La Catalogne, région espagnole ou eurorégion

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La Catalogne, région espagnole ou eurorégion
SÉQUENCE PÉDAGOGIQUE 2
GÉOGRAPHIE 1 re
L’ESPAGNE • TDC N° 980
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La Catalogne, Région espagnole
ou Eurorégion?
> PAR ÉRIC AMBITE, PROFESSEUR CERTIFIÉ D’HISTOIRE-GÉOGRAPHIE
Place dans les programmes
Objectifs et démarche
Cette séquence peut trouver sa place en géographie en
1res L, ES ou STG, voire en ECJS en 2de ainsi qu’en 1re.
L’Espagne est plurielle. Or notre interprétation jacobine
des espaces administratifs, couplée à l’étude du castillan
comme seule langue officielle (rappelons que l’espagnol est,
après l’anglais, la deuxième langue vivante la plus étudiée dans
notre cursus scolaire) et renforcée par notre subjectivité
historique, tend à résumer l’Espagne à un miracle économique
via l’intégration européenne, et à la reléguer au rang de puissance finalement assez peu étudiée car secondaire sur le plan
mondial.
Le choix des documents vise ici à mettre en évidence la
Catalogne comme Communauté autonome d’Espagne, région
puissante et motrice au niveau national, affirmant une identité politique et culturelle la conduisant à se démarquer fortement du reste du pays et à se percevoir à l’échelle européenne
comme une « nation ». Cette réalité permet de réfléchir à des
notions comme celles de peuple, d’État, de nation, de frontière
et d’intégration.
En 1res ES et L est mentionnée l’étude de « deux États
dans l’Union européenne : l’Allemagne ou le RoyaumeUni, l’Espagne ou l’Italie », dans le cadre du chapitre
« L’Europe des États », « leur présentation [devant] être clairement problématisée sous l’angle de leur place dans l’Union
européenne ». Précision supplémentaire : « l’Espagne, par sa
position géographique, est une péninsule européenne et méditerranéenne, où le retour à la démocratie a permis la mise en
place d’une organisation administrative originale qui reconnaît
une Espagne plurielle. La Constitution de 1978 insiste sur l’indissolubilité de la nation espagnole et le droit à l’autonomie des
nationalités et des régions. Cette organisation politique ainsi
que la forte croissance économique engendrée par l’intégration à l’Union européenne ont des effets sur les dynamiques
régionales. »
En 1re STG, la première partie du programme, « Les territoires européens », propose, comme sujets d’étude obligatoires, «une région d’un autre État de l’Union européenne»
ou « une région transfrontalière ». Le choix de la Catalogne
s’inscrit dans cette démarche : « La région choisie, examinée
au titre de sa singularité (structures et dynamiques territoriales), est l’occasion d’analyser les enjeux de l’aménagement,
de l’environnement et du développement durable. Sur ce territoire s’inscrivent et s’articulent les actions volontaristes engagées
par les autorités de gestion (région, État, Union européenne). »
La Catalogne permet d’aborder un grand nombre de notions de
ce chapitre : territoire, État, région, aménagement, environnement, frontière, intégration territoriale.
Cet espace limitrophe qu’est l’Espagne peut aussi être
étudié en ECJS. Les thèmes proposés dans cette discipline
offrent la possibilité d’entrevoir sa pluralité en la comparant à
la France : en 2de, « Citoyenneté et intégration : diversité
des traditions culturelles et culture commune » ; en 1re,
« Exercice de la citoyenneté, république et particularisme : État, peuple et nation ».
Il est également possible d’envisager un travail transdisciplinaire avec le professeur de langue, ou dans le cadre des TPE
en classe de 1re.
Objectifs cognitifs
– Comprendre le fait régional spécifique espagnol au travers de
l’exemple de la Catalogne.
– Connaître les différents éléments régionaux espagnols et
leur poids relatif dans l’Espagne, particulièrement à travers les
spécificités linguistiques.
– Comprendre comment les Catalans parviennent à hisser leur
régionalisme à un rang européen.
– Saisir l’importance et les enjeux de la spécificité catalane à
l’échelle nationale espagnole et à l’échelle européenne.
– Comparer les différentes échelles administratives et leur
emboîtement entre la France et l’Espagne.
Objectifs méthodologiques
– Observer: savoir étudier des documents de différentes natures,
savoir repérer des éléments d’analyse et être capable de les
contextualiser.
