Crédits immobiliers aux particuliers : nouveau cadre juridique.

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Crédits immobiliers aux particuliers : nouveau cadre juridique.
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Mardi 29 mars 2016
Crédits immobiliers aux particuliers : nouveau cadre juridique.
Transposition de la Directive dans le Code de la consommation et dans le Code monétaire.
Les liens intimes entre la qualité des normes juridiques et l’efficacité d’un marché ne sont plus
à démontrer. Les crédits aux particuliers, notamment immobiliers, forment un marché de masse.
C’est dire que la parution, par épisodes, du très attendu nouveau Livre Troisième (Endettement),
Titre I (Crédit), Chapitre III (Crédit immobilier) du Code de la consommation, porte des enjeux
de première importance (Ordonnance n°2016-351 du 25 mars 2016).
Ce « Livre » Troisième présente une tranche épaisse du Code de la consommation et transpose
la Directive européenne sur les crédits immobiliers (MCD « Mortgage Credits Directive »,
après CARRP). Cette Directive rassemble des dispositions très variées, presque disparates :
taux effectif, obligations précontractuelles, éducation financière des emprunteurs, évaluation
des biens immobiliers, mais également, cadre juridique des distributeurs de crédits, IOBSP,
Courtiers et Mandataires en crédits. Elle explore toutes les dimensions du crédit immobilier,
avec un angle fort ouvert sur leur distribution, garantie d’un « niveau élevé de protection des
consommateurs ».
Formant un texte essentiel du point de vue de la protection des emprunteurs il se veut
indispensable à l’équilibre et à la qualité du marché du crédit immobilier. Avant même la
parution des dispositions réglementaires, qui seront essentielles, voici le cadre législatif, posé
par voie d’Ordonnance. Il apporte déjà un dessin global- avec des insuffisances conceptuelles
dont la Jurisprudence future ne manquera pas d’hériter.
Un cadre d’exercice unifié pour la distribution bancaire, mais des obligations divergentes à
délivrer aux consommateurs : voici le nouveau régime du droit du crédit immobilier.
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1 – Des fondements juridiques précisant et renouvelant
profondément le droit du crédit immobilier.
Le marché des crédits immobiliers forme un incontestable marché de masse, désormais doté
d’un nouveau cadre juridique, dont les grandes lignes attendent d’essentielles précisions par
Décret.
1.1. Un marché de masse. Le marché des crédits figure indubitablement parmi les grands
marchés de masse en France : près de 1.055 milliards d’euros d’encours, à fin 2015, avec une
production mensuelle de l’ordre de 15 milliards d’euros (même, avec des points à plus de 20
milliards d’euros, à deux reprises, durant l’année 2015 ; Banque de France, Stat Infos, 5 février
2016).
Près d’un ménage sur trois (30,2 %, en 2015) détient un crédit immobilier (Observatoire des
crédits aux ménages, 28e rapport, 2015), soit, sans doute, près de vingt millions de français. Ce
taux ne progresse plus, signe d’une certaine atonie de ce marché, masquée par les renégociations
inspirées par la baisse des taux longs.
Sa réglementation remontait principalement à 1979 (Loi 79-596 du 13 juillet 1979).
Partie d’une analyse plutôt lucide des accidents du crédit immobilier, aux Etats-Unis comme en
Europe, sur fonds de « subprimes » terribles pour l’économie mondiale, l’élaboration de la
Directive a débuté en 2011, pour être votée le 4 février 2014 (Directive 2014/17/UE : http://eurlex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32014L0017&from=fr)
Cinquante articles exactement, trois annexes, cinquante pages : la Directive portant « sur les
contrats de crédits aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel »
s’insère donc en Droit bancaire français, en entrant dans les Codes, celui de la Consommation,
ou le Code monétaire et financier.
1.2. Nouvelles codifications du droit du crédit immobilier aux particuliers. Pour réaliser le
délicat exercice de transposer ces dispositions en Droit national, la France a choisi de procéder
par Ordonnance et par Décret, sans dispositif ouvert de consultations. Opaque, fermé et
incroyablement lent, ce processus est catastrophique du point de vue de la qualité du processus
normatif. Un choix regrettable.
Ce travail se traduit par le renouveau du Code de la consommation ; celui-ci a d’abord subi un
toilettage (Ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, pour la partie législative :
https://www.legifrance.gouv.fr/eli/ordonnance/2016/3/14/EINC1602822R/jo/texte),
aménageant son plan par un nouvel ordonnancement de ses « Livres ». Plus de mille (1.087)
articles législatifs sont désormais ventilés dans huit « Livres », au lieu de cinq auparavant.
Le mouvement entraîne une nette mutation, pour ce Code, né en 1993 avec l’idée de codifier le
droit de la consommation (Loi 93-949 du 27 juillet 1993).
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Simultanément, parmi ce millier d’articles au service de la protection des consommateurs, voici
une autre transformation, celle du crédit immobilier ; il se présente donc au « Livre III » du
Code de la consommation, Titre I et Chapitre III de ce Code. Les dispositions le concernant
débutent avec le nouvel article L. 313-1 du Code de la consommation. Elles sont posées par
l’Ordonnance n°2016-351 du 26 mars 2016, pour la partie législative (JORF n°73, du 26 mars
2016, faisant suite à l’article 14 de la Loi n°2014-1662 du 30 décembre 2014, autorisant le
Gouvernement à prendre ces mesures législatives par la voie réglementaire. Lien :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do;jsessionid=BC3792A86BD83A71DA26810E9
E456F20.tpdila15v_2?cidTexte=JORFTEXT000032294277&dateTexte=&oldAction=rechJO
&categorieLien=id&idJO=JORFCONT000032294004) ; le Décret précisant les modalités de
ces dispositions législatives est attendu. Elles seront déterminantes.
