Satan et le problème du mal

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Satan et le problème du mal
SATAN ET LE PROBLEME DU MAL*
Carlos del Tilo
« Ce qui est en bas est
comme ce qui est en haut, et
ce qui est en haut est comme
ce qui est en bas, pour faire le
miracle d’une seule chose. »
Hermès Trismégiste
« L’esprit sans corps ne peut
acquérir le savoir sensible
d’Hermès. » 1
Par sa révolte, Satan fut celui qui introduisit le Mal dans la création
projetée par Dieu, en séduisant la femme d’Adam.
Le problème du Mal est donc intimement lié à l’Ange rebelle.
En quoi consiste la révolte de Satan ?
La septième Sourate du Coran contient un enseignement très
précis à ce sujet ; elle dit ceci :
« Certainement, nous vous avons donné une forme, et nous avons
dit aux anges de se prosterner devant Adam. Ils s’inclinèrent, à
l’exception de Satan (Iblis) qui ne se prosterna pas.
Dieu lui dit : - Qu’est-ce qui t’a empêché de te prosterner quand je
te l’ai ordonné ?
- Je suis supérieur à lui ! Tu m’as créé de feu, et tu l’as créé d’argile,
répondit-il.
Dieu dit : - Descend d’ici ! Tu ne pourras pas te montrer orgueilleux
en ce lieu ! Sors ! Tu seras parmi les méprisables !
- Accorde-moi un délai, demanda Satan, jusqu’au jour où les
hommes seront ressuscités2.
Dieu dit : - Tu seras parmi ceux à qui il est donné d’attendre.
- Puisque tu m’as voué à l’erreur, répondit Satan, je les épierai le
long de ta voie droite. Je les assaillirai par devant et par derrière,
par leur droite et par leur gauche, et tu trouveras la majorité d’entre
eux ingrate à ton égard.
1
2
E. d’Hooghvorst, Le Fil, de Pénélope, La Table d’Emeraude, Paris, 1996, p. 72.
Le jour de la manifestation du corps glorieux d’Adam.
Dieu dit : - Hors d’ici, couvert de mépris et exilé ! Je remplirai la
Géhenne de ceux qui parmi eux, t’auront suivi ! »3
Une autre Sourate dit :
« Souviens-toi quand nous avons dit aux anges de se prosterner
devant Adam. Ils se prosternèrent, à l’exception de Satan ; celui-ci
dit :
- Moi, me prosterner devant celui que tu as créé d’argile ? Vois !
ajouta-t-il, si tu ajournes (mon châtiment) jusqu’au jour de la
résurrection, je dominerai sûrement toute la descendance de celui
que tu honores, excepté un petit nombre !
- Va-t’en ! lui dit-il. La Géhenne sera une ample rétribution pour toi
et pour quiconque te suivra parmi sa descendance. Séduis par ta
voix qui tu peux parmi eux ! Elance-toi contre eux avec tes chevaux
et tes fantassins ! Associe-toi à eux dans leurs biens et leurs fils, et
fais-leur tes promesses ! (Or ce que Satan leur promet, n’est
qu’illusion.) Quand à mes serviteurs, tu n’auras aucun pouvoir sur
eux. Ton Seigneur leur suffira comme protecteur. »4
Ces passages du Coran nous indiquent clairement pour quel motif
Satan refusa de se prosterner devant Adam. Ce qui l’en empêcha, ce
fut la fidélité envers son Dieu céleste : « Moi, me prosterner devant celui
que tu as créé d’argile ? »
En outre, le Coran nous avertit des menaces proférées par le
Rebelle contre les descendants d’Adam.
Ce qui trompa Satan, ce fut l’apparence de la première forme de
boue de la création adamique que Dieu lui présenta. Le Message
Retrouvé confirme cet enseignement du Coran :
« Satan a été trompé par l’apparence d’Adam, c’est pourquoi le
Seigneur a permis qu’Adam soit trompé par Satan au moyen des
apparences du monde et que les fils d’Adam subissent la même
épreuve troublante ».5
Satan jugea donc la création de l’homme seulement de l’extérieur,
mais il ne reconnut pas l’intérieur, c’est-à-dire il ne connut pas le mystère
d’Adam. « La création dont il s’agit, est, bien entendu, le Grand Œuvre
des alchymistes. »6
Coran, Sourate VII, 11-18.
