Le spice en France : mélange d`herbes contenant des
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Le spice en France : mélange d`herbes contenant des
Synthèse Ann Biol Clin 2012 ; 70 (4) : 413-22 Le spice en France : mélange d’herbes contenant des cannabinoïdes de synthèse The spice in France: mixed herbs containing synthetic cannabinoids Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. Joël Schlatter1 Fouad Chiadmi1 Patrick Chariot2,3 1 Laboratoire de toxicologie médicolégale, Hôpital Jean-Verdier (AP-HP), Bondy <[email protected]> 2 Service de médecine légale, Hôpital Jean-Verdier (AP-HP), Bondy 3 Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux (IRIS, UMR 8156-723), Université Paris 13 Résumé. Des mélanges d’herbes, sous le nom de Spice, sont connus pour être vendus sur internet et dans divers magasins spécialisés depuis au moins 2006 comme encens à brûler. Certains utilisateurs ont fumé le Spice et ont signalé des effets similaires au cannabis. Les autorités allemandes et autrichiennes ont alors mené des investigations pour identifier les ingrédients du Spice. Une nouvelle substance psychoactive, synthétisée pour la première fois en 1995, JWH-018 a été identifiée comme un cannabinoïde de synthèse, puis par la suite le CP 47.497 et le HU-210 aux États-Unis. Depuis 2009, les cannabinoïdes de synthèse font l’objet d’une surveillance en Europe et ont été considérés comme illicites en France. Les données pharmacologiques de ces produits sont peu connues chez l’homme, mais leurs caractéristiques volatiles et cannabis-like en font un défi supplémentaire pour les toxicologues. Répondant aux préoccupations de santé publique, l’Europe a pris des mesures juridiques pour interdire ou contrôler les produits contenus dans le Spice. Mots clés : Spice, cannabinoïdes de synthèse, toxicologie médicolégale Abstract. Smokable herbal mixtures under the brand name Spice were first sold on the Internet and in various specialised shops in 2006 or earlier. When smoked, the Spice products have effects similar to those of cannabis. Forensic investigations were undertaken by German and Austrian authorities in order to identify the psychoactive ingredients of Spice. A new psychoactive substance JWH-018 has been identified in Spice products. JWH-018 was first synthesized in 1995 and produces effects similar to those THC. Subsequently, the synthetic cannabinoid CP 47,497 was also identified. Outside of Europe, the United States Drug Enforcement Administration reported that another potent synthetic cannabinoid, HU-210, had been found. Since 2009, other synthetic cannabinoids were identified in Europe. None of the above-mentioned synthetic cannabinoids is internationally controlled as a drug and there is no information on any of them having been authorised as a medicinal product in the European Union. There are no officially published safety data and little is known about their effects in humans. Some of the characteristics of these compounds, e.g. volatility and activity in small doses, are likely to present further analytical and toxicological challenges. Responding to potential health concerns, Europe has taken legal actions to ban or otherwise control Spice products and related compounds. doi:10.1684/abc.2012.0728 Article reçu le 6 janvier 2012, accepté le 20 février 2012 Key words: Spice, synthetic cannabinoids, forensic toxicology Tirés à part : J. Schlatter Pour citer cet article : Schlatter J, Chiadmi F, Chariot P. Le spice en France : mélange d’herbes contenant