– Analyser : dépasser l’observation afin de parvenir à l’analyse
et à la synthétisation des données et d’en tirer des conclusions.
– Raisonner: savoir classer ses connaissances pour les réutiliser.
– Communiquer oralement ou par écrit, savoir restituer correctement ses connaissances.
– Dépasser la simple observation.
– Savoir réaliser une étude de documents, cela dans la perspective du baccalauréat général où le choix des élèves se
porte majoritairement sur ce type d’épreuve.
>> DOCUMENTS
A Pays du Nord, pays du Sud
Publicité de la Generalitat de Catalunya parue dans
Le Monde du 23 avril 1999.
●
B Données statistiques
● Répartition
régionale du PIB.
Source : http://epp.eurostat.ec.europa.eu/portal/page/portal/
eurostat/home/
Répartition régionale de la population.
Source : http://epp.eurostat.ec.europa.eu/portal/page/portal/
eurostat/home/
●
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© ÉRIC AMBITE/BERNARD SULLEROT
C Des Régions et des langues
SÉQUENCE
SÉQUENCEPÉDAGOGIQUE
PÉDAGOGIQUE
1 2
D Le statut d’autonomie
●
Loi organique du statut de la Generalitat de Catalunya, juin 2006.
Préambule
La Catalogne s’est construite au fil du temps avec les apports d’énergies de plusieurs générations et de nombreuses traditions et cultures qui y ont trouvé une terre d’accueil. Le peuple de Catalogne a maintenu au cours
des siècles une vocation constante de gouvernement autonome. […]
• le gouvernement autonome de la Catalogne est fondé sur la Constitution ainsi que sur les droits historiques
du peuple catalan, qui, dans le cadre de celle-ci, donnent naissance dans le présent statut à la reconnaissance
d’une position singulière de la Generalitat. La Catalogne veut développer sa personnalité politique dans le cadre
d’un État qui reconnaît et respecte la diversité d’identités des peuples d’Espagne ; […]
• la Catalogne, à travers l’État, participe à la construction du projet politique de l’Union européenne, dont elle
partage les valeurs et les objectifs ; […]
Le Parlement de Catalogne, recueillant le sentiment et la volonté de la citoyenneté de la Catalogne, a défini la
Catalogne comme une nation à une large majorité. La Constitution espagnole, à l’article 2, reconnaît la réalité nationale de la Catalogne en tant que nationalité. […]
Article 8. Les symboles de la Catalogne
1. La Catalogne, définie en tant que nationalité à l’article 1, a comme symboles nationaux le drapeau, la fête et
l’hymne.
2. Le drapeau catalan, drapeau traditionnel comportant quatre barres rouges sur fond jaune, doit se trouver sur
tous les édifices publics et être présent lors des actes officiels se déroulant en Catalogne.
3. La fête de la Catalogne est la Diada le 11 septembre.
E Les quatre drapeaux
●
Façade principale de la mairie de Figueras.
© ÉRIC AMBITE
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Article 6. La langue propre et les langues officielles
1. La langue propre de la Catalogne est le catalan. En tant que tel, le catalan est la langue utilisée habituellement et de préférence par les administrations publiques et les médias publics de Catalogne. En outre, le catalan
est normalement utilisé comme langue véhiculaire et d’apprentissage dans l’enseignement.
2. Le catalan est la langue officielle de la Catalogne, de même que le castillan, qui est la langue officielle de l’État
espagnol. Toutes les personnes ont le droit d’utiliser les deux langues officielles, et les citoyens de Catalogne ont le
droit et le devoir de les connaître. Les pouvoirs publics de Catalogne doivent mettre en place les mesures nécessaires pour faciliter l’exercice de ces droits et le respect de ce devoir. […] Il ne peut y avoir de discrimination en raison
de l’utilisation de l’une ou l’autre langue. […]
F L’organisation du territoire espagnol
●
Manuel d’histoire-géographie 4e, © Magnard, 2006.
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●
1. Extrait d’un dossier de presse. Source : www.gencat.cat/
Bilan d’une année (octobre 2004-octobre 2005)
28 octobre 2005
Eurorégion Pyrénées-Méditerranée
Le président de Midi-Pyrénées, Martin Malvy, assurera la première présidence tournante dès le premier janvier
2006.
