Le chauffage au bois: polluant, nocif ou pas

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Le chauffage au bois: polluant, nocif ou pas
Bois-Energie
Le chauffage au bois:
polluant, nocif ou pas ?
par Nora Pieret
ValBiom asbl1
se multiplient dans la presse. Présentation
des technologies nouvelles mais surtout
énergies renouvelables sont bien entendu
mises en avant. Le bois-énergie est bien
présenté par les médias comme une des
solutions pour le particulier en vue de réduire
sa facture énergétique tout en utilisant une
source renouvelable d’énergie. Toutefois,
l’attention est régulièrement attirée sur le
caractère soi-disant « polluant » et « nocif »
du chauffage au bois. Alors qu’en est-il
vraiment et comment réduire facilement ses
émissions ?
n La combustion du bois : de l’air
et une température élevée
La combustion du bois consiste en une réaction d’oxydation,
principalement du carbone et de l’hydrogène constitutifs du
bois. Elle se déroule en trois phases: évaporation de l’eau
contenue dans le bois (réaction endothermique), décomposition des éléments constitutifs du bois en gaz et combustion
des gaz (réaction exothermique), combustion du charbon de
bois (réaction exothermique). C’est une réaction globalement
exothermique qui ne peut se produire qu’en phase gazeuse.
Il en résulte l’émission principalement de vapeur d’eau et de
CO2.
Pour que les gaz s’enflamment, une température de plus de
700-800 °C doit être atteinte dans le foyer et 6 m³ d’air
doivent être apportés pour une combustion complète de 1
kg de bois. Les gaz doivent être mêlés le plus intimement
possible à l’oxygène et pendant une durée suffisamment
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1
ValBiom, chaussée de Namur, 146 – 5030 Gembloux
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L
’hiver approchant à grands pas, les
articles concernant le chauffage domestique
longue pour permettre une combustion complète de ceuxci. En pratique, toutes les molécules d’oxygène rencontrent
difficilement toutes les molécules à oxyder même si les gaz
sont intimement mêlés. L’air doit par conséquent être apporté
généralement en excès.
Les appareils à double combustion optimisent la réaction par
un second apport d’air préchauffé au niveau des gaz pour
une seconde inflammation de ceux-ci.
n Emissions de particules fines
La combustion incomplète du bois entraîne l’émission de CO,
NOx, COV (composés organiques volatiles), HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques), dioxines, furanes et de
poussières (Tableau 1).
Cette combustion de mauvaise qualité fait suite à l’utilisation
d’un bois humide ou à l’utilisation d’appareils vétustes à faible
rendement. En effet, utiliser du bois humide retarde la montée
en température du foyer: la chaleur produite est utilisée pour
évaporer l’eau présente dans le bois et la température du foyer
est insuffisante pour que les gaz émis ne s’enflamment.
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Les poussières sont réparties en 4 groupes en fonction de
leur diamètre:
- Les particules totales en suspension (TSP) : toute taille de
particule
- Les particules fines PM 10 de taille inférieure à 10 µm
- Les particules fines PM 2.5 de taille inférieure à 2.5 µm
- Les particules fines PM 1 de taille inférieure à 1 µm
Les particules fines représentent un risque pour la santé
car leur très petite taille ne permet par leur retenue dans les
narines ou la gorge mais leur confère la capacité de pénétrer
profondément dans l’organisme.
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Figure 1. Emissions de poussières de différents appareils (Adapté
de Collet, 2009).
Les poussières sont différemment impliquées dans les problèmes de santé en fonction de leur taille mais également
de leur composition. Une étude autrichienne montre que les
particules émises par les chaudières automatiques seraient
dix fois moins nocives que celles d’un moteur diesel alors que
celles émises lors d’une combustion incomplète seraient dix
fois plus nocives. La fraction la plus nocive des poussières
contient des suies et des composés organiques carbonés,
comme les Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques, très
nocifs. Cette fraction est émise lorsque la combustion du
bois est incomplète. Lorsque la combustion est optimum,
les particules fines émises sont composées de sels alcalins
peu nocifs.