des cannabinoïdes de synthèse. Ann Biol Clin 2012 ; 70(4) : 413-22 doi:10.1684/abc.2012.0728 413 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. Synthèse Le Spice est un mélange de plantes aromatiques séchées destiné à parfumer la maison. Il était vendu officiellement sur internet comme de l’encens sous des noms variés tels que Spice Gold, Spice Silver, Spice Diamond, Yucatan Fire, Sence, Chill X, Smoke, Genie, Algerian Blend. Officieusement, le Spice est connu comme une drogue douce légale pouvant être fumée. En 2009, des chercheurs allemands découvrent que ce mélange d’herbes, décrit comme inoffensif, contient en fait un cannabinoïde de synthèse, plus puissant que le cannabis. Cette découverte fournit à l’Afssaps la preuve qui lui manquait pour classer le Spice comme stupéfiant et donc l’interdire en France [1]. Le réseau européen d’information sur les drogues et les toxicomanies (Reitox) a révélé en 2007 un petit nombre de saisies de Spice notamment en Suède [2]. Vers la fin 2008, les autorités allemande et autrichienne entreprennent d’identifier les composés psychoactifs du Spice. Le Reitox autrichien découvre alors une nouvelle substance psychoactive sous le nom de JWH-018, un agoniste synthétique du récepteur de cannabinoïde. Ce composé a été détecté dans trois types de Spice dits Spice Gold, Spice Silver and Spice Diamond. Depuis 2008, l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (European monitoring centre for drugs and drug addiction, EMCDDA) réalise une surveillance des exportations et consommations de Spice dans l’union européenne. L’EMCDDA a permis notamment de concentrer les efforts d’identification des composés actifs du Spice et de proposer des méthodes d’analyse toxicologique [3]. En 2009, deux Etats membres, le Danemark et les Pays-Bas, ont informé l’EMCDDA de saisies de Spice contenant un autre cannabinoïde synthétique de la famille du JWH, le JWH073, un homologue alkylique inférieur de JWH-018. En octobre 2009, deux nouveaux cannabinoïdes synthétiques de la famille du JWH ont été rapportés pour la première fois par le Royaume-Uni et l’Allemagne, le JWH-398 et le JWH-250. Le nombre de cannabinoïdes synthétisés est sans cesse en augmentation en Europe où l’on dénombre plus de 400 molécules différentes. Ils ont été développés au cours des 40 dernières années en tant qu’agents pharmaceutiques potentiels, souvent destinés à la gestion de la douleur. Cependant, il n’a pas été possible d’éliminer les effets psychoactifs non désirés. Peu de données sur leurs effets cliniques sont disponibles chez l’homme. Nous essaierons dans cet article de mieux comprendre l’impact possible de ces nouvelles molécules non détectables par les tests d’identification des stupéfiants. aux Pays-Bas (14 %) et en Roumanie (7 %) [3, 4]. Le prix moyen était généralement entre 20 et 30 euros par paquet de 3 grammes, selon le pays et la force du produit. Le prix est comparable à celui du cannabis en Europe, c’està-dire approximativement 3-4 euros par joint. Un total de 27 mélanges de tabagisme de fines herbes différentes ont été identifiés à travers tous les détaillants étudiés. Depuis 2007, le projet Psychonaut (Psychonaut web mapping project) surveille sans interruption le Web pour les composés originaux, dans neuf langues, avec l’appui de différents logiciels [5]. Le projet surveille régulièrement plus de 200 sites Web, forum et blogs qui fournissent des informations sur beaucoup de composés. En 2009, l’EMCDDA a envoyé un questionnaire court (huit