps. La petite ne dit rien, penaude.
Maman : Tu te rends compte ? Tu me mens en me regardant droit dans les yeux, en
employant des mots forts comme « je te jure » « c’est la vérité » ! On ne joue pas comme
ça avec les mots, Salomé! Comment veux-tu que je te croies? Tu m'as menti par peur de
te faire gronder. Résultat, tu seras punie pour ton mensonge…Tu n'as rien gagné ma fille.
File dans ta chambre!
La petite part en reniflant, la mère la regarde d'un air désolé, puis jette la carte dans la
corbeille à papier.
Noir.
Petit blabla pour brouiller les pistes
Quelques mots et puis s’en va
Une comptine simpliste
Blabla c’est si facile, et puis s’en va
La vérité !
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
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II.
ÇA VA ?
Dans une boutique de vêtements. Deux bonnes copines qui font du shopping. Elles se
retrouvent devant les cabines d’essayages, avec un tas de vêtements à essayer.
Clémence essaie une robe. Clémence a la taille épaisse, quelques kilos en trop. Elle est
boudinée dans cette robe, mais l’adore. Sa copine Sabrina attend qu’elle sorte …Le
double de Sabrina est aussi sur scène. "Sbis" respire l'assurance et la franchise acide et
ne s'adresse qu'à Sabrina, qui est la seule à pouvoir l'entendre , comme une petite voix
intérieure.
Sabrina : ça va ? Si t’as besoin, tu me dis !
Clémence (off) : Oui, oui !
Un temps.
Clémence sort de la cabine.
Sbis: s'il te plaît dis-lui un truc sympa!
Sabrina : Wahou ! Elle est géniale !
Clémence :C’est vrai ? Tu trouves qu’elle me va bien ?
Sabrina : Comment te sens-tu dedans?
Sbis ironique: t'as raison, gagne du temps!
Clémence : Ben.. Elle est chouette, elle me plaît, mais j’ai peur que ça fasse trop près du
corps. T’en penses quoi ?
Clémence est boudinée dans cette robe, elle ressemble à un petit cochon.
Sabrina : Elle est pas mal. La coupe te met en valeur. Ça fait style années 50. Pin up. Les
mecs vont adorer.
Sbis: C’est horrible on voit tes bourrelets ; on dirait Bibendum dans la robe de Jessica
Rabitt .
Clémence : Je fais quoi, alors ?
Sabrina : Prends-la ! Si elle te plaît !
Sbis: T'es majeure, tatouée et vaccinée, alors si elle te plaît...
Clémence : Mais à toi, elle te plaît ? Tu la porterais, toi ?
Sabrina : C’est pas mon style, mais à toi, si.
Sbis: Tu parles ! Une horreur pareil! Parfait si tu veux faire mère maquerelle!
Sabrina :Et puis, tu as raison, fais-toi plaisir, c’est ça qui compte ! Et puis, tu t’en fiches de
ce que les gens peuvent penser ! L’important, c’est que tu sois à l’aise !
Sbis: Et puis, vas-y dépense ton fric, comme ça moi je dépense le mien par procuration.
Bye bye le découvert !
Clémence : Alors je la prends.
Clémence retourne dans la cabine.
Réaction du double Sbis: rire ou grimace de dégoût, au choix.
Jeux de lumières.
Noir
Variations sur le même thème....
Le récitant est sur scène. Il voit Sabrina chasser son double franc (avec ou sans parole)
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
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et veut réagir:
Le récitant: Ne vous gênez pas dites donc ?
Sabrina se retourne et prend les choses en main :
Sabrina: Tu laisses tomber, et tu regardes !
Le récitant encaisse, regard le public pour y trouver un soutien, et se met sur le côté.
Sabrina lance comme si elle était le metteur en scène.
Sabrina: On reprend la scène depuis le début!
Le double peut donc, un court instant , se placer devant Sabrina, comme si les deux
jeunes femmes ne faisaient qu'une.
COMMENT TU ME TROUVES ? (= "ça va ", suite)
Même situation que précédemment, dans une boutique de vêtements.
Sabrina : ça va ? Si t’as besoin, tu me dis !
Clémence (off) : Oui, oui !
Un temps.
Clémence sort de la cabine.
Clémence : Alors ? qu’est-ce que tu en penses ? Elle est pas mal, non ? tu trouves qu’elle
me va bien ?
Clémence est boudinée dans cette robe, elle ressemble à un petit cochon.
Sabrina: Comment te sens-tu dedans?
Clémence: Mais toi, t'en dis quoi?
Sabrina : Tu veux mon avis ?
Clémence : Ben oui, c’est pour ça que nous sommes là, ensemble.
Sabrina : D’accord. Alors je te donne mon avis.
Clémence : Oui….
Un temps.
Clémence : Mais tout compte fait, je ne sais pas si c’est bien que tu me le donnes. J’ai
compris !
Sabrina : Compris quoi ?
Clémence : Cette robe ne me va pas, c’est ça ?
Sabrina : ….
Clémence : Dis-le !
Sabrina: Ben, je ne sais pas si tu as pris la bonne taille.
Clémence: J'ai déjà pris du 42. Et il paraît que ça se porte près du corps.
Sabrina: Ouais, mais bon, il y a des styles qui nous vont mieux que d'autres....
Clémence : Et pourquoi elle ne me va pas ?
Sabrina : Je n’ai pas l’habitude de te voir dans ce genre de vêtement...ça change.
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
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Clémence : Et pourquoi je n’aurais pas le droit de changer de style ? De faire plus
femme ?
Sabrina : Si, mais..
Clémence : T’es jalouse, c’est ça ?
Sabrina : Non : écoute, nous n’allons pas nous fâcher, nous sommes parties pour passer
un bon moment, pas pour nous disputer ! Moi je trouve qu’elle ne te va pas, c’est tout.
Clémence retourne dans la cabine. Dans l’échange qui suit, elle ne se voient pas et se
parlent par cabine interposée.
Clémence (off) : Je la prends quand même, elle me plaît.
Sabrina : Donc, tu n’as pas besoin de mon opinion en fait.
Clémence (off) : Si! Et j'avais besoin d'entendre des mots gentils!
Sabrina :J'essaie d'être honnête d'abord.
Clémence (off) :Oui, merci!... Mais je suis décidée !
Sabrina : En fait, tu me poses la question mais tu savais ce que tu voulais entendre..
Clémence (off) : Je la prends, c’est tout !
Elle sort de la cabine.
Un temps.
Clémence: Quoi, tu trouvais qu’elle ne m'allait pas ?
Sabrina: Je trouve qu'elle ne te va pas. Point. C'est une question de goût.
Clémence: Et pourquoi?
Sabrina: Et pourquoi quoi ?
Clémence: Pourquoi tu dis qu'elle ne me va pas !
Sabrina: Parce que je trouve que ce n'est pas ton style.
Clémence: Qu'est-ce que tu en sais, toi, de mon style?
Sabrina: Je ne connais peut-être pas ton style, mais je vois bien ce qui te met en valeur...
ou non.
Clémence: Et toi tu trouves qu'elle ne me va pas cette robe.
Sabrina : Je ne vais pas te dire qu’elle te va alors qu’elle te moule ! On voit tout tes
bourrelets , on dirait un rôti ! Elle te fait des fesses comme ça ! (geste) Tes seins sortent à
moitié ! (geste) Ah ça, c’est sûr, elle fait ressortir ta féminité ! Mais je pensais que la
féminité était autre chose que des seins et de fesses!
Clémence: Je ne te savais pas aussi vache!
Sabrina: Mais ce n'est pas être vache que de te dire ce que je pense. Excuse-moi ! Là,
on dirait que tu vas tapiner !
Clémence: Il y a l'art et la manière de le dire aussi !
Sabrina: C'est vrai, et tu me demandes mon avis. Tu insistes bien. Tu es donc prête à
entendre mon avis. Je te le donne donc comme un conseil, et je te le dis comme je le
pense. Je trou-ve cet-te ro-be vul-gai-re ! Tu as plus de classe que ça, non ?
Clémence : Je ne sais pas ce qui te bloque Sabrina.
Sabrina: Je trouve que la coupe ne te met pas en valeur, c'est tout.Après, c'est une
question de goût.
Clémence : Oui, c'est une question de goût. Mais moi je n’ai aucun problème avec mes
rondeurs ! Alors ça ne me gêne pas de les montrer !
Sabrina : Il fallait commencer par là… parce que je ne savais pas, moi!
Elles filent vers la caisse.
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
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Clémence : En tout cas, tu ne prends pas de pincettes, toi.
Sabrina : Si on ne peut pas maltraiter ses amis et leur dire la vérité, mais où va-t-on?
Elles sortent du salon d'essayage.
Le double Sbis de Sabrina peut revenir sur scène faire une mine de dégoût ou rire, au
choix.
Noir.
Le récitant regarde autour de lui, pas de personnage récalcitrant en vue, OK, il peut
continuer...
III.
LE COUP DE FIL
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
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Le récitant: Un coup de fil nous interrompt toujours, même quand on ne fait rien... après il
y a l'art et la manière de le dire...
Diviser la scène en deux: côté cour, Sophie, côté jardin, sa mère.
La mère est assise dans un gros fauteuil. Elle est au téléphone , elle raccroche et raye un
nom inscrit sur une liste. Elle compose un nouveau numéro.
Sophie est affalée dans son canapé, à bouquiner, relax. Le téléphone sonne.Elle le laisse
sonner, mais comme celui-ci insiste, elle se lève péniblement, et l'on voit que ça lui coûte,
elle lit sur le combiné, c'est sa mère, elle hésite avant de décrocher, ce qu'elle fait pourtant
....
Sophie : Allo…
Mère : Bonjour Sophie !
Sophie: Bonjour Maman!
Mère : Je ne te dérange pas ?
Les répliques de Sophie sur le ménage doivent constraster outrageusement avec son
oisiveté.
Sophie : Ben, j’étais en train de faire mon ménage, j’ai les mains pleines de produit !
Mère : Ah oui, le ménage !
Sophie : Oui.. et tu vois, avec tout le boulot que j’ai ce n’est pas évident de trouver du
temps pour le ménage…
Mère : Oui, c'est vrai, mais il suffit de s’organiser !
Sophie : Oui : et là, ce matin, j’avais décidé de faire du ménage ! Tu vois, je m’organise !
Alors je ne vais pas pouvoir te parler !
Mère : Tu mets le haut-parleur et c’est bon !
Sophie :Je l'ai déjà mis!
Mère :Donc tu as les mains libres et tu peux continuer ton ménage.
Sophie : Oui...
Mère :(caustique) Tout en me parlant!
Sophie : ... mais c’est difficile .
Mère: Ah, moi j'y arrive pourtant.
Sophie: Mais je ne suis pas toi, moi...
Mère : Tu ne veux pas parler à ta mère ?
Sophie (soupire) : Si ! Mais pas maintenant !
Mère : Mais si tu as décroché le combiné, c’est que tu étais prête à prendre la
conversation.
Sophie : Ecoute maman, je l’ai fait par automatisme. Ça ne me dérangeait pas du tout de
t’avoir deux minutes pour un coucou..
Mère : Tu comptes les minutes, c’est ça ?
Sophie : Non maman, mais là tu avais l’air disposée à parler longtemps.
Mère : Prendre des nouvelles, oui ! On ne se voit plus !
Sophie : Oui, mais on a chacune notre vie. Tu sais bien que c’est toujours la course !
Mère : Justement, je prends les devants, comme ça, tu auras de nouvelles de nous.
Sophie : Oui.
Mère : Et puis, tout est une question d’organisation. Tu peux bloquer un peu de temps
dans ta semaine pour appeler.
Sophie : Bien sûr.
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
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Mère : Organise-toi .
Sophie : Oui.
Mère :Je ne t'ai pas élevée comme ça ,Sophie.
Sophie :Non Maman, c'est sûr, tu ne m'as pas élevée comme ça, mais j'ai grandi. Je n'ai
pas envie de prendre une heure comme d’habitude pour parler des soucis de santé de
Papa, des ragots du quartier, bref, à me flinguer le moral !
Mère : Tu es égoïste Sophie !
Sophie : Non maman, mais tu me dis que je dois mieux m’organiser ! Toi tu ne bosses
plus, alors tu crois que tout le monde est disponible quand tu téléphones !
Mère : Donc, je te dérange ?
Sophie : Oui. En aparté: et arrête de me poser cette question s’il te plaît.
Mère : D’accord, je rappelerai un autre jour, quand tu seras mieux lunée.
Sophie : C’est ça maman, un autre jour. Allez, il faut que je raccroche, là. Bisous maman.
Elle raccroche et va s’asseoir, avec son livre. Côté jardin, la mère raccroche son
téléphone , raye un nom sur la liste et compose un autre numéro…
Mère : Allo Antoine ? C’est maman !
Noir.
Douce tactique, user de rhétorique,
Paroles stratégiques pour tromper le flic
Un souffle qui ressemble à un soupir
Prémisses d’un repentir ?
Une gageure cette recherche de vérité !
Petit blabla pour brouiller les pistes
Quelques mots et puis s’en va
Une comptine simpliste
Blabla c’est si facile, et puis s’en va
La vérité !
Je me joue de toi mais ne t’avise pas à faire de même
Sincère, moi, c’est comme ça que je t’aime
Je sais ce n’est ni juste, ni égal
Mais le moindre mensonge serait fatal
A la vérité !
IV.
TU M'AIMES ?
" Dans la parole souvent le mensonge
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
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Je t'aime " (interprété par L.Voulzy "Caché derrière ", paroles d'A. Souchon.)
Un couple. Ils sont lovés sur le canapé,et regardent la télévision... Ambiance cocooning
des mois d'hiver, plaid, et tasses de café à proximité....
Céline : Tu m’aimes ?
Bertrand : Ben ...puisque tu me le demandes…autant qu’on en parle.
Céline : Ah...
Bertrand : Oui, c’est vrai, c’est bien de faire le point de temps en temps…
Céline: C’est pour ça que je te demandes si tu m’aimes.
Bertrand : Et c’est pour ça que je vais te répondre.
Céline : D’accord.
Bertrand : Donc, je ne vais pas tourner autour du pot (un temps) Non.
Céline : Non, quoi ?
Bertrand : Non, à ta question.
Céline: Laquelle ?
Bertrand : Celle que tu viens de me poser.
Céline : Quoi ?
Bertrand : Non, avant !
Céline : Ah ?.... (Un temps) tu peux répéter ?
Bertrand: Tu me demandes si je t’aime. Je te réponds: non ! Je t'ai aimée! Je ne t’aime
plus ! ça fait 6 mois que je ne te supporte plus !
Céline : Et c’est maintenant que tu me le dis ?
Bertrand : Tu ne me l’as pas demandé avant !
Céline : Donc ça fait 6 mois que tu fais semblant, c'est ça?
Bertrand: 5 mois, 6 mois, je ne sais plus...
Un temps. Céline, abattue, s'emmitoufle sous le plaid.
Céline : Et si je te l’avais pas demandé, tu ne me l’aurais pas dit ! C’est un peu rude de
l’apprendre comme ça !
Bertrand: Peut-être, mais c’est comme ça...
Céline : Oui, je vois, la lâcheté du mec qui attend qu’on lui donne l’occasion…après tu
diras que c’est moi qui l’ai provoquée ! Mais assume donc !
Bertrand : Mais j’assume entièrement et je te le redis : je ne t’aime plus.
Un temps.
Céline : ça fait combien de temps que tu me mens ?
Bertrand : Pourquoi tu veux savoir ça ?
Céline : Parce que si je ne t’avais pas posé cette question, tu me l’aurais dit quand, hein ?
Ça t'est tombé sur le coin de la figure ? Tu t'es levé un matin et tu t'es dit: « ça y est, je
n'aime plus Céline. Comment vais-je le lui dire? » Et tu as attendu 6 mois?
Un temps.
Bertrand: Ecoute, là n’est pas la question, ce qui compte c’est maintenant. Et là
maintenant, non, je ne t’aime plus. Te dire depuis quand, je ne sais pas.
Céline : « Je ne sais pas »
Bertrand: Non, je ne sais pas.
Céline : ça veut dire que tu aurais pu me mentir pendant longtemps encore ?
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
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Bertrand : ....
Céline: « Je ne sais pas », c'est ça ? Tu ne sais pas, mais tu me l'envoies dans la figure.
Tu peux imaginer comme tu me fais mal?
Bertrand: Arrête de me poser des questions, tu as vu où ça nous mène ?
Céline : Oui, je vois très bien où ça nous mène : à la vérité ! Au moins tu arrêteras ton
petit jeu d'hypocrite. Et moi je vais arrêter de me prendre la tête pour un sale menteur.
Mais qu'est-ce qui m'a pris de poser cette question !
Elle sort.
Bertrand (Regardant dans la direction de Céline, seul sur scène): Oui, qu'est-ce qui t'a
pris...
Noir.
Je me joue de toi mais ne t’avise pas à faire de même
Sincère, moi, c’est comme ça que je t’aime
Je sais ce n’est ni juste, ni égal
Mais le moindre mensonge serait fatal
A la vérité !
Le récitant: Sincère, c'est comme ça qu'elle l'aime... quand il y a enjeu, on joue avec les
mots... "Je t'aime." Un joli thème ...
Même ambiance cocooning mais autre couple ...
Margaux : Tu m’aimes ?
Charles : Oui.
Margaux: Alors pourquoi tu ne me le dis jamais ?
Charles : Je n’y pense pas.
Margaux : Dommage ...
Charles : Oui .
Un temps.
Margaux: Tu devrais y penser plus souvent.
Charles : Pourquoi ?
Margaux: Parce que c’est agréable de l’entendre.
Charles : ..
Margaux : Non ?
Charles : Si.
Margaux : Tu m’aimes, alors ?
Charles : Oui ! Bien sûr que je t'aime.
Margaux: Tu m’aimes comment ?
Charles : Comment…( temps de réflexion) Comme un mari doit aimer sa femme !
Margaux: Justement !
Charles: ça veut dire quoi, ça ?
Margaux: Rien.
Un temps.
Margaux: Justement, ça ne veut rien dire! « Comme un mari doit aimer sa femme » !
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
16/83
« Devoir »
Charles: Oui, « devoir ». "Les époux se doivent mutuellement fidélité, secours et
asssitance" Quand on se marie, c'est qu'on accepte les devoirs et autres contraintes dans
un couple.
Margaux: Je pensais que tu avais une vision plus romantique du mariage.
Charles: Désolé, mais non. N'oublie pas que les mariages ont été inventés pour préserver
des intérêts.
Margaux: Ah oui? Et quels sont tes intérêts à toi ?
Charles: Je n'en sais rien! Quelle question! Là on ne parle pas des couples, mais de
l'institution. Il n'y avait pas de romantisme là-dedans.
Margaux: Aimer n'est pas un devoir, mais une envie! Alors ne me parle pas de « devoir
conjugal », hein !
Charles : Mais arrête donc de penser, s’il te plaît ! Qu’est ce que tu es compliquée, toi !
Margaux : Non, il n’y a rien de compliqué là-dedans. C’est simplement dire ce que tu
ressens. Et moi je te parle d’amour, de passion ! J’ai envie que tu me prennes dans tes
bras, que tu m’embrasses fougueusement, comme tu le faisais au cinéma quand nous
étions étudiants !
Charles: Nous ne sommes plus étudiants.
Margaux: Nous sommes encore un couple.
Charles: Oui, un couple marié.
Margaux: Marié... oui. Et alors? Marié ça veut dire amoureux.
Charles:Tu disais "mon amoureux " quand tu étais étudiante. Quand tu es mariée,tu dis
"mon mari".
Margaux: Et tu as envie d’être amoureux de moi ?
Charles : Mais je t’aime ! Tu me plais! J’ai envie de toi ! J’aime quand nous faisons
l’amour. Ces mots ne te suffisent pas?
Margaux: Et les sentiments ? Parce que là, j'ai l’impression que l’expression « devoir
conjugal » prend tout son sens.
Charles : Quoi?
Margaux: On peut faire l'amour sans être amoureux, non ?
Un temps. Elle le regarde froidement.
Margaux: On s’isole mentalement, on pense au boulot ou à quelqu’un d’autre , pourquoi
pas ?
Charles : Et après on me dira que les hommes sont des salauds!
Margaux : On se recentre sur ses sensations propres, pas sur celles du partenaire, pour
une séance de frotti-frotta. Surtout, chacun pour soi. Tant qu’à faire, autant y prendre du
plaisir !
C’est si bon l’égoïsme !
Charles : Mais ça ne va pas!
Margaux:Alors dis-moi que tu m'aimes !
Un temps. Il la regarde comme s'il la redécouvrait.
Charles :C'est demandé si gentiment, ça donne vraiment envie...
Margaux: C'est pas compliqué non ?
Charles : Non.
Margaux : Et ça fait tellement de bien...