Coran, Sourate XVII, 61-65.
5 L. Cattiaux, Le Message Retrouvé, Les Amis de Louis Cattiaux, Bruxelles, 1991, XXI, 3.
6 E. d’Hooghvorst, op. cit., p. 29. (Note du traducteur : La phrase complète est : La
création dont il s’agit, est bien entendu, le Grand Œuvre des alchymistes, et pas autre
chose. » Cfr encore ibid., p. 49 : « Sans création, c’est-à-dire sans chymie… » De telles
définitions évitent bien des égarements dans l’interprétation du mot création dans Le
3
4
En quoi consiste ce plan divin ?
La création de Dieu, c’est Adam. Le dessein du Dieu céleste est de
se corporifier dans la nature humaine, de se donner un corps, puisque
cette Pensée divine a besoin d’un corps pour s’établir en un lieu et pour
pouvoir parler.
Dans le cas contraire, ce n’est qu’une pensée sans limite qui ne
parle ni ne se connaît.7
Pour cette raison, il créa le corps d’Adam.8
Le Message Retrouvé dit :
« Un intelligent a voulu toucher le corps d’immortalité de notre beau
Seigneur, et grâce à lui nous savons qu’il s’agit d’une réalité
palpable et non pas d’une vaine apparence.
« Satan a été rejeté pour ne pas avoir rendu hommage à la sainte
et mystérieuse trinité d’Adam. »
« C’est grâce à ce corps de gloire que les fils de l’Unique sont
supérieurs à toutes les créatures de Dieu, même aux esprits
angéliques, et c’est ainsi que tout genou fléchit devant la gloire
d’Adam et que Satan ne pourra être réintégré dans le ciel avant
d’avoir adoré le très saint corps de Christ ressuscité. »9
Grâce à ce corps de gloire, la Pensée divine peut parler à travers
ses prophètes.
Tout le problème du Mal introduit par Satan dans le monde,
consiste précisément en ceci : refuser le plan divin de l’incarnation et
l’effacer de l’esprit des hommes.
On comprend ainsi pourquoi la révolte de Satan constitue le Mal
par excellence, la cause de tous les maux, puisqu’elle refuse à Dieu
l’occasion de parler et, par conséquent, ôte aux hommes toute
possibilité de salut, c’est-à-dire de vie éternelle.
Le but de Satan est d’annihiler l’homme, en le trompant au moyen
des apparences du monde, afin qu’au moment de la séparation, il
puisse s’emparer de son âme, c’est-à-dire de l’Eve d’Adam, de celle
dont il est amoureux depuis le commencement.
Message Retrouvé : il s’agira toujours de la création de l’homme, et non du monde qui
nous environne.)
7 (Note du traducteur :) C’est l’Ein Soph de la tradition judaïque, le Sans limite, qui
“n’est donc pas objet de la révélation” (E. d’Hoohgvorst, op. cit., p. 229). L’Ein Soph est
inconnaissable, et ni les Ecriture ni les sages n’en parlent jamais: “Il n’y a que les maîtres
de l’adoration qui en aient fait une certaine allusion” (ibid).
8 « Bien fol est qui sépare ceux que Dieu a unis : le corps et l’esprit ! » (E. d’Hooghvorst,
op. cit., p. 307)
9 L. Cattiaux, op. cit., XXXIII, 51 et 51’.
« Je les assaillirai par devant et par derrière, dit le Rebelle, par leur
droite et par leur gauche, et tu trouveras la majorité d’entre eux
ingrate à ton égard . »
Au jour du jugement, Satan se présentera au tribunal pour
reprocher à l’homme son mauvais comportement, pour n’avoir pas
accompli les commandements de son Dieu du point de vue moral. Mais
par la même occasion, il se rendra compte à la fin, que le dieu dans
l’homme qu’il avait combattu, est précisément celui auquel il désira
demeurer fidèle au commencement. Et tout ceux qui l’auront suivi,
malheureusement, seront terrifiés devant cette éclatante réalité.