questions) par e-mail aux différents Reitox européens (27 Etats membres plus la Croatie, la Turquie et la Norvège). Les questionnaires ont été remplis par un expert médico-légal. Le Spice a été identifié dans 21 pays sur 30. Des produits du type JWH et CP ont été retrouvés dans 8 sur 21 pays. Le JWH-018 et le CP 47.497 ont été identifiés en Autriche, en Allemagne, en France, en Hongrie, en Pologne, Slovénie, Royaume-Uni et Finlande [3]. Composition du Spice Les étiquettes des paquets de Spice (figure 1) mentionnent des teneurs entre 0,4 et 3,0 g de mélange de plantes aromatiques ayant des actions psychoactives similaires à la marijuana (tableau 1) [3, 4]. Les plantes aromatiques sont utilisées dans le Spice pour leur action relaxante proche du cannabis selon les expériences observées, notamment chez les Indiens. Mais peu d’informations sont disponibles Répartition des cannabinoïdes de synthèse en Europe En 2009, la majorité de détaillants en ligne identifiés ont été basés au Royaume-Uni (37 %), en Allemagne (15 %), 414 Figure 1. Spice Gold. Ann Biol Clin, vol. 70, n◦ 4, juillet-août 2012 Le spice en France Tableau 1. Composants retrouvés dans le Spice. Nom commun Haricot de plage Nénuphar blanc Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. Scutellaire à casque naine Herbe du guerrier indien Espèce Canavalia maritima Nymphaea alba Scuttelaria nana Pedicularis densiflora Queue de lion Leonotis leonurus Maconha brava Zornia latifolia Lotus rose Nelumbo nucifera Leonurus sibiricus Léonure de Sibérie quant à leurs effets pharmacologiques et toxicologiques. Ainsi, les implications de la consommation du Spice sont peu connues pour la santé publique. Les effets biologiques et psychologiques décrits avec les fumées de Spice sont en fait dus aux ajouts de cannabinoïdes de synthèse non mentionnées sur l’étiquette. Un certain nombre de plantes sont répertoriées sur l’emballage, mais il s’avère que beaucoup ne sont pas présentes. Néanmoins, de grandes quantités de tocophérol (vitamine E) ont été détectées, probablement pour masquer l’analyse des cannabinoïdes actifs [6]. La présence de plusieurs cannabinoïdes dans certains échantillons peut également être destinée à créer une confusion lors de l’analyse de la composition chimique. Identification des cannabinoïdes de synthèse Après l’isolement du THC dans les années 1960, une grande série d’agonistes exogènes synthétiques de récepteur de cannabinoïde a été synthétisée, à l’origine par la recherche pour étudier les caractéristiques de liaison des ligands aux récepteurs aux cannabinoïdes. Dans les années 1970, Pfizer a développé la série (CP) de cyclohexylphénole comme CP 59.540 et CP 47.497 [7-10]. Dans les années 1990, J.W. Huffman à l’université de Clemson, États-Unis, a créé une grande série de dérivés aminoalkylindoles aussi dénommés JWH d’après le nom de leur inventeur (JWH-015, JWH-018, JWH-073, JWH-398, JWH-250). La première identification d’un récepteur de cannabinoïde date de 1984 par Howlett et Flemming [11]. Dans les années 1990, deux récepteurs pharmacologiques distincts de cannabiAnn Biol Clin, vol. 70, n◦ 4, juillet-août 2012 Origine Les indigènes du Golfe du Mexique fumaient les feuilles en remplacement de la marijuana Lotus aquatique à belles fleurs bleues Herbe vivace originaire de Californie, bien connue des tribus amérindiennes, dont les Cherokee Herbe vivace traditionnellement utilisée par les tribus indiennes d’Amérique du Nord. Les bourgeons et les fleurs sont souvent fumés leurs propriétés