[…] Les cinq régions qui intègrent l’Eurorégion ont approuvé sa structure, son organisation et son système de
fonctionnement, et ont mis en marche le bureau du secrétariat et de la coordination européenne. Ils ont aussi défini
les pôles d’action de l’Eurorégion, diverses politiques concertées et ont établi les termes de référence de cinq des
principaux projets qui sont en cours de développement et comptent avec la participation d’experts des cinq régions :
le portail culture, l’observatoire socio-économique, l’EuroBIO région, le centre de recherche en tourisme et le réseau
de chambres de commerce.
Concernant le positionnement de l’Eurorégion comme groupe de pression, les cinq présidents se sont déplacés
conjointement au mois de mai dernier à Bruxelles pour présenter l’Eurorégion au président de la Commission européenne, J.-M. Barroso. […]
L’Eurorégion Pyrénées-Méditerranée a initié sa route le 29 octobre 2004 avec la signature de la déclaration constitutive «l’Eurorégion, un futur partagé». […] L’acte a eu lieu au Palais de Pedralbes de Barcelone à l’invitation de Pasqual
Maragall, président de la Generalitat de Catalunya.
Actuellement, l’Eurorégion se situe parmi les plus peuplées d’Europe. Elle représente 17 % de la population
conjointe de l’Espagne et de la France ; son PIB est pratiquement 14 % du total de ces deux pays (2001) et elle fournit
un volume d’emploi supérieur à 7 millions de postes de travail (18 % de l’ensemble franco-espagnol). La volonté du
noyau fondateur est d’étendre la coopération interrégionale à d’autres territoires de l’arc pyrénéen et/ou méditerranéen dans certaines initiatives.
Objectifs principaux
La vocation finale de la nouvelle Eurorégion est de se transformer en un pôle d’innovation et de croissance
durable basée sur la connexion entre les centres industriels, scientifiques et technologiques de la zone eurorégionale. […] L’objectif est d’exercer de facto un leadership dans le contexte euroméditerranéen, partagé par toutes
les régions qui composent l’Eurorégion, dans le but de devenir une référence de base dans le sud de l’Europe et dans
la Méditerranée, ainsi qu’un moteur de croissance soutenue et compatible avec le respect de l’environnement.
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G Une Eurorégion
2. Fonds structurels européens 2007-2013. Source : http://ec.europa.eu/
●
3. Infrastructure TGV Eurorégion. Source : www.euroregio.eu
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© BERNARD SULLEROT
© BERNARD SULLEROT
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>> ANALYSE DES DOCUMENTS
A Un atout pour l’Europe
Cette affiche éditée par la Generalitat de Catalunya
exprime bien l’image que la Catalogne souhaite donner
d’elle-même à son principal partenaire étranger, la France,
associant avantages géographiques et économiques de
l’Europe du Nord et de l’Europe du Sud. L’absence de toute
référence à l’Espagne est notable. En jouant de l’ambiguïté du mot «pays», la Catalogne fait en sorte de se représenter comme un État indépendant au sein de l’Union
européenne (UE).
Le texte souligne un dynamisme renforcé par la réversibilité de l’image : « Quel que soit votre point de vue, vous
n’y verrez que des avantages. Par sa situation stratégique
pour entrer dans les marchés européens et comme plateforme commerciale vers le reste du monde, pour sa productivité élevée et son esprit d’entreprise, pour la haute
qualification de ses travailleurs, parce qu’elle reçoit un
investissement étranger de 4,6 milliards de dollars annuels
et qu’elle accueille plus de 2 600 multinationales, pour
toutes ces raisons et plus encore, la Catalogne est, sans
aucun doute, un pays du Nord. Ou peut-être du Sud ? »
Le tiers des régions pèse pour deux tiers de l’économie
totale. Les indicateurs économiques accordent alternativement dans leurs classements la primauté à la Communauté de Madrid ou à la Catalogne, attisant ainsi une forme
de concurrence. Cette dernière, avec 29 000 euros de PIB
par habitant en 2006, est dépassée par le Pays basque et
la Navarre (+ 30 000 euros), et par Madrid (32 000 euros).
Le taux de croissance du PIB en 2006, de 3,8 %, n’est pas
non plus le plus important : dix autres Régions la dépassent
avec des chiffres allant jusqu’à 4,1 %.
Le tiers des régions pèse pour deux tiers de la population totale. La Catalogne, avec 7,167 millions d’habitants,
vient au deuxième rang après l’Andalousie. Sa densité, de
213 hab/km2, est l’une des plus importantes d’Espagne,
mais elle est dépassée par Madrid, la Navarre et les cités
autonomes de Ceuta et Melilla. Cependant, la Catalogne
se place en tête selon de nombreux indicateurs, en particulier par la métropolisation, la littoralisation et le flux des
espaces régionaux espagnols.
