Extraits (1) - Jean
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Extraits (1) - Jean
Nature olympique Pour un Européen, un trip dans l’Ouest américain est toujours un voyage dans une autre dimension. Ce sentiment culmine, aux confins de l’État de Washington, dans la péninsule coiffée par les neiges éternelles du mont Olympus. De prime abord, on ne se sent pas dépaysé sous ce climat océanique, tempéré par la proximité du Pacifique. Mais à bien y regarder, tout est différent. Haut de seulement 2 432 m, le mont Olympus est cerné de glaciers et les forêts qui l’entourent n’ont rien à envier à l’exubérance de leurs homologues tropicales. L’Olympic National Park est bien un monde à part. Son originalité provient de sa position montagneuse entre le grand océan et les détroits maritimes qui s’enfoncent dans les terres à angle droit, jusqu’à la ville de Seattle. Les nuages sans cesse réalimentés déversent des masses d’eau qui entretiennent à la fois la végétation et les glaciers. La découverte de ce parc national atypique promet bien des surprises, entre côtes déchiquetées par la violence des vagues et arbres géants au tronc tapissé de mousses. Elwha Rain Forest, Olympic National Park, Washington. 2 Le désert des artistes Les rochers de granite poli et les cactus du parc national n’attirent plus seulement les varappeurs et les botanistes amateurs dans la région de Joshua Tree, à 200 km à l’est de Los Angeles. Depuis quelques années, des artistes viennent de tous les horizons, parfois pour s’installer à demeure dans cette bourgade du désert. La mode a été lancée par une créatrice new-yorkaise, qui, depuis, organise tous les ans le High Desert Test Sites : ses homologues sont invités à installer leurs œuvres dans la nature, les visiteurs les découvrent entre les rochers et les cactus. On y croise un ancien musicien de Led Zeppelin, des architectes avantgardistes viennent y tester leurs inventions. À la fin des années 1930, les autorités fédérales américaines avaient voté une loi offrant un hectare de terrain à toute personne désireuse de s’établir dans la région. Aujourd’hui, dans les beaux quartiers de L. A., il est de bon ton d’acheter une résidence secondaire dans cette nouvelle Mecque californienne de l’art contemporain. Jumbo Rocks, Joshua Tree National Park, Californie. 5 La perle de la Californie Dès le milieu du XIXe siècle, les pionniers bâtisseurs de Californie avaient remarqué la somptueuse beauté d’une vallée de la sierra Nevada, façonnée par les glaciers. Bordée de vertigineuses parois granitiques, jalonnée de cascades, Yosemite Valley offrait aux premiers touristes une bienfaisante fraîcheur montagnarde, permettant d’échapper au perpétuel été de la côte. Très tôt, on se préoccupa de protéger cette perle naturelle. Yosemite National Park voyait le jour en 1890, englobant une vaste zone de 3 000 km2, peuplée de forêts de séquoias géants et habitée par les ours bruns. Malgré la construction d’un barrage dans le grand canyon de la Tuolumne River, Yosemite devint un lieu de culte pour tous les amoureux de la vie sauvage. Le célèbre naturaliste John Muir y séjourna longtemps. Il guida même les pas de Théodore Roosevelt le temps d’une longue randonnée. Devenu président, ce dernier donna une forte impulsion au développement des parcs nationaux. Sans doute la magie du Yosemite avait-elle opéré… El Capitan et Bridalveil Fall depuis Tunnel View, Yosemite National Park, Californie. 6 La palette de l’artiste La vallée de la Mort californienne est réputée pour l’originalité de ses paysages désertiques. Celui d’Artists Palette se distingue par la diversité des couleurs de ses roches. À cet endroit, la montagne Amargosa contient de nombreux minéraux : fer, mica, manganèse, cobalt… Chacun, en s’oxydant, teinte plaisamment les rochers abrasés par l’érosion. Les richesses du sous-sol de Death Valley n’y ont pas toujours attiré les hommes pour des raisons esthétiques. Les découvertes successives de minerais, à la fin du XIXe siècle, ont généré diverses aventures économiques. L’or, l’argent, le cuivre, le plomb, le quartz ont nourri les rêves de bien des prospecteurs et fait la fortune de quelques-uns. Mais l’isolement de la région, les conditions de vie extrêmes et l’épuisement des mines ont rapidement clos ce chapitre. De cette histoire, il reste un chapelet de villes fantômes : Ballarat, Chloride City, Harrisburg, Panamint City, Rhyolite, Skidoo… Artists Palet, Death Valley National Park, Californie. 