Polluants
Effets sur la santé
Acroléine
Irritation des yeux et de l’appareil
respiratoire.
Formaldéhyde
Maux de tête, irritation de l’appareil
respiratoire. Probablement cancérigène.
associent qualité du combustible et technologie (rendement
élevé, système de nettoyage des fumées, etc.) ce qui leur
confère le taux d’émission de poussières le pus faible.
n Législation
Certains pays très consommateurs de bois-énergie et à forte
densité de population, comme les Etats-Unis et le Canada,
ont émis des normes sévères d’émissions. Ces normes sont
basées uniquement sur l’émission de particules fines, considérant que la présence des autres polluants est directement
liée à celle des poussières. Dans certains Etats, les appareils
ne répondant pas à ces normes ont été interdits.
Monoxyde de carbone Mortel à des concentrations
(CO)
élevées.
Oxyde d’azote (NOx)
Maladies respiratoires.
Dioxines et furanes
Probablement cancérigène.
Particules fines
(poussières)
Maladies respiratoires, stress cardiovasculaire, aggravation de l’asthme
et des autres maladies pulmonaires,
mortalité prématurée.
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Tableau 1. Principaux polluants émis lors d’une combustion incomplète du bois.
Le bois peut par conséquent participer à la pollution de l’air
lorsque la combustion a lieu dans de mauvaises conditions.
Utiliser un combustible sec et propre dans un appareil performant permet par conséquent de réduire les émissions. En
France, dans le secteur domestique, il est estimé que 95 % des
émissions polluantes sont dues aux appareils de chauffage
bois dans l’habitat individuel, avec 75 % des émissions du
secteur domestique provenant des appareils anciens (plus de
5 ans, rendement d’environ 60 %), 15 % des cheminées (rendement 10 %) et 10 % des appareils plus récents (rendement
de 80 à 90 %) (Figure 1). Les appareils à granulés de bois
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Composés organiques Maladies respiratoires. Certains COV
volatiles (COV)
(ex. : benzène) sont cancérigènes.
Il est possible de limiter légalement les émissions de particules
en légiférant la qualité de l’air. Ce contrôle, par l’aval, permet
ensuite de légiférer la qualité des appareils. En Europe, la
Directive Européenne 2008/50/CE du 21 mai 2008 fixe des
valeurs limites annuelle et journalière ainsi que des maxima
journaliers du taux de polluants dans l’air, entre autres les PM
10 et PM 2.5. La Directive doit être transposée par les Etats
Membres pour le 11 juin 2010. En ce qui concerne le contrôle
par l’amont, les normes en vigueur en Région wallonne pour
les chaudières de puissance inférieure à 300 kW et brûlant du
bois propre sont celles reprises dans la norme européenne
EN 303-5 sur base de la puissance de la chaudière et de son
mode d’alimentation. La norme fixe des limites d’émission pour
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le CO, les OGC 2 et les poussières. Seules les chaudières
respectant la norme européenne sont actuellement éligibles
à une prime de la Région wallonne. La réglementation des
émissions pour les puissances supérieures à 300 kW est
fonction de la puissance installée et du bois utilisé comme
combustible (propre ou considéré comme un déchet).
n Comment améliorer la combustion ?
Lorsqu’on possède un poêle plutôt ancien plusieurs solutions peuvent être envisagées pour réduire ses émissions.
Utiliser un bois sec et propre est primordial. Ensuite, le système Zumik®on (mis au point par Rüegg), par exemple, est
un électro-filtre à particules à positionner directement dans
le conduit d’évacuation des fumées pour les appareils de
puissance inférieure à 50 kW. Le système est assez coûteux
(1.400 e HT) mais permet de réduire les émissions de particules
fines de 60 à 90 % et peut être installé sur tout type de chauffage
au bois. Le prix serait dû à un marché actuellement peu étendu
(Photo 1). Ce dispositif est principalement commercialisé sur la
France et la Suisse mais serait disponible en Belgique.
