L`Union européenne dans le monde : les grands enjeux d

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L`Union européenne dans le monde : les grands enjeux d
SPEECH/08/281
Benita Ferrero-Waldner
Commissaire Européenne pour les Relations Extérieures et la
Politique Européenne de Voisinage
L’Union européenne dans le monde :
les grands enjeux d’aujourd’hui
Cercle de Lorraine
Bruxelles, 27 mai 2008
Très chers hôtes,
Monsieur le ministre,
Madame la sénateur,
Excellences,
Mesdames et Messieurs,
Merci beaucoup Véronique de Keyser pour cette introduction élogieuse.
Depuis 1989, l'affrontement bipolaire a disparu. La libéralisation des économies, le
libre échange du commerce et de la finance, la révolution des technologies de
l'information, les progrès des transports ont façonné une planète interdépendante.
Cette évolution mutualise les opportunités, mais aussi les risques et les crises.
La mondialisation est une chance. Depuis 1990, le niveau de vie moyen a augmenté
de 50% dans le monde. Les résultats doivent être améliorés mais l'extrême
pauvreté recule de manière significative. Mais dans un univers qui change
rapidement, l'Europe est confrontée à une forte concurrence économique et pour
l'accès aux matières premières, aux ressources énergétiques. Elle doit aussi faire
face à de nouvelles menaces pour sa sécurité.
Au cours des cinquante dernières années, l'Union européenne a élaboré toute une
série d'instruments de politique extérieure, de nature politique, économique,
commerciale et financière, qui nous aident à protéger et à promouvoir nos intérêts
et nos valeurs. La Commission est représentée par plus de 120 délégations dans le
monde. C'est un réseau comparable à celui de la France ou du Royaume- Unis!
Les politiques internes de l'Union européenne jouent un rôle essentiel dans son
influence extérieure. Je pense notamment à l'environnement, l'énergie, la politique
de concurrence, l'agriculture et la pêche, les transports, la lutte contre le terrorisme
et l'immigration clandestine.
Inversement, la réalisation de nombreux objectifs de politique intérieure de l'Europe
dépend de l'utilisation effective des instruments de politique extérieure. Les citoyens
européens aspirent à ce que l'Union fasse usage de son influence internationale
considérable pour protéger et promouvoir leurs intérêts. Nos partenaires
internationaux attendent de l'Europe qu'elle assume ses responsabilités mondiales.
Pour y parvenir, l'UE doit utiliser plus efficacement ses atouts en matière de
politique extérieure.
Il y a trois défis essentiels aujourd'hui pour l'Europe:
•
affirmer l’identité européenne sur la scène internationale;
•
promouvoir un dialogue des civilisations sincère et équilibré, en priorité à nos
frontières;
•
assurer la sécurité de l'Union européenne.
Mesdames et Messieurs,
La mondialisation est une opportunité pour répondre à notre premier défi: affirmer
notre identité sur la scène internationale.
Avec le projet communautaire, les nations européennes ont accompli une révolution
de l’ordre international. Les Etats se sont détournés des rapports de force et de la
logique de puissance, au profit d'une approche nouvelle dans leurs relations : celle
du droit.
Face aux crises internationales, la primauté du droit international, à laquelle je suis
particulièrement sensible, trouve parfois ses limites.
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Il revient aux organisations multilatérales internationales (Organisation des Nations
Unies) ou régionales, telles que l'Union européenne, d'exporter leurs valeurs
fondatrices sur la scène internationale. Mais elles peinent aujourd'hui à montrer leur
efficacité. Pourtant les faits sont là.
L'Europe travaille au renforcement des institutions comme l’Organisation
internationale du travail ; elle s'engage activement pour la création d'une
Organisation mondiale de l’environnement. Elle promeut déjà une régulation du
système financier international, à travers le G8, le G20 ou le FMI.
L’identité de l’Europe sur la scène internationale c’est aussi notre réaction en cas de
catastrophes et gestion de crises.
Ce fut le cas lors du typhon qui vient malheureusement de frapper la Birmanie ou du
tremblement de terre en dans le Sichuan en Chine.
En Chine justement, nous avons poussé, avec réussite, pour un dialogue avec le
Dalaï Lama.
Je pense aussi à notre réactivité lors de certaines crises politiques. La libération du
personnel médical détenu en Libye, un sujet qui m'a tenu très à cœur et pour lequel
je me suis beaucoup engagée aux côtés de plusieurs présidences. Nos
engagements pour acheminer l'aide vers les Territoires palestiniens ainsi que notre
participation au Quartet. Malgré la détérioration récente, nous œuvrons sans
relâche pour apaiser la région et ses populations.
Ces instruments complètent la capacité croissante de la politique européenne de
sécurité et de défense.
