Méthodologie de la dissertation géographique

Méthodologie de la composition de géographie
Qu’est ce qu’une composition / dissertation ?
La dissertation est un développement écrit portant sur une question savante. Elle nécessite des
connaissances mais suppose surtout une réflexion sur le sujet. Il convient de présenter de ses
connaissances uniquement ce qui est en rapport avec le sujet tout en soulignant ce rapport.
« Le hors-sujet n'existe pas, il n'existe que des mauvaises présentations »
Le format des épreuves en temps limité implique une nécessaire gestion du temps.
La composition de géographie aux écrits de l'ESM Saint-Cyr durera 5 heures. Nous vous
recommandons de consacrer :
- 1h-1h30 maximum pour la conception du sujet (plan détaillé au brouillon, introduction
/ conclusion rédigées).
- ¾ d’heure maximum pour la réalisation de la carte de synthèse.
- Le reste du temps doit être consacré à la rédaction.
I) Analyse du sujet
L’analyse du sujet constitue une étape fondamentale et décisive pour la suite du devoir. Vous
devez vous efforcer de définir les termes du sujet en prenant garde au contre-sens et au horssujet.
Le sens du sujet
Abordez les termes du sujet dans leur acception courante et dans leur acception disciplinaire.
Les définitions des différents concepts à aborder peuvent se faire :
• en compréhension (ensemble des caractères qui appartiennent à un concept). Que signifie
le concept ?
ex : « Les montagnes en France ».
Qu’est-ce qu’une montagne ? Quelle est sa définition géographique (caractéristiques admises
par les géographes càd l'altitude mais surtout la pente) ? Quelle est sa définition
administrative (Loi Montagne 1985) ? Peut-on définir des seuils ? etc.
• en extension (ensemble des objets concrets ou abstraits auxquels s’appliquent un concept,
une proposition ou une relation). Quelles sont les limites du sujet ?
Nous touchons ici à une spécificité de la géographie portant sur la définition des limites
spatiales.
ex : « le Midi en France ou l’effet sud ».
Jusqu’où va le Midi ? Le Midi correspond-il à la partie la plus méridionale ? A la moitié Sud
de la France ?
Des hésitations sont toujours possibles. N’hésitez pas à les évoquer et à justifier vos
choix en introduction. Attention à la polysémie. Ex : la frontière est un objet qui sépare mais
unit également.
Application de la méthode « linguistique »
En amont :
- constituez-vous un d’un carnet de vocabulaire ;
- consultez régulièrement des dictionnaires de géographie ;
Chercher les formulations alternatives du sujet.
Faîtes très attention aux « détails » : singulier/pluriel, guillemets, conjonctions de
coordination.
- rechercher les synonymes et les antonymes d’un concept pour bien le cerner.
ex montagne : un des types de relief (≠ plaine et de plateau).
- rechercher les qualificatifs fréquemment associés au concept.
ex : moyenne/haute montagne.
- réfléchir sur les mots dérivés, de la même famille.
ex : montagnard, mont.
- surveiller le singulier et le pluriel.
Ex : « la montagne en France » ne correspond pas tout à fait à un sujet portant sur « les
montagnes françaises »
• « la montagne en France » : sujet plus abstrait, plus général sur le fait montagnard et
ses contraintes.
•
« les montagnes françaises : sujet plus descriptif invitant à étudier tous les
ensembles montagneux du territoire français – Alpes, Pyrénées, Vosges, Massif
central etc. - et à différencier les types de montagnes càd moyennes et hautes
montagnes.
Sur ce point les différences peuvent être beaucoup plus importantes. Ex : la province/les
provinces.
- analyser les mots-outils et notamment « et ».
Rem : les sujets en « et » sont assez fréquents. Ils introduisent la question des rapports entre
les 2 objets. On ne traite donc jamais séparément les 2 objets. La formulation du sujet invite à
les comparer (voir leurs points communs et leurs différences) et étudier leurs relations.