C Autonomies et langues
Le premier niveau de division administrative du territoire espagnol présente dix-sept Communautés autonomes, plus deux cités autonomes, Ceuta et Melilla, sur le
sol marocain, ayant peu ou prou le même fonctionnement.
D Une « nation » catalane ?
Ce texte est extrait du troisième statut d’autonomie
de la Catalogne, adopté par référendum en juin 2006.
Les Communautés autonomes se répartissent entre
«Régions autonomes» (article 143) et «nationalités» (article
151), permettant un processus d’autonomie accéléré aux
régions dites « historiques », qui pendant la IIe République
avaient déjà bénéficié d’un statut d’autonomie : Catalogne,
Galice et Pays basque.
La Generalitat de Catalunya est un gouvernement
reconnu, dont les origines renvoient à l’histoire espagnole
contemporaine (période républicaine), mais aussi lointaine
(règne de Jacques Ier au XIIIe siècle). La formulation de ce
texte se calque sur celle de la Constitution espagnole. On
trouve tous les symboles d’un véritable État souverain :
hymne, drapeau, fête nationale, et même un saint patron :
saint Georges, Sant Jordi. Le bilinguisme est reconnu mais
non sans ambiguïté, avec le « droit et devoir de connaître
les langues… », rare allusion à l’apprentissage du castillan.
D’où une concurrence entre l’État central et la Generalitat
en ce qui concerne l’éducation. À cet égard, le principe de
non-discrimination peut s’avérer difficile à appliquer.
Els Segadors, l’hymne catalan, composé en 1899, fait
référence à un soulèvement survenu au milieu du XVIIe
siècle contre la fiscalité du roi Philippe IV. Ce fut la chanson
de ralliement des républicains pendant la guerre civile,
d’où son interdiction sous Franco. La Diada, fête nationale
célébrée le 11 septembre, commémore un fait d’armes
contre l’absolutisme royal espagnol, le siège de Barcelone
par les troupes franco-espagnoles en 1714. La Diada de
Sant Jordi, la Saint-Georges, commémorée le 23 avril, est
l’occasion d’organiser des bourses aux livres dans les villes
catalanes, mais aussi de pavoiser avec le senyeres (signe
de reconnaissance en catalan), et des déclinaisons du drapeau «national» catalan. La consommation du Tió de Nadal,
bûche de Noël en catalan, qui n’a rien de gastronomique,
est vivement recommandée par la Generalitat. Le 1er janvier, les Catalans se calent sur le décompte des douze
coups de minuit barcelonais plutôt que sur celui de la
Puerta del Sol, à Madrid. Emblème de la Catalogne, le burro
català, l’âne catalan, apposé à l’arrière de maints véhicules,
s’oppose lui aussi au taureau espagnol.
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B Données statistiques
La Constitution reconnait l’autonomie de ces Régions
dans le cadre de la nation espagnole. Le bilinguisme est
institutionnel pour la Galice, le Pays basque, la Navarre,
Valence, les Baléares et la Catalogne. D’autres langues sont
présentes, les castillans eux-mêmes possèdent plusieurs
dialectes et des prononciations différentes : l’unité nationale ne repose pas uniquement sur le critère linguistique.
Ajoutées aux particularismes physiques, les superficies rendent les régions espagnoles très disparates. Avec
32 114 km2, la Catalogne arrive au sixième rang, avec un
territoire qui fait le tiers de celui de la Castille-et-León mais
est huit fois plus grand que celui des îles Baléares.
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L’affirmation identitaire de cette région ne repose donc
pas seulement sur la particularité linguistique, ni sur l’éternelle opposition footballistique entre le Barça et le Real,
mais aussi sur un champ symbolique promu par les autorités régionales et largement entretenu par les médias.
E Une quadruple identité
Figueras est la première unité urbaine d’importance
après la frontière pyrénéenne, dans le nord-est de la
Catalogne. Avec 41 117 habitants, c’est le « chef-lieu » de
la comarque (contrée) du Haut-Ampurdan, dans la province de Gérone. La prononciation et la graphie de ce lieu
sont multiples : Figueres en catalan, Figueras en castillan,
Figuères sous la forme d’un catalan francisé, ou, dans un
français peu usité, Figuières.
