Aux fondements de la Formation des Adultes

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Aux fondements de la Formation des Adultes
Colloque 1
Aux fondements de la Formation des Adultes
Présenté par : Thierry Ardouin (Université de Rouen, Fr) [email protected], Patricia Remoussenard (Université de Lille3, Fr) [email protected], Philippe Maubant (Sherbrooke, Qc,
C) [email protected]
La formation des adultes est désormais une réalité socioprofessionnelle avec ses pratiques, ses acteurs et ses institutions. La formation renvoie à une diversité de niveaux et de grille d’analyse. La formation est un produit, en tant que
résultat d’un travail d’appropriation avec un niveau de qualification atteint ou revendiqué. Elle renvoie une situation,
c’est à dire la mise en relation de différents acteurs dans un cadre pédagogique donné. Elle est aussi un processus, en
tant que démarche d’apprentissage et de changement pour les individus ou les organisations. Enfin la formation est
aussi une institution, comme un système organisé ayant une réalité sociale intégrée à la société.
Cette diversité interroge la place de la personne, du groupe, de l’organisation, des dispositifs d’apprentissage, mais aussi
les objectifs et plus globalement des finalités et valeurs.
Le développement de la formation tire en partie son essence en opposition avec le modèle scolaire et dans les fondements psychosociologiques de la formation des adultes issus de courants majeurs que sont : la psychosociologie
clinique, l’approche lewinienne de la dynamique des groupes, le courant rogérien et la démarche socioconstructiviste
On peut faire l’hypothèse que les pratiques de formation sont actuellement tellement intégrées par les acteurs et professionnels du champ qu’ils en oublient leur provenance et que les fondements sont devenus des «évidences» ou des
«allant de soi».
Nous proposons dans ce colloque d’interroger les fondements de la formation des adultes, ses origines, les conditions
de construction, de professionnalisation et d’institutionnalisation de ce champ, ses valeurs, idéaux/idéologies, finalités,
ses relations avec les autres champs de pratiques professionnelles, leurs acteurs et institutions en vue de les interroger,
d’en dresser un panorama, en France et sur le plan international, ou tout du moins de proposer un temps d’interrogation
dans une approche pluridisciplinaire.
Les communications porteront sur :
• les approches historiques de la formation des adultes ;
• les approches épistémologiques situant le champ de pratique comme objet de recherches (concepts, auteurs, paradigmes, méthodes) ;
• l’évolution des finalités, valeurs enjeux du champ de la formation des adultes ;
• Une mise en perspective histoire/actualité/avenir des pratiques et des institutions constituant le champ.
• Les contradictions et difficultés internes de ce champ de pratiques, leurs origines et leurs évolutions
• L’évolution des politiques de formation et des discours politiques sur les atouts et les limites du champ.
• Les concepts d’’instruction du peuple, de formation des adultes, formation professionnelle, formation permanente,
formation continue, formation tout au long de la vie.
• L’évolution des conceptions de la notion d’»adultes»
• Les déplacements ou effacements des frontières entre sphère du travail et sphère de la formation.
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• Les mondes sociaux de la formation
Thierry Ardouin (Université de Rouen,Fr) [email protected]
La formation ne renvoie pas seulement à la seule formation professionnelle continue. La formation s’est, en effet,
construite dans le temps à partir d’une diversité d’approches, d’expériences et d’idéologies : l’alphabétisation et la lutte
contre l’illettrisme, le développement local comme projet éducatif et de société, l’animation socioculturelle avec l’idée
d’accès pour tous à la culture dans l’esprit de l’éducation populaire, et la formation professionnelle continue. Parler
d’éducation permanente, c’est donc s’inscrire dans cette diversité et cette complexité de la formation des adultes. La
formation n’est pas unique et s’articule au sein et en interaction de trois sphères : l’éducation, le travail et la société. Nous
pouvons dire que la formation est présente dans différents mondes. Chacun a ses propres logiques, fonctionnements,
dispositifs et systèmes avec lesquels la formation interagit.
