1 Le projet de Rocade nord ne répond pas aux enjeux

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1 Le projet de Rocade nord ne répond pas aux enjeux
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Le projet de Rocade nord ne répond pas aux enjeux
Le Conseil Général avance quatre grands types d’arguments pour justifier la rocade nord qui peuvent être
synthétisés comme suit :
• la qualité de vie, pour réduire les pertes de temps dues aux déplacements
• l’économie, pour rendre d’agglomération plus accessible pour les entreprises et leurs salariés
• l’écologie, pour réduire la consommation d’énergie pour les transports et donc lutter contre la pollution
provoquée par la congestion automobile
• l’équité sociale, pour éviter les situations d’éloignement pour les personnes les moins favorisées
Nous présentons ici les arguments montrant que le projet de Rocade nord ne répond pas aux enjeux et objectifs
souhaités.
1.1
La qualité de vie, pour réduire les pertes de temps dues aux déplacements
L’étude de trafic menée par l’AURG en 2007 conclue que la rocade Nord n’améliorera pas, quand elle ne
dégradera pas, les conditions d’accès à l’agglomération car elle favorisera, voire créera, un appel de trafic sur des
portions autoroutières déjà saturées en entrée d’agglomération.
Ensuite, l’étude de trafic Egis Mobilité de 2008 confirme l’étude de trafic AURG ; précise que la diminution de
trafic sur la rocade Sud serait inférieure à 5% et indique qu’un maximum de 15% des usagers de la rocade Sud
seraient intéressés par l’utilisation de la rocade Nord.
Enfin, dans le Programme De Modernisation des Itinéraires du réseau routier (PDMI) 2009-2014, l’Etat indique
clairement que l’aménagement de l’A480 à 2x3voies ne fait pas partie des réalisations prioritaires. Au
mieux, si cet aménagement voyait le jour, sa réalisation se ferait bien après la mise en service de la rocade Nord
prévue en 2014 ! Or cet agrandissement est primordial pour la fluidification du trafic de la rocade Nord
notamment au niveau de l’échangeur complet situé près de l’avenue des Martyrs !
1.2
L’économie, pour rendre d’agglomération plus accessible pour les entreprises et leurs salariés
Le chiffre estimé de fréquentation de la rocade Nord est de 60000 véhicules/jours avec une valeur choisie de 1€
comme tarif du péage pour guider les simulations de trafic. Ceci pour une agglomération d’environ 540000
habitants et une région urbaine (RUG) de 721000 habitants.
Ces chiffres sont à comparer avec ceux d’un ouvrage de caractéristiques similaires : TEO à Lyon qui relie un
boulevard périphérique à une autoroute pour une longueur quasi identique de l’ordre de 6 km dans les deux cas.
TEO arrive péniblement à 45500 véhicules/jours payants au bout de 10 ans d’exploitation, avec un péage de
1,80€ pour une agglomération Lyonnaise de plus de 1,2 M d’habitants !
(http://www.peripheriquenord.com/?id=17)
Est-il possible de considérer comme réalistes les chiffres de fréquentation annoncés par le CG38 ?
Par ailleurs, le postulat de fréquentation précédent est basé sur une participation financière du CG38 à hauteur
des 2/3 tiers du montant global.
Quelles seront les répercussions sur le coût du péage si un concessionnaire privé finance les 2/3 voire la totalité
du projet ? Et donc implicitement quelles seront les répercutions sur la fréquentation ?
Enfin un des effets secondaires qui pourraient être induits par la rocade Nord est que les habitants de
l’agglomération, pour des raisons de coût immobilier, pourraient aller vivre dans le Voironnais et travailler dans
le Grésivaudan, augmentant ainsi le trafic dans l'agglomération.
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1.3
L’écologie, pour réduire la consommation d’énergie pour les transports et donc lutter contre la
pollution provoquée par la congestion automobile
Ce projet est en contradiction avec les principales lois et réglementations adoptées récemment :
LOI n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement.
L'article 1 stipule : « Pour les décisions publiques susceptibles d'avoir une incidence significative sur
l'environnement, les procédures de décision seront révisées pour privilégier les solutions respectueuses de
l'environnement, en apportant la preuve qu'une décision alternative plus favorable à l'environnement est
impossible à un coût raisonnable. »
Réglementations européenne demandant la réduction des émissions de particules dues à la circulation d'ici 2015.
Il n’y a pas respect du Grenelle car aucune étude alternative récente n’a été étudiée dans ce cadre. Par
ailleurs, le CG38 n’apporte pas la preuve qu’une décision alternative plus favorable à l’environnement est
impossible à coût raisonnable.