Ainsi donc, il est clair que toute doctrine ou tout enseignement
spirituel qui élude ou passe sous silence l’actualisation du mystère de
l’incarnation du Dieu céleste en l’homme, provient de l’Ange rebelle,
puisqu’il maintient le croyant dans les apparences extérieures de ce
monde.
En effet, Satan est un grand moraliste, puisqu’il prêche que, selon
les Ecritures, l’homme se sauve par le biais de son bon comportement
moral.
Satan est aussi un grand mystique, ce qui n’est pas condamnable ;
mais il enseigne que , selon les Ecritures, le salut de l’homme, c’est-à-dire
l’union de son âme avec le Dieu céleste, s’obtient par l’ascèse, par la
mortification et finalement, par sa désincarnation, c’est-à-dire sa
libération du corps physique.10
En outre, Satan est scrupuleux à l’égard de la pratique des rituels. Il
dit que le salut de l’homme s’obtient par le moyen de la pratique
répétée des rites traditionnels qui agissent par eux-mêmes, en
transmettant un influx divin a ceux qui les pratiquent.
De fait, Satan est le père de tout les idolâtres, puisqu’il adore les
images, les symboles, les rites et les sacrements, et non la réalité qu’il
représentent. En un mot, il enferme l’homme dans la lettre morte de la
révélation qu’il est incapable de revivifié. Car il sait que « la lettre tue »
l’homme, et c’est là en réalité, le but qu’il désire atteindre.
Enfin, il faut signaler que Satan est nu lecteur assidu des Ecritures,
qu’il connaît par cœur, ce qui n’est pas critiquable, bien au contraire. Il
lit aussi leurs commentaires, bien qu’il préfère ceux qui sont de faction.
« ainsi sont les mystique séparant ce que le dieu veut unir. » E. d’Hooghvorst, op. cit.,
XXXI, 1’.
10
Mais on ne peut l’approuver lorsqu’il dit lorsqu’il dit que la lecture et
la méditation des saintes Ecritures suffisent pour nous donner, peu à peu,
la connaissance de notre Seigneur intérieur.
Il s’agit, une fois encore, mais d’une manière plus subtile, de nier
l’importance de l’Unique Nécessaire, qui est le Don de Dieu,
commencement nécessaire à toute véritable connaissance du Dieu
dans l’homme.
« Le Livre, dit Le Message Retrouvé, compte plus que celui qui l’a
écrit, et la chose dont parle le Livre compte plus que le Livre. Ainsi
nous ne devons pas oublier que le salut de Dieu compte plus que
les moyens du salut. »11
Toutes les formes que peut prendre le Mal dans le monde, ne sont
que la conséquence de ce Mal, dont la racine a été suscitée par la
révolte de Satan, par la négation de la dignité divine de l’homme.
Le mal donc, c’est oublier et, par conséquent, refuser
l’actualisation du mystère de l’incarnation divine ; c’est faire abstraction
de la nécessaire transmission du secret du Grand Art toujours présent
dans les mains des Fils de l’Unique ; c’est croire que sans la Sainte
Science de Dieu, l’homme, par ses propres moyens, est capable de se
sauver de ce monde d’esclavage, condamné à la mort et à la
dissolution.
« Il est vain d’essayer de lutter contre
Satan, il vaut mieux prier pour sa conversion et pour la nôtre. »
« Mais nous n’omettrons jamais de le louer, en public et en
particulier, pour son incarnation sainte et parfaite. »12
Traduction H. Van Kasteel
(*) Note du traducteur : Cet article a paru, dans sa version originale,
dans La Puerta n° 54. C’est un excellent rappel, d’une grande précision
et d’une stupéfiante actualité, « pour ceux qui voient et qui entendent
encore un peu dans le, crépuscule de la fin » (L. Cattiaux, Le Message
Retrouvé, Les Amis de Louis Cattiaux, Bruxelles, 1991, XXXI, 49).
11
12
L. Cattiaux, op. cit., XXXI, 1’.
Ibid., VIII, 48 et XXXII, 52’.

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