L’article L. 311-1 de ce Code présente des définitions juridiques utiles. Le crédit à la
consommation s’inscrit à partir de l’article L. 312-1. Le crédit immobilier est codifié aux
articles L. 313-1, et suivants, L. 314-1 et suivants.
Le traitement de situations de surendettement est placé au Livre VII (article L. 711-1 et
suivants).
Les sanctions civiles ou pénales relatives aux infractions en crédit figurent aux articles L. 3411 et suivants du Code de la consommation. Elles sont classées soit par type de produits (par
exemple : art. L. 341-21 et suivants, pour le crédit immobilier), par nature d’obligations ou
encore, par nature de professionnel bancaire (par exemple : article L. 341-2 pour les sanctions
civiles et pénales touchant les activités des Intermédiaires, les IOBSP). Pour ne prendre qu’un
exemple, le prêteur qui accorde un crédit sans communiquer à l'emprunteur la fiche
d'information standardisée européenne (FISE, art. L. 313-7 du Code de la consommation)
« peut être déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge » (art.
L. 341-26 du Code de la consommation). Les sanctions pénales peuvent affecter directement
les distributeurs personnes physiques, auteurs des infractions (art. L. 341-33 et L. 341-44 du
Code de la consommation).
Le Code monétaire et financier voit également nombre d’articles modifiés, principalement pour
la partie traitant des Intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement, ou
IOBSP. Apparaissent ainsi l’article L. 519-1-1 sur le conseil indépendant en crédit, l’article L.
519-6-1 sur la rémunération du conseil indépendamment de toute mise à disposition de fonds,
ou les articles L. 519-7 et suivants, sur le « passeport européen » proposé aux IOBSP pratiquant
le crédit immobilier.
Avec l’émergence d’un cadre juridique commun à tous les crédits aux particuliers (après la
Directive 2008/48/CE du 23 avril 2008, Loi n°2010-737 du 1er juillet 2010, relatives aux crédits
à la consommation), les crédits aux particuliers bénéficient justement d’un chapitre commun,
posant les définitions juridiques, au nombre de douze. La notion « d’opération de crédit » est
commune aux crédits à la consommation et aux crédits immobiliers, étant : « un contrat en
vertu duquel un prêteur consent ou s'engage à consentir à l'emprunteur un crédit, relevant du
champ d'application du présent titre, sous la forme d'un délai de paiement, d'un prêt, y compris
sous forme de découvert ou de toute autre facilité de paiement similaire, à l'exception des
contrats conclus en vue de la fourniture d'une prestation continue ou à exécution successive de
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services ou de biens de même nature et aux termes desquels l'emprunteur en règle le coût par
paiements échelonnés pendant toute la durée de la fourniture » (nouvel article L. 311-1 du
Code de la consommation). Le prêt renvoie, quant à lui, à sa définition du Code civil ou du
Code monétaire et financier.
Le champ d’application vise tous les crédits immobiliers aux particuliers (les crédits à vocation
professionnelle sont exclus de ce régime), quels que soient leur montant et leur finalité ; les
crédits pour travaux, non garantis par une hypothèque, supérieurs à 75.000 euros, seront
désormais des crédits à la consommation (nouveaux articles L. 312-4 2° et L. 313-1 1° c du
Code de la consommation).
1.3. Des principes unificateurs. La Directive présente d’abord une série de dispositions qui
visent foncièrement à améliorer la protection des emprunteurs en crédits immobiliers. Comme
pour le crédit à la consommation, depuis 2010, les nouvelles normes consacrent le triptyque
« obligation d’information, obligation d’explication (ou de « mise en garde ») et obligation de
conseil », schéma qui devient référent, en distribution bancaire et financière. Comme les trois
mousquetaires, ces obligations sont au nombre de quatre, puisqu’une obligation de présentation
préalable incombe au professionnel (cf partie 3).
La Directive précise les actes spécifiques qui matérialisent la délivrance de ces nouvelles
obligations. Mais en conférant toutefois à cet ensemble un mauvais équilibre.
Elle devait être transposée le lundi 21 mars 2016. Ignorant de ce délai, le nouveau droit du
crédit immobilier inscrit au Code de la consommation entre en application progressivement
(article 13 de l’Ordonnance n°2016-351 du 25 mars 2016), en cinq étapes, selon les dispositions
concernées. Soit au 1er juillet 2016 (principe général), soit au 1er octobre 2016 (publicité,
information générale et précontractuelle -hors FISE-, prêts en devises étrangères et TAEG), soit
le 1er janvier 2017 (FISE), soit le 20 mars 2017 (formation continue des IOBSP), soit encore le
21 mars 2019 (formation des distributeurs des prêteurs).
Toutefois, conformément au droit européen, les obligations de la Directive cumulativement
précises, claires, inconditionnelles, et n’appelant pas de mesures complémentaires, sont d’effet
direct depuis le lundi 21 mars 2016 (CJUE, Van Gend & Loos, 5 février 1963 affaire 26/62,
Ratti 5 avril 1979 affaire 148/78 et Becker, 19 janvier 1982 affaire8/81), ce principe valant
même pour une Directive non transposée dans le délai imparti (CJUE, Van Duyn, affaire 41/74
4 décembre 1974). Cet effet direct porte sur d’éventuelles actions de particuliers contre l’Etat
(effet direct vertical ascendant). Il affecte d’évidence la FISE et le TAEG.
Ces dispositions nouvelles se traduisent, en tout premier lieu, par un mouvement
d’harmonisation du cadre juridique de la distribution bancaire, dont les principes s’étendent à
toute activité de distribution, que celle-ci émane d’un prêteur ou d’un Intermédiaire.
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2 – L’alignement positif et volontariste du cadre de la distribution
bancaire, pour tous les distributeurs, Intermédiaires ou prêteurs.
Il est particulièrement positif que la Directive, avec les nouveaux articles du Code de la
consommation, fasse évoluer les normes en tenant enfin compte de la transformation active de
la distribution bancaire et de la place des IOBSP dans celle-ci. Le couple « compétence /
rémunération » introduit l’axe du cadre commun d’exercice de la distribution bancaire.
