Les pompes à insuline : retour vers le futur – Insulin pumps: Back to

Transcription

Les pompes à insuline : retour vers le futur – Insulin pumps: Back to
Dossier
thématique
…/…
Les pompes à insuline : retour vers le futur
Insulin pumps: back to the future
C. Fermon-Marcolin*
points FORTS
▲ Après des débuts balbutiants dans les années 1980, le traitement par
pompe à insuline a véritablement pris son essor au cours de la décennie
qui a suivi.
▲ Les progrès technologiques apportés aux matériels puis l’arrivée des
analogues rapides ont permis ce développement.
▲ Les études ont confirmé la supériorité de la pompe à insuline sur les
multi-injections.
▲ L’arrivée sur le marché des analogues lents a réduit l’écart, mais les
dernières études qui comparent les multi-injections à la pompe avec
analogues rapides de l’insuline laissent une longueur d’avance à cette
dernière, en particulier en ce qui concerne la stabilité glycémique.
▲ Les pompes à insuline, en ce début de troisième millénaire, se caractérisent par leur faible volume, les améliorations apportées aux cathéters, la sécurité du matériel et multiples fonctionnalités.
▲ Une meilleure exploitation des diverses fonctions de la pompe pourrait permettre d’améliorer les résultats métaboliques obtenus.
▲ Dans l’avenir, les améliorations devraient porter sur la miniaturisation du matériel et sur de nouveaux systèmes de diffusion de l’insuline.
▲ L’avenir proche est à l’évaluation en clinique de la première pompe
sous-cutanée couplée à un enregistrement continu du glucose. D’autres
modèles devraient arriver assez rapidement.
▲ La pompe implantée à diffusion intrapéritonéale s’est développée
parallèlement à la pompe sous-cutanée. Elle est une première étape vers
la cellule artificielle bêtapancréatique.
▲ L’insulinothérapie intensive par pompe à insuline a connu un développement important ces dernières années, et sa diffusion devrait se
poursuivre grâce aux progrès futurs ; il persiste toutefois d’importantes
disparités nationales.
▲ Le progrès technologique n’est pas le seul enjeu du développement
à venir : il est indissociable de la gestion du coût et d’une formation de
qualité des personnels soignants.
Mots-clés : Pompe à insuline – Insulinothérapie optimisée – Nouvelles
technologies – Pompes implantées – Pancréas artificiel.
Keywords: Insulin pump – Intensive insulin therapy – New technologies – Implanted pumps – Artificial beta cells.
* Clinique Marc-Linquette, CHRU de Lille.
14
Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (XI), n° 1, janvier-février 2007
L
a finalité du traitement du diabète de type 1 et de type 2 est
d’obtenir un strict contrôle
glycémique, le plus tôt possible
et de façon durable, tout en minimisant le risque d’hypoglycémie
sévère, mais aussi d’éviter une prise
de poids excessive, d’améliorer la
qualité de vie et, enfin, de retarder
ou de prévenir les complications
dégénératives.
Cet ambitieux programme a été
initié par l’étude DCCT, et confirmé
par l’étude de suivi EDIC.
Cette étude a consacré le terme
d’“insulinothérapie intensive” ;
toutefois, elle n’a pas répondu à
toutes ces exigences. Si l’effet bénéfique sur les complications dégénératives a été bien démontré, les
hypoglycémies sévères ont été plus
fréquentes dans le groupe “traitement optimisé” que dans le groupe
“traitement conventionnel”, et la
qualité de vie des patients n’a pas
été améliorée (tableau).
Depuis le DCCT, la pompe à insuline a été considérée comme un gold
standard de l’optimisation thérapeutique. Son usage s’est largement développé, mais il reste très
inégalement réparti, avec plus de
200 000 patients traités par pompe à
travers le monde en 2001, dont plus
de 160 000 aux États-Unis.
En 2005, si 20 à 25 % des diabétiques
américains de type 1 étaient traités
par pompe sous-cutanée à insuline
(soit 280 000 personnes), ils étaient
moins de 1 % en Grande-Bretagne
et environ 10 % en Allemagne et en
France, leaders en Europe.