Charles :Alors si ça te fait du bien (il l'enlace, elle se glisse contre lui) Mais je préfère de
loin les actes aux mots...
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
17/83
Leur étreinte devient effrenée, ils commencent à se déshabiller, le noir vient
progressivement sur scène jeter son voile de pudeur ....
Noir.
"Eh toi dis-moi que tu m'aimes
Même si c'est un mensonge et qu'on n'a pas une chance
La vie est si triste, dis-moi que tu m'aimes
Tous les jours sont les mêmes, j'ai besoin de romance
Un peu de beauté plastique pour effacer nos cernes
De plaisir chimique pour nos cerveaux trop ternes
Que nos vies aient l'air d'un film parfait" ("Amoureux solitaires", paroles
d'E.Medeiros, interprété par Lio )
Et ça continue...
Francine et Xavier sont au restaurant, assis face à face. Ambiance romantique surfaite,
comme partout un 14 février. Leurs doubles sont avant-scène et font partager au public
les réflexions les plus intimes.
F : Tu m’aimes ?
X : Hein ?
F : Tu m’aimes ?
X : Oui ma chérie, je t’aime.
F : Moi aussi je t’aime
.
Un temps assez long. Ils se
Regardent dans les yeux et se
tiennent par la main.
Xbis : Qu’est-ce qu’elle me veut encore ?
Fbis : Dis-moi que tu m’aimes.
Xbis : Comme ça c’est fait, elle me foutra la
paix.
Fbis : Tu te rends compte de la chance que tu
as ?Je te regarde droit dans les yeux, espérant y lire
tout l’amour du monde
Xbis: Tu vas me regarder encore longtemps?
X : Tu es belle
Xbis : C’est du désir, je veux juste te baiser
maintenant et je me retiens de te sauter
dessus
F :. Je t’aime
Fbis : Epouse-moi, je serai enfin casée et finis les
problèmes de fric.
X : Je t’aime
Xbis : J'ai envie de toi.Et putain, qu'est ce
que je me retiens de faire éclater les boutons de ta robe!
Ils se tiennent tendrement les mains.
F: Comment la trouves-tu cette robe?
Fbis: Dis-moi que je suis jolie
X: Elle est pas mal
Xbis: Je m'en fous de cette robe
F: Je l'ai trouvée en promo, une vraie
Fbis: Elle m'a coûté un bras.
affaire
X: Hum.
Xbis: M'en fous..... QUOI!
Noir.
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
18/83
Autant en rigoler
Crackers au piment
Relever nos vies
Et se marrer un peu!
Pas de prise de tête
Pour une vérité
Vaine.
V.
PAUSE TERRASSE...
Les deux filles sont assises à la terrasse d’un café. Leurs emplettes posées sur une
chaise. Elles papotent.
Clémence : Nous avons passé une chouette après-midi, hein.
Sabrina : Ouais, c’était cool.
Clémence : En plus, je suis contente d’avoir trouvé une robe pour cet été.
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
19/83
Sabrina : Oui, tu as bien fait de la prendre, elle te va bien.
Clémence : Merci.
Le serveur arrive, elles passent commande.
Sabrina (triture son portable) J’ai dit à Gautier de nous rejoindre, ça ne te dérange pas ?
Clémence : Non, non.
Sabrina : OK, c’est cool, ça me fait plaisir.(un temps) Tu sais, je crois que je suis vraiment
amoureuse. T'as des clopes?
Clémence : Non, c'est la dèche! Tu disais?
Sabrina : Oui ! Comment te dire ? Quand je le vois, c’est comme ...
Clémence :.. mais regarde qui arrive !
Gautier arrive, il embrasse Sabrina, puis la bise à Clémence et s’assied.
Gautier : Alors les filles, ces boutiques ?
Sabrina : On a trouvé notre bonheur ! Regarde cette robe mon chéri ! (elle sort la robe de
son sac)
Gautier : Hmm, pas mal, j’attends le défilé maintenant !
Sabrina : Tout à l’heure….et regarde celle de Clémence !
Clémence: Non, c’est bon, ça ne l’intéresse pas…
Sabrina : Si, vas-y montre ! Elle est super !
Jeux de regards entre les deux filles, souvenir de l'essayage. Clémence sort d'un sac une
robe à pois très courte.
Gautier : Ah ouais, les petits pois sont à la mode !
Sabrina : Tu la verrais portée elle est super !
Clémence regarde sa copine d'un air "n'en rajoute pas non plus".
Clémence : C’est pour ça que je l’ai achetée !
Elle range la robe .
Sabrina : Alors mon chéri, ça été aujourd’hui ?
Gautier : Oui, mais je ne peux pas rester bien longtemps, tu sais que je dois réviser, j’ai
rendez vous lundi avec mon directeur de thèse.
Clémence :Ah oui, ça devient sérieux, là !
Sabrina : Bon alors on boit un verre vite fait, et puis tu passes chez moi, comme ça tu
n’as pas à t’occuper du repas, OK?
Gautier : Merci ma chérie….(le serveur revient avec les boissons des filles) … heu,
rajoutez une Guiness, s’il vous plait.
Le serveur repart
Sabrina :T'as des clopes?
Gautier : Non, je n'en ai plus.
Sabrina : Bon, alors, je vais en chercher.
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
20/83
Sabrina se lève et sort.
Clémence : Elle parle de quoi, ta thèse ?
Gautier : La place de la vérité dans le quotidien….
Clémence : Donc ça parle aussi du mensonge ?
Gautier : T’as tout compris !
Clémence : ça parle aussi du mensonge dans le couple ?
Gautier : Oui, pourquoi ?
Le serveur ramène la bière et repart.
Un temps.
Clémence : Comme ça.. c’est vrai que le couple est un vrai sujet….
Un temps.
Gautier :Dis-moi, qu’est-ce qu’elle te dit de moi Sabrina ?
Clémence : Ah, ça t’intéresse de savoir ?
Gautier : Oui, on est ensemble, c’est normal….
Clémence : Mais t’as besoin de savoir ce que moi je pense ? Je ne suis que sa copine,
pas ta copine à toi….
Il regarde aux alentours.
Gautier : Oui, c’est ma copine, mais toi aussi tu es ma copine, je t’aime bien aussi tu
sais…
Clémence : Mais c’est différent…
Gautier : Voilà…. Mais il suffit de pas grand-chose pour que ce soit pareil.
Clémence : Je sais.. quelque chose de différent comme (elle regarde vite fait autour
d’elle, la voie est libre, pas de Sabrina en vue, et elle embrasse Gautier sur la bouche.
Celui-ci n'émet aucun signe de résistance.) ça...
Gautier : Oui, comme ça…
Un temps.
Clémence :Tu voulais savoir ce qu’elle me disait de toi c’est ça ?. Je ne sais pas si je
peux te le dire dans ces circonstances… tu pourrais mal l’interpréter après ce « comme ça
»...
Gautier : Non, vas-y !
Clémence : Elle t’aime beaucoup, c’est vrai, tu es sympa et (s'éclaircissant la gorge) hum!
« un bon coup » comme elle dit .(Surprise de Gautier.) Excuse-moi, hein, je te le dis tel
qu’elle me l’a dit !
Un flottement, ils ne disent rien.
Clémence : Donc elle t’aime bien…
Gautier : Un « bon coup » , c’est ça ?
Clémence : C’est ce qu’elle dit, elle, moi, je ne sais pas, hein (rires)
Ils rient tous les deux, gênés.
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
21/83
Clémence : Tu as l’air déçu ?
Gautier : Déçu ?
Clémence : Par ce que je t’ai dit….
Gautier : Je pensais qu’elle serait plus sérieuse…
Clémence : Tu sais, elle est jeune, elle s’amuse…
Gautier : Je pensais que même jeune,on pouvait être avec quelqu’un et construire une
relation….
Clémence : Tu sais, Sabrina, elle pense d’abord à ses études….
Gautier : Moi aussi, je pense à mes études, c’est bien pour cela que je suis en doctorat,
non ? Mais l’un n’empêche pas l’autre….
Clémence : D’accord mais tu comptes déjà te ranger ?
Gautier : Pourquoi pas ?
Clémence : L’un n' empêche pas l’autre… c’est toi qui l’as dit…
Sabrina revient. Elle s'assied. Un silence gêné.
Gautier : On t'attendait pour trinquer.
Sabrina :C'est gentil.
Clémence : Non, c'est normal.
Ils trinquent et boivent.
Sabrina : Alors mon chéri, on fait quoi ce week-end ?
Clémence : Vous n'avez qu’à aller au cinéma, il y a "Avatar," c’est super, je l’ai vu en 3 D.
Gautier : Ouais, pourquoi pas … hein,qu’en dis-tu ?
Sabrina : Oui, faut voir… (un temps) Tu n’as pas dit que tu avais beaucoup de travail?
Gautier : Si, mais tu avais raison, une petite pause ça ne fait pas de mal…. Tu me passes
tes clés ? Je vais rentrer…
Sabrina lui donne son trousseau de clés.
Gautier : Merci (il se lève, embrasse Sabrina et fait la bise à Clémence)
Sabrin : A toute à l’heure mon chéri…
Un temps. Les deux jeunes femmes le regardent partir.
Clémence : C’est vrai que tu as l’air accro… tout ça ne te fait pas peur ?
Sabrina : Quoi donc ?
Clémence : Te caser, si jeune….t’as pas peur de regretter ?
Sabrina : Je verrai bien ! Si je me pose trop de questions, je n’avancerai pas !
Clémence : En tout cas, toi, t’as l’air amoureuse ...
Un temps…
Sabrina : Pourquoi dis-tu ça comme ça ?
Clémence : Comment « comme ça » ?
Sabrina : « Toi, tu as l’air amoureuse ».
Clémence: Oui, tu as l'air amoureuse. Lui...
Sabrina: …
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
22/83
Clémence: Enfin, bon, ce n'est pas mon mec.
Sabrina: C'est sûr...
Clémence: Mais justement, j'ai peut-être plus de recul que toi. Toi, tu as le nez dans le
guidon.
Sabrina: D'accord, je manque peut-être de recul, mais je le connais sûrement mieux que
toi...…
Clémence: Heureusement. (elle s'efforce de paraître enjouée) Bref c'est chouette, vous
êtes ensemble .(Un temps) Il m’a parlé de sa thèse, je ne savais pas qu'elle parlait du
mensonge... au quotidien.
Sabrina : Oui, c’est un sujet vaste !
Clémence: C'est clair... (un temps. Gêne.) ça ne te fait pas peur toutes ces idées qu’il
brasse, comme ça ?
Sabrina : Non, pourquoi ?
Clémence : Je ne sais pas…
Un temps.
Clémence : Tu sais, toutes ces idées. Ceux qui dissimulent des détails, ceux qui enjolivent
la réalité, ceux qui disent le contraire de ce qu'ils pensent...
Sabrina: Hypocrisie quand tu nous tiens !
Clémence: D'ailleurs il me disait qu’elle traitait aussi du mensonge dans le couple.
Sabrina: Oui, il y a tellement d'exemples dans la vie courante !
Clémence : C'est sûr! Et tu ne crois pas qu’il pourrait se servir de sa thèse comme d’un
confessionnal…..
Sabrina : Qu'est-ce que tu vas chercher ?
Clémence: T'as pas peur que ça lui monte à la tête ?
Sabrina: Mais c'est son sujet d'études !
Clémence: Ouais...
Silence…..
Clémence : Je ne sais pas si je dois te dire ce que j’en pense…
Sabrina : Si, vas-y tu es mon amie !
Clémence : J’ai peur de te blesser !
Sabrina : Allez, vas-y, tu en as déjà trop dit!
Clémence : Ben...
Sabrina : Toi qui es toujours cash d'habitude...
Clémence :Là ce n'est pas pareil; il s'agit de ton mec. Je ne le connais pas aussi bien que
toi...
Sabrina :Vas-y Clem'! Balance!
Clémence : Eh bien, moi, je ne le trouve pas si amoureux que ça… t’as vu comme il est
vite parti ?
Sabrina : Il avait du boulot…
Clémence : Oui, mais (un temps) enfin, vouloir se caser aussi vite, je trouve ça suspect…
Sabrina : Suspect ?
Clémence : Surtout pour un homme !
Sabrina : Tout de suite, la parano !
Clémence : Non, mais regarde ! Vous êtes jeunes, je trouve ça bizarre …
Sabrina : Qu'est-ce qui est bizarre ?
Clémence : Ce dévouement... jouer au petit couple bien rangé...
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
23/83
Sabrina : T’es jalouse, c’est ça ?
Clémence : Non, tu es mon amie, et ton mec ne m‘intéresse pas… mais je veux dire à
qu’à 25 ans, et même après, un homme réfléchit avec ce qu’il a dans le caleçon ! Il dit
peut-être toutes ces belles choses pour endormir ta vigilance !
Sabrina : T’es compliquée, non ?
Clémence : Non, mais je pense qu’il vaut mieux l’avoir dans un coin de sa tête avant de
s’engager avec quelqu’un !
Sabrina : A t’écouter, on ne devrait jamais s’engager alors !
Clémence : Si ! Mais seulement, moi je te dis de garder les yeux ouverts… c’est un jeune
homme bourré de testostérone, n’oublie pas !
Sabrina : Oui, et moi, je suis bourrée d’ocytocine et je n’attends qu’un mec pour pondre,
c’est ça !
Sabrina se lève, visiblement agacée, elle rassemble ses affaires.
Clémence : Tu ne t’énerverais pas si c’était faux ...
Sabrina suspend son geste.
Clémence : Seulement, tu ne veux pas l’admettre.
Sabrina sort, Clémence lui emboîte le pas.
Clémence : On ne va pas se disputer pour ça!
Noir.
Le récitant revient en scène précautionneusement, toujours dans le souvenir de l'attitude
de Sabrina, s'assure que les filles soient bien sorties de scène avant de parler.
Le récitant: La suite, quelques heures après, Clémence est repartie chez elle, seule, et
Sabrina s'est dépéchée de retrouver son cher Gautier à la maison....
Dans l’appartement de Sabrina. Gautier est installé sur le canapé, un magazine à la main.
Sabrina entre.
Sabrina : Tu ne bosses pas ?
Gautier : J’ai fini pour aujourd’hui !
Sabrina : Déjà ? Tu m’avais dit que tu avais du travail.
Elle enlève son manteau et va s’asseoir à côté de lui.
Gautier : Oui, mais j’ai fini ce que je voulais finir aujourd’hui. Maintenant je peux passer du
temps avec toi ma chérie.
Ils s’embrassent
Un temps.
Gautier : Alors vous avez fait quoi avec Clémence ?
Sabrina : Tu vois bien, on a papoté, papoté…
Gautier : Et vous avez parlé de quoi?
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
24/83
Sabrina : Des fringues, des boutiques....des vraies nanas, quoi !
Ils se regardent. On doit sentir qu’ils aimeraient questionner l’autre, mais n’osent pas et
parlent de banalités ou cherchent à provoquer cette conversation qui ne vient pas.
Sabrina : Bon, tu veux manger quoi ce soir ?
Gautier : Je ne sais pas. J’ai vu qu’il nous restait des lasagnes.
Sabrina : OK, allons-y pour des lasagnes !
Elle se lève et sort en cuisine.
Gautier : Elle est vraiment sympa la robe que tu as acheté.
Sabrina (off) : Oui, elle est pas mal, j’ai hésité avec celle de Clémence….Comment tu la
trouves ?
Gautier : Elle est mignonne… heu…
Sabrina: ... elle est sympa...
Gautier: Elle embellit...
Sabrina (off) : Je trouve aussi…
Gautier : Elle est bien faite…
Sabrina revient. Voilà ! Les lasagnes sont au four ! 40 minutes ! Oui, moi aussi je trouve,
mais bon j’ai choisi la rouge c’est celle qui me va mieux !
Gautier : (semble surpris) Ah oui, la rouge…
Sabrina: Non ?
Gautier : Si... (Sabrina s'assied à côté de Gautier) Au fait, quand remets-tu ta jupe en
jean ? T’es sexy dedans !
Sabrina : On verra … Pourquoi pas demain pour aller au cinéma ?
Ils se font des papouilles… et badinent ensemble sur le canapé…
Gautier : Hmmm, tu sens bon…
Sabrina se redresse tout à coup.
Sabrina : Dis-voir, tu me trouves comment maintenant ?
Gautier : A croquer, pourquoi ?
Sabrina : Tu sais que j’ai perdu 2 kg.
Gautier : Ah bon?
Sabrina: Ne me dis pas que tu n'avais pas remarqué?
Gautier : C'est que tu es toujours superbe...
Sabrina: C'est vrai ?
Gautier : Oui! (soupir)
Sabrina:Tu es sûr ?
Gautier: Reste comme tu es, tu me plais comme ça…
Sabrina : Mais je ne veux pas devoir me contenter de robes noires pour gommer mes
rondeurs…
Gautier: Tu as bien fait de prendre la rouge!
Elle répond par un sourire.
Sabrina : T’as vu comme elle a grossi Clémence ?
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
25/83
Gautier : Non, je n'ai pas remarqué !
Sabrina: Mais si ! Elle m’a dit qu’elle faisait 65 kg, tu te rends compte ? Pas étonnant
qu’elle ne mette que du noir !
Gautier: Le noir, c'est classe, non ?
Sabrina: D'accord, mais je ne comprends pas pourquoi elle l’a prise si courte sa robe si
elle veut cacher sa culotte de cheval.
Gautier : Dis donc, t’es sympa avec ta copine, toi ?
Sabrina: Quoi ? T'as vu les fesses qu'elle a ?
Elle imite exagérément la largeur du bassin de Clémence
Gautier: Mais si ça se trouve, elle veut se montrer! C’est son droit, non ?
Sabrina : Oh oui ! J’imagine bien qu’elle a le droit puisque tous les mecs la matent !
Gautier : Qu’est-ce que tu racontes ?
Sabrina : Je ne comprends pas comment vous pouvez la mater !
Gautier: N'importe quoi !
Sabrina :Quoi ? Tu crois que je ne vois rien?
Gautier: Tu délires!
Sabrina: Voilà, pas de finesse, dès qu’il y a un bout de jambon à vous mettre sous la dent,
vous sautez dessus !
Gautier : Arrête de nous prendre pour des animaux !
Sabrina : Quoi ? Il n’y a pas du vrai dans ce que je dis ?
Gautier : Si, mais tu exagères tout.
Sabrina: J'exagère, peut-être? Et quand je te vois suivre du regard les deux pouffes, les
yeux rivés sur leur croupe opulente, hein?
Gautier: Tu ne vas pas encore me reprocher ça ! C'était l'année dernière !
Sabrina: N'empêche. Tu mates.
Gautier: Oui, je mate et ce n'est pas parce que je mates que j'ai forcément envie de faire
quelque chose avec la fille.
Sabrina: J'espère bien !
Gautier: Qu'est-ce que tu crois ? Il y a une énorme différence entre penser quelque chose
et vouloir le faire !
Sabrina: N'empêche. Tu ne devrais même pas me dire ça ; c'est comme balancer des
excuses.
Gautier: Des excuses de quoi ? D'avoir regardé les fesses d'une nana, pendant quelques
secondes?
Sabrina: Ah, mais je ne veux même pas le savoir.
Gautier: C'est normal, et même signe de bonne santé.
Sabrina: Peut-être, mais tu n'es pas obligé de me le dire, merci, ça fait déjà assez mal
comme ça.
Gautier: D'accord, je ne dis plus rien. Et puis c'est toi qui m'a branché là-dessus. Alors
oui, je te trouve jolie, et oui, tu me plais. Non, je n'avais pas remarqué que ta copine avait
grossi, en fait je m'en fous, comme de vos robes! Maintenant c'est bon, tu as compris?
Il se lève
Sabrina: Tu ne me parles pas comme ça s'il te plaît.
Il s'arrête.
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
26/83
Gautier: Je te parlerai comme ça tant que tu seras aussi suspicieuse.
Sabrina: Moi suspicieuse?
Gautier :Tu m'imagines comme un animal en rut.
Sabrina: Non.
Gautier : Si .Tu crois que j'ai envie de sauter la première nana que je croise.Tu crois qu'il
n'y a que les mecs pour faire le premier pas? Mais je te signale qu'il y a aussi des nanas
qui sont de vraies allumeuses.
Sabrina: Je sais.
Un temps. Regards. Gautier est gêné.
Gautier : Comment ça, tu sais ?
Sabrina: Je sais que les nanas peuvent être de vraies salopes.
Un temps.
Sabrina: Mais là, je parlais de toi.
Gautier : Ecoute, fais-moi confiance.
Sabrina:Je te fais confiance, mais des fois j'ai peur que tes idées te montent à la tête...
Gautier : Quelles idées?
Sabrina: Ben quand tu me dis que l'adultère est quasiment inévitable, et que c'est
statistiquement prouvé....
Gautier : "Quasiment", Sabrina.... Ce qui veut dire, qu'il y a la possibilité d'y échapper.