De fait la formation, par sa diversité, s’inscrit dans différents processus de développement de la personne et de la société.
Cette diversité, et la complexité sous jacente, est au cœur de la dialectique – toujours contemporaine – : la formation
cherche-t-elle à changer la société ou a-t-elle pour fonction l’adaptation de l’homme à l’appareil productif ? Cette problématique nécessite de questionner le concept de formation et l’historique de son développement.
• Education des jeunes et des adultes : spécificité et enracinement d’un terme dans les politiques d’éducation des adultes au Brésil
Inês Barbosa de Oliviera (Universidade do Estado do Rio de Janeiro , Brasil) [email protected], Stéphanie Gasse
(Université de Rouen, Fr) [email protected], Jane Paiva (Universidade do Estado do Rio de Janeiro, Br) [email protected]
L’éducation des jeunes et des adultes est née au Brésil des mouvements de lutte contre la négation et l’exclusion de
certaines catégories de la population du système formel. L’emprunte historique très vivace des expériences menées par
les mouvements d’éducation populaire au Brésil a profondément marqué une prise de conscience de la légitimité des
connaissances acquises en dehors de l’école et la reconnaissance implicite de leur potentiel formatif. Initialement espaces de résistance et d’opposition face au manque d’investissement de l’état pour l’éducation des jeunes et des adultes,
les initiatives et micro-projets entrepris localement occupent désormais une position privilégiée dans le débat. Dés lors,
le rôle actif joué par les organisations de la société civile dans le domaine de l’éducation populaire, pour les jeunes et les
adultes, implique l’inclusion dans un processus de décision démocratique.
La réalité de la situation éducative au Brésil donne ainsi des éléments d’explication de l’usage du terme EJA « Education
des Jeunes et des Adultes » plutôt que l’expression de « formation des adultes ». Ce terme s’enracine et se concrétise
à deux niveaux, d’une part au sein des Forums EJA (Education des Jeunes et des Adules), plateformes de discussion
vers l’équité et l’inclusion éducative démarrés en 1996 dans le cadre du processus de mobilisation de la 5e Conférence
internationale sur l’Education des Adultes (COFINTEA V) et d’autre part au niveau des politiques de décentralisation de
l’éducation qui encouragent une dynamique participative.
Notre contribution vise à décrire le rôle des Forums EJA en tant qu’espace démocratique, horizontal, pluriel et critique
; et à interroger le principe de responsabilité sociale conjointe de l’éducation des jeunes et des adultes en contexte décentralisé.
• L’analyse de l’activité et les débats fondateurs à propos de la formation des adultes dans les années
1960-70 en France
Patricia Champy-Remoussenard (Université Lille 3, Fr) [email protected]
Notre perspective est de situer les travaux sur l’activité professionnelle dans la relation entre travail et formation et par
rapport aux réflexions et débats que l’on peut considérer comme fondateurs au sujet de la formation des adultes en
France depuis les années 1960. En effet, un ensemble de travaux proposent, au cours des années 1960/70, et notamment au moment de leur institutionnalisation par les lois de 1971, une réflexion sur le champ des pratiques de formation
d’adultes qui accorde à l’activité humaine une place tout à fait stratégique dans le fonctionnement du processus de formation. Autour de l’Ecole de Nancy, B. Schwartz, M. Lesne défendent la thèse selon laquelle c’est notamment le rapport
de l’adulte à ses activités qui différencie son statut de celui de l’enfant et légitime des stratégies pédagogiques propres
à la formation des adultes (Schwartz, Besnard). Au même moment, une approche critique de l’analyse des besoins de
formation et qui propose un modèle d’élaboration des formations qui s’attache à comprendre les activités des acteurs et
les situations qu’ils traversent (Barbier, Lesne, Marquart, Touraine, Charlot). A la suite de démarches visant à améliorer la
formation professionnelle par l’étude du travail se développent des modes d’élaboration des formations et des diplômes
par référentialisation (construction de référentiels issus de l’analyse de l’activité).
