Dietrich BONHOEFFER

Transcription

Dietrich BONHOEFFER
Mensuel sauf août • Prix au numéro  : 2,00  • P 505016 • Éd resp. : S. Fuite, Rue Brogniez 44 – 1070 Bruxelles
Mensuel protestant belge • Église Protestante Unie de Belgique • N° 9 - Octobre 2013
Belgique - België
P.P. - P.B.
1070 Bruxelles
BC 4785
Dietrich
BONHOEFFER
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Éditorial
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Coup de projecteur
La prière d’intercession
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Dietrich BONHOEFFER
1906-19454
Le catéchisme d’Heidelberg
a 450 ans
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Le prix de la grâce
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Que m’évoque le nom de
D. BONHOEFFER
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En route vers Busan
Introduction
Une économie pour la vie
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Vers l’unité des Églises :
un témoignage important
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La diaconie au 21e siècle
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Initiative œcuménique de lutte
contre le VIH/sida en Afrique
(EHAIA)13
Bible ouverte
L’Evangile, Bonhoeffer et nous… 14
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La bible en 6 ans
Place aux Jeunes
Vivre et agir avec les
promesses de Dieu
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De ci, de là
Démarrer sa vie en bonne santé 17
Appel à candidature pour
l’aumônerie hospitalière
18
Défilé du 14 juillet à Paris :
joie pour l’Eglise au Mali
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Médias
Assemblée générale 2013
de la CEC :
une assemblée très juridique
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In memoriam
Emile Braekman ou
la passion de l’histoire
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Agenda
A la recherche
d’un nouveau pasteur
23
Inscription RSP
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Mois de septembre :
Ouvrier de paix
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Éditorial
Les leçons de l’histoire
Faut-il rappeler, en ce mois d’octobre, l’un des grands principes de la Réforme :
Ecclesia semper reformanda (l’Église doit se réformer sans cesse), elle doit
constamment s’examiner, et cela à la lumière de la Bible. Luther l’affirmait
déjà clairement : « les autorités ecclésiales peuvent se tromper ». Et on sait,
hélas, que ce fut souvent le cas dans l’histoire ! Les hommes de Dieu ne sont,
en effet, pas toujours des témoins dignes…
Ainsi, dans l’Allemagne des années 30, il était bien commode – y compris
pour les gens d’Eglise – de suivre aveuglément la doctrine nazie et d’être
complice de la barbarie naissante. Heureusement, certains ont osé se dresser et ont refusé de fermer les yeux. C’était notamment le cas de Dietrich
Bonhoeffer, théologien, pasteur, écrivain, humain libre avant tout. Il paya de
sa vie sa résistance, mais il nous laisse à jamais ses textes et cette conviction profonde que la relation à Dieu doit se concrétiser dans le réel de nos
vies. « La grâce à bon marché est l’ennemie mortelle de notre Eglise », dit-il.
« (…) C’est la grâce considérée comme une marchandise à liquider, le pardon
au rabais, la consolation au rabais, le sacrement au rabais. (…) La grâce à bon
marché, c’est la grâce envisagée en tant que doctrine, en tant que principe, en
tant que système (…), c’est la justification du péché et non point du pécheur. (…)
La grâce qui coûte, c’est l’Evangile qu’il faut toujours chercher ; c’est le don pour
lequel il faut prier, c’est la porte à laquelle il faut frapper. »
En cette période de l’année où les Protestants se souviennent de ceux qui les
ont précédés, Mosaïque rend donc hommage à ce croyant véritable. Sans être
aussi extrêmes qu’à son époque, quels sont les défis d’aujourd’hui auxquels
notre vie de foi peut nous conduire ? Quelles sont les oppositions auxquelles
nous devons faire face ? Quel est le cap que nous devons alors maintenir ?
Nous resterons dans le souvenir avec les 450 ans du catéchisme de Heidelberg
ainsi que l’adieu à un grand historien du protestantisme, sans oublier les nombreuses actions de l’Eglise d’aujourd’hui. Parce ce que c’est en connaissant
le passé que l’on peut bâtir l’avenir.
Patrick Wilmotte
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oup de projecteur
La prière d’intercession
Je crois que Dieu peut et veut tirer du bien de toute circonstance, même de la pire.
Il a besoin d’hommes et de femmes qui sachent tirer le meilleur de chaque situation.
Je crois que Dieu, dans chaque cas difficile, veut nous donner toute la résistance dont
nous pouvons avoir besoin.
Il ne la donne pas à l’avance : il veut que nous comptions sur Lui et non pas sur nous.
Je crois que nos fautes et nos erreurs ne sont pas inutiles.
Elles ne donnent pas plus de tracas à Dieu que ce que nous appelons nos bonnes
actions.
Je crois que Dieu n’est pas un destin aveugle, au contraire, Il attend de nous des prières
sincères et des actions droites et Il répond.
D. Bonhoeffer
Une communauté chrétienne vit de l’intercession de ses
membres, sinon elle meurt.
Quand je prie pour un frère, je ne peux plus en dépit de
toutes les misères qu’il peut me faire, le condamner ou le
haïr. Si odieux et si insupportable que me soit son visage,
il prend au cours de l’intercession l’aspect de frère pour
lequel le Christ est mort, l’aspect du pécheur gracié. Quelle
découverte apaisante pour le chrétien que l’intercession :
il n’existe plus d’antipathie, de tension ou de désaccord
personnel dont, pour autant qu’il dépende de nous, nous
ne puissions triompher. L’intercession est bain de purification où, chaque jour, le fidèle et la communauté doivent
se plonger. Elle peut signifier parfois une lutte très dure
avec tel d’entre nos frères, mais une promesse de victoire
repose sur elle.
Comment est-ce possible ? C’est que l’intercession n’est
rien d’autre que l’acte par lequel nous présentons à Dieu
notre frère en cherchant à le voir sous la croix du Christ,
comme un homme pauvre et pécheur qui a besoin de sa
grâce. Dans cette perspective, tout ce qui me le rend odieux
disparaît, je le vois dans toute son indigence, dans toute sa
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Mosaïque
détresse, et sa misère et son péché me pèsent comme s’ils
étaient miens, de sorte que je ne puis plus rien faire d’autre
que prier : Seigneur agis toi-même sur lui, selon Ta sévérité
et Ta bonté. Intercéder signifie mettre notre frère au bénéfice du même droit que nous avons reçu nous-mêmes ; le
droit de nous présenter devant le Christ pour avoir part à
sa miséricorde.
Par là nous voyons que notre intercession est un service que
nous devons chaque jour à Dieu et à nos frères. Refuser à
notre prochain notre intercession c’est lui refuser le service
chrétien par excellence. Nous voyons aussi que l’intercession est, non pas une chose générale, vague, mais un acte
absolument concret. Il s’agit de prier pour telles personnes,
telles difficultés et plus l’intercession est précise, et plus
aussi elle est féconde.
Dietrich Bonhoeffer
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oup de projecteur
Dietrich BONHOEFFER
1906-1945
Figure marquante du protestantisme luthérien allemand du
XXe siècle, Dietrich Bonhoeffer fut à la fois un théologien
fécond et un résistant courageux. Etudiant chez l’historien
Adolf von Harnack, qui commençait ses cours à six heures
du matin, il fut aussi influencé par Karl Barth, avec lequel
il correspondait en 1941-1942. Face à l’idéologie païenne
du nazisme, Barth avait propagé une pensée chrétienne
radicale, qui plaçait Dieu au centre des préoccupations
des croyants. La législation antisémite des nazis appliquée
dès 1933 à l’Eglise protestante allemande fut un coup de
semonce. Bonhoeffer s’exila à Londres pour desservir les
Eglises germanophones de la capitale britannique.
Finkenwalde
Ne voulant pas esquiver ses responsabilités, il retourna
en Allemagne pour diriger la Faculté de théologie de
Finkenwalde, un centre de résistance de l’Eglise confessante opposée aux Deutsche Christen. Ces adeptes voulaient concilier la philosophie raciste d’Hitler avec les tenants bibliques du Nouveau Testament. Rejetant l’Ancien
comme un ramassis de vieilles légendes juives, surannées,
ils tentaient de dédouaner le Christ en le faisant passer
pour demi-juif, étant le fils de Marie et d’un soldat romain.
Bonhoeffer était parfaitement conscient que la formation
des jeunes pasteurs allemands était un champ de bataille où
se déciderait l’avenir de l’Eglise. Il s’insurgeait contre l’isolement forcé de l’Eglise allemande et désirait maintenir des
relations avec les Eglises d’Europe. Profitant de l’opportunité d’entreprendre une tournée de conférences aux E.U.A.,
il y partit peu avant la Seconde Guerre mondiale. Cette fois
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encore au lieu de préférer une vie facile à l’étranger – même
interné –, il revint dans sa patrie où son devoir de témoin
l’appelait. Engagé dans la résistance chrétienne qui, malgré
tous les aléas défavorables, se manifestait tant bien que mal,
Bonhoeffer avait fait son choix existentiel. Contrairement
aux autres résistants européens qui s’opposaient aux forces
occupantes de leur pays, les antinazis allemands combattaient leur propre patrie. Une situation bien différente.
Le caractère supranational du christianisme incitait
Bonhoeffer à maintenir coûte que coûte des relations
avec les Eglises britanniques, même si leurs pays respectifs
étaient en état de guerre. Pour parvenir à ses fins, il prit la
résolution insolite de s’engager dans les services de l’amiral
Canaris, chef de l’espionnage militaire de la Wehrmacht,
au risque d’encourir des reproches de compromission.
Pourtant c’était à ce prix qu’il put visiter Stockholm le 1er
juin 1942 et y rencontrer l’évêque anglican George K. A.
Bell, qui, déjà avant guerre, avait été un soutien fidèle de
l’Eglise confessante. Bonhoeffer lui fit part des plans pour
éliminer Hitler. Bell tenta d’influencer Anthony Eden, le
ministre lieutenant de Winston Churchill pour que le gouvernement britannique fasse la distinction entre le peuple
allemand et les nazis. A la conférence de Casablanca de
janvier 1943, les Alliés décidèrent de poursuivre la guerre
jusqu’à la reddition sans condition de l’Allemagne et de ne
pas faire la distinction entre Allemands et nazis.
Après mûre réflexion et tenant compte de l’environnement
dans lequel il était plongé, il fut amené à conclure que la
seule voie qui s’ouvrait à lui est l’appel adressé au chrétien
de vivre dans le monde où Dieu est de plus en plus négligé,
voire oublié. En effet, il est persuadé que le nazisme mène
à la catastrophe et que l’unique façon de s’en débarrasser
est de travailler à la défaite de sa propre patrie. Il redoublera d’activité résistante et c’est ainsi que Bonhoeffer
participera à la conspiration pour se débarrasser d’Hitler.
Malheureusement le complot sera éventé par la Gestapo
et les conspirateurs emprisonnés.