relaxantes Herbe avec de longues fleurs tubulaires jaunes, orange et rouges, évoquant la queue d’un lion. Elle est traditionnellement utilisée par les tribus Xhosa et Hottentot d’Afrique du Sud. Les feuilles étaient fumées pour ses effets euphorisants proches du cannabis Plante originaire de l’Amérique du Sud tropicale jusqu’au nord des Antilles. Les feuilles séchées sont traditionnellement utilisées par les tribus indiennes de ces régions Fleur nationale de l’Inde Herbe de la famille des menthes d’utilisation courante au Brésil, au Mexique ainsi qu’en Chine où elle est très appréciée pour ses propriétés psychédéliques noïde (CB1 et CB2) furent clonés [12, 13]. En 2009, un analogue du JWH-018, le CP 47.497, a été identifié en Allemagne par la gendarmerie criminelle fédérale [8-10, 14]. Il a été retrouvé au Royaume-Uni, en Slovaquie et en Finlande. La Drug enforcement administration (DEA) des États-Unis a rapporté un autre cannabinoïde de synthèse en 2009, le HU-210 [15-19]. Le HU-210 serait 100 fois plus puissant que le THC. Le JWH-18 et le CP 47.497 mais également les diastéréoisomères des deux composés ont été également identifiés dans sept types de Spice examinés [20-22]. Les cannabinoïdes de synthèse sont divisés en sept groupes structuraux principaux : les naphthoylindoles, les naphthylméthylindoles, les naphthoylpyrroles, les naphthylméthylindoles, les phénylacétylindoles, les cyclohexylphénols, les cannabinoïdes classiques (tableaux 2 à 8). Cannabinoïdes de synthèse à visée médicale en France En 2008, une autorisation temporaire d’utilisation (ATU) concernant les cannabinoïdes de synthèse n’a été délivrée que pour le Marinol® (dronabinol). Depuis 2001, 74 ATU nominatives pour le dronabinol ont été délivrées. Le nombre de ces ATU a doublé de 2001 à 2002 [23]. Depuis 2003, il diminue chaque année. Depuis 2001, toutes les ATU demandées pour le Sativex® ont été refusées. La compagnie pharmaceutique britannique GW Pharmaceuticals a annoncé que les autorisations nationales pour le Sativex, afin de traiter la spasticité de la sclérose en plaques, sont 415 Synthèse Tableau 2. Cannabinoïdes de synthèse du groupe des naphthoylindoles [1, 2, 5, 6, 8]. R4 O R3 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. N R2 R1 Substance JWH-004 JWH-007 JWH-009 JWH-015 JWH-016 JWH-018 JWH-019 JWH-020 JWH-046 JWH-047 JWH-048 JWH-049 JWH-050 JWH-070 JWH-071 JWH-072 JWH-073 JWH-076 JWH-079 JWH-080 JWH-081 JWH-082 JWH-094 JWH-096 JWH-098 JWH-116 JWH-120 JWH-122 JWH-148 JWH-149 JWH-180 JWH-181 JWH-182 JWH-189 JWH-193 JWH-198 JWH-200 JWH-210 416 R1 Hexyle Pentyle Heptyle Propyle Butyle Pentyle Hexyle Heptyle Propyle Butyle Pentyle Hexyle Heptyle Méthyle Ethyle Propyle Butyle Propyle Propyle Butyle Pentyle Hexyle Propyle Butyle Pentyle Pentyle Propyle Pentyle Propyle Pentyle Propyle Pentyle Pentyle Propyle MPE MPE MPE Pentyle R2 Méthyle Méthyle Méthyle Méthyle Méthyle H H H Méthyle Méthyle Méthyle Méthyle Méthyle H H H H H H H H H H H Méthyle Ethyle H H Méthyle Méthyle H Méthyle H Méthyle H H H H R3 H H H H H H H H H H H H H H H H H H Méthoxy Méthoxy Méthoxy Méthoxy Méthoxy Méthoxy Méthoxy H Méthyle Méthyle Méthyle Méthyle Propyle Propyle Propyle Propyle Méthyle Méthoxy H Ethyle R4 H H H H H H H H Méthyle Méthyle Méthyle Méthyle Méthyle H H H H Méthyle H H H H H H H H H H H H H H H H H H H H Ki (nM) 48 2,9 > 1 000 165 22 2,9 9,8 128 343 59 10,7 55 342 > 1 000 > 1 000 > 1 000 8,9 214 63 7,6 1,2 5,3 476 34 4,5 52 > 1 000 0,69 123 5,0 26 1,3 0,65 52 6 10 42 0,46 Ann Biol Clin, vol. 