Quant à la population de diabétiques
de type 2 insulinorequérants traités
par pompe, elle reste faible en Europe
(0 à 5 % des diabétiques de type 2).
Tableau. Avantages et inconvénients de l’insulinothérapie optimisée selon DCCT/EDIC.
Étude DCCT- EDIC
Insulinothérapie optimisée
Avantages
Inconvénients
Amélioration de l’équilibre glycémique
Fréquence accrue des hypoglycémies
modérées et sévères
Baisse de l’HbA1c
Prévention du développement de la
microangiopathie
“Mémoire métabolique”
Prévention de la survenue d’une HTA
Photo 1. Le Dr Arnold Kadish et son premier
prototype de pompe à insuline.
Des origines de la pompe
à insuline
La mise au point de pompes à insuline a débuté dans les années 1970
avec le développement de la
micro-électronique et l’apparition
des premières pompes médicales
(pompes à héparine).
Le premier prototype de pompe
d’Arnold Kadish – dans le style
“sac à dos” – est même antérieur,
puisqu’il date du début des années
1960. On mesure l’évolution du
matériel depuis cette époque jusqu’à
nos jours (photo 1).
La première génération de pompe
se présentait comme un pousse-
Prise de poids
Lourdeur du suivi
Absence d’amélioration de la qualité
de vie
seringue, d’abord intraveineux puis
sous-cutané, destiné à l’origine à une
utilisation au lit du malade. Avec les
toutes premières pompes, une dose
de base était envoyée toutes les 1, 2
ou 4 minutes, avec un choix d’incréments limité, et l’envoi d’un bolus
se faisait sous la forme d’une “dose
immédiate” ; le patient devait ensuite
penser à revenir en mode basal, car
la programmation était ainsi faite
qu’en cas d’oubli la pompe répétait
le même bolus avec la rythmicité
programmée pour la dose de base,
soit toutes les 1, 2 ou 4 minutes.
Pour l’anecdote, cette pompe de
taille non négligeable émettait un
signal lumineux rouge clignotant
lorsqu’elle était en activité, ce qui
valut à une patiente américaine de
se faire encercler dans un restaurant par les forces de l’ordre, qui
l’avaient prise pour une humanbomb.
La fiabilité limitée de ces premières
pompes et le manque d’expérience
ont été à l’origine d’incidents
voire d’accidents métaboliques,
parfois mortels, qui ont freiné l’enthousiasme et l’essor de ce mode
de traitement. Parallèlement, la
pompe s’est trouvée concurrencée
par l’avènement du stylo injecteur,
particulièrement en Europe.
La technicité a rapidement progressé
de la fin des années 1980 à la fin
des années 1990 vers des pompes
plus petites, plus sûres, avec une
programmation plus précise, en
adéquation avec l’optimisation
thérapeutique recherchée (photo 2).
Les pompes à insuline
au début du troisième
millénaire
Le regain d’intérêt pour la pompe
à insuline sous-cutanée auquel on
assiste depuis les années 1990 est
lié à la fois à des progrès technologiques – portant sur la pompe
elle-même mais également sur les
cathéters – et à l’avènement des
analogues rapides de l’insuline. La
commercialisation tardive des stylos
injecteurs aux États-Unis a probablement contribué à cette progression technologique de la pompe,
dans un marché où les firmes américaines sont leaders.
thématique
Dossier
Caractéristiques techniques
des pompes modernes (photo 3)
De dimensions réduites mais de
formes variables, elles ont un
volume de l’ordre de 70 à 90 cc et
une taille de 8 à 10 cm dans la plus
grande dimension. Elles se dissimulent aisément sous les vêtements et,
même lorsqu’elles sont visibles, leur
taille n’est plus un obstacle à l’heure
du téléphone portable. Leur poids
est en moyenne de 100 grammes.
Toutes ces caractéristiques en font
un outil acceptable, même pour de
très jeunes enfants.
Bien que résistantes à l’eau (norme
IPX8 ou IPX7 selon les modèles),
elles ne sont pas faites pour la
baignade prolongée, et moins encore
pour la plongée.
