Réduire le risque de diabète après le diabète gestationnel

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Réduire le risque de diabète après le diabète gestationnel
Prévention
Réduire le risque
de diabète après le
diabète gestationnel
Ruth McManus, Lois Donovan, David Miller, Isabelle Giroux, Michelle Mottola,
Trisha Joy, Charlotte McDonald et Patricia Rosas-Arellano
La prévention primaire du diabète de type 2 s'est avérée
efficace dans de nombreuses parties du monde. Plusieurs
années se sont écoulées depuis que des études majeures
ont affirmé que des mesures préventives telles qu'une
perte de poids modérée, une activité physique raisonnable
et une alimentation riche en fibres et pauvre en lipides
peuvent contribuer à empêcher une intolérance au glucose
d'évoluer en diabète de type 2.1,2
Pourtant, malgré les années passées à accumuler des
données probantes, le diabète de type 2 demeure une
épidémie continue. Souvent, la communauté de la santé
sait ce qui fonctionne pour prévenir le diabète de type 2
dans des études de recherche hautement contrôlées. En
revanche, elle ne sait pas toujours comment traduire la
prévention du diabète de manière utile en environnement réel. Des programmes efficaces et éprouvés sont
désespérément nécessaires afin de traduire les résultats
des recherches en matière de prévention du diabète en
programmes pour les personnes à risque de développer
la condition. Par ailleurs, le diabète de type 2 est une
« condition familiale ». Ce constat met en lumière le
risque génétique héréditaire,3 mais aussi l'existence
d'un lien avec l'environnement familial. L'importance
du contexte communautaire associé au risque de diabète de type 2 inclut non seulement l'environnement
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physique ou le cadre social, mais également l'influence
significative de l'unité familiale immédiate. Le risque
accru d'obésité et de perturbations métaboliques chez
les enfants nés de mères souffrant d'un diabète gestationnel (DG) suscite également des préoccupations
croissantes.4 C'est pourquoi il est urgent d'identifier
des interventions métaboliques précoces efficaces tant
pour la mère que pour sa progéniture.
Les femmes atteintes de DG
ont davantage de risque de
développer le diabète que
la population générale.
Les femmes chez qui un DG a récemment été diagnostiqué constituent une population cible de choix pour les
messages de prévention du diabète de type 2. Les femmes
atteintes de DG sont généralement informées du risque
de développer un diabète réel, ont davantage de risque de
développer le diabète que la population générale et doivent
communiquer activement avec des prestataires de soins.
Les familles pour lutter contre le diabète
Le projet BRIDGES Families Defeating Diabetes (FDD)
a été conçu pour offrir un programme de prévention
du diabète par le biais du réseau existant de centres
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canadiens d'éducation au diabète, tout en évaluant les
coûts en temps et en personnel. Le FDD est une intervention contrôlée randomisée de 12 mois pour la prévention
du diabète de type 2 axé sur les femmes ayant récemment
présenté un DG. Une attention particulière est également
accordée au style de vie familial. Le but est de montrer
de quelles manières les membres de la famille peuvent
influencer des comportements liés au style de vie chez
les personnes atteintes de diabète. La raison derrière
ces interventions axées sur les membres de la famille
immédiate des personnes atteintes de diabète repose sur
l'idée que, lorsqu'elles reçoivent l'aide de leur famille,
ces personnes sont souvent hautement opérationnelles.
Les sites participants incluent London, en Ontario ;
Calgary, dans l'Alberta ; et Victoria, en Colombie britannique. Le FDD a débuté en 2011 et l'intervention active
se terminera fin 2014. Cette étude repose notamment sur
des contacts par téléphone ou par e-mail sur une période
de 24 mois afin de s'enquérir de l'alimentation, de l'activité
physique et des mesures corporelles.
L'étude FDD analysera les résultats physiques, tels que la
perte de poids de la mère, l'HbA1c, et les mesures corporelles des participants et des membres de leur famille. Des
données secondaires importantes seront également évaluées, telles que l'engagement des membres de la famille,
la fréquence d'utilisation des supports électroniques et la
corrélation entre les résultats physiques et les paramètres
d'engagement de l'étude.
Étude de femmes atteintes de DG et de leur famille
Des femmes anglophones en surpoids atteintes de DG se
sont vu proposer de rejoindre l'étude. Les femmes randomisées dans le groupe de contrôle ont reçu des documents
récents sur la prévention du diabète de l'Association
canadienne du diabète. Celles du groupe de l'intervention
active se sont vu offrir :
■ Une participation à un séminaire d'une heure trois mois
après l'accouchement
■U
ne invitation à un groupe de marche hebdomadaire
dans des centres commerciaux, où les enfants étaient
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À FAIRE…

La plupart de vos courses alimentaires dans
les rayons extérieurs des épiceries ou des
supermarchés alimentaires, en évitant les
allées intérieures. Les produits complets sont
placés dans les allées extérieures. Il s'agit
des aliments les plus riches en fibres et en
nutriments. Leur couleur est également plus
naturelle.