Sabrina: Mouais...
Gautier : Si! Et tu vois, moi je me bats pour ça! J'ai envie que ça dure; je me dis que c'est
possible de rester avec quelqu'un ! Il faut y croire! C'est un vrai pari sur l'avenir. Si on se
dit " à quoi bon être ensemble si c'est pour se quitter bientôt", on reste seul, non ?
Sabrina: Oui, tu as raison.
Gautier : Et puis ne vas pas imaginer que ce que je lis me donne des idées; je sais aussi
ce que je veux, d'accord ? Fais-moi confiance. C'est tout.
Il sort.
Sabrina: Et maintenant, qu'est-ce que tu veux ?
Gautier :(off) Là, tout de suite, je veux MANGER !
Noir.
VI.
PETIT PAPA NOËL ...
"L'imagination, ce n'est pas le mensonge " (D. Pennac , in Messieurs les enfants )
Salomé : Dis maman, il existe le Père Noël ?
Maman : Heu…. Pourquoi me poses-tu cette question ?
Salomé : Inès à l’école, elle me dit qu’il n’existe pas.
Maman ; Et toi, qu’est-ce que tu en penses ?
Salomé : Ben, moi je crois qu’il existe !
Maman : Si tu crois qu'il existe, c'est bien...
Un temps. Salomé donne l'impression de ne pas avoir compris ce que sa mère voulait
dire.
Salomé : Comment il fait le Père Noël pour entrer dans les maisons s’il n’a pas de clé ?
Maman : Je ne sais pas…il a des pouvoirs magiques et il passe à travers les murs, peut©Rosapristina "Nos petites histoires..."
27/83
être ?
Salomé : Il en a de la chance alors...
Maman: Oui...
Salomé: Et comment il fait le Père Noël pour distribuer autant de cadeaux à tous les
enfants de la Terre en même temps ?
Maman : Heu…. Il reste sûrement très peu de temps dans chaque maison, il va très vite,
tu sais !
Salomé : Wahou ! Et pourquoi il passe toujours quand on est pas là ? Quand on va se
mettre en pyjama ? Il a peur de nous ou quoi ?
Maman : Non, mais comme il est très pressé, il ne peut pas rester dire bonjour à tous les
enfants qu’il pourrait voir. Alors il préfère partir vite pour ne pas faire de jaloux.
Salomé: C'est dommage...
Maman: Oui...
Salomé : Et pourquoi il y a plein de faux Pères Noël dans les magasins ?
Maman : Pour faire des photos ou de la publicité.
Salomé : : Alors ils font semblant d'être le Père Noël pour faire joli?
Maman : C'est un peu ça...
Salomé: Et pourquoi il y a plein de jouets dans les magasins, quand ça va être Noël ?
Maman : Il y a des gens qui font des cadeaux….
Salomé : Mais ils sont bêtes les gens, ceux qui achètent des cadeaux, alors que le Père
Noël il en donne gratuitement !
Maman: Mais non , les gens ont envie de faire plaisir....
Salomé: Et comment il fait, il ne met jamais de saletés partout alors qu'il est passé par la
cheminée ; il n'est jamais sale quand il descend de la cheminée?
Maman: Il a peut- être des pouvoirs pour enlever la saleté....
Salomé: Pas comme toi, alors...
Maman: Comment ça? Hé dis-donc Salomé!
Salomé: Mais c'est vrai, quoi! Toi tu dis toujours que tu n'arrêtes pas de faire le ménage,
et pourtant c'est toujours le bazar à la maison!
Maman: Si vous y mettiez du vôtre, toi et ton frère, ce serait plus facile!
Salomé: D'abord, toi, t'as pas de pouvoirs magiques.
Maman: Hélas, non.
Un temps
Salomé: Et puis pourquoi il a une barbe?
Maman: Et pourquoi tu as les cheveux longs?
Salomé: Parce que je suis une fille et que j'aime ça.
Maman: Eh bien le Père Noël, il a une barbe parce qu'il aime bien. Et ça lui tient chaud en
hiver.
Un temps
Salomé: Mais pourquoi il met du rouge s'il ne veut pas qu'on le voie? C'est voyant, le
rouge.
Maman: Mais c'est son costume qui est comme ça.
Salomé: Mais pourquoi il ne met pas une tenue de camouflage alors?
Maman: Mais il ne fait pas la guerre Salomé!
Salomé: Il y a plein de personnes qui mettent du camouflage sans faire la guerre.
Maman: Il doit trouver le rouge plus joli!
Salomé: Il est bizarre alors....
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
28/83
Maman: Mais ce n'est pas bizarre, c'est comme ça !
La mère , qui en a marre de toutes ces questions, est sur le point de partir.
Salomé: Et alors, il fait plusieurs voyages, c'est ça?
Maman: Oui.
Salomé: Parce que son traîneau est trop petit et qu'il ne peut pas mettre tous les jouets du
monde...
Maman: Voilà, c'est ça...
Salomé: C'est compliqué, d'être Père Noël...
La mère veut sortir.
Salomé: Maman?
Maman: Oui Salomé?
Salomé: Il existe le Père Noël ?
Maman: On vient d'en parler Salomé ! Réfléchis un peu. Si tu veux y croire, alors il existe.
Et il viendra t'apporter des cadeaux.
Salomé: C'est pas vrai.
Maman: (surprise) Comment ça, c'est pas vrai ?
Salomé: Avec le Père Noël... tu me racontes des histoires ....Tu sais quand même
comment les cadeaux viennent à la maison, non?
Maman: Heu....oui Salomé.
Salomé: C'est toi et Papa qui les ramenez ?
Maman: Tu n'y crois plus ?
Salomé: Ça n'a rien à voir ! Je réfléchis ! C'est qu'il y a plein de choses bizarres. Et puis il
y a des gens qui n'y croient pas.... Inès elle m'a dit qu'il n'existait pas.
Maman: Et toi tu la croies ?
Salomé: C'est vrai que c'est bizarre ...
Maman: Ce n'est pas bizarre, c'est la féerie de Noël.
Salomé: En même temps j'ai peur que si ne j'y crois plus, il ne vienne plus me voir le Père
Noël.
Maman: Salomé, quand on veut croire en quelque chose, c'est qu'on est prêt à accepter
même ce qui nous semble étrange.. On aime bien être trompé, comme avec un tour de
magie. On sait qu'il y a un truc, mais on fait comme si on ne le voyait pas, pour croire
encore à la magie.
Salomé: Et c'est pareil avec le Père Noël ?
Maman: Oui.
La scène peut se poursuivre sur la réplique de Salomé "Il existe le père Noël?"
La lumière diminue progressivement....
Noir.
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
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VII.
PETITES HISTOIRES DE LA VIE QUOTIDIENNE....
« Dès qu'on sent qu'on s' fait d' l' effet
On s'cache des choses. » Alain Souchon.
Francine et Sophie sont sur scène, elles lisent un extrait d'Hamlet II;2*
Sophie /Guildenstern: "Que pourrions-nous dire, Monseigneur?
Francine /Hamlet: Tout, sauf la vérité. On vous a appelés, et il y a une sorte d'aveu dans
vos regards que votre confusion n'est pas assez habile pour farder. Je sais que le bon roi
et la reine vous ont appelés.
Sophie/ Rosencrantz: A quelle fin mon seigneur ?
Francine /Hamlet: Ça vous devez me l'apprendre. Mais je vous en conjure par les liens
de notre camaraderie, par l'accord de notre jeunesse, par les obligations de notre amitié
toujours préservée, et par tout ce qu'un avocat plus inspiré pourrait invoquer de plus cher,
soyez francs et directs avec moi: vous a-t-on appelé ou non ?
Sophie /Rosencrantz: Que dire?
Francine /Hamlet: Allons, j'ai l'oeil sur vous: si vous m'aimez ne gardez rien pour vous."
Sophie : (Brusque changement d'attitude et de ton.) OK. C'est bon pour aujourd'hui.
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
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Francine : On reprend demain à la même heure ?
Sophie : OK.
Elles enlèvent leurs costumes et leurs perruques; pendant tout le reste de la scène, elles
se rhabillent, se recoiffent.
Pensive, Francine s'adresse à son amie....
Francine : J'adore cette scène.
Sophie : Oui, vérité ou mensonge, là est la question!
Francine :C'est vrai que Shakespeare était un génie. On n'a rien inventé, c'est sûr! Depuis
la nuit des temps, on recherche la vérité alors qu'il n'y a que mensonge autour de nous.
Sophie : N'exagère pas non plus !
Francine : Je n'exagère pas. Mentir, ce n'est pas seulement dire le contraire de la vérité ...
Sophie : C'est vrai...
Un temps.
Francine : Tu dis tout à Cédric, toi ?
Sophie : Oui.
Francine : Tout ?
Sophie: Oui.
Francine : Tout, tout ?
Sophie : Oui. Pourquoi, pas toi avec Xavier ?
Francine : Non.
Sophie: Ah bon ?
Francine: Je me vois mal lui dire que je vais revoir Cyril par exemple. Parce que même
s’il ne se passera rien, il pourrait mal le prendre.
Sophie: Tu m'étonnes ! C'est ton ex !
Francine: Oui mais il ne se passera rien! C'est fini avec lui, j'ai tourné la page!
Sophie: Justement ! Dis-le lui!
Francine: Je n'ai pas envie.
Sophie: Pourquoi ?
Francine: Ça ne le regarde pas.
Sophie : Si tu lui dis, il va le prendre comme une marque de confiance et il verra que tu
es claire avec toi-même et avec Cyril.
Francine : Mais je suis claire !
Sophie : Alors dis-le lui !
Francine : Nous sommes restés bons amis, c'est tout.
Sophie : Pourquoi le caches-tu à Xavier ?
Francine: Je lui cache des choses parce que ça ne le regarde pas. Je ne suis plus
amoureuse de Cyril.
Sophie (sceptique): Bien sûr... Dans ce cas, tu pouvais l'inviter à la maison.
Francine: T'es folle!
Sophie: Si tu n'as pas de problème, tu l'invites, comme t'inviterais ton frère.
Francine: Mais je n'ai pas envie de l'inviter à la maison! Je fais bien la distinction entre ma
vie de couple et ma vie privée!
Sophie: Ce sont deux vies différentes, pour toi ?
Francine: Oui. J'ai besoin d'entretenir un mystère. L'envers du décor ne concerne que
moi.
Sophie: Attends, on est dans la vraie vie, là, t'es pas au théâtre.
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Francine: Tu rigoles! Quand je suis avec Xavier, c'est comme du théâtre pour moi. Il n'a
pas à tout savoir.
Sophie : Moi je ne supporte pas les cachotteries.
Francine: Moi, au contraire, j'adore ça. Réfléchir, à ce que je vais lui dire, dissimuler,
modifier certains propos...
Sophie :T'as pas peur de te faire des noeuds au cerveau?
Francine: Non. J'aime bien, l'idée d'un jardin secret: "Mon âme a son secret, ma vie a son
mystère" **
Sophie: C'est de la littérature, ça. Quand on est en couple, on est deux et on ne fait qu'un.
Francine: Et ça, c'est un idéal.
Sophie: Oui, sûrement. Je veux y croire.
Francine: C'est bien d'y croire !
Sophie: C'est comme regarder devant soi avec un objectif en tête et tout faire pour le
réaliser. C'est pour ça que nous nous sommes promis de tout nous dire.
Francine (sceptique): Vous vous êtes promis de tout vous dire ?
Sophie: Oui.
Francine: Une promesse ? N’importe quoi !
Sophie: Oui, une promesse !
Francine: Alors toi tu lui dis tout, mais es-tu sûre seulement que lui te dit tout ?
Sophie (troublée) : Je ne sais pas...je l'espère. Mais il n'y a pas que ça. Il y a aussi la
promesse d'être fidèle !
Francine: Ah, mais je suis fidèle! Seulement, j'ai mes secrets !
Sophie : Tu ne penses pas que quand on aime l’autre et qu’on veut qu’il nous aime, que
c’est important de tout dire, de se montrer sans fard ?
Francine : Non, moi je veux pouvoir mener la vie que je veux.
Sophie : Mais justement, avec quelqu’un qui te connaîtrait entièrement…c’est le rêve,
non?
Francine: Je vois mal comment on pourrait me connaître, moi qui ai déjà du mal à me
comprendre …
Sophie : Il y a une grosse différence entre connaître quelqu’un et le comprendre. On peut
très bien connaître quelqu’un et ne jamais réussir à le comprendre.
Francine : Oui…
Sophie : Et si tu te montres sans artifice, au moins tu es sûre qu'il te connaît!
Francine: Je ne suis pas convaincue.
Sophie: Parce que tu peux très bien vivre avec quelqu'un et croire le connaître ... Et en
fait ne connaître qu'une facette de sa personnalité.
Francine: Oui, c'est vrai...
Sophie: Moi j'ai besoin que ce soit clair et net, surtout avec Cédric. Il sait tout de moi.
Francine: Tu peux vivre avec quelqu'un et ne pas le connaître .
Sophie: Oui, mais je ne veux pas de ça avec Cédric.
Francine: ça te fait peur?
Sophie: Un peu, oui!
Francine: Je trouve ça plutôt excitant moi, de côtoyer la part d'ombre de l'autre....
Sophie: Non, moi j'ai besoin de stabilité, de savoir à qui j'ai affaire.
Francine: Alors tu vas être dégoûtée ...
Sophie: Pourquoi?
Francine: Déjà, un: ce n'est pas parce que toi tu te livres à Cédric qu'il fait la même
chose. Et deux: parce que nous jouons toujours plus ou moins un rôle … C'est ce que je
pense.
Sophie : Tu joues un rôle, même là, face à moi ?
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Francine: Ben oui… un peu… Enfin , je veux dire que je ne montre que certaines facettes
de moi, et mes amis comme toi en connaissent la plupart. Mais par exemple, Xavier en
connaît moins que toi.
Sophie : Et pourquoi lui, n'a-t-il pas le droit d'en savoir plus?
Francine: Je ne veux pas tout livrer . Il y a trop d'enjeu à mon goût. Il y a cette séduction
entre lui et moi, et que je ne veux pas entretenir avec mes amis. J'ai besoin de contrôler
mon image en amour.
Sophie : T’es pas un peu compliquée, là ? Pour moi, c’est plus simple. La vraie vie, c’est
quand je suis avec les gens que j’aime, alors je suis moi-même, je suis franche.
Francine:Tu peux dire que tu es tout le temps franche?
Sophie :Avec les gens que j'aime, oui. Et par contre, au boulot par exemple, je joue un
rôle.
Francine: Evidemment ! Au boulot c'est différent.
Sophie : J’en ai rien à faire d’eux.
Francine : Mais alors si tu en as rien à faire, pourquoi ce besoin de jouer un rôle?
Sophie : Je n’ai pas envie de me dévoiler devant eux ; ça ne les regarde pas.Un peu
comme toi avec Xavier. Je me protège, comme toi.
Francine : On se protège. A se dévoiler ainsi, on devient faible.
Un temps.
Francine : Tu vois, pour moi, celui qui s'enorgueillit d'être franc et sincère est un menteur.
(Réaction de Sophie) Nous jouons constamment un rôle, alors nous mentons toujours plus
ou moins. Je vais même te dire: moi, je ne dirai pas que je suis franche, ni sincère, parce
que pour moi, ce ne sont que des états éphémères .
Sophie : T’es vachement pessimiste alors.
Francine : Non. Je crois que nous avons des flashes de sincérité, mais que la plupart du
temps, nous trompons notre entourage.
Sophie : Mais c'est important d'être sincère avec ses amis!
Francine : Je suis d'accord avec toi. Ce n'est pas du pessimisme. C'est de la lucidité.C'est
impossible d'être 100% sincère. Même avec ses amis.
Sophie : Donc toi, il t'arrive de mentir à tes amis....
Francine :Oui... enfin, mentir, tout dépend ce que tu appelles mentir, mais il m'arrive de
modifier des propos, d'enrober la réalité. Ça ne t'arrive pas à toi ?
Sophie : Heu...
Francine : Je pense que tu sais et ressens quand je suis sincère avec toi.
Sophie : Heureusement !
Francine : Tu n’as pas besoin de ces mots pour te rassurer. Que vous vous soyez promis
de vous dire la vérité, toi et Cédric, c’est une chose, mais ce qui me gêne le plus làdedans, ce n’est pas la vérité, c’est la promesse. Comment pouvez-vous vous promettre
pareille chose ? Avec tout ce que la vie peut nous réserver ?
Sophie: On a envie d'y croire.C'est un vrai engagement.
Francine: Alors on se fait une promesse pour tenir le coup.
Sophie: Voilà.
Francine: Oui. Pour se convaincre. Adopter une ligne de conduite.
Sophie: Appelle ça comme tu veux, mais pour moi l'honnêteté est importante dans un
couple.
Francine: Mais pour moi aussi.
Sophie: C'est une question de respect.
Francine: Un respect qui n'empêche pas cependant les petits mystères.Tu sais, ces
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petites choses que l'on tait au début de la relation, les secrets que l'on dévoile ou non et
qui font partie de la séduction... Je préfère laisser Xavier avec l'idée d'en savoir plus plutôt
que de le gaver avec toutes mes histoires.
Sophie: ça se défend. Moi je n'aurais pas ta force pour endurer une relation pareille.
Francine: Tu trouves qu'il faut être forte?
Sophie: Oui. Réfléchir à ce que je vais dire, ce que je veux cacher, ce que je veux
paraître....je préfère une relation plus simple.
Francine: Pour moi l'amour n'est pas simple. En tout cas moins que l'amitié. Et puis les
relations humaines ne sont pas simples, j'en ai fait le deuil.
Sophie: Tu devrais baisser ta garde Francine. Simplement faire confiance, un peu. On
sait bien que les relations sont difficiles, mais si on ne se fait pas un minimum confiance,
c'est l'enfer, non ?
Elles apportent une touche finale à leur tenue.
Francine: Non, je ne crois pas. C'est ça qui est chouette dans les rapports humains; rien
est sûr, ni figé, et c'est ce qui donne du piment à la vie ....
Sophie: (ironique) Le piment de la vie!
Francine: Oui et d'ailleurs j'ai besoin de toi pour saupoudrer un peu ma soirée....
Sophie: C'est-à-dire?
Francine: Je dois revoir Fabrice ce soir après la répète ...
Sophie:Je croyais que vous n'étiez plus en contact?
Francine: Si, justement. Mais on en a marre du virtuel.
Sophie: Alors que dois-je faire ?
Francine: Tu dis juste que je suis chez toi ce soir. (réaction de Sophie) Si Xavier te pose
des questions. Allez, bye!
Elle lui fait la bise et laisse Sophie surprise.
Noir.
* Shakespeare; traduction de J-M Déprats.
** F. Arvers (1806- 1850)
" J'ai toujours dit la vérité mais pas toute la vérité " N. De Rothshild
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VIII.
LE GROUPE
Une salle de réunion. Christian, le coach est debout près du paperboard, Patrick et Michel
sont assis. Entre Fabienne.
Christian: Salut Fabienne comment ça va ?
Fabienne(à l'assemblée): Je vous préviens, j'ai passé une journée pourrie, je suis crevée !
Un temps. Tout le monde se regarde, perplexe. Fabienne s'assied.
Patrick: D'accord...
Michel: Super...
Christian: Mais maintenant tu es là, avec nous.
Fabienne : J'voulais pas venir, mais je suis quand même venue.
Michel: En gros, on devrait de féliciter d'avoir fait l'effort de venir !
Christian: ça te coûte tant que ça ?
Fabienne : En ce moment, oui ! Mais je suis là ! Et je vous préviens, je n'ai pas bossé.
Elle pose son sac sur la table et sort quelques affaires.
Patrick: Tu dis ça, mais je suis sûr que tu sais ce que tu dois faire.
Christian: Tu vas y arriver.
Fabienne : Non, je ne crois pas, je n'ai pas bossé.
Michel: Merci pour nous.
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
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Christian: Si tu y mets autant de bonne volonté aujourd'hui, ce n'est pas la peine de venir.
Fabienne : Mais je veux venir !
Patrick: Ce n'est pas ce que tu as dit tout à l'heure !
Fabienne : Non, j'étais pas trop motivée, mais maintenant ça va.
Michel: Alors tais-toi !
Christian: Je sais qu'on peut être maladroit des fois, mais quand c'est répété toutes les
semaines, ça gonfle!
Fabienne : C'est dit très gentiment, ça fait plaisir !
Christian:Qu'est-ce que tu veux que je te dise? "Désolée pour toi ma pauvre chérie, on va
essayer de ne pas trop te déranger." On va bosser pendant que tu te morfonds alors.
Fabienne :Tu te moques de moi en plus!
Christian: Non. Je dis juste ce que je pense. Tu arrives en faisant la gueule, en nous
disant que tu es fatiguée et qu'en plus tu n'as pas bossé ! Super pour motiver le groupe!
