ANALYSE MICROECONOMETRIQUE DE LA CONSOMMATION

Transcription

ANALYSE MICROECONOMETRIQUE DE LA CONSOMMATION
Proposition de contribution pour la partie thématique du
Congrès annuel 2005 de la Société suisse d’économie et statistique :
« Economie des ressources naturelles, technologie et développement durable »
Zurich (CH), 17-18 mars 2005
ANALYSE MICROECONOMETRIQUE DE LA CONSOMMATION
RESIDENTIELLE D’EAU DANS UNE ILE TROPICALE :
Une approche technico-économique
par
Marie-Estelle BINET, Stéphanie
DURAND, Michel PAUL
Fabrizio CARLEVARO
Département d’économétrie
Centre de recherches économiques et sociales de
l’Université de La Réunion (CERESUR)
Université de Genève
UNI-MAIL, Boulevard du Pont d’Arve 40
15, Avenue René Cassin – BP 7151
CH-1211 GENEVE 4
F-97715 SAINT-DENIS Messag Cedex 9
e-mail : [email protected]
e-mail : [email protected]
Résumé
Cette contribution analyse les données d’une enquête par sondage réalisée à l’île de La
Réunion, à la demande de la Direction régionale de l’environnement (DIREN), dans le but
d’expliquer la surconsommation moyenne d’eau des ménages réunionnais par rapport à celle
de la France métropolitaine. Le modèle microéconométrique utilisé, décompose la
consommation d’eau, mesurée au compteur, selon les usages multiples que l’on fait de l’eau
dans un logement. Pour chacun de ces usages, le modèle rend compte du niveau de
consommation d’eau par une logique technico-économique qui distingue trois déterminants
principaux : (1) la capacité des équipements consommateurs d’eau présents dans le
logement ; (2) l’efficacité technique de ces équipements, mesurée par leur consommation
spécifique d’eau, i.e. par unité de service rendu ; (3) l’intensité d’utilisation des équipements
pendant la période du relevé. Les deux premiers déterminants sont supposés observables
tandis que le troisième est modélisé en fonction d’indicateurs des activités qui se déroulent
dans le logement. L’hétérogénéité du comportement des ménages et de certains de leurs
équipements non observés, est introduite dans le modèle au travers d’une structure à erreurs
composées des perturbations ou de coefficients aléatoires. Le modèle est spécifié selon une
résolution temporelle journalière, afin de rendre compte de consommations d’eau portant sur
des périodes de relevé infra-annuelles, très variables.
Classification JEL : C23, Q21, Q25
Mots clé : consommation résidentielle d’eau ; gestion de l’eau ; analyse technicoéconomique ; économétrie des données de panel non cylindrées ; agrégation temporelle.
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1. INTRODUCTION
De par ses multiples fonctions, l’eau, plus que toute autre ressource naturelle, appelle la
mise en place d’une politique de gestion durable de cette ressource, garante de sa permanence
tant quantitative que qualitative. Cette exigence s’impose à fortiori dans un milieu insulaire,
comme celui du Département français d’outre mer de La Réunion, où la ressource en eau,
quoique abondante, est soumise au stress de la croissance urbaine, en raison de son inégale
répartition spatiale et temporelle.
Petite île de l’océan indien, d’environ 2500 km2, La Réunion est soumise à un climat
tropical océanique humide : à l’hiver austral (de mai à novembre) correspond un temps frais et
sec, tandis qu’à l’été austral (de décembre à avril), correspond un temps chaud, humide et
pluvieux, avec risque cyclonique. Par ailleurs, la pluviométrie diffère sensiblement dans
l’espace : le Nord-Est de l’île, soumis aux alizés, reçoit 70% des précipitations totales, alors
que le Sud-Est reçoit moins de 2 mètres d’eau par an. La population de l’île (environ 700 000
habitants) est jeune (40% a moins de 20 ans) et la croissance démographique y est forte.
Aussi, l’urbanisation de l’île est rapide, notamment parce que 85% de la population vit sur la
bande côtière qui concentre la plupart des activités tertiaires et industrielles. De surcroît, cette
urbanisation se développe principalement dans les régions du Nord et de l’Ouest, où se
trouvent les pôles d’activités et d’emplois en raison de la présence des infrastructures
aéroportuaire et portuaire.Toutes ces raisons expliquent que si, à l’échelle de l’île, la dotation
en eau est suffisante pour satisfaire les différents usages de cette ressource, en période
d’étiage, les régions de l’Ouest et du Sud se trouvent dans une situation de déficit chronique
leur empêchant de couvrir les besoins en eau d’une grande partie de la population de l’île.
Dans ce contexte, le Département de La Réunion, en partenariat avec l’Etat français et le
collectivités locales, a mis en place une politique de gestion globale de l’eau basée sur la loi
française sur l’eau du 3 janvier 1992 (reprise dans le Code de l’environnement du 18
septembre 2000), destinée à sécuriser l’avenir de l’eau à La Réunion. Cette gestion globale de
l’eau s’appuie sur plusieurs actions, à savoir :
•
Le Programme Départemental de Recherche Eau , visant la recherche de nouvelles
ressources au travers d’un volet « études » et d’un volet « forages ».
•
L’Observatoire Réunionnais de l’Eau, dont la fonction est d’inventorier les ressources en
eau et les évènements hydrologiques pour assurer un monitorage de la ressource eau.
•
Le Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE), qui fournit un
cadre juridique et administratif approprié pour afficher la politique de l’eau et engager les
actions concrètes. Les grands thèmes du SDAGE de La Réunion sont : (1) la gestion
quantitative de l’eau ; (2) la gestion qualitative de l’eau ; (3) la gestion et la protection des
milieux aquatiques intérieurs et littoraux ; (4) la gestion des risques liés à l’eau ; (5) la
gestion des données sur l’eau ; (6) l’organisation de la gestion de l’eau. Pour chacun de
ces thèmes le SDAGE établit un diagnostic, des orientations fondamentales et des
mesures opérationnelles, elles-mêmes concrétisées sous la forme d’actions concrètes.
Réalisée en 1997 dans le cadre de l’action 85 du SDAGE, consacrée aux modes de
consommation individuels et collectifs de l’eau, une étude a mis en évidence l’existence
d’une surconsommation d’eau à La Réunion, soit une consommation de 0,246
m3/jour/habitant contre 0,145 m3/jour/habitant en France métropolitaine. Pour expliquer ce
résultat global, la Direction Regionale de l’Environnement (DIREN) de La Réunion a chargé
le Centre de recherches économiques et sociales de l’Université de La Réunion (CERESUR)
de réaliser une étude des modes de consommation d’eau à La Réunion visant à :
2
•
mesurer la consommation domestique, au sens strict, en écartant les consommations
intermédiaires au titre du secteur formel et informel, ceci afin de préciser l’importance
quantitative de la surconsommation d’eau;
•
expliquer les déterminants de la consommation d’eau dans le secteur résidentiel,
notamment le rôle respectif joué par les usages, les équipements (entendus au sens large)
et les comportements des individus, dans la surconsommation d’eau, cela dans le but de
mettre en évidence des mesures d’utilisation rationnelle de la ressource eau, permettant de
réduire son gaspillage.
L’étude a débuté au printemps 2002 par une étude de faisabilité visant à préciser la nature
et l’ampleur de l’enquête par sondage à mettre en place pour collecter les informations
exigées pour répondre aux objectifs du mandat. Terminée en octobre 2003, cette étude de
faisabilité préconisait l’utilisation d’un sondage en deux phases, dont la première a été
réalisée pendant l’été 2004.
Notre contribution s’attache à présenter la méthodologie économétrique d’analyse des
données de l’enquête, développée pour répondre aux objectifs du mandat de la DIREN, et à
l’appliquer aux données collectées dans le cadre de l’enquête de première phase.
2. MODELISATION DE LA CONSOMMATION JOURNALIERE D’EAU
Notre modèle décompose la consommation journalière totale d’eau dans un logement
donné, notée Yi(t), où i désigne l’indice du logement et t celui du jours, d’après les h=1,…,H
usages distincts que l’on fait de l’eau dans un foyer domestique. Cette décomposition est
exprimée par l’identité suivante :
H
Yi(t) = ∑ Yih(t)
h =1
(1)
où Yih(t) désigne la quantité d’eau consommée dans le logement i, pendant le jours t, pour
l’usage de type h.
A son tour, la consommation d’eau par usage, est décomposée d’après l’identité suivante :
Yih(t) = Uhi(t) Eih Chi
(2)
qui met en évidence les trois déterminants principaux de la consommation d’eau, à savoir :
•
la capacité des équipements utilisateurs d’eau, i.e. le flux journalier maximum de
prestations de type h que peuvent produire ces équipements, Cih ;
•
la consommation spécifique ou unitaire d’eau des équipements, i.e. leur consommation
journalière pour produire une unité de prestations de type h, Eih ;
•
l’intensité d’utilisation des équipements, i.e. leur taux de fonctionnement journalier,
U hi(t) .
Ce cadre d’analyse technico-économique a pour intérêt de mettre en évidence trois façons
concrètes par lesquelles on peut réduire la consommation d’eau. La première consiste à
diminuer l’intensité d’utilisation des équipements du ménage. La deuxième passe par une
réduction de la consommation spécifique des équipements, à travers une intervention qui
améliore l’efficacité technique des équipements du ménage ou par un remplacement de ces
3
équipements par des équipements de même capacité mais ayant une consommation spécifique
plus réduite. Enfin, une troisième façon de réduire la consommation d’eau consiste à diminuer
la capacité des équipements à produire des prestations. Ces moyens de réduire la
consommation résidentielle d’eau, peuvent être qualifiés de mesures de gestion rationnelle
de l’intensité d’utilisation, de l’efficacité technique et de la capacité des équipements,
respectivement.