Ainsi, un pas notable est franchi pour harmoniser le cadre d’exercice de tous les distributeurs,
qu’ils soient IOBSP ou également prêteurs. Ceci va dans le bon sens, celui de l’équilibre du
marché et de la protection des consommateurs, en dépit d’oublis notables.
2.1. Homogénéité du cadre juridique de la distribution bancaire. Le temps est révolu, où la
distribution des crédits immobiliers s’effectuait banque par banque, directement, à des
emprunteurs priés de bien vouloir prendre le temps de faire le tour de la place. La
commercialisation des crédits immobiliers aux particuliers est désormais en partie assumée par
des professionnels de la distribution bancaire, les IOBSP, Courtiers en crédits, Mandataires de
banques ou Mandataires des premiers et des seconds (articles L. 519-1 et suivants, du Code
monétaire et financier). La distribution bancaire constitue une activité économique en soi,
partagée par les prêteurs et par les Intermédiaires.
La Directive distingue les Intermédiaires indépendants, les Intermédiaires liés (à un
établissement prêteur) et les prêteurs agissant en tant que distributeurs.
Le Code de la consommation s’adapte enfin à ce marché, en posant le principe que les mêmes
normes doivent s’appliquer à l’acte même de distribution ; il régit ainsi des opérations ou des
actes identiques, plutôt que des statuts. Il se place en phase avec le Code monétaire et financier
qui présente, depuis une dizaine d’années, ses normes en premier lieu à partir des opérations,
bancaires ou financières, et non des acteurs qui les pratiquent, définis en second niveau.
La Directive et les nouveaux articles du Code de la consommation remplacent, pour l’essentiel,
une législation de 1979 et de 1993 (avec leurs remodelages), prenant acte des transformations
de la distribution bancaire accomplies depuis plus de quarante années.
Avec l’harmonisation des obligations de distribution, les IOBSP sont, enfin, écartés de la
catégorie du « canal » de distribution. Internet, le téléphone, le courrier, sont des canaux de
distribution à la main des professionnels distributeurs. Les risques des crédits varient selon les
types de crédits. Mais les risques d’un crédit, pour l’emprunteur, sont les mêmes que ce crédit
soit distribué au guichet d’une banque ou dans l’agence d’un Courtier ou d’un Mandataire en
crédits. Dans ces deux cas, le crédit est directement vendu à un emprunteur, hors du lieu où se
tient par ailleurs la vente de l’actif financé. Cette seule raison justifie l’unicité et l’homogénéité
d’un cadre juridique de distribution bancaire, quel que soit le distributeur, qu’il soit prêteur ou
Intermédiaire.
La suppression de la limitation des chaînes d’Intermédiaires (bancaires) à deux degrés et celle
dite du non cumul des catégories (article R. 519-4 II du Code monétaire et financier), toutes
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deux sources de complexité inutile et sans effet pratique sur la protection des consommateurs,
sera à examiner avec le Décret.
De même, les relations de partenariat entre banques et Intermédiaires sont soigneusement
ignorées. Ces relations, contractuelles, se montrent déterminantes dans la qualité de la
protection des emprunteurs. À cette occasion, le Droit français aurait pu affermir le principe de
liberté économique du Courtage en crédits. Alors que tout emprunteur dispose de la liberté de
choisir un Courtier-IOBSP, les banques gardent la liberté intégrale de simplement refuser des
demandes de crédits de la part des IOBSP avec lesquelles elles n’ont pas de conventions.
Ces anomalies crispent inutilement le marché de la distribution bancaire.
La compétence professionnelle et la rémunération des distributeurs soutiennent et illustrent
pourtant l’effort d’harmonisation du cadre juridique d’exercice la distribution bancaire,
activement engagé.
2.2. Compétence professionnelle pour tous les distributeurs. La Directive 2014/17/UE pose
le statut de l’intermédiaire en crédits européen. Elle introduit à cet effet des dispositions
minimales, des « standards professionnels ». La plupart étaient déjà présents en Droit français,
depuis le 15 janvier 2013, mais seulement pour les IOBSP.
Des dispositions déjà mises en pratique par ces derniers sont étendues : formation et capacité
professionnelle minimale, priorité donnée à l’intérêt de l’emprunteur (article 7 de la Directive,
art. L. 519-4-1 du Code monétaire et financier).
Le principe de la compétence professionnelle s’élargit à tous les distributeurs. Tout comme les
IOBSP, les prêteurs doivent également justifier de compétences professionnelles de distribution
dès l'entrée dans la profession ; ils doivent mettre à jour ces compétences tout au long de leurs
activités professionnelles. Quelle que soit sa Structure de rattachement, tout professionnel de la
distribution bancaire possède et maintient à jour « des connaissances et compétences
appropriées concernant l'élaboration, la proposition et l'octroi des contrats de crédit […], la
fourniture de service de conseil […] ainsi que, le cas échéant, l'activité d'intermédiation »
(article L. 314-24 du Code de la consommation).
De nouveaux contenus de formation s’imposeront. Par exemple, le conseil ou l’analyse de la
solvabilité devraient occuper des places plus éminentes, dans les parcours de formation. De
même que la formation à la prévention du surendettement, puisque celle-ci doit également
figurer parmi les connaissances des vendeurs (art. L. 314-25 du Code de la consommation).
Au titre de cette compétence professionnelle, la formation continue de tous les distributeurs
devient la règle. La formation permanente est une nouveauté, y compris pour les IOBSP. Car
la Directive prévoit que le personnel bancaire doit non seulement posséder, mais aussi maintenir
à jour « un niveau de connaissances et de compétence approprié ». La même règle s’impose
aux établissements de crédit, aux banques et aux sociétés financières (art. 9 de la Directive, art.
314-24 du Code de la consommation). Le Décret proposera le volume de cette obligation de
formation permanente, qui pourrait être d’une journée par année.