Arrêté le 5 avril 1943, il passera dix-huit mois en cellule et
sera pendu le 9 avril 1945 au camp de concentration de
Flossenbürg en Bavière. Au moment où les SS tentent
d’effacer les traces de ce camp de concentration, ils reçoivent l’ordre exprès d’Hitler de l’exécution de plusieurs
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osaïque N° 9
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Coup
de projecteur
résistants allemands. Parmi ceux-ci à part Bonhoeffer, mentionnons l’amiral Wilhelm Canaris, déjà cité, le capitaine
Ludwig Gehre du département « Etranger » du service de
renseignements de l’Etat-major allemand, le général Hans
Oster, qui avait averti plusieurs fois l’attaché militaire néerlandais de l’imminence de l’attaque allemande sur les PaysBas, la Belgique et le Luxembourg, le général Friedrich von
Rabenau, qui après avoir envisagé le pastorat devint officier
d’artillerie de campagne et le juriste Theodor Strünck, un
collègue de Gehre. Tous furent pendus. Le dernier codétenu à voir Bonhoeffer vivant fut Sigismund Payne Best, le
chef de l’espionnage britannique aux Pays-Bas, capturé sur
territoire néerlandais par le Sicherheitsdienst allemand lors
de l’incident de Venlo, le 9 novembre 1939.
l’essentiel. Il s’approprie une interprétation hautement personnelle des concepts bibliques. Il vit désormais dans un
monde qui a atteint sa majorité, dont Dieu semble absent
et où les concepts métaphysiques et psychologiques traditionnels n’ont plus cours. Par la crucifixion, Dieu transforme
la croix de son Fils dans le chemin de l’ultime liberté. La
résurrection n’est pas une évasion des misères « avant-dernières », mais la confirmation décisive de l’ensemble de ce
qui a été pris en charge par l’amour « dernier ».
Ses travaux ont indiqué une voie vers une révolution de
la compréhension de la foi chrétienne. Cette conviction
ne constitue pas – selon lui – un domaine religieux séparé,
si cher à nos amis laïques, mais une identité dialectique
avec notre monde et avec le Christ, qui est celui qui souffre
absolument dans ce même monde.
Ses travaux donnèrent lieu à des interprétations animées,
parfois contradictoires. Pourtant une unanimité existe
quant à l’incognito de Dieu en Jésus-Christ présent d’une
façon permanente au monde. Ses successeurs se retrouvent
pour la théologie chez un Paul Tillich et pour la pratique en
un Martin Luther King, sans oublier son impact sur l’œcuménisme.
H.R.BOUDIN.
Ruines de la forteresse de Flossenbürg
Ses premiers écrits concernaient les implications théologiques et sociologiques pour l’Eglise (Sanctorum
Communio) et l’obéissance du disciple chrétien (Nachfolge).
La foi n’était pas pour lui un simple « croire que » privé, mais
elle suscitait obéissance, pénitence, discipline au centre de
la vie quotidienne du croyant avec des hauts et des bas.
Pendant son incarcération Bonhoeffer rédigea son Ethique.
Habituellement les auteurs d’ouvrages théologiques travaillent dans le calme de leur bureau ou dans l’atmosphère
feutrée d’une bibliothèque. Bonhoeffer, lui, composa son
livre dans une cellule de prison, au milieu de la vie carcérale,
avec tous les inconvénients et l’inconfort de celle-ci. Il établit une distinction entre « l’avant-dernier » et le « dernier ».
L’un étant le monde et son histoire, l’autre l’avènement entier et définitif du Royaume de Dieu. Au croyant incombe
la tâche de se sentir responsable du provisoire en vue de
l’ultime. Cette responsabilité s’inscrit dans l’obéissance à
la Parole. L’imitation du Christ libère des faux problèmes,
des angoisses inutiles et des dilemmes superflus. Certains
aspects de sa théologie s’expliquent par sa situation du
moment. On comprend que son échelle de valeurs s’est
modifiée, que ses priorités ont changé et qu’il revient à
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Mosaïque
Pour en savoir plus :
Les ouvrages de Dietrich Bonhoeffer traduits en français
sont :
Lettres de fiançailles à Maria von
Wedemeyer, Labor et Fides,
ISBN 978-2-8309-0898-5
De la vie communautaire, suivi du Livre
de prières de la Bible, Labor et Fides,
ISBN 978-2-8309-1231-9
Éthique, Labor et Fides,
ISBN 978-2-8309-0126-9
La Nature de l’Église, Labor et Fides,
ISBN 978-2-8309-0365- 2
La Parole de la prédication, Labor et
Fides, ISBN 978-2-8309-1069-8
Vivre en disciple : Le prix de la grâce,
Labor et Fides, ISBN 978-2-8309-1344-6
Résistance et soumission (Lettres et
notes de captivité), Labor et Fides,
ISBN 978-2-8309-119
Le professeur Jean-Loup Seban rédigea l’article Dietrich
Bonhoeffer dans le Routledge Encyclopedia of Philosophy,
volume 1, Londres-New York, 1998.
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Coup
de projecteur
Le Catéchisme de Heidelberg a 450 ans.
« Quelle est ton unique consolation,
tant dans la vie que dans la mort ? »
C’est avec cette première question
que le Catéchisme de Heidelberg
ouvre son exposé. Une question de
grande importance pour chaque chrétien, en 1563 et encore aujourd’hui,
450 ans après. Oui, le Catéchisme de
Heidelberg (CdH) fête ses 450 ans
cette année1 et le fait qu’il soit parmi
les symboles et les confessions de
foi dont l’EPUB se déclare héritière
est une bonne occasion de présenter
quelque peu cette confession. Car, il
faut le dire, le CdH est peu connu dans
les Eglises francophones de Belgique
(et de France aussi d’ailleurs).
Un peu d’histoire
En 1563, nous nous trouvons en plein
milieu de ce que les historiens ont appelé « l’âge des confessions ». Pendant
la période qui suit ‘le déchaînement’
de la Réforme par Luther en 1517, les
pasteurs et théologiens constataient
un grand besoin de présenter la foi
réformée de façon claire et précise
et ceci pour deux raisons : d’abord
pour bien instruire les fidèles et les
jeunes au sujet de l’enseignement et
des doctrines de l’Eglise et ensuite
pour prendre une position doctrinale
claire et nette à l’égard de l’Eglise
catholique et son enseignement.
Quelques décennies plus tard les différences théologiques entre les divers
courants de la Réforme (dont Luther,
Melanchthon, Zwingli et Calvin sont
les représentants les plus connus)
résultaient aussi en une diversité de
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confessions et catéchismes. Pour en
citer quelques-uns : parmi les catéchismes, chaque réformateur a écrit le
sien (Luther, Bullinger, Calvin, Ursinus
et bien d’autres). En ce qui concerne
les autres formes de symboles confessionnels, nous pouvons citer entre
autres la Confession d’Augsbourg, la
Confession de Rochelle, la Confessio
Belgica, le Westminster Confession.
Tout cela met en évidence qu’une expression cohérente et bien fondée de
la foi chrétienne était très importante
pour les réformateurs et pour ceux qui
les suivaient de près. Dans ce climat
le Catéchisme de Heidelberg trouve
bien sa place, mais il faut fouiller un
peu plus pour apprécier la valeur de
cette confession de foi. Car, parmi
tous ces catéchismes, le CdH est le
seul qui est resté d’actualité !
L’Allemagne se trouvait au centre du
mouvement de la Réforme initié par
Luther, mais quelques décennies plus
tard l’influence de Calvin se faisait
sentir aussi en Allemagne. Même si les
deux grands réformateurs avaient un
même désir de servir le Seigneur par
la réforme de son Eglise, ils mettaient
des accents différents. Le plus connu
est le débat autour de la Sainte-Cène
et sa signification pour les croyants,
mais ils avaient d’autres différents :
la portée de l’alliance, la position de
la loi, le rôle des œuvres dans la vie
des chrétiens, la prédestination, et
j’en passe… Et en plus, l’Allemagne
n’était pas une seule nation, mais
connaissait toute une série d’entités
politiques avec leurs frictions, leurs
intrigues, leurs jeux de pouvoir. Parmi
ces duchés, principautés et autres potentats, le Palatinat (la région autour
de Heidelberg) n’était certainement
pas le plus important. Son souverain,
dont le titre était ‘Prince-électeur’,
était depuis 1559 Frédéric III. Il avait
beaucoup de sympathie pour le mouvement de la Réforme et cherchait à
stabiliser un peu la situation dans son
pays dans un climat difficile. Dans le
Palatinat on trouvait des luthériens,
des sympathisants de Melanchthon,
des réformés-calvinistes et bien sûr
encore des catholiques. Et de l’extérieur les forces politiques de l’époque
mettaient aussi la pression : les forces
de la Contre-réforme commençaient
à se mobiliser.
C’est dans ce climat de tensions que
Frédéric III prit l’initiative de former
un comité de rédaction pour écrire un
catéchisme qui devait bien sûr servir à
l’instruction religieuse de la jeunesse,
mais aussi à l’enseignement des fidèles
et, dans la mesure du possible, inspirer
un esprit d’unité. Le comité se composait de quelques professeurs de théologie de l’université de Heidelberg
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osaïque N° 9
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Coup
de projecteur
et de quelques pasteurs des Eglises
de Heidelberg. Les noms les plus
connus parmi les divers auteurs sont
Zacharias Ursinus (théologien et
professeur) et Caspar Olévianus (le
doyen des pasteurs à Heidelberg). Il
est probable qu’Ursinus a été l’auteur
principal mais le comité de rédaction
a certainement eu son mot à dire, tandis que le prince-électeur assurait une
lecture finale qui résultait encore en
des modifications. Frédéric III a surtout veillé à ce que ce catéchisme ne
prenne pas des positions exclusivistes,
mais puisse plutôt servir comme une
confession qui unifierait les diverses
tendances.
Et le contenu ?
Tout d’abord il faut remarquer que
chaque confession de foi cherche à
prendre position vis-à-vis d’une hérésie ou d’une position doctrinale nonbiblique. Le CdH confronte la tradition
catholique-romaine et les anabaptistes. Et en faisant cela, il est certainement inspiré d’autres catéchismes
et exposés doctrinaux. On trouve en
effet des parallèles avec des textes de
Melanchthon, de Bullinger, de Calvin
et d’autres, donc avec trois orientations dominantes de la Réforme
(les luthériens modérés, la réforme
de Zürich et la réforme de Genève/
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Mosaïque
Strasbourg). La présentation des sujets dans le CdH est très équilibrée : les
auteurs ont réussi à ne pas contredire
la Confession d’Augsbourg (qui était
plutôt luthérienne et servait comme
une sorte de confession œcuménique dans l’Allemagne de l’époque)
et à traiter les différents sujets sans
choquer l’une ou l’autre tendance et
sans chercher des positions exclusivistes. La seule exception concerne
l’enseignement sur la Sainte-Cène, où
Luther était resté dans une conception
pseudo-catholique (le pain ‘devient’
chair de Christ ; le vin ‘devient’ sang
de Christ2). C’était précisément sur
ce point que Melanchthon – pas plus
que les autres réformateurs – n’avait
pas pu suivre Luther.