Les modèles les plus récents sont
alimentés par des piles AA de 1,5 V,
très répandues et peu coûteuses, ce
qui est très commode et représente
une forme de sécurité. Seuls les
modèles Accu-Chek® D-TRONplus
et MiniMed 508 utilisent des piles
différentes (respectivement, des
piles au lithium 3 V serties dans
un bouchon étanche, et trois piles à
l’oxyde d’argent).
Le réservoir d’insuline est spécifique à chaque modèle de pompe ; sa
Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (XI), n° 1, janvier-février 2007
15
Dossier
thématique
également compatible avec les
cartouches d’Insuman® Infusat.
Enfin, tous les modèles, sauf les
Paradigm ® Medtronic MiniMed,
sont compatibles avec tous les
cathéters à connexion standard de
type Luer-Lock. Les pompes Paradigm® ont une connexion spécifique
et n’acceptent que les cathéters de
même marque.
Les sécurités
Toutes les pompes modernes possèdent des alarmes sonores, visuelles
ou vibratoires. Parmi les différentes
alarmes, certaines sont présentes sur
tous les modèles : alarmes d’occlusion, de réservoir bas ou vide, de
pile faible ou épuisée.
D’autres alarmes peuvent être
présentes : alarmes de surdosage
(MiniMed 508, Paradigm ® ), de
rappel de bolus, de test de glycémie
(CoZmo®), de changement de set
d’infusion (CoZmo®).
Les pompes possèdent une option de
verrouillage du clavier de programmation (sécurité enfant).
Elles sont capables de stocker une
grande quantité d’informations, à
la fois sur la perfusion de l’insuline
(débit, bolus, débit temporaire) et
sur les alarmes, ce qui contribue à
la sécurité de l’outil.
Photo 2. La première génération de pompes.
Les modalités de la perfusion
La perfusion est adaptée aux
ex i g e n c e s d e l ’ o p t i m i s a t i o n
thérapeutique basal-bolus et aux
principes d’insulinothérapie fonctionnelle.
Photo 3. Les pompes actuelles.
contenance est de 150 à 315 unités
d’insuline selon les modèles, précision à connaître si l’on veut éviter
aux patients qui utilisent des doses
importantes d’insuline l’inconvénient de remplissages très fréquents.
Ces pompes peuvent recevoir indifféremment les insulines ordinaires
rapides ou les analogues rapides.
16
Actuellement, une seule pompe
utilise des cartouches préremplies d’Humalog® : l’Accu-Chek®
D-TRONplus. Cette particularité
explique sa forme et ses dimensions
légèrement plus importantes, mais
peut représenter un véritable avantage pour certains patients.
Le modèle Accu-Chek® Spirit est
Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (XI), n° 1, janvier-février 2007
◆ Le débit basal : la quantité mini-
male perfusée (incrément) varie
selon le modèle : 0,025 U/h (Animas IR12000), 0,05 U/h (CoZmo®,
et Paradigm ® ), 0,1 U/h (AccuChek ® Spirit et D-TRONplus et
Minimed 508).
La perfusion continue peut être
adaptée par tranches horaires d’une
demi-heure ou d’une heure sur une
période de 24 heures, et elle est mise
en mémoire de 0 h à 24 h (schéma
de base).
Deux à cinq schémas différents par
24 heures peuvent être programmés
et mis en mémoire.
thématique
Dossier
Insuline
1
◆ Le débit temporaire : le débit
temporaire permet de modifier la
perfusion d’insuline temporairement
sans changer le ou les schémas de
base mis en mémoire. Il se surimprime de façon temporaire au débit
en cours pendant une période et
avec une quantité d’insuline déterminées par le patient, puis la perfusion revient à son débit habituel.
Il permet de répondre à des changements occasionnels des besoins
en insuline. Il est très utile en cas
d’activité physique, par exemple.
Il s’inscrit dans l’historique de la
pompe.
◆ Le bolus : la fonction bolus est
utilisée lors des repas et en cas de
correctif d’insuline.
L’incrément le plus faible va de 0,05
à 0,1 unité selon les modèles.
