La Loi de la nature chez Plotin

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La Loi de la nature chez Plotin
La Loi de la nature chez Plotin
1) La Loi de la nature : la nécessité de la descente de l’âme dans la perspective téléologique
T1 : IV 8 [6] 5, 8-14
Pa=n me\n ga\r i¹o\n e)piì to\ xeiÍron
a)kou/sion, for#= ge mh\n oi¹kei¿#
i¹o\n pa/sxon ta\ xei¿rw eÃxein
le/getai th\n e)f' oiâj eÃprace di¿khn.
àOtan de\ tau=ta pa/sxein kaiì
poieiÍn vÅ a)nagkaiÍon a)idi¿wj fu/sewj
no/m%, to\ de\ sumbaiÍnon ei¹j aÃllou tou
xrei¿an e)n tv= proso/d% a)pant#=
katabaiÍnon a)po\ tou= u(pe\rau)to/n,
qeo\n eiã tij le/goi katape/myai, ou)k aÄn
a)su/mfwnoj ouÃte tv= a)lhqei¿#
ouÃte e(aut%½ aÄn eiãh.
Car toute chose, d’une part, va vers le pire
involontairement, mais comme elle [l’âme] y
va par son propre mouvement, on dit qu’en
subissant l’influence de ce qui lui est inférieur,
elle subit la peine de ce qu’elle a fait. D’autre
part, puisqu’ il est nécessaire, en vertu d’une loi
éternelle de la nature, qu’elle subisse et fasse ces
choses, qu’elle se joigne [au corps] en
descendant de ce qui est au-dessus d’ellemême et en allant entièrement au-devant du
besoin d’un autre, on ne serait en désaccord ni
avec la vérité, ni avec soi-même, si l’on dit que
c’est Dieu qui l’a envoyé.
T2 : IV 8 [6] 5, 24-37 :
OuÀtw toi kai¿per ouÅsa qeiÍon kaiì e)k
tw½n to/pwn tw½n aÃnw e)nto\j gi¿netai tou=
sw¯matoj kaiì qeo\j ouÅsa o( uÀsteroj r(opv=
au)tecousi¿% kaiì ai¹ti¿# duna/mewj kaiì tou=
met' au)th\n kosmh/sei w¨diì eÃrxetai: kaÄn
me\n qa=tton fu/gv, ou)de\n be/blaptai
gnw½sin kakou= proslabou=sa kaiì fu/sin
kaki¿aj gnou=sa ta/j te duna/meij aÃgousa
au)th=j ei¹j to\ fanero\n kaiì dei¿casa eÃrga
te kaiì poih/seij, aÁ e)n t%½ a)swma/t%
h)remou=nta ma/thn te aÄn hÅn ei¹j to\
e)nergeiÍn a)eiì ou)k ¹o/nta, th/n te yuxh\n
au)th\n eÃlaqen aÄn aÁ eiåxen ou)k
e)kfane/nta ou)de\ pro/odon labo/nta:
eiãper pantaxou= h( e)ne/rgeia th\n
du/namin eÃdeice krufqeiÍsan aÄn
a(pa/nth kaiì oiâon a)fanisqeiÍsan kaiì
ou)k ouÅsan mhde/pote oÃntwj ouÅsan.
Ainsi donc, bien qu’elle soit divine et issue des
régions supérieures, l’âme vient à l’intérieur
d’un corps, puisqu’ elle, étant le dieu de
dernier rang, vient ici par une libre inclination
et à cause de sa puissance, et pour mettre en
ordre ce qui est après elle; et si elle fuit au plus
vite, elle ne subit aucun dommage pour avoir
pris connaissance du mal et celle de la nature
du vice et pour avoir rendu visible ses
puissances et fait apparaître des œuvres et des
activités : toutes ces puissances, inactives dans
le monde incorporel, seraient en vain si elles ne
passaient jamais à l’acte ; et l’âme elle-même
ignorerait qu’elle les possède, si elles ne se
manifestaient et ne procédaient d’elle ; car
l’acte manifeste partout la puissance qui sans
lui demeurerait totalement cachée, comme
inapparente, et inexistante puisqu’elle
n’existerait jamais réellement.
T3 : IV 8 [6] 7, 2-6
aÃmeinon me\n yuxv= e)n t%½ noht%½ eiånai,
a)na/gkh ge mh\n eÃxein kaiì tou=
ai¹sqhtou= metalamba/nein toiau/thn
fu/sin e)xou/sv, kaiì ou)k
a)ganakthte/on au)th\n e(autv=, ei¹ mh\
pa/nta e)stiì to\ kreiÍtton, me/shn
ta/cin e)n toiÍj ouÅsin e)pisxou=san.