70, n◦ 4, juillet-août 2012 Le spice en France Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. Tableau 2. (Suite) Substance JWH-211 JWH-212 JWH-213 JWH-234 JWH-235 JWH-236 JWH-239 JWH-240 JWH-241 JWH-242 JWH-262 JWH-386 JWH-387 JWH-394 JWH-395 JWH-397 JWH-398 JWH-399 JWH-400 JWH-412 JWH-413 JWH-414 JWH-415 R1 Propyle Propyle Pentyle Pentyle Propyle Propyle Propyle Pentyle Propyle Pentyle Pentyle Propyle Pentyle Pentyle Propyle Pentyle Pentyle Propyle Propyle Pentyle Pentyle Propyle Propyle R2 Méthyle H Méthyle H H Méthyle H H Méthyle Méthyle Méthyle H H Méthyle Méthyle Méthyle H Méthyle H H Méthyle H Méthyle R3 Méthyle Ethyle Ethyle H H H Butyle Butyle Butyle Butyle H Br Br Br Br Cl Cl Cl Cl F F F F R4 H H H Ethyle Ethyle Ethyle H H H H Ethyle H H H H H H H H H H H H Ki (nM) 70 33 1,5 8,4 338 > 1 000 342 14 147 42 28 161 1,2 2,8 372 8,9 2,3 187 93 7,2 14 240 530 Tableau 3. Cannabinoïdes de synthèse dérivés du groupe des naphthylméthylindoles [1]. R3 N R2 R1 Substance JWH-175 JWH-184 JWH-185 JWH-192 JWH-194 JWH-195 JWH-196 JWH-197 JWH-199 R1 Pentyle Pentyle Pentyle MPE Pentyle MPE Pentyle Pentyle MPE Ann Biol Clin, vol. 70, n◦ 4, juillet-août 2012 R2 H H H H Méthyle H Méthyle Méthyle H R3 H Méthyle Méthoxy Méthyle Méthyle H H Méthoxy Méthoxy Ki (nM) 22 23 17 41 127 113 151 323 20 417 Synthèse Tableau 4. Cannabinoïdes de synthèse du groupe des naphthoylpyrroles [7, 8]. O Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. N R2 R1 Substance JWH-030 JWH-145 JWH-146 JWH-147 JWH-150 JWH-156 JWH-243 JWH-244 JWH-245 JWH-246 JWH-292 JWH-293 JWH-307 JWH-308 JWH-346 JWH-348 JWH-363 JWH-364 JWH-365 JWH-367 JWH-368 JWH-369 JWH-370 JWH-371 JWH-373 JWH-392 R1 Pentyle Pentyle Heptyle Hexyle Butyle Propyle Pentyle Pentyle Pentyle Pentyle Pentyle Pentyle Pentyle Pentyle Pentyle Pentyle Pentyle Pentyle Pentyle Pentyle Pentyle Pentyle Pentyle Pentyle Pentyle Pentyle attendues en Allemagne, en Italie, au Danemark, en Suède, en Australie, et dans la République tchèque en 2011 ou 2012. Action pharmacologique Bien que souvent désignés simplement par le terme de cannabinoïdes de synthèse, plusieurs des substances ne sont pas structurellement apparentées aux cannabinoïdes dits classiques, c’est-à-dire les composés, comme le THC, basés sur le dibenzopyrane. Les agonistes des récepteurs cannabinoïdes constituent un groupe varié, mais la 418 R2 H Phényle Phényle Phényle Phényle Phényle 4-Méthoxyphényle 4-Méthylphényle 4-Chlorophényle 3-Chlorophényle 2-Méthoxyphényle 3-Nitrophényle 2-Fluorophényle 4-Fluorophényle 3-Méthylphényle 4-Trifluorométhylphényle 3-Trifluorométhylphényle 4-Ethylphényle 2-Ethylphényle 3-Méthoxyphényle 3-Fluorophényle 2-Chlorophényle 2-Méthylphényle 4-Butylphényle 2-Butylphényle 2-Trifluorométhylphényle Ki (nM) 87 14 21 11 60 404 285 130 276 70 29 100 7,7 41 67 218 245 34 17 53 16 7,9 5,6 42 60 77 plupart sont liposolubles et non polaires, et sont constitués de 22 à 26 atomes de carbone. Ils sont assez volatils et par conséquent fumables. Le JWH-018 est un dérivé naphthoylindole, qui appartient à la famille des aminoalkylindoles [24, 25]. Sa structure chimique diffère sensiblement de la 9-tétrahydrocannabinol (THC). Le JWH-018 produit des Tableau 5. Cannabinoïdes de synthèse du groupe des naphthylméthylindènes [1]. Substance JWH-176 R1 Pentyle R2 H Références Réf. 1 Ki (nM) 26 Ann Biol Clin, vol. 70, n◦ 4, juillet-août 2012 Le spice en France Tableau 6. Cannabinoïdes de synthèse du groupe des phénylacétylindoles [8]. R2 O N R1 