Le CdH est structuré en 52 ‘dimanches’. L’enseignement catéchétique pour les jeunes avait lieu dans
les écoles ou comme instruction
religieuse dans les Eglises ; pour les
adultes, il y avait chaque dimanche
un culte d’enseignement l’après-midi.
Ces 52 ‘dimanches’ sont divisés en 129
questions et réponses. Les sujets sont
répartis en trois grands chapitres :
1.Comment connaître son état de
culpabilité devant le Seigneur ?
2.La rédemption en Christ
3.Notre reconnaissance envers Dieu.
Ce résumé est beaucoup trop bref,
bien sûr. Néanmoins il faut signaler
que les auteurs ont trouvé un ton pastoral et une chaleur d’expression qui
distinguent ce catéchisme de bien des
autres. Ces deux éléments essentiels,
l’approche équilibrée et compréhensive de la foi chrétienne qui fait chaque
fois référence aux passages bibliques
pertinents d’un côté et le ton pastoral de l’autre côté, peuvent expliquer
que ce catéchisme reste encore très
vivace aujourd’hui. Aux Pays-Bas, on
trouve encore des Eglises réformées
où chaque dimanche un passage du
CdH est pris comme point de départ
pour une prédication. Et votre serviteur ajoute ici, avec beaucoup de
reconnaissance et sans regret, qu’il a
pu suivre en sa jeunesse l’instruction
catéchétique sur base du CdH .
Oui, c’est étonnant qu’une confession en forme de catéchèse garde
encore une si grande valeur après
450 années et fonctionne encore
aujourd’hui comme symbole confessionnel. J’espère que cet anniversaire
pourra être une occasion de prendre
connaissance de ce petit trésor de la
Réforme aussi dans la partie francophone de notre pays.
Et la réponse à la première
question ?
« Que, ce soit dans la vie , ce soit dans
la mort, j’appartiens corps et âme non
pas à moi-même, mais à Jésus-Christ
mon fidèle Sauveur. Il a, par son sang
précieux, parfaitement satisfait pour
tous mes péchés, Il m’a délivré de
toute la puissance du diable et Il me
garde si bien qu’il ne peut tomber un
seul cheveu de ma tête sans la volonté de mon Père céleste ; oui, (c’est en
Lui) que toutes choses doivent servir à
mon salut. C’est pourquoi Il me donne
par son Saint-Esprit l’assurance de la
vie éternelle, et me forme à vivre désormais pour lui de tout mon cœur. »
Erik Mink
Pour fêter cet événement, un colloque scientifique a été organisé les 18 et 19 avril 2013 sur ce sujet par
le E.Th.F (Evangelische Theologische Faculteit Heverlee) en coopération avec la Faculté de Théologie Protestante et d’autres partenaires..
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Cette conception « pseudo-catholique » affirme non pas que le pain et le vin sont réellement changés en corps et sang du Christ (= doctrine catholique de la transsubstantiation) mais bien que la
présence réelle du corps et du sang du Christ coexistent avec et dans le pain et le vin, lesquels toutefois gardent leur substance. Cette présence réelle existe mais disparaît à la fin de la célébration
eucharistique. Cette conception luthérienne de la Sainte Cène est nommée consubstantiation.
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Coup
de projecteur
Le Prix de la grâce
En 1935, le contexte politique, économique et ecclésial dans lequel Dietrich
Bonhoeffer prend la direction du séminaire de Finkenwalde, comme chargé
de la formation théologique et pastorale des futurs pasteurs de l’Eglise
confessante est on ne peut plus difficile. A 30 ans, il a déjà beaucoup réfléchi aux impératifs du
combat contre un ordre dont les fondements et les objectifs
ne l’ont jamais trompé. Comment tenir ensemble fidélité
évangélique, amour du prochain, respect des lois et résistance
active ? Entre 1935 et 1937, Bonhoeffer développera le fruit de
ses méditations à la lumière du « Viens et suis-moi ».
« La grâce à bon marché est l’ennemie mortelle de notre
Eglise. Actuellement dans notre combat, il y va de la grâce
qui coûte.
La grâce à bon marché, c’est la grâce considérée comme
une marchandise à liquider, le pardon au rabais, la consolation au rabais, le sacrement au rabais. La grâce servant de
magasin intarissable à l’Eglise, où des mains inconsidérées
puisent pour distribuer sans hésitation, ni limite ; la grâce
non tarifée, la grâce qui ne coûte rien. Car on se dit que,
selon la nature même de la grâce, la facture est d’avance et
définitivement réglée. Sur la foi de cette facture acquittée,
on peut tout avoir gratuitement. Les dépenses sont infiniment grandes, par conséquent les possibilités d’utilisation
et de dilapidation sont, elles, aussi, infiniment grandes.
Le trésor caché
La grâce à bon marché, c’est la justification du péché et non
point du pécheur. Puisque la grâce fait tout toute seule,
tout n’a qu’à rester comme avant. “Toutes nos œuvres
sont vaines.” Le monde reste monde et nous demeurons
pécheurs “même avec la vie meilleure”. Le monde est justifié par grâce ; il faut donc (en raison du sérieux de cette
grâce, pour ne pas résister à cette irremplaçable grâce !)
que le chrétien vive comme le reste du monde ! Le chrétien,
donc, n’a pas à obéir à Jésus, il n’a qu’à mettre son espoir
dans la grâce !
Ceci, c’est la grâce à bon marché.
La grâce qui coûte, c’est le trésor caché dans le champ :
à cause de lui, l’homme va et vend joyeusement tout ce
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qu’il a ; c’est la perle de grand prix ; pour l’acquérir, le
marchand abandonne tous ses biens ; c’est la royauté du
Christ : à cause d’elle, l’homme s’arrache l’œil qui est pour
lui une occasion de chute ; c’est l’appel de Jésus-Christ :
l’entendant, le disciple abandonne ses filets et le suit.
La grâce qui coûte, c’est l’Evangile qu’il faut toujours chercher à nouveau ; c’est le don pour lequel il faut prier, c’est
la porte à laquelle il faut frapper.
Elle coûte parce qu’elle appelle à l’obéissance ; elle est grâce
parce qu’elle appelle à l’obéissance à Jésus-Christ ; elle coûte
parce qu’elle est, pour l’homme, au prix de sa vie ; elle est
grâce parce que, alors seulement, elle fait à l’homme cadeau
de la vie ; elle coûte parce qu’elle condamne les péchés, elle
est grâce parce qu’elle justifie le pécheur. La grâce coûte
cher d’abord parce qu’elle a coûté cher à Dieu, parce qu’elle
a coûté à Dieu la vie de son Fils – “Vous avez été acquis à
un prix élevé” – parce que ce qui coûte cher à Dieu ne peut
être bon marché pour nous. Elle est grâce d’abord parce que
Dieu n’a pas trouvé que son Fils fût trop cher pour notre
vie, mais qu’il l’a donné pour nous. La grâce qui coûte, c’est
l’incarnation de Dieu.
La grâce qui coûte, c’est la grâce en tant qu’elle est le sanctuaire de Dieu qu’il faut protéger du monde, qu’on n’a pas
le droit de livrer aux chiens ; aussi est-elle grâce en tant
que Parole vivante, Parole de Dieu qu’il prononce luimême comme il lui plaît. Cette Parole nous atteint sous la
forme d’un appel miséricordieux à suivre Jésus sur la voie
de l’obéissance, elle se présente à l’esprit angoissé et au
cœur abattu sous la forme d’une parole de pardon. La grâce
coûte cher parce qu’elle contraint l’homme à se soumettre
au joug de l’obéissance à Jésus-Christ, mais c’est une grâce
dont Jésus dit : “Mon joug est doux et mon fardeau léger.”
A deux reprises, Pierre a entendu l’appel : “Suis-moi !” Ce
fut la première et la dernière parole adressée par Jésus à
son disciple (Marc 1,17 ; Jean 21,22). Toute sa vie est comprise entre ces deux appels. Entre les deux, il y a toute une
vie de disciple dans l’obéissance au Christ. Au centre, se
trouve la confession où Pierre reconnaît Jésus comme le
Christ de Dieu. Par trois fois, au début, à la fin, et à Césarée
de Philippe, Pierre s’est entendu annoncer la même chose :
Christ est son Seigneur et son Dieu. C’est la même grâce du
Christ qui l’appelle : “Suis-moi !” et qui se révèle à lui dans
la confession de sa foi au Fils de Dieu.
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osaïque N° 9
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Coup
de projecteur
La vie chrétienne
A trois reprises, la grâce s’est arrêtée sur la route de Pierre,
une grâce, annoncée trois fois différemment ; ainsi était-elle
la grâce propre du Christ et non pas certes une grâce que
le disciple se serait personnellement attribuée. Ce fut la
même grâce du Christ qui triompha du disciple, l’amenant
à tout abandonner à cause de l’obéissance, qui produisit en
lui la confession, cette confession qui devait sembler blasphématoire au monde ; ce fut cette même grâce qui appela
Pierre, l’infidèle, à entrer dans l’ultime communion, celle
du martyre, lui pardonnant ainsi tous ses péchés. Grâce
et obéissance sont, dans la vie de Pierre, indissolublement
liées. Il avait reçu la grâce qui coûte.
Si la grâce est le “résultat”, donné par le Christ lui-même,
de la vie chrétienne, cette vie n’est alors à aucun moment
dispensée d’obéissance. Si par contre la grâce est l’hypothèse de principe de ma vie chrétienne, je possède alors,
par là même, d’avance, la justification des péchés que je
commets pendant cette vie dans le monde.
Je puis donc continuer à pécher, fort de cette grâce, puisque
le monde est, en principe, justifié par grâce. Par conséquent,
je demeure comme auparavant dans mon existence de citoyen de ce monde, les choses restent ce qu’elles sont et je
puis être sûr que la grâce de Dieu me couvre. Sous couvert
de cette grâce, le monde entier est devenu “chrétien” ; mais
sous couvert de cette grâce, le christianisme est devenu
le monde à un point jamais encore atteint. Le conflit est
résolu, qui opposait la vie à laquelle est appelé le chrétien
et celle qu’on mène en tant que citoyen de ce monde.
La vie chrétienne consiste précisément pour moi à vivre
dans le monde et comme le monde, à ne me distinguer en
rien de lui ; il ne m’est pas permis, à cause de la grâce, de
m’en distinguer en quoi que ce soit !
La grâce comme hypothèse, c’est la grâce à bon marché ; la
grâce comme résultat, c’est la grâce qui coûte. »
Dietrich Bonhoeffer
Que m’évoque le nom de Dietrich BONHÖFFER ?