Fabienne (se lève) : Je ne suis pas venue pour me faire engueuler, c'est bon ! C'est déjà
bien que je sois là ! Si t'es pas content, c'est pareil !
Elle sort. Marie-Hélène rentre
Marie-Hélène : Dites donc, elle a l'air furax Fabienne ! Qu'est-ce qui se passe?
Patrick: Rien. Elle fait la gueule, comme d'hab'.
Marie-Hélène : Encore! Qu'est-ce qu'elle a cette fois ?
Michel: Rien, toujours un pet de travers.
Christian: J'en ai ras-le bol de ces gens qui arrivent en cours en tirant des tronches de
quinze kilomètres de long. Tu ne les forces pas à venir, ils se sont inscrits tous seuls, non?
alors qu'ils assument maintenant !
Marie-Hélène : T'es sévère Christian.
Christian: Attends, elle est toujours comme ça, à geindre!
Patrick: On se demande ce qu'elle vient faire ici.
Michel: La même chose que nous apparemment.
Patrick: Ouais, ben ça craint, alors. Qu'elle apprenne à vivre en société.
Marie -Hélène s'assied.
Marie-Hélène : Ça n'a rien à voir ! Tu as en face de toi des êtres humains, pas des robots!
Patrick: D'accord. Mais ça n'empêche pas qu'il faut prendre un peu sur soi. Pas vrai
Christian ?
Christian: C'est vrai que si tout le monde arrive en faisant la tronche, ça va démotiver le
groupe.
Michel: Voilà! Il faut se faire violence et laisser sa petite personne de côté.
Christian:C'est ce qu'on appelle "s'adapter dans un groupe".
Patrick: C'est trop compliqué pour elle, on dirait.
Michel: Attends, ce n'est pas compliqué, tu viens, tu fermes ta gueule et tu bosses.
Marie-Hélène : On n'est pas des machines! Et puis, c'est normal d'avoir des états d'âme!
Christian: Quand on est un groupe, il faut penser "collectif", pas "individu". Le collectif
passe avant l'individu.
Patrick: Oui, mais ta matière première, c'est l'individu, donc il faut le préserver.
Michel: Tu tâches de faire bonne figure, pour laisser passer le positif, et ne pas
transmettre le négatif.
Patrick: Celui qui à peine entré balance ses problèmes, commence à s'excuser et te dit
qu'il a fait des efforts pour venir! Tu as envie de lui dire "si ça t'a coûté autant, t'avais qu'à
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
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pas venir!"
Fabienne revient.
Fabienne : En attendant, moi je suis prête! Pendant que vous bavardiez, j'ai tout installé
dans la salle !
Christian: Tu pouvais nous appeler !
Fabienne: Non, c'est bon, c'est trop tard.
Patrick: Merci Fabienne , mais on t'aurait aidé ...
Fabienne : Quand ?
Patrick: Tout de suite.
Fabienne : Après votre discussion c'est ça ?
Christian: On parlait de ta manière d'arriver en formation.
Fabienne : Je sais, j'ai tout entendu.
Michel: C'est bien.
Christian: Et tu t'es entendue ? Le sacrifice ne paie pas! Alors arrête de me coller ce que
tu penses être une dette envers toi!
Fabienne sort.
Michel: Elle en tient une couche !
Christian: Et maintenant au travail !
Patrick: Ça va être super, de bosser dans une telle ambiance.
Christian: On fera avec.
Patrick: Ou plutôt sans.
Marie-Hélène: Elle a sûrement des problèmes....
Christian: On en a tous !
Patrick: Aujourd'hui on a peut-être été moins patient que d'habitude.
Michel: C'est bon, ça fait déjà un mois qu'elle nous fait le coup!
Christian: Il fallait que ça sorte !
Marie-Hélène: Il y a l'art et la manière de le dire.
Michel: (ironique) Tu as en face de toi des êtres humains, pas des robots .
Patrick: S'il faut toujours faire attention à ce qu'on dit, on n'a pas fini.
Marie-Hélène: Mais c'est normal en société. Tu imagines les drames si tout le monde
disait ce qu'il pensait ?
Michel: Des fois c'est mieux.
Marie-Hélène: Je ne suis pas sûre.
Michel: Attends, si tu dois prendre des pincettes à chaque fois, tu n'as pas fini. C'est aussi
aux autres de gérer leurs émotions.
Marie-Hélène: Il y en a qui y arrivent mieux que d'autres. Tu peux aussi en subir les
conséquences. Je veux dire par là que si la personne se vexe, elle t'en fait voir de toutes
les couleurs , et tu es mal barré !
Michel: Eh bien ça donnera l'occasion de s'amuser !
Marie-Hélène: Et ainsi le moindre mot dit de travers se termine en pugilat.
Christian: Tu veux dire "compris de travers", parce qu'entre ce que je dis et ce que l'autre
comprend, il y a tout un monde !
Patrick: C'est pour ça que ce n'est pas la peine de se prendre la tête, puisqu'on n'est pas
sûr d'être compris à 100 %.
Marie-Hélène: Justement ! Alors ce n'est pas la peine de tout dire franco, avec le risque
de blesser l'autre! Il s'agit de lisser nos différences, nos convictions, et entrer dans le
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moule, s'adapter. C'est l'intérêt des relations humaines.
Un temps.
Michel: Toi, par exemple, Christian, tu dis toujours franco ce que tu penses ?
Patrick: Tu parles. Mieux vaut être honnête que de faire plaisir aux gens.
Christian: Je suis honnête !
Michel: Donc tu dis ce que tu penses.
Christian: Oui.
Michel: Quand les gens sont vraiment mauvais ? Tu le dis ?
Patrick: Ben oui! Sinon comment veux-tu qu'ils s'améliorent s'il ne leur dit pas?
Marie-Hélène: C'est délicat, quand même.
Michel: Tu parles d'encouragements, toi : on te dit que tu es nul !
Patrick: Tu nous dis toujours ce que tu penses, hein, Christian ?
Christian: Oui.
Michel: Ça t'arrive de nous dire que nous sommes bons, même si tu ne le penses pas ?
Christian: ...
Patrick: Tu fais comment pour encourager les gens, alors? S'ils pensent toujours être
bons, ça ne va pas les pousser à s'améliorer, ils vont s'endormir sur leurs lauriers.
Marie-Hélène: En tout cas, je ne viens pas ici pour me faire casser, je viens pour
apprendre et me faire plaisir.
Christian: En tant que formateur, je me dois de vous tirer vers le haut et de vous dire ce
qui ne va pas.
Patrick: Donc tu nous dis où ça coince.
Christian: Oui, comme tout à l'heure, avec Fabienne.
Marie-Hélène: Ça dépend surtout comment tu le dis.
Michel: Et alors, lui aussi il a le droit d'avoir des états d'âme!
Marie-Hélène: Non, c'est le prof !
Patrick: Et alors, c'est aussi un être humain! (à Marie- Hélène) Toi qui disais qu'on n'était
pas des robots !
Christian: Et merde ! Vous n'aller pas vous prendre la tête! Fabienne, sa réaction lui
appartient! Tant pis si elle le prend mal et si elle est susceptible ! Je vais la chercher,
sortez votre rapport. Au travail!
Christian sort. Un temps.
Marie-Hélène: Je ne suis pas d'accord. Quand tu gères un groupe, tu es responsable de
ce qu'il pense.
Patrick: Oui mais tu es surtout responsable du résultat ! Alors tous les moyens sont bons
pour atteindre son but.
Marie-Hélène: Même celui de briser une personne ?
Patrick: Briser... tu vas un peu fort; je veux plutôt dire tirer la sonnette d'alarme quand il
faut pour pousser les gens à s'améliorer.
Marie-Hélène: Sauf qu'il ya des paroles qui blessent plus que d'autres.
Michel: Ce ne sont que des paroles...
Michel se coule dans son fauteuil, relax.
Marie-Hélène: Dire ce qu'on pense peut être vécu comme une forme d'agression. Parfois
la vérité n'apporte rien ! On s'en passe beaucoup plus souvent qu'on ne le pense !
Michel: Toi peut-être, quand on te dit que c'était bien et qu'en fait tu étais nulle !
Marie-Hélène: Qui dit ça ?
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Un temps.
Marie-Hélène: Qui, Christian ?
Les deux hommes ne disent rien, mais se regardent d'un air navré.
Marie-Hélène: Il dit des conneries, Christian?
Patrick: Pourquoi tu demandes ça ?
Marie-Hélène: C'est vrai que j'étais nulle ?
Les répliques des deux hommes doivent être synchrones.
Michel: Mais non ....
Patrick: Mais oui....
Marie-Hélène: T'es sûr ?
Michel: Mais oui....
Patrick: Mais non ....
Michel:(sarcastique) Tu sais bien, c'est l'intérêt des relations humaines...
Christian revient, visiblement énervé !
Patrick: Et Fabienne ?
Christian: Elle boude.
Michel soupire. Marie - Hélène semble sur la défensive.
Un temps de flottement.
Christian: Bon alors, on reprend...
Christian sort ses affaires, et s'apprête à écrire au tableau quand Michel se lève.
Michel:(En regardant Marie-Hélène)Tu parles d'un intérêt ! J'suis pas maso, moi, elle va
se calmer la Fabienne, oui !
Michel sort. Les autres le suivent du regard
Marie-Hélène: Qu'est-ce qu'il fait ?
Patrick: Il va apprendre à Fabienne à mieux gérer ses émotions, je pense.
Marie-Hélène: Il ne va faire qu'envenimer la situation !
Patrick: Mais non !
Marie-Hélène: Mais si !
Christian se lève et se dirige vers la sortie.
Christian: Fabienne est une grande fille !
Il sort.
En off, on entend Christian s'adresser à Michel :
Christian: Laisse-la Michel, elle reviendra quand elle sera calmée !
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
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Patrick: Et puis on se marre, nous!
Jeu de regards entre Patrick et Marie-Hélène.
Marie-Hélène: Tu parles. C'est idiot.
Patrick: Mais non.
Fabienne, Christian, et Michel reviennent et vont s'asseoir, tous disposés à travailler.
Patrick: Qu'est-ce qu'on s'ennuierait si on se disait toujours la vérité !
Jeu de regards entre tous.
Noir.
1er intermède:
TABLEAU DANSÉ
Un nuage dans le ciel
Entre deux mots, du fiel
De l’ombre dans l’éclair de tes yeux,
Dissimuler la vérité comme tu le peux.
Douce tactique, user de rhétorique,
Paroles stratégiques pour tromper le flic
Un souffle qui ressemble à un soupir
Prémisses d’un repentir ?
Une gageure cette recherche de vérité !
Petit blabla pour brouiller les pistes
Quelques mots et puis s’en va
Une comptine simpliste
Blabla c’est si facile, et puis s’en va
La vérité !
Je me joue de toi mais ne t’avise pas à faire de même
Sincère, moi, c’est comme ça que je t’aime
Je sais ce n’est ni juste, ni égal
Mais le moindre mensonge serait fatal
A la vérité !
En vérité je te mens
Impossible de faire autrement,
Mettre du mieux dans mes matins,
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
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Peindre mes jours d’un peu de bien
Illusions !
Flirter avec le faux
Fariboles fourbes,
Gymnastique des mots
Les yeux pleins de tourbe
Manipulation!
Abracadabra
Blabla perlimpimpin
Poudre aux yeux
Wahou, joli quotidien !
Sans pincette
Aller sur Internet
Dire des trucs pas nets
allez, c'est la fête !
Ce que je cache,
Ce que je montre,
Quelques paroles bien pensées,
Propos bien pesés,
S'inventer un personnage,
Changer son âge,
Rembourrer son corsage,
Alliance enlevée
Madame devient mam'zelle,
Ouvre ses ailes
Quotidien et légèreté
Légèreté et quotidien,
Tresser des liens,
Rester simple et naïf
Contact natif
Relations humaines
Spontanéité vaine...
Autant en rigoler
Crackers au piment
Relever nos vies
Et se marrer un peu !
Pas de prise de tête
Pour une vérité
Vaine.
Noir.
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
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IX.
L'ENFER: (en hommage à Claude Chabrol)
Le récitant: Claude Chabrol disait: "Je n'avais qu'une seule crainte, avec ces pensées,
c'était de paraître sympathique ". Monsieur Chabrol, vous avez surtout été lucide et
caustique. Ça tombe bien, j'adore les plats épicés.
Elle est seule sur scène, elle se remémore une discussion avec son compagnon...( des
flashs, où l'échange sera joué par deux comédiens )A chaque flash, elle est en arrêt
image, regard tourné vers le dialogue .
Jeux de lumière et musique indispensables, rendre l'atmosphère irrespirable.
Elle: Comment en savoir un peu plus sans donner l'impression de faire une enquête...
Poser une question, l'air de rien ? Prendre des chemins sinueux... dois je craindre une
présence féminine?
1er flash:
Elle bis: Le tarot, tu y vas avec qui ? Toujours avec les mêmes ?
Lui: Ouais, ouais…
Elle: Il reste évasif et ça m'agace!
Elle bis: Et la piscine ?
Lui: Avec un gars.
Elle: Idem. Ça m'énerve! Il ne va pas dire un crocodile, non ?
Un temps.
Elle: Suis-je parano ? Je suis sûre, il y a eu un changement dans l’intonation. Il dit "un
gars". Il dit" un gars", car s’il dit une « nana» il y aurait ambiguïté! Malin le type! C’est si
grisant de mentir ! Et moi qui me retiens de poser d'autres questions, surtout ne pas
réveiller sa vigilance. J'attends qu'il se plante. Ce n'est pas possible, il finira bien par faire
une gaffe ; Et là, j'aurai la preuve qu'il me cache des choses. Il faut que je me taise, mais
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
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c'est vraiment difficile!
Abracadabra
Blabla perlimpimpin
Poudre aux yeux
Wahou, joli quotidien !
Elle: Abracadabra! Des paroles comme des ingrédients à incorporer à la potion qu’on fera
boire à notre interlocuteur … un philtre ! Et moi je goberais cette vérité ?
Flirter avec le faux
Fariboles fourbes,
Manipuler les mots
Les yeux pleins de tourbe
Manipulation!
2ème flash:
Lui: Mais je te dis tout !
Elle bis: Ouais, ouais, c’est ça…
Lui: Si .
Elle bis : Ne me dis pas que tu me dis tout, ce n’est pas vrai….
Lui: Si je te le dis !
Elle bis : C'est impossible. Réfléchis deux secondes à ce que tu dis...
Lui: Je n'ai rien à cacher.
Elle bis : Ce n'est pas parce que tu n'as rien à cacher que tu dis tout... Nuance !
Elle: Et laisser l’autre dans ses réflexions… comment peut-on affirmer tout dire ? Parce
que tu me dis que tu bois des verres avec des collègues ? Partager certaines infos pour
mieux dissimuler les autres ? Laisser l’autre dans l’illusion d’une transparence, et alors
mentir par omission ?
Un nuage dans le ciel
Entre deux mots, du fiel
De l’ombre dans l’éclair de tes yeux,
Dissimuler la vérité comme tu le peux.
Elle: Tout compte fait, il ne ment pas, il ne dit pas tout….ce n'est pas la même chose,
non?
Et pire; il peut très bien modiifer, et me dire des paroles différentes de la réalité. Le
mensonge par assertion! Jouer au funambule en équilibre sur des mots lourds de sens.
3ème flash:
Lui: La piscine, j’y vas avec un gars du boulot.
Elle bis le regarde et ne dit rien.
Elle: Et là j'ai l'impression que l’air s’est épaissi, qu'il devient trouble; on dirait un nuage
qui passe dans le ciel ." Non, il y va avec une copine."
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
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Et puis, il ne va pas à la piscine, il sort, et puis il ne va même pas à la piscine, en fait elle a
un appart pas loin d’ici et... (sa voix s'étrangle, ne voulant pas prononcer ce qu'elle
redoute ) Je me fais violence, non non,non, je ne poserai pas de question, je ne veux pas
qu’il croie que je le soupçonne. Toujours le doute…Alors je prends sur moi et j'accepte
avec un grand sourire ...C’est horrible d’imaginer que les autres puissent mentir. Je ne
sais plus quand est-ce qu'il dit vrai et quand il me ment, et surtout sur quoi....
4ème flash:
Lui: Tu n'as pas confiance en moi.
Elle bis : Si.
Lui: Non, sinon, tu me croierais plus facilement Là, plus je cherche à te convaincre, plus
j'ai l'impression que tu croies que je te racontes des craques.
Elle bis : Je psychote , peut-être ?
Elle: C'est horrible. Où est le vrai? Où est le faux ? Le saurai-je un jour ?
Elle pousse un cri viscéral et s'effondre, en pleurs....Elle bis vient la relever.
Noir.
Pas de prise de tête
Pour une vérité
Vaine.
Le récitant: Savoir le vrai. Nous voulons tous être pris pour des personnes sensées et
intelligentes. Nous ne voulons pas nous sentir manipulés, nous voulons contrôler notre
monde. Avec un tel sujet, je suis sûr que vous m'attendez au tournant avec cette
question : doit-on dire toute la vérité ? Je doute que nous ayions une réponse claire et
tranchée d'ici la fin de la soirée...Mais le doute fait avancer, n'est-ce pas? Encore que des
fois, il vaut mieux savoir où l'on va....
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
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X.
QUE DIRE ?
"Lorsque Dieu fit du mensonge un péché, il créa aussitôt une exception pour les
médecins. Apprenez à bien mentir pour mieux consoler" André Soubiran.
Daniel, un médecin seul dans son cabinet.
Daniel:
Qu’est-ce que je fais? ça fait 15 ans que je suis médecin et que je me pose la question.
Dire la vérité ? Pour instaurer une relation de confiance entre le malade et moi ? Faire
tomber un couperet qui vient zigouiller l’espérance en quelques mots. Et après, quoi ?
Laisser le type avec cette nouvelle sous le bras, dans le cœur ? Lui montrer que je ne sers
plus à rien ?
Un temps.
J’ai fait mon boulot, salut, vous repartez, débrouillez-vous sans moi, avec votre maladie!
Par acquis de conscience, je peux vous proposer un psy et vous tapoter l’épaule … mais
moi je ne sers plus à rien....
Un temps.
Cette mascarade me dégoûte. Je suis médecin, je suis là pour soigner les personnes! Je
ne suis pas là pour annoncer aux gens qu’ils vont crever! Je ne suis pas là pour les
enfoncer davantage ! Un temps. Je sais bien que le mensonge et l’illusion sont
indispensables, sinon on ne se projetterait jamais dans l’avenir… c’est vrai quoi, à quoi
bon, si on va mourir… Que dis-je ? «si»...comme s’il y avait des doutes… S’il y a bien une
chose dont je suis sûr c’est que je vais mourir … et nous médecins, restons humbles,
nous ne pouvons pas déjouer la nature….
Un temps.
C'est terrible de devoir choisir. Entre la vérité qui rend au malade toute sa dignité, et
l'illusion antalgique qui rend le bonheur encore accessible....
La vérité, et son lot de réactions: les silences, l’effondrement des patients, les insultes !
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
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Ces larmes qui me renvoient devant mon insuffisance…..et montrent que le patient a bien
intégré l’information... Par contre, ce dont j’ai horreur, ce sont des rires, rires jaunes ou
hystériques, comme une bonne vieille blague, et la chute fait très mal…
Mais au moins, il SAIT.
Un temps.
L'illusion, l'once d'espoir, c’est prendre le patient pour un enfant, pour un irresponsable,
c’est comme le soustraire à ses droits de savoir et de mourir en pleine conscience de ce
qui va lui arriver… ce sont les petites histoires racontées au patient. Et toute la famille qui
joue le jeu! Priver le malade d’une mort digne…. Là je supprime cette humanité en laissant
l’autre dans l’ignorance…Le prendre pour un con jusque dans sa mort !
Un temps.
Sûrement qu'il n' y a pas à choisir, seulement à accompagner dans sa souffrance le
patient du mieux que l'on peut. C'est ça, être médecin.
«Philosopher, c’est apprendre à mourir » disait Montaigne. Alors, on se demande si on fait
bien son boulot en sapant le moral du patient, en lui fermant toutes les portes de
l’espérance en balançant le pronostic… Parce que sans espoir où va-t-on ?
Un temps.
Saint Jude, priez pour nous !
Noir.
En vérité je te mens
Impossible de faire autrement,
Mettre du mieux dans mes matins,
Peindre mes jours d’un peu de bien
Illusions !
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
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Le récitant: ça va? Vous suivez toujours ? Je continue l'inventaire des petites histoires
quotidiennes, je sens que je n'ai pas fini. J'ai souvent l'impression de vivre dans un monde
parallèle, pas vous? (Il attend une réaction du public) Voyez plutôt...
Elle: Tu as posté la lettre?
Lui: Oui.