Toutes les pompes disposent de
plusieurs types de bolus (figure 1) :
✓ le bolus immédiat (ou express, ou
flash) : toute la quantité d’insuline
programmée passe en un temps très
court (quelques secondes) ;
✓ le bolus carré (ou prolongé) : la
quantité d’insuline est envoyée sur
une période plus longue (30 min,
1 h…) ;
✓ le bolus combiné (ou mixte), qui
associe les deux précédents : une
partie de la quantité est envoyée en
immédiat, l’autre en carré, avec la
possibilité de choisir dans quelle
proportion et avec quelle vitesse.
Cette fonction est très utile lors de
repas copieux ou de repas gras et
chez les patients atteints de gastroparésie.
Les fonctions annexes
Toutes les pompes disponibles
en France possèdent un logiciel
spécifique qui permet de personna-
2
3
Temps
Figure 1. Bolus : immédiat (1), carré (2), combiné (3).
liser les fonctions de la pompe. La
plupart ont un assistant d’aide au
calcul des bolus repas ou des bolus
de correction.
Les pompes Roche Accu-Chek ®
peuvent également s’associer aux
lecteurs de même marque, et les
données transférées par infrarouge sur un ordinateur de poche.
La transmission des données peut
se faire aussi vers un ordinateur
de façon très simple par un Smart
Pix. Ce petit boîtier se branche sur
PC par port USB et n’implique
aucune installation de logiciel sur
le PC ; les données sont transférées par infrarouge et sont instantanément visualisées sur l’écran
(photo 4).
Les cathéters
Les premiers cathéters étaient
uniquement à aiguilles et non
déconnectables. Ils sont de moins
en moins utilisés, la plupart des
patients préférant les cathéters à
canule souple en téflon déconnectables, beaucoup plus confortables et
pratiques.
Il existe un nombre important de
modèles, et le choix du cathéter
ne doit pas être banalisé. À pose
perpendiculaire ou tangentielle au
plan cutané, avec des longueurs de
canule variables, il doit être adapté
au morphotype du patient, à la zone
de pose et au mode de vie.
Photo 4. Système Accu-Chek® Smart Pix.
Plus confortables que les cathéters
à aiguilles, les cathéters à canule
souple sont aussi plus fragiles. Il
convient donc d’être très vigilant
sur les apprentissages de pose. En
effet, une pose mal faite peut plier le
cathéter et entraîner une obstruction.
La plupart des cathéters à canules
souples sont fournis avec un système
inserteur, utile pour les patients
présentant une phobie des injections
ou simplement impressionnés par
l’aiguille guide. Par sécurité, il est
important d’apprendre au patient à
poser le cathéter sans l’inserteur.
Deux nouveautés sont apparues
récemment sur le marché français :
✓ le transfer set, inserteur adapté au
cathéter Accu-Chek® Rapid-D Link ;
✓ le Cleo™ Smiths (photo 5),
cathéter “tout en un” déconnectable,
Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (XI), n° 1, janvier-février 2007
17
Dossier
thématique
à canule souple perpendiculaire de
6 ou 9 mm, dont la mise en place est
facilitée par l’inserteur incorporé.
L’aiguille est à peine visible et se
rétracte après usage à l’intérieur de
l’inserteur. L’ensemble est à usage
unique et augmente donc le volume
des déchets liés aux soins.
Bénéfices du traitement
par pompe
La méta-analyse publiée par Pickup
en 2002 a permis de montrer la
supériorité de la pompe comparativement à un schéma en multi-injections associant NPH et insuline
ordinaire. Le bénéfice sur l’HbA1c
est de 0,5 % (1-3).
La méta-analyse de WeissergBenchell et al., publiée en 2003, a
conforté ce résultat. Elle a montré
également une réduction des besoins
en insuline sous pompe et, en
revanche, une tendance à la prise de
poids modérée mais significative (4).
L’utilisation d’analogues rapides
dans la pompe a permis d’améliorer
l’efficacité de celle-ci, comme l’ont
montré les études en crossover
(lispro versus insuline ordinaire),
avec une moindre variabilité glycémique (5).