9 Au milieu, coule une rivière On oublie vite, devant le prodigieux spectacle du Grand Canyon du Colorado, qu’il est l’œuvre d’une rivière. Et pour cause : le cours d’eau est presque toujours invisible, des deux rives de la gigantesque crevasse érodée. Un des rares points où la Colorado River laisse s’observer se trouve sur le rempart nord du canyon, à Toroweap. Le fleuve semble minuscule, 900 m en contrebas ! Il s’agit pourtant d’un des plus grands d’Amérique, qui prend sa source dans les Montagnes Rocheuses, au nord de l’État qui porte son nom, avant de se jeter dans le golfe de Californie, au Mexique, 2 234 km plus loin. Ses eaux sont une providence pour les habitants des régions de l’Ouest aride qu’il traverse et leur captage assèche fréquemment son cours aval. En amont du Grand Canyon, le barrage de Page, terminé en 1963, contribue aussi à freiner les ardeurs du fleuve. Le Colorado n’est plus le torrent furieux d’autrefois et le travail de l’érosion aquatique se fait moins intense dans le fond du canyon. Toroweep, rive nord du Colorado, Grand Canyon National Park, Arizona. 10 Cinémascope Des souvenirs de cinéphile reviennent en mémoire, en avalant les kilomètres de la route panoramique qui longe la côte californienne. Tant de films ont eu pour décor ce littoral grandiose : des falaises abruptes propices à tous les drames, une pureté naturelle offrant un contraste parfait à la noirceur des âmes urbaines… Au nord de San Fransisco, il faut toutefois quitter la California State Route 1 pour accéder à la péninsule de Point Reyes. Le navigateur anglais Francis Drake fut le premier Européen à admirer cette excroissance de la terre américaine, que l’étroite baie de Tomales, enfoncée comme un coin parallèle à la côte, semble vouloir détacher du continent. Le spectacle des baleines grises, en transhumance entre l’Alaska et la Basse-Californie, s’y observe deux fois par an, à l’aller et au retour des cétacés. Sur quelques dizaines de kilomètres carrés, le site abrite une incroyable diversité géographique et biologique : des phoques côtoient des élans, un désert voisine avec un écosystème méditerranéen. Point Reyes Beach, Point Reyes National Seashore, Californie. 13 Peuple de pierre Selon une légende indienne, les cheminées de fée de Bryce Canyon sont les restes d’un peuple pétrifié par quelque mauvais sort. L’imagination humaine est forcément attisée par le spectacle fantasmagorique de ces milliers de flèches finement sculptées ! Dans cette partie de l’Utah, à plus de 2 000 m d’altitude, c’est la rivière Paria qui leur a donné naissance. Le cours d’eau, qui prend sa source non loin, sape inlassablement le bord du plateau de Paunsaugunt, couvert de forêts. L’érosion met au jour des couches sédimentaires rouges, roses, orangées, trahissant la présence de fer et de calcaire déposés par des rivières plus anciennes. L’eau emporte les particules tendres, sculptant les roches plus homogènes en arêtes vives, épargnant parfois un fragment supérieur plus dur : une « tête » se forme alors, comme posée en équilibre au sommet des monolithes. L’érosion est maximale sur les flancs du plateau, où le gel de l’hiver dilate la roche et précipite son effondrement. A Bryce Canyon, le bord de la falaise recule de 30 cm par siècle. Bryce Point, Bryce Canyon National Park, Utah. 15 Les rois du désert Le parc national de Saguaro, réparti en deux districts près de Tucson (Arizona), est un paradis pour les amateurs de cactus. Une cinquantaine d’espèces différentes y sont dénombrées dans ces zones protégées du désert de Sonora. L’une d’elles domine toutes les autres : le saguaro, candélabre géant, roi du désert et emblème sans rival de l’État de l’Arizona, où il orne même les plaques d’immatriculation des voitures ! Star des décors de westerns, la plante au cœur spongieux est munie de longues racines radiales, qui courent quelques centimètres sous le sol pour mieux capter les rares eaux de ruissellement. Un saguaro peut ainsi vivre deux cents ans et atteindre quinze mètres de haut. Le cactus géant est aussi l’hôtel du désert de Sonora pour les nombreuses espèces d’oiseaux qui y vivent. Les épines ne rebutent pas la gent ailée, qui creuse les plus grosses branches pour s’y aménager des nids douillets, à l’abri des prédateurs. Mais ici, les oiseaux sont partageurs et chaque trou change fréquemment d’occupant ! Saguaros, ocotillos et figuiers de Barbarie, Saguaro National Park, Arizona. 16