Pour un habitant de la région germanophone de Belgique,
région qui appartenait au Reich Allemand jusqu’en 1920 et
annexé ensuite par la Belgique par le traité de Versailles,
pour redevenir Allemande de 1940 à 1945, ce nom m’est
bien resté dans ma mémoire. Sous régime Allemand à partir
de 1942, j’ai été à l’école primaire. Tout ce qui concernait
la politique faisait partie du programme scolaire et ainsi
ce pasteur protestant adepte de la « Bekennende Kirche »
et opposant du régime Hitlérien fut mis en relation avec
l’attentat du 20 juillet 44 contre le « Führer ». Pour cela,
Dietrich BONHÖFFER à été exécuté dans les derniers jours
avant la fin de la guerre et considéré comme traître.
C’est au début des années 50 que je devenais responsable de
jeunesse de la paroisse protestante d’Eupen-Neu Moresnet.
De ce fait j’ai été en relation étroite avec les groupes de
jeunes Allemands du Kirchenkreis d’Aix-la-Chapelle et
naturellement aussi avec les jeunes de Verviers et Liège.
Surtout du côté allemand Dietrich BONHÖFFER fut considéré comme un héros de la résistance contre HITLER. C’est
sous cette influence que je me suis intéressé à ce pasteur,
théologien et martyr. Son poème qu’il a écrit en prison qui
est devenu populaire dans le monde entier, m’a particulièrement impressionné :
Octobre 2013
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Mosaïque
« Und reichst du uns den schweren Kelch den bittren,
des Leids gefüllt bis an den höchsten Rand
so nehmen wir in dankbar ohne Zittern
aus deiner guten und geliebten Hand.
Von guten Mächten wunderbar geborgen
erwarten wir getrost, was kommen mag.
Gott ist mit uns am Abend und am Morgen
und ganz gewiss an jederm neuen Tag »
Avec le suisse Heinrich PESTALOZZI qui a dit un jour : « On
doit attaquer le malheur avec les pieds et les mains et non
avec la gueule », il fit comme il est dit dans Jac.1,22 : « Mettez
la parole en pratique, ne vous contentez pas de l’écouter ? »
et fut ainsi l’homme de l’action.
Voici deux paroles de BONHÖFFER qui m’ont marqué :
« Quand un homme ivre fonce avec son véhicule dans la
foule, qu’est alors le devoir d’un chrétien : panser les blessés et enterrer les morts ou plutôt stopper le chauffard ? »
et aussi ceci : « Ce serait un outrage à Dieu et au prochain,
que laisser l’affamé avoir faim, sous prétexte que Dieu est
proche de sa misère ! »
Pour moi c’est une des plus grandes figures du protestantisme du 20ème siècle.
Rolf A. LANDER
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9
n route vers Busan
La 10ème Assemblée du Conseil
Œcuménique des Églises
Afin de vous permettre d’entrer au mieux dans cette assemblée, les membres des Coordinations Réflexion et Dialogue
et Église et Monde vous ont présentés en septembre et
octobre des articles qui veulent vous accompagner sur le
chemin qui mène à Busan.
delà d’un certain niveau d’abondance l’accroissement de
la richesse n’augmente plus ni le bien-être ni le bonheur.
Pour les gens qui vivent cette situation, une vie en plénitude
(Jean 10.10) dépend davantage de la qualité de la vie et de la
bénédiction de pouvoir se satisfaire de ce qui est suffisant.
Une économie pour la vie
Les questions économiques se sont inscrites sur l’agenda
depuis le début du mouvement œcuménique en général et
du Conseil Mondial des Églises en particulier. Au cours des
premières années la réflexion a surtout porté sur les avantages et les inconvénients du communisme et du capitalisme mais plus tard à mesure que de plus en plus d’Églises
devenaient membres du Conseil Mondial, l’attention s’est
portée sur les problèmes de développement. Durant les
années quatre-vingt et nonante les Églises se sont penchées
sur la relation entre la foi chrétienne et les questions posées
par l’économie. C’est durant cette période que l’auteur de
cet article a été chargé durant trois années de conduire un
projet d’études qui a abouti à une sorte d’encyclique œcuménique du Conseil Mondial portant sur la foi chrétienne
et l’économie mondiale.
Assez
Bien évidemment la question est de savoir ce que signifie
« assez ». On est capable de déterminer plus ou moins où se
situe la frontière d’un revenu minimal. Dans beaucoup de
pays pauvres on peut survivre avec un revenu de moins d’un
euro par jour. La question se pose toutefois de savoir si l’on
peut et doit déterminer une limite maximale à la richesse.
La Bible nous indique qu’une telle préoccupation existait.
Ainsi durant le séjour dans le désert le peuple d’Israël ne
pouvait recueillir plus d’un « omer » de manne par jour. Si
l’on ramassait davantage la manne pourrissait. A l’occasion
de l’année Sabbatique et Jubilaire des mesures étaient prévues qui avaient pour but de poser une limite à la possession
et à la jouissance qui en découlait. Il est évidemment impossible d’établir une règle universelle fixant une « frontière
à l’abondance » ne fût-ce que parce que les situations diffèrent considérablement les unes des autres. Mais cela ne
signifie pas qu’il faille refuser de réfléchir à cette question.
Je suis curieux de savoir comment l’Assemblée réagira.
Vivre en plénitude
Étant donné que de nos jours l’économie mondiale traverse
une passe difficile il n’est pas étonnant de voir figurer les
questions économiques en place prioritaire sur l’agenda
de l’Assemblée du Conseil Mondial à Busan. On y discutera d’un document qui a pour titre : « Une économie pour
la vie, la justice et la paix pour tous ». Ce document est le
résultat d’un long processus (six ans) constitué d’études
et de réunions régionales et qui a porté sur des thèmes
de pauvreté, de richesse et d’écologie. Ce travail nous
apprend que partout dans le monde l’inégalité augmente
entre les riches et les pauvres et qu’au même moment la
pression sur les écosystèmes se fait plus forte. C’est la création de Dieu qui se trouve menacée suite à des politiques
qui poursuivent une croissance économique non bridée.
Le marché marque de nos jours de son empreinte tous les
aspects de la vie. Tout a un prix mais les valeurs se perdent.
La crise économique qui touche la plus grande partie du
monde est d’abord une crise morale. Pour beaucoup de
pauvres l’augmentation de la propriété et du revenu sont
une condition essentielle pour vivre dignement. Des
recherches effectuées nous apprennent toutefois qu’auPAGE
10
Appel et Engagement
Dans le document qui sera présenté à Busan, Dieu nous
appelle à une transformation radicale sur la manière dont
nous produisons et consommons aujourd’hui. Il est demandé aux Églises de vivre dans la période qui nous sépare de la
prochaine Assemblée en nous concentrant sur des obligations de foi et des engagements qui touchent aux questions
économiques qui se posent de manière urgente. Les Églises
devraient lancer un mouvement prophétique en vue d’une
économie pour la vie.
Durant les années quatre-vingt on a parlé d’un « processus conciliaire », aujourd’hui dans les cercles du Conseil
Mondial on parle d’un « pèlerinage en vue de la Justice et
de la Paix » au cours duquel les questions économiques
prendront une place importante. Ce parcours-là pourrait
être passionnant.
Rob van Drimmelen
(traduction Marc Lenders)
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osaïque N° 9
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En route
vers Busan
Vers l’unité des Églises :
un témoignage important
Saluons la publication d’un texte qui
marque une étape dans le mouvement vers l’unité visible des Églises
séparées: il s’agit de L’Église vers une
vision commune. Ce document paru le
6 mars 2013 exprime la convergence
en matière d’ecclésiologie, c’est à dire
la compréhension de la nature et de la
mission de l’Église.
« Quelle importance les institutions ?
Nous avons tous le même Dieu après
tout » est une réflexion souvent entendue et qui tue le débat. Il est plus
constructif, dans le dialogue oecuménique, de tâcher de comprendre ce qui
nous différencie les uns des autres.
Le rapprochement ne pourra se faire
sans cet effort.
Le COE et la commission « Foi et
Constitution »
Notre Église, l’EPUB, est parmi les 345
Églises membres du Conseil oecuménique des Églises ( COE) fondé en
1948. Le COE rassemble aujourd’hui
500 millions de chrétiens du monde
entier, appartenant à des Églises orthodoxes, luthériennes, réformées,
baptistes, méthodistes, anglicanes et
bien sûr « Unies », telles l’EPUB et les
Églises protestantes unies des PaysBas
et de France.
Elles « confessent le Seigneur Jésus
Christ comme Dieu et Sauveur selon
les Écritures et s’efforcent de répondre
ensemble à leur commune vocation
pour la gloire du seul Dieu, Père, Fils
et Saint Esprit ». Au sein du COE, une
commission théologique est chargée
de conduire la réflexion sur l’unité
qui existe déjà et sur les obstacles qui
demeurent : c’est la commission Foi
et Constitution.
L’ Église catholique n’est pas membre
du COE, mais elle envoie des experts
Octobre 2013
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Mosaïque
à Foi et Constitution ; ces experts
en sont membres à part entière. Le
document « l’Église : vers une vision
commune » a été élaboré par Foi et
Constitution (document numéro 214).
Le dialogue sur la doctrine et l’organisation interne des Églises ( « Foi et
Constitution » ) n’est certes qu’une
partie du travail oecuménique : l’engagement dans l’entraide, la diaconie, la prière commune contribuent
également à la recherche de l’unité
des Églises. Le versant théorique est
parfois ardu, mais il est essentiel et
aucun chrétien ne devrait en faire
l’économie. Ce texte est publié trente
ans après le « BEM » (Lima 1982),
autre texte fondamental de Foi et
Constitution portant sur le Baptême,
l’Eucharistie (ou Repas du Seigneur)
et les Ministères. Dans ces accords
multilatéraux – qui concernent non
pas deux Églises pour un accord
bilatéral (luthériens et catholiques
par exemple) mais un grand nombre
d’Églises – on met l’accent sur ce qui
peut être dit ensemble, par tous les
partenaires du dialogue. C’est un texte
dit de « convergence » plutôt que de
« consensus différencié ». Quelques
passages en italique décrivent les divergences de la doctrine par exemple
entre le point de vue orthodoxe et
celui des Églises issues de la Réforme.
Le langage dans ces passages est très
nuancé et diplomatique. Exemple : le
paragraphe 45 évoque « la restriction
traditionnelle réservant aux seuls
hommes l’ordination », sans même
nommer la réalité de l’ordination de
femmes. Cependant on espère que
les différends qui subsistent ne pèsent
pas plus lourd que la convergence. Ces
différents s’expliquent par la compréhension différente de la nature
de l’Église. Estce que nous la voyons
écouter la Bonne Nouvelle, ellemême
simultanément pécheresse et justifiée ? Estce que la fidélité de l’Église
réside dans sa capacité à revoir sans
cesse ses statuts pour être au diapason de l’Esprit Saint dans un monde
changeant ? Ou bien au contraire
l’Église est-elle en tous point « voulue
telle » par Dieu ? Dans ce cas, la fidélité
se traduit par la continuité, plutôt que
par les ruptures successives ( lire les
paragraphes 24 et 44). Ensemble, les
Églises peuvent affirmer que « l’Église
tient son mandat de l’acte et de la promesse de Jésus Christ luimême » (p.3).