Ex : « Montagnes et agriculture en France »
- s’interroger sur d’éventuels guillemets ou sur des formulations un peu originales
Ils peuvent marquer la prise de distance, la contestation de la notion, ou le discours rapporté
(se demander : qui emploie ce terme).
Ex : « Montpellier la Surdouée »
Ex : « L'agriculture relève-t-elle encore du secteur primaire ? »
Quels sont les types de sujets les plus fréquents en géographie ?
Les phrases nominales sont les plus fréquentes.
ex : « les villes en France ».
La difficulté consiste à trouver un problème spatiale afin de ne pas réciter tout ce que l’on
peut connaître (la démarche de la dissertation n’est pas une démarche encyclopédique).
Sujet à 2 termes (« en et »).
Ex : « climats et sociétés » ou « la France et l’Europe ».
Toujours traiter ensemble les 2 termes. Cela doit d’ailleurs se traduire dans votre plan.
I / les climats
II/ les sociétés
III/ les rapports climats/sociétés
… est un plan bien sûr à proscrire.
Les sujets sous forme de questions. Ce sont souvent les plus simples car les plus explicites.
Ex : «La « province » existe-t-elle dans la France d’aujourd’hui ? »
Ex : « Dans quelle mesure le tourisme a-t-il permis une recomposition des montagnes
françaises ?»
Citations. Commencer par bien la commenter, en réfléchissant au contexte : qui l’a écrite ?
pourquoi ? pour quoi ? ton du texte ? (administratif, polémique, poétique…)
« La montagne n'est ni juste, ni injuste. Elle est dangereuse » Reinhold Messner
Vous chercherez qui est Reinhold Messner. Une telle citation vous invite donc à réfléchir sur
la notion de risque (aléas et vulnérabilité).
NB : Entraînez-vous à essayer de « deviner » les sujets possibles. N’hésitez pas à réfléchir en
groupe sur des sujets.
II) Construction du devoir
Elaboration d’une problématique et d’un plan
La problématisation est la construction ou l’exposé cohérent d’un dispositif de recherche, à
partir de problèmes, de questions clairement posés.
Pourquoi m’a-t-on donné ce sujet ? (et pas un autre ?) : mettez-vous à la place du correcteur.
Soyez naïf et partez toujours du principe que le sujet posé est intéressant et présente des
enjeux fondamentaux – même si vous pensez le contraire.
Quel est l’intérêt géographique du sujet ? Quels en sont les enjeux ? Le sujet est-il
ambivalent ? Revêt-il une dimension polémique ? Si le sujet répond à une mode, n’est-il pas
possible de dépasser la simple actualité ? Etc.
Il convient aussi de prendre en compte la spécificité de la discipline. Il s’agit d’une
composition de géographie.
- Posez les questions où ? pourquoi là ? au sujet.
- Dégager les enjeux géographiques du sujet (ex : les banlieues ne constituent pas le même
sujet s’il s’agit d’une dissertation d’histoire, de sociologie ou de géographie…)
- Soulignez dès l’introduction, l’importance de la situation.
- Interrogez-vous sur les concepts géographiques à mobiliser (ex : milieu, organisation de
l’espace, territoire, risques, environnement etc.).
- penser à emboîter les échelles (un sujet met souvent en jeu plusieurs échelles). Demandezvous toujours au début lesquelles sont pertinentes.
Ex : « Centres et périphéries de la France ». Certains espaces périphériques à l’échelle
nationale comme la Lorraine ou l’Alsace sont fortement intégrés au centre de l’Europe.
D’ailleurs, emboîter les échelles peut justifier passage d’une partie à une autre.
L’introduction et la conclusion
L’introduction constitue un élément essentiel du devoir. Votre note dépend en grande partie
de votre introduction et beaucoup de correcteurs ne lisent plus qu’en diagonal un devoir dont
l'introduction serait jugée mauvaise.
En effet, à travers l’introduction, on peut juger des qualités de réflexion du candidat
(problématisation) mais aussi de rédaction ainsi que de la pertinence de son plan.