Lui bis: (au public) je ne vais pas lui dire non, elle est toujours dans ma poche, sinon,
c'est l'avalanche de reproches! (à elle, mais elle n'entend pas) Promis, je la poste demain.
Le récitant: Petite histoire qui ne prête pas à conséquence... mais pas toujours !
Regardez...
Lui: Il est nouveau ce T-Shirt ?
Elle: Mais non, ça fait deux ans déjà que je l'ai, je ne le porte pas souvent, c'est tout.
Elle bis: Mince, je suis grillée, il faut que je balance un bobard ou alors j'en profite pour lui
faire un reproche, genre "tu ne me regardes pas."
Elle: Tu ne me regardes pas. (Cette réplique doit être dite en même temps que celle d'
Elle bis.)
Elle bis: Comme ça j'évite le reproche "tu dépense trop d'argent pour les fringues! "
Le récitant: Quand il y a une brèche, c'est bien connu, irrésistiblement, le lézard s'y
faufile!
Lui: Ils sont super bons ces gâteaux. C'est toi qui les as fait ?
Lui bis: J'ai comme un doute...
Elle: Oui.
Elle bis: Merci Picard !
Lui: Ils sont déliceux ! Bravo !
Lui bis: Je les connais, ces gâteaux, j'achète les mêmes tout prêts.
Le récitant: Alors qui est le plus affabulateur ? Celui qui veut se valoriser ou celui qui feint
de ne pas voir le bâteau de l'autre ?Un temps. Et celui qui ment, qu'en pense-t-il ?
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
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XI.
T'ES TOI QUAND TU MENS ( l'enfer, 2ème partie )
Romain :
Seul dans sa chambre.
Je l’ai fait. Gros bobard. Les mots sont sortis sans vraiment que je ne m’en rende compte.
Je les ai vu défiler devant moi, j’avais envie de leur dire « attendez-moi ». Mais ils m’ont
grillé au démarrage. Et je ne me voyais pas la force de les rattraper. J’ai regardé autour de
moi, puis j'ai regardé mon père, pour voir s’il avait remarqué quelque chose d’anormal…
Apparemment non. Je ne sais pas. J’avais l’impression que les battements de mon cœur
pouvaient s’entendre. Je continuais à parler, parler, évitant le regard de papa .Tout allait si
vite. Il paraît qu’on peut tout deviner d’un regard. Je ne voulais pas croiser ses yeux mais
je devais me forcer: il aurait pu trouver ça suspect. Alors je réfléchissais déjà à une
tactique pour le regarder droit en face, l’affronter et justement lui enlever cet indice .J’étais
sûr qu’il se douterait que je n’aurai pas le cran de le regarder en face en mentant. Mais
c’est pourtant ce que j’ai fait ce soir-là. Un temps. Enfin, non. J’ai regardé juste derrière lui
le vase en cristal sur la commode ; je n’avais pas encore le courage.
Un temps.
Ma voix avait-elle changé? Mon histoire résonnait comme un violon désaccordé. J'avais
l'impression que mes mensonges hurlaient dans la tête. Un temps. Bon, il faut que j’arrête
de me poser toutes ces questions. Ils ne vont pas chercher jusque là. Un temps. Et
maintenant, je dois déjà réfléchir à la suite de ma petite histoire. C’est que ce n’est pas de
tout repos. C’est un exercice qui demande constance, intelligence et assurance. Et ce qui
est classe avec un bon mensonge, c’est quand il rivalise avec la réalité. Il faut être doué.
Parce que j’ai pas intérêt à me gourer non plus ! Sinon mon mensonge sonnera faux ! Un
comble! Comme dit mon prof de théâtre: "Toujours être convaincu de ce qu'on dit !
Concentration!" Toujours se concentrer ! Etre condamné à l'attention, fini le repos ! La vie
est un théâtre, et le théâtre est la vie... modifiée. Petit à petit c'est le dégoût qui vainc
l'admiration.
Un temps.
Et maintenant je suis pas dans la merde ... Je suis condamné à mentir, sinon l'édifice
s'écroule et ses bénéfices aussi. J'ai comme l'impression d'avoir créé mon propre enfer,
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
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une pièce au sol recouvert de sables mouvants dans lequel je m'enfonce, je m'englue.
C'est quoi l'enfer? Etre condamné au mensonge ou bien ne pas avoir de porte de sortie,
vivre nu dans la vérité?
Noir.
Légèreté et quotidien,
Tresser des liens,
Rester simple et naïf
Contact natif
Relations humaines
Spontanéité vaine...
XII.
LA SURPRISE D'ANNIVERSAIRE
3 copains qui se connaissent depuis des années, Anne, Bertrand et Charles, la trentaine .
Anne: Qu'est-ce qu'on fait pour l'anniversaire de Cédric?
Bertrand: C'est vrai, c'est bientôt.
Charles: Quand déjà ?
Anne: Le 15.
Bertrand: Bon alors déjà, le 15, ça tombe un mardi.
Anne: C'est mort alors, il est en déplacement jusqu'au 17.
Charles: Comment sais-tu ça, toi ?
Anne: Sophie me l'a dit.
Charles: Tu la vois encore Sophie?
Anne: Oui...
Charles: Alors on le fait le 19.
Bertrand: C'est un samedi, c'est bien ça.
Charles: On organise une surprise. On monte un plan pour qu'il ne se doute de rien et on
met Sophie dans le coup.
Bertrand: OK.(à Anne) Alors c'est toi qui appelle Sophie. Moi c'est bon, j'ai déjà donné.
Anne: Quoi, qu'est-ce qu'elle t'a fait?
Bertrand: Rien, mais c'est toujours moi qui relance Cédric pour les parties de poker, et
comme elle n'aime pas trop ça, je crois qu'elle m'a dans le collimateur! (à Anne)Tu
l'appelleras, toi, elle t'aime bien.
Anne: Comment ça, elle m'aime bien?
Bertrand: (imitant une voix féminine) « Merci Anne, c'est vraiment gentil d'avoir ramené
des fleurs »
Charles: ( en regardant Anne) Surtout qu'elle a horreur des fleurs!
Anne:: Ouais, bon, n'empêche que moi je ramène toujours quelque chose quand je vais
manger chez eux!
Bertrand et Charles: Mais nous aussi!
Anne: : Je pensais à Martine, elle, elle ne ramène jamais rien!
Bertrand: Attends, elle est à la dèche!
Anne: Ouais, mais elle pourrait faire un effort.
Charles: Si c'est pour ramener des cadeaux qu'on lui a offert, c'est pas la peine.
Bertrand: Tu parles du bouquin?
Charles: Oui! Et dire en plus, qu'on vient de le lire alors que je sais que c'est faux, c'est
gonflé!
Anne: Elle l'avait peut-être vraiment lu!
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
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Bertrand: Tu ne connais pas Martine! Elle ne lit même pas un mode d'emploi!
Charles: En tout cas, faut être gonflé pour offrir ça à Sophie et à Cédric, coinços comme
ils sont!
Anne: N'importe quoi! Je ne vois pas ce qu'il y a de choquant à offrir « La philosophie
dans le boudoir » de Sade!
Charles: Toi, tu ne vois peut-être pas, mais ils avaient l'air gêné quand ils ont ouvert le
paquet...
Anne: Ahlala.... gênés tu parles ? Avec Sophie qui va aux soirées sex-toys?
Charles: Elle va aux soirées sex-toys?
Anne: Oui, et d'ailleurs nous y allons ensemble, c'est sympa...
Bertrand: Alors on pourrait trouver une idée de cadeau de ce côté-là?
Charles: Un sex-toy pour Cédric ?
Les trois amis se regardent, peu convaincus...
Anne: Laisse tomber....
Bertrand: Bon, on invite qui ? Son frère, sa soeur?
Anne: Il faut vraiment l'inviter, Pascale?
Bertrand: Pourquoi dis-tu ça?
Anne: Parce que si elle est aussi chiante qu'à l'enterrement de vie de jeune fille de
Christelle, eh bien, on va s'amuser!
Charles: Mais c'est sa soeur, pas la tienne!
Anne: Heureusement ! Bref !
Un temps.
Bertrand: Alors le 19. Et on dit quoi ?
Charles: On n'a qu'à demander à Sophie de faire comme si elle lui préparait un dîner en
tête à tête...
Bertrand: Sauf que ça fait quand même suspect, si on fait rien !
Anne: Mais t'as rien compris ou quoi? C'est une excuse! En réalité,on organise une fête
avec tous ses potes.
Charles: Sauf que ça va être difficile de trouver des copains...
Bertrand: C'est vrai que Cédric, il n'a pas trop de copains...
Charles: … des copains « sortables » surtout....
Anne: N'importe quoi ! Vous dites ça à cause de Jean-Luc, c'est ça ?
Bertrand: Tu ne te rappelles pas l'esclandre au resto! Tout ça parce que Dynastie ne
pouvait pas rentrer !
Anne: Dynastie ?
Bertrand: Le caniche ! Tu sais, la serpillère sur pattes !
Charles: Le mec, il ne comprend pas pourquoi les chiens sont persona non grata dans un
resto où l'on paye la moindre salade verte 10€ !
Bertrand : C'est clair! Ce n'est pas parce que son clebs vaut cent salades vertes - à
cause d'un Pedigree à la con -soit dit en passant- que nous on doit bouffer avec les
chiens!
Charles: Mais si ce n'était que Jean-Luc! Toi, Anne, tu dois bien te rappeler de Thomas !
Anne : Thomas, le lourdingue!
Bertrand : Ouais, mais je vous signale qu'on est un peu obligé de l'inviter, Thomas: C'est
le témoin de Cédric, son plus ancien pote!
Charles: La gueule du témoin ! Le mec, il n'arrête pas de draguer Sophie.
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
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Bertrand: De toute façon, il drague tout ce qui bouge!
Charles: Et il faut voir comment il drague; à la Gabin mais avec un gros fond de beauf
attitude, genre "t'as de beaux yeux tu sais"
Bertrand: Il n'a que la voix de Gabin, et encore, de loin!
Anne : Oui, sauf qu'il n'a ni la classe, ni la tête de Gabin!
Charles: Il a même dragué Anne. Il n'est pas difficile!
Anne: : Sympa! Bon, en tout cas, j'espère qu'il est casé maintenant et que je ne vais pas
me le taper -façon de parler- encore toute la soirée!
Charles: Pour revenir à la soirée, moi je propose un bowling.
Bertrand: Ouais, c'est pas mal, ça!
Anne: Ah non, c'est déjà vu le bowling. Rappelez-vous, les 30 ans de Stéphane.
Bertrand: Et alors, c'était cool !
Anne: Tu parles, la musique à fond, l'attente pour les boissons et tous les beaufs autour.
Parce que faut le dire, le bowling, c'est pour les beaufs.
Bertrand: Attends, tu me traites de beauf ?
Anne: Non, mais on pourrait trouver mieux.
Charles: Quoi alors?
Anne: Ben....
Charles: Ah, tu vois, c'est pas facile d'avoir des idées! Alors arrête de critiquer!
Bertrand:: Un paintball ?
Charles: C'est quoi, ça?
Anne: C'est le genre de jeu pour ceux qui veulent jouer à la guéguerre , avec des billes de
peinture rouge qui t'éclatent dans la figure!
Charles: Ouais, alors laisse tomber, Cédric, c'est une vraie chochotte; avec ses chemises
« new style de New York », il va nous péter une crise!
Anne: Vous êtes vachement sympa quand vous parlez de votre pote, vous!
Bertrand:: Mais on l'aime bien, sinon on ne serait pas là à se décarcasser pour lui ..
Charles : En attendant, on a rien trouvé, ni l'idée, ni le bobard pour endormir ses
soupçons....
Anne: On sait déjà qu'on le fait le 19.
Bertrand: Encore faut-il être sûr qu'il soit disponible. Il faut mettre Sophie dans le coup.
Anne:Il faut l'appeler.
Charles: Je peux l'appeler maintenant si vous voulez. ( Il prend son téléphone et
compose le numéro) Allo Sophie ? ça va?....Dis moi, on voudrait organiser une surprise
pour l'anniversaire de Cédric....T'es OK pour le garder en otage le 19 ?... Ouais, on veut
l'emmener au Pink Paradise (surprise d'Anne et de Bertrand)... Mais non ... juste
voir..... ....allez, j'déconne....Oui, d'accord !...On te tient au courant...Merci Sophie...Ciao.
Il raccroche.
Bertrand: Le Pink Paradise ?
Charles: J'ai balancé ça comme ça, histoire de faire enrager Sophie...
Anne: Elle n'a pas besoin de ça....le Pink Paradise ! Tu veux nous la tuer ou quoi?
Bertrand: Qu'est-ce qu'elle t'a dit ?
Charles: Elle a bien compris que c'était une boutade! Et côté logistique, on fait comme
d'hab'?
Bertrand: D'accord si c'est toi qui avance les thunes.
Charles: Pourquoi moi?
Bertrand: Tu l'as proposé.
Charles: Tu ne veux pas, toi?
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
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Anne à Bertrand: Tu as raison, parce qu'on connait, on avance les sous et personne ne te
rembourse après.
Charles: Hé, mais moi j'ai toujours payé!
Bertrand: Sûrement , ça ne fait aucun doute, mais moi j'ai déjà vu comment c'était galère
de réclamer son argent. Limite, on te fait la gueule après et tu passes pour un gros radin!
Anne: En tout cas, tu peux compter sur moi.
Bertrand: Sur moi aussi.
Charles: D'accord, mais encore faut-il aussi savoir combien nous serons précisément.
Anne: On ne peut pas faire les comptes maintenant, nous ne savons rien.
Bertrand: On a déjà bloqué le 19, c'est déjà ça.
Un temps.
Charles: Tout compte fait, l'idée du Pink Paradise, c'était pas mal.
Bertrand: Ah oui, c'est une bonne idée!
Anne : Mouais. Il y a des mecs là-bas? Parce que si c'est juste pour accompagner des
mecs qui n'en peuvent plus devant une pouffe en string, là je dis non!
Charles: Mais, non! Il y a aussi des Chippendales.
Anne: Tu parles.
Bertrand: Ouais, ils sont déjà devant toi! (il bombe le torse, Anne soupire....)
Anne: Il faut vite se décider, on ne va pas proposer 50 000 trucs, sinon ce sera galère
pour trancher! C'est nous qui prenons les initiatives, point! Quand on aura choisi, on en
parlera aux autres!
Charles: Alors on reste sur le Pink?
Bertrand: C'était pas mal comme idée.
Charles: J'avais balancé ça sans réfléchir... Anne?
Anne: Pas d'autres idées?
Bertrand: ça ne fait pas trop déjà-vu ?
Anne: Si.
Charles: Ouais mais c'est ce qui lui ferait plaisir, vous ne croyez pas?
Anne: Oh que si !
Bertrand: Alors c'est bon.
Anne: Je vous préviens, moi je ne viens pas avec Thibault.
Charles: Tu fais comme tu veux ma grande.
Anne: Pour le voir pendre la langue devant les pouffes en string!
Bertrand: Attends, tu crois que nous on y va accompagnés?
Charles: T'es fou !
Anne: Alors il faudra encore trouver un bobard pour Céline et Margaux.
Charles: On n'a pas fini !
Anne: On se prend bien la tête quand même non ?
Bertrand: Attends, une surprise d'anniversaire, ça se prépare ! C'est encore plus difficile à
préparer qu'un cadeau!
Charles: Et puis imagine comme il sera content Cédric!
Anne: Oui, je n'en doute pas!
Charles: Non, je parle de la surprise elle-même, de voir qu'on se décarcasse pour lui !
Bertrand: C'est vrai ça... Moi j'aurai bien aimé par exemple qu'on me fasse aussi une
surprise pour mes 30 ans...
Charles: On t'a fait une surprise à toi aussi!
Bertrand: Ah oui, quoi?
Charles: Ben...
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
52/83
Anne et Charles essaient de s'en souvenir...
Bertrand: Et quand ?
Un temps.
Anne: Si, attends, c'était...(elle réfléchit, ne se rappelant pas )
Charles: En avril, non ? Après le week-end de Pâques?
Bertrand: Non...
Anne: On est allé en boîte ?
Bertrand: Non...
Charles: Je ne me rappelle pas.
Bertrand: Normal, on ne l'a pas fêté.
Charles: On ne l' a pas fêté ?
Bertrand: Je m'étais disputé avec Céline, j'ai voulu passer mon anniversaire avec des
potes pour oublier ça, et vous n'étiez pas disponibles ce jour-là.
Un temps.
Charles: Ah, ça y est ! Je me souviens! Oui, mais c'était en mai, tu penses bien qu'on
avait déjà bloqué nos week-ends, avec les jours fériés...
Anne: Les ponts...
Charles: Eh oui...
Anne: Nous avec Thibault, on était partis à Pont-Aven pour le week-end.
Bertrand: Je sais.
Anne: Nous t'avions envoyé une carte, je crois ?
Bertrand: Non ! Rien reçu !
Anne: Ah bon? J'aurais juré !
Bertrand: Par contre Charles m'en avait envoyé une!
Charles: Ah ? Je ne me rappelle pas.
Bertrand: Sûrement parce que c'est Margaux qui l'avait écrite de votre part à vous deux.
Anne: Ah oui ? Margaux elle t' écrit ?
Bertrand: Oui. En tout bien, tout honneur.
Charles: Et qu'est-ce qu'elle t'avait écrit ?
Bertrand: Classique. Classique, mais sympa : "pensées amicales" ou je ne sais quoi...
Charles: Elle ne me l'avait pas dit, Margaux.
Bertrand: Elle n'a pas besoin de tout te dire. Et puis elle a signé de ta part aussi.
Anne: C'est gentil de sa part. Vraiment gentil. Nous, on n'avait rien envoyé.
Bertrand: Eh non.
Charles: On ne savait pas que tu t'étais disputé avec Céline.
Bertrand: Je l'avais pourtant dit .
Charles: Je ne m'en rappelle pas.
Bertrand: Mais si. Même que je vous avais dit qu'on prenait quinze jours chacun de notre
côté pour réfléchir.
Charles: Nous n'allions pas annuler nos vacances!
Bertrand: Oui mais quand vous avez un pote qui est en détresse, vous pourriez faire un
effort!
Charles: J'avais versé des arrhes pour ma location, 300€, c'est pas une paille!
Bertrand: Ouais, sympa...bref, on va pas revenir dessus.
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
53/83
Anne: Mais tu y reviens quand même....
Bertrand: Bref, on est bien sympa,il faut vraiment qu'on l'aime beaucoup Cédric pour se
taper et l'organisation de sa soirée, et l'avance des frais, et la présence de certaines
personnes!
Anne: Qu'est-ce que tu veux dire?
Bertrand: Que les amis de nos amis ne sont pas forcément nos amis. Et puis qu'en y
réfléchissant, on est pas obligé de faire un truc.
Charles: C'est pas parce que toi tu n'as rien eu que Cédric n'a pas le droit à un anniv'!
Anne: Et puis, ça nous fera une soirée sympa!
Bertrand: La gueule de la soirée, hein...
Charles: Attends, c'est aussi pour nous! Pour le plaisir de se retrouver !
Anne: C'est clair!
Charles: Heu... vu comme on est partis, on va se faire une soirée tous les trois, non? Et
puis on laisse Sophie organiser son dîner en tête-à-tête .
Anne: Arrête, tu déconnes!
Bertrand: Mais non. On se simplifie la vie, c'est tout. Et on lui prend un chèque cadeau,
on le lui file la prochaine fois, de notre part à nous trois. Basta !
Anne: Vous êtes vaches!
Bertrand: Pragmatiques. Ça évite de se faire des noeuds dans le ciboulot pour monter
des bateaux qui couleront au moindre doute.
Charles: Je n'ai pas envie de me disputer avec Margaux.
Anne: Mais elle n'en saura rien !
Charles: Imagine seulement qu'elle apprenne que je lui ai caché cette sortie au Pink
Paradise.
Bertrand: Mais non, on lui dit juste la vérité, c'est tout ! A elle, on peut le dire!
Charles: Tu parles. Elle est jalouse. Elle s'imagine tout de suite que je drague à droite et
à gauche.
Anne: Si toi tu n'as rien à te reprocher, c'est bon!
Charles: Mais je n'ai rien à me reprocher!
Anne: Et puis, elle envoie des cartes à Bertrand sans te le dire....
Jeu de regards entre Bertrand et Charles.
Bertrand: Après, si elle ne te fait pas confiance, c'est son problème, pas le tien, non?
Charles: C'est facile à dire... mais je ne veux pas lui faire de peine.
Anne: Alors, qu'est-ce qu'on fait ?
Charles: Vous êtes libre, le 15, vous?
Anne et Bertrand: Oui.
Charles: Alors, on reste sur le 15. ça nous donnera l'occasion de nous rattraper, hein,
Bertrand ? Et pour les surprises, Sophie fait mieux que nous.
Bertrand:On laisse le 19 aux tourtereaux.
