Prêtres-Ouvriers L`équipe du Mans fête ses 50 ans

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Prêtres-Ouvriers L`équipe du Mans fête ses 50 ans
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Prêtres-Ouvriers
L’équipe du Mans fête ses 50 ans
Tableau de Jean-Marie Duchemin, prêtre du diocèse du Mans. En
1967, il a été offert par l’auteur à l’équipe des prêtres-ouvriers du Mans
sous le titre :
L’usine.
La toile s’articule autour d’un foyer central rougeoyant comme un four et
rayonnant comme un volant en mouvement. Divers éléments évocateurs de la
production industrielle gravitent harmonieusement autour : chaînes à godets,
tuyauteries, cornues, engrenages… On va de l’intérieur à l’extérieur, de la
lumière à l’obscurité, du dedans au dehors.
L’auteur a-t-il voulu signifier la place des prêtres-ouvriers ?
Et vous, où situez-vous les prêtres-ouvriers ?
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50 ans de présence missionnaire
dans le monde ouvrier sarthois
Noël Barré et Michel Ollivier
Les Prêtres-ouvriers fêtent le cinquantenaire de la fondation de leur équipe
par la Mission ouvrière du Mans, en 1965.
Ils sont encore bien présents à l’Église diocésaine bien qu’en nombre réduit.
Un seul est encore en activité professionnelle.
Au cours des années, leur équipe a comporté des prêtres diocésains, des
religieux et des prêtres de la Mission de France. Envoyés dans le monde
ouvrier par leurs évêques et par leurs supérieurs religieux, ils ont participé
activement au quotidien du travail ou des quartiers et paroisses populaires.
Ils participent encore activement à la vie associative et ecclésiale :
Engagements profanes : Aide à domicile - ASTRE - ATRE Château du Loir ATTAC - CFDT- CGL - CGT - CNL - Culture et Liberté - La Halte Mancelle
- MNCP 72 -RESF.
Engagements religieux Mission ouvrière ( ACO- JOC) - Aumônerie des
Prisons - Cancer espérance - Chemins ignatiens et retraites dans la vie - CVX Formation permanente diocésaine - Haltes prière - Pastorale des migrants.
Tous maintiennent des relations amicales avec les personnes qu’ils ont
croisées durant leur vie active. Ces relations les rendent très proches de la
précarité de beaucoup de personnes, mais aussi des associations populaires.
En 1992-1993, Mgr Gilson a mené avec l’équipe des prêtres-ouvriers du diocèse
une réflexion approfondie sur le ministère PO (Prêtres-ouvriers). Il a écrit en
2009 : « Faut-il renoncer aux prêtres-ouvriers ? Certainement pas. […] C’est
aux évêques de convertir leurs regards sur la société et son environnement pour
oser appeler et envoyer des prêtres au travail professionnel. »
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Naissance
* "Les apôtres des ouvriers seront des ouvriers" (Pie XI).
1925. La naissance de la JOC prépare celle des prêtres-ouvriers :
1939-1944. Les prêtres déportés,etprisonniers ont conscience d’une nécessaire
évolution de leur ministère. 1942 : Fondation de la Mission de France, de la
Mission de Paris. Parution de France, pays de mission ?
1946. Des prêtres demandent à travailler dans les usines et les chantiers pour
« passer le mur » qui sépare l’Église du monde ouvrier. En 1947 ils sont 40 en
France, en 1954 ils sont 100.
« Pour le grand nombre des prêtres qui passent au travail, c’est un
engagement missionnaire. » « Par le travail nous rencontrons des hommes
dans leur vie réelle et nous les aimons pour ce qu’ils sont. ». (André Depierre,
prêtre-ouvrier à Montreuil)
1954. La suppression
Le décalage avec les paroisses est trop grand. Certains PO sont isolés. Les
engagements sont lourds. Ce nouveau ministère aurait demandé un renouveau
de la théologie du sacerdoce dans un sens missionnaire. Pourtant le bilan de
cette histoire missionnaire est largement positif Jean XXIII décidera bientôt un
Concile. Mais le Saint-Office écoute trop les dénonciations et subit des
pressions. Le 23 septembre 1953, l’autorité romaine décide « L’expérience
des PO doit cesser ». Le 1er mars 1954 est la date limite pour quitter le travail.
Il faut attendre le Concile de Vatican II pour une reprise de ce ministère
Au Mans
1951. 1ère équipe d’ACO (Action
catholique ouvrière). 1959, Mg( Chevalier,
évêque du Mans favorise l’ACO et la
naissance de la Mission ouvrière (secteur
sud). Il est envisagé des prêtres au travail.
En 1963, deux Jésuites sont invités par
Mgr Chevalier. Il est entendu qu’ils seront
employés aux tâches d’évangélisation du
monde ouvrier, dans le cadre du futur
secteur missionnaire. En 1965, Charles
Dufay, prêtre diocésain, Noël Barré et
Joseph Boudaud, jésuites, font équipe et
sont autorisés à aller travailler en usine.