Il faut donc soigner l’introduction.
Faîtes un effort pour trouver une captatio benevolentiae (principe rhétorique : capter attention
lecteur).
• citations
• référence à la littérature (ex Frison-Roche sur montagne), à l’actualité (ex marée noire du
Prestige sur risques), à une théorie géographique (ex : le modèle centres/périphérie).
• des données chiffrées, des statistiques.
• définitions
• questions (ex : la notion de province héritée du XIXes. a-t-elle encore un sens ?)
• paradoxes (ex : montagne milieu difficile mais attractif)
L’idéal étant de pouvoir combiner ces éléments.
La conclusion doit répondre aux questions posées par le sujet ou par votre problématisation
du sujet. Elle peut éventuellement permettre la formulation d’un nouveau sujet. NB si le sujet
est posé sous forme de question, votre réponse à cette dernière doit être explicite et
vigoureuse.
Construction du plan et rédaction
La construction de votre plan est logique et structurée et comprend 3 parties.
Astuce : lisez les titres de vos parties et de vos sous-parties, vous devez obtenir un texte
cohérent et constater une évolution.
Autre conseil, rédigez au brouillon des titres de partie ou de sous-parties relativement
explicites (les titres longs ne posent pas de problèmes). Ils vous permettront de vous rendre
compte si vous êtes toujours « dans » le sujet.
Durant les deux années de préparation, vous ferez un plan apparent : les titres de vos
parties et sous-parties figureront sur votre copie.
De nombreux plans sont possibles. Evitez les plans à tiroirs où la problématisation est
remplacée par une simple succession thématique. Les plans chronologiques sont possibles
mais il ne faut pas en abuser. Nous ne sommes pas en histoire même si des évolutions
doivent être mises en évidence.
« Le plan de secours » est le suivant : I/ une partie descriptive (localisation, importance du
phénomène à étudier) II/ Dynamiques ou problèmes posés III/ Typologie (avec parfois
emboîtement d’échelle).
La dissertation de géographie doit répondre à l’exigence « du va-et-vient entre le général et
le particulier ».
Chaque paragraphe doit comporter des idées générales et des exemples ainsi que des
éléments de mise en contexte.
Ex : sur l'aménagement des marais littoraux en France
L’assèchement des marais littoraux en Europe s’intensifie au 19 ème (hygiénisme, progrès,
modernisation agricole). Leur renaturation contemporaine qui s’inscrit dans le
prolongement des enjeux du développement durable (programme Man and biosphere,
convention Ramsar) constitue donc une rupture majeure dans leur aménagement (idée,
contexte). Les aménagements du marais d’Orx (que nous étudierons en début d'année)
illustrent parfaitement ces nouveaux enjeux (développement de l’exemple).
Evitez les généralités et les accumulations d’exemples sans idées fortes. Les illustrations
seront souvent tirées d’études de cas. Un croquis est toujours le bien venu. La rédaction doit
bien entendu être soignée avec une orthographe correcte. Pensez à vous relire.
Les transitions doivent être soignées pour montrer les liens entre les parties.
III) Typologies, croquis et carte de synthèse
Réaliser une typologie
La typologie est une classification des espaces selon des critères précis établis en fonction de
votre problématique. Elle permet souvent de synthétiser le devoir et constitue une spécificité
de la dissertation de géographie. Tous les sujets ne se prêtent pas à l’élaboration d’un
typologie mais il faudra toujours s’efforcer d’en faire une.
a- Il convient d’établir des critères discriminants qu’ils soient physiques,
chronologiques, économiques…
b- Croisez ces critères pour obtenir des grandes catégories. Définir un modèle et
l’illustrer d’au moins un exemple.
c- Eventuellement, hiérarchiser les critères pour obtenir des sous-catégories.
Il est souvent utile de construire un tableau à double entrée.
ex :
Critère 1/Critère 2
+
-
+
Exemple
Exemple
-
Exemple
Exemple
Important : le tableau doit être réalisé au brouillon et ne doit pas figurer dans le corps
de la dissertation qui reste intégralement rédigée !