Des identités (1) et (2), on déduit un modèle économétrique d’analyse de la consommation
journalière totale d’eau, Yi(t), en modélisant les déterminants principaux non observés
figurant dans la relation technico-économique (2), à l’aide de relations paramétriques qui les
expriment en fonction d’un ou plusieurs facteurs explicatifs exogènes. Ainsi, dans le cas où
les déterminants principaux Eih et Cih sont observés, tandis que U hi(t) ne l’est pas, on écrira :
Uih(t) =
Kh
∑ βhk xihk(t) + εih + εih(t)
(3)
k=1
avec
xihk (t)
facteur explicatif exogène
βhk
paramètre
εih
perturbation aléatoire centrée, traduisant l’hétérogénéité des ménages en matière
d’intensité d’utilisation des équipements pour les prestations de type h
εih(t)
perturbation aléatoire centrée traduisant, l’impact des facteurs non explicités qui
influencent l’intensité d’utilisation des équipements pour les prestations de type h
dans le temps.
En remplaçant successivement (3) dans (2), puis le résultat de cette substitution dans (1),
on obtient le modèle de régression :
H Kh
Yi(t) = ∑ ∑ βhk Xihk(t) + εi(t)
h=1k =1
(4)
avec
Xihk(t ) = xihk(t) Eih Cki
et
H
εi(t) = ∑ (εih + εih(t)) Eih Chi .
h =1
(5)
Une spécification analogue du modèle économétrique de la consommation journalière
d’eau sera obtenue si certains des deux autres déterminants principaux doivent être modélisés,
parce qu’ils ne sont pas observés.
3. MODELISATION DE LA CONSOMMATION OBSERVEE D’EAU
Les consommations résidentielles d’eau de l’enquête DIREN, ne sont pas observées sur
une base journalière, mais pour des durées de temps variables selon le foyer domestique
enquêté. Soit ∆ = [t 0;t1] une telle période d’observation, où t 0 et t1 désignent les jours de
début et de fin de la période d’observation. La consommation d’eau observée pendant une
telle période est, par définition :
4
t1
Yi(∆) = ∑ Yi(t) .
(6)
t =t 0
Le modèle économétrique explicatif de cette observation, se déduit donc du modèle
économétrique journalier (4)-(5), par simple agrégation temporelle de ce modèle sur la
période pluri-journalière ∆. On obtient ainsi :
H Kh
Yi(∆) = ∑ ∑ βhk Xihk (∆) + εi(∆)
h=1k =1
(7)
avec
t
1
Xihk(∆) = ∑ Xihk(t) = xihk(∆) E hi Cik
t= t
t1
xihk (∆) = ∑ xhk
i (t)
t =t
où
0
(8)
0
et
t1
t
H
εi(∆ ) = ∑ εi(t) = ∑ (d(∆ )εhi + εhi(∆)) E ih Cih
t =t
h =1
où
0
1
d(∆)=t1−t 2 et εih(∆) = ∑ εhi (t) .
t =t
(9)
0
Notons que si le facteur explicatif exogène xihk (t) ne varie pas pendant la période
d’observation ∆, i.e. si xihk (t) = xihk , on obtient : xihk(∆) = d(∆) xihk .
La relation (7) permet de formuler le modèle linéaire général sur lequel fonder l’estimation
des paramètres βhk à partir d’un échantillon d’observations :
hk
Yit = Yi(∆it ) , Xhk
it = Xi (∆it ) ,
t =1,...,Ti , i=1,...,n
(10)
où ∆it , t =1,...,Ti , sont les périodes d’observation disponibles pour le ménage i. En écriture
matricielle, ce modèle s’écrit :
y = Xβ + ε
(11)
avec
y
n
vecteur colonne des ∑ Ti observations Yit
i =1
n
H
n
H
X matrice ∑ Ti × ∑ K h dont les colonnes sont les ∑ Ti observations des ∑ K h paramètres
i =1
h =1
i =1
h =1
βhk
ε
n
vecteur colonne de ∑ Ti perturbations εit = εi(∆it ) .
i =1
L’estimation de ce modèle sera réalisée par une méthode des moindres carrés généralisés
réalisables, qui sera présentée dans la version finale de notre contribution.
4. APPLICATION AUX DONNEES DE L’ENQUETE DIREN DE PREMIERE PHASE
Cette application sera développée dans la version finale de notre contribution.
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