Joseph Boudaud, fraiseur
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Prêtre-ouvrier!…
Quel intérêt et quel sens cela peut-il avoir ?
Témoignage de Sandro Cuadrado (2012)
« Dans une société laïque, individualiste et largement marchande, le
catholicisme peut être une proposition de sens parmi d’autres…. Il y a ici une
urgence, l’urgence du Royaume qui vient et dont l’Église a pour mission de
dire (d’un dire prophétique et sacramentel) tout à la fois la présence et
l’absence.
Pourquoi le choix du travail dans
mon appel de prêtre ? Il y a la
conviction, l’impératif
évangélique, que ma vie de
prêtre doit être concrètement
enracinée dans la solidarité avec
les plus fragiles, confortée par la
rencontre fortuite des Prêtres
ouvriers, lors de ma formation au
ministère. Quand mon évêque
m’y autorisa, un an ou deux
après mon ordination, je
m’inscrivis sur le marché du
travail. Un mois de remplacement dans une société de
nettoyage industriel puis quelque temps de chômage, CDD variés à l’hôpital,
remplacements; enfin l’opportunité d’un CDI.
Me voici donc depuis 9 ans brancardier, lié par un contrat à temps partiel (80%),
donc pas vraiment précaire mais par contre tout en bas de la hiérarchie. Je suis
aussi aumônier de la JOC (jeunesse ouvrière chrétienne) et, à la demande de mon
évêque, j’habite au presbytère d’Allonnes sans avoir de responsabilités officielles
en paroisse.
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Selon l’enseignement de Vatican II
« Les prêtres vivent avec les autres hommes comme des frères… Par leur
vocation et leur ordination, les prêtres de la Nouvelle Alliance sont, d’une
certaine manière, mis à part au sein du peuple de Dieu; mais ce n’est pas pour
être séparé de ce peuple, ni d’aucun homme quel qu’il soit; c’est pour être
totalement consacrés à l’œuvre à laquelle le Seigneur les appelle. Ils ne
pourraient être ministres du Christ s’ils n’étaient témoins et dispensateurs
d’une vie autre que la vie terrestre, mais ils ne seraient pas non plus capables
de servir les hommes s’ils restaient étrangers à leur existence et à leurs
conditions de vie. » (Presbyterorum ordinis, 3)
Le travail me permet de tenir harmonieusement ces deux exigences qui n’en
font qu’une, servir Dieu et les hommes, témoin qui appelle ses frères et ses
sœurs au service du Royaume qui vient. […]
Le travail nous fait toucher du doigt (et même à pleines mains !) nos fragilités,
nos violences, nos compromissions, en un mot notre péché. Et il nous oblige à
poser des choix : solidarité, pardon, engagement pour les compagnons de
travail, en un mot une certaine mort à soi-même, au cœur du mystère
eucharistique. […]
Ce qui fait le prêtre dans la tradition catholique c’est le sacrement et non pas sa
position dans le monde. Il n’est pas un spécialiste, surtout pas un homme de
pouvoir, mais un homme du signe et de l’Alliance par la médiation du seul
médiateur, le Christ…Il y a comme une nouvelle chance pour que l’Évangile
résonne à nouveau dans sa vérité. »
Sandro Cuadrado
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Insertions des PO sarthois
En 1965, Charles Dufay, prêtre diocésain, est
manutentionnaire chez Helminger (Transports)
puis, en 1967, magasinier chez LefrancBourgeois (Chimie), Les deux jésuites, Noël
Barré et Joseph Boudaud, sont tous deux OS
dans la métallurgie chez Ohmic et
Westinghouse.. Habitant d’abord séparément,
les trois se fixent finalement dans les HLM de
la rue Paul Ligneul (1968). Cette même année
Joseph Boudaud licencie de chez Westinghouse
est embauché comme fraiseur à la SICO.
Charles Dufay.
Une communauté de Capucins s’insère dans le quartier des Bruyères :
Christophe Hervé, Vincent Lorenzeau qui travaille "à la tâche" chez
Martini et Michel Brière à la Brasserie Saint Éloi (1966). Joseph
Babonneau, OS chez Nozal, est embauché en 1970 aux Abattoirs. Licencié en
1980, il connaît le chômage puis il est employé à l’entretien des écoles.
Francis Périot travaille un temps chez Bollée puis à la SCBA. Georges
Leray est employé aux Nouvelles Galeries (1970). Leur communauté quitte
les Bruyères pour un appartement dans le quartier du Christ-Sauveur. En
1973, Claude Beguin remplace Michel Brière parti à Tours. Après avoir fait
une FPA (1976), il est tourneur chez Pérelle (1978). En 1983, lui et Joseph
Babonneau vont habiter avec Philippe Clément. En 1983, le dernier venu des
capucins, Christian Parcy, assistant social, va participer activement à la
création de l’ASTRE (Association sarthoise des travailleurs en recherche
d’emploi) avec Joseph Boudaud, lui-même au chômage.