Sur la façade de la mairie (ajuntament), on voit quatre
symboles d’appartenances identitaires, dans une logique
d’emboîtement scalaire significative: de droite à gauche en
regardant l’édifice, l’espace européen, la Catalogne,
l’Espagne, et enfin la ville. Quel que soit l’ordre de lecture,
l’enchaînement des échelles territoriales n’est pas parfaitement proportionnel. Le placement des drapeaux catalan
et espagnol fausse une logique scalaire dans l’appropriation des espaces. La Communauté autonome catalane
est-elle une subdivision territoriale de l’UE ou de l’Espagne?
Le drapeau de l’UE symbolise la solidarité et l’harmonie
entre les peuples d’Europe. Le drapeau officiel catalan
depuis 1931, les « barres catalanes », dont l’origine légendaire (IXe siècle ?) renverrait à l’héraldique des comtes catalans, est revendiqué comme l’un des plus anciens drapeaux
européens. Le drapeau national espagnol, créé vers la fin
du XVIII e siècle, et défini selon un article précis de la
Constitution de 1978, renvoie à la création de l’Espagne au
travers de la réunification des royaumes. Le drapeau de
la ville de Figueras, cité ayant reçu sa première charte du
roi Jacques Ier, Jaume, en 1267, comporte des feuilles de
figuier (figueres en catalan) combinées aux armes du
royaume de Catalogne-Aragon.
Comme de nombreux édifices officiels catalans (mais
aussi basques, navarrais, valenciens ou galiciens), une
forte identité est revendiquée à travers la symbolique
héraldique et un lien avec une histoire fondatrice. Elle se
manifeste par une politique d’affichage qui transcende
l’espace national, se démarquant résolument de celui-ci.
F La Catalogne et les autres Régions
La Catalogne possède un lien fort avec Madrid, notamment grâce aux infrastructures routières et ferroviaires à
fort débit et grande vitesse, qui relient la capitale aux autres
métropoles européennes, connectant de facto Barcelone,
deuxième aire urbaine espagnole avec 4 856 000 habitants
(contre 5 900 000 pour Madrid).
Le littoral catalan constitue un avantage déterminant
dans la mondialisation et pour le tourisme. Bordant la
Méditerranée sur plus de 400 km, il possède plus d’atouts
que le Pays basque, en reconversion, et avec un littoral
plus court. Barcelone est un port international, le 42e mondial pour les conteneurs, après Algésiras et Valence.
La Catalogne a donc bien une dimension de pôle méditerranéen.
G Le cadre européen
1. Cinq Régions « NUTS 2 » (nomenclature d’unités territoriales statistiques entre 800 000 et 3 000 000 habitants) se
sont associées pour signer ce texte.
Cette union transfrontalière, reconnue par l’UE, se localise à la périphérie de l’espace national espagnol, un NordEst plus proximal de la mégalopole européenne. La somme
des critères économiques et démographiques francoespagnols fait diminuer le poids de la Catalogne en comparaison de ce qu’il est en Espagne. Des Régions semblent
se trouver avantagées : Midi-Pyrénées et Aragon avec un
accès au littoral qui les désenclave, les îles Baléares et le
Languedoc-Roussillon avec un arrière-pays plus profond
et mieux connecté. Les apports pour la Catalogne sont
ceux d’une dimension plus européenne, dans sa superficie, son poids économique et démographique.
L’Eurorégion, par sa volonté de positionnement comme
axe méditerranéen et ses politiques d’infrastructures
échappant aux décisions nationales, projette la Catalogne
à l’échelle européenne, exerçant l’une des dynamiques
centrifuges catalanes par rapport au reste de l’Espagne.
2. La Catalogne s’inscrit dans un cadre économique
comparable à celui d’autres espaces nationaux moteurs de
l’UE. L’association des autres Régions espagnoles similaires,
à l’exception de la capitale, crée un effet septentrional
espagnol, à proximité du cœur économique européen.
L’Espagne dans son fait régional ne montre aucune
homogénéité ; elle regroupe les quatre types de Régions
définies par les fonds structurels européens. Suivant les statistiques européennes de 2007, la répartition donne :
8 Régions (24 % du territoire et 43 % de la population) en
« compétitivité et emploi », 3 Régions (25 % du territoire et
21 % de la population) en phasing in, 2 Régions (4 % du
territoire et 6 % de la population) en phasing out, 4 Régions
(47 % du territoire et 30 % de la population) en « convergence ».