Que l’Église soit grande ou plutôt
petite (comme l’ÉPUB), elle est marquée dans son pèlerinage par des
enseignements et des actes qui font
autorité, audelà des frontières confessionnelles. « Par exemple la position
de pointe adoptée par l’archevêque
Desmond Tutu lorsqu’il a déclaré
‘L’apartheid est trop fort pour être
vaincu par une Église divisée’ ; les initiatives du patriarche Bartholomée
visant à unir les dirigeants chrétiens
au service de l’écologie ; les efforts
déployés par les papes JeanPaul II et
Benoît XVI pour inviter les chrétiens
et des dirigeants d’autres religions à
prier et agir ensemble pour la paix ; et
l’influence exercée par le frère Roger
Schulz qui a inspiré d’innombrables
chrétiens notamment des jeunes à se
rassembler pour célébrer ensemble le
Dieu Trine » à Taizé (paragraphe 51).
Un document, aussi visionnaire soitil,
reste lettre morte s’il n’est pas lu et
débattu. Nous souhaitons une réception critique et chaleureuse au texte
L’Église : vers une vision commune.
Anne Marie Reijnen
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En route
vers Busan
e
Une
réflexionausur
La Diaconie
21l’éthique
siècle protestante
Dernièrement, courant juin, diverses commissions du
Conseil Œcuménique des Églises se sont réunies à Colombo
au Sri Lanka. Il s’agit des programmes ‘’Justice et diaconie’’,
‘’Communautés justes et sans exclusive’’ et ‘’Mission et
Évangélisation’’. Elles ont élaboré un long rapport destiné
aux communautés et Églises-membres.
Si les conclusions de ce document concernent en grande
partie la situation des Églises des pays hors de l’Europe,
elles sont également tout à fait valables pour nos Églises
d’Europe et particulièrement pour l’EPUB.
Nous sommes bien conscients que la diaconie, le service
des frères (et naturellement des sœurs) tient une part
importante dans notre mission. Bien au-delà du témoignage, elle est service des uns et des autres. Tout au long
de l’Évangile, Jésus le répète et montre l’exemple. Peu de
palabres mais des actes, des guérisons, des remises debout,
des hommes las qui se relèvent, des remises en route.
Paul l’affirme si je n’ai pas l’amour des frères et sœurs,’’ je ne
suis qu’un airain qui résonne et une cymbale qui retentit. ‘’
(I Cor 13) Ce sont nos actes qui nous jugent et c’est par eux
que nous sommes évalués.
Pour les membres de nos Églises il est toujours bon de le
rappeler et de le souligner.
Si les chrétiens sont plus nombreux dans les pays du Sud,
ils sont souvent dispersés dans une multiplicité d’Églises et
fortement marginalisés quand ce n’est pas mis en minorité
et persécutés. C’est donc un objectif pour les chrétiens du
Nord de leur venir en aide et de les soutenir.
La mission des chrétiens consiste à réaliser le dessein de
Dieu pour le monde, un monde dans lequel ‘’ Dieu se réjouira parce qu’on n’y entendra plus les sanglots ni les cris
de détresse, où les gens ne mourront pas jeunes, où on
construira des maisons pour y vivre et jouir des fruits de
son travail, où on ne mourra pas de catastrophes et où les
agresseurs seront transformés de sorte que tout le monde
Pour cela il faut combattre toutes les formes d’injustice.
Pour les auteurs de ce texte, et les Églises seront sûrement
d’accord avec eux, il faut une diaconie basée sur la transformation, un service qui permet à toutes et tous de célébrer
la vie. C’est la foi qui transforme le monde, qui change les
personnes et les situations.
La foi est aussi un outil de contestation pour souligner l’injustice et les situations que connaissent bien des hommes,
et encore bien davantage des femmes, où la simple justice,
la dignité des uns et des autres est bafouée et même simplement niée. Cela dans certaines de nos Églises mais bien plus
dans celles du bout du monde. Et encore bien plus au sein
des sociétés où ces Églises doivent témoigner d’un monde
plus juste et plus équitable.
La foi est un appel à la vie dans la justice et la dignité.
Il ne s’agit pas seulement de parler de paix et de poser des
actes d’entraide, images et reflets de notre bonne volonté.
La diaconie peut aller jusqu’à l’action politique. Il faut dénoncer les tentatives des puissants, de certains politiques
et des privilégiés pour maintenir leur pouvoir.
Il s’agit de défendre les causes de la justice, de la dignité et
de la paix et éventuellement d’entrer en opposition avec
des instances et des puissances qui ont intérêt à maintenir
le statu quo.
Ensemble, nous sommes appelés à une vocation de service
à la suite du Christ, qui a donné sa vie en se mettant au
service des hommes et des femmes de son temps.
Les Églises doivent s’encourager mutuellement en se rappelant ce qu’écrivait l’apôtre Pierre dans sa première Épître : ‘’
Et qui vous ferait du mal, si vous devenez zélés pour le bien ?
Heureux d’ailleurs, êtes-vous quand vous souffrirez pour la
justice ! N’ayez aucune crainte et ne soyez pas troublés. Au
contraire, rendez grâce au Seigneur Jésus Christ et soyez
prêts à témoigner de l’espérance qui est en vous ‘’
Pasteur Jeanne Somer-Gotteland
vivra en paix.’’
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osaïque N° 9
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En route
vers Busan
Initiative œcuménique de lutte contre le
VIH/sida en Afrique (EHAIA)
Les Églises d’Afrique, qui sont bien implantées dans la société, représentent
des institutions influentes susceptibles d’être une force de transformation - d’apporter guérison, espoir
et accompagnement aux personnes
touchées par le VIH.
EHAIA a été lancée en 2002 pour permettre aux Églises d’Afrique d’avoir
accès à l’information, à la formation,
à la documentation et d’entrer en
contact avec d’autres Églises et organismes travaillant dans le même domaine pour les aider à s’occuper des
victimes du sida dans leur milieu.
Étant à l’origine d’une « initiative œcuménique », EHAIA a touché environ
9000 participants au cours des quatre
premières années. Dans les rapports
de ces réunions, on peut lire des récits
émouvants relatant l’amélioration de
la compréhension et la façon dont des
Églises et des individus ont changé
d’attitude vis-à-vis des personnes séropositives.
Le projet donne maintenant une
dimension œcuménique aux programmes de soins, d’éducation et de
prise en charge des Églises. Il s’efforce
d’aider les Églises et les organisations
qui leur sont rattachées à atteindre
des niveaux professionnels pour ce
qui est de l’efficacité, de la coordination, de l’acquisition de capacités et
de communication dans toutes les
activités relatives au VIH.
Une coordinatrice de projet et une assistante travaillant au COE à Genève,
cinq bureaux régionaux avec leurs
consultants, ainsi que deux consulOctobre 2013
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Mosaïque
tants théologiques travaillent sur le
projet, sous la direction d’un groupe
de référence international et de
groupes de référence régionaux et en
collaboration avec la Conférence des
Églises de toute l’Afrique, des associations d’Églises sous-régionales,
des conseils nationaux d’Églises et
des associations de personnes vivant
avec le VIH.
EHAIA organise des ateliers et des
programmes de formation, répond à
des demandes de conseil individuelles
de la part des Églises sur l’évolution
de la politique de l’Église en matière
de VIH, la formation pastorale et le
soutien à des projets de programmes
et diffuse des informations et du
matériel de documentation dans les
régions ainsi que par l’intermédiaire
d’un site web et d’un bulletin d’information électronique.
En 2009, après sept ans de travail sur
le terrain, une évaluation de l’impact
d’EHAIA a été réalisée. Elle montre
des évidences encourageantes sur
l’efficacité des actions menées par
EHAIA.
•changement d’attitudes et meilleure compréhension au sein des
Églises par rapport au stigma et la
discrimination
•création de théologies porteuses de
vie et de matériels liturgiques
•reconnaissance par les Églises, leurs
leaders et leurs membres de la sévérité et des défis de la pandémie en
rapport avec la sexualité, la violence
basée sur le genre et les injustices
sociales
•meilleure collaboration entre les
Églises et les organisations confessionnelles
•renforcement de la capacité de
promouvoir et mettre en œuvre les
programmes de prévention, de prise
en charge holistique et de soutien
•les effets multiplicateurs des formations EHAIA
•la reconnaissance des réponses
confessionnelles dans le monde
séculier
L’évaluation montre que EHAIA fait de
bons progrès pour réaliser ses objectifs et que ce travail important doit
être continué. Il est cependant nécessaire d’incorporer de meilleures procédures de suivi et des outils de mesure plus précis dans le programme.
Il y a donc un argument fort pour
un soutien continu qui permettra à
EHAIA de poursuivre son travail.
Solidarité Protestante est membre
d’EHAIA et depuis plusieurs années
est engagée dans le renforcement des
capacités des leaders religieux dans la
lutte contre le VIH/SIDA.
Les programmes de SP sont mis en
œuvre au Burundi, Rwanda, RDC,
Burkina Faso et en Guinée (Conakry).
Eric Jehin
Pour le groupe de travail Église
en Société
Site du COE :
http ://www.oikoumene.org/en
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ible ouverte
L’Évangile, Bonhoeffer et nous
Il ne vous aura pas échappé que le thème de ce numéro
porte sur cette figure particulière du protestantisme :
Dietrich Bonhoeffer. En préparant ce texte de Bible ouverte, j’ai relu quelque peu sa biographie. Étonnante, et très
émouvante. Mais en quoi cet homme d’exception peut-il
nous aider aujourd’hui dans notre lecture de la Bible ? Par
le témoignage qu’il nous a laissé de la cohérence de sa vie
avec ses idées ? Sans doute... c’est bien ce que l’Évangile
nous appelle tous à faire à la suite du Christ. Par ses combats sous diverses formes et en divers lieux contre le nazisme, porte-drapeau emblématique du mal et de ce qu’il
pouvait représenter comme forme avancée du nihilisme
de notre humanité, de ses valeurs ? En ce sens n’était-il pas
véritable prophète de Dieu dans un monde en passe d’être
asservi ? Nous pourrions y voir la figure d’un Moïse des
temps modernes, qui refusa l’esclavage des siens, les êtres
humains, allemands ou pas, par une idéologie totalitaire,
un fantasme de toute- puissance pharaonique moderne.