Quelques études comparant la
pompe avec analogue rapide et
les multi-injections avec analogues rapide et lent sont maintenant
disponibles. Chez l’adulte, il ne
semble pas y avoir de supériorité de
la pompe en termes d’HbA1c, mais
une meilleure stabilité glycémique
sur les profils glycémiques (enregistrement continu par CGMS [continuous glucose monitoring system])
[6, 7]. En revanche, les études réalisées chez l’enfant et l’adolescent
montrent une nette supériorité de la
pompe sur les multi-injections glargine plus lispro ou asparte (8). On ne
dispose pas encore d’études comparatives avec l’insuline détémir.
Globalement, la pompe à insuline
reste aujourd’hui plus efficace que
18
techniques, mais avec lesquelles les
jeunes patients sont très à l’aise.
Dans le cas de la grossesse, le débat
est ouvert sur l’intérêt du recours à
la pompe. Il n’est pas démontré qu’il
soit systématiquement indiqué. On
notera que la moitié des patientes
qui ont bénéficié d’un traitement
par pompe durant la grossesse décident de le maintenir par la suite.
Photo 5. Cathéter Cleo™.
les multi-injections, même si les
différences sont moins marquées
avec l’utilisation des analogues
(9, 10).
Peut-on encore améliorer les résultats obtenus sous pompe avec les
outils disponibles aujourd’hui ? Il
est vraisemblable que la question à
cette réponse est oui (11).
La pompe est sans conteste le
meilleur traitement en cas de phénomène de l’aube. L’enregistrement
continu de la glycémie nous apporte
une aide précieuse au diagnostic, et
son utilisation peut nous permettre
de mieux le dépister et le traiter.
Les fonctionnalités des pompes
sont certainement sous-exploitées.
L’usage du bolus combiné est peu
développé ; or, il semble permettre
un meilleur contrôle post-prandial
de la glycémie, même en dehors de
situations particulières telles que la
gastroparésie.
Toutes les pompes modernes
possèdent des fonctionnalités qui
encouragent la pratique de l’insulinothérapie fonctionnelle – aide
au calcul des bolus repas et à celui
des bolus de correction –, mais
elles sont peu utilisées et peu enseignées. Paradoxalement, en France,
les équipes qui se sont initialement
investies dans le traitement par
pompe ou dans la pratique de l’insulinothérapie fonctionnelle ne sont
pas forcément les mêmes. La situation toutefois évolue rapidement et
nécessite sans doute un effort des
équipes soignantes, parfois réticentes à se former à l’utilisation
de ces fonctions qui paraissent trop
Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (XI), n° 1, janvier-février 2007
Les outils du futur
Une première étape
vers la boucle fermée ? (12)
Tout diabétologue investi dans le
traitement par pompe à insuline a
été sollicité par des patients désireux de tester un presque mythique
pancréas artificiel.
En finir avec les contraintes de
l’autosurveillance glycémique et ne
plus avoir à calculer la dose d’insuline font partie des espoirs des
diabétiques.
Une étape vers le pancréas artificiel ou la boucle fermée a été
franchie récemment avec la pompe
Paradigm ® Real-Time MiniMed
MedTronic.
C’est la première pompe possédant
un système de mesure du glucose en
temps réel mise sur le marché.
La pompe est couplée à un capteur
de glucose, et des mesures du taux
de glucose interstitiel sont effectuées
toutes les 5 minutes 24 heures sur 24.
Sur l’écran de la pompe s’affichent non seulement les fonctions
habituelles des pompes à insuline, mais aussi les courbes des
tendances glycémiques sur les 3 ou
les 24 dernières heures. Des flèches
indiquent sur l’écran les fluctuations
glycémiques.
Les alarmes (sonnerie ou vibration)
peuvent être réglées de façon individuelle.
Le systèmeParadigm® Real-Time
(photo 6) comporte quatre parties :
✓ un transmetteur par radiofréquence (photo 6D) ;
Remplissage du réservoir
Photo 7. Le système
Photo 6. Pompe Paradigm® Real-Time.
✓ un capteur de glucose identique
à celui utilisé avec le CGMS et le
Guardian (photo 6C) ;
✓ une pompe à insuline MiniMed
Paradigm® 522 ou 722 (photo 6A) ;
✓ un dispositif de perfusion identique à celui utilisé pour tous les
modèles Paradigm® (photo 6B).
Le système nécessite un étalonnage
au moyen d’une glycémie capillaire
toutes les 12 heures.