3. L’Alta Velocidad Española relie depuis 2008 la capitale de la Catalogne à Madrid en 2 heures et demie. Les
constructions de lignes mixtes (TGV et fret) sont proches
d’être achevées pour la liaison nord, Figueras-Perpignan
(capitale catalane française). Mais cette dernière n’est pas
raccordée à Barcelone ! Le raccordement PerpignanMontpellier ou Toulouse n’est pas encore planifié.
Contraintes techniques d’écartement de voie, sens de
circulation et matériels différents, infrastructures franchissant le col pyrénéen au niveau du Perthus, mises en
concessions privées et subventions venant d’horizons
nationaux et européens sont autant d’obstacles à une
connexion de la Catalogne avec le reste de l’Eurorégion.
Le problème est d’autant plus aigu que les autoroutes
sont facilement saturées: sur un trafic de plus de 50 millions
de tonnes par an, transitant par le versant méditerranéen
des Pyrénées, plus de 90 % se réalise par route.
>> ACTIVITÉS
1 Étude d’un dossier documentaire: la Catalogne, Région espagnole?
Première partie.
Analysez, y compris de matière critique, les documents en répondant notamment aux questions suivantes :
1. Localisez la Catalogne. (DOCS A et C )
2. Définissez la Région autonome catalane. (DOCS C et D )
3. Comment s’affirme le particularisme catalan ? (DOCS A , D et E )
4. Quelles sont les perspectives européennes de la Catalogne ? (DOCS A et G )
Seconde partie
À l’aide des documents ainsi que de vos connaissances personnelles, vous rédigerez une réponse organisée
à la question : « La Catalogne, une Région espagnole? »
2 Attendus
Première partie
1. Le DOC A est un document publicitaire produit par la Catalogne, qui permet de situer cette Région dans le
cadre du sud de l’Europe et de l’Union européenne, du nord-est de l’Espagne, limitrophe de la France, et du littoral
ouest du bassin méditerranéen.
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2. Le texte officiel et la carte des découpages administratif et linguistique régionaux met en évidence la
« nationalité » catalane, prévue par la Constitution espagnole. Cette région géographique autonome, officiellement
bilingue, s’appuie sur une histoire fondatrice. Elle bénéficie de la souveraineté politique de la Generalitat.
3. En plus des autres documents, la photographie de la mairie, édifice officiel avec ses pavois, montre comment
l’affichage officiel dépasse le cadre national espagnol et inscrit la Région au cœur de l’Europe. Comme une autre
« nation », la Catalogne a sa langue officielle, son hymne et ses symboles propres, différents de ceux de l’Espagne.
4. La publicité (DOC A ) et le document institutionnel de l’Eurorégion (DOC G 1) mettent en valeur cette
association de cinq Régions limitrophes appartenant à l’UE, à la fois espagnoles et françaises, transfrontalières.
Cette échelle requiert des infrastructures modernes et puissantes, notamment en termes de connexion.
Seconde partie
1. Introduction présentant le sujet, reprenant une localisation de la Catalogne, et définissant le mot « Région ».
2. Arguments.
– Un espace régional espagnol fragmenté et hétérogène.
– La Catalogne, un espace régional espagnol singulier (DOC C ), de même taille et de même rang que d’autres
régions motrices européennes (DOC G ).
– La Catalogne, un particularisme basé sur un statut particulier accordé lors de la Transition démocratique
espagnole (DOC E ), avec une forte autonomie et une souveraineté. L’une des plus puissantes Régions d’Espagne.
– Des ambitions et un développement autonome à l’échelle européenne (DOC A ) ou en association avec d’autres
Régions aux intérêts communs (DOC G ).
– Mais on constate des effets centrifuges, sans ferme coopération avec la capitale. Le projet du PHN, plan
hydrologique national en 2001, avait donné lieu à une forte opposition régionale populaire de la part, entre autres,
de la Catalogne. La politique hydrique catalane s’est attiré les foudres de l’Aragon en 2008 sur le transfert des
eaux de l’Èbre. Barcelone, la même année, a fait rentrer plusieurs bateaux d’eau potable venant de Marseille.
– Effet centripète, un lien encore privilégié avec la capitale madrilène : la connexion à grande vitesse est achevée
pour Barcelone-Madrid, mais inachevée pour la connexion avec le réseau TGV français (DOC G ).
© CNDP
3. Conclusion reformulant le sujet, et y répondant par un oui et non modéré, à l’aune des arguments proposés,
tout en soulignant le particularisme régional espagnol en comparaison avec la France.