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Il reste à traduire cette obligation partagée par des solutions concrètes : pour leur part, les
IOBSP peuvent produire des attestations de formation initiale, fondées sur un programme de
connaissances régi par Arrêté (du 4 avril 2012), lorsque ceux-ci n’entrent pas dans les
équivalences reconnues (diplômes, expérience professionnelle).
Le principe de la détention d’une attestation individuelle de formation est rappelé (même article
L. 314-24 du Code de la consommation et art. L. 6353-1 du Code du travail). La DG CCRF
pourra contrôler ces obligations de capacité professionnelle (art. L. 511-5 du Code de la
consommation).
2.3. Rémunération encadrée de tous les distributeurs de crédits. Parmi les points nouveaux,
la question –forcément sensible- de la rémunération des distributeurs, des vendeurs de crédits,
se voit davantage précisée. La rémunération des IOBSP par les Etablissements de crédits, ainsi
que les systèmes de rémunérations internes aux IOBSP, ne doivent pas aller à l’encontre de
l’intérêt du client (art. L. 314-23 du Code de la consommation).
Ce principe, déjà adopté par les IOBSP, est étendu aux prêteurs agissant en tant que
distributeurs directs. Désormais, « les prêteurs agissent d'une manière honnête, équitable,
transparente et professionnelle, au mieux des droits et des intérêts des consommateurs » (article
L. 314-22 du Code de la consommation. Un principe de bouleversement de la relation « banqueclient », autant qu’une norme juridique qui peut porter des litiges judiciaires à l’incandescence.
Les professionnels préciseront la politique de rémunération des distributeurs, désormais
raccordée aux principes de prévention des conflits d’intérêts posés par l’article L. 511-71 du
Code monétaire et financier. En particulier, ni le taux du crédit, ni sa nature, ne peuvent servir
de base à la rémunération des distributeurs (art. L. 314-23 du Code de la consommation), pas
davantage que le volume (nombre) ou la proportion de crédits acceptés. Une manière directe de
décorréler les rémunérations des vendeurs de leurs objectifs, ou même simplement de leurs
réalisations commerciales. Or, les volumes de vente ne sont pas nécessairement synonymes de
violation des intérêts des clients. Ils représentent une base factuelle d’activité. Le Code de la
consommation devrait être plus précis quant aux facteurs de vente qui contreviennent aux
intérêts des demandeurs de crédits.
Les hiérarchiques commerciaux entrent dans le système de contrôle des rémunérations (art.
L.314-23). Un profond changement.
Parmi les points en suspens, il ne faudra pas assimiler la rémunération d’un Courtier-IOBSP
par un établissement de crédit avec l’enfreinte systématique de l’intérêt du client. En effet, en
rémunérant le Courtier-IOBSP (ou le Mandataire Non Exclusif-IOBSP), la banque assume
simplement le coût de distribution qu’elle transfère à l’Intermédiaire. D’ailleurs, le contrat de
partenariat entre l’IOBSP et la banque n’entraîne aucun pouvoir de direction de la seconde sur
le premier, qui agit pour le compte du client dans le cadre d’un mandat, protecteur de la défense
des intérêts du client et clair quant aux modalités de rémunération de l’Intermédiaire. La
rémunération de l’IOBSP par la banque n’est pas synonyme d’altération de son indépendance,
à la différence du contrat de travail avec le distributeur direct du prêteur.
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La norme de transparence de la commercialisation appliquée aux distributeurs indépendants,
les IOBSP, depuis 2013, s’installe également dans les établissements de crédit. Le détail
pratique apporté par le Décret devra contribuer à ce principe.
2.4. Fragilisation du regroupement du crédit. Redoutées à juste titre, les conséquences
négatives de la Directive sur le marché du regroupement de crédits sont, peut-être, à redouter.
La Directive permettait que le regroupement de crédit relève du crédit immobilier dès qu’un
euro de crédit immobilier s’y trouve, sans caractère impératif.
Un regroupement de crédits peut réunir à la fois des crédits immobiliers, des crédits à la
consommation, et même des créances. La question se pose donc en Droit : à quelle nature de
crédit se rattache un crédit issu lui-même de crédits de natures composites ? L’ancien Code de
la consommation répondait par le principe d’un seuil : au-delà de 60 % de crédit immobilier, le
regroupement de crédit était un crédit immobilier (« LS2 »). En deçà, le regroupement avait la
nature d’un crédit à la consommation (« LS1 »).
Cette distinction pourrait disparaître (articles L. 314-10 et suivants du Code de la
consommation, notamment, article L. 314-11, ancien article L. 313-15 de ce Code).
Le Code de la consommation adapte les règles applicables au regroupement de crédit au
nouveau périmètre du régime du crédit immobilier.
Les crédits regroupés supérieurs à 75.000 peuvent relever du crédit à la consommation (article
L. 312-4 2° du Code de la consommation). Mais, dès lors que l’opération de regroupement se
trouve garantie par une sûreté immobilière, telle une hypothèque, elle entre nécessairement dans
régime du crédit immobilier (art. L. 312-4 2°). Ce principe menace le regroupement de crédits
garanti par une hypothèque, en l’alignant sur les conditions du crédit immobilier.
De nouveau, les choix du Décret montreront si cet ensemble permettra, ou non, de conserver le
dynamisme indéniable du regroupement de crédits, certes récemment pointé pour le manque de
Conformité de certains de ses professionnels mais si utile aux personnes en difficultés
financières.
2.5. Création du « passeport européen » d’IOBSP. Le marché intérieur de l’Union offre un
« espace sans frontière intérieure ». En théorie. La Directive tire toutes les conséquences de la
nécessité « de développer, au sein de cet espace, un marché du crédit plus performant et plus
transparent » (Directive, préambule, 2).