Les missions militaires et de police menées notamment en Bosnie-et-Herzégovine,
dans l'ex-République yougoslave de Macédoine et en République démocratique du
Congo.
L’identité de l’Europe sur la scène internationale c’est aussi notre engagement pour
la protection de l’environnement.
Le Conseil Européen de mars 2007 a défini des objectifs ambitieux : réduire de 20%
les émissions de gaz à effet de serre ; porter la part des énergies renouvelables à
20% dans notre production énergétique; réduire la consommation globale d’énergie
primaire de 20%, d’ici 2020. En tant que Commissaire autrichienne, j'accorde un
intérêt particulier à ces enjeux. C'est un sujet que nous avons discuté de manière
approfondie avec le gouvernement Chinois il y a un mois lorsque nous nous
sommes rendus sur place.
L’identité de l’Europe sur la scène internationale c’est enfin notre puissance
économique et commerciale au service d'une politique de développement
ambitieuse.
Contrairement à certaines idées reçues, l’Europe est l'une des zones économiques
les plus ouvertes du monde. L'Union européenne est le premier partenaire
commercial des Etats- Unis, de la Russie, de la Chine et de l'Inde. Nous sommes le
deuxième partenaire commercial de l'Amérique Latine.
Eliminons tout de suite les faux débats, trop commodes pour occulter les vrais
enjeux.
Ce statut nous impose une stratégie offensive. L’Europe doit s’engager dans la
défense décomplexée de ses intérêts économiques et commerciaux.
Les pays en développement bénéficient de franchises de droits ou de tarifs très
avantageux pour leurs exportations à destination du marché communautaire. Cela
leur a offert de nouvelles opportunités en matière d'emploi, de croissance et
d'investissement.
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L’Union européenne et ses Etats membres sont aujourd’hui les premiers donateurs
mondiaux, totalisant près d’un quart des sommes engagées par l'ensemble des
pays de l’OCDE. Nous pouvons en être fiers. Mais là aussi, nous devons faire
encore mieux en améliorant la cohérence et l'efficacité de cette aide.
Mesdames et Messieurs,
Les années récentes montrent que nous ne pourrons pleinement tirer profit de la
mondialisation sans un dialogue plus approfondi entre les civilisations, notamment à
nos frontières. C’est notre deuxième défi. L'affaire des caricatures en a été un signe
avant-coureur.
La mondialisation a bien souvent été vécue comme une occidentalisation du
monde. Des réactions de refus sont apparues, tout comme des réflexes identitaires.
Nous devons lutter contre l’ignorance et l’intolérance.
L’Europe ne peut rester sourde à la rancœur et à la frustration ressentie dans
certaines régions du monde. Les autres nations ne peuvent ignorer nos inquiétudes
nées des économies défaillantes et du radicalisme politique.
C’est pourquoi nous avons besoin d’un vrai dialogue entre les civilisations.
Le fondement de ce dialogue doit être la liberté, la dignité et le respect de l’autre. La
liberté d’expression et la liberté de religion sont universelles. Elles ne sont pas
négociables. La violence est toujours la pire des solutions.
C’est le sens de la politique européenne de voisinage dont je suis chargée.
Nos plans d'action tiennent le plus grand compte de nos partenaires, de leur
situation et de leurs volontés. Nous adaptons nos ambitions et nos exigences à
chacun d'eux.
De toute évidence, nous ne pouvons pas exporter ou imposer la liberté, l’économie
de marché ou la démocratisation des institutions.
Mais ce que nous pouvons faire, ce que nous devons faire, c’est utiliser au mieux
notre pouvoir de transformation. Faire en sorte que les réformes viennent de
l’intérieur.
Pour moi, le changement de société vaut plus que le changement de régime!
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Mesdames et Messieurs,
Dans ce contexte, l’approfondissement de nos relations multilatérales avec nos
voisins du Sud au travers du Processus de Barcelone : Union pour la Méditerranée
est une opportunité.
Le processus de Barcelone nous a permis d'aborder de nombreuses questions
régionales stratégiques.
Mais il a souffert de la persistance des conflits au sud de la Méditerranée et du
manque de coopération entre les Etats partenaires.
Il y a une évolution positive. Je l'ai constatée au cours de mes récents
déplacements dans la région. Par exemple, nous souhaitons renforcer nos relations
bilatérales avec le Maroc dans le cadre de négociations sur un "statut avancé".
Le moment est venu de tirer profit d'une volonté politique renouvelée pour insuffler
un nouvel élan à notre coopération, et la rendre plus équilibrée et plus proche des
citoyens.
A la suite du mandat du Conseil européen, j’ai présenté la semaine dernière la
Communication de la Commission sur l’Union pour la Méditerranée. Elle apportera
un triple élan au processus de Barcelone.