Il est mieux pour l’âme d’être dans
l’intelligible, mais il est assurément nécessaire
qu’elle participe aussi au sensible, puisqu’elle
est une telle nature; et elle ne doit pas s’irriter
contre elle-même, si tout n’est pas au mieux,
étant donné qu’elle occupe un rang
intermédiaire parmi les êtres.
1
T4 : IV 8 [6] 6, 1 -18
Eiãper ouÅn deiÍ mh\ eÁn mo/non eiånai®
e)ke/krupto ga\r aÄn pa/nta morfh\n e)n
e)kei¿n% ou)k eÃxonta, ou)d' aÄn u(ph=rxe/ti
tw½n oÃntwn sta/ntoj e)n au)t%½ e)kei¿nou,
[…]to\n au)to\n tro/pon ou)de\ yuxa\j eÃdei
mo/non eiånai mh\ tw½n di' au)ta\j
genome/nwn fane/ntwn, eiãper e(ka/stv
fu/sei tou=to eÃnesti to\met' au)th\n poieiÍn
kaiì e)celi¿ttesqai […] me/nontoj me\n a)eiì
tou= prote/rou e)n tv= oi¹kei¿# eÀdr#, tou= de\
met' au)to\ oiâon gennwme/nou e)k
duna/mewj a)fa/tou, oÀsh e)n e)kei¿noij, hÁn
ou)k eÃdei sth=sai oiâon perigra/yanta
fqo/n% […] Ou) ga\r dh\ hÅn oÁ e)kw¯luen
o(tiou=n aÃmoiron eiånai fu/sewj a)gaqou=,
kaqo/son eÀkaston oiâo/n t' hÅn
metalamba/nein.
Donc, s’il ne doit pas y avoir un « un » seul, –
car alors toutes choses aurait été cachées
n’ayant pas de forme en l’Un, et pas un être
n’aurait existé, si l’Un était resté en lui-même
[…] De même, les âmes ne doivent pas exister
seules, sans qu’apparaissent les produits de
leur activité, s’il est vrai qu’il est inhérent à toute
nature de produire après elle et de se déployer […]
D’un côté, ce qui est antérieur demeure
toujours à la place qui lui est propre, de l’autre,
ce qui vient après lui est d’une certaine façon
engendré par une puissance indicible qui est
dans les êtres supérieurs et qui ne doit pas
s’immobiliser, comme bornée par jalousie […] Car
il n’y a en fait rien qui empêche n’importe
quelle chose de prendre part à la nature du bien
à la mesure de ce qu’il est capable de recevoir.
T5 : IV 8 [6] 7, 17-21
àWsper de\ h( noera\ die/codoj kata/basi¿j
e)stin ei¹j eÃsxaton to\ xeiÍron ® ou )ga\r
eÃni ei¹j to\ e)pe/keina a)nabh=nai,
a)ll' a)na/gkh e)nergh/sasan e)c e(auth=j
kaiì mh\ dunhqeiÍsan meiÍnai e)f' e(auth=j
fu/sewj dh\ a)na/gkv kaiì no/m% me/xri
yuxh=j e)lqeiÍn:
Et de même que le processus intellectuel est
une descente jusqu’ au terme inférieur [à
l’Intellect] - car il ne peut remonter au-delà,
mais il doit, agissant hors de lui-même et ne
pouvant rester en lui-même, par une nécessité et
une loi de la nature parvenir jusqu’ à l’âme.
2) La Loi divine: la justice sur le plan de l’ordre de l’univers
T6 : IV 3 [27] 24, 6-11
ãOntoj de\ pollou= kaiì e(ka/stou to/pou,
kaiì para\ th=j diaqe/sewj hÀkein deiÍ to\
dia/foron, hÀkein de\ kaiì para\ th=j e)n
toiÍj ouÅsi di¿khj. ou) ga\r mh/ pote/ tij e)k
fu/goi, oÁ paqeiÍn e)p' a)di¿koij eÃrgoij
prosh/kei: a)napo/drastoj ga\r o( qeiÍoj
no/moj o(mou= eÃxwn e)n e(aut%½ to\
poih=sai to\ kriqe\n hÃdh.
