Beyrouth nuit et jour

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Beyrouth nuit et jour
El Watan - Mercredi 5 octobre 2011 - 16
C U LT U R E
FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM FRANCOPHONE DE NAMUR
Beyrouth nuit et jour
● Le Festival du film francophone de Namur en Belgique (30 septembre-7 octobre) a programmé plusieurs films arabes, principalement du Liban, mais aussi
de Tunisie et du Maroc.
PHOTO : D. R.
C
’est l’été en Belgique.
Le roi des Belges se
fâche sérieusement
parce que le pays n’a
toujours pas de gouvernement depuis des
mois. Une crise interminable. Mais les
Belges sourient sous le ciel radieux,
élisent Miss Belgique et organisent un
festival à Namur. Pendant ce temps,
à Beyrouth, au Liban, les cinéastes
vivent heureux. Un système de production, unique dans le monde arabe,
a propulsé ces dernières années le
cinéma libanais au-devant de la scène
internationale. Pas un festival à travers
le monde aujourd’hui sans productions libanaises. Dans un passé pas si
lointain, c’était le cinéma iranien qui
brillait partout. Aujourd’hui, Beyrouth
fait de l’ombre à Téhéran. Le Festival
de Namur présente trois films libanais
et pas des moindres : des productions
qui sortent des sentiers battus du
cinéma arabe. Trois films qui se distinguent par leurs thèmes et affirment
leur singularité. Ce qu’il y a de très
émouvant dans le film de Nadine Labaki : Et Maintenant où on va ?, c’est
son désir fort de convaincre que l’avenir de son pays ne peut être sombre, si
toutes les femmes libanaises, toutes
confessions confondues, font entendre
leur voix. Une voix de paix, de réconciliation et d’oubli des affrontements
passés. Sa mise en scène de la longue
procession vers le cimetière, à elle
La réalisatrice Nadine Labaki
seule, témoigne d’une réelle virtuosité.
Le même talent marque aussi le beau
portrait de la ville libanaise de Tripoli
filmé par Ranieh Attieh et D. Garcia
dans leur film Tayeb, khallas, yalla.
Superbement rendus aussi les voix,
les bruits, les couleurs, la musique de
Beyrouth filmés par Danièle Arbid
dans Beyrouth Hôtel. Un remarquable thriller au thème brûlant, d’une
sensualité inouïe, marquant ainsi une
rupture radicale et définitive avec le
cinéma arabe trop prude. On est littéralement fasciné par ce film et par son
actrice principale qui fait merveille
: Darin Hamzé. Une Libanaise bien
plus belle, plus plantureuse et plus
talentueuse que Monica Bellucci à qui
elle fait d’abord penser. Danièle Arbid
a réussi, avec une superbe habileté, à
capter la beauté de Beyrouth by night
et à faire vibrer la voix unique de son
actrice quand elle chante une vielle
chanson de Mohamed Abdelwahab. Le
public de Namur a suivi avec beaucoup
d’intérêt les deux productions tunisiennes Plus Jamais Peur de Mourad
Ben Cheikh et Laïcité Inch’Allah
de Nadia El Fani, avec des scènes
fortes, impressionnantes des récentes
manifestations populaires. Beaucoup
moins apprécié sans doute, L’amante
du Rif, de la cinéaste tangéroise Narjiss
Nedjar. Un récit jusqu’au-boutiste qui
mêle avec confusion fantasmes érotiques, air d’opéra : Carmen, culture et
trafic de drogue dans les montagnes
du Rif, cruauté des «barons» locaux,
corruption généralisée des juges et
avocats, en plus de quelques images
publicitaires sur un village de montagne aux murs éclatants de blancheur…
En cours de route, on perd l’histoire
de vue. Seules quelques séquences
sur l’univers carcéral féminin au Maroc échappent à la banalité. Dans le
programme de Namur, c’est aussi le
cinéma canadien qui vise haut et fort
et retient toute l’attention. Tout particulièrement le film de Philippe Fallardeau Monsieur Lazhar, avec Fellag
dans le rôle principal. Le jeu du grand
comédien algérien atteint ici un degré de sensibilité très impressionnant.
Fellag se retrouve, dans cette histoire
émouvante et fraîche à la fois, dans le
rôle d’un maître d’école à Montréal. Il
brille par ses qualités pédagogiques. Il
dit qu’il a enseigné en Algérie à l’école
Moloud Feraoun. Il obtient sa carte de
résidence. Tout va bien pour lui. Mais
il porte en lui une énigme, un secret
qu’on ne parviendra à connaître qu’à
la fin du récit. Un message de la police
algérienne envoyé à Montréal indique
que Monsieur Lazhar n’a jamais enseigné, mais qu’il gérait un restaurant…
Déjà, aux récents Festivals de Montréal
et Toronto, ce film avait attiré attention
Azzedine Mabrouki
et éloges.