Elle étend, et c’est positif, aux IOBSP la possibilité de travailler directement en partenariats
avec des établissements de crédits de l’Union européenne. Jusqu’à présent, il fallait que la
banque étrangère dispose d’une implantation en France, au titre de l’un des dispositifs
d’exercice existants.
La liberté d'établissement et la libre prestation de service des intermédiaires de crédit entrent
en Droit positif, mais seulement pour l’activité de crédit immobilier (art. L. 519-7 du Code
monétaire et financier). L’Autorité Bancaire Européenne a, le 11 août 2015, publié les principes
régissant ces nouvelles libertés économiques.
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À condition de respecter toutes les dispositions de la Directive, l’Intermédiaire peut nouer des
partenariats directs avec des banques de l’Union. Cette faculté devrait stimuler l’offre, par
exemple, dans le domaine du crédit hypothécaire, où les banques allemandes de type
« Landesbank », pour ne prendre qu’un exemple, proposent des contrats avec des approches
différentes, susceptibles d’enrichir le marché français. L’approche du risque par l’évaluation de
l’actif immobilier sera alors davantage confrontée à l’approche par la solvabilité de
l’emprunteur, usage primant en France.
Au final, s’agissant des Intermédiaires bancaires, les règles de conduite connaissent des
changements, dans le sens de l’approfondissement et d’une plus grande ouverture ; elles
s’épaississent pour les prêteurs agissant en tant que distributeurs. L’ensemble harmonise fort
heureusement le cadre d’exercice de la distribution bancaire.
Ces nouvelles dispositions créent autant d’impacts à intégrer en pilotage de Conformité des
IOBSP, dès mars 2016. La fonction de Conformité est, plus que jamais, une dimension
essentielle de toutes les professions bancaires, IOBSP compris ; elle en présente toutes les
superpositions : droit général de la consommation, droit spécifique de l’Intermédiation
bancaire, droit spécifique à telle ou telle nature de crédit, droit spécifique à tel ou tel canal de
vente.
Toutefois, les modalités pratiques du nouveau régime de la distribution bancaire, qui viendront
par Décret, auront à lui donner tout son potentiel, sans créer de distorsions entre distributeurs
de crédits, sans entamer ce mouvement d’harmonisation de la protection des emprunteurs.
De plus, la formulation inadéquate des obligations précontractuelles des distributeurs, le recul
sans raison devant la généralisation de l’obligation de conseil en crédits, risquent de
compromettre les bénéfices tirés du nouveau cadre de distribution bancaire.
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3 - Les incohérences du dispositif d’obligations précontractuelles
des distributeurs, préjudiciables à la protection de l’emprunteur en
crédit immobilier.
Avec la confirmation de l’encadrement strict de la communication publicitaire, les normes de
présentation (du professionnel), d’information, d’explication (ou de mise en garde ou d’alerte)
et de conseil (à l’emprunteur) assemblent la charpente juridique de la phase précontractuelle.
Sur ces obligations et sur les relations qu’elles entretiennent, repose la protection de
l’emprunteur, par le distributeur de crédits immobiliers.
Or, la question du conseil en crédits demeure particulièrement mal résolue. Sur ces aspects, les
modalités apportées par le Décret d’application produiront, de nouveau, des conséquences
considérables.
3.1. Obligation de présentation du professionnel. La présentation du professionnel est
assurée au moyen d’une série d’informations à délivrer. Ces dernières diffèrent pour le prêteur
(article 13 de la Directive) et pour l’Intermédiaire (article 15 de cette même Directive). Elles
revêtent un caractère permanent, et sont étrangères au profil de l’emprunteur, comme à celui du
crédit envisagé.
Outre des éléments de pure identification, le prêteur doit délivrer des informations générales
sur les crédits qu’il conçoit. Pour l’intermédiaire, les données de présentation rejoignent celles
déjà en vigueur (art. L. 519-4-2 et R. 519-20 du Code monétaire et financier), avec des
précisions dès l’entrée en relation quant à son mode de rémunération.
3.2. Obligation d’information. Une fiche standard (FISE, Fiche d’Information Standardisée
Européenne ; l’ESIS, en anglais, sera sans doute inusité) vient essentiellement matérialiser cette
obligation précontractuelle d’information. Elle intègre un nouveau taux effectif pour les crédits
immobiliers, déjà pratiqué en crédit à la consommation : le Taux Annuel Effectif Global ou
TAEG. Le principe du délai de réflexion est conservé.
Riche de quinze rubriques, la Fiche d’Information Standardisée Européenne (FISE, Annexe II
de la Directive) décrit les informations substantielles du contrat. Son but consiste à faciliter les
comparaisons. Elle est remise « au plus tard lors de l'émission de l'offre de crédit » (article L.
313-7 du Code de la consommation), soit par le prêteur soit par l’IOBSP.
La notion de « taux effectif » évolue donc. Plus complète que celle de taux nominal, indicateur
qui détermine financièrement la masse d’intérêts du prêt, elle délaisse le TEG pour lui substituer
le Taux Effectif Annualisé Global, ou TAEG (art. L. 314-3 du Code de la consommation), déjà
pratiqué pour les crédits à la consommation. Ce TAEG reçoit une formulation
européenne unique (Annexe I de la Directive) ; tous les TAEG des crédits aux particuliers
octroyés sur le territoire de l’Union sont donc désormais calculés selon une même formule
financière.
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A l’exception notable des « frais de notaire », l’assiette de calcul du TAEG ne diffère pas de
celle du TEG. Mais le calcul du TAEG repose sur la méthode équivalente, alors que le TEG
était proportionnel. Le Décret fournira le détail de son assiette (art. L. 314-4 du Code de la
consommation). Nul doute que la complexité consubstantielle à la notion de « taux effectif »
continuera de créer de nouveaux litiges en ce domaine, les contentieux portant sur le TEG
n’étant pas encore épuisés. L’erreur de TAEG pourrait s’avérer moins coûteuse pour les
établissements de crédit, grâce à la forfaitisation introduite par le Code de la consommation
(art. L. 341-25 de ce Code, avec l’art. L. 341-47), si cette disposition était jugée correspondre
à l’anomalie de calcul de cet TAEG.