Anne: Et on lui envoie un chèque-cadeau .
Charles: Et on laisse Margaux écrire sur une belle carte un joli mot doux à Cédric.
Jeux de regards entre Bertrand et Charles. Anne observe...
Noir.
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
54/83
XIII.
THÉORIE DE COMPTOIR:"in vino veritas"
Le récitant: Si l'alcool délie les langues et nous fait dire des propos qu'on ne dévoilerait
pas à jeun, il n'en est pas moins à consommer avec modération. Mais c'est un peu la
même chose avec les mensonges... et la vérité. Tout est une question de modération.
Le récitant met un tablier de garçon de café, et va se placer derrière le comptoir. Il
deviendra "Rémi" et s'occupera comme un garçon de café; vaisselle à essuyer, table à
débarasser...
Deux hommes sont assis au comptoir d'un bistrot.
Pierre: Je n'arrive pas à croire ! Quinze ans déjà !
Thibault: Oh si! (il sourit) Mais je te rassure, moi aussi j'ai des fois du mal à y croire.
Pierre: C'est fou.
Thibault: Oui, ça passe vite.
Pierre: C'est fou et en même temps c'est génial.
Thibault: Oui, j'ai de la chance....
Pierre: Pourquoi as-tu de la chance? Parce qu'Anne te supporte depuis longtemps ou
bien parce que toi tu as enfin trouvé la perle rare?
Thibault: ça fait quinze ans que j'aime ma femme.
Pierre: C'est fou...
Thibault: Arrête de dire que c'est fou, c'est vrai.
Pierre: C'est vrai que c'est fou ou c'est fou que ce soit vrai ?
Thibault: Arrête, on dirait que tu te fous de moi.
Pierre: Mais non. En fait tu m'impressionnes...
Thibault: Je ne vois pas pourquoi. C'est ce que nous devrions tous faire, quand on décide
de s'engager avec une femme.
Pierre: C'est de la théorie, ça. En pratique, c'est beaucoup plus difficile. Les tentations
sont partout.
Thibault: On n'est pas des animaux.
Pierre: Seulement des hommes.... Et même quand on s'engage avec quelqu'un, on peut
éprouver du désir, qu'on soit homme ou femme d'ailleurs. La loi n'épargne personne.
Thibault: Si tu veux.
Pierre: Ce n'est pas si je veux, c'est comme ça. C'est biologique. Et scientifiquement
prouvé.
Thibault:Rien ne t'oblige à succomber à la tentation.
Pierre: Il peut nous arriver d'être moins fort que ce qui nous tente.
Thibault: Qu'est-ce que tu cherches à me faire dire, Pierre? Tu es surpris que je sois
toujours aussi amoureux d'Anne, même après quinze années passées à ses côtés ?
Pierre: Ben oui, je te l'ai dit, tu m'épates. En quinze ans, tu n'as jamais eu envie de voir
ailleurs ?
Thibault: Non.
Pierre: Ne me dis pas qu'en quinze ans, tu n'as jamais eu envie de baiser une autre
femme!
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
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Thibault: Pierre !
Pierre: Et des images? Tu n'as jamais d'image, quand tu fais l'amour à Anne, d'une autre
femme? Imagine, une blonde, une rousse...
Thibault: Ecoute Pierre, ce n'est pas parce que toi tu réagis comme ça, que tu trompes ta
femme depuis des lustres, que tous les types font ça.
Pierre: Je demande juste comme ça, ne te fâche pas. Je pensais qu'on mentait tous, plus
ou moins, qu'on trichait, qu'on n'avouait pas nos faiblesses, et donc, que toi aussi, tu
pouvais éprouver du désir pour une autre femme que la tienne...Voire faire quelques
entorses au réglement, pour tenir le coup, dans l'engagement.
Thibault: Tu veux savoir si j'ai déjà trompé Anne? (un temps) Eh bien non, désolé de te
décevoir.
Un temps.
Thibault (avec un sourire): Par contre, oui, je te le confesse, ça m'est arrivé de mater les
femmes dans la rue, comme tout le monde, n'est-ce pas? Et je peux t'assurer que ça me
suffit. Ça t'en bouche un coin mon pote, mais c'est comme ça, je sais réprimer mes
pulsions.(Il fait signe au serveur de servir un deuxième verre à chacun)
Pierre: Tu avoues que tu as des pulsions !
Thibault: Oui, j'ai des pulsions, si tu appelles "pulsions" le fait de porter son regard sur les
fesses d'une femme, mais non, si pour toi, c'est systématiquement avoir envie de se la
taper!
Un temps.
Thibault: Tu crois peut-être que je me raconte des histoires. (Pierre veut répondre) Ce
serait te mentir. Bien sûr que j'ai des fantasmes, et des images dans la tête.
Pierre: Alors c'est d'autant plus beau, plus (il cherche ses mots)... fou, ta relation avec
Anne.
Le serveur revient avec les consommations.
Thibault: Merci... Je ne vois pas pourquoi; elle me fait confiance, je lui fais confiance. Des
milliers de couples tiennent comme ça.
Ils trinquent.
Pierre: T'as pas peur de passer à côté de plein de choses? Comme l'ivresse de la
séduction, de nouvelles sensations?
Thibault: Et toi, tu n'as pas tout simplement la trouille que Marine te quitte, alors tu veux
te prouver que tu plais encore, en baisant à droite et à gauche?
Un silence. Les deux hommes regardent leur verre de whisky puis Pierre en boit une
gorgée.
Pierre: Imagine aussi les milliers de couples qui tiennent grâce au mensonge. Imagine les
milliers de mensonge, tous les jours, et pas seulement les mots sacrifiés sur l'autel de
l'adultère.
Thibault: D'accord Pierre, tu as raison. Encore faut-il aimer mentir. Moi je n'aime pas ça,
OK.
Pierre: Vas-y ne te fâche pas!
Ils boivent.
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
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Thibault: Et puis ce n'est pas parce que tout le monde trompe tout le monde, que c'est
bien.
Pierre: Non, mais on a beaucoup plus d'excuses comme ça.
Thibault: Je vois ça. Et c'est moi qui fais figure d'extra-terrestre en étant fidèle.
Pierre: Un peu, oui... Tu sais bien que même dans l'erreur, la foule trouve toujours les
moyens d'avoir raison.
Thibault: Hélas! Et c'est scientifiquement prouvé....
Pierre: Rémi! Sers-nous un autre verre !
Noir.
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XIV.
LAISSEZ-NOUS CROIRE ! LE MENSONGE DU SPECTACLE, OÙ CROIRE, C’EST
RÊVER.
Le masque mis
Des cils plus grands
Plus noirs,
Costume enfilé
Prendre des gants
Coups du brigadier,
Le rideau se lève !
Il faut tenter d’y croire !
Ambiance feutrée ou pleine lumière
Des actions éblouies
Pour un public séduit
Le masque tombe
Le soufflé aussi,
Les couleurs perdent leur panache,
Cyrano son nez,
Le spectateur perd pied
Applaudir, c'est reconnaître
Qu'on a été trompé
Et bien !
Dans les loges d’un théâtre , avec tout le désordre habituel, costumes jetés négligemment
sur une chaise, divers pots de crèmes et fards sur une table,le comédien et le danseur
s'exprimeront successivement.Le spectateur est dans la salle , avec le public.
Le spectateur:
Laissez-nous croire !
Si je vais au théâtre ou au cinéma, si je me plonge dans un livre, c’est bien pour échapper
l’espace d’un instant, à la réalité qui m’entoure. Quand je vais voir un magicien, je veux
être trompé. J’applaudis, même. Il truque, et moi je joue le jeu, complice. J'aime être
blousé.
Le comédien:
Le théâtre ?
Oui, je sais que c’est pure fiction, je sais que cette forêt est fausse, cartonnée, je sais que
le jour n’a que le nom et qu’il est là sur scène par la magie des lumières.Je suis comme
une figurine dans sa maison de poupée. Je suis convaincu qu’un amour comme celui de
Roméo et Juliette puisse exister. Je sais que je n'ai pas mal, mais je dois me convaincre
du contraire, et je dois vous convaincre du contraire. Je vis l'enthousiasme que j'ai
façonné de toute pièce.
Le danseur:
La danse ?
Pendant quelques minutes, j’ai l’impression que les lois physiques n’existent plus, corps
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élastique et abolition de l’effort. Tout est beau, si aérien ! Je me mêle à la matière et aux
éléments, je ne suis plus enveloppe de chair...
Le spectateur:
Laissez-moi croire ! A un monde plus beau, plus intense ! Un monde "plus"! Je veux
seulement me laisser emporter par les nuages de l’illusion, fumigènes sur scène pour
masquer les artifices, hop! un lissage des problèmes. Je veux voir uniquement ce que j’ai
envie de voir ! Et puis dissimuler sous une couche de fond de teint la pâleur de ma vie, la
colorer autrement ! Je me dis qu’il y a mille possibilités de changer sa vie! En mentant tout
est possible ! Laissez moi m’emplir de toutes ces émotions que vous me suggérez, vous,
artistes, acteurs, écrivains, en pratiquant votre art. Rendez ma vie plus intense! Laissezmoi vivre des émotions sans risque!
Noir.
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XV.
LA VRAIE VIE EST AILLEURS...
"Les parents
ils n'ont pas le temps
de nous parler
cro'lant sous les sous
et les soucis
Tant pis
On se console
sur nos consoles
On s'connecte
sur la plan'te
Internet"
(Zazie, "Cyber")
La scène se passe dans le salon, en fin d'après-midi. Le père entre, pose sa veste et
regarde sa fille Priscilla, 17 ans, les yeux rivés sur son écran d’ordinateur...
Le père : Bonsoir...
Pas de réponse.
Le père : Ouhou , je suis là!
Priscilla : Je sais.
Un temps.
Le père : Je vois,tu ne veux pas me parler...
Priscilla : Tu parles, si c’est pour me faire engueuler…
Le père : Arrête un peu, tu veux…
Priscilla : Et là, tu fais quoi ?
Le père s'assied à côté de sa fille.
Le père :Je te parle, je cherche juste à te parler….nous sommes devenus des étrangers l'
un pour l' autre...
Priscilla: Tout ça parce que je ne te dis pas tout ? Arrête! Tu es mon père, t'as pas besoin
de tout savoir.
Le père : Entre tout savoir et rien savoir, il y a une différence!
Priscilla: Tu me dis tout, toi ? Non ! Alors!
Le père :Je suis ton père, il y a des choses qui ne te regardent pas.
Priscilla: Parce que toi, tu as droit de regard sur ma vie?
Le père : Tant que tu es mineure et que tu vis sous mon toit, oui.(Priscilla soupire) Un
père, c'est là pour s'occuper de sa fille et la protéger...
Priscilla: Me protéger? Mais je ne vis pas dans la jungle!
Le père : Des fois je me le demande, quand je vois tes amis (Priscilla veut répondre) Oh,
non, je sais très bien ce que tu en penses, et tu as le droit d'avoir tes petits secrets ....
Mais arrête donc d’être toujours devant cet ordinateur !
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Priscilla : Papa, tu sais bien que les ados de maintenant communiquent avec les
nouvelles technologies.. (ironique) et que nous avons besoin de nos amis pour nous
construire…
Le père : C’est bien, ma fille, tu as retenu la leçon..
Priscilla: Tu vois, je t’écoute!
Un temps.
Le père : Tu me fais penser à ces jeunes qui s’inventent une nouvelle vie derrière un
écran!
Priscilla: Je m’en sers pour travailler !
Le père : Oui, et quand tu envoies des photos de l’anniversaire de Quentin, c’est aussi
pour travailler?
Un temps.
Priscilla: Tu as regardé mon profil ?
Le père: Tout se sait sur Internet ... il n’y a pas besoin d’être James Bond …
Priscilla: Comment as-tu osé? C’est personnel !
Le père: Personnel? Sur Internet?
Priscilla: ça ne se fait pas!
Le père: Calme –toi Priscilla!
Priscilla: T'avais pas le droit!
Le père: "T'avais pas le droit! " Je le prends ce droit, tant que tu es sous mon toit!
Priscilla: Ça ne se fait pas!
Le père: Réfléchis juste à ce que tu fais...
Priscilla: Mais c'est tout réfléchi... (elle a un mouvement de recul, et prend sa veste
comme pour sortir) Tu me dégoûtes! C'est comme si tu avais regardé mon journal intime !
Le père :Tu parles, n'importe qui peut tomber dessus!
Priscilla: C'est quand même dégueulasse de ta part, de regarder mon blog...
Le père: Peut-être, mais tu vas peut-être comprendre qu'il faut bien se servir d'Internet.
Priscilla: Tu n'as pas de leçon à me donner de ce côté-là. Je sais sûrement mieux me
servrir d'un ordi que toi.
Le père: Tu t'en sers plus que moi, oui, mais pas mieux... Je tape ton nom sur Google et
je tombe sur Facebook (il prononce «fasse bouc»). Bonjour le journal intime!
Priscilla: C'est comme si moi je fouillais dans tes affaires! Ça ne se fait pas!
Le père: Arrête ! T'es tout le temps devant un écran!….
Priscilla: On est au XXIème siècle...
Le père: Oui, et au XXIème siècle, on peut déballer comme ça sa vie!
Priscilla: Ben oui, c'est comme ça.. ( un temps) C'est sûr que ça n'existait pas « à ton
époque »...
Le père: Et arrête de me prendre pour un vieux con ! La vraie vie est ailleurs, ici et
maintenant, avec nous…
Priscilla : Pfff, tu ne comprends rien..
Le père: Oui, oui, je ne comprends rien.. en attendant, moi, je ne balance pas tout sur
Internet et encore moins sur Facebook (il prononce «fasse bouc») Personne ne sait ce
que je fais de ma vie..
Priscilla: D'abord, on dit Facebook ("fesse bouc") ...
Le père:...oui, Facebook, si tu veux!...
Priscilla: ...et ensuite, tu crois que c’est mieux, qu'on ne sache rien de ta vie?
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
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Le père: Je choisis mes cibles ma petite… ma vie n’appartient qu’à moi….pas besoin de
chercher à plaire, ni à convaincre ...
Un temps. Elle toise son père.
Priscilla : C’est sûr que pour chercher à plaire, on a bien vu que tu avais abandonné !
Le père: Je ne te permets pas! Je suis ton père! Alors maintenant tu vas te calmer, aller
dans ta chambre et je te confisque ton PC,ça va te faire les pieds !Et tu vas réfléchir à ce
que je t’ai dit !Je ne vais pas me laisser démonter par une gamine de 17 ans, si tant plus
est qu’elle est ma fille !
Priscilla sort.
Noir.
Sans pincette
Aller sur Internet
Dire des trucs pas net
Allez, c'est la fête !
Ce que je cache,
Ce que je montre,
Quelques paroles bien pensées,
Propos bien pesés,
S'inventer un personnage,
Changer son âge,
Rembourrer son corsage,
Alliance enlevée
Madame devient mam'zelle,
Ouvre ses ailes
Quotidien et légèreté
scène divisée en deux: à jardin, la chambre de Priscilla, à cour, le bureau du père.
Priscilla tourne en rond dans sa chambre, comme un lion dans sa cage…. En colère!
Le père est assis à son bureau , il joue avec ses lunettes...Chacun est dans son état
d'esprit respectif et soliloque de son côté.
Priscilla: Qu’est-ce qu’il en sait? Je vis avec mon temps, c’est tout. Tous mes copains
sont sur Facebook.
Le père: A mon époque, on n'avait pas besoin d'Internet pour garder contact.
Priscilla: J’aurais l’air de quoi moi, si je n’y étais pas ?
Le père : Ma pauvre fille !
Priscilla: C’est comme si je n’existais pas!
Le père : Tu mens pour dorer les contours de ta vie, mais tu te mens à toi-même !
Priscilla: Et puis je me fais plein de nouveaux copains...
Le père : Tout paraît plus facile derrière un écran ...
Priscilla: ... échanger, discuter de tous les sujets possibles…
Le père : Tu enjolives ta vie avec ces quelques bobards.
Priscilla: Je me sens moins seule…
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
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Le père : Pour mériter l’amitié des autres.
Priscilla: Comme une grande famille, une tribu, un clan !
Le père : Je n’ose poser ce miroir devant tes yeux ...
Priscilla: «D’après tes statuts, ça a l’air d’aller»….
Le père :... de peur que tu y lises tous les mensonges que tu te dis.
Priscilla: ... on met ce qu’on veut, caché derrière un écran!
Le père : Si facile de brouiller des pistes!
Priscilla: On se compose un visage, dans la vraie vie, on a des fois du mal à faire
semblant.
Père: .. ça demande de la force .. là, c’est le mensonge des fainéants !
Priscilla: Là j'existe!
Père: Cachée derrière des mots !
Priscilla: Et on s'intéresse à ce que j'écris !
Le père: Pour cultiver le sentiment d’exister !
Priscilla: Je peux me défouler !
Le père: Tu t'affiches, avec ton statut !
Priscilla: Un vrai journal intime à partager!
Le père: Pour devenir célèbre! Se transformer en icône, voilà votre truc à vous les jeunes
!
Priscilla: Je suis multiple ! Le nom laisse une trace, le pseudo, une autre trace …
Le père: L’ivresse d’être «autre » et « soi-même »! On ment pour plaire, pour choquer,
pour provoquer de la jalousie !
Priscilla: Facile, de se donner quelques années de plus ! Bye-bye le détournement de
mineure !
Le père: Et jouer un rôle pour nous blouser tous.
Priscilla: Pas envie d’attendre! La vraie vie c’est maintenant, pas dans dix ans! Ras-le-bol
d’entendre «quand tu seras grande !»
Le père: Te préserver une forme de pudeur…
Priscilla: Je ne veux pas perdre les plus belles années de ma vie ! Etre locataire dans un
couvent !
Elle s'assied sur son lit et enroule ses bras autour de son ours en peluche.
Le Père: Alors j’ai droit à tes petites histoires racontées d’un ton détaché. Dans le fond de
ton cœur tu veux y croire, pour rendre ta vie plus belle et espérer ainsi diminuer ton malêtre dans une parenthèse de fiction.
Priscilla: Je veux pourvoir vivre ma vie sans être jugée, être moi-même!
Le père: Mentir, c’est tout sauf de l’indifférence !
Priscilla: Faire ce que je veux.
Le père: Parce que le face-à-face fait peur !
Priscilla: L'écran me donne des ailes, les parents me les brûlent !
Le père: On ne montre que ce qu’on veut montrer, en fait, c’est une grande hypocrisie !
Priscilla: Je ne montre que ce que je veux !
Le père: Montrer sa vie !
Priscilla: C'est ma vie!
Le père: Trop en montrer ou pas assez ?
Priscilla: Je fais ce que je veux, ça ne le regarde pas!
Le père: Tu as si peur de ne pas être à la hauteur de l’affection qu’on pourrait te porter.
Priscilla: Je déteste quand Papa me dit que je veux convaincre, plaire comme une
mauvaise pub ! Je déteste parce que je sais qu’il a raison…. Le pire, c’est qu’il a raison !
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Le père & Priscilla: « La vraie vie est ailleurs ! »
Le père se lève et déambule.
Priscilla: Papa me dit toujours ça !
Le père: Tu voudrais qu’on t’aime comme tu es mais en même temps tu as peur de te
montrer telle que tu es.
Priscilla: C’est chiant, ça, les parents qui ont raison !!
Elle prend son MP3, met ses écouteurs, s'isole, allongée sur son lit....
Le père est debout, regarde en direction de la chambre de sa fille, comme hésitant à
rentrer...
Le père: Mais quand on aime quelqu’un, ce n’est pas une question de mérite, mais
d’estime. Et ce qui est fort, ma fille , c’est que toi-même tu es intransigeante sur la
sincérité des sentiments. 17 ans c’est l’absolu. La période des superlatifs, des «tout ou
rien». La contradiction incarnée : comme tous les jeunes de ton âge, tu te balades avec un
masque, tu y mets tout ton cœur, toutes tes tripes, et en face de toi tu exiges des gens
sincères !Un temps. Je suis sûr qu’au fond de toi tu sais que l’amour que je te porte est
inconditionnel.Tu m’en voudrais presque de t’aimer ainsi…
Ma toute petite, mon amour...
Il se détourne de la porte.
Côté jardin, Priscilla relève la tête, enlève ses écouteurs , regarde le côté cour d'un air
interrogateur. Elle se lève et va vers la porte, puis hésite à sortir: a-t-elle entendu son père
?
Fondu jusqu'au noir
Pendant le fondu:
Tout partager
Réseau floué
Bandes de fous,
Bannières bleues
Méfie-toi, faux bond
Il te fera faux bond ce facebook
Bobards faciles
Feindre au bout du fil
Fais profil bas
Facettes, Boule à facettes,
Voilà les initiales FB
Noir.
XVI.
PETITS ARRANGEMENTS AVEC LA RÉALITÉ...