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. C5H11 Substance JWH-167 JWH-201 JWH-202 JWH-203 JWH-204 JWH-205 JWH-206 JWH-207 JWH-208 JWH-209 JWH-237 JWH-248 JWH-249 JWH-250 JWH-251 JWH-252 JWH-253 JWH-302 JWH-303 JWH-304 JWH-305 JWH-306 JWH-311 JWH-312 JWH-313 JWH-314 JWH-315 JWH-316 R1 H H Méthyle H Méthyle Méthyle H Méthyle H Méthyle H H H H H Méthyle Méthyle H Méthyle Méthyle Méthyle Méthyle H H H Méthyle Méthyle Méthyle effets semblables mais plus élevés que le THC chez les animaux [6]. Le récepteur CB1, localisé principalement dans le système nerveux central, est associé aux effets psychoactifs, alors que le récepteur CB2 est associé au système immunitaire [26, 27]. Les agonistes des récepteurs cannabinoïdes simulent les effets du THC en interagissant avec le récepteur CB1 dans le cerveau [28]. Des études in vitro ont montré que certains composés synthétiques se lient plus fortement à ce récepteur que le THC comme le montre la mesure de la constante d’affinité Ki [29-31]. Tous les cannabinoïdes identifiés dans les mélanges à fumer présentent, Ann Biol Clin, vol. 70, n◦ 4, juillet-août 2012 R2 Phényle 4-Méthoxyphényle 4-Méthoxyphényle 2-Chlorophényle 2-Chlorophényle Phényle 4-Chlorophényle 4-Chlorophényle 4-Méthylphényle 4-Méthylphényle 3-Chlorophényle 4-Bromophényle 2-Bromophényle 2-Méthoxyphényle 2-Méthylphényle 2-Méthylphényle 3-Méthoxyphényle 3-Méthoxyphényle 3-Chlorophényle 4-Bromophényle 2-Bromophényle 2-Méthoxyphényle 2-Fluorophényle 3-Fluorophényle 4-Fluorophényle 2-Fluorophényle 3-Fluorophényle 4-Fluorophényle Ki (nM) 64 > 1 000 > 1 000 8,0 13 124 389 > 1 000 179 746 38 > 1 000 8,4 11 29 23 62 17 117 > 1 000 15 25 23 72 422 39 430 > 1 000 comme le THC (Ki = 10,2 nM), une affinité élevée vis-à-vis du récepteur CB1 (tableaux 2 à 8). La substance HU-210 présente une valeur particulièrement faible de Ki (0,06 nM), et elle se lie plus de 100 fois plus fortement au récepteur CB1 que le THC. Cependant, on sait peu de choses au sujet de la pharmacologie détaillée et de la toxicologie des cannabinoïdes de synthèse et peu d’études humaines formelles ont été publiées. Il est possible qu’indépendamment de leur puissance élevée, certains cannabinoïdes peuvent avoir des demi-vies particulièrement longues, conduisant potentiellement à des effets psychoactifs prolongés. En outre, il peut 419 Synthèse Tableau 7. Cannabinoïdes de synthèse du groupe des cyclohexylphénols [1, 3, 12]. OH OH Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. R2 Substance CP-55,940 CP-47,497 Analogue VII Analogue I Analogue II Analogue III Analogue IV Analogue IX Analogue X Analogue XI Analogue XII Analogue XIII Analogue XV Analogue XVI R1 1,1-Diméthylheptyle 1,1-Diméthylheptyle 1,1-Diméthyloctyle 1,1-Diméthyléthyle 1,1-Diméthylpropyle 1,1-Diméthylbutyle 1,1-Diméthylpentyle 1,1-Diméthyldécyle 1,1-Diméthylundécyle 1,1-Diméthylheptyle 1,1-Diméthylheptyle H 1,1-Diméthylheptyle 1,1-Diméthylheptyle Tableau 8. Cannabinoïdes de synthèse du groupe des dibenzopyranes. [4, 8, 9]. Substance 9-THC 8-THC Nabilone HU-210 R1 Pentyle Pentyle 1,1-Diméthylheptyle 1,1-Diméthylheptyle R2 Méthyle Méthyle Cétone (=O) Hydroxyméthyle Ki (nM) 10,2 16,5 1,84 0,06 y avoir une variabilité considérable inter- et intra-lots dans les mélanges à fumer, que ce soit en termes de substances présentes ou en termes de quantité. Un article rapporte que les effets du Spice sont semblables aux effets de la consommation de cannabis [20]. Les auteurs ont demandé à des volontaires de fumer une cigarette contenant 0,3 g de Spice. Ils ont dosé