Les études de trafic Egis Mobilité 2008 montrent que la rocade Nord ne fait pas diminuer la circulation dans
l'agglomération mais qu’elle ne fait que la déplacer.
L'étude d'impact évoque seulement une diminution de 2 à 3% des émissions de particules, soit un écart
équivalent aux incertitudes de l'étude !
Les prévisions d’évolution de la pollution en différents points de l’agglomération se basent sur des données
mesurées sur des durées restreintes, dans des conditions météorologiques parfois absentes sur la zone Est de
l’agglomération (saisons d’été et d’hiver). Elles ne reflètent pas précisément la situation des pics de pollution
dans cette zone de l’agglomération bénéficiant d’un microclimat. Quoi qu’il en soit, dans ce cadre et selon les
conclusions du modèle, les émanations de NO2 seraient augmentées dans la zone proche du point de
raccord entre les rocades sur Meylan, alors qu'elle est déjà deux fois supérieure en valeur moyenne
annuelle à l'objectif qualité (ou à la recommandation de l'OMS). Il y a donc un renoncement affiché à
atteindre cet objectif (l'Indice Pollution Population serait augmenté de 10% dans cette zone
géographique).
Enfin, actuellement il n'existe pas d'installation dans le monde permettant d'éliminer tous les gaz et les poussières
sortants d'un tunnel routier. Les conclusions du CETU (Centre d’Etudes des Tunnels – Ministère de
l’Equipement, des Transports et du Logement – Direction des Routes) dans son rapport « Le traitement de l’air
dans les tunnels routiers » et plus particulièrement dans le paragraphe 4 sont sans appel. Elles indiquent
clairement les difficultés inhérentes à ce type d’équipement et confirment que, pour des raisons technicoéconomiques, le traitement de l’air des tunnels n’est pas opérationnel à l’exception du dépoussiérage des grosses
particules. L’utilisation de revêtements muraux à base d’oxyde de titane comme catalyseur de photochimie pour
réduire la teneur en NO2, proposée dans l’étude d’impact, poserait cependant des questions au niveau de
l’environnement (production de nitrates) et de santé (émission possible de microparticules) qui sont totalement
passées sous silence.
Ensuite, les études d’impacts qui ont été menées, n’ont portées que sur l’agglomération grenobloise or la
précédente consultation publique de 2007 a été effectuée sur la région urbaine grenobloise. Le périmètre est donc
loin d’être le même. Que seraient ces impacts à l’échelle de la RUG ?
Des villes comme Strasbourg, Angers et Niort viennent d'annuler ce type de rocade incompatible avec les
budgets, le Grenelle et les attentes des usagers. Pourquoi pas cette volonté aussi sur Grenoble ?
Deux exemples corroborent les inquiétudes que nous pouvons avoir quant au traitement de l’air aux entrées et
sorties du tunnel :
1) L’exemple du traitement de l’air du tunnel de l’A86 près de Puteaux est emblématique du discours des bonnes
intentions initiales et du triste bilan final pour les riverains auxquels il avait été promis que l’air pollué du tunnel
serait rejeté loin des zones d’habitations
(http://www.colline-puteaux.com/cadre%20de%20vie.html - 2005)
2) Le Coparly , Comité de coordination pour la Contrôle de la Pollution Atmosphérique dans la Région
Lyonnaise (équivalent de l’ ASCOPARG grenobloise), a publié une étude en novembre 2008 « Etude de la
qualité de l’air sur la colline de la Croix-Rousse – Rapport de synthèse 2007-2008 » qui montre que les niveaux
de pollution mesurés aux abords des entrées du tunnel sont relativement élevés dans un rayon de plus de 150 m
autour des débouchés ou des cheminées du tunnel. Or, la section en tranchée ouverte de la rocade Nord se situera
à moins de 150m de certains bâtiments du CHU – Hôpital Michallon par exemple.
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1.4
L’équité sociale, pour éviter les situations d’éloignement pour les personnes les moins
favorisées
L'électrification du sillon Alpin (Valence - Grenoble- Chambéry), opérationnelle fin 2013 - début 2014, n’a pas
été prise en compte dans les études. Cependant elle aura un impact (lequel ? de quel ordre de grandeur ?) sur la
fréquentation de la rocade Nord.
En 2007, la fréquentation du réseau de tram de Grenoble s'établissait à 74 millions de voyageurs par an, soit
environ 200 000 voyageurs par jour. Quel serait l’impact de la construction / prolongation des lignes D et E ?