Essayer de manger en famille au moins une
fois par jour. Les enfants qui mangent avec leur
famille ont moins tendance à être en surpoids.

Prendre chaque jour un petit déjeuner sain.
Les personnes qui prennent un petit déjeuner
ont moins tendance à être en surpoids.

Faire 30 minutes d'activité physique par jour
car cela contribue à prévenir le développement
du diabète de type 2. Les enfants ont besoin
de 60 minutes par jour.
Rendre les activités en famille amusantes pour
vous et vos enfants. Jouez ! Dansez ! Courez !
Osez faire preuve d'un peu de folie !
les bienvenus (babysitting assuré)
■U
n chèque cadeau après 15 marches en groupe
■ Des alertes bimensuelles par e-mail contenant des
astuces pour prévenir le diabète
■U
n accès au site web du FDD protégé par mot de passe,
proposant diverses informations sur les comportements
liés au style de vie et la prévention du diabète
La participation des membres de
la famille immédiate a également
été encouragée activement.
Le séminaire, le site web et les mises à jour électroniques
proposaient des messages simples et répétitifs conçus sur
un ton enthousiaste et divertissant. À titre d'exemple, les
messages encourageaient une perte de poids de 7 % après
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À NE PAS FAIRE…
Se laisser séduire par les emballages colorés ou
par les publicités pour des aliments fortement
transformés. Ces aliments sont pauvres en
nutriments et riches en lipides, en glucides et
en additifs - autant d'ingrédients nocifs pour
votre santé.
Ne pas croire que vos enfants ne regardent

pas ce que vous mangez. Ils vous observent
et voudront manger la même chose que vous.
Acheter des plats préparés. Même si vous