Il est 20h, la scène se passe dans la cuisine. Francine est en train d'écosser des petits©Rosapristina "Nos petites histoires..."
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pois, Xavier bat des oeufs en omelette.
Xavier : Elle va bien Martine ?
Francine : Oui, oui.
Xavier : Pas mal sa nouvelle coupe de cheveux, hein ?
Francine : …
Xavier : Non ?
Francine: Heu, si..
Xavier : Elle te passe le bonjour d'ailleurs.
Francine : Tu l'as vue...
Xavier: Oui. Quand je suis allé chercher les oeufs. Je l’ai croisée près de la supérette, elle
sortait de chez le coiffeur !
Francine: Ah...
Surprise de Francine.
Un temps.
Xavier (suspend son geste) : Oui, « ah » (un temps) Tu n’étais pas avec Martine cet
après-midi! Elle était bien étonnée d’être censée te voir, hein ?
Un temps.
Francine: Effectivement...Bon, eh bien j’étais au café, si tu veux tout savoir.
Xavier : Je sais. ( Il casse violemment un oeuf dans le saladier )Avec l’autre abruti de
Cyril.
Francine : On buvait juste un café, il n’y a rien de mal à ça.
Xavier : Boire un café, c’est sûr, c’est pas grave en soi. C’est plutôt le fait que ce soit avec
"l’autre".
Il exprime son agacement dans la violence qu'il met à battre les oeufs.....
Francine : C’est bon, c’était juste amical.
Dans l'échange qui suit, Francine joue distraitement avec ses petits pois, tandis que
Xavier mélange sucre ,farine ,levure, lait , en y mêlant de plus en plus de hargne.
Xavier : Oui, c’est ça, c’est la fête, tu vas boire des cafés avec ton ex et...
Francine: Mais je..
Xavier: … et tu ne me dis rien… Peut-être avais-tu prévu un programme beaucoup plus
corsé ensuite ?
Francine : Ne dis pas n’importe quoi !
Xavier : Alors pourquoi tu ne m’as rien dit ?
Francine : Je pensais que ça n’avait pas d’intérêt ..
Xavier : Pas d'intérêt ! Non ! Tu vois ton ex !
Francine : Cyril est resté mon ami. J'ai bien le droit de voir mes amis, non?
Xavier :Dans ce cas, dis-le !
Francine : Je n'en avais pas envie.
Xavier :Bien sûr.
Un temps. Ils s'affrontent du regard.
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
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Francine : C'est mon droit.
Xavier: Pire! C'est pas comme si tu ne m'avais rien dit du tout ! Tu me dis que tu es avec
Martine !
Francine : Je...
Xavier: Tu as des choses à cacher !
Francine : Mais…
Xavier : Quoi? Je n'ai pas raison ?
Francine: Tout de suite, les grands mots !
Xavier : Tu te fous de moi, t’en as rien à faire de ce que je pense ! Tu crois que tu peux
modifier ainsi la réalité comme bon te semble ?
Francine: Ecoute Xavier...
Xavier: Arrête de me prendre pour un con !
Francine : Je ne te prends pas pour un con, ce n’est pas vrai.
Xavier : C'est pire! Tu me mens!
Francine : Je ne serai pas avec toi si tu étais un con.
Xavier : Parce que tu trouves que tu es « avec moi » en me cachant des choses ?
Francine: C'est bon, il n'y a rien de mal à boire un café avec un ami.
Xavier: (froid) Evidemment .
Francine: Et puis, je ne vais pas te faire un rapport détaillé de ma journée...
Xavier: C'est sûr! Tu vas voir ton ex!
Francine: Tu sais bien que c'est fini avec Cyril...
Xavier: Comment veux-tu que je te croies ? Tu le vois en cachette! Je n’aime pas le
mensonge.
Francine: Moi non plus figure-toi. Je n'aime pas le mensonge, mais il y a mensonge et
mensonge. Là je n'ai rien fait de mal.
Francine range le bol avec les petits-pois écossés.
Xavier: Si: tu m'as caché des choses.
Elle se retourne, toute disponible à la conversation.
Un temps.
Francine: Tu ne mens pas toi, hein.
Xavier : Non.
Francine : Vas-y, prouve-le !
Xavier : Mais là n'est pas la question: on parle de toi, là, et des conneries que tu es
capable de me dire , tout ça pour boire un coup avec ton ex ! (un temps) Moi, quand je te
dis que je vais jouer au tarot avec mes potes, je vais vraiment jouer avec eux.
Francine : Monsieur est au-delà de tout soupçon, Monsieur dit toujours la vérité !
Xavier : Oui ! Je n’ai rien à me reprocher, moi !
Francine : Mais moi non plus ! Il ne s’est rien passé avec Cyril !
Xavier: C'est ça.
Francine: Puisque je te le dis!
Xavier : Comment veux-tu que je te croies ? Tu m’as déjà menti !
Francine : Mais puisque je te dis que c’est vrai ! Nous avons simplement pris un café
ensemble. C'est vrai, j’étais bien au café. Il y a du vrai dans ce que je t'ai dit.
Xavier : Oui, mais le détail fait la différence: tu étais avec Cyril, pas avec Martine.
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Francine soupire
.
Xavier :Et s’il n’y avait pas de problème, pourquoi alors ne m’as tu pas dit la vérité ?
Francine : Tu aurais aimé que je te dise la vérité ? Non !Tu m'aurais fait la gueule, tu
m'aurais demandé pourquoi je le voyais, j'aurais dû me justifier et ça se serait de toute
façon terminé en dispute. Là on se dispute, mais j'ai pu le voir quand même. Alors dispute
pour dispute... Là, j’avais, la paix, et de toute façon, on ne faisait rien de mal….
Xavier : Sauf qu’il y a de quoi se poser des questions quand on apprend les choses
comme ça !
Un temps.
Francine: Oui, toi tu ne mens jamais, (Xavier veut répondre) ne me dis pas ça, c'est déjà
des conneries que de dire des choses pareilles. En réalité, ce n’est pas le mensonge que
tu n’aimes pas. C’est le fait qu’on TE mente.
Un temps. Ils se regardent intensément.
Francine : Tu ne me mens jamais, toi ?
Un temps. Il ne dit rien.
Francine : Alors ? Pas de réponse ? Tiens donc !
Xavier : Oh, là, c'est bon! Moi, quand je te dis que je vais jouer au tarot, je vais vraiment
jouer au tarot!
Francine: Ah, mais ça c'est toi qui le dis! Qu'est-ce qui me le prouve?
Xavier: Si tu es parano, je ne peux rien pour toi.
Francine: C'est sûr que moi je ne vais pas te suivre ou employer un détective pour vérifier
où tu es.....
Xavier: Je te signale que le Proxi et ses oeufs sont juste à côté du coiffeur. Excuse-moi
d'avoir croisé Martine, hein.
Francine: Et en plus tu fais semblant de ne pas savoir où j'étais, et même pire, tu me
poses la question alors que tu connais la réponse, c'est pas mentir, ça?
Xavier: Ne retourne pas la situation s’il te paît !
Francine: Je ne la retourne pas, figure-toi. Seulement admets que toi non plus tu n'es pas
parfait.
Xavier: ça n'a rien à voir, ma vieille. Bien sûr que je ne suis pas parfait. Mais je constate
que tu me racontes des craques, alors je veux savoir ce que tu me caches.
Francine: J'ai le droit d'avoir mes petits secrets.
Xavier: Bien sûr Madame. Et moi j'ai le droit d'user de tous les moyens possibles pour
obtenir des informations.
Il retourne à la préparation de son gâteau. Mettre la pâte dans le moule, saupoudrer
d'amandes... elle tourne autour de lui, tandis qu'il s'affaire à la confection de son gâteau.
Francine: Un peu comme un flic, quoi.
Xavier: Oui, comme un flic qui mène une enquête. Tous les moyens sont bons pour faire
sortir la vérité de la bouche des gens .
Francine: Eh bien, Monsieur l'inspecteur, j'ai bien le droit d'avoir mon jardin secret!
Xavier: ( ironique) Le fameux jardin secret !
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Francine: Et puis, toi, quand tu me dis que tu vas au tarot avec des potes, et qu'au détour
d'une conversation j'apprends qu'il y a des filles avec vous... ce n'est pas une forme de
mensonge? « oh excuse-moi, j'ai oublié de te préciser....»
Xavier: Toi c'est pire, tu transformes la vérité. Moi ce n'est pas pareil, je ne rentre pas
dans les détails, c'est tout.
Francine: Oui, tu « oublies » des éléments importants... Je sais bien que tu fais exprès de
ne pas me dire qu'il y a des filles pour endormir ma vigilance.
Xavier: Endormir ta vigilance? Et pourquoi, t'as peur de quoi ?
Francine: Non, je n 'ai pas peur, mais c'est pareil, je me demandes pourquoi tu me le
caches.
Xavier: Voilà. Egalité ! Comme toi avec Martine ou l'autre con de Cyril!
Francine: Alors arrête de me prendre la tête avec cette histoire!
Il enfourne le gâteau et fait volte face.
Xavier: Ah, mais ma p'tite, ce n'est pas pareil!
Francine: Et pourquoi ?
Xavier: Nous, quand on joue au tarot, on est un groupe. Il y a une nana,oui. Les femmes
ont le droit de jouer au tarot, je ne vois pas où est le problème.
Francine: Alors, dis-le!
Xavier: Oui, imagine le ridicule de la situation: « Alors, nous étions trois hommes et une
femme »...
Francine: C'est juste pour l'information.
Xavier: Point ! Maintenant je sais à quoi m'en tenir avec toi...Et pour information, c'est le
masculin qui l'emporte sur le féminin. Ce n'est pas moi qui ment, mais la langue française !
Il jette son torchon et sort. Francine retourne à ses petits pois, s'assied et jette un long
regard dans la direction prise par Xavier.
Noir.
« avec l'amorce d'un mensonge on pêche une carpe de vérité » ( in Hamlet ,
W.Shakespeare)
XVII.
JE SORS ! = TU PARS!
Dans un salon. Marine est assise sur le canapé, à lire. Pierre s'apprête à partir, on le voit
tourner un peu partout dans la pièce à rassembler sa veste et mettre ses chaussures.
Marine surveille ses mouvements discrètement.
Pierre: Chérie, je rentre tard.
Marine: Ah. T'as beaucoup de
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
Pbis: Ne m'attends pas.
Mbis: C'est quoi l'excuse cette fois?
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boulot?
Pierre: Oui, en ce moment c'est
Pbis: C'est surtout galère de trouver du
temps
galère
pour voir ma maîtresse.
Elle se rapproche de lui et le prend dans ses bras.
Marine: Mon pauvre chéri.
Mbis: C'est moi la pauvre chérie.
Un temps.
Marine: Ce n'est pas facile en ce moment, Mbis: Tu vas me jouer la comédie pendant
n'est-ce pas?
encore longtemps?
Pierre: Mais heureusement que tu me comprends. Pbis: Heureusement que tu gobes ce
que
je te dis.
Marine: Oui, je comprends.
Mbis: Je sais tout.
Pierre: Merci.
Pbis: Ouf !
Marine: Bon courage mon chéri.
Mbis: Tu vas en avoir besoin ce soir...
Ils s'embrassent. Pierre sort avec son double qui le suit comme une ombre. Marine
regarde tranquillement la sortie tandis que son double bouillonnne.
Marine se retrouve seule, elle réfléchit à voix haute, son double lui souffle des réponses.
Marine: Qu'est-ce que je fais?
Mbis:Tu le dégages, c'est tout !
Marine:Je ne sais pas. Je ne suis pas sûre....
Mbis: Mais c'est pourtant clair! Il te trompe! Le salaud !
Marine: Je sais. Mais ce n'est pas facile.
Mbis: Tu ne peux pas continuer comme ça! Tu as vu comme il te ment effrontément? Et
toi qui ne dis rien ?
Marine: Je ne sais pas si j'aurais le courage...
Mbis: Comment ça ? Tu vas te bouger , oui ! Et le dégager net, ce gros salopard !
Marine: Mais je l'aime.
Mbis: Peux-tu encore aimer un type qui ne te respecte pas? Parce que tous les bobards
qu'il te sort, c'est un manque de respect et d'estime envers toi.
Marine: Je sais, mais je l'aime quand même.
Mbis: Tu vas te bouger. A ce stade là, c'est du masochisme. Pense d'abord à t'aimer toi
pour aimer les autres.
Marine: Ce ne sera pas facile.
Marine s'assied, abattue, son double reste debout, et pose la main sur son épaule.
Mbis: Non,ce ne sera pas facile de le quitter, mais il faut que tu trouves l'énergie à
l'intérieur de toi pour le faire.
Marine: Il faut que je trouve le courage...
Mbis: Il faut du courage, oui, mais surtout garder l'estime de soi pour quitter quelqu'un qui
te trompe. N'accepte pas son petit jeu. Si tu ne dis rien alors que tu sais tout, tu deviens
complice. Et tu n'auras pas à te plaindre. A toi de choisir ce que tu veux. La balle est dans
ton camp.
Marine relève la tête et regarde son double.
Noir.
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
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Pierre rentre. La scène est plongée dans la pénombre. Il avance à pas de loup pour ne
pas se faire remarquer. On devine qu'on est à une heure avancée de la nuit. Soudain, son
genou heurte un obstacle. C'est le signal qu'attendait Marine pour allumer. On voit une
valise posée par terre. Marine est en déshabillé de soie noire.
Marine (voix très suave): Bonsoir chéri.
Il avise la valise.
Marine: Dis-moi mon chéri, qu'est-ce que tu travailles, en ce moment ! Pas trop fatigué ?
Pierre, mal à l'aise ne sait que répondre. Il regarde la valise.
Pierre: C'est quoi ça ?
Marine: C'est ta valise, mon chéri. Comme tu as beaucoup de déplacements, de réunions,
que tu es très, très chargé, et très fatigué par la vie que tu mènes, je vais donc te faciliter
la tâche. Tu prends tes affaire et tu peux retourner au travail.
Pierre: Qu'est-ce que tu racontes ?
Marine: Tu peux retourner au "travail".
Pierre: À 3h du matin?
Marine: Et pourquoi pas ? Tu étais bien au "travail" tout à l'heure, non? Et pourtant il était
2 heures.
Il avise la valise.
Pierre: C'est quoi ces conneries ?
Marine: (toujours très calme) Je te le demande, mon chéri.
Un temps.
Pierre: C'est quoi ces conneries ?
Marine: C'est moi qui pose les questions mon chéri. (criant) C'est quoi ces conneries ? Tu
te moques de moi, hein ? Pierre reste figé et coi. Et le pire, c'est que tu n'en as même pas
honte, tu es même plutôt fier de toi, hein, mon salaud !
Pierre: Attends, qu'est-ce que tu racontes?
Marine: Bien sûr! Tu ne sais rien! Tu es surpris, n'est-ce pas ? (Pierre ne répond pas) Tu
ne sais rien et je sais tout.
Pierre: Quoi ? Attends, je vais t'expliquer.
Marine: Oh non, mon vieux, tu ne vas rien m'expliquer du tout, parce que ça fait des mois
et des mois que je ne dis rien, et que je supporte tes mensonges! Mais la coupe est pleine
Pierre, tes bobards ne pouvaient pas durer éternellement. Maintenant tu en subis les
conséquences . Casse-toi.
Un flottement. Pierre semble indécis.
Marine: Vas-t'en. Je ne veux plus te voir.
Pierre: Attends, Marine, laisse-moi t'expliquer!
Marine: (glaciale) Vas-y, que je rigole.
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
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Un temps très long. Ils se dévisagent longuement.
Pierre: Tu as raison: il n'y a rien à expliquer.
Marine: Je sais.
Un temps.
Marine: Mais j'aurais préféré avoir tort, pour une fois.
Pierre veut parler.
Marine: Il vaut mieux que tu te taises. Ce silence est ma vérité.
Pierre prend sa valise et sort.
Noir.
"La vérité, comme la lumière, aveugle. Le mensonge, au contraire, est un beau
crépuscule qui met chaque objet en valeur. "
( A. Camus in La Chute)
XVIII.
MENS-MOI
Ils sont tous deux assis dans le salon à regarder un film. Puis Sophie se lève, sort et
revient avec son nécessaire de pédicure. Il s'écoule de longs instants avant que Cédric ne
prenne la parole. Sophie commence à poncer ses pieds au-dessus d'une bassine.
Cédric: Sophie...
Sophie: Humm...
Cédric: Tu ne peux pas faire ça quand je ne suis pas là?
Sophie: J'ai envie de le faire, là, devant la télé.
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
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Cédric: Tu pourrais choisir un autre moment.
Sophie: Je n'ai pas le temps autrement.
Cédric: Ce n'est pas génial comme tableau ...
Sophie: Oui, mais c'est comme ça.
Cédric: Il y a la salle de bains.
Sophie: Je veux voir le film, et m'occuper de mes pieds.
Cédric soupire.
Sophie: Regarde le film.
Cédric: J'essaie .
Un temps.L'agacement de Cédric va grandissant.
Cédric: T'as bientôt fini ?
Sophie: Non.
Un temps.
Sophie: Si tu m'aimes, ça ne devrait pas te gêner .
Cédric: Non, non et non! Quand ce n'est pas la pédicure, c'est le masque hydratant ! ça
me gonfle!
Un temps. Sophie ponce frénétiquement des pieds au dessus de la bassine, Cédric se
concentre tant bien que mal sur le film.
Cédric: Mais c'est pas possible. Tu remues tout le temps.
Sophie: J'ai bientôt fini.
Un temps.
Sophie: Voilà.
Elle essuie des pieds. Et passe à la pose du vernis.
Cédric: Maintenant c'est l'odeur du vernis! Tu ne peux pas faire ça ailleurs!
Sophie: Je veux voir le film aussi.
Cédric: Tu feras ta pédicure plus tard !
Sophie: Je n'aurai pas le temps.
Cédric soupire, et se met ostensiblement en retrait sur le canapé.
Sophie: Je suis comme ça, c'est tout. Je ne te cache rien, et toi tu n'es pas trompé sur la
marchandise.
Cédric: Tu n'es pas non plus obligée de me faire partager tous tes secrets de beauté.
Qu'ils restent « secrets », hein!
Sophie: Je suis chez moi, je ne vais pas me planquer non plus!
Un temps.
Cédric: Et la pudeur, t'en fais quoi?
Sophie: Mais ça n'a rien à voir. Si on est ensemble, il me semble que je dois pouvoir me
montrer telle quelle...
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
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Cédric: Dans ce cas, laisse donc la porte ouverte quand t'es aux toilettes!
Sophie: Ce n'est pas pareil.
Cédric: Tu ne te demandes pas si ça me dérange ?
Sophie: Non.
Cédric: Tu m'imposes des choses que je n' ai pas envie de connaître !
Sophie: Tout de suite, tu fais l'offusqué !
Cédric: Si encore ce n'était que le vernis! Mais non ! Tout y passe !
Sophie: "Tout" ? N'exagère pas !
Cédric: Tout, je te dis ! Je n'ai pas besoin de savoir que tu mets un soins « spécial
vergetures » par exemple.
Sophie: Je ne vais pas planquer mes tubes, non plus !
Cédric: S'il n'y avait que tes crèmes anti-rides et tes soins "fermeté du corps"!
Sophie: Et toi alors, tu ne laisses pas traîner ta bombe de mousse à raser et ton
traitement contre la plaque dentaire ?
Cédric: Je suis le seul type qui connaisse le cycle menstruel de sa femme au jour près !
Et vas-y que là j'ovule, et vas-y que là j'ai mes règles ... Je ne suis pas ton toubib !
Sophie:. Au moins, tu peux comprendre pourquoi je ne me sens pas bien quelques jours
dans le mois.
Cédric: Oui, enfin, il y a des manières plus élégantes de le dire.
Sophie: Je te dis les choses simplement. J'ai besoin de simplicité.
Cédric: Si toi tu as besoin de ça, moi j'ai besoin de mystère, de sensualité !
Sophie: Ce n'est pas la vie, ça.
Cédric: Si. Faire des efforts pour l'autre.
Sophie: Je veux rester naturelle.
Cédric: Tu l'es de trop.
Sophie: Tu veux que je joue un rôle, c'est ça ? Je ne suis pas une icône de magazine.
Cédric: Non, mais naturel et pudeur peuvent aller de pair.
Sophie: Je ne vais pas me planquer à chaque fois que je veux prendre soin de moi !
Cédric: Tu devrais.
Sophie: Oui, la façade !
Cédric: Ce n'est pas une façade, c'est respecter l'autre.
Sophie: Te plains pas, déjà je ne me laisse pas aller.
Cédric: Encore heureux !
Un temps. Ambiance !
Sophie: Et tu sais quoi ?
Cédric (agacé): Non !
Sophie: Même Monica Bellucci a des peaux mortes.