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Photo 2. Technique de l’allumage inversé : les bûches de gros diamètre sont positionnées en premier lieu tandis que le petit bois et le
bois d’allumage sont disposés au-dessus du tas de bois. La combustion
s’effectue du haut vers le bas (Carcano, 2009).
possible. Dans le cas d’un système de chauffage centralisé,
l’utilisation d’un ballon tampon permet d’utiliser la chaudière à
sa puissance nominale et de stocker la chaleur en surplus pour
une utilisation ultérieure. Le ballon tampon est par conséquent
vivement conseillé.
n Conclusions
Plus un appareil de chauffage au bois est performant meilleure
est la combustion. Lorsque la combustion est de bonne qualité
et qu’un combustible sec et propre est utilisé, les quantités
de particules fines émises sont non seulement réduites
mais aussi moins nocives. Le bois engendre effectivement
des émissions polluantes mais la technologie des appareils
associée à des bonnes pratiques permet de les réduire
considérablement.
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Photo 1. Position de l’électro-filtre Zumik®on dans le conduit d’évacuation des fumées (Source Rüegg).
Une autre technique consiste à pratiquer l’allumage inversé
(ou top-down, Photo 2) en appareil individuel à bûche. En
effet, la manière dont on démarre un feu est déterminante
pour la qualité de la combustion. Il faut éviter la production de
fumée en obtenant une montée rapide en température. Cette
technique consiste à déposer les gros bois dans le bas du
poêle et le bois d’allumage en partie supérieure pour obtenir
une combustion du bas vers le haut. Cette disposition permet
en effet aux gaz résiduels dus à l’allumage de passer par la
flamme et sont presque entièrement brûlés.
Bien dimensionner son système de chauffage est également
important en vue de l’utiliser à sa puissance nominale en
continu. Les phases de démarrage et d’arrêt sont très productrices de fumées et doivent être minimisées autant que
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OGC : composés organiques gazeux.
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Par bonne pratique, est entendu assurer le bon fonctionnement des appareils en place par leur entretien régulier et le
ramonage du conduit d’évacuation des fumées et l’utilisation
d’un combustible propre et sec. Les appareils moins performants devraient être remplacés ou des techniques adaptées
utilisées (électro-filtre, allumage inversé). Les systèmes de
chauffage centralisés montrent des performances supérieures
mais l’utilisation d’un ballon tampon est vivement conseillée.
Le bon dimensionnement des appareils permet effectivement
d’éviter de fonctionner en sous-régime.
n Références
Aubert C., 2004. Poêles, inserts et autres chauffages au bois : les nouveaux
matériels, performants et économes. Terre vivante, Mens, France. 102 p.
Bioénergie International. Le point sur les particules fines. 8 p.
Carcano E., 2009. Chauffage au bois – Choisir un appareil performant et
bien l’utiliser. Terre vivante, Mens, France. 156 p.
CITEPPA, 2006. Emissions dans l’air en France-métropole-particules en
suspension. www.CITEPA.org
Collet S., 2009. Les émissions de polluants par les foyers domestiques.
Pollution atmosphérique, numéro spécial mars 2009 – Le bois énergie :
enjeux écologiques et de santé environnementale, 83-90.
Bois-Energie
Hulot J. (Bureau d’études IRCO, Facilitateur bois-énergie secteur entreprises), 2009. Note relative aux normes d’émissions des chaudières biomasse
applicables en Région wallonne. 6 p.
« Holzenergie-Symposium - Feinstaubminderung und Stromerzeugung
im Rahmen der zukünftigen Energieversorgung » le 20 Octobre 2006 à
l’université technique de Zürich.