L’analyse des fréquentations moyennes actuelles des autres lignes (données SMTC : ligne A : 90000 pers/j ; B :
50000 pers/j ; C : 35000 pers/j) est plutôt plus avantageuse au regard des fréquentations estimées avec péage à 1€
de la rocade Nord. Se rappeler les incidences positives de l’arrivée de la ligne C sur la fluidification du trafic sur
les grands boulevards.
L’investissement du CG38 pour la rocade Nord serait de l’ordre de son endettement actuel ! (OFiPoPu) donc il
est difficile de concevoir comment d'autres projets de transports (TC, trains, trams, ….) pourraient voir le jour.
Par exemple, le coût d’un tram entre le Stade des Alpes et le carrefour de la Caronnerie à Meylan est estimé à
100M€ (http://www.meylan.fr/index.php?idtf=1106)
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Le risque d’inondabilité n’est pas assez pris en compte
Selon le règlement du PPRI du 30/07/07 (Etude d'impact vol2 c25), l'entrée Est vers l'allée des Centaurées est
située en risque RIn (Atlas cartographique pp16, 23) et fait donc partie des zones d'aléas où le risque est non
négligeable, en cas de crue bicentennale.
Le début de mise en œuvre par le SYMBHI du projet Isère Amont, prévu pour 2010, devrait solutionner les
problèmes liés aux crues si l'on se fie à la carte synthétique et indicative présentée (Etude d'impact vol2 c28).
D'une part, rien à l'heure actuelle n'assure que l'étanchéité de cette zone RIn soit si parfaite et totale.
D'autre part, cette représentation ne donne qu'une vue de surface or la rocade serait enterrée ou semi-enterrée sur
ce secteur.
Enfin, dans les schémas de l'étude demandée par le SYMBHI à SOGREAH (rapport n° 4.11.05.18 R4 plan 2C),
une des zones de rupture par surverse, en cas de crue cinquantennale, inonde totalement le secteur de l'allée des
Centaurées ie au droit du débouché de la rocade nord !
On peut donc légitimement s'interroger sur les risques d'inondabilité de cette entrée tant durant la phase
des travaux que pendant la phase d'exploitation !
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Le financement conjoint de la Rocade nord et des
projets de tram n’est pas assuré
3.1
Coût
Lors de la concertation préalable de 2008/2009, le Conseil général indiquait que la Rocade Nord coûterait 580
M€ se décomposant comme suit (délibération du 9 novembre 2007, DOSSIER N° 2007 0B F 4c01) :
REPARTITION
Travaux ouvrage fonctionnel
Aménagements urbains
Etudes
Foncier
Maîtrise d’ouvrage
TOTAL
Valeur 2006
410 M€
100 M€
40
M€,
dont
20
amont,
10 A.M.Ouvrage et 10 maîtrise
d’œuvre
5 M€
25 M€
580 M€
Valeur 2009
≈ 470 M€
≈ 115 M€
46 M€
5,75 M€
28,75 €
≈ 666 M€
Dans le dossier de l’enquête publique (volume 1, Présentation, p.25) on trouve :
REPARTITION
Travaux
Etudes
Foncier
TOTAL
Valeur mai 2009 HT
607,5 M€
12,5 M€
46,26 M€ dont 4 déjà dépensés
666,26 arrondi à 667 M€
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Aux coûts ci dessus, en restant conforme à la répartition annoncée lors de la concertation préalable, il faut
rajouter :
- un coût des études conforme aux pourcentages habituels de ce type de projet. Une estimation raisonnable est de
prendre les taux indiqués par la DDE, soit 11,5 % du coût des travaux. Soit 70 M€.
- Les aménagements urbains estimés à 100 M€ (valeur avril 2006) lors de la concertation préalable, soit 113 M€
valeur juillet 2009.
- Les déviations de réseau, maintien des circulations et autres frais dont les frais du concessionnaire : estimation
minimaliste de 40 M€.
Le coût total atteint donc au minimum 877 M€ HT (valeur juillet 2009) hors ajouts éventuels.
Note : il est prévu des ajouts : prolongation de 400m (jusqu’au boulevard des Centaurées) à Meylan et
couverture du viaduc à St Martin le Vinoux.
La rocade nord coûterait donc environ 718 M€ à la construction (hors acquisitions foncières et aménagements
urbains), et environ 4 M€/an en entretien et fonctionnement (source consultation préalable, rapport Hersan)
Une ligne de tram comme la C ou la E coûte environ 250 M€ à la construction, et ensuite, environ 5 à 6 M€/an
pour les conducteurs, l’amortissement et l’entretien (source : SMTC). NB : nous n’incluons pas dans le coût du
tram les opérations de rénovation urbaine souvent menées à l’occasion des chantiers de tram, mais qui ne
concernent pas directement les déplacements.