Séduisant sur le plan théorique, il
est aujourd’hui en cours d’évaluation clinique.
Un essai de boucle fermée chez
l’enfant va débuter prochainement
en Grande-Bretagne, mais il faudra
probablement attendre encore
plusieurs années avant qu’un tel
système soit commercialisé.
D’autres systèmes sont en cours de
développement ; l’information n’est
pas toujours facile à obtenir compte
tenu des enjeux financiers sousjacents.
D’autres sensors en cours de développement pourraient être couplés à
une pompe à insuline.
Les dispositifs de perfusion évoluent
également ; en témoigne l’OmniPod®.
Ce système non disponible en France
est très différent des pompes actuelles.
Il est constitué de deux éléments. Le
premier est une “pompe-patch”, autoadhésive. Celle-ci est remplie d’insuline et fixée à la peau ; la canule située
Pose du patch
Télécommande sans fil
OmniPod®.
sous la pompe s’insère automatiquement, et le système complet se
change tous les 3 jours. Le deuxième
élément est un communicateur sans
fil, le PDM (personal diabetes
manager), qui ressemble à un PDA.
Il comporte toutes les fonctions de
commande de la pompe à distance
ainsi qu’un lecteur de glycémie
Freestyle® (photo 7).
La dernière version de la pompe
Animas ® , l’IR1250, proche du
modèle IR12000, est disponible
aux États-Unis. Elle comporte en
sus une base de données diététiques, pour chaque repas. Prenant en
compte jusqu’à neuf aliments différents, la pompe évalue la quantité
d’hydrates de carbone consommée
par repas, puis calcule la quantité
d’insuline. Cette pompe n’a pas de
version française pour l’instant.
D’autres travaux se poursuivent dans
le domaine de la miniaturisation des
pompes, ainsi que dans le développement de cartouches d’analogue
rapide spécifiques aux pompes.
D’autres systèmes d’infusion (13),
faisant appel à d’autres technologies plus complexes, sont au stade
de prototype. Par exemple, un patch
d’insuline de la taille d’une petite
boîte d’allumettes, un système de
délivrance ultrasonique remplaçant
l’aiguille (Dr N.B. Smith, Penn State
University).
Et la pompe implantée ?
La pompe implantée est une alternative à la voie sous-cutanée. Elle
est indiquée en cas d’échec du traitement par pompe. Elle présente un
double intérêt : elle court-circuite
la voie sous-cutanée et possède
thématique
Dossier
une pharmacocinétique plus proche
de la physiologie, avec un premier
passage hépatique de l’insuline.
Elle est indiquée en cas de trouble
de la résorption sous-cutanée de
l’insuline et chez le patient qui
garde des hypoglycémies sévères
ou fréquentes.
La pompe est entièrement implantée
en sous-cutané, seul le cathéter étant
intrapéritonéal ; elle est programmée
de la même façon qu’une pompe
externe, mais à partir d’un communicateur externe sans fil. L’absence
d’élément externe est vécue positivement par les patients.
Son remplissage est effectué toutes
les 6 semaines avec une insuline
concentrée à 400 U/ml (l’Insuplant®) ; il s’agit d’un geste médical
effectué par des équipes entraînées.
Les pompes actuelles ont une durée
de vie d’environ 6 ans. Un tel outil
est réservé à l’adulte, son volume ne
permettant pas son utilisation chez
l’enfant.
Les essais de couplage à un sensor
implanté ont montré la faisabilité
d’un tel système. C’est une étape
vers la cellule bêta-pancréatique
artificielle (14).
La pompe implantée fait partie des
alternatives possibles en cas d’échec
thérapeutique, tout comme la transplantation d’îlots.
Un seul modèle de pompe implantée
est disponible, la MIP2007
MiniMed Medtronic (figure 2). Elle
est commercialisée en Europe, et la
récente mise sur le marché de l’Insuplant®, jusqu’alors utilisée dans
le cadre d’essais thérapeutiques,
devrait permettre un développement
de ce mode de traitement. Les futurs
modèles devraient, par ailleurs, être
de plus petit volume que les pompes
actuelles.
Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (XI), n° 1, janvier-février 2007
19
Dossier
thématique
Figure 2. Couplage de la pompe et du capteur implantés.