NUSSB. 2006. Feinstaubbildung in Holzfeurung und Gesundheitsrelevanz
von Holzstaub im Vergleich zu Dieselruss - Emissions de particules fines
par les installations de combustion à bois et comparaison du risque sanitaire avec celui des particules issus de moteurs diesel. Norbert Klippel
und Thomas Nussbaumer, Verenum, Autriche. Publié à l’occasion du
Parlement européen et Conseil, Directive 2008/50.CE du 21 mai 2008
concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe. JO L152
du 11.06.2008, 42 p.
www.energie-bois.ch
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Le bois-énergie à l’honneur lors du salon Best Environnement
Le salon des prestataires Best Environnement s’est tenu
dernièrement aux halles des foires de Liège du 14 au 16
octobre 2009. Plusieurs thématiques ont été développées
lors de conférences se tenant en parallèle du salon d’exposition. Des experts se sont réunis pour discuter entre autres
de biométhanisation, énergie photovoltaïque, pompes à
chaleur, cultures énergétiques, etc. Le bois-énergie, quant
à lui, a été mis à l’honneur le 16 octobre via trois conférences et un espace « Porteurs de projets »:
© MiodragNikolic - Fotolia.com
1) Une foire aux questions
« Mise en place d’un
projet bois-énergie: de
la conception à la réalisation » (dirigée par M.
F. Flahaut, Fondation
Rurale de Wallonie, Facilitateur bois-énergie
sectreur public): cette
conférence visait à attirer l’attention sur les
points impor tants à
prendre en considération durant les différentes étapes de la conception et de la mise en œuvre d’un
projet bois-énergie. L’exposé a été largement illustré par
des exemples de bonnes et de mauvaises pratiques dans
la mise en place d’une chaufferie utilisant les plaquettes
de bois. Une attention toute particulière a été accordée
au dimensionnement du silo de stockage. Des experts
ont été conviés pour apporter des éléments de réponse
sur la qualité des plaquettes de bois, la mise en place
des réseaux de chaleur, le stockage des pellets, etc.
Plusieurs communes et entreprises étaient présentes
en tant que porteurs de projet pour venir présenter leur
chaufferie et partager leur expérience.
2) Une table ronde « Le bois-énergie et l’architecture » (dirigée par Mlle N. PIERET, ValBiom asbl, Facilitateur boisénergie secteur domestique): le but de cet échange était
de donner la parole aux architectes en leur permettant
de débattre des particularités à prendre en compte
lors de l’intégration du bois-énergie dans un projet
architectural. Qu’il s’agisse par exemple du stockage
du combustible, des arrivées d’air, de l’évacuation des
gaz de combustion ou encore de la combinaison avec
d’autres sources d’énergie
renouvelables, l’auditoire a
pu poser ses questions à
des experts présents pour
l’évènement. Trois bureaux
d’architecture sont venus
présenter des projets incluant le bois-énergie.
3) Une table ronde « Législation, qualité et mise
en œuvre » (dirigée par
M. J. Hulot, bureau d’études IRCO, Facilitateur
bois-énergie secteur entreprises): les porteurs de projet sont actuellement
confrontés à des difficultés, des questionnements lors
de la conception d’une chaufferie bois : les sous-produits
de la transformation du bois sont-ils des « déchet »
ou non aux yeux de la législation? Pour quelle raison
les cendres ne peuvent-ils pas être valorisés en tant
qu’amendement en Belgique? Quelle est la législation
au niveau des émissions ? Quelles sont les normes de
sécurité à respecter concernant les risques d’incendie?
Et bien d’autres questions encore… Pour tenter d’y
répondre, des membres du Service Public de Wallonie,
des chercheurs ainsi que des experts ont été conviés.
Le compte-rendu des présentations ainsi que des débats est disponible sur le site Internet du Portail de l’énergie de la
Région wallonne. La table ronde « Le bois-énergie et l’architecture » est détaillée sur le site Internet de ValBiom.
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