En fait, je ne sais pas vraiment à quel personnage biblique
je pourrais le comparer. Mais est-ce utile en réalité ? Je
comprends qu’il a été un homme pétri de cette exigence
de cohérence entre sa foi et ses engagements, ses choix
de vie, ses actes. En cela, il me semble éminemment prophétique aujourd’hui.
sur le plan éthique, mais pas toujours dans le bon sens,
selon moi. Parce que les atrocités de tant de guerres qui
nous ont déchirés entre peuples, nous donnent la nausée
dès que nous parlons à nouveau de mise à mort, fut-elle
de la main divine. Mais sans doute aussi, parce que nous
nous sommes habitués à considérer les choses mauvaises
comme simplement peu positives, celles qui sont très mauvaises comme dommageables, bref notre langage, nos
paroles, nos mots pour dire les maux de l’humanité ont
endossé des formes arrondies, plus esthétiques, comme
nos véhicules. Nous arrondissons bien volontiers les angles
trop saillants et blessants (pas partout !) pour qualifier des
situations ou des comportements pourtant inadmissibles
et, en revanche, là où nous devrions être magnanimes et
miséricordieux (sans un sentiment de condescendance,
s’il vous plaît) nous pouvons être très cassants, sans délicatesse, sans amour. Il est curieux de voir que Simon, le
magicien ( Act 8. 9-24) de Samarie, qui voulait acheter le
don de Pierre et de Jean : « Accordez-moi aussi ce pouvoir,
afin que ceux sur qui je poserai les mains reçoivent le SaintEsprit. », s’en sortira mieux que les deux personnages précédents, puisqu’il aura la vie sauve. Ce n’est donc pas un
dieu impitoyable que nous présente le livre des Actes, mais
quelqu’un qu’il faut prendre au sérieux.
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Photo: PW
Or, ce qui a caractérisé, me semble-t-il le christianisme
naissant c’est, entre autre, la cohérence entre la Parole et
les actes ( Act 2. 42-47). Paroles d’hommes au service de
la Parole faite homme (Jn 1.14), cette Parole lumière des
hommes. Ceci est tellement important à l’aube de la foi
messianique en plein essor, qu’un contre-exemple fut vite
associé à un jugement de Dieu, terrible et immédiat. Je
veux parler ici de l’affaire Ananias et Saphira (Act 5. 1-11),
dans laquelle est dénoncé le mensonge de ce couple, qui
cherche à tromper les apôtres sur le don de leurs biens,
qu’ils font pourtant librement. Pierre leur explique que
finalement c’est à l’Esprit Saint, bien plus qu’aux hommes
qu’ils ont menti. Il y a une incohérence flagrante entre
leurs paroles et leurs actes qui amène une sanction terrible : leur mort. Aujourd’hui nous aurions bien du mal
à l’accepter telle quelle, elle nous paraîtrait démesurée.
Sans doute parce que le monde et nos sociétés ont évolués
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BLe en 6 ans
Bible ouverte
Les apôtres et les premiers chrétiens (pas seulement)
vivaient déjà dans un contexte hostile à leur égard et à
la foi, aux idées qui étaient les leurs. Tout comme pour
Bonhoeffer bien plus tard, bien des questions ont donc dû
s’entrechoquer. Quelles sont les priorités dans ma vie de
foi, tout compte fait ? Puisque je ne peux pas être de tous
les combats, lesquels dois-je privilégier ?
Oct.
Y aurait-il une sorte d’évidence qui puisse guider mes
choix ? Pour D. Bonhoeffer, le contexte socio-politique
et idéologique de son temps, dans son pays qui plus est,
lui a ouvert la voie qui fut la sienne, celle de la résistance
et de la dignité humaine pour une cohérence de sa foi et
de sa vie. Et pour nous aujourd’hui, quelles pistes notre
contexte nous fait-il entrevoir pour un engagement en vue
de ces mêmes valeurs, si toutefois nous les partageons ?
Les combats contre la misère et l’injustice auprès des plus
démunis, des chômeurs, de ceux et celles qui n’ont plus
de toit, plus d’identité, plus d’avenir dans nos sociétés,
plus d’espérance ? Les combats pour un monde vraiment
durable (même si l’on sait qu’il passera un jour ou l’autre),
contre la corruption, les scandales financiers, les victimes
(y compris les morts) de l’économie néolibérale, acceptée par quasiment tous les décideurs comme une fatalité ?
Combien de morts et de déshérités en tout genre faudrat-il encore compter avant que les Nations Unies déclarent
cette économie responsable de crime contre l’humanité ?
Mais cela reviendrait à accuser ceux et celles qui l’ont promue et soutenue tant d’années... et ceux et celles qui ont
laissé faire.
Dans le fond, la cohérence de nos paroles, de nos idées et
de nos actes ne vient-elle pas simplement de l’amour que
nous avons pour la vérité, pour la justice, pour la dignité
humaine, pour la liberté des êtres, pour Dieu ? C’est cela
que je vois avant tout dans l’exigence de cohérence de D.
Bonhoeffer, un immense amour pour son prochain, sans
doute reçu de la source même de l’amour, Celui qui est tout
en tous, notre Dieu et notre Père en Jésus-Christ.
Jean-Claude DIEZ,
Fédération
protestante
de France
www.protestants.org
© Fédération protestante de France
Pasteur à Mons-Centre
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Mosaïque
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lace aux jeunes
Vivre et agir avec les promesses de Dieu
Avez-vous déjà fait, accompli ou persévéré dans une chose dont vous ne
pouviez voir ou espérer un résultat,
une conséquence ou un impact, mais
pour laquelle vous étiez tout simplement certain qu’il était bon et juste
de le faire ?
Cela peut être des petits moments
importants comme veiller le lit d’un
malade quand il dort, alors même qu’il
ne sait pas que vous êtes là.
La vie de Dietrich Bonhoeffer nous
fournit un magnifique exemple, d’un
ordre plus différent.
Lors de la Première Guerre mondiale,
son frère meurt, ce qui l’amène à se
poser des questions existentielles. Il
se met en quête de Dieu, ayant reçu
une éducation chrétienne de sa mère.
C’est au moment de l’ascension d’Hitler que D. Bonhoeffer va grandir dans
sa foi, étudier la théologie, agir publiquement pour l’Église et les hommes,
pour finalement se retrouver en train
de prêcher la paix et l’amour sous le regard des nazis. Interdit de poursuivre
dans cette démarche, c’est clandestinement qu’il travaillera à la défense
des Juifs, au soutien à la Résistance et
à la propagation de l’Évangile.
En 1944, il sera arrêté et pendu 2
semaines avant la libération par les
ordres d’Hitler.
Il faut bien se rendre compte que dans
le contexte des années 30 et 40, les
Résistants, parmi lesquels un grand
nombre de chrétiens, n’agissaient
pas en pensant que dès le lendemain,
tout aura changé grâce à eux. Nombre
d’entre eux percevaient ces actes de
résistance et d’amour comme une
cause perdue, surtout dans les douleurs de 1939 à 1944, quand on voyait le
nazisme s’étendre et se renforcer. En
fait nombre de ces héros ont agi simplement parce qu’ils avaient la certitude qu’il était bon et juste de le faire.
Peu importe le résultat ou la réponse
des hommes et des circonstances,
Dietrich Bonhoeffer avait la certitude
de suivre Dieu et d’être soutenu par
Ses promesses, qui certes, ne sont pas
toujours de ce monde.
Cet exemple fort de Dietrich
Bonhoeffer me ramène à une prédication entendue à un baptême en
Hongrie cet été, prononcée par un
pasteur de plus de septante ans qui a
été pasteur pendant le communisme.
Il parlait de l’Ancien Testament et ex-
pliquait comment Daniel et ses amis
persévéraient dans ce que Dieu leur
disait de faire, quelles qu’en soient
les conséquences circonstancielles,
puisqu’ils étaient assurés des promesses de Dieu. Le point intéressant
soulevé par le pasteur était de se demander ce qu’il faut entendre ici par
« vivre et agir avec les promesses de
Dieu ».
Ainsi, Dieu demande d’agir comme
Il le dit (toujours se poser la question
« que ferait Jésus à ma place ? »), sans
espérer une récompense dans les circonstances, mais en priant que Dieu
nous aide et nous sauve des difficultés. Mais nous devons savoir que ne
pas nous sauver de telle ou telle difficulté (voire même de la mort, dans
l’exemple de Bonhoeffer) peut faire
partie du plan de Dieu, dont le but est
un plus grand Salut que celui que notre
vie humaine peut imaginer. Peut-être
que le plan de Dieu pour nous est parfois différent de ce qu’on imaginait
concernant son aide dans une situation donnée ? Cela veut-il pour autant
dire que Dieu n’a pas de promesses
dans lesquelles nous pourrions tirer
des forces. Bonhoeffer nous prouve
à l’extrême que l’espoir en Dieu vaut
tout ce qu’on peut attendre d’une vie.
Dietrich n’a pas été sauvé des nazis.
Il est mort pendu, 2 semaines avant
la Libération. Mais il a accompli avec
cœur ce qu’il savait être la volonté
de Dieu avec comme unique conséquence certaine l’accomplissement
de Sa promesse pour nous.
Écriture à 4 mains de
Simon-Pál et Vanessa.
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osaïque N° 9
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e ci, de là
Démarrer sa vie en bonne santé
Au Nord-Kivu comme ailleurs, chaque maman voudrait que les meilleures conditions soient réunies
pour donner la vie. L’insécurité, la pauvreté, la malnutrition tracent déjà les contours d’un contexte difficile. Et quand la future maman est séropositive, le
tableau s’assombrit encore. L’enjeu devient alors de
préserver à tout prix son bébé de la maladie.
La Prévention de la Transmission du virus de la Mère à son
Enfant (PTME) est aujourd’hui un axe essentiel dans la lutte
contre le VIH/SIDA. La transmission du virus se produit essentiellement au moment de l’accouchement, dans certains
cas elle se fait déjà in utero. Pour ces deux premiers modes,
les risques peuvent être réduits grâce à un traitement aux
antirétroviraux, une bonne nutrition de la mère et une prise
en charge appropriée lors de l’accouchement. Mais il arrive
également que le VIH soit transmis après l’accouchement
via le lait maternel. D’où l’importance de trouver une alternative saine à l’allaitement.
Dans les zones sinistrées de Karisimbi et de Rusthuru, le
docteur Alain et ses collègues mettent tout en œuvre pour
prévenir cette transmission et garantir une nutrition de
qualité pour les mères et les bébés.
Concrètement, comment font-ils ?
- Les femmes enceintes (sous traitement antirétroviral)
sont suivies au niveau médical et nutritionnel. Elles sont
également sensibilisées pour la prévention de la transmission. 45 femmes enceintes ont été formées en une
année.
- Les jeunes mamans sont informées sur les méthodes
de sevrage et les aliments disponibles, ainsi que sur les
mesures d’hygiène à adopter avec ces aliments de substitution. Souvent, les mamans ne pouvant pas se permettre
d’acheter du lait en poudre ont recours à l’allaitement, qui
est risqué pour leur enfant, ou à des bouillies ou des jus
qui ne sont pas toujours appropriés. 25 mères ont bénéficié de cet appui.
- Les bébés reçoivent du lait en poudre et font l’objet d’un
suivi médical régulier : pesée, suivi de leur développement, suivi des courbes de poids et de taille et de leur
statut sérologique. 25 nourrissons sont suivis régulièrement.