Conclusion
Les avancées ont été importantes
depuis la fin des années 1970
en matière de prise en charge du
diabète : développement de l’autosurveillance glycémique, des
pompes à insuline, intérêt de l’optimisation thérapeutique avec le
DCCT, apparition des analogues
de l’insuline rapides puis lents et,
enfin, regain d’intérêt pour la greffe
d’îlots après les premières publications du protocole d’Edmonton.
L’arrivée des analogues lents de
l’insuline et les résultats des greffes
d’îlots auraient pu laisser penser
que l’intérêt pour le traitement par
pompe allait décliner. Cela n’a pas
été le cas.
Les études récentes ont montré que
la pompe gardait une supériorité sur
les multi-injections.
Le confort du patient est certainement à prendre en compte. Le
diabète insuliné est une maladie
contraignante, et le désir d’optimisation thérapeutique du soignant
participe à ces contraintes. Peut-on
parler de succès thérapeutiques si
l’HbA1c est correcte mais que les
multi-injections sont vécues comme
un fardeau ?
La prescription d’un traitement par
pompe doit se faire dans le respect
des recommandations de l’Alfediam et en application des règles de
la liste des produits et prestations
remboursables, récemment modifiée, mais sans doute serait-il utile
de réactualiser les recommandations
en fonction des études récentes et
de la notion de qualité de vie des
patients.
4. Weissberg-Benchell J, Antisdel-Lomaglio J,
Seshadri R. Insulin pumptherapy: a meta-analysis. Diabetes Care 2003;26(4):1079-87.
5. Hanaire-Broutin H, Melki V, Bessieres- Lacombe V et al. Comparison of continuous
subcutaneous insulin infusion and multiple daily
injection regimens using insulin lispro in type 1
diabetic patients on intensified treatment: a randomized study. Diabetes Care 2002;23(9):1232-5.
6. De Vries JH. Will long acting insulin analogues
influence the use of insulin pump therapy in type 1
diabetes? Current Diabetes Reviews 2005;1:23-6.
7. Raskin P, Bode B, Marks J. Continuous subcutaneous insulin infusion and multiple daily
injection therapy are equally effective in type 2
diabetes: a randomized parallel-group 24-week
study. Diabetes Care 2003;26(9):2598-603.
8. Doyle EA, Weinzimer SA, Steffen AT et al. A
randomized prospective trail comparing the efficacy of continuous subcutaneous insulin infusion
with multiple daily injections using glargine. Diabetes Care 2004;27(7):1554-8.
9. Schade DS. Are insulin pumps underutilized in type 1 diabetes? No. Diabetes Care
2006;29:1453-4.
10. Pickup J. Point: are insulin pumps underutilized in type 1 diabetes? Yes. Diabetes Care
2006;29:1449-52.
11. Fisher LK, Halvorson M. Future developments in insulin pump therapy. The Diabetes
EDUCATOR 2006;32:47-52.
Références bibliographiques
1. Renard E. L’insulinothérapie intensive par
pompe. Nutrition, Diabète et Facteurs de risque
2006;4:153-8.
2. Pickup J. Continuous subcutaneous use of
insulin infusion at 25 years. Diabetes Care
2002;25:593-8.
3. Pickup J. Glycaemic control with continuous
subcutaneous insulin infusion compared with
intensive insulin injections in patients with type 1
diabetes: meta-analysis of randomized controlled
trials. Br Med J 2002;324:705.
12. Panteleon AE, Loutseiko M, Steil GM,
Rebrin K. Evaluation of the effect of gain on the
meal response of an automated closed-loop insulin
delivery system. Diabetes 2006;55(7):1995-2000.
13. King MJ, Badea I, Solomon J et al. Transdermal delivery of insulin from a novel iphasic lipid
system in diabetic rats. Diabetes Technology and
Therapeutics 2002;4:479-88.
14. Renard E, Costalat G, Chevassus H, Bringer J. Artificial ß-cell: clinical experience toward
an implantable closed-loop insulin delivery system. Diabetes Metab 2006;32:497-502.
…/…
20
Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (XI), n° 1, janvier-février 2007

Documents pareils