Pour autant, les nouvelles obligations précontractuelles, du prêteur et/ou de l’Intermédiaire,
sont sans doute appelées également à un succès en contentieux, tant leur précision s’accroît,
venant parfois heurter des pratiques professionnelles anciennes de dimension quasi-culturelle,
qui prendront du temps à s’effacer.
Ces dispositions européennes relatives à la FISE et au TAEG sont d’harmonisation maximale.
Par voie de conséquence, toutes les autres mesures de la Directive 2014/17/UE peuvent être
réglées par chaque Etat membre.
Le délai de réflexion restera sans doute fixé à dix jours calendaires. L’emprunteur doit disposer
du temps nécessaire pour comparer les offres du marché. Il reçoit, à cet effet, l’offre par écrit,
gratuitement (art. L. 313-24 du Code de la consommation). La Directive laisse aux Etats le soin
de fixer ce délai (minimum de sept jours), et, surtout, ses modalités. La date d’acceptation de
l’emprunteur doit recevoir un caractère certain (art. L. 313-34 et L. 313-39 du Code de la
consommation).
De même, le régime des remboursements par anticipation est largement laissé à l’appréciation
des Etats membres.
3.3. Obligation d’explication. Pour étoffer l’obligation précontractuelle d’explication,
l’analyse de la solvabilité et de la qualité du bien immobilier se renforcent. Leurs interactions
vont créer un champ nouveau, en droit français du crédit.
Il s’agit, pour le prêteur comme pour l'intermédiaire de crédit, de fournir « gratuitement à
l'emprunteur les explications adéquates lui permettant de déterminer si le ou les contrats de
crédit proposés et les éventuels services accessoires sont adaptés à ses besoins et à sa situation
financière » (nouveaux articles L. 313-11 et L. 314-22 du Code de la consommation). « Le
prêteur ou l'intermédiaire de crédit met en garde gratuitement l'emprunteur lorsque, compte
tenu de sa situation financière, un contrat de crédit peut induire des risques spécifiques pour
lui » (article L. 313-12 du même Code).
L’obligation d’explication est également désignée en Droit français par « obligation de mise en
garde » : leurs contenus sont identiques. Comme le constatent beaucoup de juristes pour le
crédit à la consommation (art. L. 311-8 du Code de la consommation), le devoir d’explication
et celui de mise en garde sont, pratiquement, réunis. De plus, la notion très française
d’emprunteur « averti » est gommée, tout comme en crédit à la consommation. Le devoir de
mise en garde/d’explication est dû à tous les emprunteurs.
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L’identification « des risques que la durée du contrat fait courir à l’emprunteur » (art. L. 31322 du Code de la consommation) prend une place centrale. L’approfondissement de l’analyse
de solvabilité de l’emprunteur matérialise cette obligation d’explication. Cette obligation du
prêteur, ou de l’Intermédiaire, avant tout octroi de crédit immobilier, n’était auparavant pas
codifiée ; elle s’impose, désormais, sans ambiguïté : « avant de conclure un contrat de crédit,
le prêteur procède à une évaluation rigoureuse de la solvabilité » (art. L. 313-16 du Code de la
consommation).
Elle impose au professionnel de procéder à l’évaluation plus poussée, plus motivée, bref,
effectivement plus « rigoureuse » (art. 18 de la Directive et art. L. 313-16 du Code de la
consommation) de la solvabilité de l’emprunteur. Cette notion de la solvabilité est définie
comme la « probabilité qu’il [l’emprunteur] remplisse ses obligations au terme du contrat de
crédit ». Vérifier la solvabilité consiste donc à « prendre en compte les facteurs pertinents
permettant de vérifier » cette probabilité (art. 18 de la Directive et art. L. 313-16 du Code de la
consommation). Le Code de la consommation précise que ces facteurs sont « les informations
nécessaires, suffisantes et proportionnées relatives aux revenus et dépenses de l'emprunteur »
ainsi que « d'autres critères économiques et financiers ». Les modalités de cette pratique
bancaire fondamentale figureront au Décret (art. L. 313-19 du Code de la consommation).
La nécessaire coopération de bonne foi du demandeur de crédit est, à cette occasion, rappelée
(art. L. 313-17 du Code de la consommation).
Pour le prêteur, l’analyse requise par la délivrance de l’obligation d’explication passe par la
consultation, systématique, du fichier des incidents de paiement (article L. 751-1 du Code de la
consommation).
Déjà bien installée pour les Courtiers-IOBSP, cette extension de la rigueur d’analyse aux
prêteurs est bienvenue. Elle alignera les obligations de chacun, est ceci est source d’efficacité
comme de clarté, pour les emprunteurs particuliers.
Jusqu’à présent sanctionné et réparé, en Jurisprudence, par la méthode de la perte ce chance (de
ne pas souscrire le crédit), l’enfreinte de l’obligation d’explication/de mise en garde entre
désormais dans un barème, un forfait : 30% des intérêts du prêt, plafonné à 30.000 euros (art.
L. 341-27 du Code de la consommation). Mais cette sanction est cumulable, avec trois
manquements possibles (même article), supposant le plafonnement à 90.000 euros des
réparations de ces fautes civiles spéciales.
Au titre des « autres critères économiques et financiers », l’introduction de l’évaluation du bien
immobilier (art. L. 313-20 du Code de la consommation) apporte un complément financier à
l’analyse de la solvabilité. Le rapport entre le montant du prêt et la valeur du bien (dite « loan
to value ») pourra être connu plus finement. Mais sera nécessairement externalisé, confié à un
expert indépendant. L’évaluation fait l’objet d’un rapport écrit (art. L. 313-22 du Code de la
consommation). Pour autant, cette disposition existait déjà facultativement. Elle le reste. Et
risque d’alourdir le processus de crédit. Cette approche devrait permettre, en tout cas,
l’ouverture d’un nouveau champ d’expertise fondé sur l’indépendance, sur la compétence de
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l’expert ainsi que sur ses méthodes d’évaluation, avec une distance entre le prêteur et
l’évaluateur.