- Les infirmiers en pédiatrie des deux hôpitaux concernés
ont suivi une formation sur la nutrition et la prévention
PTME.
Les activités ont été fortement affectées par les événements sécuritaires de l’année écoulée. Toutefois,
grâce à la volonté de l’équipe médicale, les objectifs
Octobre 2013
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Mosaïque
ont pu être atteints. Le projet est mené par notre
partenaire la Communauté Baptiste au Centre de
l’Afrique (CBCA) et a été soutenu pendant un an par
Solidarité Protestante et la Tavola Valdese.
Entre décembre 2013 et mai 2014, mobilisons-nous
pour la jeunesse africaine !
Les « Responsible Young Leaders » sont ces jeunes africains
qui s’engagent dans la lutte contre le SIDA pour faire bouger les choses. Au sein de leurs églises, dans leurs écoles,
auprès des autres jeunes, ces filles et ces garçons dépensent
leur énergie pour sensibiliser leur communauté. Ils informent leur entourage sur les risques liés au VIH et luttent
contre les discriminations. Dans un contexte où le SIDA
fait des ravages, appauvrit des familles entières et laisse de
nombreux orphelins, Solidarité Protestante investit dans la
formation de ces jeunes qui prennent le problème en main.
Soutenez-les dans leur combat en participant à la
campagne !
Plusieurs formules seront envisageables :
- Proposez à votre groupe de jeunes de s’investir en
organisant un événement de soutien (un concert,
une soirée, une brocante,...).
- Organisez avec quelques personnes actives de la paroisse
un dîner ou un petit-déjeuner au profit de la campagne.
- Prévoyez un culte spécial autour du thème et réservez la collecte pour la campagne.
Dans tous les cas, nous pourrons collaborer avec vous et
vous fournir le matériel nécessaire.
Alors à vos agendas ! Ne laissez pas filer l’occasion de participer, trouvez dès maintenant une date entre décembre
2013 et mai 2014 !
Vous êtes décidés à vous lancer ? Une question subsiste ?
Contactez Stéphanie Lecharlier : [email protected] ou
02 510 61 85.
Pour soutenir nos actions et notamment les projets de lutte
contre le VIH/SIDA : IBAN BE 37 0680 6690 1028 – BIC
GKCCBEBB.
Découvrez notre nouveau site web ! Rendez-vous sur www.
solidariteprotestante.be
Solidarité Protestante est l’ONG de l’EPUB. Elle appuie les
acteurs locaux pour renforcer les communautés exposées
au VIH/SIDA et aux violences sexuelles en Afrique et promouvoir la dignité des personnes vulnérables.
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De ci, de là
Appel à candidatures
pour l’aumônerie hospitalière
1. Cadre de cet appel
Depuis 2004, l’aumônerie hospitalière
est gérée par une commission francophone (pour la partie francophone et
germanophone de la Belgique) du
CACPE*. Nous manquons d’aumôniers et de visiteurs pour pouvoir
assumer ce service dans toutes les
institutions. C’est ainsi que 21% des
hôpitaux (principalement en région
montoise et bruxelloise) et 56% des
homes (dans toutes les régions) n’ont
ni aumônier ni visiteur. C’est pourquoi
la commission a décidé de faire un
appel à candidatures.
2. Qu’est-ce le ministère de
l’aumônerie ?
L’aumônerie n’est pas un ministère
d’évangélisation mais bien un ministère de consolation, d’encouragement
voire de restauration et d’édification
selon l’appel de Jésus lui-même à
visiter les malades. Ainsi l’aumônier
ou le visiteur accompagne le patient
et l’aide à trouver sens à ce qu’il vit.
Ce n’est pas qu’il sache tout ou qu’il
puisse tout expliquer mais, à travers
la prière, la lecture et la méditation de
la Bible, l’aumônier/visiteur se place
avec le patient/résident devant Dieu
et ensemble visiteur et visité portent
le même fardeau, luttent et prient et
c’est Dieu qui agit. Ainsi l’aumônier/
visiteur est un peu comme ce rocher
dont parle Esaïe (Esaïe XXXII/2) qui
permet au patient/résident de se
reposer, de souffler un petit peu au
milieu du désert que peut être une
hospitalisation ou un placement en
home. Et puis l’aumônier/visiteur doit
être prêt à lâcher prise (en hôpital)
malgré l’investissement émotionnel
consenti parce que le patient ne lui
appartient pas et bien heureusement
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– pour la plupart d’entre eux – sortira
de l’hôpital. Il faut alors apprendre à
le confier à Dieu.
De ce fait, l’aumônier/visiteur doit
pouvoir travailler avec toutes les
Églises, respecter la sensibilité théologique de la personne visitée et – avec
l’autorisation de cette dernière – il sera
souvent amené à faire le lien à l’Église
en tenant le pasteur au courant pendant le temps d’hospitalisation.
Si l’aumônerie n’est pas un ministère
d’évangélisation, il peut y avoir une
évangélisation indirecte puisque
c’est à l’amour que nous avons pour
nos frères et sœurs que tous reconnaîtront que nous sommes disciples
du Christ (Jn XII/34-35) ; ainsi nous
sommes parfois amenés à cheminer
avec des non-chrétiens.
3. Conditions pour être
aumônier ou visiteur
•Être membre d’une Église reconnue
par le CACPE (=condition remplie d’office pour toute personne
membre d’une paroisse de l’EPUB).
•Être appelé par Dieu. La vocation
est indispensable car c’est un ministère parfois lourd.
•Avoir une vie de prière et être soutenu par sa communauté dans la
prière.
•La formation : nous la donnons sous
forme de formation au départ et
de formation permanente et Dieu
donne toujours à celui qu’Il appelle
les outils pour répondre à cet appel ;
la formation offerte par le CACPE
est un de ces outils.
•Être prêt à libérer du temps (pour
la formation et plus tard pour les
visites).
4. Pratiquement
•Remplir une candidature et l’envoyer à la commission (chez Joëlle
Maystadt : voir coordonnées dans
l’en-tête du district du Brabant
Francophone).
•Cette candidature doit être accompagnée de 3 lettres de recommandation dont 1 minimum du pasteur
et/ou d’un membre du consistoire
(pour les pasteurs, une lettre doit
provenir d’un collègue de sa dénomination, une d’un collègue d’une
autre dénomination et la 3ème d’une
personne de son choix). Dès que
nous recevrons la candidature, nous
contacterons le candidat pour lui
fixer un RDV avec la commission (ce
RDV se situera début décembre). Si
nécessaire, nous contacterons aussi
l’Église du candidat (pour un candidat aumônier non-pasteur).
•Les cours débutent en janvier et
se terminent en décembre à raison d’1/2 samedi par mois et de 2
journées complètes pendant les
vacances (= un vendredi et un samedi consécutifs soit en juillet soit
en août). Parallèlement à ces cours,
il y a un stage d’un an en institution
avec un aumônier.
•Joëlle Maystadt est chargée du suivi
des étudiants et s’engage à les soutenir et à les encourager.
•Après la formation, le lieu de nomination est choisi par la commission
en accord avec le (la) candidat(e).
Jean-Claude Diez, membre de la
commission hospitalière
*CACPE = Conseil Administratif du
Culte Protestant et Evangélique
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Défilé du 14 juillet à Paris :
joie pour l’Église au Mali
Le défilé du 14 juillet aux Champs-Élysées a mis en l’honneur
autour du pasteur Samakiri Isaac Diarra. Capitaine dans la
les bataillons africains qui ont prêté main forte aux troupes
Garde Républicaine, il m’a accompagné à l’aéroport où il
françaises pour libérer le Mali des djihadistes. Ainsi, les sol-
m’a bien facilité l’enregistrement. J’ai constaté qu’il était
dats maliens ont ouvert le défilé, suivi de leurs collègues
un homme connu, salué et respecté par tous. Le lendemain
d’une douzaine de pays, dont le Tchad qui, après l’armée
du défilé, le pasteur Moïse Guindo écrit : « Le frère Élisée
malienne, a perdu le plus d’effectifs durant les combats.
aime le Seigneur et (est) prêt à Le servir étant militaire où
qu’il soit. »
Au Mali, les chrétiens – bien que minoritaires (3 – 5%) – sont
bien appréciés pour leurs bons et loyaux services, pour les
actes de fidélité et pour leur bonne conduite. Le gouvernement sait qu’on peut leur faire confiance. Que l’honneur
soit revenu à un chrétien d’ouvrir le défilé témoigne de la
bonne laïcité où chrétiens autant que musulmans peuvent
faire carrière et vivre dans une bonne entente. Il est clair que
les autorités maliennes espèrent que les chrétiens contribuent à la réconciliation dans le Nord du pays. En même
En tête du cortège se trouvait Élisée Jean Dao, lieutenantcolonel de l’armée malienne. Avec sa troupe, il a combattu
les envahisseurs islamistes. Depuis le déclenchement de
l’opération Serval le 11 janvier, il a fait un travail remarquable
dans la ville et la région de Gao. Il témoigne de la puissance
de feu des adversaires et de leur équipement puissant.
Apprécié comme ami de tous, décrit comme un costaud
avec un caractère doux, il fut touché par tant de jeunes
embrigadés dans l’extrémisme. Le pasteur Moïse Guindo
écrit ce 15 juillet : « il figure parmi les chefs militaires qui
temps, les Maliens, qui apprécient l’humour, se sont peutêtre intentionnellement donné un bon moyen pour taquiner leurs amis Français par rapport aux Champs-Élysées :
les Champs c’est chez vous, Élisée vient de chez nous !
De toute façon, pour les chrétiens du Mali c’était un grand
moment de joie de voir un des leurs marcher en tête du
défilé militaire à Paris, le premier qui a salué les présidents
français et malien dans la tribune officielle. Joie que nous
partageons de tout cœur !
se sont illustrés par leur bravoure, leur dévouement et leur
Pasteur Emile Carp
patriotisme. »
Eglise Protestante de Wavre, Belgique
T. 00 32 (0)10 22 50 98
Fait remarquable pour le Mali qui est un pays à 90% musulman : le colonel Dao est un chrétien évangélique. Son
prénom vient de l’Ancien Testament, ce qui est assez fréquent chez les protestants. Notre Frère fait partie de l’Église
Ami du Mali
Sources : rencontre avec Etienne Dao (16/03/2005), recherche
internet sur « Élisée Dao », e-mail du pasteur Moïse Guindo
Chrétienne Évangélique du Mali. En 2005, je l’ai rencontré
du 15 juillet (ancien président national de l’Église Chrétienne
dans une des Églises de Bamako où il faisait partie du comité
Évangélique du Mali)
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Mosaïque
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édi@s
Assemblée générale 2013 de la CEC : une
en s’ouvrant à toutes les disciplines, au-delà de la théologie.
Il va sans dire que le travail remarquable accompli jusqu’à
présent par la « Commission Église et Société » (Church and
Society Commission » et par la Churche’s Commission for
Migrants in Europe (CCME) s’inscrira encore en plus grande
adéquation avec la mission de la CEC.