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Dans le même temps, et depuis les premiers pas de l’ergonomie et de la psychologie du travail dans les années 1950, les travaux
et les méthodes d’analyse du travail se développent dans la sphère scientifique (comme le traduit l’évolution des publications)
et suscitent de plus en plus d’intérêt dans les milieux de la formation et des ressources humaines. C’est cette montée en puissance conjointe de l’intérêt pour l’analyse du travail dans le champ de la formation et dans les pratiques de recherche que nous
mettrons en débat dans notre communication.
• Deux approches et deux temporalités. Proposition d’une double mise en tension pour éclairer les fondements
de la formation des adultes
Daniel Faulx (Université de Liège, B) [email protected]
Cette contribution articule deux réflexions :
1. Le champ de la formation se structure autour de deux approches qui apparaissent dominantes aujourd’hui : les approches
ergonomiques, qui accordent une grande place à l’analyse du travail, et les approches psychosociologiques pour lesquelles le
groupe est un ressort essentiel. Si elles partagent des “évidents” (proposer des modes d’apprentissage alternatifs au système
scolaire, développer l’apprentissage par et dans l’action, ...), chacune a développé des concepts, des épistémologies et des outils
propres révélant des manières différentes de voir la formation.
2. Les fondamentaux des deux courants ont émergé au cours des années 40-50 avant que la formation n’explose comme pratique depuis les années 60. Ces “allant de soi” portent la livrée de leur temps, celui de la société “moderne”. Or, depuis l’apparition
de la société “postmoderne”, se sont modifiés les rapports à l’espace-temps, la place des individus, les modèles économiques, les
dynamiques identitaires, les modes de consommation, ce qui amène à des contradictions entre les présupposés de la formation des adultes et les caractéristiques des sociétés contemporaines.
Cette double opposition, interne et externe au champ de la formation constitue une heuristique qui permettra d’en éclairer les
évidents mais aussi de dessiner des pratiques nouvelles.
• L’influence de l’international dans l’infléchissement des politiques de formation en direction des adultesfemmes en France dans les années 1960
Françoise Laot (Université Paris Descartes) [email protected]
Comme une recherche archivistique nous a permis de l’établir (2010), la politique de promotion sociale pilotée par la Délégation
générale à la promotion sociale au début des années 1960 avait totalement oublié les femmes en tant que cibles des actions de
formation. Mais au milieu de la décennie, cette position devient de moins en moins tenable et les décideurs en viennent petit
à petit à reconsidérer la question.
Plusieurs événements nationaux et internationaux poussent cela.
Pour les événements internationaux, citons la recommandation de 1960 de l’Unesco visant à contrer la discrimination dans
le domaine de l’éducation et les résolutions de 1963, 1964 et 1965 aux termes desquelles il est jugé « souhaitable d’établir un
programme à long terme pour la promotion de la femme ». Les États membres sont alors invités à rendre compte de la situation
dans leur pays. La Fédération syndicale mondiale, quant à elle, réunie à Turin en février 1968, vote une charte dans laquelle la
nécessité de la formation professionnelle des jeunes filles et des femmes est soulignée.
Cette communication propose de revenir sur ces événements et de montrer comment et avec quels résultats ils ont contribué
à influencer les politiques nationales de formation d’adultes.
• Comment l’éducation populaire permet à la formation des adultes de réussir le pari de l’École nouvelle : instruire, socialiser et qualifier
Philippe Maubant (Université de Sherbrooke, Qc, C) [email protected], Lucie Roger (Université de Sherbrooke
,Qc, C) [email protected]
Il y a quelques années, Françoise Laot (1999 et 2002) développait et enrichissait la thèse de Forquin (2002) en interrogeant
le terme d’adulte. Qu’est-ce que l’adultéïté ? À l’instar de Fabre (1994), nous pourrions interroger les finalités d’une formation
d’adultes ? Ou poser la question qu’est-ce que former ? Aujourd’hui, la formation des adultes cherche à répondre à différentes
missions : adaptation de la main d’oeuvre aux exigences du monde du travail, accompagnement des mouvements de main
d’oeuvre, ayant souvent comme corolaires la déprofessionnalisation des travailleurs, requalification... Bertrand Schwartz (1988)
considérait que la puissance visionnaire de la formation des adultes résidait dans sa capacité à développer et à mettre en œuvre
simultanément différentes missions éducatives. Qu’en est-il aujourd’hui ? Pour répondre à cette question, sans doute convient-il
de regarder du côté de l’éducation populaire pour retrouver des illustrations de cette ambition ensemblière et fédératrice de la
formation des adultes.