des échantillons de sang et d’urines. Au bout de 10 min, ils constatent l’apparition de rougeur des conjonctives, une augmentation de la fréquence du pouls, une bouche sèche et des changements de l’humeur et de la perception. Ces effets ont persisté 6 h. Un autre article a rapporté les effets chez un consommateur de Spice Gold durant huit mois de fumage quotidien. Celui-ci a mentionné notamment une accoutumance au produit avec des symptômes de manque semblables à ceux du cannabis [5]. Les 420 R1 R2 Hydroxypropyle H H H H H H H H Méthyle Méthyle Hydroxypropyle Hydroxypropyle Hydroxybutyle Ki (nM) 0,35 9,54 4,7 > 1 000 > 1 000 > 1 000 735 163 381 6,2 7,7 > 1 000 62 1,6 symptômes rapportés étaient une sueur abondante, une agitation, des cauchemars, des nausées, des tremblements et des migraines. Ils correspondent au syndrome de la dépendance selon la classification statistique internationale des maladies (ICD 10) et le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-IV). À noter que la recherche dans les urines des cannabinoïdes était négative. Conclusion Ces produits sont-ils dangereux pour le consommateur ? Jusqu’ici, le métabolisme et la toxicologie des cannabinoïdes de synthèse sont peu connus. Les cannabinoïdes synthétiques ont été seulement étudiés in vitro ou chez les animaux, le risque sanitaire de la fumée inhalée est inconnu. En outre, il semble qu’une tolérance à ces cannabinoïdes synthétiques puisse se développer assez rapidement. La plupart des ingrédients énumérés sur l’empaquetage du Spice ne sont pas réellement présents. Les effets psychoactifs rapportés sont probablement dus aux cannabinoïdes synthétiques supplémentaires qui ne sont pas montrés sur l’étiquette. Jusqu’ici, le Spice s’est avéré contenir au moins neuf nouvelles substances de trois groupes chimiquement Ann Biol Clin, vol. 70, n◦ 4, juillet-août 2012 Copyright © 2017 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 78.47.27.170 le 08/02/2017. Le spice en France distincts de cannabinoïdes synthétiques (JWH, CP et HU). Ceci présente un défi continu, non seulement pour leur identification légale et toxicologique, mais également pour l’évaluation des risques et le développement des stratégies possibles de commande. L’indisponibilité des échantillons analytiques de données et de référence, aussi bien que des méthodologies pour l’identification toxicologique des métabolites en urine, sont susceptibles de lancer des défis à l’exécution efficace des mesures de contrôle. L’observatoire européen des drogues et toxicomanies (EMCDDA) a fondé un système de surveillance et d’alerte (Early-Warnig System, EWS) précoce qui permet à 30 pays de connaître l’évolution des consommations des nouvelles drogues. Les informations présentées permettent notamment aux laboratoires d’orienter le développement de nouvelles méthodes de dosage. receptor binding and in vivo activities. J Pharmacol Exp Ther 1993 ; 265 : 218-26. 10. Huffman JW, Thompson ALS, Wiley JL, Martin BR. Synthesis and pharmacology of 1-deoxy analogs of CP-47,497 and CP-55,940. Bioorg Med Chem 2008 ; 16 : 322-35. 11. Howlett AC, Fleming RM. Cannabinoid inhibition of adenylate cyclase. Pharmacology of the response in neuroblastoma cell membranes. Mol Pharmacol 1984 ; 26 : 532. 12. Matsuda LA, Lolait SJ, Brownstein MJ, Young AC, Bonner TI. Structure of a cannabinoid receptor and functional expression of the cloned cDNA. Nature 1990 ; 346 : 561. 13. Munro S, Thomas KL, Abbu-Shaar M. 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