Du 3 au 8 juillet s’est tenue la 14ème Assemblée générale de
la CEC à Budapest.
La Conférence des Églises européennes, appelée communément la CEC, ou encore la KEK, est l’association des
Églises protestantes, orthodoxes et vieille-catholiques
d’Europe. Elle a été créée en 1959, dans le contexte politique d’une Europe divisée, dans le but d’établir des liens
avec les Eglises sœurs vivant des situations difficiles à l’Est
du rideau de fer. (ndlr : pour plus de détails à ce sujet, voir
le Mosaïque n°5 de 2012)
Sur un plan plus juridique et institutionnel, le projet adopté
prévoit notamment un nombre de membres du Comité
central plus réduit, la tenue des assemblées générales tous
les cinq ans (et non plus tous les quatre ans comme auparavant).
En vue de cette Assemblée de 2013, un projet de nouvelle
Constitution avait été soumis aux Églises-membres en
2010 déjà. Ce projet de Constitution a été véritablement
au centre des débats de cette Assemblée.
L’esprit de ce projet est de doter la CEC d’une structure
plus légère afin de répondre plus rapidement et plus efficacement aux grandes questions qui se posent à nos sociétés européennes. A l’heure où nos sociétés, surtout occidentales, sont de plus en plus sécularisées, à l’heure aussi
d’une crise socio-économique provoquée par de multiples
facteurs dont l’analyse exige souvent un esprit « multidisciplinaire », il s’imposait pour la Conférence de repartir sur
de nouvelles bases, d’une part en se dotant d’une structure
institutionnelle plus légère et plus efficace et d’autre part
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Plusieurs points un peu sensibles ont également été abordés.
Ainsi, les équilibres au sein des diverses instances de la
Conférence, qui sont ressentis d’une certaine manière
comme les garants de sa survie ; on a beaucoup discuté des
équilibres entre hommes et femmes, entre laïcs et ordonnés et, bien sûr, entre confessions, une question particulièrement sensible pour nos frères et sœurs orthodoxes.
L’on a aussi longuement débattu, et parfois avec beaucoup
d’obstination, sur le rôle des organisations internationales
ecclésiales et œcuméniques, œuvrant le plus souvent en
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osaïque N° 9
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assemblée très juridique.
collaboration avec les Églises, (ainsi les organisations de
des cinq longues journées de travail, le projet a été adopté
jeunesse, associations de femmes chrétiennes etc….), et
à une large majorité.
sur la manière de leur octroyer la qualité de membre de la
Conférence. Comment, dans un souci d’efficacité, intégrer
tous les partenaires tout en maintenant des procédures
de négociation ou de conciliation suffisamment souples
et efficaces ?
Il faut encore mentionner, parmi les principaux changements, le transfert prochain du siège social de la CEC de
Genève à Bruxelles.
« Et maintenant pourquoi attendre encore ? » (Actes 22.16),
ce verset a été le fil conducteur de ces journées, revenant à
chaque moment de prière. Car, par l’adoption de la nouvelle
Constitution, la CEC a bel et bien exprimé sa ferme volonté
de ne plus attendre mais de se lever pour s’engager « de
nouveau », pour accomplir sa mission dans une Europe nouvelle, elle aussi. Un cantique a d’ailleurs été expressément
composé sur ce verset pour cette Assemblée de Budapest :
Egalement de longues et fréquentes discussions sur le
son refrain, optimiste et aussi émouvant « now, what are
contenu même de la Constitution à adopter : fallait-il un
you waiting for ? » aura marqué nos mémoires.
texte « aéré », se limitant à refléter l’identité de la CEC
– comme ce fut le cas dans le premier projet – ou des
De Belgique était également présente, comme déléguée,
dispositions réglant de manière détaillée les modes de
la Pasteure Laurence Flachon.
gouvernance de l’organisation. Ainsi il y eut plusieurs
amendements proposés pendant la session et également
des amendements aux amendements … qui ont prolongé
les débats et ont rendu la tâche des modérateurs particuliè-
Vincent Dubois
Directeur du SPEP
rement ardue. Durant les six jours de la session, les débats
se sont prolongés plusieurs fois au-delà de 23h.
Pour plus d’information, http ://www.ceceurope.org
Un dîner le samedi soir, en présence des autorités de la ville
de Budapest et des représentants d’Églises, suivi d’une très
belle croisière sur le Danube pour admirer la ville est venu
bien à propos.
C’est dire si l’assemblée fut « juridique » : mais il est vrai que
passer au crible un texte qui constituera la nouvelle « carte
d’identité » de la CEC a aussi le mérite de forcer un débat
de fond de manière rigoureuse et systématique. C’était là
aussi un des atouts de cette Assemblée puisque, au terme
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Mosaïque
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In memoriam
Emile Braekman,
ou la passion de l’histoire.
En ce mois d’Octobre où il vit le jour, Clio, la muse de l’histoire, s’est penchée sur son berceau. On ne peut point en douter, car, si Emile Braekman,
fut pasteur, aumônier militaire, inspecteur de l’enseignement officiel, il fut
avant tout historien et président de la Société Royale du Protestantisme belge.
Il avait fait ses débuts au temple de Pâturages. C’est le charismatique pasteur
Henri de Worm qui dirigeait cette importante communauté. C’était dans
les années cinquante, et, en ce chaleureux Borinage, où les mines étaient
encore en pleine activité, Emile Braekman était ainsi devenu un successeur de
Vincent Van Gogh. Il avait pris pension chez un vieux couple de la rue Jean
Jacques Rousseau. Quelques années plus tard, Emile ayant pris le large, je fus appelé par le pasteur de Worm à
lui succéder comme auxiliaire et à loger dans la même petite maison ouvrière que notre ami venait de quitter.
Après Pâturage, Emile Braekman exercera son ministère à Uccle, à Liège, à Anvers (Église française) et à Breda
(Église Wallonne des Pays-Bas). Dans les années soixante nous nous sommes retrouvés à l’Église de Liège-Marcellis
où il était pasteur titulaire et moi prédicant et enseignant ; un temple qui a ce privilège insigne d’être baigné
par la Meuse, fleuve majestueux et dont le membre le plus éminent était Jean Rey, président de la Commission
des Communautés européennes.
Beaucoup plus tard nous nous sommes encore rencontrés à l’Association des Écrivains belges de langue française
et en la Chapelle du Quartier militaire Reine Elisabeth pour les réunions des Amis de l’Aumônerie. La dernière
eut lieu en mars de cette année et on se souviendra toujours que, lors du verre de l’amitié, le président Braekman
nous demanda de lever d’abord notre verre « au Roi ».
Docteur ès sciences religieuses, et fervent chercheur, Émile Braekman était fort estimé des autres historiens
belges qui admiraient l’étendue de ses connaissances. Ses travaux sérieux n’avaient pas fait de lui un savant
austère ; il jouissait au contraire d’une nature primesautière et enjouée. Il faut aussi souligner qu’il fut toujours
admirablement secondé par son épouse, Madame Josée Braekman-Demoulin qui fut, pendant de nombreuses
années, la présidente des Sociétés féminines de service chrétien de Belgique et la présidente du Cercle littéraire
de l’Église de Bruxelles-Musée.
De la très abondante bibliographie d’Emile Braekman nous ne mentionnons ici que quelques titres choisis :
son précieux ouvrage consacré à cette grande figure de la Réforme en Belgique, Guy de Brès (1522-1567) et sa
biographie de l’épouse liégeoise de Jean Calvin, Idelette de Bure ; son essais sur l’Histoire du protestantisme au
Congo ; ses essais sur le Protestantisme belge au 16e siècle et aux siècles suivants ; l’Histoire de l’Église protestante
de Dour (qui obtint le Prix Pays protestants, Paris) ; le Protestantisme à Bruxelles Bibliothèque Royale Albert 1er ;
Erasme et les théologiens réformés ; sa collaboration à la monumentale Encyclopédie du Protestantisme, publiée
aux Éditions du Cerf et Labor et Fides ; son Étude sur les écrits en langue française de Philippe de Marnix de
Saint-Aldegonde (1540-1598). Marnix fut, sans conteste, le plus grand écrivain belge du 16e siècle. Sa richesse
verbale est prodigieuse. On connaît, de ce polémiste plein de fougue et d’énergie, qui fut bourgmestre d’Anvers,
la célèbre devise : « Repos d’ailleurs ». Une récompense magnifique couronna cette étude : le Prix de l’Académie
Royale des Sciences et des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique.
Émile Braekman, le passionné de l’épopée huguenote, nous a quittés, inopinément, au lendemain de la Fête
Nationale, paisiblement, dans son bureau, parmi ses livres. Comme le disait Lamartine : « La vie est un degré
de l’échelle des mondes que nous devons franchir pour arriver ailleurs ». Et cet ailleurs, dans la lumière de notre
espérance, c’est la maison du Père aux multiples demeures.
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Daniel Berditchevsky
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osaïque N° 9
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Avez-vous déjà visité le site de l’Épub ? www.epub.be
C'est un vaste projet en construction qui ne sera possible qu’avec l’aide de vous tous.
Église Réformée Wallonne de La Haye
« L ‘Eternel y pourvoira »
Appel à candidature
L’Église Réformée Wallonne de La Haye recherche
un(e) pasteur(e) à plein temps pour succéder à son
actuel pasteur qui prendra sa retraite fin octobre 2013.
Fondée en 1591 par les réfugiés protestants venus des
régions francophones des Pays-Bas Méridionaux,
cette Église, fait maintenant partie intégrante de
la nouvelle Église Protestante Unifiée des Pays-Bas
(PKN).
La langue du culte et des autres activités étant le français, le candidat devra avoir une maîtrise parfaite de
cette langue. Il est souhaitable que le candidat parle
également le néerlandais.
Pour tout renseignement complémentaire,
s’adresser à Madame C.C.H. du Pui
Tél. privé : 00 31 70 363 47 11 (après 19H00)
e-mail : [email protected]
Site : www.aprt.be
Vous pouvez demander et recevoir le trimestriel « Son et Lumière » en écrivant à l’APRT , rue Brogniez, 44 – 1070 Bruxelles
•Envoyez vos informations à la rédaction :
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• le 24 septembre pour le numéro de novembre.
• le 24 octobre pour le numéro de décembre.
• le 24 novembre pour le numéro de janvier.
Octobre 2013
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•Équipe de rédaction :
Brigitte Alessandroni Fomine,
Patrick Wilmotte,
Pr. Jeanne Somer- Gotteland
Joëlle Maystadt
•Collaborateurs  : R. H. Boudin, S-P. Schümmer,
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•Collaborateurs régionaux  :
Hainaut Occidental : A. Benini.
HONL : B. Alessandroni, R. Browet.
Liège : L. Sotiaux.
Brabant : J. Maystadt, P. Wilmotte
•Imprimerie  : sa N. de Jonge, Grimbergen
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