Mais puisqu’il y a plusieurs lieux, c’est-à-dire
un lieu pour chaque corps, le lieu où va l’âme
doit varier en fonction de la disposition morale
de cette âme et des décrets de la justice qui
règne sur les êtres. Personne en effet ne peut
jamais échapper à ce qu’il mérite de subir en
punition des injustices qu’il a commises, car la
loi divine est inéluctable, étant donné qu’elle
comporte en elle-même la capacité d’exécuter
sa sentence dès que le jugement est prononcé
(trad. Brisson).
Cf. IV 8 [6] 5, 20-22 : le mot de « jugement » montre en fait ce qui arrive par la loi divine
(oÁ dh\ qesm%½ qei¿% gigno/menon dia\ tou= th=j kri¿sewj o)no/matoj dhlou=tai).
Cf. III 2[47] 17, 50-65 : Chacun est adapté, selon la justice, à la région qui le recevra…Dans le Tout
régneront la convenance et la beauté, tant que chacun sera placé où il doit être
(e)narmozome/nou kata\ di¿khn e(ka/stou toiÍj me/resi toiÍj decome/noij…kaiì ga\r e)n t%½ oÀl%
to\ pre/pon kaiì to\ kalo/n, ei¹ eÀkastoj ou deiÍ teta/cetai.)
2
T7 : III 2 [47] 4, 20-26
¹Anqrw¯pwn de\ ei¹j a)llh/louj a)diki¿ai
eÃxoien me\n aÄn ai¹ti¿an eÃfesintou= a)gaqou=,
a)dunami¿# de\ tou= tuxeiÍn sfallo/menoi
e)p'aÃllouj tre/pontai. ãIsxousi de\
a)dikou=ntej di¿kaj kakuno/menoi¿ [te] taiÍj
yuxaiÍj e)nergei¿aij kaki¿aj ta/ttontai¿ te
ei¹j to/pon xei¿rona: ou) ga\r mh/pote
e)kfu/gv mhde\n to\ taxqe\n e)n t%½ tou= pan
to\j no/m%.
Les torts que se font réciproquement les
hommes ont pour cause leur aspiration au
bien, par leur incapacité de l’atteindre, ils
s’égarent et se tournent les uns contre les
autres. Ces torts ont leurs châtiments ; l’action
vicieuse vicie les âmes et les met en un lieu
inférieur; on n’échappe pas à l’ordre inscrit
dans la loi de l’univers (trad. Bréhier).
T8 : IV 4 [28] 39, 11-17
En fait, la « raison » de l’univers ressemblerait
plus à la raison qui établit l’ordre dans une cité,
c’est-à-dire à la loi qui sait d’avance ce que les
citoyens vont faire et pourquoi ils vont le
faire ; cette raison en effet légifère en tenant
compte de tout cela et elle tisse ensemble à
l’aide des lois toutes les affections que subissent
les citoyens, toutes les actions qu’ils
accomplissent, et les louanges et les blâmes
qu’ils reçoivent en fonction des actions qu’il
accomplissent, de telle sorte que tout ce qui
arrive dans la cité se produit comme dans un
chœur de manière pour ainsi dire spontanée et
dans un accord parfait (trad. Brisson).
¹Alla\ ma=llon aÄn e)oi¿koi o( lo/goj
tou= panto\j kata\ lo/gon tiqe/nta ko/smon
po/lewj kaiì no/mon, hÃdh ei¹do/ta aÁ
pra/cousin oi¸ poliÍtai kaiì di' aÁ
pra/cousi, kaiì pro\j tau=ta pa/nta
nomoqetou=ntoj kaiì sunufai/nontoj toiÍj
no/moij ta\ pa/qh pa/nta au)tw½n kaiì ta\
eÃrga kaiì ta\j e)piì toiÍj eÃrgoij tima\j kaiì
a)timi¿aj, pa/ntwn o(d%½ oiâon au)toma/tv ei¹j
sumfwni¿an xwrou/ntwn.
Cf. III 3[48] 17, 87 : l’univers comme une cité régie par de bonnes lois (th\n eu)nomoume/nhn po/lin).
T9 : III 3 [48] 5, 1-5
Gi¿netai toi¿nun h( pro/noia e)c a)rxh=j ei¹j
te/loj katiou=sa aÃnwqen ou)k iãsh oiâon
kat' a)riqmo/n, a)lla\ kat' a)nalogi¿an
aÃllh e)n aÃll% to/p%, wÐsper e)piì z%¯ou
e(no\j ei¹j eÃsxaton e)c a)rxh=j h)rthme/nou,
e(ka/stou to\ oi¹keiÍon eÃxontoj.