D’abord, par le renforcement de la dimension politique des relations entre l'Union
européenne et ses partenaires méditerranéens.
Ensuite, par un rééquilibrage et un meilleur partage des responsabilités dans nos
relations multilatérales.
Enfin, nous élaborerons les projets en commun et ils seront toujours d'intérêt
partagé.
Je souhaiterais ainsi promouvoir les autoroutes de la mer, l'interconnexion des
autoroutes du Maghreb arabe, la promotion de l'énergie solaire et la dépollution de
la Méditerranée.
Ce sont des projets de grande ampleur, qui auront un effet structurant pour la
région, et qui permettront de mobiliser, autour d'un objectif commun, les pouvoirs
publics, les acteurs non étatiques, la société civile et les entreprises.
Je veux aussi ici mentionner la récente initiative de la Pologne et de la Suède pour
approfondir notre coopération à l'Est. Nous sommes en train de l'étudier.
Mesdames et Messieurs,
Le troisième défi de l’Europe est concret mais complexe : assurer la sécurité de
l'Union européenne, notamment sa sécurité énergétique.
En 2003, l’Union européenne a adopté une «stratégie de sécurité».
La stratégie identifie cinq menaces majeures auxquelles l’Europe est confrontée: le
terrorisme; la prolifération des armes de destruction massive; les conflits régionaux,
qu'ils soient éloignés (Cashmire, Grands Lacs, Péninsule Coréenne) ou aux
frontières de l’UE (Moyen-Orient, « conflits gelés » de Géorgie, d'Arménie et
d'Azerbaïdjan); la déliquescence de certains États et la criminalité organisée.
Si les menaces ainsi identifiées en 2003 sont encore réelles aujourd'hui, elles ne
traduisent pas, hélas, l'ensemble des défis auxquels l'Union doit faire face.
La sécurité énergétique, le changement climatique et l'immigration sont désormais
des sujets majeurs et incontournables de notre action.
L’immigration constitue à la fois un défi et une chance pour l’Union européenne.
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Elle a un impact économique et social et, bien entendu, en termes de relations
extérieures. Dans le contexte du vieillissement des sociétés européennes et de la
croissance des besoins du marché, la demande d’immigrants est appelée à
augmenter.
Je crois profondément que l'Union européenne a besoin d'une politique
d'immigration commune.
Mesdames et Messieurs,
Les questions énergétiques ont accédé au premier rang des préoccupations
internationales au cours de la période récente.
Nous sommes face à une nouvelle équation énergétique mondiale : il faut à la fois
assurer la diversité des sources d'approvisionnement, la diversité des routes de
transport, et plus de diversité dans notre bouquet énergétique.
Pour l'heure, le problème de l’Union européenne reste et restera la gestion de ses
importations, et la sécurité de ses approvisionnements, surtout en ce qui concerne
le gaz.
Or les difficultés se multiplient. La barre des 130$ par baril de pétrole a été franchie
la semaine dernière. C’est pourquoi la Commission travaille au développement de
ses échanges avec d’autres partenaires clefs, à l'Est et au Sud. J'ai accordé la plus
haute importance à cette question lors de mes récents déplacements au
Turkménistan, dans les pays du Golfe ou lors de mes entretiens avec les ministres
des pays du Mashrek en charge de l'énergie.
Pour certains, nos difficultés viennent de ce que, malgré les avancés du Traité de
Lisbonne, il n’y a pas de compétence communautaire de l’énergie.
Pour moi, le plus grave est l’absence de coordination et de transparence et de
solidarité.
Nous avons besoin d’une véritable diplomatie européenne pour assurer notre
sécurité énergétique et défendre une approche commune et intégrée.
C’est ce que je souhaite inscrire dans la nouvelle Stratégie européenne de sécurité.
Mesdames et Messieurs,
Bientôt dotée d’institutions nouvelles, d’un président du Conseil européen, d’un haut
Représentant en charge de la politique étrangère et d’un véritable service
diplomatique européen, l’Union sera en mesure de mieux s’affirmer sur la scène
mondiale.
L'Europe étant désormais sortie du blocage du chantier institutionnel qui durait
depuis 10 ans, le moment est venu de poser la question de l'avenir du projet
européen.
Avec la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), il revient aux Etats de
décider sur ces questions fondamentales. Soyons clairs: à ces institutions nouvelles
doit s'ajouter une volonté politique. Sans volonté politique des Etats membres, les
institutions seules ne permettront pas d'exprimer une position européenne unique.
Guidée par nos valeurs, la politique extérieure de l’Union doit s'appuyer sur une
vision claire du monde et des intérêts que nous défendons.
A travers elle, c’est l’identité européenne que nous exprimons et que nous portons.
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