pouvez vous le permettre financièrement, les
plats préparés (y compris les sandwichs pour
le petit déjeuner) sont riches en lipides et en
sodium et pauvres en fibres, ce qui signifie que
vous ne vous sentirez pas repu après les avoir
mangés.
S'asseoir plus de 2-3 heures d'affilée. Bougez
et baladez-vous.
un an, une alimentation riche en fibres et pauvre en lipides
bénéfique pour toute la famille et 30 minutes d'exercices
quotidiens pour tous les membres de la famille.
Les groupes de contrôle et de l'intervention ont complété
des questionnaires les interrogeant sur leur connaissance
de la prévention du diabète et leurs habitudes en matière
de style de vie juste avant l'accouchement et trois, six et
douze mois après la naissance. L'HbA1c a été mesurée
trois et douze mois postpartum. Toutes les femmes ont
été encouragées à allaiter. Les membres de la famille
consentants des groupes de contrôle et de l'intervention
ont également été encouragés à participer de manière
active. Ceux qui ont accepté ont été interrogés sur leur
connaissance de la prévention du diabète, et notamment
sur les habitudes en matière d'alimentation et d'activité
physique. Des mesures corporelles ont été effectuées à
trois et douze mois. Les membres de la famille du groupe
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de l'intervention ont également eu accès à des supports
électroniques et à des mises à jour.
Données préliminaires
160 femmes ont accepté de participer à l'étude (81 pour
l'intervention et 79 pour le contrôle). Les femmes éligibles
qui n'ont pas participé avaient davantage tendance à
fumer et à avoir des antécédents familiaux de diabète
et un traitement sur prescription, et étaient moins susceptibles d'utiliser de l'insuline. Leur non-participation
s'expliquait notamment par un emploi du temps trop
chargé et leur indifférence à l'égard du risque personnel
de diabète de type 2. Ce taux de non-participation était
quelque peu inattendu car les femmes atteintes de DG
affirment généralement vouloir éviter le diabète de type 2.
Cette donnée est toutefois importante car elle montre
que, même au sein d'une population informée du risque
de diabète, bon nombre de personnes peuvent choisir de
ne pas participer. À l'avenir, les interventions au sein de
populations plus larges visant à prévenir le diabète devront
prendre en compte la probabilité de taux significatifs
d'indifférence et de désengagement à l'égard du processus
au sein du public cible. Des approches innovantes visant
à éveiller l'intérêt devront également être envisagées.
Des membres de la famille se sont inscrits au FDD,
quoique dans des proportions inférieures ; 25 des membres
de la famille de l'intervention ont accepté de participer
contre 19 des membres de la famille du contrôle. Dans
une certaine mesure, on s'attendait à un tel résultat. Les
membres de la famille, qui sont quelque peu en retrait
par rapport au traitement ou au vécu du DG, ne sont pas
toujours motivés à l'idée de participer à une enquête portant sur leurs habitudes en matière de santé personnelle. Il
convient de noter que, si certains membres de la famille,
en particulier les conjoints, sont réceptifs à l'adoption
d'un style de vie plus sain dans un effort pour soutenir
leur partenaire atteint de DG, ce n'est pas le cas de tous.
Une enquête plus ciblée sur les avis des membres de la
famille quant à leur rôle dans des interventions pour un
style de vie sain pourrait fournir des informations utiles
pour l'élaboration de programmes futurs.
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De multiples invitations et rappels ont été envoyés aux participants tout au long de l'année pour qu'ils se connectent
au site du FDD. Des taux d'accès au site de 41 % pour les
femmes de l'intervention et de 38 % pour les membres de
la famille de l'intervention ont été enregistrés. Les pages
consultées concernaient le plus souvent les domaines
suivants : la communauté, le séminaire du programme,
des liens, les aliments appropriés, l'allaitement du bébé et
la planification de la grossesse. La plupart des participants
au FDD ont accédé au site web à cinq reprises sur un an.
L'engagement ciblé au moyen d'un site web de prévention
du diabète s'est traduit par un taux d'adoption d'environ
40 %. L'équipe de l'étude a estimé que le développement
d'une présence électronique pour le programme FDD
élargirait les possibilités de partage des connaissances et
de soutien des comportements par le biais de liens vers
d'autres sites utiles. Elle était convaincue qu'un site web
attrayant serait une excellente façon de communiquer
des informations en matière de santé aux participants.
Malheureusement, le nombre de visites sur le site web
s'est avéré décevant. Au terme du projet, les données
recueillies permettront d'identifier les pages les plus
consultées, ainsi que la corrélation entre cet engagement
électronique et divers résultats quantitatifs tels que la
fréquence de l'activité physique, la durée de l'allaitement
et la perte de poids.
Prochaines étapes
Lorsque le FDD sera terminé et que tous les résultats
auront été analysés, nous proposons d'évaluer les activités
de l'intervention associées à des résultats positifs sur le
plan physique et du processus. L'idéal serait d'intégrer ces
aspects dans un programme de prévention du diabète de
type 2 pour le DG à l'intention des centres d'éducation au
diabète. Les résultats au niveau physique et du processus
du programme FDD pourraient par ailleurs servir de
base à des initiatives de prévention du diabète au sein
d'une population plus large, notamment : développement
de programmes éducatifs pour les femmes à risque de
développer le diabète de type 2, détermination de l'impact
de la participation de la famille à des degrés divers sur
l'adoption de comportements sains en matière de style
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de vie et démonstration du pouvoir des outils éducatifs,
notamment des supports électroniques, en termes de
renforcement des connaissances et des comportements
liés à un style de vie sain.
Ruth McManus, Lois Donovan, David Miller,
Isabelle Giroux, Michelle Mottola, Trisha Joy,
Charlotte McDonald et Patricia Rosas-Arellano
Ruth McManus est professeur de médecine au sein de la division
d'endocrinologie et de métabolisme du département de médecine de
l'Université de Western Ontario, à London, en Ontario, au Canada.
Lois Donovan est professeur agrégé clinique au sein de la
division d'endocrinologie et de du département d'obstétrique
et de gynécologie de l'Université de Calgary, au Canada.
David Miller est professeur assistant adjoint au sein du département de
médecine de l'Université de Victoria, en Colombie britannique, au Canada.
Isabelle Giroux est professeur agrégée pour un programme
de nutrition au sein de la faculté des sciences de la santé
de l'Université d'Ottawa, en Ontario, au Canada.
Michelle Mottola est professeur au sein de l'école de kinésiologie
du département d'anatomie et de biologie cellulaire de l'école
de médecine et de dentisterie Schulich de l'Université de
Western Ontario, à London, en Ontario, au Canada.
Trisha Joy est professeur assistante de médecine au sein de la division
d'endocrinologie et de métabolisme du département de médecine de
l'Université de Western Ontario, à London, en Ontario, au Canada.
Charlotte McDonald est professeur agrégée de médecine au sein de la
division d'endocrinologie et de métabolisme, du département de médecine,
de l'Université de Western Ontario, à London, en Ontario, au Canada.
Patricia Rosas-Arellano est coordinatrice de recherche du
projet Families Defeating Diabetes, au Canada.
Projet BRIDGES
Les familles pour lutter contre le diabète (FDD) : intervention
canadienne pour la prévention du diabète axée sur la famille après
un diabète gestationnel
Remerciements
Les chercheurs du FDD sont reconnaissants aux coordinatrices
de notre site pour leur enthousiasme et leur bonne humeur, à
savoir Kristen Barton (Calgary) et Karen Coles (Victoria).
Ce projet est soutenu par BRIDGES. BRIDGES est un programme
de la Fédération internationale du diabète financé par une bourse
éducative accordée par Lilly Diabetes.
Références
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in people with impaired glucose tolerance. The Da Qing IGT and diabetes study.
Diabetes Care 1997; 20: 534-44.
2. T
uomilehto J, Lindstrom J, Eriksson JG, et al. Prevention of type 2 diabetes
mellitus by changes in lifestyle among subjects with impaired glucose tolerance.
N Engl J Med 2001; 344: 1343-50.
3. Franks PW. Diabetes family history: a metabolic storm you should not sit out.
Diabetes 2010; 59: 2732-3.
4. Wroblewska-Seniuk K, Wender-Ozegowska E, Szczapa J. Long-term effects of
diabetes during pregnancy on the offspring. Pediatr Diabetes 2009; 10: 432-40.
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