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En convoquant Labelle (1996 et 2008), nous pourrions considérer que l’éducation populaire, dans l’héritage de l’École
nouvelle, est cette occasion où se retrouvent des proximités, des connivences de finalités, dans une combinatoire dont
chaque adulte a le secret et où diverses logiques des désirs de la personne et des impératifs de la société sont pris en
compte, et où dans un même mouvement on cherche à instruire, à socialiser et à qualifier. Notre communication s’organisera en trois grandes parties : la première mettra en évidence les grandes tendances d’évolution de la formation
des adultes depuis une dizaine d’années. Une seconde partie montrera de quelles manières les fondements de l’École
nouvelle et de l’Éducation populaire traversent l’évolution de la formation des adultes. Une troisième partie proposera
d’identifier de quelles manières il est possible aujourd’hui d’inscrire dans les valeurs de la formation des adultes les ambitions et les propositions pédagogiques de l’éducation populaire.
• La compétence dans le champ de la formation des adultes ou le succès d’une notion pol(ys)émique
Najoua Mohib (Université de Strasbourg, Fr) [email protected]
Dominant tant le discours social que celui de la recherche, la notion de « compétence » s’est imposée en trois décennies
pour penser la relation formation-emploi. Entendue comme un terme pragmatique liant de façon étroite connaissance
et action, cette notion fait l’objet d’une perpétuelle construction sociale. Toutefois, la diversité des usages et la variété
des discours sur la compétence révèlent de réelles confusions théoriques et épistémologiques.
Confusions épistémologiques car la compétence renvoie tantôt à une réalité extérieure aux individus (outil de gestion
de l’échange salarial, moyen d’évaluation…), tantôt à une réalité indissociable du sujet agissant (habilité, aptitude, performance, capacité, savoir-faire…). Or, les distinctions entre les termes ne sont pas toujours claires et des glissements
sont fréquents. Confusions théoriques car aucune science ne semble en effet habilitée à fonder une signification claire
au terme « compétence » (Stroobants, 1998).
Nous montrerons à travers cette communication que si l’usage de la notion de compétence dans le champ de la formation reste fortement lié à l’influence de son origine juridique, elle continue de faire débat aussi bien « dans le monde des
pratiques professionnelles de la formation [que dans] le monde de la recherche sur la formation » (Barbier et al., 2009).
• Tendances d’évolution de la formation des adultes (dispositifs proposés et fonctions remplies)
Richard Wittorski (Université de Rouen, Fr) [email protected]
Notre contribution porte sur l’analyse des évolutions de la formation des adultes conduisant à interroger une transformation possible des fonctions remplies. Notre propos consistera notamment à insister sur les évolutions combinées du
travail et de la formation. Les transformations du champ du travail observées depuis 40 ans ont pour première incidence
de valoriser un modèle de travail plus flexible qui s’accompagne d’une redéfinition importante de ses conditions de
prescription et d’évaluation. Ces évolutions ont des répercussions directes dans le champ de la formation des adultes,
conduisant à penser autrement à la fois les objectifs de formation (développer des compétences professionnelles plus
directement en lien avec les nécessités du travail et de son changement) et la forme ainsi que les modalités de réalisation de la formation (vers un rapprochement entre travail et formation, le développement de formations en situation de
travail… traduisant une intention de professionnalisation plus grande de l’offre de formation). Ces évolutions ne sont
pas sans effet sur un déplacement progressif du rôle du formateur et posent de façon nouvelle la question des fonctions
réellement assurées par la formation des adultes (au service de la promotion sociale et/ou au service des impératifs
d’efficacité du travail).
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