Nous obtenons donc les coûts comparatifs suivants :
1 ligne de tram
Rocade nord
3.2
investissement
≈ 250 M€
≈ 718 M€
fonctionnement
5 à 6 M€/an
environ 4 M€/an
Financement
3.2.1
Tram
La SMTC a en charge le financement des nouveaux investissements sur le réseau urbain (nouvelles lignes de
tramway …). Le SMTC a pour objectif de contenir sa dette (638 M€ en 2008) et de ne pas emprunter plus que ce
qu’il est capable de rembourser en capital (24,3 M€ en 2008).
Financements possibles :
• Des subventions négociées auprès de l’Etat, du Département, de la Région et de la Communauté
d’Agglomération (Les deux projets de TRAM à venir bénéficieront d’une subvention de l’Etat de 31,3
M€ dans le cadre du Grenelle).
• Un emprunt
• Un autofinancement sur les fonds propres
3.2.2
Rocade
La Métro comme la ville de Grenoble ont déjà fait savoir qu’elles ne financeraient pas l’ouvrage (seulement les
aménagements urbains qui les concernent). La région, ayant choisi d'investir plus massivement dans le rail, ne
participe pas au financement du projet. L’Etat s’est désengagé.
L’utilisation de la Rocade Nord de Grenoble donnera lieu à la perception d’un péage. (document présentation p.6
du dossier d’enquête publique) ; le montant du péage pour la partie centrale entre Polygone et Michallon est
annoncé de l’ordre d’1€ (p.182 Evaluation économique et sociale du dossier d’enquête publique).
Le Conseil Général fait appel à un concessionnaire pour « la conception, la construction, l’exploitation ainsi que
l’entretien » de la rocade nord. La concession ne porte pas sur les aménagements urbains, l’enveloppe est donc
estimée à environ 718 M€ HT.
Selon l’hypothèse du Conseil Général, le concessionnaire prendrait à sa charge le 1/3, et le Conseil général le
complément.
Comme indiqué dans l’appel à concession, le Conseil général se déclare prêt à subventionner, en plus de
l’investissement, l’exploitation de la rocade qui pourrait être déficitaire soit parce que le péage sera trop faible
soit par manque de trafic si le péage est trop fort. L’opération ne sera peut être pas équilibrée en fonctionnement,
le niveau de péage moyen devant dépasser nettement les 2€ pour financer l’investissement du concessionnaire à
amortir sur une quarantaine d’année.
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3.3
Financement conjoint
Le Conseil Général devra donc subventionner à la fois la Rocade Nord et les lignes de tram à venir.
Vu l’état actuel des finances du Conseil général, il semble exclu qu’il puisse financer seul les subventions
nécessaires. Le Président du Conseil général sera contraint à lancer un appel au financement public des
autres collectivités.
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Conclusion
Après la crise pétrolière de 2007-2008 et la crise financière, nous entrons maintenant dans une crise de mobilité.
En effet, les évidences scientifiques du réchauffement climatique et la prise de conscience politique qui a été
traduite par le Grenelle de l’environnement obligent à envisager des changements profonds des comportements
individuels dans les domaines de l’énergie, des déplacements et de la pollution atmosphérique. Il va nous falloir
faire très attention et modifier profondément certaines habitudes. Pratiquement, cette évolution sera directement
induite par les politiques tarifaires qui sont inéluctables à court terme :
• augmentation du prix du pétrole (car le pic de production semble être atteint, sinon dépassé)
• politiques de restriction de circulation déjà engagées ailleurs (péages urbains ….)
• taxation des émissions de CO2, déjà engagée.
Dans ce contexte, le projet de Rocade Nord est anachronique. C’est une solution du passé pour des problèmes
actuels. Quelle sera la fréquentation de cette rocade lorsque le gazole sera à 3 euros (avec un péage supérieur ou
égal à 4 euros) ? Le projet est donc inutile – il aurait fallu le réaliser il y a dix ans lorsque tous les clignotants
étaient au vert.
Il serait plus judicieux de mieux prévoir, dès maintenant, les problèmes économiques et sociaux à venir pour tous
les périurbains en investissant lourdement dans les transports en commun afin de faciliter la mobilité lorsque la
voiture ne sera plus viable économiquement. Il y a là de quoi utiliser intelligemment pour le futur le budget
prévu pour la rocade.
Nous demandons donc à la commission d’enquête de donner un avis défavorable et de
refuser l’utilité publique à ce projet.
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