Les professionnels, prêteurs et distributeurs, proposeront donc désormais des crédits «adaptés»
(art. 18 § 5 de la Directive), en considération de la « situation concrète » de l’emprunteur
potentiel : le devoir de conseil généralisé en crédit n’a jamais été si proche. L’enjambement
n’est pourtant pas accompli ; pire : pour éviter cette généralisation, le nouveau Droit du crédit
immobilier crée une situation complexe, en ce domaine.
3.4. Obligation de conseil en crédits. La Directive introduit, c’est notable, un régime de
conseil en crédits (art. 22, article L. 313-13 du Code de la consommation et article L. 519-1-1
du Code monétaire et financier). Elle pose la séparation de ce service de l’octroi ou de la
distribution. Voici –enfin- l’introduction du conseil en crédits, indépendant de la
commercialisation des contrats. Mais il n’est pas généralisé de manière impérative et il reste
facultatif. Sa généralisation aux emprunteurs particuliers reste totalement fondée. De plus, son
contenu n’est pas identique selon qu’il est délivré par un Intermédiaire ou par un prêteur. En
dépit de ce regrettable déséquilibre, ce principe est certainement appelé à un beau
développement.
L’obligation de conseil en crédit n’est pas impérative.
Le renforcement de l’obligation d’information, portée sur les crédits à taux variables (art. L.
313-46 et s. du Code de la consommation), en monnaie étrangère ou sur les modalités du
remboursement par anticipation, frôle le conseil, puisqu’elle peut amener à dissuader de la
souscription d’un contrat inadéquat. Elle est impérative. Ces crédits, sources de litiges, offriront
d’intéressants supports à l’examen pratique des frontières entre obligation d’information,
d’explication et de conseil.
Optionnel, le conseil en crédit trouve au passage une définition. Sans surprise : « le service de
conseil consiste en la fourniture à l'emprunteur de recommandations personnalisées en ce qui
concerne un ou plusieurs contrats de crédit » (art. L. 313-13 du Code de la consommation). Le
Décret relatif aux dispositions réglementaires en précisera les contours détaillés.
Ce conseil en crédit vient modifier la définition de l’Intermédiaire bancaire (art. L. 519-1 du
Code monétaire et financier). Est Intermédiaire, celui qui fournit ce conseil indépendant (nouvel
article L. 519-1 du CMF). Pourtant, ce même conseil « constitue une activité distincte de l'octroi
de crédit et de l'intermédiation en opérations de banque et en services de paiement » (art. L.
519-1-1 du même Code monétaire). Difficile de dire si l’activité de conseil en crédits relève, ou
non, de l’intermédiation.
En Droit français antérieur au 25 mars 2016, seuls les Courtiers-IOBSP (art. L. 519-1 et R. 5194 1° du Code monétaire et financier) sont clairement débiteurs d’une obligation de conseil, y
compris en crédits (art. L. 519-4-1, R. 519-19, R. 519-27 à R. 519-31 du Code monétaire,
Conseil d’Etat, 24 juin 2013 n°363544).
Les Courtiers-IOBSP ne peuvent se soustraire à cette obligation issue du Code monétaire et
financier, si celle-ci reste inchangée. Ils pourront alors utiliser le titre de « Conseiller
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indépendant » en respectant les conditions d’exercice décrites, et veilleront, plus que jamais, à
étoffer leur Conformité à la réglementation pour assurer leur sécurité.
La rémunération de ce conseil en crédit peut, par dérogation, être effective hors de toute mise à
disposition des fonds (art. L. 519-6-1, dérogatoire à l’art. L. 519-6 du Code monétaire et
financier).
Déjà optionnelle, l’obligation de conseil en crédits se révèle de surcroît différente, selon le
professionnel concerné.
De manière surprenante, le périmètre du conseil en crédits n’est pas le même pour le CourtierIOBSP (qui n’a pas le choix de s’en dispenser), pour le Mandataire-IOBSP (qui peut choisir,
ou non, de l’adopter) et pour le distributeur préposé du prêteur (qui peut, également, choisir ou
non d’en faire usage). En effet, alors que le conseil en crédits de l’IOBSP, Courtier ou
Intermédiaire, suppose de prendre en considération « un nombre suffisamment important de
contrats de crédit disponibles sur le marché » (article L. 313-13 du Code de la consommation,
art. L. 519-1-1 et art. R. 519-28 du Code monétaire et financier, pour les seuls Courtiers), le
même « conseil en crédit » du prêteur ou de son Mandataire-IOBSP repose sur « un nombre
suffisamment important de contrats de crédit de leur gamme de produits » (mêmes articles L.
313-13 du Code de la consommation et L. 519-1-1 du Code monétaire et financier).
Quelle conception étonnante que celle qui consiste à donner deux définitions différentes à un
même acte juridique, identiquement nommé.
De plus, la rémunération du conseil en crédits ne peut provenir que du client, emprunteur, qui
en bénéficie (art. L. 313-14 du Code de la consommation). La rémunération du conseil en
crédits par un prêteur ou par un Intermédiaire est même pénalement sanctionnée, d’une amende
de 300.000 euros (art. L. 341-30 du Code de la consommation). Sous pareille condition,
comment le conseil en crédits pourrait-il émaner d’un salarié de prêteur, rémunéré par ce
dernier, pour promouvoir sa seule gamme en exerçant dans l’une de ses agences ?
L’opposition, historique (2007) que suscite cette obligation de conseil en crédits de la part des
établissements de crédit et des commentateurs, par ailleurs directement à leur service, devient
forcenée. La timidité conceptuelle qui conduit à préférer cette construction bancale, plutôt que
la généralisation, la clarification et l’unification de ce concept ressort comme une grande
faiblesse du nouveau dispositif. Cette incohérence ne tient, c’est certain qu’à de solides raisons
juridiques ; il ne reste qu’à les imaginer.