Cédric: Seulement, elle ne les montre pas, elle.
Sophie: Oui, merci Photoshop !
Cédric: N'importe quoi!
Sophie: Ben voyons! Tu crois que les photos de magazines sont 100% naturelles ?
Toutes ces stars, elles sont toujours en représentation. Leur image est leur fond de
commerce.
Cédric: Elles doivent séduire leur public, oui !
Sophie: Oui, et toi tu veux que je retouches notre vie, un peu de rose par-ci, un peu de
bleu par là...
Cédric: Arrête !
Sophie: Arrête quoi?
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
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Cédric: Arrête de m'imposer tes petits soucis de beauté ! De tout déballer! Laisse-moi le
plaisir de la découverte et de l'exploration. Enrobe-toi de mystère !
Sophie: Je veux que tu m'aimes comme je suis, c'est tout. Comme moi je t'aime comme
tu es. Un amour sans masque.
Cédric. C'est charmant...
Sophie: Eh oui Cédric ! C'est comme ça !
Cédric ne dit rien soupire et détourne son regard.
Sophie: On dirait que tu n'y crois pas.
Cédric: C'est si facile à dire.... La sincérité, ou la vérité d'un instant, c'est une feuille sur
laquelle sont écrites nos convictions et qui s'envole au premier coup de vent...
Sophie: Ouh la! Tu deviens lyrique !
Cédric: La plupart des gens accordent trop d'importance à la vérité, non pas pour ce
qu'elle raconte, mais simplement parce qu'elle est une vérité.
Sophie: Qu'est ce que tu es compliqué.
Cédric: Au contraire, je suis on ne peut plus simple: s'il te plait, mens-moi.
Sophie: Te mentir ?
Cédric: Oui, mens-moi. Ne me montre jamais la vérité crue.
Sophie: Qu'est-ce que tu racontes ?
Cédric: Je te demande d'embellir nos jours, de me raconter des histoires.
Sophie: Genre, « Il était une fois ? » !
Cédric: Oui. Les répliques qui suivent sont lâchées comme des balles, une joute verbale.
« Il était une fois Sophie et Cédric, un couple qui s'aimait d'amour tendre et passionnel. »
Sophie: … "comme dans tout couple, il y avait des hauts et des bas..."
Cédric: (il corrige) « Eux deux étaient au-dessus de la vie, ils ne vivaient que des hauts...
»
Sophie: « Mais comme ce n'était que ces hauts, ils ne se rendaient plus compte de
l'altitude à laquelle ils vivaient. Alors comme tous les couples, ils se cassèrent aussi la
gueule »
Cédric:: « Non! Parce que leur amour était une oeuvre d'art et ils travaillaient chaque jour
à l'améliorer! »
Sophie: (sarcastique)" Et pour cela Madame passait du temps dans la salle de bains, à se
mettre des crèmes, à s'épiler..."
Cédric: «Dans la salle de bains », oui, pas dans le salon, à côté de Monsieur !
Sophie: «Elle passait du temps à s'entretenir, à se faire belle, pour sceller avec son chéri
un amour qu'elle voulait éternel ! Elle devait toujours être au top pour lui..."
Cédric:... "ce qui était la moindre des choses!"
Sophie: .. "ce qui dans le fond ne lui garantissait même pas l'amour éternel puisque
même les Angelina Jolie avaient des problèmes de couple !»
Cédric: Des problèmes? Mais nous n'avons pas de problème, nous!
Sophie:Tu parles! On s'engueule !
Cédric: Et alors, ce n'est pas parce qu'on s'engueule qu'on a des problèmes de couple,
non ?
(Jeu possible avec le public.) Un temps. Tous deux se calment.
Sophie: Je ne veux pas user d'artifices pour te séduire. Comme il n'y a aucune garantie,
autant que je reste moi-même.
Cédric: Pour qu'un amour dure, il faut le vouloir aussi ! Donc ça implique des efforts.
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
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Sophie: Oui Monsieur. Voilà pourquoi la vie n'est ni un conte de fée, ni une légende de
sorcières.
Cédric: Mais elle raconte souvent des histoires qui font peur...
Sophie: T'as peur de quoi ?
Cédric: De rien, mais la vie peut faire peur, non ?
Sophie: Et quoi ? Tu me demandes de mentir pour te préserver de cette peur?
Cédric: L'amour nous aide à mieux vivre.
Sophie: Normalement....
Un temps.
Cédric: Continue à me séduire.
Sophie: C'est ce que j'essaie de faire, je te signale.
Cédric: Mais pas comme ça ! Oui, tu peux prendre soin de toi, mais montre -toi sous ton
meilleur jour.
Sophie: Si tu m'aimes, tu dois pouvoir supporter tout ça.
Cédric: Je t'aime. Et t'aimer signifie pour moi ouvrir une porte vers le beau, vers
l'élévation. Rendre nos vies plus belles !
Sophie: Mais Cédric, si je suis avec toi, c'est parce que je veux être dans la vraie vie, en
vie! Et la vraie vie c'est ça! ( elle montre ses orteils pédicurés) Prends cette attitude qui te
déplaît comme une marque de confiance . Si je me montre sans fard devant toi, c'est
aussi pour entretenir une relation de confiance.
Cédric: J'ai confiance en toi. Je voudrais avoir aussi confiance en la magie que tu peux
apporter au quotidien . Savoir que tu cherches à me préserver ainsi.
Sophie: Te préserver de quoi Cédric ? De t'aimer ? Parce que je t'aime, mais à ma
manière.
Cédric: Et si tu es capable de m'aimer, alors fais ce que je te dis !
Sophie: Cédric, si tu m'aimes, aime-moi pour ce que je suis. Aime-moi telle que je suis
avec mes défauts, et ma part d'inconnue, celle qui te fait si peur, et fais-moi confiance....
Cédric: Je te fais confiance et pour mentir, il faut être deux. Le mensonge n'existe pas
seul. Comme un couple.
Sophie: Attends, tu me supplie de te mentir; donc tu fais confiance à mes mensonges ? Je
comprends plus rien ! ça n'a pas de sens cette histoire. Parce que c'est à toi même que tu
mens en premier Cédric...
Cédric: (Il se lève et frappe dans ses mains) Nous y voilà! Bravo, tu as tenu 4 mn 26 !
J'étais sûr que tu allais me faire ton vieux discours du « tu te mens à toi-même »! La
bonne vieille phrase que la défense balance quand elle n'a plus d'arguments! Ecoute - moi
bien Sophie: il n'y a que toi pour me parler de pacte de vérité. Faire un pacte, c'est déjà
poser des limites, un garde-fou parce qu'on a peur de passer soi-même au-dessus de la
balustrade !
Sophie: On s 'était promis de tout se dire. Je n'ai pas peur de te dire la vérité.
Cédric: Bien sûr! Tu te débarrasses d'elle comme d'un vieux mouchoir usagé ! Hop ! Tu
balances tes mots pour te décharger de tes soucis ! Je ne suis pas Nathalie, moi!
Sophie: Que vient faire Nathalie dans cette conversation ?
Cédric( se monte tout seul): « Et blablabla... oui... tu sais....faut que je te dise.....et
blablabla.»
Sophie: Et alors, moi j'aime bien faire partager ce que je vis !
Cédric: Oui, toutes vos futilités , le shopping, etc... La quantité, pas la qualité.
Sophie: Avec Nathalie, c'est pareil qu'avec toi. C'est reposant de pouvoir tout se dire, et
pas forcément de grandes envolées philosophiques.
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
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Cédric: Bien sûr. Seulement, je suis ton mari, pas ta copine..... alors un peu de mystère
ne nuit pas à la séduction.( Elle soupire) Je veux juste que tu me protèges de tout le
bordel qu'il y a dans ta tête. Pas de vérité poubelle !
Un temps. Elle encaisse la remarque.
Sophie: En gros, tu te fiches de me connaître.
Cédric: Non. Ce n'est pas ça.
Sophie: C'est quoi alors ?
Cédric: Je te demande juste de mentir pour moi, et non pour toi. Et attention! Quand je dis
mentir, je veux dire, modifier, mettre en scène, valoriser, et me respecter !
Sophie: Ça va là? Tu n'as pas l'impression d'en demander trop ?
Cédric: Non! Je n'en demandes pas trop! Quand par exemple tu me dis que tu aimes
mes poignées d'amour! Dis-moi que tu les détestes ! Que je ne me laisse pas aller dans
un cocon de graisse, à m'enrober ! (il rit jaune) Et toi qui me trouve «beau» avec cette
bouée autour de la taille! (il pince son ventre ) Des petits mots bien placés. Assassins.
Terminées les tentatives de séduction.
Sophie: Agis! Ce n'est pas de ma faute si tu n'acceptes pas les compliments. Si tu veux
faire disparaître tes poignées d'amour, bouge-toi! Et fais-le pour toi, pas pour moi !
Cédric: Quelques mots et me voilà chosifié. Je ne veux pas être ta chose.
Sophie: Et toi, en me demandant de te raconter des histoires, tu n'es pas en train de
vouloir me modeler ? Les dés sont pipés. ( Il se détourne d'elle) Moi non plus, je ne suis ni
un pantin, ni ta chose. Je ne te mentirai que si je le veux et ça, tu ne le sauras jamais.
Parce que si je sais que c'est un mensonge, je peux aussi savoir où est le vrai. Parce que
tu es en train de créer ton propre enfer, à tout vouloir décortiquer, à surinterpréter le sens
de chaque mot, le sortir de son contexte et le passer au microscope ! Et à me demander
de te mentir, tu tues dans l'oeuf la moindre tentative d'illusion. C'est pas comme ça que ça
marche Cédric. Sois plus spontané ! (On sent qu'elle est lasse de cette conversation )
C'est épuisant de se mentir tout le temps. On ne fait que ça, mentir à tous les coins de
rue: "Bonjour ça va? Oui et toi ? Cette nouvelle coupe te va bien, etc, etc... " (Elle se lève
et s'approche de lui) Moi je veux des relations sincères, et simples avec les gens que
j'aime. Aux autres, oui, je peux raconter des petites histoires, je peux chercher à prouver
tout ce que tu veux, mais ne me demande pas ça, toi, Cédric.(Elle l'enlace dans ses bras)
Nous avons encore de belles années devant nous. Ne les gâchons pas ainsi. On gagne
du temps à ne pas mentir, on va droit au but. Arrête de te poser des questions et apprécie
les moments qui s'offrent à toi. (Elle pose la tête sur son épaule.) Lâche donc prise.
Cédric: Ce sont des efforts constants, des concessions et des réajustements au
quotidien. Un peu comme une longue valse lente entre nous. Rien n'est acquis dans la
vie, et encore moins en amour.
Ils sont tous deux face à face, enlacés.
Un temps.
Sophie: Je sais.
Cédric: C'est pour cela que j'ai si mal.
Sophie: Moi aussi j'ai mal. J'ai mal de voir comme tu compliques tout. S''il te plaît, arrête
de réfléchir un peu.
Cédric: Je vais essayer.
Sophie: Ce n'est pas facile, hein ?
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
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Un temps.
Cédric: M'aimes -tu comme je suis ?
Sophie:Oui. Je t'aime comme tu es.
Un temps. Ils sont toujours enlacés.
Sophie: Tu vois je suis toujours contre toi.
Il sourit.
Sophie: Le corps ne ment pas, lui !
Ils s'embrassent.
Noir.
« A ta place, j'abandonnerais la pose, le masque... »
une minute tu sais le temps passe
dis moi que tu m'aimes " interprété par A. Chamfort (paroles de Jay Alanski)
Le récitant revient sur scène.
Le récitant: Tous ces jolis mots que nous voulons entendre sont un bel écrin pour les
petites distorsions avec la réalité ! Des petits je-ne sais-quoi qui modèlent le monde...
2ème intermède:
Tableau dansé
Tous les personnages se retrouvent sur scène et se partagent ces mots:
J'abuse,
T'es attrapé,
On l'a eu,
Il s'est fait baisé,
Nous sommes bercés
D'illusions
Vous bernez
Votre prochain
Elles nous blousent
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
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Vos belles paroles
Je bluffe
Tu t' es fait carotté
Couillonné
Il m'a charrié
Elle t'a déçu,
On m'a dupé,
Nous diminuons nos dires
Nous enjolivons
Vous embobinez,
Vous entubez,
Ils escroquent
Je feins
Tu floues,
On fraude
Nous grossissons
Nos propos
Vous induisez
En erreur
Ils,
Elles,
MENTENT
Tous.
XIX.
LA PROMESSE.
Un vieil homme assis, une photo à la main.
Voilà Madeleine. C’est l’heure du bilan.
Nous sommes au crépuscule de notre vie... On se dit quand on est jeune: « Quand je
serai grand, quand je serai vieux » avec plein d’images en nous, des illustrations de nos
peurs et de nos expériences. Et dans la tête un album photos de notre existence.
Quand nous étions jeunes, nous nous étions promis tant de choses.
(Il devient lyrique) Des paroles persistantes, petites pierres précieuses pour se préserver
des péripéties! Nous les avons prononcées et nous les avons les sincèrement pensées…
Voilà ce qu' étaient nos promesses!
Et un beau jour, on se retourne sur nos paroles et on y voit de simples palabres! Quelle
vanité! Comme si l’avenir était une certitude! Vouloir se donner l’impression d’être
puissant, espérer avoir un quelconque impact sur le futur !
Un temps.
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
78/83
Je me retourne sur chaque jour égrainé, histoire d’être en accord avec moi-même. Ai-je
bien agi ?
Un temps.
Quand on se retourne sur son passé, on voit que les idées brandies comme des
étendards sanglants se sont envolées dans le souffle rugissant de la nécessité. (il se
calme,et reprend un ton plus introspsectif) )Maintenant que nous sommes vieux, je peux te
dire: quand j’étais jeune, eh bien…
Je t’ai juré fidélité.
Je t’ai promis de garder le secret.
Je t’ai dit que j’avais horreur du mensonge.
Je t’ai dit que tu étais la plus belle femme que j’avais rencontré.
Un temps.
Je l'ai vraiment pensé.
Un temps.
Et j’ai changé. Alors, oui, je ne suis pas fidèle à ce que j’étais il y a quelques années.
Pendant des années, je me suis menti à moi-même en m’obligeant à agir d’une certaine
manière, tout ça pour tenir une promesse. Je te suis resté fidèle. Avec loyauté j'ai gardé
ton secret. J’ai voulu y croire. Un temps. J'ai vu des femmes qui m'ont ému, de la grâce et
une apparence avenante que j'ai voulu oublier, par engagement . Quand je t’ai fait cette
promesse, je pensais que je serais protégé de cette tentation, que ces mots scelleraient
mes actes et mon destin. Je pensais que je serai toujours le même!(il redevient lyrique) Je
pensais me cristalliser dans l’écho de ma parole!
Un temps.
Mais j’ai changé. C’est la vie. Du mouvement. Même le mouvement du caractère qui
bouge, frotté contre les autres. Et j’ai préféré tenir ma promesse et rester auprès de toi,
parce qu’on se l’était dit, des mots marqués dans notre esprit, pacte qui ressurgissait sous
ta présence. Rester ton compagnon de vie… t’aimer toujours…
Et je me suis détesté pendant toutes ces années. Parce que si j’ai tenu ma promesse, je
n’en étais pas moins menteur envers moi-même. Faut-il donc mieux se mentir à soi-même
que de mentir aux autres ? Je ne sais pas. Si j'ai pu t'éviter du mal, alors, oui, je préfère le
mensonge à moi-même aux mots fourbes à ton égard.
Condamné à l’imposture, faire semblant d’être celui qui s’était engagé auprès de toi il y a
40 ans, ce jeune homme plein d’idéaux qui voulait y croire, qui était de bonne foi avec ses
grands mots .
Un temps.
Alors où est le manque de force?
Dans mon changement de caractère ? Dans le mensonge envers moi-même ? Et par
conséquent envers toi qui a côtoyé un homme tiraillé entre le souvenir d’une promesse et
la dure constatation que les mots se sont envolés malgré tout ?
Dans ces mots auxquels je me raccroche pour justifier la constance que je n'ai pas eue ?
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
79/83
Madeleine...
L'homme repose doucement la photo, se lève et sort.
Noir.
TABLEAU DANSÉ
On dit que le soleil se lève et se couche
On dit que le soleil disparaît à l'horizon
Des mots qu'on accepte et qui font mouche
Des illusions, et l'on adhère à l'unisson
Et pourtant elle tourne...
Nous ne voyons plus derrière les dunes
Le soleil, et sa lumière sur la lune
On dit que la lune brille, oui!
Et le soleil tourne lui aussi....
Et pourtant elle tourne...
Tout tourne, tout s'écoule,
Chercher un moule
Et vite se coule
La silicone foule
C'est cool !
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
80/83
Rien n'est figé,
Tout peut changer !
Et pourtant elle tourne...
La vérité nue
Seule dans les nues
Reste un point de vue
Ah, si j'avais su...
EPILOGUE:
Le récitant: Je sais c'est terrible. Et il faudra pourtant faire avec. Ou plutôt sans. Mais
terminons en laissant la parole aux enfants.
C'est le soir, la scène se passe dans la chambre de Salomé.
Salomé : Maman, tu me racontes une histoire?
Maman :Oui ma chérie. Aujourd'hui j'ai décidé d'inventer une histoire, tu veux bien ?
Salomé : Oh oui! Vas-y !
Elle s'installe confortablement dans son lit.
Maman : Alors.... C'est une belle jeune fille qui...
Salomé : Elle ne commence pas par "il était une fois", ton histoire?
Maman: Si tu veux....donc: il était une fois une jeune fille qui vivait très heureuse avec sa
famille. Quand elle devint adulte, elle rencontra dans un beau chateau un jeune homme
qui eut tout de suite le coup de foudre pour elle. Très vite,il la demanda en mariage, ce
qu'elle accepta avec joie...
Salomé : Où sont les méchants ?
Maman : Il n'y a pas de méchant dans mon histoire.
Salomé : Alors c'est nul, comme histoire.
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
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Maman : Pourquoi c'est nul ?
Salomé : Ben tout va bien, ils sont tous heureux et tout .. c'est pas marrant ! Moi j'aime
bien quand il y a des méchants dans les histoires ! Une belle histoire, quoi.
Dépitée, la mère prend le livre de contes posé sur le chevet.
Maman : C'est quoi, une belle histoire ?
Salomé : C'est une histoire qui me rend heureuse.
Maman : Alors le petit chaperon rouge, ce n'est pas une bonne idée ....
Salomé : Si, si, j'aime bien le petit chaperon rouge !
Maman : Mais le loup il mange la grand-mère et le petit chaperon rouge .
Salomé :Oui, mais je sais que c'est fait exprès. J'aime bien quand le loup il est déguisé en
Grand-mère et que le petit chaperon rouge il dit "comme vous avez de grandes oreilles",
tout ça!
Maman : Ah. D'accord.
Salomé : Ça fait un peu peur mais j'aime bien.
Maman : Bon, alors, je commence: "Il était une fois.."
Salomé : Maman...
Maman : Oui Salomé ?
Salomé : Tu sais maman, pour la carte... C'est vrai que c'était moi, mais je ne voulais pas
me faire gronder.
Maman :Je sais Salomé. Et ton histoire a provoqué le contraire.
Salomé : Oui maman.
Un temps. La maman fait un câlin à sa fille.
Salomé : Mais des fois quand même, il y a des histoires qui sont comme des mensonges,
non ?
Maman : Heu, tu crois?
Salomé : Par exemple, ce n'est pas possible que le loup, il ait avalé tout cru, sans les
croquer le petit chaperon rouge et la grand mère ! Il a de très grand dents, le loup !
Maman: Il avait très faim, comme toi quand tu avales tes tartines sans mâcher !
Salomé: Et puis, quand le bûcheron il ouvre tout grand le ventre du loup, et que le petit
chaperon rouge et la grand-mère soient encore vivants dans son ventre, et que le loup il
ne se réveille pas, il n'a pas mal quand le bûcheron lui met les cailloux dans son ventre...
Maman : Oui, c'est vrai ce que tu dis !
Salomé : ça ne se peut pas dans l' histoire, mais moi j'aime bien quand même...
Maman : Oui, il y a souvent du faux dans les histoires, mais c'est pour ça aussi qu'on les
aime.
Le noir vient progressivement sur scène ...
Salomé : C'est comme avec le Père Noël ?
Maman : ....
Salomé : On ne sait pas trop, hein ?
Maman : Oui, c'est ça Salomé... et surtout, on ne veut pas tout savoir ...
Salomé : Alors toutes ces histoires, c'est comme des rêves.
Noir.
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
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J'ai fouillé dans les armoires
Pour trouver la fin de l'histoire
Et la page pas encore tournée
Le sujet pas encore épuisé
Cherchez dans vos tiroirs :
Maintenant à vous de jouer.
RIDEAU
©Rosapristina "Nos petites histoires..."
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