Ainsi, du commencement à la fin, la providence
vient d’en haut ; elle est égal, non par rapport à
la nombre, mais par rapport à la proportion, qui
est différent dans le lieu différent, comme,
dans uns animal, tout est lié du
commencement à la fin ; mais chaque partie a
sa propre [activité].
3) La Loi de la providence et la vie humaine
T10 : III 3 [48] 5, 46-49
kaiì para\ me\n tou= a)kola/stou to\
praxqe\n ouÃte u(po\ pronoi¿aj ouÃte
kata\ pro/noian, to\ d' u(po\ tou=
sw¯fronoj eÃrgon ou)x u(po\ pronoi¿aj me/n,
oÀti u(p' au)tou=, kata\ pro/noian
de/: su/mfwnon ga\r t%½ lo/g%.
L’action faite par l’intempérant n’est pas plus
conforme à la providence qu’elle n’est pas par
la providence ; l’action de l’homme réservé
n’est pas non plus accomplie par la
providence, puisqu’elle est faite par lui ; mais
elle est conforme à la providence ; car elle
s’accorde avec la raison (trad. Bréhier).
3
Cf. III 2 [47] 9, 6-8 : Vivre de par la loi de la providence, c'est-à-dire en vérité faire ce que la loi dit
(no/m% pronoi¿aj zw½nta, oÁ dh/ e)sti pra/ttonta oÀsa o( no/moj au)th=j le/gei).
T11: III 2 [47] 8, 36-52
ãEnqa ou) qeo\n eÃdei u(pe\r tw½n a)pole/mwn
au)to\n ma/xesqai: s%¯zesqai ga\r e)k
pole/mwn fhsiì deiÍn o( no/moj
a)ndrizome/nouj, a)ll'ou)k eu)xome/nouj:
ou)de\ ga\r ko-mi¿zesqai karpou\j eu)xome/n
ouj a)lla\ gh=j e)pimeloume/nouj, ou)de/ ge
u(giai¿nein mh\ u(gei¿aj e)pimeloume/nouj […]
kaiì toi¿nunoi¸ qa/natoiau)toiÍj belti¿ouj hÄ
to\ ouÀtw zw½ntaj eiånai, oÀpwj zh=n au)tou\j
ou)k e)qe/lousin oi¸ e)n t%½ pantiì no/moi:
wÐste tw½n e)nanti¿wn ginome/nwn, ei¹rh/nhj
e)n a)noi¿aij kaiì kaki¿aij pa/saij
fulattome/nhj, a)melw½j aÄn eÃsxe ta\
pronoi¿aj e)w¯shj krateiÍn oÃntwj ta\
xei¿rw. ãArxousi de\ kakoiì a)rxome/nwn
a)nandri¿#:tou=to ga\r di¿kaion,ou)k e)keiÍno.
Ce n’est pas à Dieu à combattre pour les
pacifiques ; la loi veut qu’à la guerre on trouve
son salut dans la bravoure et non dans les
prières. On n’obtient pas de récoltes en priant,
mais en prenant soin de la terre ; et l’on est mal
portant, si l’on néglige le soin de sa santé. […]
La mort vaut mieux que la vie pour ceux qui
ne vivent pas comme le veulent les lois de
l’univers ; et quand des ennemis surviennent, si
la paix leur était conservée malgré leurs folies
et leurs vices, la providence serait bien
négligente de laisser dominer les plus faibles.
Les méchants ont le pouvoir grâce à la lâcheté
de leurs sujets : c’est justice, et le contraire
serait injuste (trad. Bréhier).
T 12 : III 2 [47] 8, 7- 11
Qauma/zetai de\ e)n a)nqrw¯poij a)diki¿a, oÀti
aÃnqrwpon a)ciou=sin e)n t%½ pantiì to\ ti¿mi
on eiånai w¨j ou)deno\j oÃntoj sofwte/rou.
To\ de\ keiÍtai aÃnqrwpoj e)n me/s% qew½n
kaiì qhri¿wn kaiì r(e/pei e)p' aÃmfw kaiì
o(moiou=ntai oi¸ me\n t%½ e(te/r%, oi¸ de\ t%½
e(te/r%, oi¸ de\ metacu/ ei¹sin, oi¸ polloi¿.
On s’étonne de voir l’injustice parmi les
hommes parce que l’on juge que l’homme est
la partie la plus précieuse de l’univers et l’être
le plus sage de tous. Mais sa place est entre les
dieux et les bêtes, et il incline tantôt vers les
uns, tantôt vers les autres ; certains hommes
ressemblent à des dieux, d’autres à des bêtes,
et la plupart tiennent le milieu. (trad. Bréhier).
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