Quoi qu’il en soit, il appartient donc au professionnel d’afficher explicitement s’il délivre, ou
non, un conseil en crédit. Ce sera l’occasion de constater combien de banques déployant des
« conseillers en crédit » proposeront effectivement du conseil en crédit… Nous verrons la
cocasse situation de « conseillers en crédit » n’offrant soit pas de conseil, soit un « conseil »
dégradé, limité à leur gamme. Seuls les distributeurs respectant les principes posés pourront se
prévaloir de la dénomination, nouvelle, de « Conseiller indépendant » (art. L. 131-14 du Code
de la consommation). Cette appellation distingue une nouvelle catégorie de distributeurs
bancaires, en réalité, deux : le conseil en crédits du marché et le conseil en crédits d’une gamme.
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Âprement débattue, cette sensible question du « conseil en crédits », fondamentale du point de
vue de la protection des emprunteurs, et la manière dont les IOBSP devront matérialiser ce
conseil (article R. 519-28 du Code monétaire et financier) figure parmi les apports finalement
très mal éclaircis du nouveau Droit du crédit immobilier. L’obligation de conseil en crédits
incombant aux distributeurs bancaires directs reste, hors de toute raison juridique, tenue à
l’écart et dotée d’un régime différent.
En dépit de l’introduction, positive, du service distinct de conseil en crédits, l’absence
d’obligation de conseil généralisée en crédits aux particuliers demeure une anomalie du Droit
de la consommation français. Ceci est d’autant plus regrettable qu’il conviendra de loger dans
notre Droit, le 3 janvier 2017, les dispositions issues des principes dits « de gouvernance des
produits » (Product Oversight Gouvernance, ABE, 15 juillet 2015, lien :
http://www.eba.europa.eu/documents/10180/1141044/EBA-GL-201518+Guidelines+on+product+oversight+and+governance.pdf). Ces dernières renforcent les
obligations des professionnels en matière d’adéquation des produits bancaires aux profils des
consommateurs.
L’Union européenne harmonise non seulement son marché intérieur, mais également le marché
national, en matière de crédits aux particuliers. Le Droit français n’a pourtant pas eu l’audace
d’engager profondément l’harmonisation interne nécessaire. Les emprunteurs feront
directement les frais de cette occasion manquée.
Pour autant, la généralisation de l’obligation de conseil en crédits est inéluctable. Elle reviendra
donc aux Tribunaux, auxquels est de fait confié le soin de concevoir et de régler correctement
le droit de la consommation bancaire.
Les amateurs reliront avec attention le récit d’Emmanuel Carrère, « D’autres vies que la
mienne » (POL, 2009). Outre la dure peinture de la maladie, ce roman décrit le combat de juges
d’instance en faveur des emprunteurs, afin de réintroduire dans les contrats de crédit l’équilibre
que les producteurs de normes n’ont pas pris le soin d’y loger.
3.5. Preuve de la délivrance des obligations précontractuelles. L’ensemble de ces nouvelles
normes du crédit immobilier impose un dispositif complet de traçabilité. La preuve de leur
délivrance incombe totalement aux professionnels et à chacun d’entre eux (article 1315 du Code
civil, voir également l’article R. 132-1 12° du Code de la consommation).
Outre la FISE, balisée, les documents et procédures matérialisant cet ensemble seront
fondamentaux.
Celui-ci est donc de mise en œuvre entre le 1er juillet 2016 et le 22 mars 2019 et juridiquement
applicables, avec la Directive, depuis le lundi 21 mars 2016. Le défaut de vélocité de
transposition ne crée aucune dispense.
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En conclusion, gérer la diversité des situations sans générer des divergences de droit(s)
s’inscrit au cœur de tout processus normatif.
Chaque exercice de transposition suggère d’abord l’occasion d’une forte ambition normative.
Le crédit immobilier, par son importance économique, par les millions de particuliers
concernés, par les professionnels engagés, méritait un peu d’audace. Celle-ci a été congédiée,
autant dans la méthode de transposition, radicalement fermée, que dans le résultat proposé,
conceptuellement déséquilibré.
Cette impulsion aurait pu porter, d’une part, sur la mise en cohérence du Code de la
consommation et de la Jurisprudence, par la clarification des principes, en serait-ce que par un
basique effort de vocabulaire ou de définitions. Et, d’autre part, sur un juste équilibre des
obligations des prêteurs-distributeurs et des Intermédiaires-distributeurs, notamment, par une
prise de position explicite sur la généralisation du conseil en crédits à tous les distributeurs,
quels que soient leurs statuts. L’introduction de différences sans motivation juridique claire
peut être regrettée.
Au-delà de l’effort, enfin engagé, d’harmonisation de la distribution bancaire, un immense
marché de masse reçoit son nouveau cadre juridique, hors du législateur, dans la totale
indifférence des politiques et au terme d’une méthode de transposition anarchique. Ces choix
ne sont pas à la hauteur ni des enjeux de protection des consommateurs, ni de ceux d’un marché
de la distribution bancaire plus équilibré et plus ouvert. Seule l’Union européenne poursuit
l’harmonisation, européenne, comme nationale, des crédits aux particuliers.
Les tensions créées par les insuffisances actuelles s’exprimeront en lourdeurs, puis en coûteux
et longs contentieux. La mise en œuvre des nouvelles dispositions s’avèrera délicate. Il
reviendra aux Tribunaux de les équilibrer. Tribunaux civils, d’une part ; « police » bancaire et
régime de sanctions de l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution, d’autre part.
Le droit du crédit immobilier français ne retire pas de cette mue toute la qualité qu’il était
possible d’extraire de la transposition.
Laurent Denis
[email protected]
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