Ex : Différenciation des territoires ruraux en France
Je vous invite ici à lire le chapitre du manuel d'Yves Colombel consacré aux campagnes
françaises.
1er critère : le dynamisme économique et/ou démographique des territoires ruraux.
2ème critère : mobilité (flux) en provenance ou à destination des aires urbaines comme mesure
de l'intégration des territoires ruraux
Dynamisme éco. / démo. +
Dynamisme éco. / démo. -
Mobilité / intégration aux aires
urbaines +
Mobilité / intégration aux aires
urbaines -
Territoires périurbains (a)
Certains espaces agricoles
(ceux des aires urbaines) (c)
Territoires de protection de la
nature : parcs naturels, réserves
etc. (c)
Espaces ruraux touristiques
Diagonale du vide (b)
Outre-mer français
III) Différenciation des territoires ruraux en France
A) La « renaissance » des territoires ruraux intégrés aux aires urbaines (périurbanisation) (a)
B) Le maintien d’un écharpe de faible densité économiquement atone (b)
C) L’intégration par le tourisme ou par les activités agricoles de certains espaces ruraux de
faible densité (c)
Ou tout autre combinaison.
Réaliser des croquis
Il faut soigner la partie graphique.
En amont
- fréquentez les atlas, connaître les grandes localisations (villes, ports, grands cours
d’eau, relief…) et les grandes subdivisions administratives ;
-
disposez d’un cahier de croquis et s’entraîner à faire des cartes de synthèse et des
cartes à main levée. Nous retravaillerons précisément ces points en cours.
Le travail de conception et de mémorisation des croquis et des schémas de synthèse est lourd
et ne doit être réalisé – avec toute la régularité qu’il impose – que quelques mois avant le
concours.
Pendant le devoir
- Insérez des croquis, au moins 1 par partie.
Ces croquis doivent être près dans le cahier d’exemples. (d’où l’intérêt de bien choisir les
exemples à mémoriser afin qu’ils puissent être utilisables dans plusieurs types de sujet).
Ex : une fiche sur Lille est utile à la fois pour la géographie urbaine, la question des frontières
et la reconversion industrielle.
- N’hésitez pas non plus à varier la nature des documents : schémas, modèles graphiques,
diagrammes, carte simplifiée, coupe… voire petits tableaux de données. N’oubliez pas de
choisir vos croquis afin de couvrir différentes échelles.
NB : n’oubliez pas non plus de titrer et de légender.
Réaliser le schéma de synthèse
Le schéma de synthèse n’est pas obligatoire mais rien n’est vraiment obligatoire dans un
concours !
Dans les faits, les croquis et le schéma de synthèse « rapportent » entre 0 et 5 points sur 20.
Le fond de carte est souvent fourni. Sinon, il faudra en réaliser un.
Le titre doit être problématisé, l’échelle précisée et surtout, la légende doit être organisée
Remarquez bien que l’organisation de la légende est similaire à un plan de dissertation.
La carte doit être conforme aux règles de la sémiologie graphique :
-
utilisez les trois types de figurés (ponctuels, linéaires, surfaciques) ;
-
attention à la proportionnalité des figurés (par rapport à la surface) ;
-
ne pas confondre les valeurs absolues et les valeurs relatives ;
-
bien distinguer les variables quantitatives (proportionnalité des figurés) des variables
qualitatives (pour lesquelles on utilise plutôt des couleurs) ;
Un cours spécifique portera sur la réalisation du schéma de synthèse
Bibliographie utile : M. Béguin ; D. Pumain ; La représentation des
cartographiques. Statistique et cartographie ; A. Colin ; 1994 (début de l’ouvrage).
données
Conclusion
La problématisation des devoir est une nécessité absolue !
Vous devez également montrer au correcteur que vous avez compris la dimension
géographique de son sujet. (concepts utilisés, localisation, différenciations régionales et
échelles)
Vous veillerez à alterner général et particulier en illustrant votre composition.