En 1967, Philippe Clément qui travaille
chez Lepelletier-Drouard (Négoce de
matériaux) rejoint l’équipe des PO. Il est
ordonné prêtre en 1978, par Mgr Alix, en
même temis que Jean-Jacques Guillemot,
jésuite, ouvrier chez Lacotte (Textile) après
avoir travaillé chez Renault, à Choisy.
André Mantault, prêtre du diocèse d’Angers, est embauché en 1968 chez
Lucielac, au Lude, puis en 1969, au Béton Vibré à La Flèche. Licencié il
trouve un emploi dans l’élevage de poulets chez Hubbard. En retraite au
presbytère de St Bertrand au Mans il y meurt en 2000.
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1968. Bernard Adam, curé d’Allonnes, travaille à mi-temps à l’entretien des
HLM, avant de partir pour Bogota en Colombie. Il reviendra plus tard au Mans
où il travaillera à La Salubrité mancelle pendant deux ans, avant de retourner
en Colombie. Il y meurt en 1996.
En 1969, les Oblats de Marie arrivent sur
Arnage. Gérard Marsaud est en mission auprès
des jeunes (moniteur de basket). Après une
formation de maçon, Pierre Ven est embauché
chez Quaggio en 1970, et Gérard devient
rédacteur à la MGF en 1972. Ils viennent loger
aux Glonnières. Tous deux vont y nourrir de
riches relations et militer à la CNL, Gérard
Marsaud jusqu’à son décès (2009), Pierre Ven
jusqu’à son départ pour la maison de retraite des
Oblats à Pontmain (2013).
Gérard Marsaud
Les Fils de la Charité qui sont d’abord au service des paroisses St Liboire,
puis Ste Thérèse s’engagent eux aussi dans le travail salarié. De 1976 à 1983,
Pierre Jordanne, arrivé du Brésil, travaille au Centre Hospitalier comme
infirmier. De 1982 à 1989, Eric Récopé travaille à mi-temps à l’entretien des
écoles. De 1989 à 1999, Daniel Godefroy, au service des jeunes (JOC)
comme Eric, est Correspondant Jeunes PAIO ; depuis il est en mission aux
Philippines. De 1998 à 2006, Jean Leroy prend sa retraite au Mans, sur la
paroisse Sainte-Thérèse.
En 1983, Germain Halleguen, prêtre diocésain originaire du Finistère,
rejoint l'équipe PO: il travaille depuis quelques années dans le rural (Fabrique
d'emballages). Il est en lien avec les prêtres de la Mission de France du centre
des Sablons à Lavernat, Jean-Baptiste Chevalier, Marcel Harel et JeanMarie Falloux qui ont été prêtres-ouvriers dans le rural. Au chômage en 1994,
il assure du service paroissial jusqu'à son décès en 2013, à CéransFoulletourte.
En 1985, Michel Ollivier, prêtre diocésain originaire de Loire-Atlantique,
jusque-là aumônier jociste, devient Travailleur Social à 2/3 temps.
En 1997, André Schneider, employé communal des espaces verts est ordonné
diacre. Il rejoint l’équipe des prêtres-ouvriers. Il est spécialement attentif aux
précaires et aux malades.
Sandro Cuadrado, ordonné prêtre en 1999, entre au travail, à mi-temps, au
Centre Hospitalier, tout en étant aumônier diocésain de la JOC. (Voir page 4)
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Quelques-unes de nos convictions
En entrant dans la vie ouvrière, notre projet est de vivre selon l'Évangile,
témoigner de Jésus-Christ vivant et participer à l'éclosion d'une Église où les
travailleurs se sentent chez eux et responsables.
Pas plus que notre vie, notre sacerdoce n'est une affaire individuelle : engagés
dans l'existence quotidienne et dans les solidarités collectives avec les hommes
et les femmes de ce temps, il n’est rien de vraiment humain qui ne trouvent
écho dans nos cœurs.
En même temps, nous voulons être membres à part entière du presbyterium,
car personne ne peut accomplir sa part de la Mission du Christ à son propre
compte. Nos options et notre manière d'assumer notre responsabilité de prêtres
ont besoin de repères et de contrôle plus larges ; nous ne sommes pas les
propriétaires du ministère dont l'Église nous a chargés. Notre équipe
diocésaine de prêtres-ouvriers se réunit toutes les trois semaines pour faire
révision de vie. Cette équipe représente l'Église qui discerne, soutient, remet
en cause chacun et le réinterroge sans cesse devant l'Évangile.
Pour en savoir plus :
Charles Suaud et Nathalie Viet-Depaule. Prêtres et ouvriers,
Une double fidélité mise à l'épreuve, 1944-1969. Karthala, 2004.
Noël Barré. Jésuites et ouvriers, La Mission ouvrière jésuite de
1944 à la fin des années 1990. Karthala, 2014
Contact: Michel Ollivier, secrétaire de l’équipe PO
Tel 02 43 54 25 21: